Préhistoire : percées en cours
p. 101-102
Texte intégral
1À chaque génération, les préhistoriens peuvent se réjouir de constater combien se diversifient et se perfectionnent leurs techniques d’analyse nourries d’interdisciplinarité. Dresser périodiquement un tel bilan incite à l’enthousiasme aisément partageable. La préhistoire fascine par son contenu autant que par les outils spécialement affûtés pour révéler des traces si discrètes qu’elles ne sont pas toutes immédiatement visibles. L’attrait provient aussi de l’humilité à laquelle incite la construction d’un savoir si lacunaire. Les sites archéologiques étant peu nombreux en proportion des étendues temporelles, les points d’appui restent rares et les bases statistiques fragiles. Il faut consacrer alors beaucoup de soin à ces modestes appuis et il peut suffire d’une découverte (un autre fossile humain, une séquence stratigraphique copieuse, un habitat miraculeusement préservé, une nouvelle grotte ornée…) pour que s’opère un changement de direction – voire de paradigme – dans une progression qui n’en reste pas moins cumulative.
2Dans cette nouvelle partie, quelques inflexions des vingt dernières années se repèrent. On pense aux conditions mêmes de l’échantillonnage archéologique avec l’essor des recherches préventives (donnant accès aux grandes profondeurs d’enfouissement ainsi qu’aux larges surfaces). Viennent aussi à l’esprit la restitution affinée des milieux (et la perception de l’empreinte, longtemps infinitésimale, des humains) ou encore les apports de la paléogénomique (augmentant les bases statistiques d’une histoire des humains perçus enfin comme des populations et non plus seulement comme des spécimens). Il y a également toutes sortes de « tracéologies » élargissant le domaine du perceptible, qu’il s’agisse d’actes explicitement symboliques ou non. Parfois, c’est le seul moyen pour appréhender des systèmes techniques presque entièrement disparus, comme ceux reposant sur le végétal. Il devient alors possible d’apercevoir des oubliées de l’histoire très ancienne puisque l’anthropologie nous apprend que le travail des matériaux fragiles revient souvent au genre féminin dans les sociétés récentes de chasseurs-cueilleurs.
3Dans ce florilège d’élucidations en cours, le recul manque pour identifier les germes de nouvelles démarches et théories. Il se confirme néanmoins que de nouvelles voies s’ouvrent de manière flagrante avec la paléogénomique ou encore avec l’appréciation des durées, abordée à nouveau ici par endroits. Il en va pareillement pour les territoires préhistoriques désormais analysés au prisme de la morphologie réticulaire qu’on leur connaît chez les nomades. On voit poindre aussi une attention scrupuleuse aux dimensions idéelles s’exprimant dans le traitement du gibier, jusqu’ici abordé selon des perspectives plutôt utilitaristes. Idéel versus matériel, voici d’ailleurs une frontière qu’il faudra sans doute estomper, les deux dimensions étant si intriquées. Mais comment y parvenir avec nos sources ? Comment, avec les mêmes contraintes, les Homo sapiens que nous sommes doivent-ils aborder d’autres intelligences et symboliques que la nôtre, celles de Néandertal par exemple ? Pour s’aventurer sur cette ligne de crête très étroite entre Sapiens-centrisme et Sapiens-morphisme, il faut de nouveaux explorateurs et il est très stimulant de compter sur eux.
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