12. Physiognomonie et portrait
p. 117-133
Texte intégral
1Les représentations d’un souverain ou d’un criminel constituent assurément des cas particuliers. Elles n’en soulèvent pas moins la question de savoir si – et, le cas échéant, comment – les qualités ou les défauts moraux d’une personne peuvent se lire sur son aspect extérieur. La physiognomonie promettait une réponse à cet égard. La discipline n’en était qu’à ses balbutiements, même si l’Antiquité avait déjà formulé des réflexions sur le rapport entre le caractère d’un homme et son corps, et en particulier son visage. La physiognomonie ambitionnait désormais de s’affirmer comme une science. En effet, ce furent d’abord des médecins qui s’intéressèrent à cette méthode.
2Le coup d’envoi fut donné par le médecin napolitain Giovanni Battista della Porta en 1586, avec la publication de son De humana physiognomonia, première étude exhaustive des Temps modernes consacrée à ce sujet. Il faudra néanmoins attendre 1655, soit plus d’un demi-siècle, pour que ses idées soient reprises en France avec la traduction de son ouvrage sous le titre La Physionomie humaine (une autre édition française paraîtra en 1665). Il n’est certainement pas fortuit que la physiognomonie se soit établie en France comme une discipline autonome à une époque où l’on réfléchissait aussi dans d’autres domaines à la possibilité de décrire l’être humain. En s’appuyant sur les textes antiques, notamment les écrits du Pseudo-Aristote, della Porta situe la physiognomonie entre philosophie et médecine, et la définit comme un moyen de déceler la nature d’un individu à partir de ses caractéristiques physiques.
« C’est donc une methode, qui fait connoistre quelles sont les mœurs et le naturel des hommes, par les signes qui sont fixes et permanens au Corps, et par les accidens, qui changent les signes195. »
3Dans sa démarche investigatrice, il est mû par le souhait
« […] que la poictrine des hommes eût une fenestre, afin que les sentimens les plus occultes et secrets ne s’y peussent cacher, sans estre apparçeus ; mais qu’estant entierement ouverte à tous, on pûst lire à clair dans le cœur ce qu’il desireroit, ou pourroit mediter, s’il diroit vray, ou faux196 ».
4Selon lui, cette discipline doit être utile à tous, car elle permet de se rapprocher des hommes bons et de s’écarter des mauvais. Elle sert également à se connaître et à s’instruire soi-même. Face au miroir, l’observateur versé en physiognomonie peut remarquer si son corps a évolué en mal ou s’il dénote des traits négatifs lui suggérant de changer son mode de vie197. Della Porta souligne surtout ses avantages pour la politique et la médecine. Aristote a tenté ainsi de convaincre Alexandre le Grand de l’importance de cette discipline, arguant du fait « qu’à l’inspection du visage il doit choisir des officiers pour les charges de son Royaume198 ». Ces connaissances, enfin, sont utiles au médecin pour identifier les maladies.
5La première des quatre parties de l’ouvrage est consacrée aux questions générales. L’auteur donne une définition de la physiognomonie, cite en particulier les antécédents antiques et ancre sa propre méthode dans les différentes approches visant à expliquer la formation du caractère humain. La partie la plus significative de son analyse est la deuxième, où della Porta interroge le corps et surtout le visage pour y déceler des traits de caractère. Le propos est illustré par une série de physionomies humaines confrontées à des têtes d’animaux. Partant de la conviction que les animaux possèdent un caractère précis en fonction de leur race, l’auteur cherche, dans la tradition des études antiques, des similitudes permettant de repérer les particularités présumées d’un animal dans un homme d’aspect semblable. La troisième partie est dédiée à l’œil humain comme principal support expressif199 ; là aussi, l’auteur recourt à des comparaisons avec le règne animal. Si ces deux parties prennent appui sur le visage humain (et accessoirement aussi sur le reste du corps), la quatrième suit le cheminement opposé. Ici, della Porta se demande comment se présentent un « homme iuste », un « homme iniuste », un « homme méchant » ou un héros. Parcimonieuses, les quelques illustrations de ce livre ne montrent pas le visage humain, mais une figure masculine ou féminine nue.
6En France, c’est essentiellement le médecin de Louis XIV, Marin Cureau de La Chambre, qui s’empare du sujet. De même que les affects humains, dont l’analyse est au cœur de son ouvrage en cinq volumes Les Charactères des passions (1640-1662), il considère la physiognomonie comme partie intégrante d’une vaste science qu’il appelle Art de connoistre les hommes, définition qu’il reprend pour titre de sa publication en trois volumes (1659-1666)200. Il critique la physiognomonie classique, déplorant que « son pouvoir ne s’estende pas plus loin qu’à faire connoistre les inclinations presentes et tirer de là quelques conjectures pour les vertus et pour les vices201 ». Il pense pouvoir compenser ses faiblesses en l’inscrivant dans un contexte plus ample, en intégrant des passions antérieures et ultérieures, en prenant en compte les forces et les défaillances de l’intellect, les attirances et les répulsions, les habitudes. En effet, il va plus loin que della Porta, car il cesse de s’appuyer sur la comparaison entre physionomies humaines et animales, et remet même en question sa pertinence202. À l’instar de della Porta, Cureau de La Chambre se considère comme un médecin et les jugements moraux ne constituent pas la priorité de ses réflexions. Il se préoccupe plutôt de l’utilité de ses recherches dans la vie pratique, notamment pour s’orienter au sein des milieux de cour. Dans sa dédicace au surintendant des Finances Nicolas Fouquet, il décrit les bénéfices de la discipline en ces termes :
« Le dessein, Monsieur, est la Connoissance generale de tous les Hommes ; c’est l’Art qui apprend à découvrir leurs plus secretes Inclinations, les Mouvemens de leur Ame, leurs Vertus et leurs Vices. Ie ne croy pas qu’on vous puisse rien presenter qui vous doive estre plus agreable ny plus avantageux que le moyen qui peut vous faire connoistre les autres et vous faire connoistre aux autres. Ie ne parle pas de cette Connoissance publique qui frappe les yeux du peuple, et qui est ordinairement masquée ; mais de celle qui donne la vie privée, le cabinet, et le fonds du Cœur203. »
7Plusieurs autres ouvrages sur la physiognomonie virent le jour, mais aussi sur la métoposcopie, qui se fonde sur le dessin des lignes du front pour décrire le caractère204, ou sur la chiromancie, qui scrute les lignes de la main en vue d’y recueillir des informations sur la nature d’un homme205, le niveau des prétentions étant ici très varié. L’engouement pour la physiognomonie s’expliquait également par la croyance populaire qui pensait lire la destinée d’une personne sur son visage, et par les prédictions de l’avenir qui reposaient sur l’observation du visage et des mains206. Cette popularité n’était pas sans susciter des doutes quant au sérieux des interprétations physiognomoniques, doutes qui conduisirent les publications scientifiques à se distancier de telles méthodes ; ce succès assura néanmoins dans les couches les plus diverses de la société une sensibilité vis-à-vis des particularités physionomiques, dont on ne saurait minimiser l’impact dans la réception des portraits.
8Il est rare que ces auteurs réfléchissent à une éventuelle utilité de leur discipline dans le domaine artistique. Della Porta effleure incidemment la question dans son avant-dernier chapitre, consacré à la physionomie du héros, où il évoque l’incapacité de l’art à exprimer le vrai tempérament héroïque207. Les autres auteurs sont peu loquaces à ce propos, même si certains, comme della Porta, recourent à l’art pour expliciter leurs idées. De son côté, la théorie artistique ne se rapprocha qu’avec circonspection de la physiognomonie, bien que l’art eût utilisé dès l’Antiquité les possibilités expressives offertes par cette discipline. Pomponius Gauricus semble être le premier, dans son De sculptura (1504), à avoir envisagé son importance pour l’art. Au début du premier chapitre, il présente les positions de physiognomonistes antiques : Aristote pensait que l’âme et le corps s’adaptaient mutuellement, alors qu’Adamantius transposait les traits de caractère des animaux aux hommes possédant des caractéristiques physionomiques similaires208. Ces arguments, toutefois, ne jouent qu’un rôle secondaire dans la suite de son exposé. Gauricus s’emploie plutôt à répertorier de façon systématique les diverses formes adoptées par chaque partie du visage et du corps, et les associe à des traits de caractère. Il prête la plus grande attention aux yeux, « animorum nostrorum fenestras » (les fenêtres de nos âmes)209. De manière générale – d’après l’auteur –, la discipline représente un gain pour l’homme, car celui-ci, muni des connaissances appropriées, peut mieux organiser sa vie, nouer plus sûrement des liens ou éviter le contact avec d’autres personnes. La physiognomonie permet en outre au sculpteur de représenter des figures disparues. Gauricus évoque ici deux stratégies artistiques, consistant soit à travailler d’après le modèle vivant,
« vel Mortuorum praesentias ex notissimis eorum moribus imaginabimur. […] Apud Statuarios uero tanti erit, ut nobis illum ipsum qui tantopere desideratur Homerum, Ipsosque graeciae sapientes Cleobulum, Periandrum, Solonem, Thalem, Chilonem, Pictacum, Biantem, Atque e nostris utrumque Catonem, ipissimos praesentare faciliter possint ».
(soit à imaginer l’apparence des morts d’après leurs caractères moraux bien connus. […] Elles [les connaissances de la physiognomonie] ont tant d’importance pour la sculpture qu’elles nous permettent de représenter réellement cet Homère dont l’image nous manque tellement, et ces sages de la Grèce, Cléobule, Périandre, Solon, Thalès, Chilon, Pittacus, Bias, et aussi, parmi les Latins, les deux Catons210.)
9Selon Gauricus, la physiognomonie est surtout importante pour la représentation de personnes défuntes, dont l’aspect ne doit pas être reconstitué à l’aide de sources iconographiques authentiques, mais par la transposition sur le visage de traits de caractère connus ou admis au moyen d’équivalences physiognomoniques. Cette réflexion sera reprise par la suite en avançant deux arguments pour justifier la négligence du véritable aspect de personnages historiques (et parfois aussi contemporains). Le premier, plutôt de nature pragmatique, se fonde sur le manque de portraits authentiques auxquels se référer. Le second, plus général, considère que le portrait original est accessoire pour une figure historique, car la postérité s’intéresse moins à son apparence extérieure qu’à son tempérament. À l’inverse d’une idéalisation classique répondant à un canon de beauté, la négligence de la réalité extérieure participe de la volonté de transmettre un « portrait de caractère », lequel revêt une signification supérieure. Tel fut aussi le raisonnement de Michel-Ange pour les statues du tombeau de Laurent et Julien de Médicis à San Lorenzo, à Florence, au sujet duquel Niccolò Martelli écrit dans une lettre du 28 juillet 1544 citée par Giorgio Vasari :
« [Michelangelo] nella libreria di S. Lorenzo della città di Firenze, avendo in quella a scolpire i signori illustri della felicissima casa de’Medici, non tolse dal Duca Lorenzo né dal Sig. Giuliano il modello appunto come la natura gli aveva effigiati e composti, ma diede loro una grandezza, una proporzione, un decoro, una grazia, uno splendore, qual gli parea che più lodi loro arrecassero, dicendo che di qui a mille anni nessuno non ne potea dar cognizione che fossero altrimenti, di modo che le genti in loro stessi, mirandoli, ne rimarrebbero stupefatti. »
([…] lorsque Michel-Ange […], dans la bibliothèque de S. Lorenzo de la cité de Florence eut à sculpter les statues des illustres seigneurs de la très heureuse famille des Médicis, il ne prit ni pour le duc Lorenzo ni pour le seigneur Giuliano le modèle que la nature avait conçu et façonné, mais il leur donna une grandeur, des proportions, un décorum, une grâce, une splendeur dont il pensait qu’ils leur vaudraient plus de louanges, disant que d’ici à mille ans personne ne pourrait plus donner à connaissance qu’ils fussent autrement, de sorte que les gens en les admirant en demeureraient stupéfaits211.)
10S’il s’agit peut-être là de l’un des nombreux mythes qui enveloppaient Michel-Ange déjà de son vivant, cette histoire n’en contient pas moins deux réflexions intéressantes. La première concerne la démarche d’un talent universel qui donne la primauté aux considérations strictement artistiques. Contemporain de la lettre de Martelli, le scandale autour du Jugement dernier à peine achevé dans la chapelle Sixtine, à Rome, avait mis en lumière dans un autre médium une stratégie analogue de la part de Michel-Ange. Un second point semble plus essentiel encore. À en croire les faits rapportés, le portrait selon Michel-Ange n’était pas prioritairement la restitution du visage apparent d’une personne, mais la visualisation de ses qualités véritables ou présumées. Manifestement, il cherchait un moyen de révéler des caractéristiques qu’il est plus facile de décrire par des mots dans le portrait littéraire que de faire ressortir dans l’aspect extérieur. Il était persuadé que la physiognomonie, du moins dans la représentation artistique, peut nous renseigner sur la nature intime de l’homme. À l’inverse de l’historiographie, pour laquelle l’authenticité du portrait était capitale, il estimait que sa mission était de transmettre à la postérité les qualités et valeurs intérieures d’une personne, notamment d’un souverain, et moins son aspect extérieur.
11Ce postulat est corroboré par Lomazzo, qui ne se souciait pas outre mesure de la ressemblance des deux sculptures. Il les invoque bien davantage comme exemples d’une parfaite symbolisation de la grandeur et du prestige des deux princes, exprimés ici à travers leur costume et leurs armes :
« […] i ritratti di marmo di Lorenzo, e di Giuliano di Medici, Duci di Fiorenza posti nella sacristia loro insieme con altre figure di mano del Buonarotto, si veggono armati co’l bastone in mano, e con gl’habiti tanto accommodati all’anticha che di più eccellente per nobiltà, e artificio non si può vedere. »
([…] les portraits en marbre de Lorenzo et Giuliano di Medici, ducs de Florence, placés dans leur sacristie avec d’autres figures de la main du Buonarotto, se voient armés du bâton à la main, avec des vêtements accommodés à l’antique, tels qu’il n’existe rien de plus excellent par la noblesse et l’art212.)
12L’exigence de ne pas montrer le vrai visage d’une personne, mais une construction à même de traduire son caractère intrinsèque en des catégories physiognomoniques, se rencontre souvent dans le contexte du portrait princier. Elle va clairement au-delà de la référence classique à une théorie du portrait idéaliste prônant la correction des défauts. Giovanni Battista Agucchi remarque ainsi :
« […] la merita lode à que’ Pittori, che fanno ottimamente un ritratto. Poiche se bene ad operare perfettissimamente non si dovrebbe cercare, quale sia stato il volto di Alessandro, ò di Cesare, ma quale esser dovrebbe quello di un Re, e di un Capitano magnanimo, e forte. »
([…] le mérite revient à ces peintres qui font de très bons portraits. Car pour travailler d’excellente manière il ne faudrait pas chercher quel fut le visage d’Alexandre ou de César, mais comment devrait être celui d’un Roi ou d’un Capitaine magnanime et fort213.)
13Il semble que Simon Vouet ait procédé de façon tout à fait analogue pour la galerie des Hommes illustres de Richelieu. Comme le rapporte Sauval, il inventa une grande partie de ses portraits « et tacha simplement à leur donner des têtes et des attitudes, qui repondissent à la grandeur de leur ame214 ». Pour celui de Gaucher de Châtillon, il écrit :
« […] le plus accompli [portrait] de Vouet est celui de Gaucher de Châtillon […]. Vouet dans l’attitude de cet Homme Illustre s’est efforcé de representer la qualité de gaucher, qui lui étoit naturelle, et qu’il avoit apportée avec lui en venant au monde215. »
14Les déclarations de Sauval suggèrent que Vouet pourrait avoir pensé à un système de traits physiognomoniques susceptible de l’aider à rendre le caractère d’un personnage, et que ce procédé lui paraissait plus important que la quête de modèles authentiques préconisée par Champaigne. Il aurait pu répondre aux critiques avec les mêmes arguments qu’avait formulés Michel-Ange. Vouet pouvait se sentir conforté dans sa démarche par Gauricus, lequel voyait dans la physiognomonie la possibilité de « […] Mortuorum praesentias ex notissimis eorum moribus imaginabimur » ([…] imaginer l’apparence des morts d’après leurs caractères moraux bien connus216). Vouet ne niait donc pas la vérité, mais sa conception de la vérité était différente de celle de Champaigne.
15Ces réflexions furent invoquées dans le cas de portraits de personnages défunts. Il est nettement plus délicat de prouver que des principes physiognomoniques furent aussi appliqués pour des portraits de contemporains exécutés d’après le modèle vivant. La théorie artistique formule peu de remarques à ce sujet. Certes, les réflexions de Gauricus furent reprises par Francisco de Hollanda et Paolo Pino217, et, dans son commentaire du De arte graphica (1668) de Du Fresnoy, Roger de Piles souligne l’importance de la physiognomonie pour l’art du portrait. Il y explique qu’un portrait doit restituer les traits extérieurs et conférer au visage un aspect plaisant, mais que cela ne suffit pas. Il faut en outre s’employer
« […] à exprimer le veritable temperament des personnes que l’on represente, et à faire voir leur Phisionomie. Si la personne que vous peignez, par exemple, est naturellement triste, il se faudra bien garder de luy donner la gayeté, qui seroit toûjours quelque chose d’étranger sur son visage. Si elle est enjoüée, il faut faire paroistre cette belle humeur par l’expression des Parties où elle agit et où elle se montre. Si elle est grave et majestueuse, les ris trop sensibles rendront cette Majesté fade et niaise. Enfin, le Peintre qui a de l’esprit, doit faire le discernement de toutes ces choses ; et s’il sçait la Phisionomie, il aura bien plus de facilité et reussira bien mieux qu’un autre. Pline dit, “Qu’Apelle faisoit ses Portraits si ressemblans, qu’un certain Phisionomiste et Diseur de bonne avanture […] disoit en les voyant le temps au juste que devoit arriver la mort des personnes à qui ils ressembloient, ou en quel temps elle estoit arrivée, si la personne n’estoit plus en vie”218 ».
16Cependant, il ne fut établi qu’un lien partiel entre la théorie du portrait et la physiognomonie, car les difficultés étaient jugées trop grandes. Ainsi, le portraitiste Robert Nanteuil estimait visiblement le rôle de la physiognomonie si essentiel pour l’art du portrait qu’il voulait lui consacrer l’un des trois chapitres de son futur ouvrage théorique, Réflexions et maximes (les deux autres étant dédiés respectivement à la peinture et à la gravure). Ce chapitre, toutefois, ne vit jamais le jour219. Cette réserve de la théorie artistique contraste singulièrement avec l’importance évidente des caractéristiques physionomiques dans l’art du portrait, mais aussi avec la réception des écrits de della Porta par les milieux artistiques, intérêt sans doute également redevable aux xylographies – en dépit d’une qualité assez médiocre – illustrant son ouvrage. Les rapprochements entre physionomies humaines et animales, en particulier, allaient être abondamment repris.
17Premier peintre du roi et figure dominante de l’Académie royale, Charles Le Brun tenta de combler cette lacune par une systématisation ambitieuse. Comme pour les passions de l’âme, il visait manifestement une grammaire des traits physionomiques et de leur signification, fondée sur l’image, qu’il présenta à ses collègues artistes au cours de deux conférences tenues dans les locaux de l’Académie en septembre et novembre 1668. La tentative de Le Brun se situe donc à la même époque que la traduction de l’ouvrage de della Porta et l’analyse approfondie de Cureau de La Chambre. Même s’il connaissait sûrement les écrits du médecin de Louis XIV, il s’inscrivait davantage dans le sillage de della Porta, notamment pour les comparaisons de têtes humaines et animales, que Cureau jugeait peu pertinentes.
18Malheureusement, le texte de la conférence de Le Brun relative à ce sujet n’est pas parvenu jusqu’à nous220. Un résumé figure en annexe de la deuxième édition des résultats des conférences prononcées devant l’Académie, publiés par Henri Testelin sous le titre Sentimens des plus habiles peintres sur la pratique de la peinture et sculpture, mis en tables de preceptes (1696) ; il clôt le paragraphe « Sur l’expression générale et particulière »221. Le résumé est également joint au traité de Le Brun sur les passions humaines (1698). Par ailleurs, l’élève de Le Brun, Claude Nivelon, évoque le projet de façon relativement détaillée dans sa biographie de l’artiste222. Cependant, il n’est pas exclu qu’une publication immédiate et encouragée par le surintendant des Bâtiments, Jean-Baptiste Colbert, soit restée sans lendemain, car aucun texte similaire au traité des passions223 n’avait jamais été fixé par écrit. Pour l’expression des affects, Le Brun avait pu s’appuyer sur l’étude de René Descartes, Les Passions de l’âme (1649), et sa classification, alors que rien d’équivalent n’existait pour les physionomies. De toute évidence, Le Brun se heurta à des difficultés pour lesquelles il ne semble pas avoir trouvé de solution224.
19Outre les passages de Testelin et de Nivelon, nous possédons surtout les 262 dessins exécutés par Le Brun sur ce thème225. On peut les diviser en quatre groupes : portraits antiques, vues anatomiques de la tête, têtes animales et visages humains présentant des analogies avec des physionomies animales, yeux. Le Brun semble donc, pour commencer, suivre della Porta. Le médecin napolitain aussi plaçait la comparaison homme-animal au premier plan, lui aussi invoqua des portraits antiques et lui aussi considérait les yeux comme l’organe le plus important, à même de renseigner sur le caractère d’un homme ; il avait d’ailleurs consacré aux yeux l’une des quatre parties de son ouvrage. De toute évidence, Le Brun était très soucieux d’étayer scientifiquement ses réflexions, comme pour son étude des passions humaines. Ainsi s’expliquent ses dessins sur l’anatomie du crâne humain, dans lesquels il met à nouveau en exergue l’épiphyse comme organe capital, et ainsi s’expliquent surtout ses mesures qui servent de base à ses comparaisons entre têtes humaines et animales. En revanche, ses dessins comportent peu d’indications susceptibles de décrire les différents traits du caractère. Le Brun suit en cela les argumentations classiques telles qu’elles furent synthétisées par della Porta. Il semble toutefois avoir partagé le scepticisme de Cureau de La Chambre quant aux rapprochements homme-animal, car il les complète par des dessins d’après des bustes antiques de savants et de personnages politiques. Il est possible qu’il ne soit pas parvenu à élaborer une théorie conjuguant les diverses stratégies. Néanmoins, par ses dessins, il a fait grandement progresser les efforts en vue d’une systématisation des caractères physionomiques et contribué au développement d’une physiognomonie scientifique, même s’il n’est pas exclu que ses recherches l’aient conduit à douter de la possibilité d’une telle science.
20Même si les études de Le Brun ne sont sans doute pas arrivées à leur terme, elles aident toutefois à identifier un fond iconographique dans lequel les contemporains pouvaient puiser : les portraits antiques sculptés de philosophes et d’hommes d’État. Ces têtes, qui connurent une large diffusion grâce aux gravures et à de nombreuses copies, et pas uniquement en France, étaient souvent interprétées en parallèle avec des études de caractère. On associait à Néron le crime, à Auguste la bonté, à Sénèque la souffrance, à Socrate la laideur compensée par l’intégrité morale. Les gravures de Lucas Vorsterman, entre autres d’après les dessins de Pierre Paul Rubens, étaient célèbres (ill. 34). Manifestement, Le Brun avait lui-même exécuté durant son séjour à Rome un grand nombre de dessins d’après des portraits antiques, auxquels il pouvait se référer226. Les têtes antiques étaient intéressantes non seulement pour leur qualité, mais aussi et surtout parce qu’on était convaincu de posséder des données fiables sur le caractère des modèles. On savait aussi que les sculpteurs antiques suivaient des théories physiognomoniques227.
ill. 34 Lucas Vorsterman d’après Pierre Paul Rubens, Démocrite. Ex marmore antiquo, vers 1638, gravure, 26 × 21 cm, Londres, Wellcome Library, inv. 2450i

Crédit/Source : Wellcome Collection, https://wellcomecollection.org/works/vjcjgqge
21Quelles furent les répercussions de ce débat dans l’art du portrait ? Prouver l’application de principes physiognomoniques dans ce domaine n’est pas chose aisée, et ne semble possible en général que lorsqu’un portrait s’écarte de l’aspect réel du fait de l’utilisation d’analogies physionomiques, ne serait-ce que par l’accentuation ou l’atténuation de certaines caractéristiques du visage228. C’est dans le portrait royal que l’impact se révèle le plus net. On avait coutume d’attribuer au souverain des traits léonins. De même, le renforcement de parties spécifiques du visage n’était pas inhabituel. Le nez et le front, surtout, faisaient l’objet d’une attention particulière, comme en témoigne le portrait de Louis XIV par le Bernin. Cependant, toute insistance sur une zone du visage ne prouve pas un recours à des théories physiognomoniques. Il semble que le Grand Condé avait réellement un nez très marqué, ce qui pouvait être interprété comme la preuve de l’exactitude de la représentation, et ne signifiait pas nécessairement que l’artiste avait eu recours à la comparaison de della Porta entre une physionomie masculine et un aigle (ill. 35).
ill. 35 Juste d’Egmont, Portrait de Louis II, prince de Bourbon, surnommé le Grand Condé, 1654-1658, huile sur toile, 146 × 110 cm, Chantilly, musée Condé, inv. PE 131

Crédit/Source : RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / photo : René-Gabriel Ojeda, www.photo.rmn.fr/archive/02-000221-2C6NU0GS6B9G.html
22Or, qu’il existât une correspondance directe et évidente entre certaines parties du corps et le caractère d’un individu, comme le soutenaient les physiognomonistes, ne faisait pas l’unanimité. Léonard de Vinci fut l’un des premiers à émettre des doutes, même s’il n’était pas totalement catégorique à cet égard229. Si Félibien croyait lui aussi à un lien entre traits de caractère et visage, et citait dans ce contexte Cureau de La Chambre, il estimait néanmoins suspectes les comparaisons homme-animal230. Ce furent surtout les moralistes qui empruntèrent une voie résolument différente. Dans le troisième livre de ses Essais, paru pour la première fois en 1588, peu après la publication de l’étude de della Porta, Michel de Montaigne décrit dans un chapitre intitulé « De la phisionomie » les diverses qualités de l’homme, même s’il s’intéresse surtout à sa propre personne, ainsi qu’il le souligne déjà dans son « Au lecteur231 ». Il parle de modestie, de tranquillité, de bienveillance ; il évoque la vulnérabilité, le malheur, le rapport à la maladie et à la mort, en se référant souvent aux auteurs antiques, notamment à Socrate, Sénèque, Plutarque et Platon. Dans ses réflexions, il a aussi à l’esprit l’État et la situation de son époque, troublée par les guerres de Religion, quand il pense aux vertus et aux vices à propos de l’individu, mais aussi de la société. Il est également convaincu de l’existence d’un lien entre corps et esprit : « Il n’est rien plus vraysemblable que la conformité et relation du corps à l’esprit232. » Mais il n’en est pas pleinement persuadé : « C’est une foible garantie que la mine ; toutefois elle a quelque consideration233. » Quoi qu’il en soit, nulle part il ne va jusqu’à décrire son aspect physique et à le rapprocher de son tempérament. Et même s’il mentionne à plusieurs reprises Néron, « cette vraie image de la cruauté234 », il n’établit jamais de parallèle avec la physionomie de l’empereur. Il se distingue en cela fondamentalement des physiognomonistes qui déduisent le caractère d’une personne des traits de son visage. Il réfute même leur méthode quand il écrit : « La vraye liberté c’est pouvoir toute chose sur soy. » Montaigne cite ensuite Sénèque : « Potentissimus est qui se habet in potestate » (L’homme le plus puissant est celui qui a puissance sur lui235). S’il devait exister un rapport rigide entre physionomie et caractère, il semble que le libre arbitre en serait fortement restreint.
23Cent ans exactement après la publication du troisième livre des Essais paraissent pour la première fois Les Caractères (1688) de Jean de La Bruyère. L’ouvrage connaît un succès considérable. Jusqu’à la mort de l’auteur, en 1696, se succèdent huit éditions sans cesse augmentées, et une neuvième l’année même de son décès. Le tableau des mœurs de son temps dressé par La Bruyère renonce à la description de l’apparence des hommes. S’il signale souvent dans ses descriptions que certains traits de caractère peuvent aussi se lire dans l’aspect extérieur, il n’y voit là rien de systématique :
« La physionomie n’est pas une règle qui nous soit donnée pour juger des hommes : elle nous peut servir de conjecture236. »
24Cette déclaration ne s’accordait assurément pas avec les principes de la physiognomonie. François de La Rochefoucauld contestait une autre idée fondamentale de della Porta et autres tenants de cette doctrine, qui attribuaient à chaque espèce animale des spécificités propres avec lesquelles pouvait être mis en relation le caractère des hommes. Dans ses Réflexions, il condamne sans appel toute tentative de typologie :
« Il y a autant de diverses espèces d’hommes qu’il y a de diverses espèces d’animaux, et les hommes sont, à l’égard des autres hommes, ce que les différentes espèces d’animaux sont entre elles et à l’égard les unes et les autres237. »
25De même qu’un homme est un individu, il existe aussi une individualité dans le monde animal238. La différence des deux approches est claire. Là où della Porta, Cureau de La Chambre, mais aussi Le Brun, travaillent à l’élaboration de typologies, d’une sorte de grammaire des analogies, La Rochefoucauld et d’autres moralistes recherchent des formes de description individualisées. Eux aussi pensent que l’on peut émettre des affirmations sur la nature intrinsèque d’un homme ; ces observations, toutefois, ne sauraient se fonder sur l’observation de certaines parties du corps, mais seulement sur l’étude de l’individu dans son ensemble et de son comportement. Cette opinion trouve une illustration explicite dans le portrait de La Rochefoucauld par lui-même, qui va bien au-delà des notations générales de Montaigne sur son apparence extérieure :
« Je suis d’une taille médiocre, libre, et bien proportionnée. J’ay le teint brun, mais assez uny ; le front élevé, et d’une raisonnable grandeur ; les yeux noirs, petits, et enfoncez ; et les sourcils noirs et épais, mais bien tournez. Je serois fort empesché à dire de quelle sorte j’ay le nez fait ; car il n’est ny camus, ny aquilin, ny gros, ny pointu, au moins à ce que je croy. Tout ce que je sçay, c’est qu’il est plustost grand que petit, et qu’il descend un peu trop en bas. J’ay la bouche grande, et les lèvres assez rouges d’ordinaire, et ny bien ny mal taillées. J’ay les dents blanches, et passablement bien rangées. On m’a dit autrefois que j’avois un peu trop de menton. […] Pour le tour du visage, je l’ay ou carré, ou en ovale ; lequel des deux, il me seroit fort difficile de le dire. J’ay les cheveux noirs, naturellement frisez, et avec cela assez épais et assez longs, pour pouvoir prétendre en belle tête239. »
26La Rochefoucauld, dont ne subsiste malheureusement aucun portrait contemporain assuré, décrit sa physionomie avec force détails, sans omettre ses traits de caractère : il se définit comme mélancolique, pas particulièrement ambitieux, aimant les belles choses et la vie sociale. Peut-être l’image qu’il transmet de son physique et de son caractère est-elle un peu trop flatteuse. L’important est ici qu’il ne tente en aucun endroit d’établir une relation entre les deux. Nulle part il ne remarque qu’une partie de son corps ou de son visage correspond à l’un ou l’autre de ses traits psychologiques. Il porte sur lui-même un regard empirique et, bien qu’il semble persuadé qu’il existe un rapport entre l’extérieur et l’intérieur, il ne cherche pas à échafauder une typologie de ces liens.
Notes de fin
195 Della Porta, 1655 (note 192), p. 62.
196 Ibid., Préface, [p. I]. Della Porta renvoie ici à Socrate.
197 Ibid., [p. V].
198 Ibid., [p. VI].
199 « […] comme le visage est l’image de l’Ame, de mesme les yeux indiquent quel est le visage. D’autres ont appellé les yeux, Les Poetes de l’Ame, parce que par les yeux elle se fait voir dehors. » Ibid., p. 403.
200 Marin Cureau de La Chambre, L’Art de connoistre les hommes. Premiere partie. Où sont contenus les discours preliminaires qui servent d’introduction à cette science, Paris, chez Pierre Rocolet, 1659 ; id., Le Système de l’âme. Ou deuxieme partie de l’art de connoistre les hommes, Paris, chez Jacques d’Allin, 1664 ; id., L’Art de connoistre les hommes. Partie troisième qui contient la defense de l’extension et des parties libres de l’ame, Paris, chez Claude Barbin, 1666.
201 Cureau de La Chambre, 1659 (note 200), Préface, p. 11.
202 Voir ibid., p. 308 et suiv.
203 Ibid., Dédicace, [p. II].
204 Voir par exemple Samuel Fuchs, Metoposcopia et ophthalmoscopia, Argentinae (Strasbourg), chez Paul Ledertz, 1615 ; Ciro Spontone, La metoposcopia. Overo commensuratione delle linee della fronte, Venetia (Venise), chez E. Deuchino, 1626 ; particulièrement populaire, Girolamo Cardano, ici dans l’édition française : La Metoposcopie de H. Cardan, medecin milanois. Comprise en trente livres, et huit cens figures de la face humaine : A laquelle a esté adjousté, le Traicté des marques naturelles du corps, par Melampus, ancien autheur grec : Le tout traduit en françois, par le sieur M. de Lavrendiere docteur en medecine, Paris, chez Thomas Iolly, 1658.
205 Voir par exemple Bartolommeo Cocles della Rocca, Le compendion et brief enseignement de physiognomie et chiromancie de Berthelemy Cocles, de Bouloigne, docteur de philosophie naturelle et de medecine. Monstrant par le regard du visage, signe de la face et lignes de la main, les meurs et complexions des gens, selon les figures par le livre despainctes, Paris, chez Pierre Drouart et Pierre Regnault, 1546 (1re éd. 1504) ; Peruchio, La Chiromance, la Physionomie et la Geomance. Avec la signification des nombres, et l’usage de la rouë de Pytagore, Paris, chez Guillaume de Luyne, 1663 ; Adrien Sicler, Chiromance royale et nouvelle. Enrichie de figures et d’exemples, et de quantité d’observations de la Cabale, avec les prognostics des chiromantiens, anciens et modernes. Ouvrage extremement utile à toute sorte de personnes, et de toute profession, Lyon, chez Daniel Gayet, 1666.
206 Voir Jean-Jacques Courtine, « Körper, Blick, Diskurs. Typologie und Klassifizierung in der Physiognomik des Klassischen Zeitalters », dans Geschichte der Physiognomik. Text, Bild, Wissen, Rüdiger Campe et Manfred Schneider (éd.), Fribourg-en-Brisgau, Rombach, 1996, surtout p. 222-224, 229.
207 Della Porta, 1655 (note 192), livre 4, chap. 44 (« De la figure de l’homme heroïque »), p. 564-568, ici surtout p. 566. On y lit par exemple, à propos de « nostre tres-illustre Prince d’Est » : « Il me souvient estant à Rome avoir veu fort souvent des Tableaux represantans le Portrait de nostre Princ ; mais ils n’approchoient iamais du naturel : car quoy qu’ils exprimassent fort bien les lineamens et les couleurs : ils n’ont iamais toutefois peu en aucune façon exprimer cette dignité royalle, dont il est mention. »
208 Gauricus, 1969 (note 179), p. 137.
209 Ibid., p. 137 (trad. ibid., p. 136).
210 Ibid., p. 129-131 (trad. ibid., p. 128-130).
211 Lettre de Niccolò Martelli, 28 juin 1544, dans Giorgio Vasari, La vita di Michelangelo nelle redazioni del 1550 e del 1568, Paola Barocchi (éd.), 5 vol., Milan / Naples, R. Ricciardi, 1962, t. 3, « Commento », p. 993 et suiv.
212 Lomazzo, 1585 (note 153), livre 6, chap. 50, « Compositione di ritrarre dal naturale », p. 434.
213 Giovanni Battista Agucchi, « Trattato », dans Denis Mahon, Studies in Seicento Art and Theory, Londres, The Warburg Institute, 1947, p. 243. Mahon situe la rédaction de ce texte entre 1607 et 1617 (ibid., p. 121, note 45) ; Richard Spear dans les années 1607-1608 (Richard Spear, Domenichino, New Haven / Londres, Yale University Press, 1982, p. 28, note 50).
214 Sauval, 1724 (note 127), t. 2, p. 166 ; voir également supra, p. 87 (= chap. 9, citation qui renvoie à la note 141).
215 Ibid., p. 168.
216 Gauricus, 1969 (note 179), p. 129 (trad. ibid., p. 128).
217 Voir Moshe Barasch, « Charakter und Physiognomie. Bocchis Abhandlung über Donatellos “Heiligen Georg”: Ein Renaissancetext zum künstlerischen Ausdruck », dans Geschichte der Physiognomik, 1996 (note 206), p. 204 et suiv.
218 De Piles, 1668 (note 46), p. 137.
219 Voir Nanteuil, 1862 (note 88), p. 244.
220 L’éditeur de la première édition des études physiognomoniques de Le Brun suppose que le texte fut transmis à l’historiographe du roi André Félibien en vue de sa publication, mais que celle-ci ne fut pas réalisée en raison des différends entre Félibien et l’Académie royale : Louis-Jean-Marie Morel d’Arleux, Dissertation sur un traité de Charles Le Brun, concernant le rapport de la physionomie humaine avec celle des animaux, Paris, L.P. Dubray, 1806, p. I et suiv. Sur l’édition, voir Thomas Kirchner, « Physiognomie als Zeichen. Die Rezeption von Charles Le Bruns Mensch-Tier-Vergleichen um 1800 », dans Frankreich 1800. Gesellschaft, Kultur, Mentalitäten, Gudrun Gersmann et Hubertus Kohle (éd.), Stuttgart, F. Steiner, 1990, p. 34-48.
221 Henri Testelin, « Conferences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, tenuës en presence de Monsieur Colbert. Sur l’expression generale et particuliere », dans id., Sentimens des plus habiles peintres sur la pratique de la peinture et sculpture, mis en tables de preceptes, avec plusieurs discours academiques, Paris, chez la Veuve Mabre-Cramoisy, 1696, p. 24 et suiv.
222 Nivelon, 2004 (note 167), p. 361-374.
223 Voir Charles Le Brun, Sur l’expression generale et particuliere, Amsterdam / Paris, chez J.L. DeLorme / chez E. Picart, 1698. Ce texte s’appuie sur une conférence que Le Brun prononça en 1668 devant l’Académie royale. Sur la conférence et ses retombées, voir Jennifer Montagu, The Expression of the Passions. The Origin and Influence of Charles Le Brun’s « Conférence sur l’expression générale et particulière », New Haven / Londres, Yale University Press, 1994.
224 En se fondant sur une analyse des dessins et des sources textuelles existantes, Jennifer Montagu, ibid., p. 19-30, expose de façon convaincante la tentative de Le Brun d’élaborer une théorie physiognomonique satisfaisant à des exigences tant scientifiques qu’artistiques. Elle met notamment en évidence l’échec de l’artiste à corroborer ses recherches par une théorie scientifique solide.
225 Voir Beauvais, 2000 (note 178), t. 2, p. 576-650, cat. 2029-2290 ; sur les dessins, voir également le texte introductif, ibid., p. 571-575.
226 Voir ibid., p. 571. L’inventaire après décès du 12 février 1690 fait état de 105 dessins « d’après nature » exécutés à Rome.
227 Sur le rapport entre portrait et physiognomonie dans la Rome antique, voir Rolf Winkes, « Physiognomonia: Probleme der Charakterinterpretation römischer Porträts », dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt. Geschichte und Kultur Roms im Spiegel der neueren Forschung, Hildegard Temporini (éd.), 2 vol., Berlin / New York, de Gruyter, 1973, t. 1, Von den Anfängen Roms bis zum Ausgang der Republik, p. 899-925 ; Luca Giuliani, Bildnis und Botschaft. Hermeneutische Untersuchungen zur Bildniskunst der römischen Republik, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1986.
228 La recherche a décelé des preuves de l’application de théories physiognomoniques dans les arts plastiques, en particulier aux xve et xvie siècles ; voir Peter Meller, « Physiognomical Theory in Renaissance Heroic Portraits », dans The Renaissance and Mannerism. Studies in Western Art. Acts of the Twentieth International Congress of the History of Art, 4 vol., Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1963, t. 2, p. 53-69 ; Ulrich Reißer, Physiognomik und Ausdruckstheorie der Renaissance. Der Einfluss charakterologischer Lehren auf Kunst und Kunsttheorie des 15. und 16. Jahrhunderts, Munich, Scaneg, 1997.
229 Leonardo da Vinci, Libro di pittura. Edizione in facsimile del Codice Urbinate lat. 1270 nella Bibliotheca Apostolica Vaticana, Carlo Pedretti (éd.), Florence, Giunti, 1995, p. 262 (fol. 109r/v).
230 Félibien, 1666-1688 (note 43), t. 5, 1688, 9e entretien, p. 203-205, p. 199-202. Ses réflexions à ce sujet figurent dans la biographie de Rolland Lefebvre, dit Lefebvre de Venise.
231 Michel de Montaigne, Essais, dans id., Œuvres complètes, Albert Thibaudet et Maurice Rat (éd.), Paris, Gallimard, 1962, p. 9, « Au lecteur » (1580).
232 Ibid., p. 1035, livre III, chap. 12.
233 Ibid., p. 1036, livre III, chap. 12.
234 Ibid., p. 315, livre II, chap. 1.
235 Ibid., p. 1022, livre III, chap. 12 (trad. ibid., p. 1665). Citation de Sénèque, Épîtres, 90, 34. Voir également Hope H. Glidden, « The Face in the Text: Montaigne’s Emblematic Self-Portrait (Essais III: 12) », Renaissance Quarterly, t. 46, no 1, 1993, p. 71-97, et Adriana Bontea, « Montaigne’s “On Physiognomie” », Renaissance Studies, t. 22, no 1, 2008, p. 41-62.
236 La Bruyère, 1998 (note 98), p. 355, « Des jugements », 31.
237 François de La Rochefoucauld, « Réflexions diverses, XI : “Du rapport des hommes avec les animaux” », dans id., Œuvres complètes, Louis Martin-Chauffier (éd.), Paris, Gallimard, 1935, p. 373.
238 Sur les réflexions de La Rochefoucauld relatives à la physiognomonie, voir Louis Van Delft, « Physiognomonie et peinture du caractère : G. della Porta, Le Brun, La Rochefoucauld », L’Esprit créateur, t. 25, no 1, 1985, ici p. 49-52 ; sur les moralistes et la physiognomonie, voir Peter van Meeuwen, « Moralistik und Physiognomik », Tijdschrift voor de studie van de verlichting en van het vrije denken, 12e année, 1985, no 2-3, p. 131-157.
239 « Portrait de M. R. D. [M. de La Rochefoucauld] fait par luy-mesme », dans Recüeil des portraits et éloges en vers et en prose dédié à son altesse royalle Mademoiselle, Anne-Marie-Louise-Henriette d’Orléans, duchesse de Montpensier (éd.), Paris, chez Charles de Sercy et Claude Barbin, 1659, p. 618 et suiv.
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