Chapitre VIII. Écrire l’histoire des « conquêtes artistiques »
L’historiographie des saisies 1816-1940
p. 267-314 (tome premier)
Texte intégral
Il est remarquable qu’en France, à l’heure actuelle, on s’intéresse aussi aux « conquêtes artistiques » de l’armée napoléonienne. Nous ne saurions recommander avec assez d’insistance aux Français l’étude de ces documents qui relatent les prouesses des héros de la « Grande Armée » et de ses chefs.
Ernst Steinmann, 19161
Intérêt dissymétrique
1Telle qu’elle s’élabore progressivement au fil du xixe siècle, l’historiographie des « conquêtes artistiques » opérées par la France sous la Révolution et l’Empire est éminemment politique. Pendant plusieurs décennies, l’épisode fait l’objet en Europe d’une écriture dissymétrique, marquée par le silence prudent des historiens et bibliographes français, d’un côté, et par les investigations énergiques de leurs homologues luxembourgeois, allemands, autrichiens, puis belges et italiens, de l’autre, qui s’efforcent de reconstituer les événements à la lumière des sources dont ils disposent. Du côté français, on y reviendra, le premier jalon déterminant pour l’élucidation des événements est posé en 1874 seulement, avec la publication du second tome du Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de Léopold Delisle, administrateur général de l’établissement.2 A cette date, la plupart des pays victimes de la politique culturelle française disposent déjà, eux, d’études ponctuelles sur le sujet : en 1830, une histoire de l’imprimerie depuis son invention par Gutenberg paraît à Mayence, qui réserve une place importante aux pérégrinations allemandes de Maugérard et à ses confiscations d’incunables ;3 en 1831, l’histoire des collections du « cabinet des arts » (Kunstkammer) de Berlin, particulièrement touché par le passage de Denon, est écrite et publiée par le directeur des lieux, Leopold von Ledebur ;4 en 1835 paraît à Vienne une histoire de la Bibliothèque impériale qui consacre deux pages aux confiscations menées par Denon en 1809 et huit pages aux réclamations de 1815 ;5 en 1846, le Luxembourgeois Clasen publie le Catalogue des livres et des manuscrits de la bibliothèque de Luxembourg, dont l’introduction historique déplore avec insistance la retenue à Paris de dizaines de manuscrits et d’imprimés précieux saisis par Maugérard ;6 on pourrait multiplier les exemples.7 Loin de se rééquilibrer, cette dissymétrie historiographique s’accentue après la guerre de 1870-1871. Elle induit des contraintes de méthode qui donnent à l’histoire des saisies, telle qu’elle est écrite au xixe siècle, son caractère spécifique.
2En France, en effet, alors que les documents d’archives, procès-verbaux de saisie et de restitution, rapports des commissaires en mission, registres d’entrée dans les collections nationales ou registres de communication des livres précieux sont accessibles aux chercheurs et permettraient par exemple de faire le point sur les œuvres non rendues, la question est prudemment occultée. A l’opposé, dans les pays victimes de spoliations, la reconstitution des faits est entravée par un accès difficile aux dossiers utiles, les enquêteurs étant contraints de composer avec les sources conservées dans leurs régions respectives ou avec la bonne volonté des administrateurs français. Pendant plus d’un siècle, jusqu’aux années 1940 au moins, ce problème de l’accès aux sources a un triple impact sur l’écriture et la mémoire des confiscations révolutionnaires et napoléoniennes, en particulier en Allemagne. A défaut de renseignements fiables, d’abord, les traditions orales les plus floues se transforment bientôt en légendes tenaces, fixées par écrit pour le grand public. Dans les milieux érudits, ensuite, le déficit d’information fait naître le sentiment vague mais de plus en plus profond que l’ampleur des pertes infligées aux territoires germaniques est bien supérieure à ce que l’on suppose communément. La nécessité d’accéder aux renseignements conservés à Paris, enfin, suscite des initiatives intéressantes pour l’histoire des relations scientifiques franco-allemandes : en temps de paix, avant la rupture de 1870, plusieurs chercheurs allemands entrent en correspondance ou en contact direct avec certains administrateurs parisiens, notamment à la Bibliothèque nationale, qui – tels Van Praet dans les années 1820 et Delisle dans les années 1860 – assistent leurs investigations sur les livres saisis outre-Rhin et demeurés en France ; en temps de guerre, particulièrement en 1915 et 1940, lorsque toute coopération scientifique paraît compromise et que la perspective d’une occupation de Paris laisse envisager non seulement une utilisation facilitée des fonds d’archives mais encore d’éventuelles reprises, la question des sources acquiert une importance de tout premier plan et motive, en Allemagne, l’élaboration de stratégies méthodologiques offensives partiellement mises en œuvre pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Progrès du savoir, torsions idéologiques et légendes
3Du côté allemand, les premiers articles rétrospectifs consacrés au motif des saisies et des restitutions sont dus à certains des acteurs impliqués en 1814 ou 1815 dans les opérations de réclamation. Signe de l’intérêt éditorial que l’événement continue de revêtir des mois, voire des années après les faits, ces témoignages paraissent à plusieurs reprises, entre 1816 et 1824, dans des revues de diffusion locale. Entre le 6 et le 27 janvier 1816, le directeur du musée de Brunswick, Emperius, publie le long mémoire dont il a déjà été question plus d’une fois.8 En 1818, à la demande de l’archéologue Friedrich Gottlob Welcker, le directeur du musée de Cassel, Ludwig Völkel, rédige un essai consacré au sort des « sculptures antiques » du musée Fridericianum, qui paraît dans une revue à l’existence éphémère, la Zeitschrift für Geschichte und Auslegung der alten Kunst.9 Au printemps 1824, enfin, l’ex-volontaire prussien Eberhard von Groote, devenu philologue et éditeur, livre aux lecteurs rhénans de la revue Agrippina (Cologne) de longs extraits remaniés du journal qu’il avait tenu lors de sa mission parisienne de 1815.10 Ces trois documents, malgré une diffusion limitée, permettent d’apprécier la température des cercles éclairés une fois passée la fièvre gallophage des années 1813-1815. Ils forment le corpus étroit des témoignages de première main facilement mobilisables par l’historiographe et proposent, pour deux d’entre eux, une lecture des événements dont le caractère nuancé est radicalement absent des travaux ultérieurs.
L’utilité des saisies
4De manière significative, en effet, les deux directeurs de musée – Emperius et Völkel – adoptent pour décrire l’affaire une perspective marquée par les débats muséographiques des décennies passées. Si le rapport d’Emperius s’ouvre sur une évocation patriotique mais convenue de la victoire (« L’année 1815 […] a sonné l’heure, attendue depuis si longtemps par une grande partie de l’Europe, des restitutions et de la revanche »),11 s’il condamne la « rapacité des Français » et les conquêtes artistiques en général (« On peut s’attendre désormais avec une quasi-certitude à ce que, au cours des guerres à venir […] les trésors artistiques des pays ne serviront plus de butin de guerre »),12 il s’attache surtout à relater la venue de l’« aimable » Denon à Brunswick, à commenter le discours officiel français justifiant le transfert des chefs-d’œuvre européens à Paris, et à dresser le palmarès des œuvres restituées au duché. Loin de rejeter en bloc, dans un élan patriotique, le principe du transfert à Paris des œuvres d’art européennes, Emperius souscrit aux idées de Denon pour constater prudemment leur inanité sur un seul point, celui de l’émulation des artistes : « Peut-être l’espoir [de M. Denon] de voir renaître en France, par l’influence du musée, une nouvelle et glorieuse efflorescence de l’art, n’était-il pas assez fondé. Voilà douze ans, et même plus, que les plus grands chefs-d’œuvre des arts ont été réunis à Paris, et il n’est toujours pas apparu en France d’artiste de premier rang. […] Mais Monsieur Denon a sans doute raison lorsqu’il considère la réunion en un lieu de tous les plus immenses chefs-d’œuvre comme le meilleur moyen d’éduquer le goût à la véritable beauté, et d’encourager l’étude de l’histoire de l’art. »13 Comme pour illustrer le bénéfice que les œuvres saisies à Brunswick et Wolfenbüttel ont tiré de leur séjour parisien, Emperius consacre le dernier tiers de son essai aux objets récupérés, en insistant sur le soin avec lequel ils ont été traités en France, sur la valeur marchande et les attributions nouvelles qu’ils ont acquises par comparaison avec d’autres chefs-d’œuvre européens.
5Dans un esprit semblable, Völkel, pourtant très virulent à l’encontre de Denon qu’il qualifiait en 1814 de redoutable « Acratus », salue quant à lui, en 1818, les mesures de diffusion dont ont bénéficié les statues antiques de Cassel : « Certes, les capitales d’Allemagne ont senti douloureusement la perte de leurs œuvres d’art, et pourtant ni leur transfert, ni leur séjour dans ce nouveau lieu ne leur ont été néfastes. […] Certaines œuvres inconnues ou trop peu considérées ont reçu les honneurs qu’elles méritaient, même si l’on n’indiqua presque jamais, ou seulement de manière imprécise, le lieu d’où elles avaient été tirées. J’irai même plus loin : la comparaison, désormais facilitée, avec les monuments de même nature réunis en un seul lieu, a permis d’interpréter certaines de ces œuvres de manière plus exacte et plus sûre. »14 Éthique du musée, diffusion publique du savoir et progrès des sciences archéologiques apaisent rétrospectivement la colère de l’administrateur dépouillé. La question des œuvres non restituées en 1815 (les imprimés et manuscrits de Wolfenbüttel, par exemple, ou les tableaux de Cassel vendus à la Russie) est passée sous silence ; les directeurs de musée se plaisent à souligner la valeur internationale acquise par les objets confiés à leur garde. Dans les deux cas, le retour heureux des pièces spoliées éclipse les animosités suscitées par leur enlèvement.
Conquêtes, reprises, caractère national et broderies narratives
6Pourtant, cette lecture apaisée des choses est vite occultée par le discours patriotique élaboré en 1815 dans la presse rhénane, qui resurgit notamment avec la publication, près de dix ans après les faits, des journaux d’Eberhard von Groote. Intitulé « L’enlèvement à Paris des chefs-d’œuvre volés par les Français », son article de 1824 poursuit un double objectif, explicitement énoncé dès l’introduction : il s’agit de corriger les erreurs publiées ici ou là sur la question, mais aussi et surtout, insiste Groote, d’éclairer certains aspects « intéressants du caractère des Français en général ».15 Publié en quatorze épisodes entre le 22 février et le 24 mars 1824, son récit brasse avec ferveur bons sentiments patriotiques, références aux articles polémiques du Rheinischer Merkur et correspondances inédites échangées à Paris entre les autorités militaires prussiennes et les administrateurs français. Tout vise à opposer le caractère national du « peuple arrogant », « rusé » et impie (incarné par quelques fonctionnaires parisiens) à celui des patriotes allemands, Rhénans en tête, préoccupés surtout de droit et d’équité. La question des conquêtes artistiques se trouve « nationalisée », et le long passage consacré à la revendication des colonnes d’Aix-la-Chapelle illustre avec clarté le terrain idéologique sur lequel se positionne Groote.
7Lorsqu’il réclame ces colonnes, en effet, Groote rapporte que « Denon et Lavalette [sic] furent pris d’un mouvement d’humeur extrême. Ils parlèrent de vandalisme et de barbarie, et n’eurent pas honte d’utiliser des termes qui s’appliquaient très précisément aux pratiques de leur nation. Je rétorquai que c’étaient eux qui avaient agi en vandales en détruisant la cathédrale de Charlemagne, en lui arrachant ses colonnes et son sarcophage, et Lavalette eut l’effronterie de me répondre : Oh, ce n’était qu’une église ! Vous ne détruirez pas pour cela la maison du roi !I (c’est-à-dire le Louvre, qui constitue l’une des ailes du château des Tuileries). A ces mots, une fureur ardente traversa tous mes membres, et j’aurais voulu arracher aussitôt ces colonnes, auprès desquelles nous nous trouvions, et enterrer ce misérable bonhomme sous les décombres de la voûte qui n’aurait pas manqué de s’écrouler. […] Dieu sait que ce n’est pas ma faute, si je ne pus accomplir mon vœu ! »16 Le motif de l’impiété française, comme celui du « vandalisme » et de la « barbarie » dont on s’accuse réciproquement, structurent à quelques variantes près la plupart des études consacrées au sujet jusqu’à la Première Guerre mondiale. A ce titre donc, l’historiographie des « conquêtes artistiques » ne se démarque pas sensiblement du discours général sur l’ennemi élaboré par l’Allemagne (comme par la France) au xixe siècle, qui se cristallise avec insistance autour de ces deux pôles : « barbarie » d’un côté (celle de l’ennemi) et « civilisation » de l’autre (dont on se réclame soi-même et que l’on a pour mission de sauvegarder).17 Dans ce cadre, la question fédératrice des œuvres d’art se prête particulièrement bien aux instrumentalisations idéologiques.
8C’est ainsi que le motif stéréotypé du « vandalisme » et de la rudesse retorse des Français face à la droiture naïve de leurs victimes allemandes est présent dès les années 1830 dans nombre d’études érudites qui, telle l’Histoire de la bibliothèque impériale de Vienne (1835), opposent « les pratiques brutales et sans ménagement » de Denon à la « fidélité et à l’application zélée » des bibliothécaires autrichiens.18 A la même époque, on trouve des couples d’opposition analogues dans les ouvrages plus généraux sur l’histoire des guerres antinapoléoniennes, qui mobilisent par ailleurs l’argument éprouvé de l’incompétence et de la vanité françaises pour justifier les reprises musclées de 1815. C’est le cas par exemple dans cette Histoire générale de l’époque contemporaine, parue à Stuttgart en 1838, qui présente le Louvre de 1815 comme un « mélange bariolé de toutes les écoles et de toutes les époques, créé davantage (aux dires des connaisseurs) pour flatter avec ostentation la vanité nationale que pour former un muséum des arts »,19 et qui fait en 1815 l’expérience juste « de l’exactitude et de l’intégrité allemandes [deutsche Gründlichkeit und Vollständigkeit] » ;20 dans le contexte de ces réclamations, insiste l’auteur, « les généraux prussiens firent preuve, eu égard à leurs fonctions, de connaissances artistiques tout à fait inhabituelles et solides [ganz ungewöhnliche gründliche Kunstkenntnis] ».21 C’est donc bien du côté allemand que se déploie l’authentique sensibilité pour les choses de la culture et de l’esprit. A l’opposé, le caractère superficiel, l’ignorance et la violence des Français impliqués dans la politique de confiscations sont soulignés jusque dans les ouvrages de référence les plus diffusés, comme l’Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste, qui en 1833 présente le directeur du Louvre comme un esthète évaporé, mais cruel, qui arrache « de ses propres mains » les gemmes d’une armoire précieuse de Berlin, touche-à-tout et jouisseur, qui affirme de lui-même (en français dans le texte) : « Je n’ai jamais rien étudié, parce que cela m’a toujours ennuyé ; j’ai beaucoup observé, parce que cela m’amusait » – incarnation toute française d’un « dilettantisme brillant, par opposition à son contemporain Millin, qui avec des manières aimables et beaucoup de modestie faisait preuve tout à la fois, lui, d’une application allemande et d’une exactitude allemande [teutscher Fleiß und teutsche Gründlichkeit] ».22
9Dès les années 1830 donc, l’épisode des saisies est décrit par référence quasiment exclusive au caractère des peuples. Hors du champ livresque, la dimension patriotique de la « reconquête » des œuvres transférées en France est fixée par le programme iconographique de certains monuments commémorant la victoire sur Napoléon. En Prusse, le quadrige de la porte de Brandebourg cristallise ainsi la mémoire nationale des conquêtes et des reprises : à la manière d’un saint gothique, le « génie de Paris » abrité par l’une des niches du monument de Kreuzberg à Berlin, inauguré en 1825 en souvenir des guerres de libération, a pour attribut un petit quadrige de bronze qu’il porte dans la main droite (ill. 58) ;23 toujours à Berlin, le bas-relief appliqué sur la face du socle qui supporte la statue du général Blücher, érigée en 1826 sur l’avenue Unter den Linden, met en scène l’instant où les quatre chevaux et le char de la victoire sont repris à Paris par cinq généraux prussiens, suivis d’une fanfare militaire.24 Si le cas du quadrige de la porte de Brandebourg est un peu particulier, puisque dès la confiscation de 1806 sa valeur esthétique est jugée nulle et que c’est à titre de trophée militaire qu’il est transféré à Paris, une lithographie publiée en 1837 à Cologne signale que, vingt-deux ans après les faits, on n’oublie pas non plus, en Rhénanie, le retour triomphal du Martyre de saint Pierre de Rubens, qu’une vignette montre précédé d’un porte-drapeau et suivi par les patriotes de la ville (ill. 59).
58. Christian Daniel Rauch : Génie de Paris, 1824-1825, Berlin, monument du Kreuzberg, détail

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59 a. Lithographie commémorant le retour à Cologne du tableau de Rubens en 1815, 1837, Cologne, Stadtmuseum, Inv. RBA Nr. 127 482

Crédits/Source : © Rheinisches Bildarchiv Köln (n° de reproduction : rba_127482, voir https://www.kulturelles-erbe-koeln.de/documents/obj/05208382)
59 b. Ibid., détail

Crédits/Source : © Rheinisches Bildarchiv Köln (n° de reproduction : rba_127482, voir https://www.kulturelles-erbe-koeln.de/documents/obj/05208382)
Broderies narratives
10La connexion entre identité de la nation et question des saisies, née dans la presse rhénane en 1815 et entretenue par divers biais dans les années 1830, n’évolue plus guère jusqu’au conflit de 1870. Très vite, à défaut de connaissances attestées, l’épisode devient le support de légendes coriaces, qui aujourd’hui encore sont largement répandues. Michel Laclotte a récemment attiré l’attention sur la Bataille d’Alexandre d’Altdorfer, venue de Munich, censée avoir décoré la salle de bain de l’Empereur à Saint-Cloud.25 On pourrait multiplier les exemples : une fille de joie parisienne révèle à un bel officier prussien, en 1814, où est caché le quadrige de Berlin ; Jacob Grimm déguste son petit déjeuner (ou mange des cerises) dans le char récupéré ;26 Denon arrache de ses propres mains les pierres précieuses incrustées sur les portes d’une armoire à Berlin.27 De manière significative, qu’elles aient été ordonnées par la Convention, le Directoire ou le Consulat, les confiscations de biens culturels sont associées, dans la mémoire collective allemande, à l’expérience traumatisante et mobilisatrice de l’occupation napoléonienne, au « Corse » et à Denon, dont la personnalité éclipse celle des commissaires qui ont opéré avant lui.28 Très tôt, l’idée se répand d’ailleurs qu’il s’est enrichi personnellement lors des saisies, et ce soupçon a des conséquences bien concrètes : à la mort de Denon, certains princes allemands chargent en effet leurs représentants à Paris d’examiner les objets de sa collection, mise en vente en 1826, à la recherche d’objets non restitués. En témoigne ce document aujourd’hui conservé à Schwerin, par lequel le grand-duc de Mecklembourg-Schwerin charge son légataire Oerthling, en décembre 1825, « d’acheter à la vente de Monsieur Denon, récemment décédé, ou dans une autre vente publique, où ils pourraient se trouver », un ensemble de quatre tableaux non restitués en 1815, « et de les expédier aussitôt à Ludwigslust ».29 La réponse est ferme : « Il est impossible que l’un de ces tableaux se trouve dans la collection Denon, que j’ai néanmoins examinée avec toute l’attention requise. »30 Et pourtant, l’idée selon laquelle plusieurs œuvres d’origine allemande sont passées dans les salons particuliers du directeur du Louvre resurgit tout au long du xixe siècle, de même que la masse supposée des œuvres retenues en France ne cesse de grossir à mesure que les événements s’éloignent.
Ampleur supposée des pertes
11Dans la version remaniée de son journal, Groote nomme en 1824 les catégories d’objets qui, selon lui, n’ont pas été rétrocédés lors de la seconde occupation de Paris : des imprimés et des manuscrits précieux, les armes et armures saisies dans l’arsenal de Cologne, les tableaux de Cassel transférés à la Malmaison et vendus à l’empereur de Russie, la dizaine de colonnes d’Aix-la-Chapelle intégrées à l’architecture du Louvre, mais encore « les pierres taillées, pièces, médailles, etc. qui devaient se trouver à la Bibliothèque nationale et qui, d’après ce que j’en sais, n’ont jamais été restituées dans leur intégralité ».31 L’ex-officier volontaire insiste particulièrement sur les dédommagements que la France aurait dû accorder aux Etats allemands lésés et, reprenant sans les nommer les propositions formulées par Jacob Grimm, il signale par exemple à propos des monnaies, médailles et gemmes originaires de Berlin : « Il aurait tout de même été très souhaitable d’obtenir en échange un dédommagement quelconque, par exemple de prendre directement, à la Bibliothèque, le précieux codex qui renferme la collection de troubadours de Manesse. »32 Présenté ici comme une possibilité pour la France de dédommager les Allemands spoliés avec un ouvrage issu des collections nationales françaises (autrefois royales), le fameux manuscrit de Manesse fait dix-huit ans plus tard l’objet d’une polémique qui en dit long sur le flou dans lequel se trouvent les érudits allemands quelques décennies après la fin de l’Empire, et sur le vif intérêt que la question des confiscations continue de susciter dans les milieux des germanistes allemands.
12En 1842, le philologue Friedrich von der Hagen affirme ainsi à Berlin, dans un exposé présenté à l’Académie des sciences, que le recueil de Manesse a été « volé par la France à Heidelberg pendant la guerre de Trente Ans, et qu’il a été transféré à Paris, où il a été oublié, hélas ! lors du grand jugement de 1813-1815 ».33 Indirectement mis en cause, Jacob Grimm dément publiquement, quelques mois plus tard, les propos de Hagen : « Je me permets de corriger ces propos, écrit-il, puisque le public sait depuis longtemps que, voici plus de trente années, alors que j’étais encore fonctionnaire hessois, le ministère de Prusse m’a engagé pour localiser et réclamer les livres qui avaient été confisqués dans les régions d’Allemagne appartenant aujourd’hui à la Prusse En vertu du principe selon lequel seuls les manuscrits, imprimés et œuvres d’art qui avaient été raptés pendant les guerres révolutionnaires et sous Napoléon étaient susceptibles d’être restitués, le manuscrit dont il est question ici, celui des Minnelieder, ne pouvait pas être réclamé, et on n’aurait pu l’obtenir que par le biais de négociations amiables. Chacun sait que ce manuscrit avait été intégré à la Bibliothèque royale de France il y a très longtemps, on ignore au juste à quelle époque et par quel biais. »34 Malgré les rectificatifs apportés par Grimm, l’idée selon laquelle le manuscrit de Manesse revient de droit à l’Allemagne, et qu’il fait partie du grand nombre d’objets « oubliés » à Paris lors du règlement de compte de 1815, persiste jusqu’à la guerre de 1870-1871 au moins. Plus d’un demi-siècle après la chute de Napoléon, l’écrivain et publiciste Gustav Freytag résume ainsi, dans ses mémoires, l’état de l’opinion publique et des milieux intellectuels en 1870 : « Depuis le règlement de compte imposé à la France en 1815, l’opinion était répandue en Allemagne qu’un grand nombre d’œuvres avaient été cachées aux commissaires allemands de l’époque, et qu’elles se trouvaient toujours à Paris. »35 Derrière l’écran de ces opinions vagues se profile toutefois, dès les années 1820, la volonté de plusieurs érudits allemands d’accéder à des informations authentiques – volonté qui suscite des prises de contact répétées entre bibliographes français et allemands, les historiens de l’art restant d’abord en retrait.
Accéder à l’information
13On trouve aujourd’hui au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France les traces précoces de l’une de ces collaborations scientifiques franco-allemandes suscitées par la question des saisies.36 Entre novembre 1825 et janvier 1827 au moins, le juriste mayençais G.A. Schaab adresse une série de lettres parfois très longues à Van Praet, qui continue alors de diriger le département des imprimés dont il est pour ainsi dire la mémoire vivante. Ces lettres sont motivées par la préparation du livre de Schaab sur l’histoire de l’imprimerie, qui paraît en deux tomes en 1830 et 1831. Elles comportent une succession de questions très précises sur la provenance exacte de certains incunables d’origine allemande conservés à Paris, ainsi que sur la personnalité et les menées du bénédictin Maugérard. L’ouvrage définitif prend en compte les réponses de Van Praet, qui permettent d’apprécier le dosage d’informations livrées par l’éminence grise des conquêtes bibliographiques de la France en Europe, entre notices savantes et esquives discrètes, éthique scientifique et instinct de conservation. A propos de Maugérard, dont il a soigneusement guidé et suivi les recherches pendant deux ans au moins, de 1802 à 1804, et auprès duquel il lui est arrivé d’acquérir des volumes précieux dès les années 1790, Van Praet note qu’il l’a « peu connu personnellement », et qu’il ne l’a rencontré que deux fois au total, en 1788 à Versailles et « pour la seconde et dernière fois à Paris en 1805 ».37 Dans ses réponses à Schaab, il n’aborde évidemment jamais les activités officielles du bénédictin et il insiste sur les sommes qu’il a payées pour acquérir de ses mains tel ou tel volume précieux : « [Maugérard] entretint avec moi une correspondance purement littéraire et bibliographique […], il savait déterrer les éditions les plus rares et […] les vendait aussi chères qu’il lui était possible. Ce fut lui qui procura à M. de Geneste ceux que nous avons depuis » ;38 « j’ai acquis de dom Maugérard en 1805 au prix de 500 fr. le psautier sur vélin de 1516 ainsi qu’un autre sur papier, mais en mauvais état, j’ignore d’où il l’a eu ».39 Inscrites dans une double logique de communication et de rétention de l’information, ces réponses éclairent le rôle déterminant que peuvent jouer les conservateurs parisiens, à la fois cerbères et passeurs, dans l’élucidation des faits. Quelques décennies plus tard, la publication d’un article bibliographique détaillé sur les manuscrits saisis à Trêves et retenus en France après 1815 confirme le phénomène.
14En 1861 et 1862 en effet, Franz Xaver Kraus, théologien catholique et archéologue originaire de Trêves, lié aux chefs de file du catholicisme libéral en France et bientôt professeur d’archéologie à l’université de Strasbourg (1872), profite d’un séjour d’étude à Paris pour identifier à la Bibliothèque nationale les manuscrits originaires de sa ville natale. « L’objectif », explique Kraus dans l’article qui expose le résultat de son enquête, « est de faire connaître aux lecteurs les manuscrits de Trêves qui ont été arrachés à la patrie [dem Vaterlande entrissen] et qui sont conservés aujourd’hui dans la plus grande collection de livres du monde ».40 Le ton est critique à l’égard de la spoliation par la France du patrimoine littéraire rhénan, mais aucune revendication n’est formulée explicitement. C’est parce que les manuscrits provenant de Trêves restent inutilisés à Paris, note Kraus en prenant le contre-pied de la doctrine française de l’« utilité publique », qu’il se propose d’en publier la liste : « Les manuscrits de Trêves qui aujourd’hui, à tort ou à raison, appartiennent à la Bibliothèque impériale sont restés ignorés et inutilisés pendant plus d’un demi-siècle. Les érudits français, en général, n’éprouvent pas pour eux grand intérêt, et personne ne vint de Trêves pour enquêter sur leur présence. »41 Kraus publie donc la liste de ces chartes et manuscrits identifiés à Paris, et il souligne dans son article combien il a été soutenu dans sa tâche par les fonctionnaires de la Bibliothèque, en particulier par Léopold Delisle (ill. 60), alors conservateur des manuscrits latins, qu’il cite nommément. Dès le début des années 1860, quatorze ans avant d’être promu administrateur général de la Bibliothèque nationale (1874), Delisle ne refuse donc pas son aide aux étrangers qui cherchent à identifier les ouvrages précieux non restitués par la Bibliothèque nationale.
60. Portrait de Léopold Delisle, Paris, Bibliothèque nationale, département des estampes et de la photographie, Inv. N 2, cliché 91 C 153 236

Crédits/Source : Bibliothèque nationale de France
15Or l’intérêt suscité par la question est de plus en plus vif outre-Rhin et Kraus n’est pas le seul Allemand, au cours de la décennie qui précède la guerre de 1870, à enquêter à Paris. En témoigne par exemple cette « liste des manuscrits autrefois saisis en Allemagne », datée de septembre 1870, et aujourd’hui conservée sous forme de copie dans les archives de la Staatsbibliothek de Berlin, dont une note rétrospective indique qu’elle est le fruit d’« études privées menées dans les bibliothèques de Paris et de Bruxelles par le Dr. Holder et par un autre érudit allemand, le Dr. Nolte ».42 Directeur de la bibliothèque du grand-duché de Bade, le conseiller aulique Alfred Holder n’a publié nulle part, semble-t-il, le résultat de ses travaux « privés », qui visent la localisation des manuscrits de provenance allemande et luxembourgeoise conservés dans les différentes bibliothèques parisiennes (Arsenal, musée de l’Artillerie, Bibliothèque nationale, Archives nationales, Mazarine) ainsi qu’à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Il est difficile d’apprécier aujourd’hui dans quelle mesure ces investigations étaient effectivement le résultat d’une initiative individuelle, d’autant qu’elles sont contemporaines d’autres recherches, ordonnées officiellement, elles, par le quartier général prussien au cours du mois d’août 1870.
L’enquête de 1870 : enjeu politique et impact sur l’historiographie
16Dans le contexte des victoires militaires allemandes de l’été 1870, une vaste enquête est menée sur ordre du quartier général de Prusse, dont les modalités exactes restent mal connues : l’essentiel des dossiers relatifs à l’affaire semble avoir disparu pendant la Seconde Guerre mondiale et seuls quelques témoignages épars, ainsi que les références ultérieures à ces dossiers (qui ont servi de support aux enquêtes de 1915 et 1940), permettent d’esquisser une chronologie approximative. A cet égard, les souvenirs de Gustav Freytag, déjà cités, sont un auxiliaire précieux : « Les premières victoires militaires du mois d’août 1870 ayant ouvert une possibilité pour l’Allemagne, dans le contexte d’un traité de paix ultérieur, de récupérer ces objets enlevés, je fus chargé par le quartier général du prince héréditaire de recueillir auprès de personnes bien informées des expertises relatives à nos propriétés anciennes. Haupt, Friedländer et quelques autres furent contactés à cet effet ».43 Les experts ici nommés sont le numismate Julius Friedländer, directeur depuis 1854 du cabinet des médailles de Berlin, et le germaniste Moriz Haupt,44 alors secrétaire de la classe de philologie et d’histoire de l’Académie des sciences. Les résultats de ce sondage préliminaire sont maigres. En témoigne cette réponse que Haupt adresse à Freytag le 18 septembre 1870 :
« Cher ami, J’ai reçu hier soir votre lettre du 10 ; les postes sont à présent moins rapides que les victoires. C’est une fort bonne chose que l’on se préoccupe, en pleine effervescence guerrière, du droit des bibliothèques et des collections d’art allemandes. Mais il n’y aura pas grand-chose à prendre. Je me réjouis de toutes les pertes que peuvent subir les Français. Mais les Allemands doivent se comporter avec droiture. Nous sommes donc d’accord sur ce point : il ne faut rien faire qui pourrait rappeler, même de loin, les rapines napoléoniennes. J’entends par là qu’il ne faut rien prendre qui ne soit légitime. Nous n’avons aucune légitimité, par exemple, à prendre le manuscrit de Manesse que vous évoquez dans votre lettre. C’est l’une des erreurs confuses, inlassablement colportées par von der Hagen, de croire que ce manuscrit a jamais appartenu à la bibliothèque de Heidelberg. […] Je doute fort qu’une partie importante du butin amassé par Napoléon soit restée à Paris. Un certain nombre de manuscrits volés dans le nord de l’Italie n’a pas été restitués à l’Autriche (parce que Kopitar, chargé des réclamations autrichiennes, n’était pas suffisamment informé). Je connais certains de ces manuscrits, mais ils ne nous concernent pas, et nous n’avons aucune raison de faire de cadeau aux Italiens. […] Je suis profondément convaincu que tout ce que la droiture allemande nous autorisera à réclamer (manuscrits, monnaies, œuvres d’art) se réduira à un minimum d’effets. De bien jolies choses, en revanche, vont nous revenir sans effort aucun. La cathédrale de Strasbourg, par exemple, est très appréciée des amateurs d’art. »45
17De manière moins inattendue qu’il n’y paraît, l’opposition idéologique entre « barbares » et « civilisés » est avancée ici, au sein du camp allemand, pour freiner les ardeurs revendicatrices des autorités militaires prussiennes.
18Pourtant, malgré le scepticisme exprimé par Haupt, les investigations ordonnées par le quartier général à l’été 1870 se poursuivent pendant plusieurs mois : les responsables des établissements spoliés sous la Révolution et l’Empire sont invités à dresser la liste des objets issus de leurs collections et non récupérés : dans ses mémoires, Wilhelm von Bode se souvient qu’« en 1870, moins de deux semaines après en avoir reçu l’ordre par le quartier général », les musées de Prusse avaient établi la liste de leurs revendications et l’avaient « aussitôt expédiée ».46 Le 24 août 1870, l’inspecteur du musée de Cassel, Lenz, est invité par le président de la province de Hesse-Nassau, Eduard von Moller, à dresser une liste semblable, établie aussitôt et expédiée le 29 août.47 Au mois de novembre, le directeur du musée de Brunswick, Barthel, et celui de la bibliothèque de Wolfenbüttel, von Heinemann, établissent respectivement la liste des effets perdus et adressent ces documents au légataire de l’Etat de Brunswick à Berlin, qui les transmet à la chancellerie prussienne le 19 décembre 1870.48 Menées d’abord en Prusse, ces recherches s’étendent aussi aux régions méridionales de l’Allemagne, comme en témoignent deux documents, établis l’un et l’autre en octobre 1870 : le 4 octobre, la bibliothèque de Nuremberg dresse la liste « des imprimés et manuscrits cédés par la bibliothèque municipale pendant les guerres napoléoniennes » ;49 six jours plus tard, le bibliothécaire Holder de Karlsruhe, déjà évoqué, signe à l’adresse du gouvernement badois une « liste des effets enlevés par Denon de la bibliothèque publique royale de Dresde ».50
19Parallèlement à ces démarches officielles, qui se poursuivent donc pendant plusieurs mois, des pressions officieuses s’exercent sur la chancellerie, mais elles semblent porter surtout sur la question des archives.51 De leur côté, en revanche, la presse et l’opinion publique ne se mobilisent pas massivement autour de la question. Lorsque au printemps 1871 intervient la paix définitive, marquée par le traité de Francfort (10 mai), aucune restitution n’est finalement stipulée dans le traité de paix ; les listes établies en 1870 sont retournées à leurs auteurs respectifs au cours de l’été 1871 et il n’est plus question d’éventuelles reprises. Gustav Freytag commente l’issue de l’affaire en termes de prudence diplomatique : « De telles revendications auraient suscité en France une agitation tout à fait disproportionnée, qui n’aurait pas manqué d’embarrasser le nouveau gouvernement, dont nous avions grand intérêt à renforcer les positions. L’ampleur et la valeur de nos anciennes propriétés se révélèrent en outre bien inférieures à l’idée que l’on semblait s’en faire en Allemagne. »52 En fait, il semble que le projet se soit principalement heurté à l’opposition de Bismarck, dont une tradition orale rapporte la réflexion suivante : « Ça ne peut pas faire de mal aux professeurs allemands d’aller consulter leurs sources sur place à Paris. »53 Or les professeurs allemands, comme leurs homologues français, excités par le revanchisme et le nationalisme ambiants, accordent après la guerre franco-prussienne de 1870-1871 une attention accrue à l’affaire. Leur curiosité est stimulée par le développement des sciences historiques et par les progrès méthodologiques qui l’accompagnent ; elle se distingue par l’ardeur des passions politiques qui s’y mêlent. Du côté allemand, les recherches engagées à l’été 1870, si elles n’ont pas abouti à la formulation de réclamations officielles, ont attiré l’attention des professionnels sur des sources jusqu’alors inexploitées. Du côté français, la question devient bientôt le support de démonstrations lourdement nationalistes.
Revanchisme et animosités nationales
Boom historiographique hors de France
20Après 1870, les articles scientifiques consacrés aux saisies révolutionnaires et impériales continuent d’être produits surtout par les nations lésées. En Belgique, on s’intéresse avec insistance, à partir de 1874, au sort des tableaux saisis à Anvers sous la Convention ;54 l’Italie se penche en 1876 sur l’histoire des confiscations ordonnées par le Directoire55 puis sur l’affaire des réclamations ;56 le Luxembourg continue pour sa part de revendiquer les livres non restitués en 1815.57 Du côté allemand et en Autriche, les années 1870-1910 sont marquées par la parution toujours plus fréquente d’études ponctuelles consacrées tant aux livres qu’aux œuvres d’art spoliées. Deux sujets sont surreprésentés : le dépouillement de la galerie de Cassel, d’une part, dont les plus précieux tableaux, saisis par le général Lagrange et « offerts » à Joséphine, ont été vendus à l’empereur de Russie en 1815 ;58 les manuscrits et imprimés confisqués dans les régions rhénanes, d’autre part, liés à la personnalité de Maugérard, qui aiguillonne tout particulièrement l’intérêt des bibliothécaires.59 A la fin du xixe siècle, évidemment, l’accès aux documents d’archives conservés à Paris n’est pas libéralisé : les difficultés de méthode rencontrées par les historiens de l’art ou les bibliographes qui à Bruxelles, Berlin, Cologne, Vienne, Parme ou Luxembourg cherchent à écrire l’histoire des transferts d’œuvres d’art et de livres dans les années 1880 sont ainsi décrites par le Belge Charles Piot, garde général des archives du royaume, dans la préface d’un important rapport sur les saisies opérées en Belgique :
« Vous comprendrez facilement […] combien il est difficile en présence de ces faits de donner une nomenclature très précise des objets d’art enlevés par les Français vers la fin du siècle dernier à notre pays. Le défaut de procès-verbaux tenus par les Commissaires français, l’absence complète de reçus, la négligence des intéressés à tenir note des objets enlevés ne m’ont pas permis de faire un travail très complet. Pour dresser la liste suivante des objets enlevés par les Commissaires français, je me suis servi surtout de celles fournies par les administrations au moment de la restitution de ces objets en 1815. Ces états n’ont pas toujours été formés sur des documents réguliers. Bien souvent, ils ont été dressés au moyen de renseignements fournis de mémoire qui ne constituent pas des titres. Bon nombre de tableaux ont été enlevés par des tiers, ou bien ils ont été cachés et n’ont plus reparu. Néanmoins, la tradition en attribuait la disparition aux Commissaires français. De son côté, le Gouvernement républicain n’a pas tenu de notes régulières des objets enlevés et restitués en 1815. J’ai pu le constater par mes recherches aux Archives nationales à Paris. »60
21Manifestement, Piot n’a pas pu (ou n’a pas su) accéder aux dossiers qui lui auraient été utiles à Paris. En règle générale, les sources utilisées par les chercheurs étrangers à la fin du xixe siècle sont donc principalement tirées de fonds conservés dans leurs pays respectifs, et rares sont ceux qui exploitent les archives françaises (à l’exception notable de plusieurs responsables d’archives allemandes qui multiplient les voyages d’investigation en France).61 Malgré le caractère lacunaire des sources disponibles outre-Rhin, la reconstitution des événements est cependant facilitée, à cette époque, par la parution d’un certain nombre de témoignages qui éclairent les événements de manière indirecte : en 1866, pour ne citer que quelques exemples, paraît une édition partielle de la correspondance de Thiersch,62 commissaire bavarois, suivie en 1875 par un important volume de lettres relatives à la biographie d’Eberhard von Groote ;63 en 1881 paraît la correspondance de jeunesse des frères Grimm,64 bientôt complétée par une édition de leur correspondance administrative, qui fournit de précieux détails sur les activités officielles de Jacob lors des restitutions de 1815 ;65 les deux manuscrits de Ludwig Völkel qui relatent la venue de Denon à Cassel et le démantèlement du musée Fridericianum, pour leur part, sont publiés en 1882.66 Dans ce contexte, tout en restant fermement marquées par une rhétorique patriotique, les études allemandes consacrées à la question des saisies gagnent en précision et en fiabilité. D’abord strictement limitées aux sphères érudites, elles sont bientôt vulgarisées à l’attention du public, notamment par le biais des petits guides de musées vendus à l’entrée des établissements.
22A la charnière du xixe et du xxe siècle, en effet, tous les musées allemands victimes de saisies, même s’ils ont récupéré leurs tableaux en 1815, rappellent aux visiteurs le transfert forcé de leurs collections à Paris sous Napoléon, entretenant ainsi à grande échelle la mémoire des événements. Le propos est nettement critique à l’égard de la France, mais les informations fournies, souvent assorties de chiffres et de dates exactes, sont conformes à la réalité des faits : dans l’Inventaire descriptif des tableaux de maîtres anciens de la galerie de peinture grand-ducale de Schwerin (1882), il est question du « célèbre acte de violence de Napoléon » par lequel « 209 tableaux furent enlevés à la galerie du château de Schwerin et traînés [geschleppt] jusqu’à Paris avec d’autres œuvres d’art, qui restèrent exposées jusqu’en 1815 dans le musée Napoléon ».67 Dans l’introduction au Guide des collections du musée ducal de Brunswick (édition de 1907), « la calamité française s’abat à l’automne 1806 sur le musée » et, après le passage de Denon, les collections n’ont « plus qu’une taille médiocre et une valeur insignifiante », mais il est bien précisé que la grande majorité des « objets raptés » reviennent en 1814 et 1815.68 C’est à Cassel que les guides, catalogues et albums consacrés au musée sont les plus prolixes : dans l’avant-propos de son édition de 1874, le Guide pour la visite des collections du musée de Cassel indique que l’établissement subit « le lourd destin qui frappa aussi ceux de Brunswick et de Berlin : il fut dévalisé [ausgeraubt] par Denon et les pièces les plus précieuses furent déportées [verschleppt] à Paris, où une publication intitulée Statues, bustes […] peintures, dessins et objets curieux conquis par la Grande Année […] relata la chose au peuple français en termes glorieux. Après la conquête de Paris, ces œuvres d’art purent presque toutes retrouver leur place initiale ». Une quinzaine d’années plus tard, l’introduction au nouveau guide du même musée (1888) note que « les meilleures pièces de la galerie rejoignirent Paris à titre de butin de guerre en 1806, mais [qu’elles] furent reconquises en 1815 ». Les griefs sont dirigés à la fois contre la France et contre la Russie : « La galerie est loin de ressembler aujourd’hui à ce qu’elle fut autrefois, lorsque tous les tableaux que possédait la couronne électorale de Hesse étaient réunis, puisqu’un nombre non négligeable de peintures disparut sous le manteau pendant l’occupation française, mais surtout parce que la brutalité de l’empereur Alexandre de Russie lui en enleva un grand nombre parmi les plus précieuses. » A la fin du xixe siècle, l’épisode des saisies napoléoniennes est devenu un motif familier de la mémoire collective allemande, et ce n’est sans doute pas un hasard si, au début des années 1890, le « prix de la nouvelle » décerné par le journal Braunschweigische Landes-Zeitung est attribué à un récit d’une centaine de pages relatant le dépouillement du musée par Denon, fictivement observé par la fille du directeur des lieux, « Mademoiselle Emperius ».69
Prudence et contre-offensive en France
23Du côté français, le silence des savants est rompu de manière décisive en 1874 avec la publication du second tome du Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de Léopold Delisle. L’ouvrage retrace l’histoire du département, de l’acquisition et du classement des ouvrages dont il est constitué ; il a un impact particulièrement important sur l’historiographie européenne des saisies, car il sert désormais de référence aux savants français comme à leurs homologues étrangers. En France, la démarche de Delisle suscite l’émulation d’autres chercheurs, on y reviendra. Dans les pays autrefois soumis à l’occupation française, son livre permet aux bibliographes d’accéder à distance à une partie des informations disponibles à Paris. Delisle, qui connaît pour les avoir soutenues les recherches et les revendications des pays lésés, adopte dans son étude une position prudente. Il condamne explicitement la politique culturelle française sous la Révolution : « Les hommes qui gouvernaient la République […] ne voyaient pas que c’était là un criant abus de la force, et, affectant de mettre un grand prix aux trésors d’art et de littérature, ils les considéraient comme un des plus beaux fruits de la victoire. »70 Et il affiche une modération parfaite à propos des réclamations et des reprises de 1815 : « Les Alliés usèrent de leur droit en reprenant les manuscrits que nos soldats avaient rapportés. »71 En revanche, sa circonspection frôle la désinformation lorsqu’il est question de la mission de Maugérard, dont Delisle sait pertinemment qu’elle fait l’objet d’enquêtes minutieuses en Allemagne et au Luxembourg (d’ailleurs citées en note) : « On attendait beaucoup du zèle et de l’habileté d’un savant qui connaissait depuis longtemps le pays dont l’exploration lui était confiée ; mais sa mission, qui se prolongea jusqu’en 1806, fut loin de répondre aux espérances qu’on avait conçues. »72 Pris entre les exigences d’une démarche scientifique rigoureuse et la nécessité stratégique de ménager les susceptibilités de ses collègues européens, Delisle choisit une attitude qui ne contribue qu’à demi à faire le jour sur les événements – attitude que les bibliothécaires allemands lui reprocheront amèrement par la suite.
24En 1878, quatre ans après la publication de ce livre, dans une nouvelle étude consacrée cette fois à l’ensemble de la Bibliothèque nationale, Théodore Mortreuil, secrétaire de l’établissement, exploite en partie les mêmes sources que Delisle, mais il adopte un ton qui anticipe les durcissements idéologiques ultérieurs.73 Trois pages entières et laudatives sont consacrées à la mission de Maugérard et à l’ampleur des prises effectuées par ses soins, Mortreuil saluant par ailleurs la « noble » résistance des conservateurs français lors des réclamations de 1815.74 Le couple idéologique du barbare et de la civilisation, largement exploité du côté allemand au cours des décennies précédentes, est mobilisé ici à propos des demandes de dédommagement formulées par la Prusse, qualifiées de « véritable démembrement des collections du département des manuscrits ».75 A partir des années 1880, en effet, l’accusation de barbarie est désormais un leitmotiv des deux côtés du Rhin : barbarie française, disent les Allemands, lors des confiscations de 1794-1809 ; barbarie tudesque, disent les Français, lors des réclamations de 1815.
25Un article de 1889 paru dans la Revue bleue, dû à Henry de Chennevières, illustre bien le phénomène.76 Aministrateur-adjoint au Louvre, l’auteur connaît les documents conservés dans les archives du musée, en particulier la correspondance administrative de Denon, mais il donne des événements un récit surdéterminé par les stéréotypes les plus caricaturaux. Intitulé « Le Louvre en 1815 », son exposé présente les réclamations des puissances alliées comme « les scandales d’une main-basse assez inattendue », « règlement de compte artistique » inouï au cours duquel les Prussiens, « non contents de réintégrer leurs pseudo-propriétés », se font les « exécuteurs d’autrui ».77 L’article pourrait être longuement cité, tant il accumule les formules frappantes, mais peut-être l’extrait suivant (déjà partiellement cité dans l’introduction) suffit-il à apprécier la nature du propos : « A six heures du matin […] le Louvre était envahi par la troupe [prussienne]. L’impétueux de Groote se mettait à l’œuvre. Il commençait par ordonner aux gardiens du musée de descendre le Crucifiement de saint Pierre de Rubens. Naturellement, Denon défend à ses hommes d’en rien faire […]. A un signe de Groote, les soldats se jettent sur les gardiens à coups de crosse et les forcent à décrocher plusieurs grandes toiles. »78 L’image du Prussien armé, agressif et violent (encore dépourvu, certes, de casque à pointe), dont la force est d’autant plus redoutable qu’elle se déploie dans le haut lieu de la civilisation, le musée, est directement puisée dans le fonds des images de propagande utilisées en France dans le contexte de la guerre de 1870-1871 : on connaît la caricature du Prussien vêtu de peaux de bête et armé d’une massue, qui menace la frêle et pacifique Marianne sur les bords du Rhin. Au Louvre, en 1815, la Prusse opère à « coups de crosse », elle fait « circuler dans les galeries un fort détachement de soldats avec armes et bâtons »,79 car son motif premier – le terme revient avec insistance – est la vengeance, « une vengeance aveugle et toute militaire ».80 L’article s’achève sur cette image funèbre qui rappelle le souvenir de deuils plus récents : « L’atmosphère pacifique du Louvre, encore toute trouble de cette visite de l’Europe en armes, revint avec le temps au calme de ses grands morts, mais elle se sentait comme raréfiée de ce vide produit par l’invasion. »81 Entre l’occupation de 1815 et l’expérience du siège de 1870, il n’y a qu’un pas rhétorique vite franchi, et il faut attendre le milieu des années 1890 pour que paraissent en France les premiers travaux véritablement fiables sur la question des restitutions de 1815.
26Ces travaux sont dus à l’Alsacien Eugène Müntz, grand historien de l’art et ancien combattant de la guerre de 1870, conservateur de la bibliothèque, des archives et du musée de l’École nationale des beaux-arts à Paris ; ils sont publiés dans la Revue d’histoire diplomatique et dans la Nouvelle Revue entre 1894 et 1897.82 La référence à Delisle y est explicite, puisque Müntz annonce d’emblée vouloir tenter, « pour l’histoire des œuvres d’art, ce que M. Delisle a fait avec une autorité si haute pour les collections de la rue de Richelieu et de l’hôtel Soubise ».83 Il se propose ainsi d’examiner les faits « en toute impartialité »,84 et ses articles sont en effet très soigneusement documentés. Pourtant, leur titre – « Les invasions de 1814-1815 et la spoliation de nos musées » – suffit à donner la mesure effective de l’impartialité mise à l’œuvre : Müntz déclare ouvertement que l’enjeu est « d’éclaircir la conduite de nos vainqueurs, de dévoiler leurs intrigues ou leurs compromissions, de montrer quelles arrière-pensées se cachaient derrière la revendication, en apparence purement platonique, de statues, de tableaux ou de pierres gravées ».85 Appuyée sur des recherches approfondies, la démarche s’inscrit dans une logique de rectification (« Comment, devant la masse des documents qui abondent aux Affaires étrangères, aux Archives nationales, au musée du Louvre, tant de légendes ont-elles pu persévérer jusqu’à nos jours ! »),86 mais l’objectif est explicitement patriotique : « On comprend qu’il y va de l’honneur de notre pays de rétablir la lumière sur tant de faits plus ou moins dénaturés par des écrivains hostiles. »87 Les Prussiens sont donc présentés comme de redoutables agents abusant de la force (« Le gouvernement prussien, on vient de le voir, s’était remboursé de ses propres mains. Il avait obtenu “une restitution plus que complète” […]. Il s’en fallait pourtant de beaucoup que nos vainqueurs se déclarassent satisfaits »)88 et Müntz salue avec insistance les stratégies dilatoires de Denon à l’égard des réclamants prussiens : « Au cours de ces luttes qui se renouvelaient de jour en jour, Denon fit preuve d’une souplesse et d’une opiniâtreté dignes d’admiration. Il donnait d’une main, retenait de l’autre, fatiguait l’adversaire par toutes sortes de chicanes, et, lorsqu’il le voyait à bout de patience, le calmait par quelque concession qu’il se laissait habilement arracher. Quel patriote aurait le courage de blâmer une telle tactique ! »89
27Si la question des saisies, et plus encore celle des restitutions de 1815, n’avait guère été traitée en France avant 1870, elle devient donc après cette date l’un des nombreux lieux où peut se déployer le nationalisme le plus radical. En témoigne encore cette étude consacrée à l’histoire du musée de Caen, parue en 1898, qui s’efforce avant tout, dans une langue pseudo-juridique, de démontrer que les œuvres conquises en Europe étaient une propriété légitime de la France, et que leur reprise en 1815 était donc une effraction. Sous la Révolution et l’Empire, lit-on, la conquête d’objets d’art était « parfaitement admise par le droit des gens » ;90 leur prélèvement « tint lieu de contribution de guerre »91 légalement acquise au vainqueur et sanctionnée par des traités, et les municipalités gardiennes des œuvres conquises devaient par conséquent « protéger la propriété de la France par tous les moyens possibles, par la ruse au défaut de la force, et conserver à la patrie ces tableaux commis à leur garde ».92 Ce fut le cas pour la ville de Caen, explique l’auteur, qui expose à l’envi combien fut grande, et « normande », la subtilité des moyens utilisés pour détromper les réclamants, surtout les Prussiens. On y apprend par exemple que « dès la première revendication », le directeur des lieux, Henri Élouis, « dissimula les pièces les plus importantes du musée, et celles surtout provenues d’Allemagne, et qui avaient le plus de chances d’être réclamées par les Prussiens. C’est ainsi que le tableau le plus menacé, le Melchisédech, par Rubens, peint sur panneau, fut couvert de papier et servit de table à manger aux officiers prussiens qui devaient le rechercher à Caen ; je tiens ce fait du fils de M. Élouis lui-même », précise l’auteur, « à qui son père bien souvent l’avait raconté : le qualificatif d’héroïque n’est ici nullement déplacé, car, si le fait eût été découvert par les Prussiens, Élouis aurait été infailliblement passé par les armes ».93
28Très visible dans ces études des années 1880-1890, l’intention politique et idéologique apparaît de manière plus éclatante encore lorsqu’on se penche un instant sur le parcours politique et intellectuel de certains de leurs auteurs. A cet égard, l’Histoire du musée de Caen est riche d’enseignements : elle est dédiée « au marquis Ph. de Chennevières », père du précédent, grand directeur des Beaux-Arts et membre de l’Institut, « en témoignage de parfaite sympathie intellectuelle et de respectueuse amitié ».94 L’auteur de la brochure est à peine âgé de trente ans ; il s’agit de Fernand Engerand, avocat à la cour, fils de l’un des principaux chefs du parti bonapartiste dans le Calvados, dont le père avait notamment fondé L’Ami de l’ordre en 1875 et soutenu la campagne boulangiste. A la mort de son père, Fernand Engerand devient rédacteur en chef de L’Ami de l’ordre, puis député du Calvados en 1902 et membre de la commission des Affaires étrangères et des mines pendant la Première Guerre mondiale. A cette époque, l’auteur de l’Histoire du musée de Caen publie une série d’ouvrages de propagande aux titres éloquents : L’Allemagne et le fer. Les frontières lorraines et la force allemande (1916) ; Ce que l’Allemagne voulait. Ce que l’Allemagne aura (préface de Maurice Barrès, 1918) ; Le secret de la frontière, 1815-1871-1914 (1918), etc. Comme l’écrit un préfacier, Engerand fait partie de ces « historiens qui, délaissant les sujets un peu lointains qui avaient jusque-là occupé leur vie, voulurent donner à leur activité intellectuelle une orientation plus pratique et poser solidement les droits de la France sur cette frontière éternellement disputée ».95 En 1898, le passage consacré aux restitutions de 1815 dans l’opuscule sur le musée de Caen est déjà guidé par des motivations semblables.
29Engagées tardivement, les recherches françaises sur la question des conquêtes artistiques débouchent en 1902 sur la publication du livre qui, aujourd’hui encore, continue souvent de faire référence : Les conquêtes artistiques de la Révolution et de l’Empire, par Charles Saunier.96 Somme de documents tirés des Archives nationales, de celles du Louvre et, dans une moindre mesure, des Affaires étrangères, le livre de Saunier adopte, malgré la parcimonie de ses commentaires, une perspective semblable à celle de Chennevières, Müntz ou Engerand. Il est dédié « au zèle et à l’habileté » des conservateurs français : « Notre sympathie a été simplement à ceux qui supportèrent tout le poids de la haine des vainqueurs : à Denon et à Lavallée. […] Que ce livre soit un hommage à leur grande mémoire ! » ;97 il oppose par un anachronisme fin la haute culture des arts en France à la barbarie germanique : « Dans les exactions [de la France], il y avait une sorte de dévotion artistique. Mieux valait agir ainsi que de détruire systématiquement, sauvagement, comme l’ont fait, en 1870, certains chefs allemands à Strasbourg, à Nancy, à Saint-Cloud et ailleurs » ;98 il présente les reprises de 1815 comme un pur acte de vengeance : « Les puissances coalisées et jalouses firent rendre gorge au musée trop riche. »99 Bien entendu, cette lecture des événements ne passe pas inaperçue outre-Rhin où, pour les raisons déjà évoquées, toutes les informations sur les saisies provenant de France sont soigneusement lues et recensées. En témoigne cette remarque du bibliothécaire berlinois Hermann Degering, dans un article paru en 1916 : « Je me contenterai ici de faire remarquer qu’en France la recherche actuelle elle-même (E. Müntz, Ch. Saunier, E. Ferrand) reconnaît ouvertement que les administrations françaises, et en particulier Denon, Lavalley [sic], von Praet et Langlès, ont recouru en 1814, comme en 1815, au mensonge et à la fraude. […] Loin de leur reprocher cette attitude, ils essaient de leur en faire une gloire et ils se rendent ainsi coupables de complicité. »100 Pendant la Première Guerre mondiale, un siècle après la chute de Napoléon, la guerre des historiographies prend une dimension politique et militaire explosive.
1915 : érudition et politique
30A partir de 1915, l’intérêt suscité par l’histoire des conquêtes artistiques et bibliographiques devient incandescent. La question fait l’objet de plusieurs articles musclés en France, mais surtout en Allemagne où paraissent des dizaines d’études remarquablement documentées, ainsi qu’un nombre important d’articles de presse destinés au grand public. De part et d’autre du Rhin, l’épisode des saisies opérées par la France en Allemagne et celui des réclamations formulées par l’Allemagne en France sont alors l’occasion d’un déploiement rhétorique d’une violence sans précédent, directement inspiré de la propagande de guerre et destiné à nourrir, sur le terrain consensuel des questions artistiques, la haine réciproque que les populations sont tenues de se témoigner. Tout l’arsenal d’arguments éprouvés depuis les années 1870 est mobilisé, la virulence du propos atteint son point d’acmé. Pourtant, si elle s’inscrit dans la lignée idéologique et rhétorique des antagonismes mûris au cours des décennies précédentes, l’offensive historiographique de 1915 et 1916 est liée cette fois à un contexte polémique et stratégique bien précis.
Contexte polémique
31Les 25 et 26 août 1914, la destruction par les flammes d’une partie de Louvain, et surtout de sa bibhothèque universitaire,101 suivie le 20 septembre par le bombardement de la cathédrale de Reims, révulsent l’opinion publique internationale. En Grande-Bretagne et en France, les esprits convaincus que « la lutte engagée contre l’Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie » (Henri Bergson, 8 août 1914) se mobilisent contre les pratiques de guerre du Reich.102 Face à cette accusation de régression à l’état sauvage, la riposte des intellectuels, artistes et universitaires allemands emprunte aussitôt deux voies parallèles. Celle du démenti, d’abord – et l’appel six fois anaphorique (« Il n’est pas vrai… / Il n’est pas vrai… / Il n’est pas vrai… ») lancé par « les représentants de la science et de l’art allemands » au « monde civilisé » en septembre 1914 en est un exemple.103 Celle de la contre-attaque, ensuite, qui vise au cours des mois suivants à dénoncer « la poutre dans l’œil du voisin » : « Les Français », écrit ainsi l’historien de l’art Otto Grautoff dans la préface qu’il donne à un recueil de propagande sur L’administration des arts en France et en Allemagne, « veulent être tendancieux et injustes. En bons pharisiens, ils grossissent la paille dans l’œil de leur ennemi et ne voient pas la poutre dans le leur ».104 Tout l’effort consiste alors à rendre publics les crimes de lèse-humanité commis en 1914 par la France (et par la Grande-Bretagne) à l’encontre du patrimoine architectural européen ; à démontrer que la France s’est toujours rendue coupable de négligences graves en matière de conservation, par exemple à l’égard de ses cathédrales ; ou à réactiver les épisodes historiques prouvant que les « barbares » ne sont pas ceux que l’on croit : destruction du château de Heidelberg par les troupes de Louis XIV en 1689 et 1693,105 vandalisme révolutionnaire et mutilations brutales infligées par la nation française à son propre patrimoine en 1792, et, bien sûr, campagnes de spoliations artistiques et bibliographiques menées par la France en Europe sous la Révolution et l’Empire, dont l’actualité se trouve aiguisée, en 1914 et 1915, par la célébration en Allemagne du centenaire des guerres de libération antinapoléoniennes.
32A partir de 1915, le motif des saisies d’œuvres d’art devient donc l’un des rouages idéologiques du grand dispositif de propagande qui se met en place partout en Europe. De part et d’autre du Rhin, il donne lieu à des éruptions rhétoriques dont il suffit, pour en apprécier la véhémence et la portée, de juxtaposer certains fragments. Du côté français : « Voilà quelles étaient en 1815 les prétentions de cette Prusse toujours avide et insatiable ! […] Les Prussiens […] ne se gênaient nullement en 1815 pour piller nos musées. […] Si elle avait pu, la Prusse aurait volé davantage. Rien n’égalait alors son orgueil, et le langage qu’elle tenait en 1815 rappelle son langage de 1914. »106 Outre-Rhin, le ton n’est pas moins haineux : « Les colonnes d’Aix-la-Chapelle nous racontent une histoire dont il ne faudra jamais oublier la signification profonde et grave. Avec quelle clarté cet épisode met en lumière notre caractère national face à celui de l’étranger ! […] L’éternel Michel allemand, qui dans un aveuglement insensé va toujours chercher ses idéaux chez d’autres peuples, ce jeune homme formidable, vaillant, fidèle et peu raisonnable, venait de se faire rouler une nouvelle fois. […] Et comment fut récompensée sa magnanimité ? Ils avaient peur, les Allemands, disaient les Français en contemplant avec une fierté satisfaite ce butin qui leur était désormais acquis à tout jamais, ils n’avaient pas le courage de prendre les colonnes !II N’oublions jamais les colonnes d’Aix-la-Chapelle ! »107
33Parallèlement à la publication de diatribes revendicatrices à la factualité parfois flottante,108 paraissent en Allemagne, surtout à partir de 1915, plusieurs études impeccablement renseignées sur le sujet, qui continuent aujourd’hui de servir de support aux historiens. Quelques-unes sont dues à des directeurs de musée, tels Georg Gronau, directeur du musée de Cassel, qui prend position dès septembre 1914 dans la revue locale Hessenland (« Les pertes de la galerie de Cassel en 1806 et 1807 »),109 puis dans l’Internationale Monatsschrift für Wissenschaft, Kunst und Technik en 1917 (« Les pertes de la galerie de Cassel pendant l’occupation française. 1806-1813 »)110 et enfin dans la Kunstchronik en 1918 (« Les “tableaux de Cassel” dans les collections de l’Ermitage »), puis à nouveau dans Hessenland, sur le même sujet.111 Presque tous les autres articles consacrés au sujet entre 1915 et 1918 sont dus pour leur part à des bibliothécaires, même lorsqu’il y est question d’œuvres d’art : au cours de la seule année 1916, l’ancien directeur du musée de Schwerin, Ernst Steinmann, qui occupe depuis 1913 le poste de directeur de la bibliothèque Hertzienne à Rome, publie trois articles au moins sur les saisies opérées par la France en Italie : « Vae victis », dans la Frankfurter Zeitung ;112 « La “fête de la liberté” célébrée en 1798 à Paris » dans les Monatshefie für Kunstwissenschaft ;113 « Le pillage de Rome par Bonaparte », dans l’Internationale Monatsschrift,114 l’article déjà cité sur les colonnes d’Aix-la-Chapelle (« Trésors volés conservés à Paris », dans la Deutsche Revue),115 ainsi qu’un livre entièrement consacré au vandalisme révolutionnaire, intitulé La destruction des monuments royaux de Paris.116 Pendant la guerre, l’historiographie des saisies est donc entre les mains d’intellectuels hautement compétents. L’autre bibliothécaire particulièrement engagé dans l’affaire est Hermann Degering, conservateur à la Preußische Staatsbibliothek de Berlin (ill. 61), qui consacre au moins quatre articles à la question, dans la presse comme dans des revues spécialisées.117 La longue étude qu’il publie en 1916, « Les vols français d’œuvres d’art en Allemagne, 1794-1807 », reste aujourd’hui l’article de référence le plus fréquemment mobilisé.118 En 1918, un autre bibliothécaire, Otto Glauning, publie quant à lui un important travail sur la mission de Neveu à Nuremberg.119 Du côté français, l’histoire des restitutions de 1815 motive en 1916 la publication d’un essai virulent, dû au germaniste Arthur Chuquet, professeur de langues germaniques au Collège de France depuis 1893.120 Cet article paraît dans la Revue des sciences politiques et s’intitule « Les Prussiens et le musée du Louvre en 1815 »,121 il fait l’objet en Allemagne d’une contre-attaque immédiate, signée d’Ernst Steinmann dans la Frankfurter Zeitung : « Comment M. Chuquet écrit l’histoire ».122 Dans tous ces articles, les animosités nationalistes se mêlent à une érudition soignée, qui dépasse le simple enjeu idéologique de la propagande. Derrière la guerre des mots, en effet, se profile cette fois un objectif politique et militaire bien précis, du moins du côté allemand.
61. Hermann Degering (troisième en partant de la gauche), lors d’une réunion du directoire de la Staatsbibliothek de Berlin, 1927, in : 325 Jahre Staatsbibliothek in Berlin, Wiesbaden 1986, p. 153

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Contexte stratégique
34Dès le début des hostilités, la perspective d’une victoire sur la France ravive en Allemagne le désir de reprendre à l’ennemi les œuvres qu’il retient injustement, pense-t-on, depuis 1815. Les dossiers vainement fermés en 1870 sont rouverts et une campagne d’investigation tenue secrète est lancée au printemps 1915. Coordonnée principalement à Berlin, elle est menée sur deux fronts : front des œuvres d’art, d’abord, et les recherches sont confiées aux directeurs respectifs des établissements autrefois dépouillés ; front des livres, ensuite, en particulier de ceux qui proviennent des régions rhénanes, et les recherches sont confiées successivement à deux bibliothécaires de la Staatsbibliothek de Berlin. Comme en 1870, l’enquête vise l’identification et la localisation des œuvres susceptibles d’être réclamées dans le cadre d’un éventuel traité de paix. Dans le même temps, les services allemands officiellement chargés de prévenir la dégradation des monuments, des œuvres d’art et des trésors bibliographiques menacés par les combats (services du Kunstschutz) se mettent en place dans la Belgique occupée et dans le nord de la France. Or ces services sont étroitement mêlés au projet d’éventuelles reprises, dont certains voudraient qu’elles soient pratiquées directement dans les zones occupées, sans attendre le règlement du conflit. Il ne s’agit pas ici de dresser l’histoire complexe et l’organigramme du Kunstschutz : cette histoire et cet organigramme ont été étudiés tout récemment, et en détail, par Christina Kott, qui a mis au jour une importante somme de documents inédits.123 Il s’agit simplement, à la lumière de correspondances et de rapports inédits, d’examiner le point de jonction entre les sphères administratives – engagées dans ces démarches secrètes – et les sphères où prend forme le discours public sur les « spoliations françaises ». Ce point de jonction est suggéré notamment par une lettre de Degering adressée à Emil Jacobs, ancien conservateur en chef du département des manuscrits occidentaux de la Staatsbibliothek de Berlin, devenu directeur de la bibliothèque universitaire de Fribourg-en-Brisgau (ill. 62). La lettre est datée du mois d’août 1915 :
« Monsieur le Directeur, Votre lettre du 24 de ce mois n’a pas manqué de susciter en moi un certain étonnement, mêlé, il faut bien l’avouer, d’une bonne dose d’agacement. Si vous estimez que l’article que j’ai publié dans la presse est un détournement de votre rapport confidentiel “Sur la reprise des manuscrits, etc…”, ce n’est pas à moi qu’il convient d’adresser vos reproches. […] Les raisons pour lesquelles on m’a confié la mission d’informer l’opinion publique qu’une grande partie des manuscrits saisis à Cologne en 1794 a fini par rejoindre Bruxelles vous sont connues depuis nos réunions au ministère. J’aurais évidemment été d’accord si l’on vous avait confié cette mission à vous, et, vu la tournure que prend l’affaire, j’aurais même préféré qu’on vous la confie. Si cela avait été le cas, je n’aurais trouvé aucun inconvénient, moi, à ce que vous exploitiez à bon escient les résultats de mes travaux dans un article politique, sans pour autant citer mon rapport. Il m’était impossible de citer le vôtre sans révéler au public plus de détails que ne l’exige le bien de la causeIII. »124
35En quelques phrases, les principaux éléments sont donnés : la date (été 1915), les lieux (la Staatsbibliothek de Berlin et les « réunions au ministère »), les supports (un « rapport confidentiel », un « article politique »), l’importance stratégique, enfin, accordée à l’opinion publique.
62. Portrait d’Emil Jacobs, sans date, in : 325 Jahre Staatsbibliothek in Berlin, Wiesbaden 1986, p. 154

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L’enquête de 1915
36Dans le nord de l’Allemagne, l’enquête sur les œuvres saisies par la France autour de 1800 est coordonnée par le ministère prussien de l’Éducation et des Cultes, et plus particulièrement, semble-t-il, par un haut fonctionnaire nommé Schmidt. Pour ce qui concerne les œuvres d’art, à en croire Wilhelm von Bode, directeur général des musées de Berlin, le projet d’éventuelles revendications est lancé de manière informelle, à son initiative, à la fin de l’été 1914 : « Dès le mois de septembre 1914, note-t-il dans une lettre de 1916, j’ai pris contact personnellement avec les collègues des musées les plus touchés, y compris en Bavière, à Brunswick et dans d’autres États fédéraux, pour évoquer les revendications que nous pourrions formuler. A cette date, j’avais déjà soulevé la question auprès de notre ministère. »125 Malgré cette initiative précoce, l’enquête ne semble officiellement lancée qu’au printemps 1915 : au musée de Brunswick, le premier document relatif à l’affaire est un rapport manuscrit de la main du directeur, P.J. Meier, daté d’avril 1915 et intitulé « La réclamation des objets d’art volés sous Napoléon au musée ducal et qui n’ont pas été rendus » ;126 au musée de Schwerin, les premières sollicitations officielles ne sont pas antérieures à la fin de juillet 1915.127 A cette époque, le projet de réclamer les œuvres d’art que l’on suppose retenues en France bat son plein. Il se double d’un plan d’action ultra-secret, dont on trouve notamment la trace aux archives du musée de Brunswick.
37Par une lettre du 10 août 1915, en effet, le conservateur en chef du patrimoine rhénan, Paul Clemen, qui dirige alors les services du Kunstschutz sur le front Ouest, invite le directeur du musée à participer à une réunion qui doit se tenir à Bruxelles en marge des Journées du patrimoine allemand :128 « Très cher collègue », écrit-il, « depuis le début de la guerre, la question s’est reposée en Prusse et en Bavière de savoir s’il convenait de réclamer, et dans quelles proportions, les œuvres de propriété allemande volées ou soustraites par les Français avant 1815. […] Il est prévu que nous évoquions cette question à Bruxelles, dans un cercle tout à fait restreint. Son Excellence von Bode viendra spécialement, ainsi que, de Munich, Monsieur le conseiller Dornhoeffer ».129 Quelques semaines plus tôt, Bode avait soumis un plan d’action aux autorités impériales, qui suggérait la confiscation directe, dans les régions françaises occupées, d’œuvres d’art susceptibles de servir de gage (Faustpfand) lors des négociations de paix.130 Finalement, pour des raisons de sécurité, la réunion secrète prévue à Bruxelles est ajournée : « En Belgique, explique Bode, tout est systématiquement trahi, ce qui risquerait probablement de compromettre les confiscations dans le nord de la France. Nous évoquerons tout cela ici [à Berlin], dans les semaines à venir, avec l’ensemble des États fédéraux concernés. »131 Au-delà des questions d’espionnage et de trahison, plusieurs autres écueils gênent, dès l’été 1915, la réalisation de ce projet de confiscations à titre de « gage ».
38Dès qu’elles sont formulées, en effet, les propositions de Bode suscitent des réticences et des résistances multiples au sein du camp allemand. Réticence, d’abord, de certains directeurs de musée, tel Walter Josephi à Schwerin, qui doute ouvertement de l’utilité de l’enquête : « Les recherches ont été menées en 1815 avec tout le zèle imaginable et, si un certain nombre [d’objets d’art] n’a pu être retrouvé à l’époque, c’est lié au caractère très imprécis des inventaires de saisie, mais aussi à la nature particulière de ces objets. Il est à mon sens complètement exclu que nous obtenions de meilleurs résultats en reprenant cette affaire aujourd’hui. »132 Réticence des autorités militaires, ensuite, ou de l’empereur lui-même, puisque, malgré les suggestions que Bode formule en juillet 1915, rien n’est encore décidé en décembre.133 Réticence du ministère des Affaires étrangères, enfin, qui dispose en avril 1916 d’un rapport sur « La confiscation d’objets d’art français dans les régions occupées », mettant en garde contre le caractère illégal de telles confiscations et contre l’effet désastreux qu’elles produiraient sur l’opinion publique internationale, la somme et la valeur des œuvres demeurées en France ne méritant pas une telle prise de risque.134 Dans les coulisses du pouvoir, le projet de « confiscations à titre de gage » ou de réclamations en cas de victoire sur la France semble donc perdre de son actualité dès le printemps 1916.135
39Dans le domaine des livres, l’enquête est menée à peu près au même rythme que pour les œuvres d’art. Dès octobre 1914, le médiéviste Michael Tangl soumet au nom de la direction centrale des Monumenta Germaniae Historica (siégeant à l’Académie des sciences de Berlin) la question de possibles réclamations à Adolf von Harnack, directeur général de la Staatsbibliothek de Berlin ;136 dans les semaines qui suivent, le bibliothécaire Emil Jacobs, déjà cité, est chargé d’enquêter sur la question et il signe en mars 1915 un mémoire dactylographié d’une quarantaine de pages intitulé « La reprise des manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de Paris et volés à l’Allemagne, et plus particulièrement à la Prusse ».137 Il s’agit du « rapport confidentiel » mentionné dans la lettre de Degering ; il est diffusé à une dizaine de conservateurs ou d’administrateurs haut placés à Göttingen, Baden-Baden, Strasbourg, Vienne et Berlin, au premier rang desquels Flarnack et Bode.138 Par ailleurs, les archives administratives de la Staatsbibliothek attestent, en date du 13 avril 1915, que Degering a également reçu « la mission officielle de mener une enquête sur la réclamation, en 1815, des manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de Paris » et qu’il a déjà dépouillé à cet effet les archives du ministère des Cultes et de la Bibliothèque royale.139 Un peu plus tard, Adolf von Flarnack sollicite et obtient pour lui des fonds supplémentaires destinés à rémunérer un(e) secrétaire qui doit l’assister dans sa mission.140 Les premiers résultats des travaux de Degering sont transmis aux autorités compétentes en juin 1915.141
40Comme dans le cas des œuvres d’art, ces investigations scientifiques se doublent de propositions d’action concrètes, motivées par l’occupation de la Belgique, où une partie des manuscrits saisis dans les régions rhénanes a été restituée à tort après la chute de Napoléon. Dès juin 1915, Degering prône ainsi avec vigueur la reprise directe de ces manuscrits, trois cents volumes selon ses estimations. Dans le rapport qu’il adresse à Harnack, il signale en effet que les découvertes qu’il a faites dans le cadre de sa mission « exigent et rendent possible une intervention immédiate » :142 ces découvertes, poursuit-il, « ne nous autorisent pas seulement à agir, elles nous obligent à le faire, et à reprendre cette part du butin aux gardiens universels de la civilisation, lorsque le moment sera venu, certes, mais aussi dès à présent, chez ces Belges qui suivent la trace des Français, car le receleur ne vaut pas mieux que le voleur ».143 La suite du rapport trahit des positions idéologiques musclées : « J’estime que nous avons éprouvé de manière suffisamment claire combien notre indulgence et notre prévenance à l’égard de la race latine [lateinische Rasse] sont inefficaces. Faisons-lui enfin sentir la force et la rigueur allemandes, au moins là où le droit est incontestablement de notre côté. Ma proposition est donc la suivante : confisquer immédiatement à Bruxelles les manuscrits dont il est attesté qu’ils proviennent des vols effectués à Cologne. »144
41Comme dans le cas des œuvres d’art, cet interventionnisme de l’été 1915 se heurte de manière précoce à des résistances multiples. Dans une lettre datée du 12 juin, le bibliothécaire Fritz Milkau (directeur depuis 1907 de la bibliothèque de Breslau, mais qui opère alors à Bruxelles) annonce qu’il a pris connaissance des propositions de Degering, et les commente en ces termes à l’intention du directeur général de la Staatsbibliothek : « Je n’arrive pas à me défaire de l’idée qu’après la guerre reviendra la paix et qu’il est plus important de reconstituer le système des échanges internationaux entre bibliothèques que de déplacer – de manière somme toute insignifiante – des fonds de manuscrits. »145 L’opposition du quartier général et de l’empereur, comme celle du gouverneur général de la Belgique, sont tout aussi franches, puisque Milkau rapporte que ce dernier « a pris connaissance [du rapport de Degering] avec beaucoup d’intérêt, mais qu’il n’a pas modifié ses positions, la volonté expresse de Sa Majesté étant que l’on ne touche à aucun de ces objets, du moins tant que l’issue de la guerre ne sera pas connue ».146 A l’automne 1915, Degering est autorisé à approfondir son enquête dans les archives municipales de Cologne, mais le projet de confiscations en zone occupée n’a encore débouché, semble-t-il, sur aucune mesure concrète. Comme dans le cas des œuvres d’art, l’affaire reste en suspens jusqu’au printemps 1916, et un long rapport détaillé et vindicatif de Degering, achevé à cette date, n’est suivi d’aucun effet.147 Au total, l’enquête de grande envergure ordonnée en 1915, compromise par les revers militaires de l’année 1917, ne débouche finalement ni sur la formulation de réclamations ni, semble-t-il, sur le transfert massif en Allemagne d’œuvres d’art et de livres confisqués ou « repris » dans les régions occupées. En revanche, l’énergie scientifique investie par les experts chargés de faire le jour sur la question trouve un débouché concret sur le plan éditorial et idéologique.
Accès aux sources et propagande
42La première publication qui exploite à l’intention d’un vaste lectorat, évidemment sans les nommer, les résultats des recherches menées sous les auspices du ministère prussien de l’Éducation et des Cultes est due à Degering. Elle paraît dans le supplément dominical de l’un des quotidiens les plus diffusés en Allemagne, la Vossische Zeitung, le lendemain même de l’ouverture à Bruxelles des Journées du patrimoine allemand (fin août 1915), ce qui n’est certainement pas un hasard.148 Cet article de Degering, qualifié par lui-même d’« article politique », s’appuie pour partie sur le mémoire secret de son collège Emil Jacobs – ce qui provoque la brouille des deux hommes, on l’a vu. Dans la logique de propagande culturelle inaugurée au début de la guerre (« la poutre dans l’œil du voisin »), Degering compare avec une souplesse anachronique les mesures de protection adoptées par les autorités allemandes, en 1914 et 1915, pour sauvegarder le patrimoine menacé sur le front Ouest, aux ponctionnements infligés par la France à ces mêmes régions sous la Révolution et l’Empire : « Il n’est sans doute pas inintéressant », écrit-il ainsi après avoir salué la politique de son gouvernement en territoire occupé, « de la comparer avec l’attitude adoptée entre 1792 et 1814, dans la Belgique et l’Allemagne soumises, par la Grande Nation qui estime comme chacun sait avoir reçu en partage, à elle seule et depuis des siècles, la garde générale de la culture et de la civilisation ».149 Le barbare n’est pas celui qu’on croit, ni le civilisé, dont Degering s’attache, à grand renfort de références françaises contemporaines aux saisies, à démontrer qu’il fut le redoutable exécutant d’un « système de rapine » criminel et exalté. Le montage rhétorique est bien rodé ; on le retrouve par exemple dans une conférence d’Emil Jacobs, intitulée Vandalisme, prononcée le 17 novembre 1915 au soir dans le grand auditorium de l’université de Fribourg, conférence nourrie par une lecture précise des rapports de l’abbé Grégoire, et qui s’achève sur cette formule frappante : « Jusqu’au jour de la victoire définitive, qui marquera le retour de tous les trésors appartenant à notre patrie – et au-delà même de ce jour – nous nous souviendrons que cette insulte, forgée par un Français et adressée pour la première fois à des Français, ne nous touche pas : Vandalisme ! »150 Dans les deux cas, au-delà des topoï sur les barbares et la civilisation, le propos est manifestement destiné à créer dans l’opinion publique une disposition favorable aux projets de réclamations ou de reprises alors discutés dans le huis clos des administrations. Loin de se raréfier lorsque ces projets se heurtent à des résistances haut placées, les articles consacrés à la question se font de plus en plus nombreux et de plus en plus véhéments.
43Entre mai 1916 et l’été 1917, une demi-douzaine d’études parfois très longues paraissent ainsi outre-Rhin. Comme dans les deux cas précédents, ces études témoignent d’une maîtrise parfaite des sujets abordés, et elles se distinguent par leur agressivité verbale. Ce qui autour de 1800 était qualifié en France de « saisie » ou d’« enlèvement » – que les textes allemands rendaient généralement alors par Wegnahme ou Wegführung, encore utilisés par l’historiographie à la fin du xixe siècle – est désormais désigné par les seuls termes de « pillage » (Plünderung) et de « rapine » (Raub), auxquels viennent se greffer des épithètes amplificatrices – « rapines monstrueuses » (ungeheuer) ou « sacrilèges » (frevelhaft) – et qui se prêtent à toutes sortes de variations : « rapineries » (Räubereien), « système de rapine » (Raubsystem), « concupiscence pillarde » (Raubgelüste). Les commissaires français, Denon et Maugérard en tête, sont présentés comme de « sinistres oiseaux » de proie (unheilvolle Raubvögel) aux « griffes de voleur » (Diebesklauen) redoutables. Dans ce décor verbal, l’épisode des saisies et des restitutions d’œuvres d’art est un fait de guerre d’une « violence inouïe » (unerhörter Gewaltakt) marqué par de nombreux combats métaphoriques : « combat acharné » (heißer Kampf) pour la réclamation des colonnes d’Aix-la-Chapelle, « combat singulier » (Zweikampf) du jeune Groote contre Vivant Denon, etc. L’identification fusionnelle de la situation de guerre présente avec les guerres de libération antinapoléoniennes est générale, et plusieurs articles donnent des indications sur la manière dont il aurait fallu agir, du côté allemand, pour obtenir satisfaction après la chute de Napoléon. C’est ainsi que Degering écrit en 1916 à propos des tractations de 1814 : « Une erreur fatale fut alors commise. Au lieu d’agir, on accepta de négocier avec les Français […]. Il aurait été beaucoup plus juste […] de confisquer dès la prise de Paris autant de gages [Faustpfänder] que possible et d’exiger la restitution totale de ce qui avait été volé comme l’une des conditions de la paix. »151 Ce qu’il « aurait fallu faire » en 1814 et 1815 ressemble donc en tout point, jusque dans la terminologie (gages / Faustpfand), à ce que l’on se proposait de faire à l’été 1915.
44Dans ce contexte, la publication successive, en 1916, de plusieurs articles allemands relatifs aux conquêtes artistiques françaises paraît aussi destinée à faire céder les institutions réticentes en mobilisant l’opinion publique. Loin d’être spontanée, en effet, l’offensive éditoriale de l’année 1916 est manifestement voulue et coordonnée par le ministère de l’Éducation et des Cultes. C’est ce que suggère cette lettre que Degering adresse à Jacobs en avril 1917 : « Monsieur le Directeur, J’ai l’honneur, au nom de Monsieur le directeur ministériel Schmidt, de vous demander en toute humilité si vous auriez envie, et si vous seriez en mesure, de rédiger une contribution qui viendrait s’ajouter à une importante série d’articles sur les spoliations françaises d’œuvres d’art, comme ceux que le professeur Steinmann et moi avons publiés dans l’Internationale Monatsschrift, qui seront bientôt suivis d’un article de Gronau de Cassel. Peut-être que l’ensemble sera ensuite réuni en un livre. Si vous choisissiez par exemple de traiter comme sujet : La mission de Maugérard, je serais disposé au besoin à vous communiquer la riche somme de documents inédits que j’ai découverts. »152 Jacobs ne donne pas suite à l’affaire et le livre annoncé par Degering n’est finalement pas publié. Pourtant, les articles parus dans l’Internationale Monatsschrift font considérablement avancer, malgré leur rhétorique belliqueuse, l’état des connaissances scientifiques sur l’histoire des conquêtes opérées par la France sous la Révolution et l’Empire, ainsi que sur l’histoire des restitutions. Se pose néanmoins cette question : pourquoi ces articles, même lorsqu’ils traitent d’œuvres d’art, sont-ils écrits à une majorité écrasante par des bibliothécaires ?
Le rôle des bibliothécaires dans l’écriture des événements
45Quelques hypothèses : l’ampleur bien réelle du contentieux bibliographique, d’abord, rend compréhensibles les désirs de reprise formulés par les professionnels de 1915 et explique qu’ils mobilisent une énergie particulière pour arriver à leurs fins. Plus populaire et spectaculaire que la question des livres, ensuite, celle des œuvres d’art est instrumentalisée pour sensibiliser l’opinion au problème en général. Les contraintes de méthode spécifiques liées à l’enquête sur les livres, enfin, ont un impact incontestable sur l’attitude adoptée à l’égard des événements et sur la manière dont ils sont décrits. Dans les musées du nord de l’Allemagne ou en Bavière, en effet, il suffit aux enquêteurs de consulter les procès-verbaux de saisie dressés par Neveu en 1800 ou par Denon en 1806-1807, dont une copie a systématiquement été établie pour les « victimes », et de les comparer à la liste des œuvres récupérées en 1814-1816, pour évaluer les pertes ; dans la plupart des cas, ce travail a déjà été effectué en 1870 et il s’agit simplement, un demi-siècle plus tard, d’en vérifier l’exactitude ; la composition des dossiers formés au musée de Schwerin et au musée de Brunswick, au printemps et à l’été 1915, illustre bien cette démarche. Sur le terrain des livres, en revanche, la situation est beaucoup plus complexe : « Si nous pouvions accéder à Paris aux dossiers relatifs à la question, écrit Degering dans un rapport non daté, nous aurions d’elle une vision beaucoup plus claire, jusque dans les détails, que celle que nous avons aujourd’hui. Nous en sommes en effet réduits, vu le caractère lacunaire des documents d’archives, à procéder pour d’importantes régions par analogies et par suppositions si nous voulons nous faire une idée générale de l’ampleur des pertes allemandes. »153 Privés de l’accès aux sources primaires, les bibliothécaires s’efforcent donc, pour compenser, de faire parler les sources imprimées susceptibles d’éclairer indirectement la politique culturelle de la France sans recourir aux documents originaux. Conservés au département des manuscrits de la Staatsbibliothek de Berlin, les dossiers de travail de Jacobs154 et de Degering155 témoignent à cet égard de recherches bibliographiques et de lectures dont l’envergure et la précision forcent l’admiration.
46Obligés, pour cerner leur objet, de manipuler non pas la matière brute et sèche que formeraient des inventaires ou des procès-verbaux de saisie, mais une matière vive (discours, correspondances, rapports et récits de voyages contemporains aux événements) voire explosive (l’historiographie française des conquêtes artistiques produite dans les années 1870-1900), ces bibliothécaires allemands, contrairement à leurs collègues historiens de l’art, abordent la question sous un angle chargé d’implications idéologiques. Les remarques consignées par Degering et Jacobs dans le cadre de leurs travaux donnent une idée précise de ce qui, dans le discours français sur les conquêtes artistiques, peut crisper l’érudit allemand de 1915. C’est d’abord l’hommage presque systématique que les historiens français rendent à la résistance opiniâtre des conservateurs parisiens en 1815.156 C’est ensuite, plus généralement, le sentiment que depuis la seconde moitié du xixe siècle, les savants français entretiennent volontairement le flou sur la question : « Nous nous étonnons, écrit par exemple Jacobs, que Delisle ne fournisse pas les dates d’entrée exactes des ouvrages arrivés d’Allemagne sous la Révolution et l’Empire. Les envois de Maugérard, par exemple, ne sont pas mentionnés en détail, son nom et ses activités sont simplement effleurés. Et pourtant Delisle aurait pu les donner, et j’irais même plus loin : il aurait dû les donner. »157
47Le motif récurrent de ces détails précieux, retenus en otage par des savants français aux méthodes peu collégiales et à l’éthique scientifique douteuse, est à l’origine de plans d’action de grande envergure, destinés à forcer l’accès aux sources de la vérité. C’est ainsi par exemple que Degering préconise, dans un rapport non daté, que l’on confisque à Paris, en cas d’occupation militaire allemande, les épreuves du second tome des Procès-verbaux de la commission temporaire des arts de Tuetey, dont le premier tome est paru en 1911 : « Cette commission, explique Degering, est en effet le heu central et le spiritus rector de tout le système de rapine mis en place par la France ; c’est là que se rejoignaient tous les fils des toiles tissées par les différents commissaires-voleurs dans les régions conquises. Malheureusement, seul le premier tome de cet ouvrage si important pour nous est paru […]. La suite du livre de Tuetey serait extrêmement précieuse pour nos travaux et, puisqu’une grande partie du second volume était certainement déjà imprimée avant le déclenchement de la guerre, ou que les épreuves des tomes suivants sont déjà prêtes, il serait très bénéfique pour notre affaire que nous puissions, en cas d’occupation de Paris, essayer de mettre la main dessus. »158 Plus hardi encore, Degering préconise la confiscation de tous les manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, afin d’obliger les administrateurs français à ouvrir les archives de leur établissement : « Les Français seraient ainsi contraints de nous laisser voir les inventaires d’accession de ces manuscrits, ce qui nous permettrait d’identifier nos propriétés légales avec beaucoup plus de certitude. […] Du côté allemand, il faudrait naturellement opérer […] avec toute la droiture et le zèle germaniques, mais aussi avec fermeté, et en anticipant les ruses et les tromperies qui, en 1814 et 1815, ont compromis les efforts que nous avions entrepris pour reprendre nos biens, et auxquelles les Français ne manqueraient pas de recourir une nouvelle fois, puisque les plus nobles personnalités de cette nation “au cœur noble” continuent de s’en vanter (par exemple Eug. Müntz, E. Ferrand, Ch. Saunier). »159
48Finalement, aucune de ces initiatives n’aboutit. L’issue de la guerre compromet tous les plans élaborés depuis 1915 et l’Allemagne est contrainte, en vertu du traité de Versailles, de céder des manuscrits, des incunables et plusieurs tableaux à la Belgique, entre autres, parmi lesquels les fameux volets du retable de Gand. La question passionnante de ces « réparations en œuvres d’art », qui affecte non seulement l’Allemagne, mais encore l’Autriche, soumise aux réclamations de l’Italie, mériterait sans doute une étude complète, qui nous écarterait ici de l’épicentre du sujet. En 1922, Degering, qui avait reçu en 1916 le titre de professeur en reconnaissance de ses bons services scientifiques, est nommé directeur du département des manuscrits de la Staatsbibliothek de Berlin. A cette époque, la question des conquêtes artistiques françaises perd de son actualité du côté allemand, même si certains articles continuent d’exploiter le résultat des enquêtes menées pendant la guerre.160 Pourtant, la question resurgit avec force deux décennies plus tard, lorsqu’en 1940 les victoires allemandes sur la France, puis l’occupation de Paris, suscitent l’élaboration à grande échelle de nouveaux projets visant la récupération de ces œuvres que l’on sait, ou que l’on suppose, retenues en France. Malgré leur envergure, les démarches engagées sous le IIIe Reich pour dresser une nouvelle fois la liste des œuvres d’art et de bibliographie susceptibles d’être reprises à Paris n’atteignent pas la précision sourcilleuse des investigations de 1915, d’ailleurs largement exploitées par les experts de 1940. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’affaire ne suscite en outre, malgré la publication de plusieurs articles consacrés à la question, aucune campagne de presse systématique.
1940 : déjà vu ?
49Très médiatisée, la question des spoliations d’œuvres d’art opérées par les nazis en France, comme dans plusieurs autres pays d’Europe, fait l’objet depuis quelques années de publications nombreuses ; leur flot ne tarit pas, bien au contraire. En général, ces publications présentent les saisies d’œuvres d’art illégalement commises par le IIIe Reich comme l’un des volets de la politique culturelle nazie, elles évoquent en quelques pages le Rapport de Kümmel (Kümmel-Bericht) – cette liste d’œuvres, appartenant aussi bien à des musées qu’à des collectionneurs, dont, à des titres divers, l’Allemagne revendique la restitution – pour passer aussi vite que possible aux exactions opérées sous les auspices de Goering. La dimension scientifique de l’entreprise, le point de jonction entre le monde des experts et celui du pouvoir, la filiation de l’enquête menée en 1940 avec les antécédents de 1915 et 1870, les liens de cette enquête avec les saisies effectivement commises à Paris, sont rarement évoqués. Il ne s’agit pas ici d’élucider dans le détail ces questions complexes, mais d’esquisser le cadre de celles qui touchent directement les saisies françaises de la fin du xviiie siècle. Trois sources sont utilisées à cet effet : la préface remarquable que Wolfgang Hans Stein a donnée à l’Inventaire des sources de l’histoire allemande dans les archives et bibliothèques de Paris, projet scientifique lancé par les Allemands sous l’Occupation et achevé dans les années 1980 à Coblence ;161 les archives du musée de Schwerin, ensuite, où sont conservés avec soin les dossiers constitués pendant la Seconde Guerre mondiale ;162 un long rapport dactylographié de 1940, enfin, où sont évoquées en détail les saisies pratiquées par la France dans les régions rhénanes, rapport dont un exemplaire est conservé au département des manuscrits de la bibliothèque de Bonn.163
50L’euphorie suscitée par les victoires militaires remportées sur la France au printemps 1940 réactive une fois de plus, en Allemagne, le projet de reprises. Comme en 1915, leur ampleur doit être déterminée par des experts compétents, avant d’être stipulée dans un traité de paix dont la signature paraît proche. Le 20 mai 1940, Hitler évoque à titre informel et privé le contenu de ce traité de paix, qui doit viser en premier lieu « la restitution des territoires et autres valeurs dérobés au peuple allemand depuis quatre cents ans ».164 Quelques jours plus tôt, l’administration des archives du Reich avait tenté de cerner les revendications susceptibles d’être formulées à l’égard de la Belgique, des Pays-Bas et de la France.165 Le 24 juin, deux jours après la signature de l’armistice de Rethondes, le ministère allemand des Affaires étrangères et le ministère des Sciences, de l’Éducation et de la Culture prennent des initiatives semblables. On trouve la trace de leurs démarches au musée de Schwerin où, par une lettre du 24 juin 1940, le ministre des Sciences, de l’Éducation et de la Culture (Ministerium für Wissenschaft, Erziehung und Volksbildung) invite les gouvernements de tous les Länder, à l’exception de la Prusse, à établir au plus vite, c’est-à-dire en l’espace d’une semaine, la liste détaillée « des objets d’art et des objets d’intérêt historique qui, au fil des siècles et jusqu’à notre époque, sont passés de chez nous aux mains de nos ennemis actuels, dans la mesure où ce passage n’a pas fait l’objet d’un règlement légal et volontaire ».166 Quelques semaines plus tard, ces démarches précoces sont relayées par le ministre de l’Information et de la Propagande, Goebbels, qui obtient de Hitler, à la mi-août 1940, la mission officielle de coordonner l’enquête.167 A cet effet, Goebbels s’entoure d’experts issus de la haute administration des musées, des bibliothèques et des archives du Reich : Otto Kümmel (1874-1952), directeur général des musées de Berlin, pour ce qui concerne les œuvres d’art ; le docteur Zipfel, directeur général des archives de Prusse, pour les archives ; Hugo Krüß (1879-1945), directeur général de la Staatsbibliothek, pour les manuscrits et imprimés ; et l’amiral Hermann Lorey (né en 1877), directeur des musées de l’armée, pour les trophées militaires. Cette équipe est réunie à Berlin le 22 août 1940, et Goebbels lui expose ses plans : il s’agit de dresser l’inventaire général des « biens culturels appartenant à l’Allemagne, qui ont été volés ou détruits par les puissances occidentales au cours des siècles derniers, depuis la guerre de Trente Ans environ ».168 En fait, lorsque cette réunion a beu à Berlin, les experts sont déjà au travail depuis plusieurs semaines : dès le 1er août, en effet, l’administration du musée de Schwerin est sollicitée par l’assistant de Kümmel, le jeune historien de l’art Niels von Holst, futur auteur d’ouvrages remarqués – notamment consacrés au collectionnisme –, qui cite nommément tous les autres membres de la commission.169
51La demande que Holst adresse à Schwerin le 1er août 1940 est envoyée par ailleurs à tous les conservateurs régionaux, aux directeurs de musée et aux différents instituts universitaires d’histoire de l’art. Il s’agit, avant la fin du mois d’août 1940, de dresser aussi précisément que possible la liste d’une série d’objets de provenance allemande conservés « en France, en Belgique, en Norvège, etc. », afin, précise Holst, que des « recherches complémentaires puissent être menées en France, etc. ».170 En dépit de l’évocation de la Norvège ou de la Belgique, seule la France en effet est concrètement visée par ces dispositions, et huit catégories d’objets sont énumérées qui doivent être prises en compte particulièrement : les œuvres d’art cédées à la France en vertu des traités de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye (I) ; les œuvres illégalement volées par la France en Allemagne pendant ou après la Première Guerre mondiale (II) ; les objets d’art enlevés à l’Allemagne pendant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes depuis 1792 ou après, et qui n’ont pas été restituées (III)IV ; les œuvres transférées en France au cours des siècles qui ont précédé les guerres révolutionnaires (IV) ; toutes les œuvres allemandes détruites, vendues ou dispersées par la France jusqu’à l’époque contemporaine (V) ; les œuvres provenant des régions incorporées au Reich (Alsace, Pologne, etc.) transférées en France, détruites, vendues ou dispersées par les Français (VI-VII-VIII). On le constate : l’enquête mise en chantier par Kümmel dépasse amplement le cadre des recherches effectuées en 1915. Le 24 août 1940, deux jours après la réunion au sommet organisée à Berlin, les gouvernements de tous les Länder apprennent officiellement, par une lettre du ministère de l’Intérieur, que Goebbels est chargé de coordonner l’enquête – enquête qui doit rester strictement confidentielle.171
52Ces recherches de l’été 1940 s’engagent donc simultanément dans plusieurs musées, bibliothèques et instituts. A l’université de Bonn, deux chercheurs de l’institut d’histoire de l’art, Karl Wilkes et Rudolf Brandts, sont ainsi chargés d’enquêter sur les livres, les œuvres d’art et les chartes saisis par la France dans les régions rhénanes. Les résultats de leurs travaux sont consignés dans un compte rendu dactylographié de plus de deux cents pages, reproduit à quelques dizaines d’exemplaires. Celui qui est conservé à la bibliothèque universitaire de Bonn porte le numéro 25. Intitulé « Mémoire et liste concernant les vols d’œuvres d’art commis par les Français en Rhénanie depuis 1794 », ce document rend compte d’investigations menées aux archives de Prusse, à la Staatsbibliothek et au ministère des Cultes à Berlin (consultation des dossiers formés en 1815, en 1870 et en 1915) ainsi qu’aux archives de Düsseldorf (dossiers français concernant le département de la Roer, et dossiers prussiens de 1815), à Cologne (dossiers relatifs à l’occupation française des années 1794-1814) et à Trêves (archives de la cathédrale).172 L’introduction du mémoire insiste, dans un chapitre particulier, sur « les difficultés spécifiques rencontrées lors des réclamations de 1815 » et elle formule des « propositions pour les réclamations actuelles ».173 Certains passages sont soulignés, tel celui-ci : « Les activités de la commission de 1814-1816 auraient pu être entièrement couronnées de succès si ses membres avaient pu écumer systématiquement l’ensemble des collections conservées dans les musées et bibliothèques. Cette possibilité nous est donnée aujourd’hui. Et il faut aujourd’hui que nous en tirions parti. »174 Une fois de plus, donc, le problème des sources est au centre de l’élucidation scientifico-politique de l’épisode des saisies.
53C’est ainsi que Brandts et Wilkes poursuivent leur mémoire en donnant des directives précises à la commission qui pourrait dépouiller ces fonds conservés à Paris :
« Archives nationales : 1° dépouiller la totalité de la correspondance échangée entre les commissaires allemands et les administrateurs français […]. On devrait pouvoir y trouver a) deux listes d’après lesquelles Altenstein a formulé ses demandes de dédommagement en 1815 […] ; b) un tableau récapitulatif dressé par Altenstein […]. Aucune de ces deux pièces ne se trouve dans les dossiers dont nous disposons ; c-d) deux documents des Archives nationales mentionnés par Charles Schmidt dans Les sources de l’histoire des territoires rhénanes [sic] de 1792 à 1815 […] ; e) selon Monsieur F.W. Oediger, archiviste à Düsseldorf, on devrait pouvoir trouver aussi les listes originales des commissaires-spoliateurs, rangées dans des cahiers verts qui ont toujours été gardés dans le bureau du directeur (Omont) de la Bibliothèque nationale à Paris ; il faut s’en emparer et en tirer les informations utiles. Dans les bibliothèques : 2° dépouiller les inventaires d’accession de la Bibliothèque nationale, entre autres. Dans les musées : 3° dépouiller les inventaires d’accession des institutions suivantes : Louvre, Cluny, Arsénal [sic] et tous les musées et collections de Paris, ainsi que tous les musées des grandes villes de province. »175
54L’introduction du mémoire s’achève à la page 40, le reste étant composé de listes détaillées d’objets d’art, manuscrits, imprimés, chartes et autres monuments de provenance rhénane identifiés (ou non) dans les collections françaises et dûment référenciés le cas échéant. A la bibliothèque universitaire de Mayence, un rapport semblable, daté pour sa part de 1942, est consacré aux Fonds bibliographiques allemands à Paris.176
55Au total, comme en 1915, le résultat de l’enquête fait apparaître que les objets retenus en France après la chute de Napoléon sont surtout des imprimés et des manuscrits, les objets d’art ayant été restitués dans leur grande majorité – sauf à Cassel, qui revendique toujours les tableaux vendus à l’empereur de Russie et intégrés depuis aux collections de l’Ermitage. Dans les musées, l’enquête coordonnée par Kümmel est donc loin de déchaîner partout l’euphorie des administrateurs : à Schwerin, dès qu’une lettre arrive de Berlin, qu’il s’agisse de sollicitations formulées par le ministère des Sciences, de l’Éducation et de la Culture, ou de demandes rédigées par l’assistant de Kümmel, Niels von Holst, l’administration du musée répond systématiquement, dans un premier temps, que toutes les recherches ont déjà été effectuées en 1915 et elle renvoie à un article publié en 1911 par l’ancien directeur des lieux, Walter Josephi.177 Directement interrogé, Josephi prend vigoureusement position contre l’enquête de 1940 et insiste sur les prérogatives scientifiques des personnels de musée :
« Naturellement, cette affaire ne concerne strictement en rien le directeur régional du patrimoineV : la question relève de la compétence exclusive des musées et ne peut être traitée, voire vérifiée, que dans le musée. […] Il faut que la personne chargée de recherches ait suffisamment de sensibilité et des connaissances assez souveraines pour réussir à faire le rapport entre les attributions actuelles et celles des inventaires et catalogues du xviiie siècle, qui forment le socle de toute investigation. […] Nous ne devons pas nous faire d’illusions : dans le chapelet de personnels incompétents qui ont eu des responsabilités de premier ordre au musée de Schwerin [ces dernières années], il n’y en a aucune qui dispose, même de très loin, des connaissances et du savoir-faire muséographiques et historiques […] nécessaires pour élucider la question. Je suggère donc que nous proposions au ministère de se procurer à la bibliothèque de Schwerin une copie de mon article […] et de décider ensuite de ce qu’il convient de faire. Je fais remarquer pour finir que tout ce qui pourrait être réclamé serait automatiquement intégré aux propriétés du grand-duc, puisque les collections des châteaux (et les œuvres confisquées par la France étaient issues de ces collections) sont une propriété privée. »178
56Confronté à ces réticences, Niels von Holst prend l’initiative d’aller consulter à Rome les papiers du prédécesseur de Josephi, Ernst Steinmann, très impliqué, on l’a vu, dans l’enquête de 1915.179 Nous sommes alors à la fin du mois d’octobre 1940. A cette époque, selon Wolfgang Hans Stein, Kümmel a soumis les premières listes rassemblées dans les musées à Goebbels, qui s’est montré très satisfait.180 Mais le projet d’éventuelles reprises, toujours selon Stein, est « politiquement mort », puisque Hitler a finalement renoncé à conclure un traité de paix séparé avec la France.181
57En fait, plusieurs sources signalent que l’enquête scientifique se poursuit alors avec une énergie redoublée, et c’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes. Comme l’explique très clairement Stein, une commission d’archivistes est formée à Paris, qui se charge d’inventorier systématiquement tous les documents concernant l’histoire de l’Allemagne. Cette commission, formée de quinze membres au plus fort de son existence, travaille de l’été 1940 au mois d’avril 1944 aux archives du Quai d’Orsay, à la Bibliothèque nationale et aux Archives nationales sans procéder à aucune confiscation. Le résultat de ses travaux est le très précieux Inventaire des sources de l’histoire allemande, déjà cité, et la présence de plusieurs photographes au sein de la commission permet aux archivistes allemands de recueillir cinq cent mille clichés d’après les documents les plus convoités. C’est probablement dans le cadre de cette campagne, d’ailleurs, qu’ont été photographiés dans leur intégralité les papiers de Winckelmann, saisis sous le Directoire en Italie et réclamés en vain par la Bavière et la Prusse, à titre de dédommagement, lors des négociations de 1814 et 1815.182 Si le travail d’inventorisation ainsi mené sous l’Occupation vise surtout les chartes, les manuscrits et les pièces d’archives allemandes, il permet toutefois de faire avancer la recherche sur les saisies d’œuvres d’art et de livres, puisque la plupart des cartons relatifs aux « conquêtes » révolutionnaires et impériales sont localisés, dépouillés, et que leurs contenus sont décrits.
58Mais le point de contact entre les activités scientifiques et les intérêts du pouvoir devient plus étonnant encore à la lecture de cette lettre écrite par un dénommé Möbius, adressée de Paris à l’administration du musée de Schwerin en novembre 1941.183 A cette date, les spécialistes s’accordent à le reconnaître, Goebbels a définitivement renoncé au projet de réclamer les œuvres inventoriées sous sa direction.184 Möbius, qui porte le titre de docteur et le grade de lieutenant, écrit sur du papier à l’en-tête du gouverneur militaire en France (Hôtel Majestic, avenue Kléber), département de l’« administration », section « art » : « En dépouillant les archives qui ont rapport aux œuvres d’art volées sous Napoléon en Allemagne, je suis tombé sur les tableaux qui ont été enlevés de Schwerin par le directeur français Denon. Si l’on compare cette liste des tableaux enlevés en 1807 avec la liste des œuvres restituées en 1815 au maréchal Oertzen, il manque les tableaux énumérés dans la liste ci-jointe, que je ne trouve pas dans l’important rapport du directeur général Kümmel. Comme la liste définitive des œuvres enlevées à l’Allemagne est sur le point d’être bouclée, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m’indiquer si ces tableaux manquent vraiment à Schwerin, ou s’ils ont été restitués par un biais qui m’aurait échappé. »185 Manifestement, donc, il y a à Paris, à l’automne 1941, des personnels scientifiques chargés de vérifier ou de compléter les informations fournies par Kümmel, et sans doute aussi par les autres experts. Le nom de Möbius n’apparaît pas au sein de la commission allemande qui travaille dans les archives parisiennes, ce qui suggère qu’une autre équipe est peut-être spécialement chargée du dépouillement des sources relatives aux saisies d’œuvres d’art pratiquées par la France sous la Révolution et l’Empire. L’existence d’une telle commission correspondrait aux suggestions méthodologiques formulées dans le rapport de Wilkes et Brandts, ainsi, plus généralement, qu’aux aspirations des experts de la Première Guerre mondiale.
59Quoi qu’il en soit, fidèle à sa politique attentiste, la direction du musée de Schwerin ne donne aucune réponse à la lettre de Möbius, qui réitère sa demande le 30 décembre 1941. S’ensuit un long échange de notices érudites entre Schwerin et la France, car Möbius insiste pour que soient vérifiés tous les renseignements qu’il a trouvés dans les archives parisiennes. Cette correspondance ne prend fin qu’en juin 1942, lorsque Möbius annonce comme en passant que le « travail d’élaboration de la liste des réclamations allemandes » est achevé, et qu’il suggère à la direction du musée de Schwerin de demander à Berlin qu’on lui restitue les inventaires et catalogues de ses collections, qu’elle y avait envoyés à l’automne 1940.186 Le ministère de l’Information et de la Propagande restitue effectivement les derniers catalogues au printemps 1943, et il n’est plus question de réclamations : les résultats de l’enquête menée en grand secret, depuis l’été 1940, en France comme en Allemagne, disparaissent dans les armoires des différentes institutions concernées, et les progrès qu’ils auraient pu induire dans l’historiographie des « conquêtes artistiques » restent limités, puisque les publications qui exploitent le travail accompli dans les archives sont beaucoup moins nombreuses que celles qui avaient accompagné l’enquête de 1915.
Notes de bas de page
Notes de fin
1 Frankfurter Zeitung, n° 260, 19 octobre 1916 : « Beachtenswert ist nur, daß man sich heute auch in Frankreich mit den “Conquêtes artistiques” der Armée Napoleons beschäftigt. Wir können den Franzosen das Studium der Dokumente, die die wundersamsten Heldentaten der “Grande Armée” und ihrer Führer erhärten, nicht angelegentlich genug empfehlen. »
2 Voir Delisle 1868.
3 Voir Schaab 1830-1831.
4 Leopold von Ledebur : « Geschichte der Königlichen Kunstkammer in Berlin », Allgemeines Archiv für die Geschichtskunde des Preußischen Staates, VI, 1831, pp. 3 et suivantes.
5 Ignaz Edlen von Mosel : Geschichte der kaiserlichen königlichen Hofbibliothek zu Wien, Vienne 1835, pp. 222-247 : « [Diese] Darstellung aller, in der kaiserlichen Bibliothek während der feindlichen Invasion vorgefallenen Ereignisse gewährt ein vollständiges Bild des harten, rücksichtslosen Verfahrens von der einen, der Treue und des Dientseifers von der andern Seite. »
6 Nicolas Clasen : Catalogue des livres et des manuscrits de la bibliothèque de Luxembourg par ordre alphabétique et par ordre de matières, Luxembourg 1846, p. VII.
7 Antoine Namur : Catalogue de la bibliothèque de l’Athénée royal-grand-ducal de Luxembourg, Luxembourg 1855, p. 31.
8 Voir Emperius 1999, pp. 15-93.
9 Ludwig Völkel : « Die antiken Skulpturen im Museum zu Cassel », Zeitschrift für Geschichte und Auslegung der alten Kunst, 1/1817, pp. 151-192.
10 Voir Groote 1824.
11 Emperius 1999, p. 15.
12 Ibid., p. 16.
13 Ibid., pp. 35-36.
14 Völkel 1817, p. 154 : « Schmerzlich war freylich für jede Deutsche Hauptstadt der Verlust ihrer Kunstwerke gewesen, aber doch hatte ihnen weder die Wanderung, noch der Aufenthalt in dem neuen Schauplatze Nachtheile gebracht. […] Manches unbekannte oder nicht genug gewürdigte Kunstwerk [erlangte] dem ihm gebührenden Ruhm, wenn auch der Ort, woher es genommen war, fast immer verschwiegen, oder nicht genau angegeben wurde. Ja die Deutung von manchem wurde sicherer und richtiger durch die leichtere Vergleichung ähnlicher Monumente, welche hier zusammentrafen. »
15 Groote 1824, pp. 93-94 : « … so manches Interessante in Rücksicht des Charakters der Franzosen überhaupt. »
16 Ibid., n° 31, pp. 122-123 : « Allein schon die erste Aufforderung an Denon und Lavalette brachte diese Herrn in die äußerste Wuth. Sie sprachen von Vandalismus und Barbarei, und entblödeten sich nicht auf diese Weise das Verfahren ihrer Nation mit seinem rechten Namen zu bezeichnen. Ich entgegnete ihnen, ob sie denn nicht auch die Kirche Karls des Großen auf vandalische Weise zerstört hätten, als sie den Sarkophag und die Säulen ausgebrochen, und Lavalette batte die Unverschämtheit mir zu erwiedern : Oh, ce n’était qu’une église ! Vous ne détruirez pas pour cela la maison du roi ! (nähmlich das Louvre, welches einen Theil der zum Tuillerienschloß gehorenden Gebäude ausmacht). Bei diesen Worten fuhr mir eine ganz furchtbare Glut durch alle Glieder, und ich hätte die Säulen bei denen wir standen nur mögen gleich herausreißen und das elende Männlein unter den stürzenden Gewölben begraben können […]. Weiß Gott, es war nicht meine Schuld, daß ich den Schwur nicht löste ! »
17 Voir Jeismann 1997.
18 Mosel 1935, p. 224.
19 Ernst Münch : Allgemeine Geschichte der neuesten Zeit : von dem Ende des großen Kampfes der europäischen Mächte wider Napoleon Bonaparte bis auf unsere Tage, 6 t., Stuttgart 1833-1838, t. I, p. 328 : « Das berühmte, während der Napoleonischen Periode in bunter Vermischung aller Schulen und Zeiten, errichtete, im Ganzen (nach dem Urtheile der Kenner) mehr zur Ostentation der Nationaleitelkeit dienendes, als auf die Kunst bedeutend einwirkendes Museum. »
20 Ibid., p. 329.
21 Ibid., p. 330.
22 Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste, J.S. Ersch et J.G. Gruber (éd.), 167 t., Leipzig 1818-1889, 1re section, t. 24, 1833, p. 149 : « Und so tritt uns in der That auch in Dénons ganzem Leben das Bild eines heitern und geistreichen Dilettantismus entgegen, im Gegensatze zu seinem Zeitgenossen Millin, der mit liebenswürdigen Formen und vieler Anspruchslosigkeit teutschen Fleiß und teutsche Gründlichkeit vereinigte. »
23 Jutta von Simson : Christian Daniel Rauch, Berlin 1996, pp. 190-191.
24 Ibid., pp. 162-169.
25 Voir Michel Laclotte : « Anmerkungen zu Altdorfers Alexanderschlacht. Napoleon und Vivant Denon », in : Uwe Fleckner, Martin Schieder et Michael F. Zimmermann (éd.) : Jenseits der Grenzen. Französische und deutsche Kunst vom Ancien Régime bis zur Gegenwart. Thomas W. Gaehtgens zum 60. Geburtstag, 3 t., Cologne 2000, t. I, pp. 129-135.
26 Heinrich von Treitschke : Deutsche Geschichte im neunzehnten Jahrhundert, 5 t., Leipzig 1879-1894, t. I, p. 562.
27 Allgemeine Encyclopädie 1833, p. 149.
28 Dans la grande encyclopédie Brockhaus (édition de 1892), son activité d’« inspecteur général des musées » est résumée ainsi : « Il reçut principalement la mission de choisir, dans les pays conquis, les œuvres d’art qui devaient être transférées à Paris comme trophées de la victoire. » Le Konversationslexikon de Meyer (édition de 1908) insiste également sur les activités prédatrices du directeur du Louvre : « Il joua surtout un rôle très important dans les rapines d’œuvres d’art [Kunsträubereien] menées par Napoléon en Europe », et on apprend d’ailleurs que « pour cette raison, Denon fut emprisonné pendant quelque temps après l’entrée des alliés dans Paris », in : Meyers großes Konversations-Lexikon, 6e édition, t. IV, Leipzig et Vienne 1908, p. 643.
29 Schwerin, Mecklemburgisches Landeshauptarchiv, Kab. I, no 3731, fol. 21 : « [Bitte, vier Gemälde aus Schwerin] in dem Nachlaß des kürzlich verstorbenen Herrn Denon, oder in einer anderen öffentlichen Versteigerung, wo sie sich etwas befinden könnte, käuflich zu erstehen und demnächst nach Ludwigslust zu übersenden. »
30 Ibid. : « … in der Denonschen Sammlung, die ich dennoch genau durchgesehen habe, [kann] sich keins der, von Ihnen reclamierten, Bilder befinden. »
31 Groote 1824, p. 118 : « … geschnittene Steine, Münzen, Medaillen, u.s.w. die sich auf der Bibliothek befinden sollten, und die, soviel ich weiß, auch nie vollständig erstattet worden sind. »
32 Ibid. : « Es wäre wohl wünschenswerth gewesen, dafür irgend eine Entschädigung, z. B. gleich auf der Bibliothek den kostbaren Codex, welcher die Manessesche Sammlung der Minnesänger enthält, entgegen zu nehmen. »
33 Friedrich von der Hagen : « Über die Gemälde in den Sammlungen der Altdeutschen lyrischen Dichter, vornämlich in der Manessischen Handschrift, und über andere auf dieselbe bezügliche gleichzeitige Bildwerke » : Abhandlungen der Königlichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin aus dem Jahre 1842, Berlin 1844, p. 445 : « … Paris, wohin sie von Heidelberg bei der Plünderung im 30jährigen Kriege entfremdet ward ; und wo sie bei dem großen Gericht 1813-15 leider vergessen ist. »
34 Intervention de Jacob Grimm devant l’assemblée générale du 3 avril 1845 : Bericht über die zur Bekanntmachung geeigneten Verhandlungen der Königl. Preuss. Akademie der Wissenschaften zu Berlin im Monat April 1845, Berlin 1845, pp. 109-113 : « Es will mir geziemen dies zu berichtigen, da dem publicum längst bekannt geworden ist, dass vor nunmehr dreißig jahren ich, zwar damals noch in hessischem dienst, von dem preußischen ministerium aufgefordert und bestellt wurde, in Paris handschriften und bücher zu ermitteln und zurückzufordern, die aus sämtlichen jetzt zu Preussen gehörigen theilen Deutschlands nach Frankreich entführt worden waren. […] Die fragliche handschrift der minnelieder konnte aber nach dem feststehenden grundsatz, dass nur was von handschriften, büchern, kunstgegenständen im revolutionskriege und unter Napoleon erbeutet worden war, wiederzuerstatten sei, gar nicht gefordert, höchstens auf dem wege gütlicher unterhandlung erlangt werden. Sie war, wie allbekannt ist, zu viel früherer zeit in die königlich französische bibliothek geraten, genau weiss man weder wann noch wie. »
35 Gustav Freytag : Gesammelte Werke, Leipzig 1887, t. XVI, p. 109 : « Seit der Abrechnung mit Frankreich im Jahre 1815 war in Deutschland die Ansicht verbreitet, daß von dem Raube Napoleon I. aus deutschen Bibliotheken und Kunstsammlungen Vieles und Wichtiges den deutschen Bevollmächtigten jener Zeit vorenthalten worden sei und sich noch in Paris befinde. »
36 Paris, bnf, département des manuscrits, nouv. acqu. fr. 3230, fol. 317-327.
37 Ibid., fol. 327.
38 Ibid.
39 Ibid., fol. 319.
40 Franz Xaver Kraus : « Über trier’sche Handschriften in der Kaiserlichen Bibliothek zu Paris », Serapeum, 4/1863, p. 50 : « Der gegenwärtige Aufsatz bat nun den Zweck, mit denjenigen trier’schen Handschriften bekannt zu machen, welche dem Vaterlande entrissen jetzt in der grössten Büchersammlung der Welt aufbewahrt werden. »
41 Ibid., p. 54 : « Die trier’schen Hss., welche der jetzigen kaiserlichen Bibliothek als mit Recht oder Unrecht zugehören, blieben mehr als ein halbes Jahrhundert unbeachtet und unbenutzt. »
42 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, archives administratives : Dienstakten III C 1, vol. 23, fol. 75 : « Verzeichniss von früher aus Deutschland entführten Handschriften » ; « Diese Zusammenstellungen beruhen nach Mitteilung der Badischen Regierung auf Privatstudien des Dr. Hodler und eines anderen deutschen Gelehrten, Dr. Nolte, in Pariser und Brüsseler Bibliotheken. »
43 Freytag 1887, p. 109 : « Da nun nach den ersten großen Kriegserfolgen im August 1870 eine Möglichkeit gegeben war, die Entwendete für Deutschland bei einem künftigen Friedensschluß zurückzuerhalten, so war ich veranlaßt worden, von dem Hauptquartier des Kronprinzen aus Gutachten Wohlunterrichteter in der Heimat über unser früheres Eigentum einzuholen. Es wurde deshalb an Haupt, Friedländer und einige Andere geschrieben. »
44 Sur Moriz Haupt (1808-1874), voir Wolfahrt Unte : « Berliner Klassische Philologen im 19. Jht », in : Berlin und die Antike 1979, « textes », pp. 42-45.
45 Freytag 1887, pp. 109-111 : « Lieber Freund, Ihren Brief vom 10. habe ich gestern Abend erhalten : die Posten sind jetzt langsamer als die Siege. / Es ist gar schön, dass man mitten im Kriegsgetümmel an das Recht deutscher Bibliotheken und Kunstsammlungen denkt. Aber zu beschaffen wird nur sehr wenig sein. Ich gönne den Franzosen jeden Verlust ; aber der Deutsche muss sich ehrlich durch die Welt helfen. Wir sind also darin einig, dass durchaus nichts geschehen darf, was irgend an die napoleonischen Räubereien erinnern könnte. Ich meine, nichts darf ohne klaren Rechtstitel genommen werden. Einen Rechtstitel haben wir, zB auf die von Ihnen erwähnte sogenannte Manessische Liederhandschrift keineswegs. Es ist ein von dem confusen von der Hagen unermüdlich wiederholter Irrtum, dass diese Handschrift jemals in der Heidelberger Bibliothek gewesen sei. […] Von dem napoleonischen Raube ist schwerlich etwas Erhebliches in Paris zurückgeblieben ; Nur eine Anzahl aus oberitalienischen Bibliotheken geraubter Handschriften hat man an Oestreich nicht herausgegeben (weil Kopitar, von Oestreich mit der Requisition beauftragt, nicht hinreichend Bescheid wußte). Ich kenne einige dieser Handschriften, aber sie gehen uns nichts ans, und den Italienern etwas zu schenken, haben wir wahrlich keine Veranlassung. […] / Ich bin fest überzeugt, dass alles mit deutscher Rechtlichkeit zu beanspruchen (Handschriften, Münzen, Kunstwerke) sich auf ein Minimum reduzieren wird. / Dagegen wird auch ohne Requisition was ganz Hübsches zu Theil werden ; der Strassburger Münster zB wird von Kunstkennern geschätzt. »
46 Wilhelm von Bode : Mein Leben, Thomas W. Gaehtgens et Barbara Paul (éds), 2 t., Berlin 1997, t. I, p. 402 : « … aber während 1870 auf Befehl aus dem Hauptquartier schon im August nach etwa vierzehn Tagen unsere Forderungen zusammengestellt waren und sofort eingesandt wurden… »
47 Duncker 1882, p. 261.
48 Ces informations sont fournies dans une lettre adressée le 10 mai 1915 à la direction du musée de Brunswick. Brunswick, archives du musée Herzog Anton Ulrich. Je remercie vivement Monsieur Alfred Walz de m’avoir informée de l’existence de ce dossier.
49 Voir Glauning 1918, pp. 238-239 : « Die während der Napoleonischen Kriege aus der Stadtbibliothek abgegebenen Bücher und Handschriften ».
50 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, archives administratives : Dienstakten III C 1 vol. 23, fol. 75 : « Verzeichnis von Denon entführte Sachen auf kgl. Off. Biblio in Dresden ».
51 Voir Joachim Meyer-Landrut : « Die Behandlung von staatlichen Archiven und Registraturen nach Völkerrecht », Archivalische Zeitschrift, 48/1953, pp. 45-120.
52 Freytag 1887, p. 111 : « Solche Forderungen hätten in Frankreich eine ganz unverhältnismäßige Aufregung veranlaßt zu großer Verlegenheit der neuen Regierung, die zu kräftigen unser hohes Interesse war. Außerdem erwies sich Umfang und Werth dieses früheren Besitzes viel geringer, als man in Deutschland wohl annahm. »
53 Cité in : Meyer-Landrut 1953, p. 60 : « Es schadet den deutschen Professoren nicht, zeitweise nach Paris zu fahren, um die Akten an Ort und Stelle zu studieren. »
54 Voir P. de Decker : « Œuvres d’art enlevées et détruites en Belgique », Revue générale, 1883 ; Franz Josef van den Branden : Geschiedenis der Antwerpsche Schilderschool, Anvers 1883, t. III, p. 320. ; E. van Even, Catalogue du musée d’Anvers, Anvers 1874.
55 Adamo Rossi : « Documenti sulle requisizioni dei quadri fatte a Perugia dalla Francia ai tempi della Reppublica e dell’Impero », Giornale di erudizione artistica, 5/1876, pp. 224-256 et 288-303 ; 6/1877, pp. 3-25 et 65-110.
56 Voir A. Campani : « Sull’opera di Antonio Canova nel ricupero dei monumenti d’arte italiani a Pangi », Archivio storico del Arte, 1892, pp. 189-216 ; Giovanni Contarini : Canova a Parigi nel 1815, Feltre 1891.
57 Voir Adam Reiners : « Les manuscrits de l’ancienne abbaye d’Echternach conservés à la Bibliothèque nationale de Paris », Publications de la Section historique de l’Institut royal grand-ducal de Luxembourg, vol. XL, 1889, pp. 20-22 ; Nicolas van Werveke : Catalogue descriptif des manuscrits de la bibliothèque de Luxembourg, Luxembourg 1894, p. IV.
58 Voir par exemple Albert Duncker : “Zur Geschichte der Kasseler Kunstschätze vornehmlich in den Zeiten des Königreichs Westphalen”, Deutsche Rundschau, t. XXXIV, janvier-mars 1883.
59 Voir Traube / Ehwald 1904 ; Jacobs 1910.
60 Charles Piot : Rapport à M. le ministre de l’Intérieur sur les tableaux enlevés à la Belgique en 1794 et restitués en 1815, Bruxelles 1883, pp. 14-15.
61 Voir Richard Knipping : Niederrheinische Archivalien in der Nationalbibliothek und dem Nationalarchiv zu Paris, Leipzig 1904, pp. V-VIII.
62 Voir Thiersch 1866.
63 Adolf Reifferscheid : « Erinnerung an Eberhard von Groote », Monatsschrift für rheinisch-westfälische Geschichtsforschung und Alterthumskunde, 1875, pp. 30-561.
64 Grimm 1963.
65 Stengel 1886.
66 Duncker 1882.
67 Friedrich Schlie : Beschreibendes Verzeichnis der Werke älterer Meister in der Großherzoglichen Gemälde-Gallerie zu Schwerin, Schwerin 1882, p. XI : « Unter diesen [Gemälden] befanden sich jene 209 Gemälde, welche durch den bekannten Gewaltakt Napoleons I. im Jahre 1807 aus der Gallerie des Schweriner Schlosses entfernt und zusammen mit anderen Kunstsachen nach Paris geschleppt waren, wo sie bis Ende 1815 im Musée Napoléon ausgestellt blieben. »
68 Führer durch die Sammlungen des Herzogl. Museums zu Braunschweig, Brunswick 1907, pp. 2-3 : « … als im Herbste 1806 das französische Unheil über das Museum hereinbrach. Nach der Plünderung der jungen Anstalt, […] hatte das Museum nur noch geringen Umfang und unbedeutenden Wert. […] Auch kam 1814 und 1815 der grösste Teil der entführten Sachen zurück. »
69 Julie Dedekind : Die Eheverschreibung. Familienerzählung aus dem Anfange unseres Jahrhunderts, Brunswick 1893.
70 Delisle 1868, t. II, p. 33.
71 Ibid., p. 35.
72 Ibid.
73 Mortreuil 1878.
74 Ibid., pp. 142-144 et 151.
75 Ibid., p. 151.
76 Chennevières 1889.
77 Ibid., pp. 79 et 81.
78 Ibid., p. 80.
79 Ibid., p. 83.
80 Ibid., p. 79.
81 Ibid., p.118.
82 Müntz 1894 ; Müntz 1897.
83 Müntz 1897, p. 704.
84 Ibid., p. 703.
85 Ibid., p. 704.
86 Ibid., p. 703.
87 Ibid., p. 704.
88 Ibid., p. 198.
89 Ibid., pp. 710-711.
90 Fernand Engerand : Histoire du musée de Caen, Caen 1898, pp. 21-22.
91 Ibid., p. 22.
92 Ibid., p. 23.
93 Ibid., p. 25.
94 Ibid., dédicace.
95 Préface de Louis Marin, député de Nancy, à un ouvrage du frère de Fernand Engerand, Louis Engerand : L’opinion publique dans les provinces rhénanes et en Belgique. 1789-1815, Paris 1919.
96 Saunier 1902.
97 Ibid., p. VIII.
98 Ibid., p. 3.
99 Ibid.
100 Degering 1916, col. 33 : « Ich will aber nur bemerken, daß selbst die heutige firanzösische Forschung (E. Muntz, Ch. Saunier, E. Ferrand) offen zugesteht, daß die französischen Behörden und namentlich Denon, Lavalley, von Praet und Langlès 1814 und auch 1815 mit Lüge und Betrug gearbeitet haben, um den Erfolg der berechtigten Reklamationen zu hintertreiben. Weit entfernt aber, ihnen daraus einen Vorwurf zu machen, versuchen sie vielmehr, ihnen eine Gloriole daraus zu weben, und machen sich dadurch also zu ihren Mitschuldigen. »
101 Sur les réactions suscitées par l’incendie de la bibliothèque de Louvain, voir Wolfgang Schivelbusch : Eine Ruine im Krieg der Geister. Die Bibliothek von Löwen August 1914 bis Mai 1940, Francfort-sur-le-Main 1993 ; Jürgen et Wolfgang von Ungern-Sternberg : Der Aufruf « An die Kulturwelt », Stuttgart 1996.
102 Henri Bergson : Mélanges, André Robinet (éd.), Paris 1972, p. 1102.
103 Version française de l’appel, in : Ungern-Sternberg 1996, p. 162 : « A vous, qui nous connaissez, à vous qui avez protégé en commun avec nous le bien le plus précieux de l’humanité, à vous nous crions : / Croyez-nous ! Croyez que nous mènerons cette grande lutte jusqu’au bout, justement parce que nous sommes un peuple civilisé. »
104 Otto Grautoff : Kunstverwaltung in Frankreich und Deutschland, Berne 1915, p. 5 : « Die Franzosen wollen einseitig und ungerecht sein. In ihre Pharisäerpose vergrößern sie den Splitter im Auge ihrer Feinde und sehen den Balken im eigenen Auge nicht. »
105 O. Lanz : « Die Kunst und der Krieg », in : Grautoff 1915, p. 61 : « Les Français ont-ils oublié le pillage qu’ils infligèrent à Heidelberg ? Les ruines du château donnent la preuve de la manière dont ils traitent les œuvres d’art. »
106 Arthur Chuquet : « Les Prussiens et le musée du Louvre en 1815 », Revue des sciences politiques, XXXVI/1916, pp. 264-294, ici pp. 291- 293.
107 Ernst Steinmann : « Geraubte Schätze in Paris I. Die Aachener Säulen », Deutsche Revue, 41e année, novembre 1916, pp. 154-162 : « So erzählen die Aachener Säulen eine Geschichte, deren tiefe und ernste Bedeutung wir nie vergessen sollten. Wie klar tritt uns in dieser Episode der eigne Volkscharakter und der fremde entgegen ! […] Aber der unsterbliche deutsche Michel, der in törichterVerblendung immer wieder die eignen Ideale bei andern Völkern sucht, dieser wunderbare, tapfere, treue und unverständige Junge, ließ sich auch diesmal überlisten […]. Und welchen Lohn empfing seine Großmut ? “Ils avaient peur, les Allemands”, sagten die Franzosen und betrachteten mit selbstgefälligem Stolz den nun für alle Zeiten gesicherten Raub, “ils n’avaient pas le courage de prendre les colonnes !” Gedenket der Aachener Säulen ! »
108 Paul Heidelbach : « Was darf die Kasseler Galerie von einem siegreichen Krieg erwarten ? », Hessenland, septembre 1914, 1er cahier ; Hermann Rosen : « Kunstdiebstähle der Franzosen und Russen » (Weser-Zeitung, 14 juillet 1915), in : Grautoff 1915, pp. 40-45.
109 Georg Gronau : « Die Verluste der Kasseler Galerie in den Jahren 1806 und 1807 », Hessenland, septembre 1914, 2e cahier, pp. 271-273.
110 Voir Gronau 1917.
111 Georg Gronau : « Die Kasseler Bilder in der Ermitage-Galerie », Hessenland, n° 15/16, 32e année, août 1918, pp. 145-148.
112 Ernst Steinmann : « Vae victis », Frankfurter Zeitung, 7, 24, 25 mai 1916.
113 Ernst Steinmann : « Das Fest der Freiheit im Jahre 1798 in Paris », Monatshefte für Kunstwissenschaft, 8/1916.
114 Ernst Steinmann : « Die Plünderung Roms durch Bonaparte », Internationale Monatsschrift für Wissenschaft, Kunst und Technik, 11e année, 6/1916 et 7/1917.
115 Steinmann 1916 (Geraubte Schätze).
116 Ernst Steinmann : Die Zerstörung der Königsdenkmäler in Paris, Leipzig 1916.
117 Degering 1915 (version approfondie d’un article intitulé « Geraubte Schätze, Kölnische Handschriften in Paris und Brüssel », supplément dominical n° 35 de la Vossischen Zeitung, 29 août 1915).
118 Degering 1916.
119 Glauning 1918.
120 Sur Arthur Chuquet, voir Espagne 1993, pp. 113-115.
121 Chuquet 1916.
122 Ernst Steinmann : « Wie Herr Chuquet Geschichte schreibt », Frankfurter Zeitung, 19 septembre 1916.
123 Christina Kott : Protéger, confisquer, déplacer. Le service allemand de préservation des œuvres d’art (Kunstschutz) en Belgique et en France occupées pendant la Première Guerre mondiale. 1914-1924, thèse de doctorat, Paris 2002 ; du même auteur : Le traitement des œuvres d’art par l’occupant allemand dans le nord de la France en 14-18. Le musée Au pauvre diable et le musée de Valenciennes, mémoire de dea, université de Paris III, Paris 1994 ; du même auteur : « Die deutsche Kunst- und Museumspolitik im besetzten Nordfrankreich im Ersten Weltkrieg – zwischen Kunstraub, Kunstschutz, Propaganda und Wissenschaft », Kritische Berichte, 2/1997, pp. 5-24 ; du même auteur : « Kunstwerke als Faustpfänder im Ersten Weltkrieg », in : Matthias Frehner (éd.) : Das Geschäft mit der Raubkunst. Thesen, Fakten, Hintergründe, Zurich 1998 ; du même auteur : « Histoire de l’art et propagande pendant la Première Guerre mondiale. L’exemple des historiens d’art allemands en France et en Belgique », in : Ecrire l’histoire de l’art. France-Allemagne, 1750-1920. Revue germanique internationale, n° 13, Paris 2000, pp. 201-221 ; du même auteur : « Kulturarbeit im Feindesland : Die deutsche Kunst-und Museumspolitik im besetzten Belgien im Ersten Weltkrieg », in : Roland Baumann et Hubert Roland (éd.) : Carl Einstein in Brüssel : Dialoge über Grenzen, Francfort-sur-le-Main, Berlin/Berne 2001, pp. 199-225.
124 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Jacobs, Kasten 39, Briefsammlung, III– Briefe an E. Jacobs [C-F] : « Degering » : « Hochgeehrter Direktor, Ihr eingeschriebener Brief vom 24 d. M. hat mich einigermaßen in Erstaunen gesetzt, dem sich, wie ich nicht verschweigen kann, auch ein erheblicher Stück Unwillen zugesellt. Wenn Sie den fraglichen Zeitungsaufsatz für einen Missbrauch Ihrer Arbeit “über die Zurücknahme von Handschriften usw.” halten, so wenden Sie ihre diesbezüglichen Vorwürfe mit Unrecht an meine Adresse. […] Die Gründe aber, aus denen ich den Auftrag erhalten habe, die Tatsache, daß von dem Kölner Handschriftenraube von 1794 der grössteTeil nach Brüssel gelangt ist, der Offentlichkeit bekannt zu geben, sind Ihnen ja durch die Verhandlungen im Ministerium bekannt geworden. Selbstverständlich wäre es mir ebenso recht oder unter den jetzigen Umständen sogar lieber gewesen, wenn man das Ihnen überlassen hätte. Da aber diese Festellung im Wesenthehen-und ich würde meinerseits nicht das Geringste daran auszusetzen gehabt haben, wenn Sie dabei die von mir gefundenen Resultate in diesem politischen Artikel zwecksentsprechend verwertet hätten, ohne meinen Bericht darin zu erwähnen, was sich ja nicht wohl machen liess, ohne der Offentlichkeit mehr zu verraten als im Interesse der Sache liegt. »
125 Berlin, Staatliche Museen Preußischer Kulturbesitz, Zentralarchiv nl Bode 23. Voir aussi Bode 1997, t. I, p. 402 : « Gleich nach Ausbruch des Krieges ließ ich es […] meine besondere Sorge sein, das Material zu sammeln, um die Ansprüche auf Rückgabe der aus dem Napoleonischen Kunstraub 1815 nicht zurückgegebenen Kunstwerke für die Zeit des Friedens beisammen zu haben. »
126 Rapport de P.J. Meier, Brunswick [4, 14 ou 24 ?] avril 1915, Brunswick, musée Herzog Anton Ulrich, archives : « Betrifft Zurückforderung von Kunstgegenständen, die dem h. Museum in der Napoleonischen Zeit geraubt und nicht wieder zurückgegeben sind » ; je remercie Monsieur Alfred Walz de m’avoir signalé et communiqué ce dossier.
127 Schwerin, Landesmuseum, archives : « Akte betr. Rückforderung von Kulturgut, das aus Anlaß früherer Kriege von den westlichen Ländern entfiihrt wurde » ; je remercie Madame Romanski, responsable des archives, de m’avoir signalé et communiqué ce dossier.
128 Voir par exemple Paul Schumann : « Kriegstagung für Denkmalpflege in Brüssel », Kunstchronik, nouvelle série, 1914/1915, n° 44, 21 septembre 1915, p. 561.
129 Lettre de Paul Clemen à P.J. Meier, Bonn, 11 août 1915, Brunswick, musée Herzog Anton Ulrich, archives : « Hochverehrter Herr Kollege ! […] In Preussen und Bayern ist seit Beginn des Krieges die Frage erneut erwogen worden, ob und in welchem Umfange eine Rückforderung der vor 1815 durch die Franzosen geraubten und entfremdeten Kunstschätze ehemals deutschen Besitzes möglich sein würde. […] In Brüssel soll nun gleichzeitig im kleinsten Kreise auch diese Frage überlegt werden. Excellenz von Bode wird zu diesem Zwecke eintreffen und aus München Herr Geheimrat Dornhoeffer. »
130 Ce plan est explicitement évoqué dans une lettre de Bode au chef du cabinet de l’empereur, Valentini, datée du 27 décembre 1915, citée partiellement in : Kott 1994, p. 28 : « Son Excellence a eu la bonté, au mois de juillet dernier, de soumettre à Sa Majesté la question des restitutions d’œuvres d’art appartenant à l’Allemagne mais secrètement retenues en France en 1814/1815, ainsi que d’exposer à Sa Majesté la proposition que j’avais faite de confisquer les collections des villes du nord de la France à titre de gage pour ces réclamations anciennes. »
131 Lettre adressée à P.J. Meier, 18 août 1915, Brunswick, musée Herzog Anton Ulrich, archives : « Die Frage der Rückforderungen soll auf dem Denkmalpflegetage in Brüssel nicht zur Sprache kommen, selbst vertraulich womöglich nicht, da in Belgien alles verraten wird u. dadurch die ganze Beschlagnahme in Nord Frankreich wahrscheinlich vereitelt werden würde. Wir wollen uns hier in nächster Zeit darüber besprechen, alle beteiligten Staaten. »
132 Schwerin, Staatliches Landesmuseum, archives : « Auf das mir unter Beifügung eines vertraulichen Schreibens des Reichskanzlers von 27. Juli 1915 betr. etwaige Rückforderung der zwischen 1793 und 1814 von Frankreich geraubten Kunstwerke zugegangene Schreiben vom 30. Juli 1915 G. Nr. K 17752 b berichte ich gehorsamst : […] Die Aufsuchung dieser Kunstgegenstande ist seiner Zeit mit allem erdenklichen Fleiss geschehen ; daß trotzdem damals eine grössere Anzahl nicht gefunden wurde, liegt in der gänzlich ungenügenden Sachbeschreibung des Raub-Inventars, aber auch in der Eigenart dieser Gegenstände begründet. Ich halte es für ausgeschlossen, daß jetzt mit mehr Erfolg die Sache angegriffen werden könnte. Gehorsamst. Josephi. »
133 Lettre de Bode à Valentini, Berlin, 27 décembre 1915, Berlin, Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz, 2.2.1, Rep. 89, No 20793, fol. 85a : « Dagegen ist zur Sicherung der Kunstsammlungen in Lille, Douai, Valenciennes und so fort meines Wissens bisher nichts geschehen, obgleich die Gefahr der heimlichen Beiseiteschaffung der Kunstwerke oder ihrer Ersetzung durch Kopien sehr nahe liegt. »
134 « Aufzeichnung über die Beschlagnahme französischer Kunstgegenstände in den besetzten Gebietsteilen Frankreichs », 31 mars 1916, Berlin, Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz, 2.2.1, Rep. 89, No 20793, fol. 85e ; voir Kott 1994, p. 28.
135 Il est cependant réactivé à l’automne suivant, puisque plusieurs historiens de l’art – parmi lesquels Theodor Demmler, directeur-adjoint des musées de Berlin – sont envoyés en mission dans le Nord de la France pour déterminer en grand secret les œuvres susceptibles d’être prises. Certains transferts ont effectivement lieu, mais toujours à l’intérieur des frontières françaises et belges, le ministère des Affaires étrangères allemand s’opposant fermement à ce que des œuvres d’art soient ainsi importées en Allemagne ; voir Kott 1994, p. 14.
136 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, archives administratives : Dienstakten III C 1, vol. 23, fol. 65b.
137 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Jacobs, Kasten 8, no 178, 4.
138 Ibid.
139 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, archives administratives, Dienstakten III C 1, vol. 23, fol. 9 : « Der Bibliothekar der königlichen Bibliothek Dr. Degering hat den amtlichen Auftrag erhalten, eine Untersuchung über die 1815 erfolgte Rückforderung von Handschriften aus der Pariser Nationalbibliothek anzustellen. Nachdem er bereits die Akten des Kulturministeriums und der Königlichen Bibliothek durchgearbeitet hat, bitte ich ergebenst, ihm auch [etwaiges] im Königlichen Geheimen Staatsarchiv befindliches Material zugänglich machen zu wollen. »
140 Ibid., fol. 17.
141 Ibid., fol. 19 et suiv.
142 Ibid. : « Euerer Exzellenz beehre ich mich ganz gehorsamst zu berichten, daß ich bei meinen in Ihrem Auftrage unternommenen Nachforschungen über die Beraubung deutschen Bibliotheken durch die Franzosen und über die lückenhafte Rückgabe der geraubten Handschriften und Bücher auf eine Tatsache aufmerksam geworden bin, die meines Erachtens ein sofortiges Eingreifen zugleich erfordert und möglich macht. »
143 Ibid. : « Bei dieser Sachlage ist es meines Erachtens nicht allein erlaubt, sondern geradezu eine Pflicht, nicht nur, wenn die Zeit gekommen sein wird, den Generalpächtern der Zivilisation, sondern schon jetzt ihren belgischen Nachläufern den geschilderten Anteil am Raube wieder abzunehmen, denn der Hehler ist nicht besser als der Stehler. »
144 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, archives administratives : Dienstakten III C 1, vol. 23, fol. 19 : « Ich sollte meinen, wir hätten nun genug die Wirkungslosigkeit der Nachgiebigkeit und Zuvorkommenheit gegenüber der lateinischen Rasse kennen gelernt, lassen wir sie nun endlich deutsche Strenge und Macht fühlen, wenigstens da, wo unzweifelhaft das Recht wie in dem vorliegenden Falle auf unserer Seite steht. Mein Vorschlag geht also dahin, die nachweislich zu dem Kölner Raube gehörenden Handschriften in Brüssel sofort zu beschlagnahmen. »
145 Ibid.
146 Ibid., fol. 45 : « Meine persönliche Ansicht in dieser Frage ist Eurer Exzellenz bekannt. Ich komme nicht über die Überlegung hinweg, daß nach dem Krieg auch wieder Frieden kommt, und daß die Wiederherstellung des internationalen Verkehrs von Bibliothek zu Bibliothek wichtiger ist als eine, im ganzen betrachtet, doch unwesentliche Verschiebung des Handschriftenbesitzes. »
147 Ibid. : « Mit lebhaften Interesse hat derselbe davon Kenntnis genommen, seine Stellung aber nicht geändert : es sei der ausdrückliche Wille seiner Majestät, daß an diese Dinge nicht gerührt werde, wenigstens solange nicht, als die endgültige Entscheidung des Kampfes gefallen sei. »
148 Degering 1915.
149 Ibid., p. 38 : « Es dürfte nicht uninteressant sein, […] das Verhalten der “Grande Nation”, die bekanntlich nach ihrer Ansicht die Kultur und Zivilisation schon seit Jahrhunderten allein in Generalpacht bekommen hat, in den Jahren ihrer Vorherrschaft von 1792-1814 in Belgien und Deutschland zu vergleichen. »
150 Emil Jacobs : « Vandalismus. Vortrag gehalten am Mittwoch, 17. Nov. 1915, Abds 8 ? im Hörsaal I der Universität zu Freiburg », Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Jacobs, no 175, fol. 23.
151 Degering 1916, col. 30 : « … aber nun beging man einen verhängnisvollen Fehler. Statt zu handeln, ließ man sich […] auf Unterhandlungen ein. Das Richtigste würde […] gewesen sein, gleich nach der Einnahme von Paris mit dem Recht des Siegers genügende Faustpfänder genommen und die Rückgabe des Geraubten ohne Einschränkung als Friedensbedingung gefordert zu haben. »
152 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Jacobs, Kasten 39, Briefsammlung III : « Sehr geehrter Herr Direktor ! / Im Auftrage des Herrn Ministerialdirektors Schmidt beehre ich mich, an Sie die ergebenste Anfrage zu richten, ob Sie geneigt und in der Lage sind, zu einer grösseren Reihe von Aufsätzen über den Französischen Kunstraub, die wie der meinige und der von Prof. Steinmann mit demnächst ein weiterer von Gronau in Kassel in der Intern. Monatsschr. Erscheinen sollen und schliesslich vielleicht auch in einem Bande gesammelt herausgegeben werden sollen, auch Ihrerseits einen Beitrag zu liefern. Falls Sie etwa die Absicht haben würden “die Sendung Maugérard’s” als Thema zu wählen, würde ich bereit sein, Ihnen das von mir gesammelte reiche bisher unbekannte Material zur Verfügung zu stellen, soweit das für Ihren Aufsatz notwendig ist. » Emil Jacobs (1868-1940) fut directeur du département des manuscrits occidentaux de la Staatsbibliothek à Berlin entre 1905 et 1912. Depuis 1912, il était directeur de la bibliothèque universitaire de Fribourg-en-Brisgau. Avant cette date, il a publié un grand nombre d’articles relatifs aux saisies de livres et de manuscrits opérées par Jean-Baptiste Maugérard dans les régions rhénanes.
153 Rapport non daté de Degering, Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Degering, ungeordneter Rest : « Wären uns die in Paris darüber vorhanden Akten zugänglich, so würden wir bis in Einzelheiten hinein klarer sehen als heute, wo wir infolge der Lückenhaftigkeit der urkundlichen Grundlagen für grosse Gebiete nur auf Analogieschlüsse und Vermutungen angewiesen sind, um den Umfang der deutschen Verluste vollinhaltlich abzuschätzen. »
154 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, nl Jacobs, Kasten 8, Nr. 176 (« Notizen zum Thema Vandalismus »), Nr. 182 (extraits du Magasin encyclopédique, 1795), Nr. 187 (« Zeitungsausschnitte betr. Kunstschätze im Krieg »), Nr. 188-191 (notes de lecture sur les spoliations françaises en général).
155 Voir Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Degering, ungeordneter Rest, archives administratives : Dienstakten III C 1, vol. 23.
156 Comme en témoigne ce commentaire de Jacobs, joint à l’extrait, retenu et souligné par lui, d’une notice biographique sur Van Praet : « On a beau s’efforcer, cent ans après les événements, de se montrer compréhensif à l’égard des deux camps, il faut bien reconnaître que les bibliothécaires français de l’époque ne se sont pas couverts de gloire. Aujourd’hui encore, l’aveu de leurs manigances suscite un sentiment de douleur : […] “M. Van Praet, de concert avec M. Dacier et M. Millin, sut alors, par une succession de fraudes pieuses, détromper fréquemment les réclamations qui semblaient les mieux fondées. […] C’est ainsi qu’à la place de volumes complets admirablement reliés, de médailles à fleur de coin et de gravures avant la lettre, les poursuites de l’étranger n’atteignirent souvent que des volumes mutilés, des médailles frustes et des gravures d’un médiocre tirage. La France n’a donc pas encore perdu tout le fruit de ses conquêtes dans le domaine de l’archéologie, des beaux-arts et des belles-lettres ; et ce domaine a bien aussi quelque prix” ».
157 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Jacobs, Kasten 8, Nr. 178, rapport du 3 mars 1915, IIIe partie : « Umso verwunderlicher ist es, dass wir diese genauen Zeitpunkte für die Zugänge aus Deutschland während der Revolution und des Kaiserreiches von Delisle nichts erfahren, Maugérards Sendungen zB sind im Einzelnen nicht aufgeführt, sein Name und seine Tätigkeit nur mit wenigen Worten berührt. Und doch hätte Delisle sie geben können, ja man möchte sagen, geben müssen. »
158 Rapport non daté de Degering, Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Degering, ungeordneter Rest : « Diese Kommission ist nämlich die eigentliche Zentralstelle und der spiritus rector des ganzen französischen Raubsystems, bei der alle die Fäden zusammenliefen die durch das Netz der ausgesandten Raubkommissare über die eroberten Gebiete ausgebreitet wurde. Leider ist von diesem für uns wichtigen Werke bisher nur erst der erwähnte erste Band erschienen […]. Die Fortsetzung des Tuetey’sche Bandes würde für uns von ganz ausserordentlichem Werte sein, und da sicherlich bereits ein grosser Teil dieser Fortsetzung bei Ausbruch des Krieges gedruckt gewesen sein wird und das Druckmanuskript wohl für weitere Bande fertig gestellt ist, so würde es von wesentlichen Vorteil für die spätere Abwicklung des Reklamationsgeschäfte sein bei einer Besetzung von Paris den Versuch zu machen diese Fortsetzung in die Hand zu bekommen. »
159 Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz, département des manuscrits, nl Degering, ungeordneter Rest : « Dadurch würden die Franzosen gezwungen werden, uns die Erwerbungsakten über diese Abteilung zugänglich zu machen, und wir würden mit größerer Sicherheit unser rechtmäßiges Eigentum feststellen können […]. Deutscherseits müßte selbstverständlich […] mit deutscher Redlichkeit und Gewissenhaftigkeit verfahren werden, aber auch mit Festigkeit und Vorsicht den zweifellos wiederum zu erwartenden frz. Ränken und Betrügereien gegenüber, an denen damals 1814/15 unsere Bemühungen, wieder zu unserem Eigentum zu gelangen, in so vielen Fällen gescheitert sind, worauf sich noch heute die Edelsten der “ritterlichen” Nation nicht wenig zu gute tun (zB Eug. Müntz, E. Ferrand, Ch. Saunier). »
160 C’est le cas, d’abord, d’un important article que Degering consacre en 1921 aux « Manuscrits d’Echternach et d’Orval à Paris » (Degering 1921) ; c’est peut-être aussi le cas d’un double article paru en 1928 dans une revue d’histoire locale, les Gelbe Hefte, dû à Heinrich Huber (Huber 1928), conseiller du gouvernement auprès des archives du Landtag de Bavière à Munich, et consacré au passage de Neveu à Munich et aux réclamations de 1814 et 1815.
161 Wolfgang Hans Stein : « Die Inventarisierung von Quellen zur deutschen Geschichte. Eine Aufgabe der deutschen Archiwerwaltung in den besetzten westeuropäischen Ländern im Zweiten Weltkrieg », in : Inventar von Quellen zur deutschen Geschichte in Pariser Archiven und Bibliotheken, Wolfgang Hans Stein (éd.), Coblence 1986, pp. XXVII-LXVII.
162 Schwerin, Staatliches Museum, archives.
163 Wilkes / Brandts 1940.
164 Stein 1986, p. XXXIX : « Rückgabe des seit 400 Jahren dem deutschen Volk geraubten Gebietes und sonstiger Werte ».
165 Ibid., p. XL.
166 Schwerin, Staatliches Museum, archives : « Ich ersuche um eine umgehende Prüfung, welche Kunstwerke und geschichtlich bedeutsamen Gegenstände aus Ihrem Bereich im Laufe der Zeiten bis in unsere Tage aus unserem Besitz an unsere heutigen Gegner gelangt sind, soweit dies nicht nachweislich im Wege eines freiwilligen Rechtsgeschäftes geschehen ist. »
167 Stein 1985, p. XL : « [Inventarisierung] deutschen Kulturbesitzes, der in den letzten Jahrhunderten, etwa seit Beginn des Dreißigjährigen Krieges, von den Westmächten geraubt oder durch ihre Einwirkung zerstört worden ist. »
168 Ibid.
169 Lettre de Niels von Holst à l’administration du musée de Schwerin, 1er août 1940, Schwerin, Staatliches Museum, archives. Niels von Holst était fonctionnaire au ministère des Sciences, de l’Éducation et de la Culture, ainsi qu’au tristement célèbre err, Einsatzstab Reichleiters Rosenberg (le service de l’état-major Rosenberg), du nom de l’« idéologue » officiel du nazisme qui assurait la direction de ce service, et qui, au terme de son action à l’été de 1944, aura procédé en France à la confiscation et à l’inventaire systématique de plus de 250 stocks de marchands et de collections, totalisant environ 15 000 œuvres et objets. Niels von Holst a été plus particulièrement actif, semble-t-il, dans l’est de l’Europe. Ses publications, toutes postérieures à la guerre, sont consacrées pour certaines aux régions où il a opéré : Riga und Reval : ein Buch der Erinnerung, Hameln 1952 ; Breslau : ein Buch der Erinnerung, Hameln 1950 ; Ostdeutsche Bildkunst, Düsseldorf 1950 ; Paris, Hameln 1953 ; il est par ailleurs l’auteur d’un ouvrage important, traduit en anglais, sur les collectionneurs et le collectionnisme : Künstler, Sammler, Publikum : ein Buch für Kunst- und Museumsfreunde, Darmstadt 1960 ; Creators, Collectors and Connaisseurs : The Anatomy of Artistic Taste from Antiquity to the Present Day, Londres 1967.
170 Ibid. : « Der Unterzeichnete ist beauftragt worden mit der Feststellung von Museumsgut deutscher Herkunft in Frankreich, Belgien, Norwegen ff. und bittet, möglichst bis Ende des Monats August, um Mitteilungen aus Ihrem Arbeitsbereich […]. Auf Grund der eingehenden Angaben werden Nachforschungen in Frankreich usw. angestellt werden. »
171 Lettre du ministère de l’Intérieur aux gouvernements régionaux, Berlin, 24 août 1940, Schwerin, Staatliches Muséum, archives.
172 Wilkes / Brandts 1940, p. 3.
173 « Die besonderen Schwierigkeiten bei der Reklamation rheinischer Objekte im Jahre 1814 ff. und Vorschläge für die jetzigen Rückforderungen », ibid., pp. 34-40.
174 Ibid., p. 37 : « Voller Erfolg wäre der Kommission von 1814/16 nur beschieden gewesen, wenn ihre Vertreter systematisch die gesamten Bestände aller französischen Museen und Bibliotheken hätten durchsehen können. »
175 Ibid., pp. 38-39 : « Nationalarchiv (bzw. Ministerien) : 1) Durchsicht der gesamten Korrespondenz der Deutschen Beauftragten mit den französischen Behörden […]. Hier müssen sich u. a. folgenden Listen ermitteln lassen : a) zwei Listen (A u. B), nach welchen Altenstein 1815 Oktober 7 seine Entschädigungsforderung gestellt hat. […] b) eine Aufstellung (tableau) Altensteins […]. Beide Stücke sind in unseren Akten nicht zu finden. c-d) zwei Aktenstücke, welche Charles Schmidt, Les sources de l’histoire des Territoires Rhénanes [sic] de 1792 à 1815 dans les archives Rhénanes et à Paris, Paris 1912, S. 281 erwähnt […]. e) laut Mitteilung von Staatsarchivrat Dr. F.W. Oediger-Düsseldorf hätten sich nach der Aussage von E. Casper die Originallisten der Raubkommissare, bestehend in grünen Heften, sich stets in dem Dienstzimmer des zeitweiligen Direktors (Omont) der Nationalbibliothek zu Paris befunden ; sie sind sicherzustellen und auszuwerten. Bibliotheken : 2) Zugangsverzeichnisse der Bibliothèque Nationale u.a. Museen : 3) Zugangsverzeichnisse folgender Institute : Louvre, Cluny, Arsénal und sämtlicher Museen und Sammlungen in Paris sowie der Hauptmuseen in den Provinzen. »
176 Voir Stein 1985, p. LXI, note 115.
177 Lettre de l’administration du musée de Schwerin en réponse au ministère des Sciences, de l’Éducation et de la Culture, Schwerin, 3 juillet 1940 ; lettre de l’administration du musée en réponse à Holst, Schwerin, 23 août 1940 ; lettre de l’administration du musée, 7 septembre 1940, Schwerin, Staatliches Museum, archives.
178 Lettre de Walter Josephi, antérieure au 19 août 1940, Schwerin, Staatliches Museum, archives : « Die ganze Angelegenheit geht natürlich den Landesdenkmalpfleger nicht das geringste an : es ist eine reine Museumssache und kann überhaupt nur im Museum selbst bearbeitet bezw. auf Einzelheiten hin nachgeprüft werden. […] Vor allem aber muss der Nachprüfer das Fingerspitzengefuhl und die souveränen Kenntnisse haben, das, was in den für die ganze Arbeit das Fundament bildende Schloß-Inventaren und -Katalogen des endenden 18 Jh. steht, in dem Sinne herauszuklauben, wie es in den heutigen Katalogen benannt wird. […] Wir brauchen uns keine Illusion hinzugeben : in der Reihe unqualifizierter Persönlichkeiten, die nach Ihnen und mir im Museum Schwerin verantwortlich zeichneten oder wirkten, ist kein einziger, der auch nur im entferntesten über dies musealgeschichtliche Wissen und Können, […] die man besitzen muß, wenn man Einzelheiten nachprüfen will. Ich empfehle daher dem Ministerium vorzuschlagen, sich in der Landesbibliothek Schwerin […] eine Abschrift meines Aufsatzes machen zu lassen und darauf seine Entschliessung zu gründen. Bemerkt sei noch, daß etwa Zurückgefordertes automatisch in das Eigentum des Großherzogs treten würde, da laut Auseinandersetzungsvertrag von 19[?] das Inventar Schlösser – und als solches kamen die Raubstücke nach Frankreich – privates Eigentum ist. »
179 Lettre de Niels von Holst à l’administration du musée de Schwerin, Berlin, 4 novembre 1915, Schwerin, Staatliches Museum, archives.
180 Stein 1985, p. XL.
181 Ibid., p. XLI.
182 Voir Max Kunze : « Kopien statt Originale. Stendals Bemühungen um den Pariser Nachlaß Winckelmanns. 1940-943 », in : Élisabeth Décultot, Max Kunze, Bénédicte Savoy : Rom. Paris. Stendal. Der Winckelmann-Nachlaß in Paris. Zurgeschichte der Handschriften Winckelmanns, Schriften der Winckelmann-Gesellschaft, t. XXI, Stendal 2001, pp. 65-77.
183 Lettre de Möbius à l’administration du musée de Schwerin, Paris, 3 novembre 1941, Schwerin, Staatliches Museum, archives : « Bei der Durcharbeitung der Akten, die sich auf die in Napoleonischer Zeit in Deutschland geraubten Kunstwerke beziehen, bin ich auch auf die Gemälde gestossen, die im Januar 1807 von dem französischen Galeriedirektor Denon aus Schwerin entführt worden sind. Vergleicht man nun die Liste der 1807 entführten Bilder mit dem Verzeichnis der 1815 an Hofmarschall von Oertzen zurückgegebenen, so fehlen noch die in der beiliegenden Liste aufgeführten Gemälde, die ich andererseits in der grossen Denkschrift Generaldirektor Kümmels nicht genannt finde. Da nunmehr die endgültige Liste der aus Deutschland entführten Kunstwerke zusammengestellt werden soll, wäre ich sehr dankbar für Ihre Ausserung, ob die Bilder heute wirklich in Schwerin fehlen oder ob sie auf einem mir nicht bekannten Wege zurückgelangt sind. »
184 Stein 1985, pp. XL-XLI ; voir aussi Anja Heuss : « Der Kunstraub der Nationalsozialisten. Eine Typologie », Kritische Berichte, 2/1995, pp. 32-43, ici p. 41.
185 Lettre de Möbius à l’administration du musée de Schwerin, Schwerin, Staatliches Museum, archives.
186 Lettre de Möbius à l’administration du musée de Schwerin, Paris, 24 juin 1942, Schwerin, Staatliches Museum, archives.
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