La genèse des Reines de Perse aux pieds d’Alexandre
p. 17-28
Texte intégral
1Un peu plus tard, Charles Le Brun poursuit ce concept dans un tableau qui fera aussi l’objet d’une description détaillée de la part d’André Félibien : Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, dit aussi La famille de Darius aux pieds d’Alexandre ou encore La tente de Darius (1660-1661, ill. 6)17. Le commanditaire est cette fois le jeune Louis XIV, dont l’attention a sans doute été attirée sur le peintre par le cardinal Mazarin qui connaissait lui-même Le Brun par Fouquet. Si les deux œuvres semblent ne rien avoir en commun, leurs messages respectifs se recoupent dans une large mesure. Le tableau a une dimension mythique, car il se situe à la fois au début du règne personnel du roi et à l’aube de la brillante carrière de Le Brun comme peintre de cour.
ill. 6 Charles Le Brun, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, 1660-1661, Versailles, château de Versailles, inv. MV6165

Crédit/Source : RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot, photo.rmn.fr/archive/04-510998-2C6NU005FBHD.html (cote cliché 04-510998)
2Mais arrêtons-nous d’abord sur le tableau et l’évènement représenté. Le Brun s’est inspiré ici pour l’essentiel de la Vita de Quinte-Curce (Quintus Curtius Rufus), principale source concernant la geste du roi antique dont il existait de nombreuses traductions françaises, la dernière datant de 165318. Après avoir mis en déroute le roi de Perse et battu son armée à la bataille d’Issos, en 333 av. J.-C., Alexandre se rend dans le camp de Darius en compagnie de son ami Héphaistion. Quinte-Curce décrit les turbulences que cette défaite entraîna pour les Perses, puis il explique :
« Mais parmy tout cela, il n’y eut rien qui fist tant paroistre la puissance de la fortune, et la fragilité des choses humaines, comme de voir que les mesmes Officiers qui avoient preparé pour Darius le plus superbe et le plus magnifique pavillon qu’il est possible de s’imaginer, peu d’heures apres gardoient tout ce pompeux appareil et toutes ses grandes richesses pour Alexandre, comme s’il les eust euës des ses Ancestres ; Car c’estoit la seule chose à quoy les soldats n’avoient point touché, la coustume estant de recevoir le victorieux dans la tente du vaincu. La mere et la femme de Darius qui estoient prisonnieres, attiroient les yeux et les cœurs de tout le monde. L’une estoit venerable non seulement pour la majesté de sa personne, mais aussi à cause de son âge ; Et l’autre se faisoit admirer par son excellente beauté, qui pour toutes ces afflictions n’estoit point changée, et n’avoit rien perdu de son éclat. Elle tenoit entre ses bras son fils qui n’avoit pas encore atteint l’âge de six ans, et qui estoit né dans l’esperance de posseder un iour cette grande fortune que son pere venoit de perdre. On voyoit aussi deux ieunes Princesses prestes à marier, couchées dans le giron de la Reyne leur grand’mere, et qui moins touchées de leur infortune que de la sienne, fondoient en larmes, et se consumoient d’ennuy. Il y avoit autour d’elles quantité de Dames de condition, qui n’ayant plus d’égard ni à bien-seance ni à dignité, déchiroient leurs robes et s’arrachoient les cheveux, appellant ces Princesses leurs “Maistresses et leurs Reynes”, noms à la verité qu’elles possedoient autrefois à iuste titre, mais qui alors ne leur appartenoient plus19. »
3Telle est la situation de départ. Concernant l’instant immortalisé par Le Brun, Quinte-Curce écrit :
« [Alexandre] entra seul dans leur tente avec Ephestion. […] Ils estoient de mesme âge, mais Ephestion estoit plus grand et avoit meilleure mine, de sorte que les Reynes le prenant pour le Roy, luy firent à leur mode une profonde reverence ; mais quelques-uns des Eunuques prisonniers leur monstrant Alexandre, Sysigambis se ietta aussi-tost à ses pieds pour luy demander pardon de la faute qu’elles avoient faites, s’excusant sur ce qu’elles ne l’avoient iamais veu. Le Roy la prit par la main et la relevant, “Non ma Mere”, dit-il, “vous ne vous estes point trompée, car celuy-cy est aussi Alexandre”20. »
4À propos de la suite des évènements, Quinte-Curce nous apprend qu’Alexandre s’est comporté si dignement à l’égard de la famille de Darius
« […] que Sysigambis ravie de la bonté de ce Prince. “Tu merite”, dit-elle, “Seigneur, que nous facions pour toy les mesmes vœux et les mesmes prieres que nous faisions autrefois pour Darius, puis-qu’à ce que ie vois, tu ne le surpasse pas seulement en bon-heur, mais aussi en clemence et en toutes sortes de vertus […].” Le Roy les conjura de ne se point affliger, et prit le fils de Darius entre ses bras. Ce petit enfant ne s’estonnant point d’un usage qu’il n’avoit iamais veû, se mit à l’embrasser avec les deux mains, dont le Roy se sentit touché, et admirant son asseurance, en se tournant vers Ephestion, “Que ie voudrois de bon cœur”, luy dit-il, “que Darius eust eu quelque chose du naturel de cét enfant”21 ! »
5D’autres historiens ont apporté à cette description des compléments, dont s’est manifestement inspiré Le Brun. Si Quinte-Curce écrit uniquement que Sysigambis se jette aux pieds d’Alexandre pour lui demander pardon de sa méprise, Diodore, le plus ancien des historiens antiques ayant relaté la vie du roi de Macédoine, est le seul à ajouter que la mère de Darius s’est auparavant agenouillée devant Héphaistion22. Chez Arrien et Plutarque, les deux autres historiens antiques qui ont rapporté cet évènement, l’hommage rendu à Héphaistion n’est pas précisé et aucune mention n’est faite d’un agenouillement23. Aucun de ces auteurs ne parle explicitement d’un amour qu’Alexandre aurait éprouvé pour la fille aînée de Darius, Statira, aussitôt après son entrée dans la tente – amour qu’il aurait maîtrisé de lui-même. Cet épisode sans cesse colporté provient sans doute d’une allusion de Plutarque qui ne s’étend pas davantage sur ce point. Selon lui, la femme et les filles de Darius étaient d’une grande beauté, mais Alexandre n’aurait touché aucune femme avant de l’épouser24. Il semble donc que l’amour spontané d’Alexandre pour Statira soit une extrapolation d’historiens des Temps modernes qui mirent le mariage ultérieur d’Alexandre et de Statira en relation avec la visite dans la tente de Darius.
6Reprenant à leur compte la définition de Cicéron, qui voyait dans l’histoire une magistra vitae, les quatre auteurs antiques interprètent l’évènement comme un exemplum virtutis. Ils soulignent la clémence d’Alexandre qui respecte l’honneur, le statut et les parures des princesses, et leur permet en outre d’enterrer leurs morts, rejoignant ainsi en grande partie les idées d’une historiographie humaniste. Cette approche explique aussi la description étonnamment détaillée de l’épisode, somme toute secondaire, de l’erreur de Sysigambis et de la réaction d’Alexandre rapportées notamment par Quinte-Curce. Sysigambis est tellement impressionnée par la bonté du vainqueur qu’elle lui voue même une estime supérieure à celle qu’elle ressent pour son propre fils, car il le surpasse en bonheur et surtout en clémence et en toute autre vertu. Quinte-Curce nomme ici le message essentiel du récit : un souverain acquiert le prestige certes par ses actions militaires, mais avant tout par ses vertus. Les autres historiens antiques lui emboîtent le pas, tel Plutarque qui formule de ce fait le thème des transpositions artistiques de l’évènement : « […] Alexandre estimant, à mon avis, estre chose plus royale de se vaincre soy-mesme, que de surmonter ses ennemis […]25. » C’est de manière tout à fait analogue que Jacques Amyot, traducteur du texte de Plutarque, résume les explications de l’historien antique. Précepteur des fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, Charles et Henri, à l’époque de la parution de son édition, il écrit dans une note marginale : « Un Roy doit traiter royalement les personnes royales, et se contenir le plus lorsque le desordre semble luy donner quelque licence de mal verser26. » Ces réflexions seront reprises dans toutes les déclarations du XVIIe siècle relatives à cette thématique, y compris en rapport avec le tableau de Le Brun27.
7Dans son évocation, Quinte-Curce insiste sur la dimension morale lorsqu’il explique qu’Alexandre lui paraîtrait plus exemplaire encore s’il avait conservé sa modération et ne s’était pas comporté ultérieurement de façon colérique, incontrôlée et contestable d’un point de vue moral28. Arrien va plus loin encore et s’interroge sur la véracité du récit de la visite d’Alexandre dans la tente de Darius lorsqu’il écrit, à propos de la réaction apaisante du Macédonien citant Héphaistion comme un autre Alexandre :
« Ie n’allegue pas cecy comme une chose veritable, mais qui n’est pas esloignée de la vray semblance. Que si elle est vraye Alexandre est certes tres-loüable d’avoir rendu cét honneur à son amy et à ses Princesses captives : et si c’est une invention de l’Historien elle est encor à son avantage d’avoir esté iugé digne d’une si belle action29. »
8Arrien touche ici à un point capital de la définition de l’historiographie. Depuis Aristote, on s’accordait largement pour affirmer que celle-ci devait restituer la vérité alors que la littérature pouvait inventer et n’était soumise qu’à la vraisemblance. Cette distinction, cependant, n’empêche pas Arrien de continuer à inclure la visite d’Alexandre – même si elle n’a pas eu lieu – dans les évènements que l’historien se doit de relater. Arrien justifie cet élargissement du champ d’action de la discipline en arguant du fait qu’elle peut ainsi mieux s’acquitter de sa mission pédagogique.
9Outre les protagonistes cités – Alexandre, Héphaistion, la famille de Darius – les historiens ne mentionnent aucun autre personnage, à l’exception de Quinte-Curce qui évoque les eunuques attirant l’attention sur la méprise de Sysigambis30. Pour le plus littéraire des quatre auteurs antiques, les eunuques jouent un rôle important car ils lui permettent de développer une narration dans laquelle les différentes étapes de la connaissance sont clairement identifiables ; ils restent toutefois secondaires pour le contenu lui-même. Par son récit étoffé, c’est sûrement Quinte-Curce qui répondait le mieux aux exigences de l’art.
10Le Brun a choisi le moment où Alexandre, entré dans la tente par la gauche en compagnie d’Héphaistion, excuse l’erreur de Sysigambis en désignant son ami tout en se tournant vers la famille de Darius. Les autres acteurs, la famille de Darius et sa cour, manifestent un large éventail de réactions distinctes à une situation que Sysigambis n’a manifestement pas encore saisie. L’impression que donne actuellement le tableau est faussée ; en effet, les gravures révèlent que cette peinture à l’huile sur toile de 300 × 451 cm a été coupée à une époque ultérieure. Son format initial devait être d’environ 420 × 600 cm. Si cette réduction affecta un arbre à gauche, une partie de la tente et les frondaisons, elle ne porta pas atteinte aux personnages.
11L’élève et biographe de Le Brun Claude Nivelon rapporte vers 1700 que le tableau a été peint à Fontainebleau où le roi séjournait pendant les mois d’été31 ; Guillet de Saint-Georges, dans sa Vie de Le Brun présentée devant l’Académie en 1693, donne l’année 1660 comme date d’exécution de l’œuvre32. La gravure réalisée d’après le tableau par Gérard Edelinck la situe, quant à elle, en 1661 (vers 1675, ill. 7)33. D’après Nivelon, le roi aurait laissé au peintre le choix du sujet, ce qui donne l’impression que le tableau aurait été une pièce de collection autonome obéissant uniquement à des considérations artistiques, à l’image des fameuses œuvres de Nicolas Poussin, et non une peinture liée à un contexte politique. Guillet de Saint-Georges est plus crédible, lorsqu’il écrit que le roi aurait imposé à l’artiste l’histoire d’Alexandre34. André Félibien, l’auteur le plus proche chronologiquement et sans doute le mieux informé, remarque même que le véritable inspirateur fut Louis XIV, ouvrant ainsi un nouveau champ d’argumentation, celui du roi-artiste : « Et ce rare Ouvrage que son excellent Auteur vient d’achever, est moins une production de son art et de sa science, qu’un effet des belles idées qu’il a receües de V.M. quand elle luy a commandé de travailler pour elle35. »
ill. 7 Gérard Edelinck d’après Charles Le Brun, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, vers 1675, Los Angeles, Getty Research Institute

Crédit/Source : Getty Research Institute, primo.getty.edu/GRI:GETTY_ALMA21139456620001551
12Un genius loci a peut-être joué un certain rôle dans le choix thématique. Francesco Primaticcio et Niccolò dell’Abate avaient orné la chambre à coucher de la maîtresse de François Ier, la duchesse d’Étampes, avec des scènes de l’histoire d’Alexandre, mais celles-ci étaient déterminées par la fonction de la pièce et ne véhiculaient pas de message résolument politique. En revanche, on peut considérer comme certain que le sujet fut discuté et élaboré avec le roi et ses conseillers ; en effet, il tient compte d’aspects artistiques, purement politiques, théorético-politiques et même scientifiques. Si la France ne pouvait fournir à Le Brun aucun antécédent artistique, l’Italie comptait de grands précurseurs36. De nouveau, il s’agit en premier lieu ici de Pierre de Cortone, qui avait traité ce thème dans la Sala di Venere de l’appartement des Planètes au Palazzo Pitti à Florence (1641-1642, ill. 8) ; dès le XVIe siècle, Sodoma s’était emparé de l’histoire d’Alexandre à la villa Farnesina à Rome (vers 1512, ill. 9) et Perino del Vaga au château Saint-Ange (1545-1547, ill. 10), tandis que Paul Véronèse faisait de même à Venise (1565-1567, ill. 39)37. Taddeo Zuccari créa une version pour le Castello Odescalchi à Bracciano (1561). Il faut mentionner enfin une tenture tissée vers 1600 dans l’atelier d’Andreas Blomaert (ill. 11) qui présente des similitudes avec la composition de Le Brun38.
ill. 8 Pierre de Cortone, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, 1641-1642, Florence, palais Pitti, galerie Palatine, salle de Vénus, inv. Gab. Fot. n. 591045

Crédit/Source : Gallerie degli Uffizi, Su concessione del Ministero della cultura
ill. 9 Sodoma, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, vers 1512, Rome, villa Farnesina

Crédit/Source : Archives Alinari, Florence, Dist. RMN-Grand Palais / Alessandro Angeli, photo.rmn.fr/archive/09-502817-2C6NU09UKOBX.html (cote cliché 09-502817)
ill. 10 Perino del Vaga, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, 1545-1547, Rome, Castel Sant’Angelo

Crédit/Source : Archives de l’auteur
ill. 11 Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre, vers 1600, tapisserie, atelier d’Andreas Blomaert, Madrid, Palacio Real

Crédit/Source : Patrimonio nacional
13Outre les antécédents cités, dont Le Brun connaissait sûrement les exemples de Rome et de Florence, les spécialistes évoquent surtout le Coriolan de Nicolas Poussin (vers 1645-1650, ill. 12), auquel Le Brun pourrait s’être référé39. Les deux scènes sont tout à fait comparables : un groupe de femmes est agenouillé devant un homme pour implorer sa grâce. La diversité des sentiments exprimés dans le tableau de Poussin pourrait aussi avoir inspiré Le Brun.
ill. 12 Nicolas Poussin, Coriolan, vers 1645-1650, Les Andelys, musée municipal Nicolas Poussin

Crédit/Source : RMN-Grand Palais / Christian Jean, photo.rmn.fr/archive/85-000271-2C6NU0HXRO_9.html (cote cliché 85-000271)
14De même qu’on ne trouve pas de préfiguration de l’œuvre de Le Brun dans l’art français, de même aucun traitement de ce thème précis n’est attesté dans la littérature40. On peut toutefois établir un certain rapprochement avec la tragi-comédie de Gillet de La Tessonerie, L’art de regner. Ou le sage gouverneur (1645), dont le quatrième acte a pour objet l’amour présumé d’Alexandre pour Statira et la continence du roi41. Cette pièce, qui s’adresse au jeune Louis XIV, s’inscrit parmi les ouvrages d’éducation princière. Le thème général en est la maîtrise de soi, qualité indispensable à tout souverain : « […] pour estre capable de commender aux autres il faut sçavoir l’art de se vaincre soy-mesme42. » Un précepteur y explique à son élève royal les vertus capitales d’un monarque en s’appuyant sur des exemples présentés sur scène. L’amour d’Alexandre pour Statira illustre la continence. Chez Gillet, toutefois, cet amour reste sans lendemain, car Statira aime un prince perse du nom d’Oroondate. En dépit de toutes ses protestations d’amour, voire de ses menaces, Alexandre ne parvient pas à la détourner de sa passion ni à lui faire accepter ses avances. Statira préfère se donner la mort que de renoncer à Oroondate et épouser le roi de Macédoine. Au terme de l’acte, Alexandre cède et abandonne Statira à son rival, bien que tous deux soient ses prisonniers. Dans le dialogue avec le prince qui introduit le quatrième acte, Gillet, en référence à Plutarque, fait dire au gouverneur : « D’ompter ses passions par une force extresme Gourmander ses desirs, et se vaincre soy-mesme43 » – formule à laquelle semble faire écho la légende de la gravure de Gérard Edelinck d’après la peinture de Le Brun : « Il est d’un roy de se vaincre soy mesme » (ill. 7)44. Le quatrième acte, toutefois, ne se déroule pas dans la tente de Darius, mais dans sa « Chambre Royalle » ; par ailleurs, Gillet parle de la veuve de Darius, plaçant ainsi l’épisode à un autre moment de l’histoire que l’évènement peint par Le Brun, car Darius ne meurt qu’en 330 av. J.-C., soit trois ans après la bataille d’Issos et la visite d’Alexandre dans sa famille45.
15Destinée au roi alors âgé de sept ans, la pièce connut manifestement un certain succès et fut plusieurs fois rééditée et sans doute même jouée à Paris. On ignore si le roi compta parmi ses spectateurs46.
Notes de fin
17 Versailles, Musée national du château, Inv. MV. 6165, voir Charles Le Brun. 1619-1690, cat. exp., Versailles, château de Versailles, 1963, p. 71, cat. 27, avec les données essentielles. Nous adopterons ici le titre qu’André Félibien, sûrement en accord avec Charles Le Brun, utilise dans son analyse de l’œuvre : Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre.
18 Quinte-Curce (Quintus Curtius Rufus), De la vie et des actions d’Alexandre le Grand. De la traduction de Monsieur de Vaugelas. Avec les supplémens de Iean Freinshemius sur Quinte Curce, trad. Pierre Du-Ryer, Paris, 1653. Le Brun en possédait un exemplaire, voir Inventaire après décès de Charles Le Brun, Archives nationales, Minutier central, étude LXXV, liasse 126, 2 mars 1690.
19 Quinte-Curce, 1653 (note 18), Livre III, p. 252-254.
20 Ibid., p. 257 et suiv.
21 Ibid., p. 259 et suiv.
22 Diodore de Sicile, Histoire de Diodore sicilien, trad. Robert Macault et Jacques Amyot, Paris, 1585, Livre XVII, chap. IX, p. 621.
23 Arrien, Les guerres d’Alexandre, trad. Perrot d’Ablancourt, Paris, 1646, Livre II, chap. VI, p. 95 et suiv. ; Plutarque, Les hommes illustres grecs et romains, trad. Jacques Amyot, t. II, Paris, 1655, p. 132 et suiv.
24 Ibid., p. 133.
25 Ibid.
26 Ibid., p. 132.
27 Voir Robert W. Hartle, « Le Brun’s “Histoire d’Alexandre” and Racine’s “Alexandre le Grand” », The Romanic Review, t. LXVIII, 1957, p. 93.
28 Quinte-Curce, 1653 (note 18), Livre III, p. 258.
29 Arrien, 1646 (note 23), p. 95 et suiv.
30 Quinte-Curce, 1653 (note 18), Livre III, p. 258.
31 Claude Nivelon, Vie de Charles Le Brun et description détaillée de ses ouvrages, éd. par Lorenzo Pericolo, Genève, 2004, p. 273-277.
32 Guillet de Saint-Georges, « Mémoires historiques des principaux ouvrages de Charles Le Brun, écuyer, sieur de Thionville, premier peintre du roi, directeur des manufactures royales des meubles de la couronne des Gobelins, directeur, chancelier et recteur de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture », dans Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, publiés d’après les manuscrits conservés à l’Ecole Impériale des Beaux-Arts, éd. par Louis Dussieux et al., t. I, Paris, 1854, p. 24 et suiv.
33 La date a donné lieu à une vive discussion dans la mesure où le message politique du tableau, de l’avis de nombreux auteurs, diffère selon que l’on place le début de son exécution avant ou après la mort de Mazarin, et avant ou après l’arrestation de Fouquet. Dans sa monographie sur Le Brun, Henry Jouin pense que la peinture a été commencée à Fontainebleau à l’été 1660 et terminée à Paris en 1661, opinion adoptée également par Nicolas Milovanovic ; voir Henry Jouin, Charles Le Brun et les arts sous Louis XIV. Le Premier Peintre. Sa vie, son œuvre, ses écrits, ses contemporains, son influence. D’après le manuscrit de Nivelon et de nombreuses pièces inédites, Paris, 1889, p. 133 et suiv. ; Nicolas Milovanovic, « Le roi et son peintre : La “Famille de Darius” de Charles Le Brun », Versalia, no 8, 2005, p. 168. Or, dans le sillage de Donald Posner, « Charles Lebrun’s “Triumphs of Alexander” », The Art Bulletin, t. XLI, no 3, 1959, p. 238, la critique récente admet majoritairement que Le Brun séjourna à Fontainebleau durant l’été 1661, soit après la mort du cardinal Mazarin survenue le 9 mars 1661 : Hans Körner, « Der “Neue Alexander und die Spieler”. Zur Ikonologie der “Chambre de Mars” in Versailles », Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst, t. XL, 1989, p. 149 ; Sergiusz Michalski, « Narration, Gebärdensprache und Mimik im “Dariuszelt” des Charles Le Brun », dans Bilderzählungen – Zeitlichkeit im Bild, éd. par Andrea von Hülsen-Esch, Hans Körner et Guido Reuter, Cologne, Weimar et Vienne, 2003, p. 107 ; A. Thomas Birkenholz, Die Alexander-Geschichte von Charles Le Brun, Francfort-sur-le-Main et al., 2004, p. 56-63 ; Gady, 2010 (note 1), p. 219 et suiv. ; et, avec insistance, Lorenzo Pericolo, « Le roi et le favori : Essai d’interprétation sur “Les Reines de Perse” de Charles Le Brun », Annali della Scuola normale superiore di Pisa, série 4, t. VI, 1, 2001, p. 127 et suiv., et Joël Cornette, « La tente de Darius », dans L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second XVIIe siècle, éd. par Henri Méchoulan et Joël Cornette, Paris, 1996, p. 10 et suiv. L’argument est politique. Il s’appuie sur la supposition selon laquelle Louis XIV ne se serait consacré à son autoreprésentation par les moyens de l’art qu’après le décès de Mazarin et sa décision annoncée dès le lendemain de gouverner désormais par lui-même. Seuls Gady et Pericolo prétendent apporter la preuve que Louis XIV séjourna à peine à Fontainebleau en 1660, mais y passa l’été et l’automne 1661. On ne sait toujours pas exactement si Le Brun se rendit à Fontainebleau avant ou après l’arrestation de son maître Fouquet le 5 septembre 1661 ; Cornette pense que le tableau fut commencé après cet évènement, Pericolo avant. Il suppose que le commanditaire en fut Fouquet, qui voulait ainsi se présenter comme un nouvel Héphaistion, comme le successeur de Mazarin en qualité de principal ministre, et que Le Brun acheva le tableau de son propre chef après l’incarcération de Fouquet ; voir Pericolo, 2001 (note 33), p. 146. La question de savoir si l’œuvre fut commencée dès l’été 1660, ou seulement durant l’été suivant, ne joue pas un rôle capital pour les thèses développées ici ; nous donnons cependant la préférence à l’hypothèse de 1661.
34 Guillet de Saint-Georges, 1854 (note 32), p. 25.
35 André Félibien, Les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre. Peinture du cabinet du roy, Paris, 1663, p. 4. La même opinion est défendue par Florent Le Comte : Florent Le Comte, Cabinet des singularitez d’architecture, peinture, sculpture, et gravure, t. III, Paris, 1700, p. 161 et suiv. Molière avait remarqué de façon tout à fait analogue que Louis XIV l’avait fortement inspiré dans son activité artistique, voir à ce sujet Pericolo, 2001 (note 33), p. 125 et suiv. Sur les différents mythes entourant la genèse de l’œuvre, voir Chantal Grell et Christian Michel, L’école des princes ou Alexandre disgracié. Essai sur la mythologie monarchique de la France absolutiste, Paris, 1988, p. 109.
36 Une liste, qu’il convient de compléter, dans Andor Pigler, Barockthemen. Eine Auswahl von Verzeichnissen zur Ikonographie des 17. und 18. Jahrhunderts, t. II, Budapest, 19742, p. 357-359, atteste l’importance de ce thème dans la peinture italienne.
37 Voir Posner, 1959 (note 33), p. 249 ; Campbell, 1977 (note 3), p. 100-103 ; Terisio Pignatti, Veronese, t. I, Venise, 1976, p. 132, cat. 162 ; Cecil Gould, The Family of Darius before Alexander by Paolo Veronese. A Resumé, Some New Deductions and Some New Facts, Londres, 1980.
38 Cette tapisserie fait partie d’une série illustrant l’histoire d’Alexandre le Grand, réalisée en plusieurs exemplaires à Bruxelles vers 1590-1600 ; voir Paulina Junquera de Vega et Concha Herrero Carretero, Catalogo de tapices del Patrimonio nacional. Volumen I : Siglo XVI, Madrid, 1986, p. 257, sur l’ensemble du cycle p. 248-262. Une suite de huit tapisseries sur l’histoire d’Alexandre, d’après des cartons de Jacob Jordaens datant des années 1620, comprend également la scène d’Alexandre et la famille de Darius ; voir Jacob Jordaens. 1593-1678, éd. par Michael Jaffé, cat. exp., Ottawa, National Gallery of Canada, 1968-1969, , Ottawa, 1968, p. 231 et suiv., cat. 275.
39 Nivelon, 2004 (note 31), p. 274, compare déjà les deux évènements, tout en remarquant que Coriolan, contrairement à Alexandre, n’a pas su se dominer.
40 Voir Posner, 1959 (note 33), p. 239, note 20 ; Cornette, 1996 (note 33), p. 10.
41 Gillet de La Tessonerie, L’art de regner. Ou le sage gouverneur. Tragicomedie, Paris, 1645, p. 91-126. Georges Lacour-Gayet, L’éducation politique de Louis XIV, Paris [1923], p. 21-24, fut le premier à mentionner cette pièce, sans établir cependant de lien avec le tableau de Le Brun. Ce rapprochement est suggéré dans Posner, 1959 (note 33), p. 241.
42 Gillet de La Tessonerie, 1645 (note 41), [p. X].
43 Ibid., p. 92.
44 Ce lien avec la gravure d’Edelinck est indiqué dans Posner, 1959 (note 33), p. 241.
45 Gillet de La Tessonerie, 1645 (note 41), [p. X] ; Germer, 1997 (note 6), p. 213, note 104, a déjà objecté que le lieu de l’action n’est pas la tente de Darius.
46 Lacour-Gayet, [1923] (note 41), p. 24.
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