Chapitre 5. La tombe
p. 221‑247
Résumés
Le chapitre 5 traite de la tombe. Les lieux mis à contribution sont divers. À côté des monuments antérieurs réutilisés, dolmens et tumulus, et aussi d’autres formules exceptionnelles, cavité naturelle, fosse, enclos, il s’agit essentiellement de tumulus de pierres et/ou de terre. Ce sont donc logiquement ces tumulus « neufs » qui retiennent l’attention : emplacements préférentiels, matériaux, région sépulcrale et aménagements internes, dimensions, recouvrement et dispositif de signalisation.
Chapter 5 deals with tombs from a variety of different locations. In addition to reused older monuments (megalithic chambers and tumuli) or, less frequently, natural cavities, pits or enclosure ditches, most of the tombs are stone or stone and earth tumuli. It is these "new" tumuli which deserve attention in light of their preferential location, materials, tomb area and internal organisation, dimensions, covering and grave‑marking methods.
Das Kapitel 5 befasst sich mit den Gräbern selbst. Die benutzten Stätten sind vielfältig. Neben älteren, wiederbenutzten Monumenten, wie Dolmen und Tumuli und anderen au Bergewöhnlichen Möglichkeiten wie natürlichen Höhlen, Gruben und Einfriedungen handelt es sich hauptsächlich um Stein‑ und/oder Erdtumuli. Die Aufmerksamkeit richtet sich logischerweise auf diese „neuen" Tumuli: auf ihre bevorzugten Standorte, die Materialien, das Umfeld der Gräber und ihre Innenausstattung, die AusmaBe, die Abdeckungen und die Vorrichtungen, die die Grabstätten signalisierten.
El capítulo quinto analiza la propia tumba. Los lugares estudiados son diversos. Junto a monumentos anteriores reutilizados, dólmenes y túmulos, y también a otras fórmulas que son excepcionales, cueva, fosa, cercado, se trata esencialmente de túmulos edificados con piedras y/o tierra. Son ellos, estos "nuevos" túmulos, los que constituyen naturalmente la parte más significative del estudio: localización, materiales constructivos, zona sépulcral y disposición interna, dimensiones, relleno, señalización exterior.
Texte intégral
1Dans les Grands Causses du Gévaudan et ses abords, les tombes protohistoriques revêtent diverses formes. Certaines sont une réutilisation d’une construction préexistante, déjà occupée par des morts plus anciens, dolmens, tumulus doté d’un coffre, ou tumulus dépourvu de ce type d’aménagement. Une autre pratique consiste à édifier un monument neuf, un tumulus plus ou moins élaboré, ou bien d’entourer le lieu de la crémation par un enclos, ou encore d’aménager une fosse en un endroit exempt de tout dépôt antérieur. Un autre usage enfin est de loger le défunt, ou les défunts, dans une cavité naturelle.
2Dans cette région, aucun dolmen ne semble avoir été édifié avant le Néolithique final. Les exemples les plus anciens sûrement attestés remontent à la première phase du groupe des Treilles, soit entre 2600 et 2300 av. J.‑C. (Costantini 1984 : 128, 149 ; Fages 1990b : 19‑20). Et s’ils ne sont plus érigés à partir du début du Bronze ancien, les dolmens continuent à être intensément utilisés durant cette époque. À partir du Bronze moyen, seules des réutilisations sporadiques de ce type de monument sont connues.
3Pour sa part, l’usage d’élever un tumulus au‑dessus et autour des restes d’un ou plusieurs défunts, que ceux‑ci soient ou non placés dans un coffre ou un caisson à accès vertical (et non plus latéral comme pour les chambres dolméniques), est bien attesté dès le Néolithique final, comme par exemple aux Combets (Millau), sur le Larzac, ou à La Granerie (Lanuéjols), sur le Noir (Costantini 1984 : 149‑150). Son apparition au Néolithique moyen chasséen demande encore confirmation, le cas de Combe Bougniel sur le Noir (site no 217), d’ailleurs réutilisé au Bronze final II et au premier âge du Fer, posant encore des problèmes d’interprétation et de datation (Boutin, Costantini 1987). Le phénomène se poursuit au Chalcolithique, par exemple sur les sites de Longues Abrits (Millau, Aveyron) sur le Larzac, à Dignas (Sainte‑Énimie, Lozère ; site no 121), tumulus sans coffre, et au Freyssinel X (Saint‑Bauzile, Lozère ; site no 77), tumulus avec coffre, ces deux derniers sépulcres du Sauveterre étant réutilisés respectivement au Bronze final IIIb et à la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer. On en connaît également au Bronze ancien : Les Gardes (Montjaux, Aveyron), avec coffre, et au Bronze moyen, Le Veygalier (Fraissinet‑de‑Fourques, Lozère ; site no 169), sans coffre, réutilisé au premier âge du Fer (Fages 1990b : 23‑24). Mais ce processus d’érection de tertres, pendant les mille ans qui précèdent le Bronze final II, est, d’un point de vue quantitatif, tout à fait limité, sans aucune commune mesure avec le développement qu’il va connaître à partir de la fin du Bronze final.
4Globalement, pour l’ensemble de la période considérée, du Bronze final II au ive s. av. J.‑C., les tumulus neufs sont les plus nombreux (environ 130 ayant livré des os humains et un mobilier datable plus ou moins précisément entre ces deux termes). Quant aux dolmens réutilisés, 27 cas sont attestés, mais on ignore souvent s’il s’agit d’une véritable réutilisation funéraire ou d’une simple fréquentation. Ce chiffre peut paraître faible en regard du grand potentiel en la matière, près de 400 dolmens recensés à ce jour dans cette région. Mais il est sans doute largement en deçà de la réalité compte tenu des disparitions de ces vestiges lors des explorations anciennes et des pillages « clandestins », ou de ceux qui restent à découvrir dans les tumulus, le plus souvent non fouillés, des dolmens. Le réemploi des tumulus antérieurs, pourvus ou non d’un coffre, est peu fréquemment représenté, sans doute en partie pour les mêmes causes que celles évoquées pour les dolmens, mais aussi en raison de la rareté de ces monuments. On ne compte en effet que onze cas, six avec coffre, quatre sans coffre, et un dont on ignore s’il possédait ou non un coffre à l’origine. Quant aux autres formes de tombes, bustum en enclos, fosse, cavité naturelle, elles sont toutes exceptionnelles et uniques. La représentation relative de ces différentes sortes de gisement sépulcral n’a cependant d’intérêt qu’en fonction de l’époque considérée. C’est donc dans une optique évolutive que nous examinerons successivement la question des cavités naturelles, les monuments antérieurs réutilisés, et les édifices ou aménagements neufs (tabl. I).

TABL. I – Répartition des différents types de tombes protohistoriques en fonction de la datation. (* Tombes datées précisément ou non.)
5.1 La question des sépultures en cavités naturelles
5Le seul cas de sépulture protohistorique en cavité naturelle attesté à ce jour en Gévaudan est l’abri des Arcs de Saint‑Pierre (site no 205, fig. 198), sur le Méjan, tardif puisqu’il date de la seconde moitié du vie s. av. J.‑C. ou de la première moitié du siècle suivant (fig. 232). C’est un lieu réutilisé qui a servi aux mêmes fins funéraires au Bronze moyen. S’il est incontestable que l’on a recherché ici une protection naturelle –paroi rocheuse, surplomb– il convient de souligner qu’il ne s’agit pas d’une cavité profonde ou obscure, mais au contraire d’un lieu très largement ouvert sur l’extérieur. Malheureusement, du fait de l’érosion, l’aménagement sépulcral protohistorique lui‑même reste très méconnu : aucune trace de fermeture du lieu n’est signalée, mais il est possible que les pierres surmontant la couche qui contenait les os humains proviennent d’un tel dispositif, à moins qu’elles n’aient servi à recouvrir les restes du défunt.

FIG. 232 – Situation des dolmens réutilisés (chiffres non soulignés) et de l’abri sépucral (chiffre souligné).
6Sans un mur l’isolant de l’environnement extérieur, à la manière par exemple de l’abri de Sanguinouse à La Roque‑sur‑Pernes dans le Vaucluse (Sauzade, Duday 1979), ce type de lieu participe au monde de plein air et requiert un recouvrement ou une protection du corps du défunt, par une couche de terre et/ou de pierres, afin de lui épargner les agressions des carnivores ou des agents atmosphériques. Les grottes profondes, galeries ou avens, facilement obturables, fonctionnent tout autrement : le cadavre est déposé à même le sol de la cavité, sans aucune couverture de sédiment ou de pierres, à l’abri du monde extérieur, comme dans un caveau. La récente découverte de la grotte des Palabres à Boussac (Lot), dans le Quercy, donne une image saisissante d’un tel sépulcre collectif du premier âge du Fer, ici préservé de tout remaniement anthropique postérieur, et, en grande partie, des processus d’érosion en grotte (Giraud 1995 ; Crubézy et al. 2000). Ailleurs, et généralement dans ce type de milieu, le fait de retrouver les os déplacés sous l’effet d’agents naturels et/ou par l’action des hommes atteste que les cadavres ou les os étaient déposés directement sur la surface du sol de la grotte, non recouverts de terre ou de pierres.
7Qu’il s’agisse donc d’abri largement ouvert sur l’extérieur ou de galerie et d’aven profond et obscur, l’absence de site troglodytique sépulcral en Gévaudan, entre le Bronze final II et le vie s. est remarquable à plus d’un titre. Cette région karstique est pourtant très abondamment pourvue de ce type de formations naturelles qui ont déjà suscité de nombreuses recherches. Les grottes sépulcrales y sont connues dès le Néolithique final‑Chalcolithique aux Baumes Chaudes à Saint‑Georges‑de‑Lévéjac sur le Sauveterre (Fages 1990b : 59‑60), et peut‑être même dès le Chasséen dans la grotte des Bombes à Revens sur le Noir, ou celle de la Calade à Nant (Costantini 1984 : 128). Ce phénomène se poursuit au Bronze ancien (grotte‑aven du Chevreau à La Roque‑Sainte‑Marguerite sur le Noir ; Boutin, Escola 1996) et au Bronze moyen comme dans La Perte Cazal au fond de la vallée de la Jonte, ou encore dans l’abri des Arcs de Saint‑Pierre (Fages 1977 : 46 ; 1990b : 63).
8D’autre part, au Bronze final II et III, de tels sites sépulcraux sont attestés dans les contrées calcaires entourant le Gévaudan. À la grotte de Clapade (Millau) sur le bord septentrional du Larzac, comme dans celle de Landric (Saint‑Bauzile), sur l’autre couronne du même causse, s’agissant de fouilles anciennes et de lieux à occupations multiples, l’interprétation funéraire n’est pas assurée pour le Bronze final (Dedet 1992a : 19). En revanche, des dépôts sépulcraux en grottes ou avens ont été bien identifiés dans les Garrigues languedociennes au Bronze final II (salle II du Hasard à Tharaux et porche du Prével supérieur à Montclus, dans le Gard, grotte des Cloches à Saint‑Marcel‑d’Ardèche), au Bronze final III (aven de la combe Dérocs à Vallon‑Pont‑d’Arc, Ardèche ; Dedet 1992a : 14‑22), ainsi que dans des régions voisines au Bronze final II (par exemple aven des Esclargades à Lagnes dans le Vaucluse ; Sauzade 1983 : 194‑ 195 ; et grotte Sindou à Sénaillac‑Lauzès, Lot, dans le Quercy ; Briois 1984).
9Pour le premier âge du Fer, la liste des grottes sépulcrales est encore plus courte. Nous avons déjà évoqué la grotte des Palabres dans le Quercy. En Languedoc oriental, on peut seulement signaler l’aven de La Canourgue à Saint‑Etienne‑de‑Gourgas (Hérault), près du rebord méridional du causse du Larzac, dont le dépôt sépulcral date du vie s. av. J.‑C., soit de la même époque que celui de l’abri des Arcs de Saint‑Pierre (Gascó 1980a ; Dedet 1992a : 19‑20). Les os de quatre défunts y gisaient disjoints dans un éboulis, accompagnés de bracelets‑armilles et tessons de poterie : là encore, les corps ont dû être déposés à même le sol, sans couverture protectrice.
10Avant de clore provisoirement ce dossier, on peut se demander si la minceur de cet inventaire rend bien compte de la réalité : la sépulture protohistorique en grotte est‑elle réellement absente ou exceptionnelle dans certaines régions comme celle des Grands Causses ? En effet, les grottes ont leurs propres processus d’érosion qui favorisent les déplacements et les remaniements. À cela s’ajoutent souvent différentes occupations ou fréquentations humaines, facteurs de destructions ou de perturbations, de même que bien des fouilles anciennes. Combien de sépultures protohistoriques troglodytiques ont pu ainsi disparaître ou passer inaperçu ? Quoi qu’il en soit, en regard des autres périodes et, pour la Protohistoire, d’autres catégories de tombes comme les tumulus, on peut considérer que le milieu cavernicole a très peu servi à des fins sépulcrales au Bronze final et à l’âge du Fer dans cette région comme dans les contrées voisines. Nous préciserons ultérieurement le statut particulier de l’unique cas constaté à ce jour en Gévaudan.
5.2 Les dolmens réutilisés
11Vingt‑sept dolmens sont actuellement connus, qui ont livré des objets du Bronze final ou des âges du Fer et, pour certains, des os humains datables de ces périodes (fig. 232).
Causse de Sauveterre
12Aigues‑Vives (site no 1), Bronze final II ;
Le Viala 10 (site no 6), Ve‑IVe s. av. J.‑C. ;
L’Aumède Haute, Lo Geion (site no 30), Bronze final II ;
Le Sec (site no 35), 750‑600 ;
Le Freyssinel XIII (site no 44), 750‑600 ;
Les Conques (site no 50), Bronze final II ;
Cauquenas (site no 51), 750‑500 ;
coudé de La Chain (site no 53), 650‑600 ;
Pic de Rausas (ou de Ransas) (site no 58), Bronze final II ou III et 750‑500 ;
Roubiau (site no 60), Bronze final II ou III et 750‑600 ;
Devèze d’Inos (site no 69), Bronze final II, III ou premier âge du Fer ;
Recoules de l’Hon (site no 70), 750‑600 ;
Soulages (site no 98), Bronze final II, III ou premier âge du Fer ;
La Marconière (site no 99), Bronze final II, III ou premier âge du Fer ;
coudé de l’Aire des Trois Seigneurs (site no 107), 750‑500 ;
Dignas (site no 120), Bronze final Illb ;
L’Estrade (site no 143), 650‑600 ;
Causse de Mende
13Chapieu (site no 147), vers 400.
Plateau des Bondons
14Les Combes (site no 156), Bronze final II ou III.
Causse Méjan
15Pierre Plate (site no 162), Bronze final II ;
Galy A (site no 173), âge du Fer ;
Galy B (site no 174), 750‑500 ;
Le Cerrière (site no 179) : Bronze final II ;
Frépestel 3 (site no 201), Bronze final II, III ou âge du Fer ;
Cros de l’Asé (site no 202), Bronze final II, III ou premier âge du Fer.
Causse Noir
16Pradines (site no 236), Bronze final Ilb‑IIIa ;
Revens (site no 238), Bronze final II.
17La manière dont les hommes du Bronze final et du premier âge du Fer ont réemployé ces édifices nous est très largement méconnue, et en l’absence de restes osseux humains attribuables à la Protohistoire, on ne peut être sûr du caractère funéraire de la réutilisation de ces lieux.
18Mettons tout d’abord à part les onze monuments pour lesquels tout témoignage de réemploi (ou de fréquentation) se résume uniquement à des objets dont on ignore notamment le lieu de découverte : Aigues‑Vives, Le Sec, Les Conques, Cauquenas, Devèze d’Inos, Recoules de l’Hon, Soulages, La Marconière, Dignas, Chapieu, Revens.
19Pour les autres, la localisation des documents d’âge protohistorique est parfois connue, mais en l’absence d’os humain que l’on puisse leur associer, on ignore s’il s’agit de restes de la sépulture protohistorique ou de dépôt(s) annexe(s), voire de simples traces de fréquentation. La chambre est signalée cinq fois (Pic de Rausas pour le Bronze final, Roubiau pour le Bronze final comme pour le premier âge du Fer, Les Combes, Pierre Plate, Galy B) et le tumulus quatre fois (double de L’Aumède Haute, coudé de La Cham, coudé de l’Aire des Trois Seigneurs, Pradines). Mais notre connaissance de ces réutilisations est étroitement liée à un type d’opération particulier. En effet, la plupart de ces dolmens, fouillés anciennement, ont fait l’objet de travaux de restauration récents sous la conduite de Gilbert Fages, qui ont occasionné le nettoyage complet du fond de la chambre (Les Combes, Pierre Plate et Galy B), et parfois la fouille de la partie du tumulus jouxtant les montants qu’il convenait de redresser ou de stabiliser (L’Aumède Haute Lo Geion, coudé de La Cham, coudé de l’Aire des Trois Seigneurs, Pradines).
20Dans huit monuments seulement, la fonction funéraire de la réutilisation est assurée ; la sépulture protohistorique a été décrite, ce qui a permis de noter sa localisation et sa morphologie.
21Dans la plupart des cas, le défunt protohistorique prend place dans la chambre dolménique, dont la dalle de couverture n’est plus à sa place ou a disparu : Les Combes au Bronze final II ou III, Le Freyssinel XIII, Pic de Rausas au premier âge du Fer, Cros de l’Asé au Bronze final ou au premier âge du Fer, Le Viala 10 au début du second âge du Fer et Galy A au premier ou au second âge du Fer. Le nouveau venu est indiqué au sommet du remplissage, recouvrant en partie l’un des montants au Pic de Rausas, au Viala 10 et au Freyssinel XIII. Dans ce dernier monument, il surmonte également les morceaux cassés de la dalle de couverture gisant entre les montants. Au Cros de l’Asé, os et objets protohistoriques ont été rencontrés à la fois dans la chambre et dans le tumulus, de part et d’autre de la dalle de chevet. Là, cet arasement a peut‑être été effectué lors de la réutilisation. De même au Pic de Rausas, l’un des montants sur lequel était installé le squelette protohistorique était cassé, destruction que le fouilleur a attribuée aux réutilisateurs ; mais encore une fois, en l’absence d’observations de fouille circonstanciées, il est impossible de savoir si ces dommages sont contemporains des réemplois ou antérieurs à eux.
22Le dépôt sépulcral installé sur le tumulus ou en son sein est exceptionnel. Au dolmen de L’Estrade (site no 143) au viie s., il est effectué sur la dalle de couverture encore en place et le monument a semble‑t‑il été rechargé pour la circonstance. Le Dr Prunières, auteur de la fouille, parle d’un « tumulus secondaire ». Le dépôt de réutilisation n’est signalé qu’une fois à l’intérieur du tumulus : Le Cerrière (site no 179) au Bronze final II.
23La région sépulcrale affectée par le remploi ne présente presque jamais d’aménagement si l’on en croit les relations des fouilleurs. C’est le cas de la quasi‑totalité des monuments où les sujets sont signalés non brûlés (« inhumation », « squelette », restes osseux) : Le Viala 10, Le Freyssinel XIII, Pic de Rausas, L’Estrade, Cros de l’Asé. C’est aussi celui du ou des dépôts d’os incinérés des Combes. Sans doute avons‑nous affaire à des zones sépulcrales non délimitées, à l’instar de beaucoup des tumulus de cette région. Les montants du dolmen faisaient‑ils office d’une telle limite ? Rien n’est moins sûr puisqu’on signale souvent les dépôts au‑dessus de ces dalles (Le Viala 10, L’Estrade, Le Freyssinel XIII, Pic de Rausas), et dans certains cas de part et d’autre de celles‑ci, arasées (pour la circonstance ?) (Le Freyssinel XIII, Cros de l’Asé).
24Seuls deux cas d’aménagement particulier ont été observés sur les huit sépultures décrites. A Galy A, au premier ou au second âge du Fer, les « restes humains » ont été recouverts d’une dalle posée à plat à l’intérieur du monument. Et au Cerrière, au Bronze final II, un petit coffre rectangulaire de 1,3 m de long sur 0,75 à 0,8 m de large, orienté est‑ouest, fait de dalles de chant sur les deux longs côtés et peut‑être l’un des petits côtés, et d’un muret qui ferme la structure du côté opposé, a été aménagé pour un jeune enfant.
5.3 Les monuments à coffre réutilisés
25Au moins six monuments pourvus d’un coffre, antérieurs au Bronze final, ont été réutilisés durant la Protohistoire ; nous disposons de descriptions pour chacun d’eux (fig. 233).

FIG. 233 – Situation des tumulus antérieurs au Bronze final, réutilisés au Bronze final et/ou à l’âge du Fer.
Causse de Sauveterre
26Le Freyssinel XX (site no 48), 750‑600 ;
Le Freyssinel X (site no 77), transition Bronze final/premier âge du Fer ;
Le Bac II (site no 126), 750‑600 ;
Le Bac VI (site no 130), Ve‑IVe s.
Causse Méjan
27L’Espital (site no 180), Bronze final II ;
La Téoulière (site no 191), Bronze final II.
28Rappelons que nous ignorons si Combe Bougniel (site no 217), sur le Noir, entre dans cette catégorie ou dans celle des tumulus réutilisés dépourvus de coffre.
29Ces constructions comprennent un tumulus arrondi de pierres et pierrailles, en forme de calotte de sphère surbaissée, enserrant un coffre à peu près central aménagé avec des dalles dressées. Ces coffres sont rectangulaires, mais l’un d’eux présente exceptionnellement un plan trapézoïdal. Ils ont des dimensions variables, de 1,5 x 0,75 m au Bac II, à 6 x 3 m au Freyssinel X, et la moitié d’entre eux sont proches du minimum, 2 x 0,9 m au Freyssinel XX, 2 x 1 m à L’Espital, 2 à 2,2 m x 0,85 à 1,35 à La Téoulière. Mais d’une façon générale, la longueur est le double de la largeur. Le diamètre du tumulus varie de 7 à 17 m, avec une concentration entre 7 et 10 m (L’Espital, La Téoulière et Bac II) et des cas dispersés à 15 et 17 m (respectivement Le Freyssinel XX et X). Mais nous ignorons si ce sont là les dimensions originelles ou celles d’éventuelles recharges. On notera toutefois qu’il s’agit de diamètres semblables à ceux des tumulus construits ensuite au Bronze final et au premier âge du Fer. Aucune disposition particulière des éléments n’est signalée en périphérie (bordure), pas plus qu’à l’intérieur du tumulus (anneau concentrique, muret rectiligne, etc.).
30À l’instar des dolmens, la localisation du dépôt de réutilisation est variable, en grande partie en fonction de l’état de conservation du monument originel à ce moment‑là.
31Les défunts peuvent être placés dans les coffres. C’est le cas, au Bronze final II, de L’Espital et également de La Téoulière, où nous avons affaire à des restes osseux incinérés retrouvés dispersés jusqu’à la base du remplissage dans le second de ces monuments. Il en va de même au Bac II, où les nouveaux corps, non brûlés, ceux d’un adulte en position repliée et d’un enfant de 7 ou 8 ans, ont été placés dans la partie supérieure d’un coffre exigu (1,5 x 0,75 m), séparés du niveau sépulcral antérieur par un dallage.
32Ailleurs, la sépulture nouvelle est installée au‑dessus du coffre. Au Freyssinel X, les deux squelettes protohistoriques se trouvaient vers le centre d’un tertre de 1,6 m de hauteur, à 0,7 m de profondeur sous le sommet, mais bien au‑dessus du coffre chalcolithique. Au Bac VI, le nouveau défunt est déposé au‑dessus des dalles couchées de l’un des longs côtés du coffre détruit.
33Une troisième solution attestée au Freyssinel XX consistait à étendre le cadavre dans le tumulus, à l’extérieur du coffre et presque perpendiculairement à lui.
34Si le coffre antérieur sert de cadre, parfois contraignant comme au Bac II, la région sépulcrale n’apparaît pas délimitée lorsque les morts sont placés au‑dessus de lui (Le Freyssinel X, Bac VI). En revanche, une pierre est dressée à la tête et aux pieds du cadavre du Freyssinel XX.
5.4 Les tumulus sans coffre réutilisés
35La réutilisation d’au moins quatre constructions dépourvues de coffre est attestée (fig. 233).
Causse de Sauveterre
36Pin Bas (site no 59), 750‑500 ;
Dignas (site no 121), Bronze final IIIb.
Plateau des Bondons
37Chabusse 1 (site no 148), 750‑500.
Causse Méjan
38Le Veygalier (site no 169), 600‑500.
39Si le terme de « tumulus » paraît convenir pour trois d’entre eux, il semble moins adapté pour qualifier le monument chalcolithique de Dignas : ce dernier correspond en fait aux restes d’un bustum aménagé à l’intérieur d’un édifice de pierre et de matériaux périssables de plan carré, sorte de « maison funéraire » selon l’interprétation du découvreur, qui s’est effondrée dans l’incendie. Au demeurant, la réutilisation de ce seul site, remarquablement fouillé par G. Fages, est documentée. C’est une simple fosse creusée dans l’édifice précédent ruiné, légèrement décentrée, aménagée juste aux dimensions des deux corps qui y ont été déposés, et remblayée avec les matériaux enlevés dans un premier temps (fig. 113, 114). Pour les trois autres cas, la réutilisation (ou fréquentation) n’est marquée que par des objets.
5.5 Les monuments antérieurs réutilisés et les sépulcres neufs
40Le nombre de sites réutilisés indique un minimum, nous l’avons vu. Il permet cependant d’observer quelques tendances de l’évolution des pratiques funéraires sur les tombeaux les plus visibles (car, nous y reviendrons infra, d’autres formules laissant moins de traces ont dû aussi exister). Mais, bien entendu, cela n’est valable que dans l’hypothèse où la découverte d’un objet de cette époque dans un édifice occupé antérieurement signe un réemploi funéraire.
41Au Bronze final, les monuments réutilisés (15 soit 57,7 %) sont plus fréquents que les édifices neufs (11 soit 42,3 %). Au premier âge du Fer, on observe le fait inverse : 94 sont des monuments neufs (soit 85,4 %) et 16 seulement des sites réutilisés (soit 14,5 %). Dans ces deux ensembles chronologiques, les réemplois les plus précisément datés permettent de suivre cette évolution dans le détail (tabl. I).
42Au Bronze final II, on compte cinq dolmens (ou six si l’on rajoute Pradines, daté Bronze final II‑IIIa), deux coffres et un tumulus réutilisés, contre seulement un ou deux tumulus nouveaux. Mais au Bronze final IIIa et IIIb, la tendance s’inverse : un seul dolmen et un seul tumulus sont réemployés pour huit tumulus nouveaux. Et le changement est accompli dès le Bronze final IIIa, puisque les seuls sépulcres connus pour cette période sont des tumulus neufs. À la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer, la situation s’affirme, avec un seul édifice réemployé pour quatre neufs. Elle restera tout à fait stable au début, au milieu ou encore à la fin du premier âge du Fer, avec 7 à 13 % de monuments réutilisés pour 85 à 90 % de constructions neuves. Au début du deuxième âge du Fer, les deux catégories s’équilibrent à nouveau, trois cas pour la première, deux pour la seconde, mais dans un contexte funéraire différent : par leur rareté, ces sépultures ne paraissent guère significatives, et dans les Grands Causses comme en Languedoc oriental ou en Provence par exemple, d’autres formes sépulcrales que nous ne connaissons pas ont dû exister.
5.6 Les tumulus neufs
43Environ cent trente tumulus édifiés entre le Bronze final II et le début du second âge du Fer ont été fouillés dans les Grands Causses du Gévaudan et ses abords. À cela s’ajoutent trente‑trois tumulus de datation très imprécise, protohistorique au sens large (fig. 234).

FIG. 234 – Situation des tumulus édifiés entre le Bronze final et le début du second âge du Fer.
44Construits à la surface du sol, ces monuments se présentent sous la forme d’une calotte très aplatie, en portion de sphère ou tronconique. Toutefois, l’aspect qu’ils pouvaient avoir avant la fouille est très rarement décrit ou évoqué. Plusieurs auteurs ont insisté sur le caractère aplati de tel tertre, sans doute parce que celui‑ci était encore plus plat que ceux qu’ils fouillaient habituellement. C’est le cas du Dr Morel pour Les Fons I (site no 36), Le Freyssinel XVII (site no 45), Les Lacs III (site no 142) ou Les Bondons III (site no 149), de C. Hugues pour le Dévois de Villeneuve 1 et 2 (sites nos 165 et 166), ou encore de G. Fages pour le Moulin à Vent du Pradal (site no 161). Les deux seules descriptions détaillées de ce stade préliminaire des recherches soulignent d’ailleurs bien cet aspect. Ainsi G. Fages note, à propos de Caousou Viel 1 (site no 150) : « Avant le début des travaux, ce tumulus se présente sous la forme d’une calotte de sphère très peu marquée pourvue d’un gazon vigoureux où pointe une carapace régulière de pierres émoussées, granitiques et calcaires ». Et F. Pons (1993 : 43‑46) indique que Roumagnac 6 (site no 15), avant la fouille, formait un bombement gazonné nettement perceptible malgré sa faible élévation (0,4 m de hauteur maximum), parfaitement circulaire et d’une dizaine de mètres de diamètre, d’où émerge une dalle de chant dans le quart sud‑est.
45Le tumulus se compose de plusieurs parties : une chape, qui peut ou non comporter des structures externes – une bordure périphérique, des pierres dressées à la manière de stèles rudimentaires – et des aménagements internes, un ou deux murets ou alignements circulaires, un muret ou un alignement rectiligne ; une région, où se trouvent la ou les sépultures, que recouvre et protège la chape : cette partie est parfois comprise dans un aménagement bâti – caisson, loge, logette – ou un espace réservé dans la masse des matériaux de la chape, ou bien dans une dépression naturelle du substrat rocheux, mais elle peut aussi ne pas être délimitée par une disposition perceptible à la fouille.
5.6.1 La chape
5.6.1.1 Les matériaux de la chape
46Les matériaux composant la chape sont rarement décrits par les archéologues de la région, et lorsqu’on les évoque, c’est le plus souvent de manière très générale et incomplète, en privilégiant l’un des constituants ou l’une des parties de la chape, la masse ou son recouvrement.
47Le Dr Prunières n’en a donné qu’une indication vague, se contentant d’évoquer la question à propos de la dimension des tertres : « s’ils ne sont pas plus hauts, c’est parce que toute la terre, qui est ici extrêmement légère, a été successivement enlevée par la pluie des orages du causse : il n’y reste plus que la pierraille et les os ! » (Prunières 1887 : 699).
48Les renseignements sur ce sujet sont également très rares dans les écrits du Dr Morel. Ce chercheur, qui emploie souvent le terme de « galgal » pour désigner la chape tumulaire, a fourni en 1936 une rapide description d’ensemble, reprise en 1961, dans laquelle on retrouve les thèmes de son prédécesseur : « Sur les Causses, un tumulus était édifié avec des pierres et avec des terres, mais ces dernières ont été le plus souvent emportées par les eaux pluviales sauf en profondeur. Nous trouvons cependant pas mal de terre dans les clapas situés au milieu des reboisements, il s’agit alors d’un humus récent dû à la forêt nouvelle. L’action érosive de la pluie et du vent fut moins forte sur les tumuli plats ou de petite taille. Certains d’entre eux (T. XXXI du Freyssinel) ont été revêtus d’une chape protectrice en argile rouge des Causses. Si cette chape n’existe pas, les calcaires de surface ont été délités par le gel et forment un cailloutis grisâtre, très caractéristique, sous lequel les matériaux d’apport sont mieux conservés » (Morel 1961 : 130). Ce portrait‑robot est parfois complété dans quelques cas. Ainsi à propos du Freyssinel XII (site no 43), il écrit : « Le clapas contient fort peu de terre ; il est formé presque uniquement de pierres parfois très volumineuses » ; et du Freyssinel XXII (site no 81) : « tumulus recouvert extérieurement par une chape de terres argileuses » ; et enfin des Bondons I (site no 159) : « le galgal est formé de blocs volumineux en calcaire ».
49Seules certaines publications de fouilles récentes, une vingtaine tout au plus, offrent des renseignements assez précis permettant de mieux connaître la masse et le recouvrement de la chape.
La masse de la chape
50Les descriptions les plus complètes font apparaître trois grandes catégories de chape :
– la chape composée essentiellement de terre avec quelques blocs de pierre : Villeplaine 1 (site no 18), Le Freyssinel XXXI (site no 82) et Rasiguette (site no 237) ;
– la chape faite de pierres seules, avec des vides entre les blocs : Pomeyrol (site no 71), Combe Sévène 1,4 et 10 (sites nos 111, 114 et 115) ;
– la chape présentant un mélange de pierres et de terres. C’est le type le plus fréquemment décrit, et parfois même la proportion pierres/terre est évaluée : Le Crès II (site no 9) ; Roumagnac 1 (site no 12), avec à peu près deux tiers de pierres et un tiers de terre ; Roumagnac 6 (site no 15), avec moitié pierres et moitié terre ; Vayssas 1 (site no 20) ; Les Combes I (site no 153) ; Les Combes III (site no 155) ; Moulin à Vent du Pradal (site no 161) ; Galy 3 (site no 172) ; Drigas 2 (site no 177) ; Champ Rond (site no 184) ; Serre del Moussu (site no 185) ; Débès de Caussignac (site no 187) ; Jas de Racoules 2 (site no 212) ; Serre de Cabrié 1 (site no 218).
51Pour la troisième catégorie, en l’absence d’observations circonstanciées, par exemple sur les contacts entre éléments pierreux, on ignore si la terre a été mise en même temps que les blocs de pierre ou si elle s’est infiltrée par la suite, ou bien encore si elle résulte de la décomposition des blocs. Dans plusieurs cas, il semble bien que cette terre a fait partie de la construction même du tertre. C’est ce que suggèrent les fortes proportions de terre à Roumagnac 1 et 6, les descriptions du Vayssas 1 (« amoncellement de blocs calcaires isolés par des plages de terre sombre »), du Crès II (« amalgame de blocs liés par un apport de terre rouge semblable à la terre du causse »), ou encore celles du Moulin à Vent du Pradal et des Combes I. À Drigas 2, cependant, les fouilleurs évoquent clairement l’infiltration. Pour les autres sites, on ne peut écarter qu’il s’agisse d’infiltrations (comme par exemple au Serre de Cabrié 1 : « Chape de pierres aux interstices comblés par une terre humique »).
52Ces différences de constitution de la chape ne paraissent pas être liées à la chronologie, bien que l’échantillon soit trop faible dans tous les cas. En effet, si l’on trouve la chape de terre à la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer (Villeplaine 1) et au début du premier âge du Fer (Rasiguette), et la chape de pierres seules plutôt au milieu du premier âge du Fer, vers 650‑600 (Pomeyrol, Combe Sévène 1, 4 et 10, même si ce dernier est moins précisément daté dans le premier âge du Fer), la chape de pierres et terre mêlées est attestée dès le Bronze final II (Les Combes I), à la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer (Roumagnac 6, Le Crès II), au tout début du premier âge du Fer (Vayssas 1) et dans la première moitié du premier âge du Fer (Roumagnac 1), tandis que le Moulin à Vent du Pradal n’admet qu’une datation imprécise dans le premier âge du Fer.
53Lorsque la question est abordée, l’origine des pierres est toujours locale : Roumagnac 1 et 6, Pomeyrol, Caousou Viel 1, Les Combes I et III, Moulin à Vent du Pradal, Plaine de Villeneuve, Galy 2, Drigas 2, Champ Rond, Serre del Moussu, Débès de Caussignac. Ce sont les matériaux qui affleurent partout aux environs immédiats du monument qui sont toujours mis à contribution : dans presque tous les cas, il s’agit de calcaire, mais aussi de calcaire et granité à parts égales à Caousou Viel 1, qui se trouve sur la bordure du plateau calcaire des Bondons à la surface duquel abondent les éléments de granité provenant des flancs tous proches du mont Lozère. En l’absence d’indication sur ce sujet, la provenance des pierres était probablement une évidence pour les fouilleurs, qu’ils ne jugeaient pas utile de faire observer.
Le recouvrement de la chape
54Peu de relations nous informent sur le recouvrement de la chape. D’après les rares cas explicités, celui‑ci se présente sous deux formes.
– Soit une couche de cailloutis : Pomeyrol, Combe Sévène 4, Combe Sévène 10, Moulin à Vent du Pradal, tumulus supérieur du Champ Rond, Gargo 1 et 2. Selon les fouilleurs, elle résulterait de la gélifraction sur place des blocs de la partie supérieure de la chape ; mais on pourrait aussi penser qu’il s’agit du cailloutis formé plus anciennement à la surface du causse et qui a servi d’enveloppe au monument, à l’instar de ce que nous avons pu constater dans les Garrigues gardoises sur le tumulus de Pontel à Dions (Dedet et al. 1998 : 116).
– Soit une mince couche de terre qui a protégé de la gélifraction les pierres de la chape, et sur laquelle a pu éventuellement s’installer la pelouse du causse : Roumagnac 6, Drigas 2, tumulus inférieur du Champ Rond, Serre del Moussu, Le Freyssinel XII, XXII et XXXI.
5.6.1.2 Les dimensions de la chape
55Deux indications figurent presque toujours dans les relations des fouilles : le diamètre et la hauteur maximum du tumulus au moment du début des travaux. Seul le Dr Prunières, dont les publications n’indiquent qu’exceptionnellement les diamètres, manque à cette habitude. Toutefois, ces données doivent être considérées avec précaution dans le cas des recherches anciennes.
56En effet, les fouilles récentes permettent de soulever plusieurs problèmes. La limite de la chape et celle du recouvrement avec le terrain environnant sont souvent floues. A‑t‑on bien cherché à mettre au jour le contour extérieur du tumulus ? Donne‑t‑on la mesure du diamètre de la couche de recouvrement de terre ou de cailloutis de gélifraction, ou bien celle de la chape de pierres et de terre sous‑jacente ? À cela s’ajoutent d’autres imprécisions. Dans quelle mesure la hauteur estimée à la fouille est‑elle acceptable ? Le tassement, l’altération de la partie superficielle de la chape, des prélèvements anthropiques, de même que, en sens inverse, des accumulations postérieures par suite de l’épierrement des terrains environnants ont pu modifier le volume primitif. Aucun détail n’est fourni à ce sujet dans les fouilles anciennes, et s’agissant de chercheurs différents, aux méthodes de mesure non précisées, toute comparaison de dimensions entre tertres doit être considérée avec prudence. Que penser en effet des tumulus fouillés par le clan des Chênes Verts à la fin des années 1930 sur le Méjan septentrional, Chamblon A2, A3, A6, A7 et A8 (sites nos 192 à 197), dont les diamètres indiqués, entre 2,5 et 4 m, tranchent par leur petitesse avec ceux des autres tertres contemporains de la région ? Réalité architecturale ou méthode de mesure ? Pourtant, dans cet ensemble de Chamblon, les mêmes chercheurs donnent 7 m de diamètre au tertre A4 et 10 m au tumulus voisin de La Condamine B1 (site no 203). Malgré ces réserves, et tout en sachant qu’une telle étude ne peut être qu’approximative, l’examen comparatif des dimensions des monuments mérite d’être abordée.
57Pour l’ensemble de la région prise en compte, les diamètres des tumulus varient de 2,5 m (Chamblon A3) à 25 m (Les Lacs 12‑1887), et les hauteurs de 0,25 m (Roumagnac 9) à 2,2 m (Les Boudons II) (tabl. ii et iii).

TABL. II – Diamètre des tumulus

TABL. III – Hauteur des tumulus au centre.
58La comparaison portant sur les hauteurs se révèle peu signifiante, les différences entre causses étant minimes, excepté sur le causse Noir où les tumulus sont en moyenne plus bas, mais cette constatation ne repose que sur un nombre très réduit de monuments :
– Sauveterre (40 hauteurs indiquées) : extrêmes : 0,25 à 2 m ; moyenne : 0,98 m ;
– Méjan et Can d’Artigues (19 hauteurs indiquées) : extrêmes : 0,40 à 2 m ; moyenne : 0,92 m ;
– Bondons (6 hauteurs indiquées) : extrêmes : 0,35 à 2,2 m ; moyenne : 0,80 m.
– Noir (5 hauteurs indiquées) : extrêmes : 0,25 à 0,70 m ; moyenne : 0,47 m.
59On ne remarque pas non plus de différence entre les groupes topographiques ou géographiques au sein de chacun des causses, pas plus qu’en fonction du mode de traitement, du nombre et du sexe des défunts par tumulus (fig. 235).

FIG. 235 – Classement des hauteurs des tumulus par causse, avec indication du mode de traitement du corps, et, lorsque les données sont disponibles, du nombre, de l’âge et du sexe des défunts (A : adulte ; E : enfant ; F : femme ; H : homme ; NN : nouveau‑né).
60En revanche, l’examen du diamètre est plus intéressant. Cette mesure est en effet très variable sur l’ensemble des Grands Causses du Gévaudan, et ce en fonction de deux éléments : d’une part le mode de traitement du cadavre, et d’autre part la localisation géographique. Ainsi, les tertres dépourvus de tout dépôt d’os humain sont en moyenne les plus petits : 7,7 m de diamètre moyen (pour 7 diamètres indiqués, avec des extrêmes de 5,5 et 8,5 m). Les tumulus à incinération secondaire (pratiquée ailleurs que sur le lieu du tombeau) sont en général un peu plus grands : 8,1 m de diamètre moyen (pour 13 diamètres signalés, avec des extrêmes de 2,5 et 17 m). Les monuments où l’incinération a été effectuée sur place sont encore plus grands : 9,6 m de diamètre moyen (pour 4 diamètres indiqués, avec des extrêmes de 4,2 et 14 m). Enfin, les tertres des défunts non incinérés sont en règle générale les plus importants, avec un diamètre moyen de 10,9 m (pour 57 diamètres connus, avec des extrêmes de 3 et 25 m) (tabl. iv).

TABL. IV – Extrêmes et moyennes des diamètres des tumulus classés par type de traitement du cadavre et par causse, pour l’ensemble des Grands Causses du Gévaudan.
61Par ailleurs, les tumulus ont tendance à être plus petits sur le Méjan que sur les autres causses, quel que soit le mode de traitement du cadavre mis en œuvre. Pour les défunts non incinérés, la moyenne des diamètres des tumulus est de 8,9 m sur le Méjan alors qu’elle est de 9,5 m sur le Noir, et de 11,7 m sur le Sauveterre, et que les seules mesures données sur les Bondons et la Can d’Artigues sont respectivement de 9,2 et 12 m. Pour les incinérations secondaires, la différence est encore plus nette : la moyenne des diamètres est de 4,9 m sur le Méjan alors qu’elle atteint 9,2 m sur le Sauveterre, 9,65 m sur le Noir et 10,65 m sur les Bondons. On retrouve une différence encore plus forte pour les quelques cas d’incinération sur place : 4,2 et 8 m sur le Méjan, pour 12,5 et 14 m sur le Sauveterre (tabl. iv et fig. 236). Au sein de chacun de ces causses, il n’existe toutefois pas de différence entre les groupes topographiques ou géographiques de monuments.

FIG. 236 – Classement des diamètres des tumulus par causse, avec indication du mode de traitement du corps, et, lorsque les données sont disponibles, du nombre, de l’âge et du sexe des défunts (A : adulte ; E : enfant ; F : femme ; H : homme ; NN : nouveau‑né).
62La taille des tertres ne semble pas dépendre de facteurs chronologiques ni du nombre de trépassés que le tombeau abrite (tabl. v et fig. 236). Il est vrai que, la plupart du temps, le deuxième mort –ou le troisième (Serre de Cabrié 1)– d’un tumulus n’est marqué que par quelques rares os ou dents dont on ignore le statut (Combelongue 1, Cham des Bondons 1, Pomeyrol, Champ Rond, Les Conques 1, Combe Sévène 10). Il est vrai aussi que ces sujets supplémentaires sont le plus souvent des enfants (Le Freyssinel XXXI, Combe Sévène 10, Serre de Cabrié 1), voire des nouveau‑nés (Pomeyrol, Les Conques 1). En fait, Serre de Cabrié 1, qui abrite les restes de trois sujets, ne mesure que 6 m de diamètre, ce qui le classe parmi les plus petits des Grands Causses et le plus petit du causse Noir. Et Vayssas 1, qui a livré quatre adultes et un enfant de 9‑10 ans, tous en dépôt primaire et disposés côte à côte, possède des dimensions très moyennes pour le Sauveterre (8 à 12 m de diamètre selon l’axe).

TABL. V – Extrêmes et moyennes des diamètres des tumulus classés par type de traitement du cadavre et par phase chronologique, pour l’ensemble des Grands Causses du Gévaudan.
63Cette absence de lien entre dimension du monument et nombre de sujets qu’il contient pourrait être l’indice de dépôts successifs. Mais cela est impossible à prouver dans la plupart des cas, même à Gargo 3 sur le Méjan, où trois « inhumations » dites « superposées » étaient contenues dans un tumulus de 14 m de diamètre (soit largement au‑dessus de la moyenne de ce causse pour le type de traitement du cadavre employé). Au contraire, au Vayssas 1, les observations de fouille montrent que les cinq cadavres ont été déposés simultanément et que le diamètre du tumulus, tout comme la taille du coffre, étaient prévus à cet effet. Il en va de même à Roumagnac 6, où les restes du défunt incinéré étaient dispersés dans la chape tumulaire qui recouvre le mort en dépôt primaire.
64Enfin, le diamètre des monuments ne paraît pas non plus corrélé avec le sexe du mort (fig. 236). Mais il est vrai que les cas où la diagnose sexuelle est possible sont trop rares pour que l’on puisse en tirer des conclusions sûres. Sur le Sauveterre, les cinq hommes reconnus se trouvent dans des tumulus de 8 m de diamètre (Combelongue 1), 10 m (deux des cinq sujets du Vayssas 1), 11m (Le Crès II), et 13 m (Combe Sévène 1), soit une moyenne de 10,4 m de diamètre. Les cinq tumulus où figurent des femmes mesurent 10 m (Roumagnac 6, Vayssas 1) ou 20 m (Villeplaine 1). Sur le Méjan, un homme et une femme sont abrités dans des monuments de diamètre semblable, 4 m (Chamblon A2 et A8), mais un homme gît dans le tumulus le plus grand de ce causse, 20,5 m de diamètre (Moulin à Vent du Pradal).
5.6.1.3 La disposition des éléments pierreux à l’intérieur de la chape
65La manière de placer les éléments pierreux à l’intérieur de la chape, en dehors des structures bâties ou aménagées, est rarement évoquée dans les relations des fouilleurs et les observations sur ce sujet concernent presque toujours des recherches récentes. Lorsque c’est le cas, une certaine organisation est quelquefois signalée pour les chapes majoritairement composées de pierres :
– une couche de base faite de pierres redressées subverticales, surmontées par des pierres horizontales à Pomeyrol (site no 71) ;
– une couche de base formée d’éléments plus volumineux que le reste de la construction aux Aires 1 (site no 157) ;
– une disposition horizontale des pierres à Drigas 2 (site n“177) et au Serre del Moussu (site no 185) ;
– des dalles plus importantes que le reste du matériau, disposées à intervalles réguliers aux Aires 2 (site no 158) ;
– des « blocs imbriqués sur les bords, dressés au centre » à Galy 3 (site no 172) (mais cela serait l’indice, selon le fouilleur, d’une « violation ancienne ») ;
– une sorte de bâtière de lauzes imbriquées les unes dans les autres aux Viala 1 et 2 (sites nos 4 et 5) ;
– un montage concentrique à partir d’un noyau central vers la périphérie, en faisant reposer la pierre extérieure partiellement sur la pierre intérieure : Le Viala 1 et 2 (sites nos 4 et 5), Combes de L’Aumède Haute (site no 27), Les Aires 1 et 2 (sites nos 157 et 158) ;
– un montage concentrique en partant de la périphérie vers le centre, en faisant reposer la pierre intérieure partiellement sur la pierre extérieure à Caousou Viel 1 (site no 150).
66Sans nommer précisément les cas observés, le Dr Morel a remarqué deux autres principes d’organisation (Morel 1961 : 130) :
– « la fausse voûte » : « l’inhumé était d’abord recouvert de terre et c’est au‑dessus de ce premier tertre, dont elles épousaient forcément la forme, que les pierres plates étaient déposées sans que les bâtisseurs de tumuli aient cherché, du moins nous le croyons, une voûte dans le vrai sens du terme ; d’ailleurs, assez souvent, au lieu de former un dôme, les plaquettes calcaires présentent, en direction du centre, une légère pente due au tassement de la sépulture » ;
– « la cheminée » : « plus rarement, le centre du tumulus présente une surélévation formée d’assez gros blocs recouvrant une sorte de cheminée qui va jusqu’à la sépulture et qui est également remplie de pierres ».
67Plus souvent que pour les cas de matériau organisé, les chercheurs indiquent la disposition en vrac des éléments pierreux formant l’essentiel de la chape. Le fait est notifié pour un certain nombre de tumulus, presque toujours fouillés récemment (à l’exception notoire des travaux de Fr. Delisle et A. Viré à l’Aven Armand) :
– Combelongue 1 (site no 7) ;
– Le Crès I et II (sites nos 8 et 9) ;
– Roumagnac 1, 4, 6 et 9 (sites nos 12 et 14 à 16) ;
– Combe Sévène 1, 4 et 10 (sites nos 111, 114 et 115) ;
– Les Combes I, II et III (sites nos 153, 154 et 155) ;
– Moulin à Vent du Pradal (site no 161) ;
– Plaine de Villeneuve (site no 168) ;
– Aven Armand 1 et 2 (sites nos 175 et 176) ;
– Plo de Saubert (site no 182) ;
– Champ Rond (site no 184) ;
– Débès de Caussignac (site no 187) ;
– Les Conques 1 (site no 189) ;
– Serre de Cabrié 4 (site no 221).
68Partout ailleurs, en l’absence d’observation, peut‑on conclure à une accumulation de blocs en vrac ? Si cela est probable pour les fouilles récentes, à partir des années 1960 et celles de C. Hugues, rien n’est moins sûr pour les autres.
69Enfin, pour ce qui est des quelques tertres faits en majeure partie de terre, la seule notation concerne Villeplaine 1 (site no 18) où les rares éléments pierreux, selon le fouilleur, ne présentent pas de disposition particulière, à l’exception de ceux amoncelés vers le centre du tertre, jouxtant la sépulture.
5.6.1.4 Les structures de la chape
70La chape pourvue de structures bâties, en dehors de la région sépulcrale, semble rare dans les Grands Causses. Cependant, plusieurs types d’aménagement ont parfois été décrits ou signalés.
Un cercle périphérique ou proche de la périphérie du tertre
71Selon le mode de construction, on peut distinguer :
– le cercle de dalles plantées de chant, verticales ou obliques, dans les fissures du substrat, et destiné à ancrer la masse du monument : Débès de Caussignac (site no 187) et Gargo 3 (site no 208), où cet aménagement constitue la bordure du monument, Serre de Cabrié 3 (site no 220) et sans doute Le Freyssinel VII (site no 74) ;
– le cercle, plus ou moins régulier, de blocs de pierre de module plus important que ceux du matériau courant formant le reste du tumulus, posés à plat sur une de leur grande face en périphérie du monument : Roumagnac 1 (site no 12), où cette structure est partiellement remplacée par un muret à deux parements qui serait antérieur, Roumagnac 6 (site no 15), incomplet vers le sud, Les Combes III (site no 155) ; on ignore si ce cercle servait effectivement de bordure au tumulus et était visible, ou s’il était masqué par des pierres disposées plus à l’extérieur ;
– la couronne de dalles très inclinées vers l’intérieur du monument : Les Combes I (site no 153), où le système, non visible après l’achèvement de l’édifice, était très élaboré, avec ses dalles placées dans un sillon, complétées d’un triple rang de dallettes adossées ; un tel soin devait avoir sa raison d’être : utilité symbolique et/ou fonction ostentatoire durant les cérémonies funèbres, par exemple lors de la phase de dépôt des os incinérés au centre du tumulus.
Un cercle interne
72Le cercle interne, centré sur le milieu du tertre, joue un rôle de raidisseur afin d’assurer la cohésion de la masse des matériaux. Là encore, il peut s’agir :
– soit d’un cercle de petites dalles plantées de chant, de manière jointive : Serre de Cabrié 1 (site no 218) ;
– soit de blocs posés à plat sur une de leur large face : Moulin à Vent du Pradal (site no 161) et Roumagnac 4, seulement dans sa partie sud (site no 14).
73Au Freyssinel IX et XVI (sites nos 76 et 80), l’existence d’un cercle interne est signalée, mais sans que l’on en connaisse le mode de construction.
Deux cercles internes concentriques
74Le dispositif de deux cercles internes concentriques n’est signalé qu’une fois, au Freyssinel XVII (site no 45), où des dalles « volumineuses » sont plantées verticalement et, au moment de la fouille, saillaient à la surface de la chape.
Structure diamétrale
75Un seul cas a été remarqué au Bac I (site no 125), formé de deux dalles dressées verticalement, alignées sur 1,6 m, au centre d’un tumulus de 4 m de diamètre qu’elles coupent donc incomplètement.
Structure en position de corde
76Cette structure n’a été observée qu’à Serre de Cabrié 3 (site no 220), avec un alignement de pierres posées à plat, parement vers l’extérieur du tertre. Cet aménagement n’a pas été dégagé sur toute sa longueur et l’on ignore son plan complet.
Amoncellement de pierres vers le centre d’un tumulus essentiellement édifié avec de la terre
77Un tel amoncellement est attesté à Villeplaine 1 (site no 18) où il jouxte la région sépulcrale.
5.6.1.4 Éléments surmontant la chape
78Plusieurs tumulus sont pourvus d’une pierre verticale, plantée dans la chape et surmontant celle‑ci à la manière d’une stèle rudimentaire :
– Drigas 2 (site no 177) au Bronze final IIIa ;
– Les Fons I (site no 36) à la fin du VIIe s. ;
– Champ Rond (site no 184) à la fin du VIe ou au début du Ve s. ;
– Serre del Moussu (site no 185) à la fin du VIe ou au début du Ve s. ;
– Le Freyssinel IX (site no 76) non précisément daté, mais antérieur au début du premier âge du Fer ;
– peut‑être Le Freyssinel XLI (site no 91), si le bloc dolomitique de 1,7 m de large pour 1,5 m de hauteur, qui émerge d’une trentaine de centimètres du sommet de la chape, n’est pas un élément naturel en place.
79Dans tous ces cas, ces stèles ont été retrouvées in situ.
80Leurs dimensions sont toujours modestes. Au Freyssinel IX, ce bloc est qualifié de « grand », mais ailleurs, les mesures sont données ou peuvent être calculées sur plan :
– Drigas 2 : haut, indiquée : 50 cm (mais hauteur totale selon le croquis de Hugues, Lorblanchet 1970 : 11, fig. 9 :
90 cm) ; larg. max. : 60 cm ; ép. : 15 cm ;
– Champ Rond (dimensions d’après dessin dans Fages, Lorblanchet 1964 : 10, pl. II) : haut. : 70 cm ; larg. max. : 45 cm ; ép. : 25 cm ;
– Serre del Moussu (dimensions d’après dessin dans Fages
1969 : 23, fig. 1) : haut. : 50 cm ; larg. : 46 cm ; ép. : 10 cm ;
– Les Fons I : haut. : 70 cm ; larg. : 30 cm ; ép. : 20 cm.
81La nature et l’origine, locale ou non, du matériau ne sont jamais précisées. Au Champ Rond et au Freyssinel IX, il est seulement spécifié qu’il s’agit de calcaire. En l’absence d’indication plus précise, dans ces deux cas comme dans les autres, il est probable que ces pierres proviennent du substrat local.
82La forme est rarement connue. La stèle du Freyssinel IX est signalée « vaguement anthropomorphe » par Ch. Morel, sans autre précision ni illustration. Celle du Champ Rond possède une base plane, de longs côtés grossièrement rectilignes et parallèles, et un sommet aminci. Quant à Drigas 2, cet élément, également à base plane et longs côtés parallèles, présente un sommet triangulaire. Aucune trace de travail n’est signalée sur ces blocs. En l’absence d’examen, on ne peut pourtant affirmer que ceux‑ci sont entièrement bruts. Un travail de la pierre a en effet été remarqué sur certaines dalles du coffre du tumulus 6 de Peyraube, dans les Cévennes micaschisteuses, daté du début du premier âge du Fer (Dedet, Gauthey 1994 : 121).
83La position de la stèle dans le tumulus est très variable. Si elle est centrale au Freyssinel IX, elle est en bordure ou proche de la bordure du tertre partout ailleurs, sans qu’aucune orientation préférentielle n’apparaisse :
– bordure est, ou près de la bordure est, aux Fons I et au Champ Rond ;
– sur le bord ouest à Drigas 2 ;
– près du bord sud au Serre del Moussu.
84Le rapport spatial aux restes du défunt ne peut être apprécié pour ce qui concerne Champ Rond et Serre del Moussu, deux tumulus à incinération sur place, ni pour Le Freyssinel IX, qui n’a livré que des « ossements dispersés ». En revanche, à Drigas 2, la stèle se trouvait à proximité des pieds du cadavre, et aux Fons I, du côté de la tête.
85Au Champ Rond, la base de la stèle repose sur la première assise de la chape tumulaire, qui recouvre l’aire de crémation, et son sommet dépasse la surface du tertre de 40 à 50 cm. Au Serre del Moussu, cette pierre repose sur le paléosol, calée de part et d’autre par deux pierres plus petites, et elle surmonte la surface du tumulus d’une vingtaine de centimètres sans toutefois dépasser le sommet de celui‑ci. À Drigas 2, elle est placée dans une anfractuosité du substrat rocheux et est de ce fait très peu saillante par rapport à la surface du bord du tertre. Aux Fons I, si l’on ignore son mode d’implantation, on sait cependant qu’elle émerge de 40 cm « hors de terre ».
86Des éléments semblables ont aussi été signalés sur deux tumulus non fouillés, donc non datés, du Mas Rouchet à Florac, sur le Méjan. Une dalle de 1 m de large est dressée au centre du tertre 1, de 10 m de diamètre, qu’elle surmonte de 0,8 m. Une dalle couchée en périphérie du tumulus 2 a pu également avoir une position similaire. Toujours sur le Méjan, près d’Aures (Gatuzières, Lozère), une grande dalle de 2,2 m de long sur 0,8 m de large et 0,25 m d’épaisseur, gît, cassée en deux morceaux, en limite d’un autre tertre non fouillé (Fages 1994 : 14‑15).
87De tels dispositifs de signalisation étaient sans doute plus nombreux sur les Grands Causses, mais s’agissant de la partie du monument la plus exposée aux dégradations, ils ont dû disparaître et leurs traces ont toutes chances de n’être qu’exceptionnellement discernables. Quoi qu’il en soit, la répartition des exemplaires observés en place, distribution chronologique depuis le Bronze final IIIa jusqu’au début du second âge du Fer, mais également géographique, du nord‑ouest du Sauveterre (Les Fons I) au sud du Méjan central (Drigas 2), montre qu’il ne s’agit probablement pas de cas isolés. La question se pose de manière analogue dans les Garrigues du Languedoc oriental (Dedet 1994 : 30).
5.6.2 La région sépulcrale
88La région sépulcrale du tumulus, celle où ont été retrouvés les restes osseux humains, se présente sous trois formes. Elle peut être circonscrite soit naturellement, soit par un dispositif aménagé ou bâti de formes diverses, ou bien ne pas posséder de délimitation visible ou notée par les fouilleurs. Dans ce dernier cas cependant, elle peut être aménagée par un dallage. Le mode de traitement du cadavre et de dépôt de ses restes, de par son encombrement, en conditionne la morphologie.
5.6.2.1 Les tumulus à incinération sur place
89Dans aucun des huit cas signalés d’incinération effectuée à l’emplacement même où sera élevé le tumulus, on ne signale de délimitation ou de bordure au bûcher.
Causse de Sauveterre
90Le Freyssinel XXXIV (site no 85), deuxième moitié du viie s. ;
Combe Sévène 4 (site no 114), deuxième moitié du viie s. ;
Le Freyssinel V (site no 23), premier âge du Fer ;
Boisset 4‑1887 (site no 101), premier âge du Fer ;
Causse Méjan
91Jas de Racoules 3 (site no 213), deuxième moitié du viie s. ;
Dévois de Villeneuve 1 (site no 165), vie s. ;
Champ Rond (site no 184), fin du vie ou début du ve s. ;
Serre del Moussu (site no 185), fin du vie ou début du ve s.
92Dans trois de ces monuments cependant, le foyer incinérateur est installé sur un dallage de pierres plates :
– au Freyssinel V, avec une déclivité de la tête vers les pieds ;
– au Dévois de Villeneuve 1, où cette aire dallée mesure 1,5 m de diamètre ;
– au Champ Rond, où ce dallage occupe une aire de 1,85 m de diamètre.
93D’autres aménagements de détail ont été décrits : au Freyssinel V, le crâne, très incomplètement brûlé, « est protégé par trois pierres levées », tandis qu’à Combe Sévène 4, l’aire d’incinération est creusée d’une petite fosse enfermant un vase.
5.6.2.2 Les tumulus à incinération secondaire
94Sur les quatorze tumulus à incinération secondaire pour lesquels nous possédons des informations, le dépôt sépulcral n’est délimité que dans trois cas, répartis sur les Bondons ou sur un même ensemble du Méjan. Ce dispositif présente deux formes.
95La première, attestée aux Combes I (site no 153), sur les Bondons au Bronze final IIb, est une logette grossièrement trapézoïdale de 0,5 à 0,6 m de côté intérieurement, aménagée au moyen de sept pierres jointives, recouverte par une dalle horizontale, et enfermant l’urne ossuaire.
96La deuxième est un petit caisson de dalles levées dans deux tumulus voisins du Méjan, Chamblon A7 (site no 196), dans la seconde moitié du viie s. et Chamblon A3 (site no 193), au premier âge du Fer. Seules les dimensions du premier sont connues : 1,4 m sur 0,9 m (CRA des Chênes Verts 1959 : 172). Dans ces deux monuments, les os humains ne sont pas placés dans une urne ossuaire.
97Dans les autres monuments, la région sépulcrale n’est pas délimitée, que les os soient déposés dans un vase ossuaire (Le Freyssinel V), ou éparpillés hors de tout contenant partout ailleurs.
Causse de Sauveterre
98Sépulture inférieure du Freyssinel V (site no 22), Bronze final IIIa ;
Le Freyssinel XXXII (site no 83), fin viiie‑viie s. ;
Le Freyssinel VI (site no 73), viie s. ;
Bac I (site no 125), ve‑ive s. ;
sépulture supérieure de Champerboux‑Laval 7‑1883 (site no 108), 750‑600 ;
Bac III (site no 127), datation imprécise ;
Bac IX (site no 133), datation imprécise ;
Le Freyssinel II (site no 88), datation imprécise.
Causse Méjan
99Valbelle C3 (site no 163), premier âge du Fer ;
Chamblon A4 (site no 194), deuxième moitié viie s.
Causse Noir
100Rasiguette (site no 237), fin viiie‑début viie s.
101Toutefois, même si elle n’est pas délimitée, la région sépulcrale peut parfois être aménagée : ainsi au Freyssinel XXXII, les os sont dispersés sur un lit de dalles ; c’est peut‑être le cas aussi à Rasiguette.
102Enfin, pour beaucoup d’autres tumulus à incinération, l’indigence des descriptions ne permet pas de savoir si la région sépulcrale était, ou non, délimitée : Le Sec 18‑1883 (site no 33), Chanac‑Laval 23‑1887 (site no 41), Clapas de Pessaments (site no 42), Devèze du Massegros 25‑1887 (site no 67), Boisset 6‑1887 (site no 103), Champerboux 2‑1887 (site no 105), Dinas 8‑1887 (site no 116), Les Brousses 6‑ 1883 (site no 136), Les Lacs 14‑1887 (site no 137), Les Bondons II (site no 160), Gargo 2 (site no 207). Et pour certains d’entre eux, Le Sec 18‑1883, le Clapas des Pessaments, Champerboux 2‑1887, Clapaslas 1‑1883 et Dinas 8, les descriptions de Prunières (1883 : 635‑638 ; 1887 : 699‑700) ne permettent pas de savoir s’il s’agit d’incinérations sur place ou secondaires.
5.6.2.3 Les tumulus à défunts non incinérés
Région sépulcrale délimitée
103Réceptacle naturel
Dans deux cas dont la datation dans la Protohistoire est imprécise, aux Viala 1 et 2 (sites nos 4 et 5), les restes osseux humains, et/ou tout ou partie du matériel qui les accompagnait, ont été découverts dans une dépression naturelle du substrat calcaire. Pour ces deux sépultures, le mode de traitement du cadavre, non brûlé, n’est pas précisé. Si les dimensions de la seconde fosse sont inconnues, le lapiaz du Viala 1 mesurait 2 m de long sur 0,55 m de large et 0,45 m de profondeur et aurait pu convenir pour accueillir un corps en dépôt primaire. Le fait que ces deux dépressions naturelles aient été remarquées par le même fouilleur conduit à se demander si ce mode de dépôt n’est pas passé ailleurs inaperçu par suite d’une fouille incomplète, notamment lors des recherches anciennes1.
104Délimitation aménagée
Il existe plusieurs types de délimitation de la région sépulcrale dans les Grands Causses du Gévaudan. Celle‑ci peut être complète, entourant tout le corps, ou seulement partielle autour de la tête ou bornant les extrémités du cadavre (fig. 237). Sa réalisation peut aussi être plus ou moins élaborée. Plusieurs types peuvent être distingués.

FIG. 237 – Les différents types de région sépulcrale délimitée ou bornée dans les tumulus à défunt en dépôt primaire non incinéré.
105● Espace réservé à l’intérieur de l’accumulation des blocs de la chape tumulaire
106Dans deux tumulus, Le Crès I (site no 8), non daté précisément, et Le Crès II (site no 9), à la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer, les os humains ont été découverts dans un secteur allongé, rempli d’un sédiment terreux mais dépourvu de pierres, au sein d’une chape tumulaire pierreuse. Cet espace réservé ne semble pas présenter de bords construits. Les mesures de cette loge ne sont pas connues pour Le Crès I, qui a livré « quelques fragments d’os humains ». En revanche, la structure du Crès II mesure 2,2 m de long sur 0,7 m de large et renfermait les restes d’un adulte décrit en dépôt primaire, enrobés de la même terre rouge que celle du sol actuel et celle qui a été utilisée pour la construction du tertre. On ignore toutefois si ce défunt s’est décomposé dans un espace vide ou colmaté.
107Là encore, on ne manquera pas de remarquer l’unité de lieu et de fouilleur concernant l’identification de ce type de dispositif. Celui‑ci est cependant proche du suivant et ne s’en distingue que par l’absence de choix des éléments bordant la loge. À cet égard, l’ambiguïté (réelle ?) qui règne pour la sépulture médiane de Gargo 3 (voir paragraphe suivant) est significative.
108Loge bâtie de blocs
La région sépulcrale de trois tumulus, où les défunts sont décrits en dépôt primaire non incinéré, est entourée sur tous les côtés par des blocs choisis, différents par leur module du reste de la chape, posés sur une de leur grande face ; par endroit, ce dispositif peut être complété par une dalle de chant :
– sépulture inférieure des Lacs III (site no 142), Bronze final IIIa : le trépassé « était placé dans une sorte de ciste formée de blocs calcaires avec une dalle plate plantée verticalement derrière la tête » (Morel, Peyre 1965 : 16) ;
– Les Bondons I (site no 159), première moitié du premier âge du Fer : le squelette « est entouré par de gros blocs calcaires, la tête étant protégée par une dalle qui s’est effondrée » (Morel 1961 : 125).
– Les Sarragats (site no 17), seconde moitié du viie s. : au centre du tumulus, « on remarqua un certain alignement dans quelques pierres de choix, c’est‑à‑dire de moins petite dimension. Sur cet alignement régnait une forme de comble par des dalles inclinées jusqu’à jonction d’un bout » (Lescure 1837‑1838).
109Un quatrième monument semble également entrer dans cette série, mais peut‑être a‑t‑on affaire à un simple espace réservé, sans bordure aménagée, comme dans la série précédente. Il s’agit de la sépulture médiane de Gargo 3 (site no 208), seconde moitié du viie s. : « elle constitue un caisson à fond dallé et couvercle composé de grandes pierres plates. La couverture, en l’absence de murs latéraux de soutènement, est appuyée sur les seuls matériaux du tumulus » (Hugues, Lorblanchet 1970 : 5).
110Les dimensions ne sont connues qu’à Gargo 3 : 2 m de long, 0,75 m de large et 0,5 m de haut. Un dallage de fond n’est signalé que dans ce même dispositif. Le corps y est recouvert de dalles, de même qu’aux Sarragats, avec, dans ce dernier, une disposition en bâtière. Aux Bondons I, seule la tête était « protégée » d’une dalle. On ignore dans tous les cas si les cadavres se sont décomposés en espace vide ou colmaté. Ce court inventaire montre enfin que de telles loges ne sont pas réservées à une époque précise de la Protohistoire caussenarde, ni à un secteur restreint de la région considérée.
111Loge bâtie de dalles plantées de chant
La région sépulcrale peut être bordée de dalles plantées de chant, jointives ou non. Dans deux cas, cette logette n’est limitée que sur les deux longs côtés, les deux petits côtés restant ouverts. Dans le troisième cas, on ignore s’il s’agit d’un dispositif semblable ou d’un aménagement plus complet comprenant une ou plusieurs dalles sur les petits côtés.
– Serre de Cabrié 1 (site no 218), première moitié du premier âge du Fer : deux loges contiguës, délimitées par des dalles verticales, discontinues, sur les longs côtés, et par une proéminence rocheuse sur l’un des petits côtés ; la loge B, pour un adulte en décubitus dorsal, mesure 1,7 m de long sur 0,5 à 1,05 m de large ; la loge A, pour deux enfants entre 2 et 10 ans et entre 4 et 13 ans dont le mode de dépôt n’est pas connu, mesure 1,2 m de long sur 0,65 m de large.
– Serre de Cabrié 3 (site no 220), première moitié du premier âge du Fer : la sépulture d’un adulte en décubitus latéral droit « était délimitée, de part et d’autre, par une rangée de blocs posés de chant, légèrement inclinés vers l’intérieur ; le fond était formé par un lit de dalles posées à plat sur le substrat rocheux ».
– Col de La Vache (site no 216), premier âge du Fer : les informations sont succinctes, « des dalles plantées de chant limitaient la sépulture », le défunt reposait sur un dallage ; le dispositif était surmonté de lourdes pierres plates : couvercle effondré d’un espace, au départ, vide, ou recouvrement du cadavre ?
112Demi‑loge bâtie de dalles plantées de chant
Seuls un long et un petit côté sont matérialisés par des dalles plantées de chant, de manière discontinue. Les autres flancs ne sont pas matérialisés. Deux tumulus sont dans ce cas.
– Roumagnac 6 (site no 15), transition Bronze final III/premier âge du Fer : des pierres de chant, placées de manière discontinues, bordent la gauche du cadavre de l’adulte non incinéré sur 1,6 m de long, une autre se trouve à la tête et une autre aux pieds ; à droite, aucune limite de la zone sépulcrale n’était visible ; cependant, des observations de fouille indiquent que le corps s’est décomposé en espace vide et que des dalles disposées en bâtière ou en encorbellement ont pu recouvrir cette région.
– Combe Sévène 1 (site no 111), seconde moitié du VIIe s. : derrière le corps en décubitus latéral droit, sept dalles plantées obliquement sont alignées sur 2,6 m de long, une autre est fichée derrière la tête, tandis qu’aucune délimitation n’a été observée sur les autres côtés du cadavre.
113Caisson de quatre dalles plantées
Chacun des côtés de ces caissons est formé d’une seule dalle placée de chant2. Les quatre dalles sont jointives aux angles de la structure. De tels dispositifs, également utilisés pour loger des restes osseux incinérés (cf. supra § 5.6.2.2), ont été construits pour accueillir des cadavres non brûlés en dépôt primaire, et peut‑être aussi en dépôt secondaire. Nous n’avons cependant aucune information sur leur comblement : celui‑ci était‑il effectué aussitôt après le dépôt de la dépouille, ou bien cette structure était‑elle fermée en sa partie supérieure par une couverture (espace vide à l’origine) ?
114Deux de ces structures concernent des individus indiqués en décubitus allongé :
– mas de La Bastide II (site no 26), première moitié du premier âge du Fer : « un caisson orienté est‑ouest avec dalles monolithes latérales de 1,8 m et dalles terminales de 0,75 m. Lit de pierres plates sur le sol » (Morel 1961 : 110).
– Les Fons III (site no 38), datation imprécise : ciste faite de « dalles, toutes quatre monolithes », qui mesurent 1,7 m et 1 m de long, pour une épaisseur moyenne de 0,20 m.
115Un troisième cas au Bac V (site no 129), premier âge du Fer, pourrait intéresser un sujet en dépôt secondaire après décharnement, compte tenu de la dimension de la structure : os non brûlés, en désordre dans « une ciste dont les dalles latérales mesurent 1,2 m de longueur, pour une hauteur de 0,9 m, avec un écartement de 0,75 m, dimensions des dalles terminales » (Morel 1961 : 120).
116Un autre caisson, « complètement vidé de son contenu » avant la fouille et non datable, n’est connu que de manière fort imprécise au Bac VIII (site no 132) : « caisson formé de grandes dalles » (Morel 1961 : 122).
117Enfin, un caisson non caractérisé peut appartenir à cette série (ou à la suivante ?) : au Freyssinel XI (site no 78), premier âge du Fer, il est indiqué que la sépulture est limitée par « un caisson en pierre orienté est‑ouest » (Morel 1968 : 43), mais sans aucun autre détail quant à la morphologie et aux dimensions.
118Caisson aux parois formées de plusieurs assises de pierre sèche
Deux cas sont signalés, liés à des dépôts primaires :
– Vayssas 1 (site no 20), début du premier âge du Fer : de plan carré de 2,1 m de côté et 0,65 m de hauteur, cette structure a reçu cinq dépôts primaires simultanés, quatre adultes et un grand enfant.
– Aven Armand 2 (site no 176), 750‑600 : la construction, ici rectangulaire mais dont on ignore les dimensions, est faite de « véritables murs verticaux en pierre sèche et bien appareillés par rangées sur une hauteur de 70 à 80 cm ». Les dalles retrouvées sur le bassin et les membres inférieurs auraient « formé primitivement la voûte de la sépulture effondrée depuis » (Delisle, Viré 1899 : 614).
119Dans les deux cas, on peut se demander s’il s’agit bien d’un caisson, c’est‑à‑dire une structure comblée juste après ces dépôts, ou d’un caveau ou d’une chambre, espace vide fermé par une couverture effondrée par la suite.
120Loge composite
Dans trois cas, la région sépulcrale est délimitée de manière différente selon les côtés : muret sur un bord et alignement de blocs ou dalle de chant de l’autre, ou bien amas de pierres non parementé d’un côté, et dalles de chant de l’autre. Ces trois loges se rapportent à des sujets décrits en dépôt primaire.
– Combe Sévène 2 (site no 112), transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer : l’un des longs côtés de la loge est une murette de pierres plates posées les unes sur les autres, l’autre n’est formé que d’un simple alignement de blocs, tandis que seul le petit côté vers les pieds est limité par une pierre ; le dispositif mesure 2 m de long pour 0,7 m de large.
– Villeplaine 1 (site no 18), transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer : à l’intérieur d’une chape essentiellement en terre, la loge, aux dimensions du corps de l’adulte en décubitus dorsal, est limitée sur un long côté par un amas informe de pierres, et de l’autre, par deux pierres verticales, les deux petits côtés n’étant matérialisés que par quelques pierres peu volumineuses.
– Devèze d’Inos 26‑1887 (site no 65), datation imprécise : « une grande dalle comme une de celles d’un dolmen du nord au sud. Un petit mur à l’extrémité méridionale de la sépulture » (Prunières 1887 : 703).
121Délimitation restreinte
Dans plusieurs tumulus, seules certaines parties du corps d’individus en dépôt primaire sont protégées ou bordées par des dalles ou des blocs.
122Dans un cas, il peut s’agir seulement de la protection du crâne. Ainsi à Chaumeils 4‑1883 (site no 109), au vie s. : dans la sépulture inférieure, « le crâne, moins sa mâchoire inférieure, avait été mis à l’abri sous une sorte de dolmen minuscule fait avec des dalles grandes à peine comme des volumes in quarto » (Prunières 1883 : 634).
123Ailleurs, on a borné la région sépulcrale soit à la tête ou bien à la tête et aux pieds, soit sur les côtés : aux Lacs 13‑1887 (site no 138), au premier âge du Fer, il est signalé, sans autre détail, que le crâne était « protégé par une pierre » (Prunières 1887 : 701) ; au Freyssinel XIX (site no 47), au premier âge du Fer également, une dalle de chant se trouve à la tête et une autre aux pieds ; aux Combes de L’Aumède Haute (site no 27), à la fin viie‑vie s., une dalle plantée de chant borde chacun des membres supérieurs.
Région sépulcrale non délimitée
124Pour la plupart des tumulus à défunt non incinéré, aucune structure particulière équipant la région sépulcrale, visible à la fouille, n’est signalée. Dans un certain nombre de cas, essentiellement des fouilles récentes, l’observation a été faite sur le terrain, ou bien déduite lorsque des indications concernant la disposition des restes osseux ont été fournies.
125Causse de Sauveterre
Le Freyssinel I (site no 87), Bronze final II ou IIIa ;
Les Lacs III (site no 142), sépulture supérieure, Bronze final IIIa ;
Le Freyssinel IV (site no 22), sépulture supérieure, Bronze final IIIa ;
Combelongue 1 (site no 7), Bronze final IIIb ;
Le Freyssinel XII (site no 43), 750‑650 ;
Roumagnac 1 (site no 12), 750‑600 ;
Le Freyssinel XVII (site no 45), 750‑600 ;
Le Freyssinel III (site no 72), 750‑600 ;
Le Freyssinel XXII (site no 81), 750‑600 ;
Le Freyssinel XXXI (site no 82), 750‑600 ;
Le Freyssinel VIII (site no 75), 750‑600 ;
Le Freyssinel XL (site no 90), 750‑600 ;
Pomeyrol (site no 71), 650‑600 ;
Chain de la Bazalgette 2 (site no 92), vers 600 ;
Cham de la Bazalgette 3 (site no 93), vers 600 ? ;
Les Fons I (site no 36), 650‑550 ;
Le Freyssinel XVI (site no 80), 650‑500 ;
Le Freyssinel XIV (site no 79), 600‑500 ;
L’Aumède Basse (site no 29), 600‑500 ;
Le Freyssinel XV (site no 89), 750‑500 ;
Combe Sévène 10 (site no 115), 750‑500 ;
Le Freyssinel XVIII (site no 46), 750‑500 ;
Le Freyssinel VII (site no 74), Bronze final ou premier âge du Fer ;
Le Freyssinel XXIII (site no 24), Bronze final ou premier âge du Fer ;
Le Freyssinel XXXIII (site no 84), Bronze final ou premier âge du Fer ;
Champerboux‑Laval 7‑1883 (site no 108), sépulture inférieure, âge du Bronze ou du Fer ;
Le Freyssinel IX (site no 76), âge du Fer ? ;
Les Fons II (site no 37), non daté ;
126Plateau des Bondons
Cham des Bondons 1 (site no 152), 750‑700.
127Causse Méjan
Drigas 2 (site no 177), Bronze final IIIa ;
Débès de Caussignac (site no 187), Bronze final IIIa ou Illb ;
Plaine de Villeneuve (site no 168), 750‑600 ;
Aven Armand 1 (site no 175), 750‑600 ;
Chamblon A6 (site no 195), 750‑600 ;
Cargo 1 (site no 206), 750‑600 ;
Jas de Salgas (site no 214), 750‑600 ;
Chamblon A2 (site no 192), 650‑600 ;
La Condamine B1 (site no 203), 650‑600 ;
Cargo 3 (site no 208), sépulture inférieure, 650‑600 ;
Moulin à Vent du Pradal (site no 161), 750‑500 ;
Chamblon A8 (site no 197), 750‑500 ;
La Fajole C1 (site no 215), 750‑500 ? ;
Les Conques 1 (site no 189), IV‑ s. ;
Dévois de Villeneuve 2 (site no 166), âge du Bronze ou âge du Fer ;
Cabassude (site no 204), datation imprécise ;
Jas de Racoules 1 (site no 211), datation imprécise.
128Causse Noir
Serre de Cabrié 5 (site no 222), 750‑500.
129Mais pour beaucoup d’autres tumulus à défunt non incinéré, l’indigence des descriptions ne permet pas de savoir si la région sépulcrale était, ou non, délimitée : Grand‑Lac 20‑ 1883, La Rouvière 20‑1887, Le Royde 19‑1883, grand tumulus Chanac‑Laval 21‑1887, Chanac‑Laval 22‑1887, Mazel Bouïssy 12‑1883, Laval 10‑1883, Roussac 11‑1883, Bellas 28‑1887, Bellas 1887, Devèze d’Inos 27‑1887, Mallet 29‑ 1887, Les Fadarelles 15‑1883, Boisset 5‑1887, Boisset 7‑ 1887, sépulture supérieure de Clapaslas‑Satanas 1‑1883, sépulture inférieure de Dinas 8‑1887, Dinas 9‑1887, Dinas 11‑1887, Jouanas 17‑1887, Jouanas 18‑1887, Blachères 2‑ 1883, Brousses 6‑1883, Les Lacs 12‑1887, Les Lacs 15‑ 1887, Les Lacs 16‑1887, Pessades 3‑1883, Les Vieilles Mortes 5‑1883, Rocherousse 1‑1887, Les Bondons III, Dévois de Villeneuve 3.
130Si la région sépulcrale n’est pas délimitée, il arrive cependant qu’elle soit aménagée par un dallage de pierres plates sur lequel repose le cadavre. L’inventaire de cette pratique ne laisse apparaître aucune spécialisation géographique ou chronologique.
131Causse de Sauveterre
Le Freyssinel I (site no 87), Bronze final II ou IIIa ;
Les Lacs III (site no 142), sépulture supérieure, Bronze final IIIa ;
Combelongue 1 (site no 7), Bronze final Illb ;
Le Freyssinel XII (site no 43), 750‑650 ;
Le Freyssinel XVII (site no 45), 750‑600 ;
Le Freyssinel III (site no 72), 750‑600 ;
Le Freyssinel XXII (site no 81), 750‑600 ;
Le Freyssinel XVIII (site no 46), 750‑500 ;
Le Freyssinel XXXIII (site no 84), Bronze final ou premier âge du Fer.
132Plateau des Bondons
Cham des Bondons 1 (site no 152), 750‑700.
133Causse Méjan
Drigas 2 (site no 177), Bronze final IIIa ;
Plaine de Villeneuve (site no 168), 750‑600 ;
Dévois de Villeneuve 2 (site no 166), âge du Bronze ou âge du Fer ;
134Causse Noir
Serre de Cabrié 5 (site no 222), 750‑500.
135Enfin, d’autres aménagements particuliers ont été parfois signalés :
– deux dalles verticales calant le bassin du mort : Le Freyssinel XXXIII (site no 84) ;
– une grosse pierre contre laquelle s’appuie l’arrière du crâne : Drigas 2 (site no 177) ;
– des dalles disposées en bâtière au‑dessus du cadavre : Blachères 2‑1883 (site no 135), Dévois de Villeneuve 2 (site no 166) et Drigas 2 (site no 177) ;
– une grande dalle recouvrant le corps (d’un adulte sans doute) : Champerboux‑Laval 7‑1883, sépulture inférieure (site no 108).
5.7 Autres types de tombes
136Deux autres types de sépultures aménagées au premier âge du Fer sont aussi attestés sur les Grands Causses du Gévaudan, mais chacun à un seul exemplaire : l’enclos et la fosse.
5.7.1 Tombe à enclos
137La tombe à enclos, connue seulement sur le site des Fonds à Séverac‑le‑Château (site no 11 ; fig. 11 et 12), comprend une incinération primaire, où le cadavre a été brûlé sur un dispositif à poteaux de bois, avec, à proximité immédiate, dépôt dans un vase d’os incinérés humains (du même défunt ou d’un autre ?), le tout entouré d’une bordure de pierres. Elle est datable dans les trois derniers quarts du vie s. av. J.‑C. Une telle structure funéraire, appréhendée de manière aussi complète, est pour le moment unique dans la Protohistoire caussenarde comme dans celle de tout le sud de la France. Ce caractère exceptionnel découle‑t‑il de l’état des recherches ? Il est vrai que dans une dépression, de tels vestiges ne sont pas repérables en surface ; aux Fonds, leur découverte n’a été rendue possible que par des tranchées de reconnaissance archéologique en préalable à la construction d’une autoroute. Il en irait sûrement tout autrement dans une situation différente, sur un substrat rocheux. Mais la présence sur ce site d’une parure en or parmi le mobilier brûlé avec le corps témoigne d’un mort exceptionnel. Serait‑ce l’indice d’une forme de sépulture également très rare ?
5.7.2 Tombe en fosse
138Le seul exemple de tombe en fosse protohistorique découvert dans la région est celle du Serre Sec à Saint‑Bauzile (site no 86, fig. 84). Excavée dans le calcaire du substrat, cette fosse contenait les restes d’une incinération secondaire éparpillés dans le comblement avec quelques tessons de poterie. Lors de la découverte, cette structure était marquée par une grande dalle plantée de chant au fond de la fosse, et dont le sommet émergeait quelque peu du comblement de celle‑ci. Mais cette position est‑elle originelle, ou bien résulte‑t‑elle des transformations qu’a subi le lieu lors d’un nouveau dépôt à l’époque gallo‑romaine ? Ne peut‑on penser qu’au premier âge du Fer, elle fermait horizontalement la fosse ? Et à quel moment de l’utilisation de cette structure faire remonter le « léger bombement en calotte de sphère » enserrant l’émergence de la dalle, observé par G. Fages et A. Molhérac (1989 : 21) ? La tombe était‑elle dès l’origine recouverte par cette sorte de petit tumulus ?
139La datation du dépôt protohistorique du Serre Sec ne peut être précisée à l’intérieur du premier âge du Fer. En Languedoc occidental, ce type de sépulture dont la fosse contient en vrac des restes prélevés sur le bûcher est attesté dès le vie s av. J.‑C., par exemple à Saint‑Julien de Pézenas (tombe 112), et devient courant à partir de la fin du siècle. Est‑ce un argument pour placer la datation de l’utilisation protohistorique du Serre Sec à la fin du premier âge du Fer ?
140Si des pratiques semblables sont bien connues alors dans les plaines languedociennes, il n’en va pas de même dans les Causses ou les Garrigues. Mais là encore se pose la question du repérage de telles structures. La tombe de Font de la Vie à Saint‑Bauzille‑de‑Montmel, dans les Garrigues héraultaises, également creusée dans le substrat rocheux, n’a été découverte qu’après le décapage d’un parking (Dedet 1995c), et au Serre Sec, c’est la présence de la dalle de chant qui a motivé les recherches. Là encore, on ne peut donc apprécier aujourd’hui la représentation réelle de cette forme de sépulture.
5.8 Localisation et groupement des tombes
141La problématique qui a présidé aux différentes recherches sur les tombes protohistoriques de la région des Grands Causses ne favorise pas une étude précise de la localisation ni du mode de groupement de celles‑ci, et cela tant sur le plan de la répartition générale qu’au niveau de l’organisation des lieux de repos des défunts.
5.8.1 La localisation des tombeaux
142La localisation des gisements funéraires n’est connue avec précision que dans de rares cas. Il en va ainsi lorsque les vestiges ou les sites sont encore reconnaissables sur le terrain après la fouille, comme c’est le cas de la plupart des dolmens réutilisés et de l’unique abri troglodytique concerné, ou bien pour les tumulus et autres tombes fouillés récemment, depuis les années 1960, et qui ont été situés avec soin, soit en tout 72 tombes3. Pour les tumulus explorés antérieurement, on ne connaît généralement que le nom du lieu‑dit, et faute de précision topographique, il est le plus souvent impossible d’identifier les monuments sur le terrain ou de les distinguer les uns des autres. Pour 42 d’entre eux néanmoins, les fouilleurs ont précisé le type d’implantation dont ils relèvent : « sur la hauteur », ou bien « dans un creux », etc.4. En définitive, c’est donc le site de 114 tombes, soit un peu moins de la moitié des sépultures des Grands Causses du Gévaudan à ce jour attestées, qui est connu avec plus ou moins de précision.
143Quatre grands types d’implantation sont représentés de manières très différentes (tabl. vi).

TABL. VI – Les différents types de sites funéraires en fonction de la chronologie et du mode de traitement du corps. Défunt non incinéré Défunt incinéré Traitement du corps non précisable Absence constatée d’os humains
Les sites de hauteur des ondulations des Causses
144Ce sont les plus fréquents ; 76 monuments y sont installés. Parmi eux, on distingue trois catégories :
– les sommets isolés : 5 monuments dont 3 dolmens réutilisés ;
– les croupes qui dominent les plaines et les vallées sèches des Causses : 41 monuments dont 6 dolmens, 2 coffres et 1 tumulus réutilisés ;
– les ensellements ou les cols séparant les croupes : 20 monuments dont 3 dolmens réemployés.
Les sites de versant de ces ondulations et croupes caussenardes
14519 monuments auxquels on peut rattacher l’unique cavité sépulcrale de cette époque, qui s’ouvre au flanc d’un ravin.
Les sites de bas‑fonds, plaines ou vallées sèches des Causses
14625 monuments avérés, dont un dolmen et un tumulus chalcolithique réutilisés. Dans plusieurs cas, les tombeaux sont installés sur une plate‑forme ou un petit bombement rocheux émergeant du vallon ou de la dépression : sept sont ainsi signalés.
Les sites de rebord des Causses
147Ils se trouvent soit sur la corniche rocheuse même dominant les gorges, soit au sommet d’un versant très pentu d’un ravin rejoignant les gorges : 4 monuments dont un dolmen et un coffre mégalithique réutilisés.
148Le choix du site ne varie ni selon l’époque, entre le Bronze final II et le début du deuxième âge du Fer, ni en fonction du mode de traitement du cadavre, incinération ou défunt non incinéré. On ne constate pas non plus de différence d’un causse à l’autre (tabl. VI).
5.8.2 À propos du mode de groupement des tombes
149Dans aucun secteur des Grands Causses on a cherché à reconnaître et à fouiller la totalité des tombes protohistoriques existantes. Et à ce jour, aucune recherche exhaustive n’a été menée sur un groupement funéraire, permettant de discerner l’évolution et l’organisation de l’ensemble ainsi que ses éventuelles limites. Pour les travaux antérieurs aux années 1960, l’environnement des monuments fouillés est rarement évoqué, et seulement de manière très laconique. Quant aux opérations plus récentes, il s’agit de sauvetages qui n’ont intéressé que les tombes promises à une destruction. Les sépultures voisines, non concernées par la menace, font parfois l’objet d’un repérage ou d’un simple signalement sans autre précision ; mais en l’absence de fouille, les rapports des unes et des autres restent inconnus. Nous prendrons deux exemples, Combe Sévène à Sainte‑Énimie sur le Sauveterre (sites nos 111 à 115) et Serre de Cabrié à Saint‑André‑de‑Vézines sur le Noir (sites nos 218 à 222), qui sont les ensembles actuellement les mieux ou plutôt les moins mal connus dans cette région.
150Combe Sévène fit l’objet de sauvetages en 1978 et 1979. Dans l’emprise des travaux de reboisement, un petit groupement d’au moins sept tumulus, disposés sans plan d’organisation préétabli, fut repéré sur le flanc oriental de la combe (fig. 102). Quatre d’entre eux furent fouillés, s’échelonnant de la transition Bronze final/premier âge du Fer à la fin du viie s. av. J.‑C. au moins (Combe Sévène 1, 2, 3 et 4). Un huitième tumulus également fouillé, datable du premier âge du Fer sans plus de précision (Combe Sévène 10), se trouve à 500 m de là, dans un site très différent, sur un col de la ligne de crête limitant la combe vers l’occident. On peut légitimement s’interroger sur le regroupement avec les précédents qu’induit l’attribution du même toponyme. Mais en outre, cette répartition ne reflète qu’un état des recherches. En effet, les fouilleurs signalent qu’avant leur intervention, les engins mécaniques ont détruit « d’autres » tumulus sur le terrain à reboiser et précisent que « de nombreux vestiges préhistoriques et protohistoriques (dolmens, menhirs, tumulus surtout) sont connus dans cette zone particulièrement riche » (Vacquier, Hours 1980 : 1).
151Sur le flanc occidental du Serre de Cabrié, en 1985, une opération de sauvetage permit de repérer deux ensembles de quatre tertres, distants de 600 m environ l’un de l’autre. Cinq d’entre eux furent fouillés à cette occasion, trois dans l’un des deux groupes (Serre de Cabrié 1, 2 et 3) et deux dans le second (Serre de Cabrié 4 et 5) ; tous paraissent contemporains, ou du moins se placent dans une fourchette chronologique relativement courte. Là encore, on ignore si l’idée d’un regroupement des deux ensembles en une « nécropole » se justifie. En l’absence de toute prospection en dehors des terrains concernés par les travaux de remise en culture, il est impossible de savoir si ces tertres sont environnés de monuments semblables (Boutin et al. 1986 : 197). Comme pour ceux de Combe Sévène, notre vision des tumulus installés autour de Serre de Cabrié et de leur mode de groupement demeure donc bien partielle.
152Par ailleurs, des cartes de répartition de tertres ont été dressées pour certaines parties du causse Méjan dans les années 1950‑1960. Celles de M. Lorblanchet ont le mérite de montrer que ces monuments ne bordent pas forcément et exclusivement les drailles attestées aux époques médiévales et modernes (Lorblanchet 1960), et réfutent ainsi l’idée d’une association des tombeaux et des communautés protohistoriques qui les ont bâtis avec ces axes de transhumance. Mais on ne saurait en tirer davantage d’informations sans fouilles nombreuses. Prenons l’exemple du pointage de monuments effectué dans la vallée sèche de Carnac, au cœur du Méjan (Fages, Lorblanchet 1964 : 6). 41 « tumulus » sont indiqués, disséminés dans un rectangle de 5 x 3,5 km, aussi bien dans le fond de la vallée sèche que sur ses flancs, et jusque sur la ligne de crête, sommets et cols, qui la délimite au nord (fig. 238). Ils apparaissent répartis isolément, ou bien en alignements ou encore en petits groupes, proches les uns des autres, de deux à cinq individus. Or les cinq fouillés présentent des datations très variées :
– Débès de Caussignac : Bronze final IIIa ou IIIb ;
– Champ Rond : fin vie‑début ve s av. J.‑C. ;
– Serre del Moussu : non daté mais peut‑être de même époque que le précédent (similitude des pratiques) ;
– Les Conques 1 : ive s. av. J.‑C. et époque gallo‑romaine tardive ;
– Les Conques 2 : époque gallo‑romaine.

FIG. 238 – Répartition des tertres de la vallée sèche de Carnac, sur le causse Méjan, établie en 1964 par G. Fages et M. Lorblanchet, complétée par l’indication de la datation des tumulus fouillés et des tertres repérés depuis lors (Les Boïres et Coperlac 1).
153Depuis ce travail, trois autres tertres, qui ont livré quelques objets, ont été repérés dans la même unité géographique : La Couronne 1 du milieu de l’âge du Fer et d’époque gallo‑romaine, Les Boïres du début du premier âge du Fer et Coperlac 1 du premier âge du Fer. Ces huit monuments offrent donc un éventail chronologique très large, du Bronze final III au ive s. av. J.‑C. et même à l’époque gallo‑romaine tardive.
154Pour sa part, la dépression de Séverac‑le‑Château, intensément prospectée puis ayant fait l’objet récemment d’évaluations et de fouilles sur le tracé de l’autoroute A75, montre une répartition des tombes relativement précise (fig. 239). On connaît l’emplacement de l’habitat du Bronze final IIIb et des premier et second âges du Fer sur la butte qui portera plus tard le château de Séverac, au centre de la dépression qu’elle domine d’une centaine de mètres. Au nord et au nord‑est, sur des lambeaux de causse émergeant de la plaine d’une cinquantaine de mètres de hauteur, distants de 1,2 et 3,5 km de l’habitat, sont installés des tumulus. Ceux‑ci peuvent être isolés ou groupés par deux ou trois : au nord‑ouest de Roumagnac (Roumagnac 1), à l’est de Roumagnac (Roumagnac 6 et 9), à Villeplaine (Les Sarragats, Villeplaine 1 et 2), Le Crès (I, II et IV) et Vayssas (Vayssas 1). À cela s’ajoute une tombe à enclos dans la dépression (Les Fonds). Si l’on élimine Roumagnac 9 qui n’a pas livré d’os humain, on constate que sept sépultures s’échelonnent de la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer aux trois derniers quarts du vie s. av. J.‑C. :
– Roumagnac 6, Le Crès II et Villeplaine 1 à la transition Bronze final IIIb/premier âge du Fer ;
– Vayssas 1 dans la seconde moitié du viiie s. ;
– Roumagnac 1 dans la seconde moitié du viiie s. ou dans le viie s. ;
– Les Sarragats dans la deuxième moitié du viie s. ;
– Les Fonds dans les trois derniers quarts du vie s. av. J.‑C.

FIG. 239 – Habitat repéré et tombes fouillées dans la dépression de Séverac‑le‑Château. Répartition et rapports chronologiques.
155À ces sites s’ajoutent deux tertres non précisément datés, du Bronze final ou du premier âge du Fer : Villeplaine 2 et Le Crès IV. En définitive, une dizaine de sépultures s’échelonnent dans ce laps de temps de trois siècles, et très peu de tombes ou pas de tombes contemporaines, preuve supplémentaire que le dépôt sous un tumulus constitue une forme de traitement solennel de la mort, réservée à un petit nombre de défunts ; nous retrouvons là, bien marquée à travers le temps, une tendance déjà soupçonnée en Languedoc oriental (Dedet 2000a).
156En définitive, l’absence d’inventaire systématique et le caractère dispersé des fouilles effectuées jusqu’ici ne permettent pas d’appréhender, sauf exception, le tissu sépulcral protohistorique des Grands Causses. La situation est ici bien différente de celle des Garrigues du Languedoc oriental (Dedet 1992a : 229‑255).
Notes de bas de page
1 Ainsi pourrait parfois s’expliquer l’absence de découverte d’os humains dans certains tertres. Le Dr Morel précise (1961 : 132) : « Jusqu’à présent, il n’a pas été signalé de tumulus recouvrant une fosse sépulcrale. Les corps reposent directement sur le sol ou sur un pavage surajouté ».
2 Les préhistoriens réservent le terme de « caisson » à la sépulture individuelle, et celui de « coffre » à la tombe collective. Nous occupant ici uniquement de la morphologie du tombeau, nous préférons employer un seul mot, en choisissant celui qui désigne les tombes individuelles, plus nombreuses à ces époques de la Protohistoire que les tombes multiples.
3 Monuments localisés précisément :
Combelongue 1 (site no 7),
Combelongue 2 (site no 8),
Les Fonds (site no 11),
Roumagnac 1 (site no 12),
Roumagnac 6 (site no 15),
Roumagnac 9 (site no 16),
Villeplaine 1 (site no 18),
Villeplaine 2 (site no 19),
Vayssas 1 (site no 20),
Combes de L’Aumède Haute (site no 27),
dolmen de L’Aumède Haute (site no 30),
dolmen du Freyssinei XIII (site no 44),
coffre réutilisé du Freyssinei XX (site no 48),
dolmen des Conques (site no 50),
dolmen coudé de La Cham (site no 53),
dolmen du Pic de Rausas (site no 58),
dolmen de Roubiau (site no 60),
Pomeyrol (site no 71),
Le Serre Sec (site no 86),
Cham de la Bazalgette 2 (site no 92),
Cham de la Bazalgette 3 (site no 93),
dolmen de La Marconière (site no 99),
dolmen de l’Aire des Trois Seigneurs (site no 107),
Combe Sévène 1 (site no 111),
Combe Sévène 2 (site no 112),
Combe Sévène 3 (site no 113),
Combe Sévène 4 (site no 114),
Combe Sévène 10 (site no 115),
dolmen de Dignas (site no 120),
tumulus réutilisé de Dignas (site no 121),
Les Lacs III (site no 142),
tumulus réutilisé de Chabusse 1 (site no 148),
Caousou Viel 1 (site no 150),
Cham des Bondons 1 (site no 152),
Les Combes I (site no 153),
Les Combes III (site no 155),
dolmen des Combes (site no 156),
Les Aires 1 (site no 157),
Les Aires 2 (site no 158),
Moulin à Vent du Pradal (site no 161),
dolmen de Pierre Plate (site no 162),
Aven Armand 1 (site no 175),
Aven Armand 2 (site no 176),
Drigas 2 (site no 177),
dolmen du Cerrière (site no 179),
coffre de L’Espital (site no 180),
Plo de Saubert (site no 182),
Champ Rond (site no 184),
Serre del Moussu (site no 185),
Coperlac 1 (site no 186),
Débès de Caussignac (site no 187),
Les Boïres (site no 188),
La Couronne 1 (site no 190),
coffre de La Téoulière (site no 191),
Prunet (site no 199),
Sépulture mégalithique réutilisée de
Frépestel 3 (site no 201),
dolmen du Cros de l’Asé (site no 202),
Arcs de Saint‑Pierre (site no 205),
Col de La Vache (site no 216),
tumulus réutilisé de Combe Bougniel (site no 217),
Serre de Cabrié 1 (site no 218),
Serre de Cabrié 2 (site no 219),
Serre de Cabrié 3 (site no 220),
Serre de Cabrié 4 (site no 221),
Serre de Cabrié 5 (site no 222),
Vessac 2 (site no 223),
Cros de l’Asé 11 (site no 224),
Cros de l’Asé 13 (site no 225),
Les Pouzettes (site no 235),
dolmen de Pradines (site no 236),
dolmen de Revens (site no 238).
4 Monuments non localisés précisément mais dont on connaît le type de site :
Le Viala 1 (site no 4),
Le Viala 2 (site no 5),
dolmen du Viala 10 (site no 6),
Le Crès II (site no 9),
Le Freyssinei IV (site no 22),
Le Freyssinei V (site no 23),
L’Aumède Basse (site no 29),
Les Fons I (site no 36),
Les Fons II (site no 37),
Les Fons III (site no 38),
Le Freyssinei XII (site no 43),
Le Freyssinei VI (site no 73),
Le Freyssinei VII (site no 74),
Le Freyssinei VIII (site no 75),
Le Freyssinei IX (site no 76),
tumulus réutilisé du Freyssinel X (site no 77),
Le Freyssinei XI (site no 78),
Le Freyssinei XIV (site no 79),
Le Freyssinei XXXII (site no 83),
Le Freyssinei XXXIV (site no 85),
Le Freyssinel I (site no 87),
Le Freyssinei II (site no 88),
Le Freyssinei XV (site no 89),
Le Freyssinei XL (site no 90),
Le Freyssinei XLI (site no 91),
Boisset 3 (site no 100),
Boisset 4 (site no 101),
Boisset 7 (site no 104),
Jouanas 18 (site no 123),
Les Bondons I (site no 159),
Dévois de Villeneuve 1 (site no 165),
Dévois de Villeneuve 2 (site no 166),
Plaine de Villeneuve (site no 168),
Galy 3 (site no 172),
Ciste A4 de Chamblon (site no 198),
La Condamine B1 (site no 203),
Cabassude (site no 204),
Gargo 1 (site no 206),
Gargo 2 (site no 207),
Gargo 3 (site no 208),
Jas de Salgas (site no 214),
Rasiguette (site no 237).
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