Au-delà du réductionnisme et du holisme : la complexité du global. Le débat
Échange animé par Michel Wieviorka suite à l’intervention orale d’Edgar Morin, à Paris, le 16 mai 2013
p. 449-457
Texte intégral
1Michel Wieviorka
À l’écoute d’Edgar Morin, j’ai eu l’effroyable sentiment que nous étions à l’orée d’une nouvelle année 1933. Pensez-vous que nous sommes aujourd’hui menacés de surdité et d’aveuglement face à une nouvelle montée du danger ?
2Edgar Morin
Tout d’abord on ne peut faire aucune identification, on ne peut qu’indiquer certaines analogies. Une des analogies les plus frappantes est l’essor d’une crise économique. Elle a surgi localement aux États-Unis puis s’est universalisée. Sans connaître de résorption, elle s’est aggravée et a provoqué un certain nombre de turbulences ou de manifestations, de conséquences politiques et sociales, lesquelles elles-mêmes peuvent s’aggraver. La grande différence, à mon sens, est qu’il y avait au début des années 1930 des forces organisées, des forces politiques que l’on appelait antifascistes – les partis socialistes et communistes – qui pouvaient être très puissantes comme en France ou en Espagne et qui ont opposé en quelque sorte à la crise sociale et politique leurs moyens, qui, dans un premier temps, ont semblé efficaces pour ensuite être submergées à la suite d’événements ou peut-être d’erreurs – rappelons que la France n’a pas aidé la République espagnole. En ce sens, on ne peut pas poursuivre l’identification mais je pense que nous connaissons une vraie crise, dans le sens où on entend par crise la progression des incertitudes, la progression des antagonismes, celle des conflits, la difficulté de trouver un avenir, la tendance à la régression et en même temps la volonté, l’imagination. J’ajoute que les mêmes problèmes intellectuels se posaient à l’époque, puisque le savoir était un savoir compartimenté, découpé en morceaux, non communicant, et en quelque sorte ces connaissances toujours insuffisantes et mutilées ont été un des éléments de l’absence de prise de conscience de la montée du danger.
3Alain Touraine
Je poserais la même question, mais sous une forme très concrète, de la façon dont elle m’est posée à moi, en particulier en Amérique latine, continent qui estime qu’il va bien : « N’est-ce pas notre crise à nous que nous appelons crise mondiale ? » Parce que cette pensée du mondial, du global, elle n’est pas du tout globalement présente. Le système officiel chinois ou je dirais même une partie importante de l’opinion publique américaine, etc. ne pensent pas du tout en ces termes-là, et je parlerais plutôt de non-conscience et de non-pensée. Je partage avec Michel Wieviorka l’idée totalement obsédante que nous nous trouvons aujourd’hui dans la situation que rapportait Raymond Aron en rentrant de Berlin en 1933, lorsque les Français lui disaient : « Tu nous embêtes avec ton Hitler, ce n’est pas un vrai problème, le vrai problème, c’est la retraite des postiers », où je ne sais pas quoi, à la française. Qu’est-ce qui peut bien faire que des problèmes aussi évidents, et j’allais dire par définition, ne passent pas à la conscience ? Que manquerait-il pour que cela se transforme en action ou même simplement en pensée ? Vous qui circulez, avez-vous des éléments concrets de réponse à nous apporter ?
4Edgar Morin
En ce qui concerne votre premier point, il est vrai que la crise économique n’est pas du tout vécue de la même façon dans les différentes parties du monde, mais je crois qu’elle est une menace générale, et, plus que la crise économique, c’est la crise nouvelle de l’humanité en tant qu’humanité en proie à un certain nombre de problèmes qu’elle ne peut pas surmonter qui est générale. Par exemple, prenons les techniques, nous sommes dépassés par les techniques ; il y a cette réalité, la conscience vient toujours tardivement. Avec Hegel, l’oiseau de Minerve, qui prend son vol au crépuscule l’illustre parfaitement : la conscience est toujours en retard sur l’événement. Ensuite, il faut incriminer le mode de pensée parcellaire dont on est convaincu qu’il est le seul valable et que si on quitte cette fermeture disciplinaire on est dans la fantaisie, le blabla, le bavardage. Il est vrai que la tendance se voit jusqu’à nos politiques qui sont de plus en plus entourés d’experts, chacun compétent dans son secteur mais évidemment incompétent à percevoir les interférences entre tous les secteurs, dont le sien. Revenons à notre propos : « Pourquoi l’humanité n’est-elle pas consciente de son destin ? » Si c’est une très vieille question, il était très difficile de se la poser avant l’époque de la globalisation. Aujourd’hui, nous percevons très bien les aspects techniques et économiques de la globalisation, ses aspects géographiques, géopolitiques ou encore démographiques, pourtant nous sommes incapables de percevoir toute sa complexité, toutes ses ambivalences, c’est-à-dire toutes les possibilités et les périls qu’elle crée. Il est désormais difficile de penser l’avenir, parfaitement incertain, là où auparavant une perspective se dessinait, sinon une locomotive au moins des rails. Aujourd’hui, coupés du passé et sans avenir, la seule chose qui nous soit donnée de faire, c’est de nous raccrocher à quelque chose d’identitaire, nous avons besoin de croire en quelque chose et ce besoin de croire peut nous guider en même temps qu’il peut nous aveugler.
À travers cela, je ne peux pas dire qu’il existe une réponse claire et nette à la question de la conscience, mais je voudrais revenir sur votre exemple de l’Amérique latine car il est, je crois, très important. Malgré les tragédies que cette région vit, à travers tous les conflits, tous les malheurs, on y voit un vouloir vivre, une capacité de réaction, qui prend souvent des formes individuelles et locales, mais avec des réussites extraordinaires. Chaque fois que je reviens ici, je vois un monde figé, immobile. Là-bas il y a des gauches différentes, chacune avec ses limites parfois, et d’autres avec leurs génialités comme dans la révolution citoyenne de l’Équateur et cette idée du buen vivir, je pense qu’il y a une capacité de vouloir un avenir, même si demeurent de nombreuses illusions, il y a une volonté d’affronter l’avenir. Ici aussi nous avons perdu beaucoup, nous sommes sans réponses ni responsabilités, il y a un climat de résignation, d’immédiateté et de vivre au jour le jour qui domine l’opinion et je dirais même que la politique n’a pas une pensée prospective qui se lance vers l’avenir et qui indique une voie. On est dans une pensée disloquée, démantibulée et immédiate.
5Questionnante
Je vais inverser mes remarques pour suivre directement ce qui vient d’être exposé. Donc, d’abord, une question philosophique : « Est-ce toujours la philosophie qui peut nourrir nos discours ? ». Je pense en effet que la conscience est une question éminemment philosophique et je me permets d’ajouter après votre référence à Hegel celle à Nietzsche qui termine La généalogie de la morale sur la demande de développer ou d’exiger une conscience plus subtile. En allemand, nous avons deux mots pour exprimer la conscience, c’est la conscience morale ou la conscience de soi, donc Nietzsche nous enjoint à plus de subtilité. Je pense que, jusqu’aujourd’hui, on n’a pas vraiment bien lu ce texte.
Mais ma première question voulait porter sur la relation entre les termes ou les concepts de « global » et d’« universel ». Si on revient à Nietzsche et à La généalogie de la morale, la conscience est là quelque part et, en même temps, on a besoin d’une stimulation extérieure pour nous amener à être conscients à soi-même. Ce processus est subtil, délicat, et peut être interrompu à tout moment par ce que vous décrivez, notamment la compartimentation des sciences. L’universel n’est peut-être qu’un problème abstrait, vieux de plusieurs siècles, que l’on ne peut résoudre. Pourtant, on voit bien avec la finance que le global marche très bien ; peut-être nous faut-il aller là où existent les problèmes et agir avec les personnes qui connaissent ces difficultés-là. Si nous ne le faisons pas, ce sont d’autres qui vont le faire.
6Edgar Morin
Vous posez un nombre important de questions importantes. Pour répondre à votre question sur ce que peut la philosophie, il faut d’abord savoir de quelle philosophie nous parlons. Une philosophie qui est enfermée dans une réflexion sur les concepts philosophiques ou sur l’histoire de la philosophie est une philosophie close, alors qu’il existe pourtant toute une tradition philosophique, d’Aristote à Kant et Hegel, qui essayait de penser le monde dans lequel on vit. Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a un rétrécissement de la philosophie occidentale mais aussi une ignorance des autres grandes philosophies de la planète. Je crois que ce que peut apporter la philosophie, et, ce qui est à mon avis sa nature, c’est la réflexivité. Pour qu’il y ait réflexivité, il faut qu’elle se lance dans l’entreprise de connaître, de reconnaître ce monde qui a tellement changé, ce monde matériel qui n’est plus le même, où la réalité n’est plus ce qu’elle était, où l’univers est né de on ne sait quoi, on ne sait pas où il va, je pense qu’il y a une réflexivité à exercer sur l’aventure humaine. La mission de la philosophie est de réfléchir aussi sur l’aventure humaine.
En ce qui concerne le dur travail de soi, sur soi, nous avons trop tendance à confier la solution à un autre, à demander à être éclairé par un psy, un médecin, un gourou, n’importe mais par un autre, c’est-à-dire que l’on se décharge du travail d’introspection ; un mot d’ailleurs oublié alors qu’il fut longtemps très important. Mais vous savez que le travail d’introspection lui-même est un travail difficile, sûrement parce que nous avons chacun cette tendance que les Anglo-Saxons appellent la « self-deception », c’est-à-dire que nous nous mentons à nous-mêmes, que nous nous trompons nous-mêmes, nous ne sommes pas immédiatement lucides à l’égard de nous-mêmes. Je pense et j’adhère tout à fait à l’idée que le problème n’est pas seulement dans la connaissance du global, des phénomènes, du monde extérieur, du monde humain ; le problème est aussi inséparablement lié au manque de travail de soi, sur soi, de tentatives d’auto-élucidation, et je pense aussi que, dès les petites classes, les professeurs des écoles devraient enseigner aux enfants la tenue d’un journal quotidien de façon à pouvoir s’observer et s’entre-observer.
Ensuite, je dois revenir sur l’idée, sur le concept d’universel. Là aussi, c’est un mot terriblement piège, car au moment où, en Occident, est arrivée cette idée d’universalisme, c’est-à-dire d’égalité en dignité de tous les humains, deux choses ont joué. La première, c’est que l’égalité s’est bornée à l’Européen occidental, seul propriétaire de l’universel ; les colonisés, peuples arriérés, infantiles, ne pouvant accéder aux mêmes droits. La deuxième chose porte sur le terme même d’universel qu’on peut dire abstrait, parce que pour moi, l’unité humaine en tant que phénomène universel est incontestable du point de vue génétique, du point de vue cérébral, du point de vue physiologique et du point de vue affectif. L’unité humaine ne se manifeste qu’à travers les diversités humaines et les singularités humaines, on est tous humains mais je ne suis pas le même que mon voisin, personne n’est le même que l’autre et je dirais même plus que l’unité humaine produit les diversités culturelles, parce que la culture, personne ne l’a jamais vue, on ne connaît la culture, c’est-à-dire le langage, les connaissances qu’on apprend, qu’à travers les cultures ; de même, la musique n’existe pas sinon à travers les musiques. Concevoir l’inséparabilité du divers, du singulier et de l’un, c’est une condition fondamentale, mais pour ceci il faut abandonner un type de pensée dichotomique et binaire où l’on considère soit l’unité abstraite sans la diversité, soit le divers sans l’unité. Ce que j’appelle donc la pensée complexe est une pensée qui justement accepte cette apparente contradiction que l’un porte en lui le divers et que le divers porte en lui l’unité.
7Nancy Fraser
Je voudrais, si vous le permettez, revenir à la réponse ou mieux à la non-réponse politique de cette crise. J’ai été très frappée par vos remarques sur les analogies mais aussi sur les différences entre maintenant et les années 1930. L’absence aujourd’hui de forces organisées qui amènent un projet contre-hégémonique. Cette absence est très frappante et c’est un problème très grave. Par ailleurs, la très belle expression de « citoyenneté terrestre » que vous avez utilisée dans votre discours m’amène à réfléchir sur ce qu’il faudrait pour que les gens se comprennent comme co-citoyens ; et là se posent les problèmes de relation du tout et des parties. Nous sommes tous menacés par cette crise écologique planétaire, et, en même temps, il est impossible de penser à cette question-là sans penser en même temps aux questions de la justice : qui va payer les frais pour résoudre les problèmes des mondes développés – et pas si développés ? Entrent en jeu également les questions d’éthique, de rapport qualitatif entre humains, entre être humain ou non humain, qui impliquent toute notre différence, nous ne sommes pas que des êtres humains menacés, nous sommes aussi des êtres humains très différemment situés dans les relations de pouvoir, de privilèges, avec des différences culturelles. Et même si les gens se comprenaient consciemment comme co-citoyens terrestres, on se trouverait quand même face à l’inexistence d’un pouvoir planétaire public, démocratique, auquel on pourrait adresser nos revendications et où se négocieraient des solutions. Il me paraît donc très difficile d’imaginer un projet contre-hégémonique qui nous permette de traverser ces crises.
8Edgar Morin
Sur la question de la citoyenneté, je crois qu’il faudrait évidemment introduire la conscience à travers l’éducation et notamment introduire la notion de ce qu’est l’humanité, car si on y regarde, aucune université, aucune école n’enseigne ce que c’est qu’être humain et cela vient certainement du fait que les éléments de réponse se trouvent dispersés dans toutes les sciences. Disons que je définirais l’humain comme un phénomène trinitaire, non pas divin, mais terre à terre, c’est-à-dire qu’être humain, c’est être un individu, c’est être social, et c’est faire partie d’une espèce biologique animale que l’on appelle l’espèce humaine. Si nous étions conscients de cette trinité alors nous ne pourrions plus nous penser seulement comme des individus dans une société, mais comme des individus qui font partie de ces sociétés. En d’autres termes, nous la coproduisons et celle-ci à son tour nous produit en nous apportant sa culture, son savoir, etc. Notre relation est si intime avec la société que lorsque celle-ci est un minimum démocratique, bien entendu, nous avons non seulement des droits mais aussi des devoirs. Si on a conscience de cet aspect trinitaire, alors, à ce moment-là, on comprend que notre rapport doit être inévitablement civique, avec des droits et des devoirs.
Et puisque j’ai parlé de l’aspect trinitaire, je reviens sur ce que vous dites sur notre rapport avec le non-humain ; c’est aussi une question qui est de plus en plus débattue aujourd’hui du point de vue éthique, pourquoi sommes-nous aveugles à ce problème ? Pour l’expliquer, d’abord, nous avons fait la disjonction entre notre propre animalité physique et notre être spirituel, culturel, en enseignant le cerveau en biologie et l’esprit en psychologie. Il est très important de savoir que nous sommes aussi des animaux, que nous sommes aussi des primates, des mammifères, et grâce aux progrès de notre science, nous savons de plus en plus ce qu’il y a d’intelligence, de sensibilité, dans le monde notamment de nos cousins les mammifères. Ce qui amène un certain nombre de gens déjà à méditer pour que cesse le traitement horrible que l’on fait aux animaux de boucherie, pour qui ce qui s’est fait à Auschwitz et dans d’autres camps de concentration ne donne qu’un avant-goût tellement il témoigne d’une insensibilité et d’une cruauté. Il y a là aussi un autre type de banalité du mal que l’on devrait stigmatiser. Alors, à mon avis, si nous prenions conscience que nous sommes aussi des animaux tout en n’étant pas que des animaux, tout en ayant ces qualités proprement humaines qu'est la conscience, je pense que nous pouvons là aussi nous ouvrir et prendre des mesures de sauvegarde en ce qui concerne nos cousins animaux.
Vous avez dit aussi : « Il nous manque les institutions planétaires capables de réguler la planète. » Je dirais que tout nous manque, mais ceci, à mes yeux, et je conclus là-dessus, n’est pas une cause de découragement. En effet, quand je regarde l’histoire, je constate qu’il y a eu des changements dans tous les domaines : religieux, scientifiques, etc. Et chacun de ces changements commence de façon infinitésimale. Par exemple, la religion. Prenons un individu, le prince Shakyamuni, que l’on va appeler l’éveillé, le Bouddha, dont la réflexion et la méditation sur la vie et la mort ont fini par faire une religion immense qui va recouvrir une partie de l’Asie. Prenez Jésus de Nazareth et quelques disciples suppliciés et il faut attendre un peu de temps pour qu’un disciple, Paul, transforme ce message ou plutôt l’universalise dans le monde romain, et trois siècles plus tard, une grande religion s’impose ; et même cas pour le prophète Mahomet qui lui-même est chassé de La Mecque, réfugié à Médine et dont le message s’est répandu par les armes en Asie, en Afrique et en Europe. Mais prenez les débuts de la science moderne au xviie siècle : c’est Descartes, c’est Galilée, c’est Gassendi, ce sont quelques individus qui dialoguent entre eux, et puis un siècle plus tard, des sociétés royales se créent, et au xixe siècle les sciences rentrent dans l’université. Prenez le socialisme, quelques esprits méprisés par l’ensemble des intellectuels que ce soit Marx, Fourier, Proudhon et autres, et qui pourtant ont produit finalement une idée et qui s’est incarnée dans les partis qui ont révolutionné le monde pour le pire et parfois le meilleur. Nous sommes à mon avis dans cette époque-là, où les germes sont présents un peu partout, les germes d’une nouvelle pensée, d’une nouvelle politique, où il y a des réalisations concrètes, multiples, s’ignorant les unes les autres, que ce soit écologique, éthique, que ce soit à l’aide de la jeunesse défavorisée ou délinquante, un peu partout, que ce soit pour réformer la justice… vous avez partout un grouillement dispersé, invisible. Il faut penser que nous sommes dans une époque de préliminaires et que pour des changements vitaux, alors une force va se développer ; comme toujours, d’abord une déviance puis une tendance, une tendance laquelle deviendra une force historique ; c’est comme des petits ruisselets qui s’unissent pour former un ruisseau, lesquels ensemble forment un fleuve. Il faut penser que nous n’avons pas ici dans notre poche une réponse toute prête, chacun fait son boulot. Moi j’ai fait un livre, mes propositions dans le livre qui s’appelle La Voie1, je vous les offre ou plutôt si vous les trouvez. Nous ne sommes pas encore aux commencements, et cette situation devrait nous encourager et non pas nous décourager.
Notes de bas de page
1 Edgar Morin, La Voie, Paris, Fayard, 2011.
Auteurs
Edgar Morin est philosophe, anthropo-sociologue et directeur de recherche émerite au CNRS. Il est également docteur honoris causa de plus de trente universités à travers le monde. Son œuvre, abondante, connaît un rayonnement international. Très tôt, il associe et combine des connaissances dispersées dans de multiples disciplines et développe le concept de « pensée complexe », la complexité étant entendue comme « ce qui est tissé ensemble ». Dans ce sens, il effectue des recherches en sociologie contemporaine, s’efforce de concevoir la complexité anthropo-sociale en y incluant la dimension biologique et la dimension imaginaire et énonce un diagnostic et une éthique pour les problèmes fondamentaux de notre temps (Pour sortir du xxe siècle [Paris, Nathan, 1981 ; nouvelle éd. : Paris, Seuil, 1984] ; Terre-Patrie, avec la collaboration d’A-B. Kern [Paris, Seuil, 1993]). Entre 1977 et 1991, il élabore une « méthode » pour répondre aux défis de la complexité et réformer la connaissance. Son œuvre majeure, la Méthode (six volumes au total), affronte la difficulté de penser la complexité du réel. Observateur des dérèglements du monde, Edgar Morin produit une réflexion dont le fil d’Ariane cherche un chemin vers l’avenir et propose une réforme de pensée, dont la réforme de la pensée politique qu’il traite dans La Voie (Paris, Fayard, 2011). Le travail d’Edgar Morin exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen, en Amérique latine, et jusqu'en Chine, en Corée et au Japon.
Alain Touraine est sociologue et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Toute son œuvre constitue une sociologie de l’action, dont la figure centrale est le sujet comme principe de déchirement et de reconstruction de l’expérience moderne. Parmi ses nombreuses publications, citons : Après la crise (Paris, Seuil, 2010) ; Penser autrement (Paris, Fayard, 2007) ou encore Un nouveau paradigme. Pour comprendre le monde d’aujourd’hui (Paris, Fayard, 2005).
Nancy Fraser, philosophe et féministe poststructuraliste, est titulaire de la chaire « Henry A. and Louise Loeb » à la New School for Social Research de New York. Elle est actuellement « Einstein Visiting fellow » de la Freie Universität Berlin. Elle est également titulaire de la chaire « Rethinking Social Justice » au Collège d’études mondiales (FMSH) et de la chaire internationale « Blaise-Pascal » de l’EHESS. Ses publications en français incluent notamment : Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution (Paris, La Découverte, 2005, 2e éd. 2011) ; Le féminisme en mouvements. Des années 1960 au néolibéralisme (Paris, La Découverte, 2012) ; et avec Luc Boltanski, Domination et anticipation. Pour un renouveau de la critique sociale, sous la direction de Philippe Corcuff (Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2014). Spécialiste de la théorie critique sociale, de la théorie féministe et de la philosophie politique, Nancy Fraser écrit actuellement un livre intitulé Capitalism, Crisis, Critique: A Critical Theory for the 21st Century.
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