Chapitre 3. Synthèse
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Résumés
Même si ses dimensions demeurent modestes, le sanctuaire laténien de Bennecourt présente d’importantes analogies avec les structures cultuelles celtiques reconnues depuis deux décennies en Gaule du Nord. Son démontage organisé connaît également quelques parallèles.
Si le sanctuaire renaissant à La Tène D2 ne respecte pas l’aire cultuelle antérieure et privilégie les structures de combustion, discrètes dans des états antérieurs, certains aménagements secondaires rappellent jusqu’à la fin du Haut Empire l’organisation du sanctuaire celtique.
De même, la mutation progressive vers un petit sanctuaire rural gallo‑romain permet de faire la part de la tradition et de l’innovation dans ce type de monument et d’en étudier quelques caractères particuliers (temples géminés, apparition tardive d’un fanum « classique »).
Les éléments mobiliers invitent également à une réflexion sur l’usage d’un objet et de l’animal dans un tel cadre, en particulier à travers la présence de substituts monétaires ou de talismans, la mutilation des objets, les relations entre habitat et sanctuaire dans la pratique du sacrifice.
Une dernière partie permet de considérer le sanctuaire de Bennecourt dans son environnement. Établi aux frontières de deux cités et probablement de plusieurs pagi, il s’élève à proximité de trois oppida. Les séries monétaires permettent de confirmer l’existence de plusieurs aires d’influence régionales. Le sanctuaire gallo‑romain semble avoir un impact plus local. Sa décadence au Bas Empire est analysée à travers le contexte général de l’histoire religieuse et l’évolution de l’occupation du sol autour du site.
Even though its dimensions are modest, the Latenian sanctuary in Bennecourt possesses significant analogies with the Celtic cult structures identified over the last two decades in norther Gaul. The systematic dismantling of this site also has parallels. While the re‑emerging sanctuary of the La Tène D2 period does not math the preceding cult area and gives precedence to combustion structures, which were unobstrusive in earlier periods, certain secondary features are reminiscent of the Celtic sanctuary, up through the end of the early Empire.
Likewise, the progressive mutation towards a small rural Gallo‑Roman sanctuary allows us to weight the roles of tradition and of innovation respectively in this type of monument, and reveals specific characteristics (geminated temples, late emergence of a "classical" fanum).
The artefacts also stimulate fresh thinking about the utilisation of objects and animals in this setting, particularly in relation to the presence of monetary substitutes or talismans, the mutilation of objects, the relationships between habitat and sanctuary in sacrificial practice.
The last section takes a look at the Bennecourt sanctuary in its surroundings. Built along the border between two cities, and probably between several pagi, the sanctuary was near three oppida. The moneraty series found confirm the existence of several zones of regional influence. The Gallo Roman sanctuary appears to have had a more local impact. The decline during the late Empire is analysed in the general context of religious history and via changes in the way land was used around the site.
Obwohl seine Dimensionen bescheiden sind, so weist das latenische Heiligtum von Bennecourt jedoch wichtige Analogien mit den anderen keltischen Kultstätten auf, die man seit zwei Jahrzehnten in Nordgallien erkannt hat. Für seinen organisierten Abbruch gibt es ebenfalls einige Parallelen.
Auch wenn das in der Latene D2 Periode wiedererstehende Heiligtum nicht den ursprünglichen Kultort respektiert und Feuerstellen priveligiert, die in den vorhergehenden Stadien nur andeutungsweise vorhanden waren, so crinnern doch manche zweitrangigen Ausstattungen bis an das Ende der älteren Kaiserzeit an die Organisation des keltischen Heiligtums.
Die Entwicklung zu einem kleinen gallorömischen ländlichen Heiligtum ermöglicht es z. B. bei dieser Art von Monument Unterschiede zwischen Tradition und Fortschritt zu beobachten und einige Punkte einer näheren Untersuchung zu unterziehen (Zwillingstempel, späte Herausbildung eines " klassischen" fanum).
Das gefundene Mobiliar lädt ebenfalls zum Nachdenken ein über die Benutzung der Gegenstände oder der Tiere in diesem Zusammenhang, besonders durch das Vorhandensein von Münzersatzstücken oder Glücksbringern, die Verstümmelung der Objekte, die Beziehung zwischen Wohngebäuden und Heiligtum bei der Ausübung der Opferhandlungen. Im letzten Teil wird das Heiligtum von Bennecourt in seiner Umgebung studiert. Es wurde wohl an der Grenze zweier civitas und wahrscheinlich mehrerer pagi gegründet und lag in der Nähe von drei Oppida. Die Münzserien bestätigen mehrere regionale Einflussbereiche in keltischen Zeit. In gallo‑römischer Zeit scheint der Einflussbereich des Heiligtums begrenzter zu sein. Seine Dekadenz in der spätrömischen Kaiserzeit wird auf dem Hintergrund der allgemeinen Religionsgeschichte und der Siedlungsentwicklung um das Heiligtum herum untersucht.
Texte intégral
3.1 Des structures gauloises aux temples gallo‑romains : tradition et innovation
1Après l’analyse par phase menée dans la première partie de ce travail, ce chapitre sera consacré à une approche comparative et diachronique des structures reconnues.
1.1 Le sanctuaire laténien de Bennecourt et les sanctuaires « de type picard »
Morphologie de l’enclos et du fossé fig. 20 fig. 22 fig. 21, 22
2Le site de Bennecourt présente les principales caractéristiques des « sanctuaires de type picard », telles qu’elles ont été définies par Jean‑Louis Brunaux (1986). Ces sites sont établis sur des hauteurs ; ils sont matérialisés par un enclos de forme quadrangulaire à angles arrondis, s’ouvrant généralement vers l’est et centré sur une ou plusieurs fosses. Ils livrent des ossements animaux en quantité et des pièces d’armement mutilées.
3Au sein des sanctuaires de ce type exhaustivement reconnus, le site de Bennecourt se distingue par ses dimensions très réduites. L’aire définie par le fossé ne représente que 110 m2. Il faut comparer ce chiffre aux 1 200 m2 d’espace interne disponibles à Gournay-sur-Aronde (Brunaux et al. 1985 : 62), aux 800 m2 de Saint‑Maur‑en‑Chaussée (Brunaux, Lambot 1991), aux 390 m2 de Saint‑Malo (Bizien‑Jaglin, Lejars 1991), aux 260 m2 de La‑Villeneuve‑au‑Châtelot (Aube) (Piette 1989 : fig. 1), aux 180 m2 d’Hayling Island (Downey et al. 1980) ou de Morvillers‑Saint‑Saturnin (Somme) (Delplace 1991). L’enclos de Bennecourt dépasse à peine le module moyen des enclos funéraires quadrangulaires de La Tène moyenne reconnus dans le Bassin parisien, qui constituent pourtant des structures à usage individuel (Baray 1989). La largeur de l’accès respecte les proportions générales et ne pouvait livrer passage à deux individus de front. Une interruption de fossé aussi réduite se retrouve à La‑Villeneuve‑au‑Châtelot ou à Hayling Island.
4La présence d’un talus bornant le fossé et établi à l’aide des matériaux issus de son creusement reste conjecturale, mais nous envisageons l’existence de ce type de structure tant pour l’état A1 que pour l’état A2. Vu l’étroitesse de l’enclos, il paraît impossible qu’un talus ait été élevé dans l’espace interne du sanctuaire. À l’extérieur, par contre, le placage de limon 17175 paraît constituer l’ultime témoin d’une telle structure. Deux autres témoignages indirects d’un talutage externe ont été relevés. Le colluvionnement naturel de la séquence 2 amène au fond du fossé une masse de rognons de silex, blocs de craie, qui restent rares à la surface du site. Le pendage de ces niveaux montre qu’ils proviennent en majeure partie de l’extérieur de l’enclos ; ils pourraient donc résulter de l’érosion d’une structure en élévation bordant le fossé. D’autre part, le comblement volontaire des deux états de l’enclos par des apports homogènes et mêlant les composantes des strates successives du substrat laisse à penser que le remblaiement de la structure a été opéré rapidement et à partir d’une masse de matériaux disponibles à proximité.
5Le curage du fossé à la séquence 4 s’est accompagné d’un talutage partiel des bords de la structure. La présence d’un substrat stable et sec rendait inutile la présence d’un cuvelage tel qu’il en existait à Gournay‑sur‑Aronde (Oise), à Ribemont‑sur‑Ancre (Somme) ou à Morvillers‑Saint‑Saturnin. L’enclos qui résulte de cette campagne de travaux présente un aspect très irrégulier, le volume du fossé étant beaucoup plus restreint dans la moitié ouest que dans la partie est de la structure.
Le rôle du fossé
6Le fossé semble n’avoir reçu des dépôts de mobilier qu’au cours de ses deux comblements successifs. Son rôle principal, sinon unique, fut donc de matérialiser les limites de l’aire sacrée. Le fossé A1 demeura ouvert pendant un certain laps de temps, comme en témoignent l’érosion de ses rives et la présence d’un horizon de colluvionnement ayant atteint le profil d’équilibre (séquence 2). Aucun éboulis de ce type n’a été observé à la base du second état de l’enclos. S’il reste possible qu’un mince niveau de colluvionnement situé à la base du remplissage n’ait pas été distingué du remblai volontaire stérile qui le surmonte, il demeure que l’enclos A2 fut remblayé très peu de temps après son aménagement.
7L’exemple désormais célèbre de Gournay‑sur‑Aronde a pu faire croire que la présence de dépôts rituels dans l’enclos délimitant les sanctuaires celtiques constituait une règle. Or, dans la plupart des sites cultuels récemment fouillés, le fossé est resté ouvert au cours de son existence et n’a reçu que quelques objets erratiques glissés dans le colluvionnement. Les deux états du fossé cultuel du Titelberg (Grand‑Duché de Luxembourg) se remplirent ainsi progressivement de matériaux colluvionnés (Metzler 1991). À Saint‑Malo (Ille‑et‑Vilaine), le fossé primitif connut également un comblement naturel associé à une colonisation partielle par la végétation (Bizien‑Jaglin, Lejars 1991).
8Nous proposons donc de localiser aux abords du fossé les amas de mobilier qui ont été utilisés pour son comblement. D’importants amas établis hors du sol et parfois précisément structurés sont attestés dans d’autres sanctuaires celtiques. À Ribemont‑sur‑Ancre, Gournay‑sur‑Aronde et peut être Estrées‑Saint‑Denis (Oise), ils marquaient les angles internes des enclos cultuels (Brunaux 1989 : 8). À La‑Villeneuve‑au‑Châtelot, les deux concentrations de mobilier de La Tène ancienne découvertes en marge des enclos postérieurs pourraient relever d’une pratique semblable (Piette op. cit).
La fosse centrale et son accès (structure B1)
9Des fosses centrales, ou « autels souterrains », apparaissent dans la plupart des sanctuaires celtiques reconnus en France ; celle de Bennecourt se distingue par sa faible profondeur.
10Les taches d’oxydes métalliques 17105 restent mal datées ; mais elles trouveront un parallèle dans la couche d’oxyde tapissant le fond de la fosse F du sanctuaire de Gournay‑sur‑Aronde (Brunaux et al. 1985 : 123). Des objets en fer ont‑ils séjourné pendant un certain laps de temps au fond de la fosse centrale de Bennecourt, ou sommes nous en présence d’une oxydation du substrat au contact de l’eau ruisselant dans la fosse ?
11Ce type d’accès –établi postérieurement à la fosse centrale– apparaît également à Gournay sur Aronde (Brunaux et al. 1985, fig. 52) et on retrouve plus tardivement ce dispositif à La‑Villeneuve‑au‑Châtelot (Aube) (Piette op. cit., fig. 1). À Montmartin, le comblement partiel de la fosse centrale de l’état I fournit également un emmanchement pour accéder à un nouvel « autel souterrain » (Brunaux, Méniel 1997 : 190 et 211).
Étude comparative du bâtiment B2
12Nous limiterons nos comparaisons à des bâtiments quadrangulaires sur poteaux, découverts en milieu cultuel, à une nef de La Tène moyenne et finale (fig. 22).
13Les deux premiers états du sanctuaire de Saint‑Germain‑le‑Rocheux (Côte-d’Or) sont fort comparables à la structure découverte à Bennecourt (Paris 1960 ; Martin 1962, fig. 25). Le plan interprétatif proposé par R. Paris nous paraît toutefois peu crédible. Une nouvelle analyse nous a conduit à envisager quatre états successifs. Les deux premiers seraient des structures à six poteaux porteurs associées à quelques aménagements annexes. Une cella carrée à quatre poteaux d’angles, entourée d’une première galerie, les remplacerait à l’époque augustéenne, l’ensemble étant postérieurement reconstruit en dur. L’état IV de « l’autel couvert » de Montmartin présente également des similitudes avec le petit bâtiment de Bennecourt, mais cette structure à six poteaux résulte de l’allongement par un pronaos d’un abri antérieur (Brunaux, Méniel 1997, fig. 185).
14Quelques structures du ier s. av. n.è. découvertes dans l’oppidum de South Cadbury (Somerset, Grande-Bretagne) se rapprochent également du bâtiment central de Bennecourt. La structure 9 de ce site est un bâtiment sur six poteaux, possédant probablement une séparation intérieure, associé à une structure quadrangulaire possédant un avant porche qui paraît également être un édifice cultuel (structure 27). Ces éléments sont au centre d’une série d’habitations circulaires. Si d’autres édifices supportés par six poteaux sont attestés comme annexes domestiques, l’existence d’une série de fosses contenant des porcs sacrifiés dans l’axe du porche de la structure 27 a amené les fouilleurs à interpréter ce bâtiment et la structure voisine comme des temples. Une même hypothèse est envisagée pour une autre structure à six poteaux découverte une cinquantaine de mètres à l’ouest. Elle était entourée d’une série de fosses contenant des squelettes de chevaux et des crânes de bestiaux. Tous ces bâtiments s’ouvrent vers l’est (Alcock 1972). Un petit bâtiment reconnu à Bâle et interprété comme une structure cultuelle présente de fortes analogies (Berger 1974 1975).
15Des bâtiments à six poteaux ont également été reconnus dans quelques Viereckschanzen d’outre‑Rhin. Dans ce type de site, leur position n’est pas centrale comme dans les sanctuaires de « type picard » : on les rencontre en marge de l’aire interne des enclos, en général dans un angle (Schwarz 1975). À Holzhausen (Allemagne), une structure à six poteaux mesurant environ 6 m sur 7 apparaît antérieurement au creusement du fossé ; elle sera reconstruite à l’identique après la création de celui‑ci. Les deux états sont entourés d’une série de trous de poteaux plus réduits et plus rapprochés que les montants du bâtiment et qui rappellent –à tort peut‑être– le plan du famum celto romain (Schwarz 1962). Le site de Markvartice dans l’ancienne Tchécoslovaquie a livré une structure très proche (Brunaux 1986 : 35).
La fin du sanctuaire celtique : quelques comparaisons
16L’analyse qui précède semble établir que la désertion du sanctuaire celtique n’est pas la conséquence d’une destruction mais d’un démontage organisé destiné à faire disparaître toute trace d’activité cultuelle. Les différentes modalités de cette opération (remblaiement rapide du fossé, nettoyage de l’aire interne, démontage des amas de mobilier) trouvent des parallèles dans plusieurs sanctuaires précoces.
17L’existence d’un remblaiement rapide de l’enclos cultuel a été observée à Morvillers‑Saint‑Saturnin (Somme), où. « l’essentiel du comblement paraît mélangé, et cela jusqu’au fond du fossé » (Delplace et al. 1986 : 88). De même, à Ribemont sur Ancre, le second état du fossé reçut une « épaisse couche [...] qui contient principalement des ossements animaux domestiques consommés, rarement en connexion. Ces restes sont accompagnés de quelques tessons et de très rares armes » (Blanchet et al. 1989 : 265). À Saint‑Maur‑en‑Chaussée, « le fouilleur a l’impression que le fossé a été rempli avec les matériaux qui constituaient un vallum [terre et offrandes peut être accrochées à la palissade] » (ibid. : 238). Au Titelberg enfin, le remblai augustéen qui marque le sommet du fossé semble avoir été apporté en une seule opération (Metzler 1991). À Gournay‑sur‑Aronde, une « couche de rebouchage » composée d’un horizon charbonneux livrant un matériel archéologique très fragmenté et d’un niveau stérile vient sceller le fossé à exposition et le fossé périphérique (Brunaux et al. 1985 : 103 105).
18Ces opérations de fermeture s’effectuent soit à La Tène C1 (Ribemont-sur-Ancre), soit à une date haute dans La Tène D1 (Gournay, Bennecourt), soit enfin après le milieu du ier s. av. n.è. (Morvillers‑Saint‑Saturnin, Le Titelberg). De tels remblaiements rapides, volontaires, différenciant parfois les horizons humiques, ne caractérisent pas uniquement les sanctuaires. Certains enclos associés à des ensembles funéraires ont reçu un comblement de même nature, tels ceux d’Ursel et d’Aalter (Belgique), qui ont connu une très courte existence (Bourgeois 1990 : 119). À Bennecourt, le nivellement des séquences 9 et 10 intervient probablement un certain laps de temps après la pose des remblais de la séquence 7, puisque ces derniers ont subi un tassement très prononcé. Cet effort de nivellement répété implique une surveillance du site.
19À Bennecourt, comme peut être au Titelberg (Metzler 1991), l’abandon est marqué par un nettoyage scrupuleux de la surface du sanctuaire. Une variante de cette pratique a été reconnue à Mirebeau‑sur‑Bèze (Côte-d’Or) –où une couche de torchis vient occulter les débris de mobilier gisant sur le sol du lieu de culte (Guillaumet, Barrai 1991)– et à Ribemont‑sur‑Ancre, où les ossuaires sont aplanis et, semble‑t‑il, « dissimulés » par une recharge de terre (Cadoux 1990 : 136). La fermeture du sanctuaire laténien de Gournay sur Aronde cumule les deux opérations décrites puisque l’aire centrale scrupuleusement nettoyée de tout témoin est recouverte par une recharge de terre ocre, de même nature que celle qui occulte le fossé (Brunaux et al. 1985 : 108). A contrario, un abondant mobilier était répandu à la surface des sites de Dompierre sur Authie (Somme) (Piton, Dilly 1990) et de Saint‑Maur‑en‑Chaussée (Brunaux, Lambot 1991 : 178) illustrant soit un abandon sans nettoyage, soit une opération de remblaiement difficilement perceptible à la fouille.
20La fermeture des sanctuaires celtiques obéit donc –au même titre sans doute que leur fondation– à des rites assez constants. Comblé, aplani, soigneusement caché aux regards, le lieu de culte déserté est‑il pour autant définitivement occulté ? À Bennecourt, comme ailleurs, la morphologie du sanctuaire celtique guidera partiellement les occupations postérieures et cette continuité ne peut s’envisager sans l’existence de marquages au sol.
3.1.2 Deux mutations de la période augustéenne
Le rôle accru du feu
21Alors que le seul témoin de combustion associé au sanctuaire primitif est un fragment de plaque de foyer découvert dans le comblement du fossé (no 1016), le feu semble jouer un rôle central lorsque l’activité reprend sur le site de Bennecourt aux lendemains de la Conquête romaine. L’entourage de planches du foyer de la structure F trouvera des comparaisons dans les habitats de La Tène finale fouillés à Meulan (Yvelines) (Barat 1990). Ce type d’aménagement est attesté dès le Néolithique à Charavines (Isère) (Bocquet 1982 : 38). Des caissons de planches bordant des foyers en fosse sont également connus en Irlande du IIe millénaire av. n.è. au haut Moyen Âge (Audouze 1989, fig. 4).
22La présence d’aires de crémation centrales caractérise d’autres sanctuaires de la période Auguste Tibère. À Gournay‑sur‑Aronde (Oise), le vaste foyer implanté au centre du « temple indigène » occulte la fosse centrale des états précédents au début de La Tène D2 (Brunaux et al. 1985 : fig. 45 et 47). Le bâtiment de pierre sèche mis au jour à Mouzon (Ardennes) semble également avoir livré un foyer central (Tisserand 1981, fig. 4). On retrouve des structures de combustion centrales dans les deux premiers états du fanum de Saint‑Martin‑de‑Boscherville (Seine‑Maritime) (Halbout, Le Maho 1985 : 45) et les temples précoces de Vendeuil‑Caply, Naix‑aux‑Forges (op. cit. supra), Mirebeau (Côte‑d’Or) (Brunaux et al. 1985b) Saint‑Germain‑le‑Rocheux (Côte‑d’Or) (Paris 1960 : 172), Sanxay (Vienne) (communication P. Aupert) et Entrammes (Mayenne) (Aubin 1981 : 335 336). À Antigny (Vienne), le centre d’une structure de pierre sèche quadrangulaire était occupé par une chape de mortier reposant sur un niveau rubéfié. Des foyers et des fosses à remplissage cendreux ont été reconnus à l’extérieur de ces aménagements datés du début de l’époque augustéenne (Richard 198). L’état proto augustéen de Ribemont sur Ancre (Somme) est également caractérisé par une série de structures de combustion (Cadoux, Lancelin 1989 : 15 ; Brunaux, sous presse).
23Si l’existence de foyers associés aux « autels souterrains » des états anciens de Gournay‑sur‑Aronde et de Montmartin (Brunaux, Méniel 1997 : 214) demeure conjecturale, des témoins de combustion sont effectivement associés aux fosses cultuelles de deux sites orientaux dès le début du iiie s. de n.è. : Libénice (Rybova, Soudsky 1962 : 321) et Palarikovo (Paulik, Zachar 1975). Ces indices invitent à nuancer l’hypothèse d’une évolution brutale des pratiques sacrificielles aux alentours de la Conquête. Il reste que les structures de crémation prennent alors une place centrale.
24Les bâtiments augustéens de Bennecourt s’intègrent donc à une série de structures rituelles assez stéréotypées reconnues de la Picardie à la région poitevine. Le rôle culinaire de ces foyers est parfois mieux documenté qu’à Bennecourt. À Boscherville (Seine‑Maritime), la structure de combustion centrale, bordée par des supports (chenets ou tournebroche) a livré de petits ossements et des grains de blé carbonisés (Le Maho 1990 : 14). Des restes de céréales étaient également associés au foyer de Vendeuil Caply (Oise) (information orale G. Dilly) alors que celui de Saint‑Germain‑le‑Rocheux (Côte d’Or) contenait des débris de peignes, de petits bouchons en bois tourné et des coquilles de noix (Paris 1960 : 172).
25Notons que les accessoires de foyer se multiplient à la même époque dans d’autres types de contextes religieux. Les grils de Larina et de Vienne Sainte Blandine (Isère) (Perrin 1990 ; Chapotat 1970) étaient intégrés à des dépôts dont le caractère cultuel est probable. Les chenets zoomorphes en terre cuite qui apparaissent dans le sillon rhodanien au milieu du ier s. av. n.è. sont considérés par la plupart des chercheurs comme des objets à caractère cultuel. On peut leur associer des cadres en fer également zoomorphes, assez fréquemment découverts dans des lits de rivière (Feugère 1982). Enfin, les broches, chenets ou grils inclus au mobilier funéraire de plusieurs tombes aristocratiques sont probablement à mettre en relation avec le culte domestique (Metzler et al. 1991, fig. 101). Ils perpétuent une coutume funéraire attestée en Italie dès le premier âge du Fer (D’Agostino 1977) et dans les premières tombes de guerriers de la vallée de la Seine (La Meilleraye, Seine‑Maritime, transition La Tène C2 D1) (Lequoy 1993).
26La présence d’accessoires du foyer et la crémation ou la cuisson d’offrandes pratiquée au cœur même de certains sanctuaires augustéens semblent donc participer d’un mouvement qui touche également le culte domestique et funéraire.
Les temples géminés
27C’est également au cours de l’époque augustéenne que des cellae jumelles font leur apparition sur le site de Bennecourt. Cette dualité des temples, qui se maintiendra jusqu’au Bas Empire, s’oppose à l’unicité de l’enclos laténien (fig. 130).

FIG. 130 – Restitution axonométrique de l’aire centrale du sanctuaire de Bennecourt aux phases II et III.

FIG. 131 – Restitution axonométrique de l’aire centrale du sanctuaire de Bennecourt aux phases IVa et IVc.
28Plusieurs hypothèses permettraient d’expliquer la cause de ce dédoublement. Symbolise‑t‑il un couple divin ? La fréquentation du site par deux groupes humains distincts ? Ou faut‑il envisager que les deux temples de Bennecourt aient eu une fonction distincte dans le déroulement des cultes ?
29– Dans certains sanctuaires, la présence d’un couple divin (Mercure et Rosmerta ou Apollon et Sirona le plus souvent) semble avoir entraîné un dédoublement des temples (Bierbach : Klein 1928), des cellae (Genainville : Cholet, Delestre 1992) ou des basiliques associées (Périgueux : CIL XIII, 950 954) (fig. 132). Mais la corrélation entre paire de divinités et temples géminés n’est pas systématique. Certains sanctuaires consacrés à un ou plusieurs couples divins ne disposent pas pour autant de structures multiples (Andernach, Coblence ou Hochscheid : Horne, King 1980 : 376, 419, 423). Il est même des cas où un double temple, associé à un couple divin, est transformé en édifice unique de plus grande ampleur (Kornelimünster : Gose 1956). D’autre part, certaines structures géminées n’ont pas été érigées simultanément, tels les temples de Grobbendonck (De Boe 1978), Champigny-lès-Langres (Haute-Marne) (Babelon 1892) ou Matagne‑la‑Petite (Belgique) (De Boe 1982). Il est possible que la construction d’un second temple ait été rendue nécessaire par une différenciation plus nette des divinités vénérées dans un sanctuaire.
30– Il y a quelques décennies, G. Faider‑Feytmans (1960) proposait une autre explication au dédoublement des structures du sanctuaire frontalier de Fontaine‑Valmont (Belgique), où les divinités de deux cités voisines auraient été honorées dans des temples distincts. Cette hypothèse pourrait convenir au site de Bennecourt, dont nous analyserons infra le caractère frontalier (§ 3.3.1).
31– Enfin, il est possible que les deux temples de Bennecourt aient connu des fonctions distinctes, spécialisation dont certains détails d’aménagement intérieur conserveraient le souvenir. De l’époque augustéenne à la fin du ier s., le temple nord est plus vaste que son voisin ; à la phase III, lui seul abrite un monument central. Pourtant, c’est le temple sud (bâtiment H) qui sera converti en fanum lors de la campagne de travaux de la phase IVa. À cette occasion, deux bases de monuments prennent place sur son podium et un autel est implanté face à son accès. Est‑il possible qu’une inversion s’opère alors dans la hiérarchie des temples ? On retrouvera ce type de distinction dans le temple à double cella récemment fouillé à Saint‑Pierre‑Bellevue (Creuse) : la cella sud comportait une structure centrale alors qu’un autel était appuyé au fond de la cella nord (Vuaillat et al. 1991 : 105 106). D’autre part, la juxtaposition d’un fanum et d’un petit bâtiment sans galerie dans l’état IVa du site de Bennecourt n’est pas sans rappeler un dispositif stéréotypé qui apparaît au milieu du ier s. de n.è. en pays trévire (Clavier‑Vervoz, Gusenberg, Droncken, Möhn, Nettersheim : Witvrouw 1976 : 208) comme en Suisse (Dietikon, Studen‑Petinesca : Drack, Fellmann 1988) ou en Normandie (Beaumont‑le‑Roger : Fauduet 1993b : 56) et qui pourrait être lié au déroulement des cultes.

FIG. 132 – Quelques types de temples géminés. A : Beaumont‑le‑Roger ; B : Sorcy‑Saint‑Martin ; C : Saint‑Aubin‑sur‑Gaillon ; D : Saint‑Pierre‑Bellevue ; E : Poitiers ; F : Glux‑en‑Glenne ; G : Genainville.
32Quelle que soit l’origine de ces cellae jumelles, le sanctuaire de Bennecourt est, à notre connaissance, le plus ancien exemple connu de ce phénomène de dédoublement des temples, avec la double cella de Genainville. Dans les autres sites inventoriés, l’apparition de deux, trois ou quatre entités, remplaçant parfois une structure unique, n’intervient pas avant le milieu du ier s. de n.è. (Kornelimünster, Saint‑Léomer, etc.), voire beaucoup plus tard.
3.1.3 Une romanisation en trompe l’œil ?
Évolution de la morphologie générale du sanctuaire aux phases III et IV
33Alors que l’aire cultuelle augustéenne (phase II) débordait à peine de l’espace délimité par le fossé laténien, la reconstruction du sanctuaire de Bennecourt à l’époque tibéro claudienne (phase III) amène la matérialisation d’un vaste temenos. L’emplacement du péribole qui fermait cette cour a été ponctuellement reconnu à l’est, au nord et à l’ouest du site (fig. 33 et 43). La disparition de son flanc nord ne permet pas d’en apprécier la superficie exacte, qu’il faut estimer à environ un hectare. La galerie J s’intégrait au péribole du sanctuaire et en constituait la façade monumentale, face à l’entrée des temples. Deux états successifs ont été distingués.
34– Dans l’état de la phase III (J1), l’alignement de négatifs observé à l’ouest du bâtiment indique probablement l’existence d’une galerie en matériaux légers, ouverte sur la cour. Le rythme des supports en façade était reproduit au fond de ce portique par les bases de pilastres observées contre la paroi est, comme dans le portique qui entoure le grand temple de Sanxay (Vienne) (Formigé 1944, fig. 6).
35– La reconstruction postérieure du mur de façade amène la disparition de cette galerie J2. Nous ne disposons d’aucun indice sur l’élévation de cette nouvelle paroi. L’existence d’une galerie couverte face à l’accès des temples est un schéma commun que l’on retrouvera par exemple à Pesch (Allemagne) (Lehner 1919), à Clavier Vervoz et à Matagne la Grande (Belgique) (Witvrouw 1976 : 209 210 ; Rober 1983, fig. 3). Dans ces trois sites, cette structure constitue un développement tardif du péribole. Le bâtiment L se dresse contre ce que nous interprétons comme le principal accès du sanctuaire. Ce pavillon d’entrée, uniquement marqué par les vestiges d’un solin en pierre sèche, était probablement surmonté par une élévation en bois et torchis supportant une toiture de tuiles. La morphologie du péribole n’est pas connue ; un large trottoir le longeait extérieurement. Le centre de l’aire cultuelle manifeste par contre une grande continuité topographique. Les cellae jumelles sont rebâties au même emplacement qu’à la phase 11 et quelques structures antérieures continuent d’être signalées. Les seules constructions réellement nouvelles sont les bâtiments K et N. La romanisation de l’ensemble intervient donc surtout dans le renouvellement des techniques et le placage tardif d’une galerie et d’un podium sur la cella H1.
Des temples en bois (bâtiments E et F) aux temples en pierre (bâtiments G et H1)
36Plusieurs sanctuaires augustéens ont livré des structures comparables aux bâtiments E et F de la phase II (fig. 31). Tous annoncent la disposition des temples en maçonnerie qui les recouvrent. À Vendeuil‑Caply (Oise), un bâtiment sur sole enterrée se superpose à un vaste épandage cendreux (Piton, Dilly 1985, fig. 8). Deux autres structures sur sole enterrée ont été récemment mises au jour dans le même département : deux temples du quatrième état du sanctuaire d’Estrées‑Saint‑Denis, établis au début du ier s. de n.è., et un bâtiment de Morvillers‑Saint‑Saturnin, intermédiaire entre le temple sur poteaux de bois et le fanum maçonné reconnus sur ce site (Blanchet et al. 1989 : 226, 263). Le premier temple de Naix‑aux‑Forges (Meuse), détruit à l’époque tibérienne, vient compléter cet inventaire (Massy 1989 et al. : 100 101 ; Legin 1990).
37Le passage des bâtiments en bois aux temples en pierre maçonnée, daté du règne de Tibère ou du début du règne de Claude, marque l’introduction de techniques de construction romaines, sans que la morphologie des bâtiments s’en trouve bouleversée. Les cellae G et H1 possèdent le plan légèrement barlong souvent observé pour ce type de structure (Bertin 1976, I : 75). Aucun élément ne permet d’envisager la présence de galeries autour de ces constructions. L’existence de cellae sans galerie, isolées ou accompagnant des fana, est bien connue : Dominique Halbout‑Bertin a dressé en 1976 un inventaire de ce type de structures pour la Gaule et la Germanie romaines. Ces formes simples, également bien représentées outre Manche (Rodwell 1980b, groupes 6 à 8), apparaissent aussi au début de notre ère sur la façade méditerranéenne, comme à Lioux (Vaucluse) (Jacob 1988, fig. 129), La Panouse de Cernon (Aveyron) (Soutou 1967) ou Saint Dionisy (Gard) (Arcelin 1979 : 100).
38Les transformations apportées à la structure H au cours de la phase IV occultent son aspect originel, que nous supposons assez semblable à celui du bâtiment G. Les éboulis de tuiles concentrés au nord et au sud du bâtiment G nous amènent à proposer l’existence de pignons à l’est et à l’ouest et d’une toiture à double pente (fig. 130, 131). La restitution du décor intérieur du mur gouttereau nord prouve qu’aucune ouverture n’existait sur cette face. Les deux cellae s’ouvraient probablement vers l’est. Deux indices en témoignent : l’emmarchement 6046, implanté tardivement contre la paroi est du bâtiment G, et le pédiluve marquant l’accès de la cella du fanum H2. Enfin, les deux séries de clous rivetés concentrées à l’est des temples (nos 629‑631) peuvent être considérées comme des éléments d’assemblage de portes (fig. 87).
39L’arrachement d’une base d’autel ou de statue subsiste au centre de la cella G. Aucune trace d’aménagement cultuel n’a été observée dans le bâtiment H1.
Le fanum H2 : problèmes de restitution
40Il faut attendre le courant du iie s. pour que la structure H1 soit transformée en fanum par l’adjonction d’une galerie périphérique. Cette pratique du placage d’une galerie sur un sanctuaire préexistant n’est pas exceptionnelle. Elle est attestée au iie s. pour les temples 6, 41, 43 et 53 de l’Altbachtal de Trèves (Gose 1972) et les fana de Pesch (Lehner 1919) et Hochscheid (Weisberger 1975). En Grande Bretagne, il en est ainsi du temple de Woodeaton (Goodchild, Kirk 1954) et peut‑être de celui de Lullingstone (Meates 1979). En France, relevons cette évolution pour les structures découvertes au Tremblois (Paris 1960), à Thésée (Bourgeois 1983) et peut être à Essarois (Côte‑d’Or), où cella et galerie possèdent des appareils différents (Daviet, Daviet 1966). Dans d’autres sites, une cella simple a guidé l’implantation postérieure d’un fanum, comme à Coblence (Hettner 1910) à Naix‑aux‑Forges (Légin 1990), à Digeon et à Estrées‑Saint‑Denis (Blanchet et al. 1989, fig. 26 et 50) ou à Matagne‑la‑Petite (Boe 1982, pl. I) (fig. 31 et 51).
41Dans tous les exemples cités, la galerie n’intervient qu’au terme d’une évolution parfois longue. Elle constitue un élément secondaire, contrairement à l’hypothèse soutenue par Gilles‑Antier (1975). En conséquence, il ne faut pas considérer les petits bâtiments carrés jouxtant certains fana comme des « annexes » ou des « trésors », mais comme des sanctuaires à part entière. Ces structures comportent souvent des autels et, à Bennecourt, la structure G est identique à la cella originelle du fanum.
42Dans la restitution classique du fanum celto‑romain, proposée par Lehner et Schulze en 1919, la cella surélevée surplombe une galerie dont la toiture en appentis s’appuie contre la pièce centrale. Cette hypothèse se base principalement sur les vestiges conservés de la Tour de Janus à Autun, édifice s’écartant à tel point des proportions classiques du fanum qu’il semble dangereux d’en faire un modèle à portée générale. Des cellae surélevées ont toutefois été observées dans plusieurs fana de taille normale, en particulier celui de Fréteval (Loir‑et‑Cher) (Lambert, Rioufreyt 1989 : 16 17). Ce schéma est‑il valable à Bennecourt ?
43Il n’y a aucune raison pour que la cella originelle (celle de la phase III) ait été surélevée : l’absence de galerie périphérique enlève tout avantage à cette solution architecturale destinée à assurer l’éclairage d’une pièce centrale. Il est toutefois possible que les parties hautes de la cella aient été transformées au cours de la phase IV. L’adjonction d’un podium limitant le volume intérieur renforce d’ailleurs l’intérêt d’une surélévation. Les trous de poteaux qui s’alignent dans la galerie témoignent ils de cette transformation ou simplement d’un renouvellement des enduits extérieurs ?
44Il convient également de s’interroger sur la nature de la galerie du fanum de Bennecourt, très médiocrement conservée. Les observations réalisées à la fouille restent fort ambiguës.
45– L’ampleur respective des murs et des fondations de la galerie et de la cella est un argument souvent utilisé dans la restitution des temples celto‑romains mais qui semble ici sans valeur. Les bâtiments du sanctuaire de Bennecourt sont peu fondés et les deux structures concentriques possèdent une épaisseur assez proche. La présence d’enduit sur les deux faces des murs de la galerie n’implique pas obligatoirement une élévation importante. Le seuil de la galerie devait surmonter au moins la première assise de l’élévation, seule conservée, puisqu’il n’en subsiste aucune trace.
46– Vu leur pendage, les éboulis de tuiles présents dans la galerie proviennent de la couverture de la cella. Il n’existe pas de niveaux de destruction de toiture équivalents à l’extérieur du temple et on peut se demander si la galerie a reçu une couverture.
47– Le sol primitif de la galerie, en dos‑d’âne, pourrait avoir été conçu pour permettre l’évacuation des eaux pluviales, ce qui impliquerait également une structure découverte ; mais il n’existe aucun système d’évacuation des eaux vers l’extérieur et ce parti sera abandonné par la suite, puisque des recharges de sols viendront combler les rigoles latérales.
48Ces observations nous amènent à proposer deux restitutions (fig. 53) : la première, classique, reprend le parti d’une galerie dont la toiture s’appuie sur les parois de la cella ; la seconde solution, qui tiendrait mieux compte de la morphologie antérieure de cette cella, consisterait à reconstituer une pièce centrale peu élevée, entourée par un simple muret. Cette variante trouvera quelques parallèles.
49Nous avons en effet relevé l’existence d’une petite série de galeries de forme irrégulière, qui n’ont manifestement jamais reçu de couverture : les sanctuaires de la forêt d’Halatte (Oise) (Grenier 1960 : 815 818), Thésée (Loir‑et‑Cher) (Bourgeois 1983 : 63), Val‑Suzon (Côte d’Or) (Guyot 1977) et probablement de Windisch (Allemagne) (Wiedemer 1967) doivent être rangés dans cette catégorie. Nous doutons également que la galerie extrêmement étroite et décentrée du fanum de Nettersheim ait pu supporter une toiture (Lehner 1910) (fig. 52).
50À notre sens, la construction d’une galerie –dont nous avons soulevé les problèmes de restitution– constitue plus un effort d’adaptation à un stéréotype architectural que la réponse à un besoin d’ordre rituel. L’utilité de cette structure dans le déroulement du culte reste en effet à démontrer. Comme le remarque Ernest Will (1990 : 114, n. 36), « l’hypothèse de processions circumambulatoires propres à ces galeries doit sans doute beaucoup au prestige d’Albert Grenier [1960, 1 : 451, n. 1], Le texte de Posidonios, mal résumé par Athénée, reste confus : il n’y est question ni de temples ni de procession. »
51La réalisation d’un podium constitue un autre placage more romano. Ce type d’aménagement, emprunté à la tradition gréco‑romaine, caractérise surtout les temples de grande envergure et supporte le plus souvent l’ensemble du bâtiment. Il se limite à la cella dans quelques sanctuaires celto romains comme Lausanne (Vaud, Suisse) (Bögli, Sitterding 1963) ; le temple double d’Augst (Bâle, Suisse) (Laur Belart 1959) ou un fanum urbain d’Autun (Horne, King 1980 : 380). La surélévation du sol primitif de la cella a également été observée à Champigny‑lès‑Langres (Haute Marne) (Babelon 1892), au temple de la Fortune à Jublains (Mayenne) (L’Helgouach, Aubin 1987 1988, 2 : 165 166) et à Millau (Aveyron) (Labrousse 1980 : 465 466). À Ribemont sur Ancre, un podium donnant accès à un nouveau temple se substitue au début du iie s. au sanctuaire antérieur (Brunaux, sous presse). Nous interprétons comme un pédiluve le bassin en mortier rose réalisé à l’est du podium. Les négatifs alignés à l’extrémité opposée de la pièce rappellent probablement l’existence de deux petits monuments adossés à la paroi ouest.
52Le soubassement 16115, qui jouxte l’accès du sanctuaire, supportait probablement un autel. La position de cette structure s’inscrit également dans un schéma gréco romain (Daremberg, Saglio, art. Ara). Cet aménagement, comme la structure K voisine, pourrait marquer le déplacement tardif des sacrifices en marge des temples, alors qu’ils se déroulaient à l’origine au cœur même du lieu de culte (fosse centrale de la phase I, foyers de la phase II). Pour conforter cette fragile hypothèse, il faudrait connaître la nature exacte des monuments établis à l’intérieur des cellae des phases III et IV : s’agissait‑il de représentations divines –illustrant une fonction nouvelle de domus dei– ou d’autels ? La réalité et la chronologie de cette possible mutation des fonctions du temple celto romain demanderaient à être analysées à partir d’une large série de sites ayant fait l’objet d’investigations récentes.
L’influence durable mais marginale des structures gauloises
53La phase II voit le déplacement du pôle cultuel en marge de l’enclos laténien. Cette migration a évité la stricte superposition des états successifs, telle qu’elle est observée dans certains sanctuaires précoces. Si la structure de combustion 17187, établie au contact des remblais de nivellement du fossé gaulois, paraît avoir guidé l’implantation de la cella augustéenne E, il ne semble pas exister d’autre continuité entre le premier état du sanctuaire et les bâtiments qui se mettent en place au début de l’époque gallo‑romaine. Les structures gauloises n’en demeureront pas moins matérialisées autour des bâtiments par divers aménagements –cheminements, fosses, poteaux, foyers– dont le schéma (fig. 133) fournit la filiation.

FIG. 133 – Tradition et innovation dans l’architecture du sanctuaire de Bennecourt.
54Au ier s. de n.è., le cheminement 17001 17008 (fig. 34) souligne l’emprise de la fosse centrale de la phase I. Il pourra être comparé au trottoir circulaire qui encadre une zone riche en offrandes dans le sanctuaire ardennais de Mouzon (Tisserand 1981). La structure K (fig. 47) viendra relayer ce dispositif ; nous proposons de l’interpréter non comme un bâtiment mais comme un aménagement rituel. Ce négatif, par son plan et ses dimensions, rappelle en effet les bancs en forme d’exèdre précédés d’un autel qui jalonnaient la voie d’accès au temple de Lenus Mars à Trèves. Affectées aux différents pagi du territoire trévire, ces banquettes ont été interprétées comme des triclinia liés aux banquets sacrificiels (Gose 1955 ; Binsfeld et al. 1988, nos 181 et 195). Des aménagements identiques ont été découverts dans le complexe cultuel voisin de l’Albachtal, devant l’autel du sanctuaire de Ritona, à l’est de l’escalier de la rotonde 3 (iiie s.) et près du bâtiment N (Gose 1972, fig. 52, 44 et 320). Nous serions également tentés d’identifier à des banquettes les constructions en U situées près des bâtiments 1 et 4 du sanctuaire de Wallenborn (Binsfeld 1969 : 256) et contre le fanum central d’Estrées‑Saint‑Denis (Woimant 1991, fig. 3). La structure en fer à cheval, établie au centre de la cella de La Butte des Tournelles (Oise) (Cauchemé 1912 : 133 134) relève peut‑être du même type d’aménagement. Ce type de structure est également attesté dans quelques nécropoles du Haut Empire, à Bavay (Nord) ou par exemple à Vatteville‑la‑Rue (Seine‑Maritime) (Loridant 1995).
55La superstructure de la probable banquette de Bennecourt a été récupérée, mais le bloc de grand appareil découvert à proximité pourrait lui appartenir. La fosse centrale de l’enclos laténien, qui a de toute évidence guidé l’implantation de cet aménagement, fut curée postérieurement à l’aménagement de la terrasse 17026‑17040. Nous n’avons aucune preuve stratigraphique que ce dégagement soit contemporain de l’implantation de la structure K, mais le fait est plausible. L’ensemble disparaîtra à la phase IVc.
56Les fosses 17043 (fig. 34) et 17261 (fig. 47), très soigneusement creusées, n’ont livré aucun mobilier qui permettrait de préciser leur vocation première ; elles furent vraisemblablement curées avant leur comblement définitif. S’il faut se garder de surinterpréter de telles structures, il convient de noter qu’elles se superposent au fossé et à la fosse centrale du sanctuaire laténien. D’autre part, un niveau riche en matériaux organiques tapissait le fond du creusement 17043, particularité souvent observée dans le remplissage des fosses cultuelles du Haut Empire (Allain, Fauduet 1988 ; Richard 1991 et exemples réunis par Petit 1988).
Conclusion
57Un classement des éléments qui marquent la romanisation des structures du sanctuaire de Bennecourt au cours du Haut Empire révèle donc trois types de mutations.
58– L’architecture des bâtiments montre clairement les étapes d’une évolution technique qui part d’une construction de bois planté pour aboutir à une bâtisse en maçonnerie en passant par une phase intermédiaire caractérisée par des soles enterrées. Cette évolution structurelle, identique à celle du sanctuaire de Boscherville, se retrouve avec la même chronologie dans le domaine de l’architecture domestique (Le Maho 1990 : 14 15).
59– L’accroissement du temenos à la phase III et l’aménagement probable d’autels extérieurs à la phase IVa pourraient marquer des évolutions fonctionnelles : mode de fréquentation du sanctuaire, déplacement des espaces sacrificiels.
60– Relevons enfin la romanisation tardive et sans doute très formelle qui touche le temple H, converti au goût du jour à l’orée du iie s. Cette transformation trouvera des parallèles plus monumentaux dans les programmes de tradition gréco romaine qui viennent renouveler entre la fin du ier s. et le début du iiie s. l’aspect de nombreux sanctuaires traditionnels. Comme le note D. Tardy (Pré actes Argentan 1992), « l’analyse des séries architectoniques provenant des sanctuaires de tradition indigène permet d’entrevoir [...] un processus d’acculturation très lent qui ne se laisse apprécier qu’à partir du dernier quart du ier s. ap. J. C. et qui traduit [...] une étroite liaison avec les programmes monumentaux urbains, tant au niveau du répertoire décoratif qu’ils développent qu’à celui des emprunts aux plans classiques qu’ils manifestent. »
61Le caractère relativement discret des transformations apportées au fil des temps aux bâtiments de Bennecourt semble illustrer le substrat profondément traditionnel de ce lieu de culte. À notre sens, l’effacement très lent de certains traits archaïques illustre « non pas tant des survivances celtiques dans la religion romaine, que des degrés successifs de romanisation de la religion celtique » (Le Roux 1955 : 216).
3.2 Mobilier et cuisine du sacrifice
62avec la collaboration de P. Méniel
3.2.1 Limites de l’interprétation quantitative
63Le mobilier basculé dans le fossé laténien peut représenter une fraction assez importante des restes issus de la dernière phase d’activité du sanctuaire gaulois, mais il semble également intégrer des restes erratiques provenant de dépôts antérieurs largement sous représentés. Le prélèvement de certaines pièces lors des différentes étapes du rituel (voir les observations de Patrice Méniel) et la disparition de matériaux organiques viennent encore déformer la composition de ce dépôt tertiaire. L’activité rituelle, régulière ou périodique, est malgré tout connue par un minimum de 161 récipients céramiques associés à une centaine d’objets et à plusieurs centaines d’animaux partiellement ou totalement consommés sur le site. L’homogénéité de ce mobilier marque la brièveté de l’occupation du sanctuaire qui ne saurait dépasser quelques décennies. C’est donc en moyenne plusieurs dizaines d’objets et d’animaux qui aboutissaient chaque année dans le sanctuaire. Dans l’hypothèse où le lieu de culte n’abriterait que des cérémonies périodiques assez espacées dans le temps, on peut même concevoir l’arrivée brutale sur le site de masses beaucoup plus importantes d’objets. Le mobilier collecté semble abondant si on le compare aux effectifs proposés pour Gournay‑sur‑Aronde, site beaucoup plus vaste (rapport de 1 à 12) et occupé pendant une période beaucoup plus longue (moins de 200 animaux, environ 2 000 éléments métalliques).
64La représentativité du mobilier découvert par rapport au volume originel des offrandes déposées dans le sanctuaire est encore plus problématique pour l’époque gallo‑romaine. Le calcul d’un quotient de fréquence annuel à partir du lot monétaire correspondant à chaque période d’émission illustre sommairement la faiblesse de l’échantillon découvert par rapport au mobilier qui a pu circuler sur le site (tabl. xxxiv). Si l’on excepte la période 10 (259‑275), marquée par un indice de 5,4 monnaies/an assez artificiel (inflation galopante, fort pourcentage d’imitations dont la frappe a pu perdurer au cours de la période 11), il faut attendre la période 13b (330‑348) pour que l’indice de fréquence dépasse une monnaie par an, avec une pointe à 4,4 pour la période 15a (364‑378). Cette très relative abondance du numéraire du ive s. ne doit pas entraîner une évaluation trop optimiste de l’activité du site à cette époque. L’absence d’entretien du sanctuaire et l’interruption possible d’un prélèvement organisé des offrandes amènent simplement un accroissement du mobilier résiduel. Les quotients monnaies/an relevés pour le sanctuaire de Bennecourt concordent bien avec ceux calculés pour d’autres lieux de culte régionaux (Dhénin, Amandry 1988 pour Meaux/La Bauve ; Dunet 1988 pour Saclas ; Foucray 1987 pour Septeuil). Par contre, les sites d’habitat présentent des quotients plus forts pour le Haut Empire et plus stables au ive s. (Tripé 1983 pour Augers en Brie), profil correspondant mieux à des pertes échelonnées dans le temps et n’ayant pas fait l’objet de récupération. Plus encore que pour les dépôts laténiens, nous raisonnons donc sur un échantillon tronqué, où les périodes les plus actives du sanctuaire risquent d’être paradoxalement sous représentées.

TABL. XXXIV – Indice monétaire annuel (les imitations sont placées à la date des prototypes).
3.2.2 Objets rituels, apotropaïques ou profanes
65L’analyse qualitative du mobilier laisse apparaître d’autres biais. « L’objectif minimal proposé comporte la démonstration du caractère rituel des activités mises en évidence dans le sanctuaire, indépendamment de la signification de ce rituel, qui nous est la plupart du temps inconnue » (Gallay 1986 : 214). Or cette démonstration demeure difficile à Bennecourt, où le mobilier collecté est principalement constitué d’objets d’une grande banalité, qui ne dépareraient pas dans un habitat contemporain. Les éléments spécifiquement destinés à un usage rituel demeurent en effet exceptionnels. Les fragments de bronzes figurés (fig. 76, nos 462‑463), les Vénus anadyomènes en terre blanche (fig. 93‑94, nos 771‑772) et l’oiseau en craie du sanctuaire gaulois (fig. 98, no 884) pourraient être rangés dans cette catégorie, dans laquelle il faut peut être également placer les énigmatiques tubes en os des niveaux laténiens (fig. 90, nos 705‑710). Les autres objets apportés dans le sanctuaire de Bennecourt, par leur nature et leur valeur marchande limitée, reflètent donc presqu’exclusivement le mobilier d’usage courant, dont il convient d’apprécier le mode de réutilisation dans un cadre cultuel. Dans quelle mesure constituent‑ils l’indice de pratiques religieuses ou simplement apotropaïques ? Peut‑on faire la part de l’offrande pure, du reste sacrificiel, des instruments du sacrifice et du mobilier quotidien abandonné par les fidèles après leur passage sur le site ?
66Nous tenterons dans l’analyse qui suit d’identifier au sein de la masse de mobilier parvenue jusqu’à nous quelques éléments pouvant présenter une signification apotropaïque ou religieuse. Cette approche peut être effectuée à partir des caractères intrinsèques de chaque objet (traitement subi à l’occasion du sacrifice, présence de simulacres d’objets) mais également en étudiant les proportions respectives des différentes catégories de mobilier, lorsqu’elles diffèrent de leur représentation normale dans les habitats (fig. 134‑135) et en comparant la composition des assemblages recueillis à Bennecourt avec les lots d’objets issus de sanctuaires contemporains.

FIG. 134 – Chronologie des grands types de mobilier du sanctuaire.

FIG. 135 – Fréquence relative des restes animaux par phase.
Parures usagées et offrandes de faible valeur ?
67Plusieurs auteurs ont conjecturé –en se basant principalement sur les fibules– une tendance à déposer dans les sanctuaires des objets démodés (Albert, Fauduet 1976 ; Feugère 1985 : 188 ; Piton, Dilly 1985 : 38 ; Fauduet 1993a : 120). Cette théorie n’a jamais été véritablement étayée ; elle supposerait en outre que les fibules déposées dans les sanctuaires étaient des objets cultuels déconnectés de la réalité, ce qui nous paraît douteux, sauf lorsque des « simulacres de fibules » ont été utilisés comme offrandes, comme ce fut le cas à Digeon (Somme) (Jobic 1986, pl. IV) et probablement à Saint‑Germain‑le‑Rocheux (Paris 1960). L’échantillon de fibules récolté dans des niveaux cohérents de Bennecourt concorde pleinement avec la chronologie du mobilier associé.
68La fréquence particulière des imitations au sein du numéraire de certains sanctuaires anglais, mise en lumière par R. Reece (1980) ne trouve pas non plus d’équivalent dans le Bassin parisien. Les imitations des iiie et ive s. sont même plus faiblement représentées à Bennecourt que dans certains habitats régionaux (tabl. xxxv–xxxvii). Il est par contre impossible, sans connaître l’ampleur des prélèvements antiques qui ont pu être opérés dans le numéraire apporté sur le site, d’interpréter l’absence totale d’espèces en or et en argent et la faible présence des grosses dénominations de bronze comme l’indice d’un dépôt préférenciel de monnaies de faible valeur.

TABL. XXXV – Pourcentages d’imitations parmi les types monétaires de la période 259 275 dans les sites régionaux.

TABL. XXXVI – Pourcentages d’imitations parmi les types monétaires de la période 330‑348 dans les sites régionaux.

TABL. XXXVII – Pourcentages d’imitations parmi les types monétaires de la période 348‑364 dans les sites régionaux.
Potins et offrandes de substitution
69La présence de potins au sein des dépôts laténiens du sanctuaire de Bennecourt fournit un nouveau jalon pour une datation haute de quelques types de monnaies coulées, dérivant pour la plupart de prototypes marseillais (cf. ş 3.2.6).
70Ces potins, associés à du mobilier du début de La Tène D1, ne doivent probablement pas être interprétés comme des outils monétaires à part entière, même s’ils ont pu servir d’instruments locaux ou provisoires de transaction. Katherine Gruel (1989 : 151‑154 ; 1996) a récemment brossé un tableau des différentes fonctions envisageables pour ces objets : jetons de compte, de présence ou de libéralité, méreaux autorisant la participation à certaines cérémonies, etc. Comme la monnaie grecque, dont l’utilisation première fut religieuse (Will 1954), les potins découverts à Bennecourt ont également pu constituer des dons de substitution imitant des offrandes réelles. La multiplication des dépôts monétaires véritables à partir des phases Ie/II marquerait l’aboutissement logique de cette pratique et l’intégration des potins au numéraire en circulation. Quel que fut l’usage primitif de ces potins, il devait donc se prêter à un transfert vers une utilisation monétaire et avoir « déjà un emploi économique de justification ou de remplacement du numéraire dans une de ses fonctions » (Gruel 1989 : 154). La production de monnaies spécifiques à l’utilisation rituelle a d’autre part été proposée pour les bronzes au coq du type de Bracquemont découverts en masse à Morvillers‑Saint‑Saturnin (Fauduet 1993a : 105) ou pour des espèces antiques du sanctuaire de Brean Down (Boon 1964 1965).
71Cette hypothèse n’implique pas un usage exclusif des potins précoces dans le cadre rituel –la présence de ces objets a d’ailleurs été relevée dans de nombreux habitats et dans quelques sépultures–, mais l’interprétation des potins du fossé de Bennecourt comme offrandes de substitution est confortée par leur association à d’autres types de simulacres et en particulier à des anneaux de faible diamètre coulés en chapelet dans un alliage identique (nos 432‑439 et 442). Ces ring moneys s’intègrent à un ensemble d’anneaux confectionnés dans les matériaux les plus divers. Des anneaux métalliques non fonctionnels se retrouvent en abondance dans les sanctuaires de Baron‑sur‑Odon (Calvados) (Bertin 1977 : 82 83) ; Cracouville (Eure) (Baudot 1936) ; Vendeuil‑Caply (Oise) (Piton et Dilly 1985, fig. 17 et 29) ; Morvillers‑Saint‑Saturnin (Somme) (Jobic 1986) ; Alésia (Côte‑d’Or) (Rabeisen, Menu 1985 : 160 161) ou Lardiers (Alpes‑de‑Haute‑Provence) (Archéologie de la France, no 187), toujours dans des contextes assez précoces. La production d’anneaux en cuivre est également attestée plus tardivement sur le site d’Uley (Woodward, Leach 1993 : 135 140, 174). Les rouelles (fig. 75, no 450), dont le rôle de substitut monétaire a souvent été défendu (Piette 1989), les bagues symboliques de Morvillers‑Saint‑Saturnin (Jobic 1986) ou d’Uley (Woodward 1992, fig. 55), les fibules « en oméga » de Saint‑Germain‑le‑Rocheux (Côte‑d’Or) (Paris 1960) et les rondelles en céramique de Chilly (Collart 1987) pourraient participer du même ensemble de simulacres.
72La présence d’armes et d’outils miniatures est par contre très discrète à Bennecourt. Une serpette miniature en fer (fig. 83, no 613) et une possible réduction d’épée (fig. 83, no 592) sont associées aux dépôts laténiens. Les remblais de la séquence 23 ont également livré deux possibles outils miniaturisés en bronze (fig. 73, nos 478‑479) ; ce type d’objet est totalement absent des niveaux du Bas Empire (fig. 134).
73La multiplication des offrandes monétaires à partir de l’époque augustéenne a pu limiter l’utilisation de certaines catégories de simulacres.
Armes, outils et ustensiles
74Les niveaux laténiens de Bennecourt ont livré une douzaine de pièces d’armement. Les types représentés sont variés : fragments d’épées et leur corrélats (fourreaux, attaches), lance et talons, possible élément de bouclier. La disparition totale de cette catégorie de dépôt après la phase Ie (fig. 134) découle peut être de la mise en vigueur de la Lex Iulia de vi publica interdisant le port des armes aux civils.
75Ce sont les mutilations délibérées subies par la plupart de ces pièces qui marquent leur utilisation rituelle (Rapin 1993). Ces mutilations semblent illustrer une pratique ponctuelle dont l’existence n’est pas flagrante pour les autres types de mobilier du fossé gaulois. La pérénité des destructions d’objets à l’époque gallo romaine demeure également peu étayée à Bennecourt. Si les pseudo « demi pieds » (fig. 73, nos 472‑473) ont nettement été cassés par flexion, le bri en trois parties des Vénus en terre blanche (fig. 93‑94, nos 771‑772), observé par L. de Vesly (1902 : 144) dans les sanctuaires normands ne constitue pas obligatoirement un acte volontaire puisque les fractures atteignent systématiquement les points les plus fragiles de ces pièces. Des mutilations votives évidentes sont toutefois encore attestées au Bas‑Empire dans certains sites, Uley par exemple (Woodward, Leach 1993, fig. 89, nos 4 et 6 ; fig. 111).
76De même, les outils et ustensiles découverts sur le site ne fournissent pas de traits distinctifs propres aux sites religieux. Les couteaux sont les mieux répartis chronologiquement (4 dans les niveaux laténiens, 5 dans les horizons gallo romains) (fig. 84, nos 600‑608 et 764). Il faut associer la cuillère en plomb (fig. 78, no 525) à ces instruments qui ont pu contribuer à la préparation des sacrifices. Les dépôts gaulois se distinguent par la présence d’une série de poinçons en os (fig. 90‑91, nos 711‑717). Enfin, les possibles chandeliers à broche (fig. 88, nos 650‑672) apparaissent souvent dans les sanctuaires.
La parure et la toilette
77La dispersion chronologique des différents types de parures recueillis dans le sanctuaire semble plutôt résulter de l’évolution des modes vestimentaires que de mutations cultuelles. Ainsi, les fibules, abondantes dans les niveaux laténiens (au moins 61 ex.) et les occupations du ier s. de n.è. (22 ex.), ne sont plus représentées après la fin du iie s. de n.è. Selon J.P. Wild (1968), ce déclin serait lié au succès grandissant des vêtements cousus ne nécessitant pas le port de la fibule. Dans un cadre cultuel, ces petits objets recevaient probablement une interprétation symbolique. L’offrande de la fibule permettait elle au fidèle de « s’attacher » l’attention et la bienveillance du dieu, transposant au plan magique la fonction concrète de l’objet, comme le suggère N. Kyll (1966 : 58) ? La multiplication des épingles en os (nos 718‑759) ou en bronze (fig. 72, nos 415‑419) dans les niveaux de la fin du iiie s. et de la première moitié du ive s. illustre probablement le succès des coiffures féminines élaborées à cette époque tardive. Leur présence massive dans les structures parasites qui occupent alors le sanctuaire de Bennecourt jette un doute sur leur utilisation dans un cadre rituel, même si les épingles de coiffures, jetées dans les fontaines votives de la région (source associée au nymphée antique de Septeuil), constituaient encore à l’époque moderne des instruments de divination populaires.
78Le caractère apotropaïque de certains objets est beaucoup plus marqué. C’est le cas du croissant en tôle d’or (fig. 71, no 386), dont les homologues se rencontrent principalement dans les sanctuaires et les sépultures de femmes et d’enfants de Gaule septentrionale (fig. 136). Deux auteurs du Bas‑Empire, Hésychios et le Pseudo Basileus, signalent l’existence de ces bijoux sensés écarter le mauvais œil (Galliou 1974). Plaute (Epidicus, V, 1, 369) nous apprend qu’ils étaient souvent offerts lors des anniversaires. L’iconographie antique associe également à plusieurs reprises ces pendentifs en forme de croissant à des représentations masculines, par exemple sur un buste de l’empereur Magnence (Kraus 1967, pl. 332b). Enfin, Von Klumbach (1939), se référant à la parure portée par certaines déesses mères en terre blanche des ateliers rhénans, estime que les lunulae sont reliées à leur culte. Elles apparaissent encore plus fréquemment sur les bustes de Risus produits dans la même région (Gose 1972, fig. 386). Le croissant en bronze (fig. 75, no 454) peut être rapporté au même ensemble, dont les variantes ont été décrits par plusieurs auteurs (Jelski 1984 ; Zadoks‑Josephus, Witteveen 1977).

FIG. 136 – Répartition des pendentifs en or et en argent en forme de croissant découverts en Gaule et en Germanie.
Allemagne – 1 : Cologne, 2 ex. en or au musée. L’un provient d’une sépulture découverte sous l’église Saint‑Séverin de cette ville et datée entre 240 et 257 (Fremersdorf 1955, fig. 5) ; 2 : Rembrechts, 4 ex. en argent au sein d’un trésor monétaire enfoui vers 230 (Paret 1934) ; 3 : Trèves, 1 ex. en or à l’Altbachtal (Gose 1972) ; 4 ; région de Mayence, 1 ex. en or (Klumbach 1939, fig. 2) ; 5 : Nidda, 1 ex. en argent dans une inhumation d’enfant des années 200 250 (Kropatschek 1909).
Belgique – 6 : Matagne‑la‑Grande, 3ex. en argent dans le sanctuaire (Rober 1983, fig. 15, no 49) ; 7 : Matagne‑la‑Petite, lunule en argent dans le sanctuaire (de Boe 1982, fig. 10, no 43) ; 8 : Namur, 2 ex. en argent (musée de Namur).
France – 9 : Abbeville/Homblières (Somme) : 3 ex. en argent et en or (Piloy 1886, pl. 5 et 1985, pl. 20) ; 10 : Beaurains (Pas de Calais), 1 ex. en or dans un trésor enfoui après 316
(Bastien, Metzger 1977) ; 11 : Bourges (Cher), 2 ex. en argent de provenance inconnue au musée municipal (inédit) ; 12 : Cortrat (Loiret), deux lunules en argent dans une tombe (À l’aube de la France 1981, fig. 133) ; 13 : Liévin (Pas‑de‑Calais), 2 ex. en argent (Roger 1967) ; 14 : Vermand/Marteville (Aisne), 2 ex. en argent dans des tombes de la fin du IVe s. (Loizelle, Coquelle 1977, fig. 43 et 92) ; 15 : Marseille‑en‑Bray (Seine‑Maritime), 2 ex. en or (musée de Rouen) ; 16 : Monnet‑la‑Ville (Jura), 1ex. en argent (Mercier 1974, pl. XVII) ; 17 : Pont‑sur‑Yonne (Yonne), tombe 7, 1 ex. en or sur un collier (inédit, information J. Y. Prampart) ; 18 : Sierentz (Haut‑Rhin), 1 ex. en argent attaché au collier de la tombe 32 et associé à une monnaie de Valentinien II (375‑392) (Heidinger, Viroulet 1986) ; 19 : Trappes (Yvelines), 1 ex. en or (Toussaint 1951 : 70).
Suisse – 20 : Aeschi, 1 ex. en bronze argenté dans le sanctuaire (Stähelin 1948) ; 21 : Lunnein, dans un contexte de la première moitié du IIIes. (Ettlinger 1975, pl. 29) ; 22 : Martigny, 1 ex. en argent (Martigny, fondation Pierre Gianneda).
79Le dépôt ponctuel d’instruments de toilette se pratique à Bennecourt pendant toute l’époque gallo‑romaine. Ce site, comme de nombreux sanctuaires, a livré des fragments de miroirs (fig. 76, nos 464‑467). Ces ustensiles de toilette se rencontrent principalement dans des horizons pré flaviens (Vendeuil‑Caply : Piton, Dilly 1985 ; Antigny/Le Gué de Sciaux : Richard 1989 : 129 ; Saint‑Germain‑le‑Rocheux/ sol 2 : Paris 1960 ; Eu/Bois‑L’Abbé : Mangard 1980 : 122 ; Lardiers : Barruol 1990 ; Hayling Island : King, Soffe 1994 : 37 38). Ils apparaissent à la même époque dans des tombes de Gaule septentrionale (Épiais‑Rhus : Lardy et al. 1983 ; Ancy à Limé : Album Caranda, nouv. sér., tombes 23 et 200). Cette offrande du miroir trouvera des parallèles lointains autour de la Méditerranée (Barruol 1985 ; Husson 1977).
Haches néolithiques et clochettes
80La présence d’une série de haches néolithiques dans les horizons tardifs du sanctuaire de Bennecourt (fig. 97, nos 878‑883) ne saurait être considérée comme fortuite. D’importants dépôts d’outils préhistoriques ont en effet été découverts dans les sanctuaires de Saint‑Aubin‑sur‑Gaillon (Eure) (Poulain 1913), La Mare du Puits et Grand‑Couronne (Seine‑Maritime) (Vesly 1902). La cartographie de cette pratique révèle une concentration particulière de telles offrandes dans la région normande (fig. 137). Ramassées en surface ou prélevées dans les sépultures mégalithiques régionales –souvent pillées ou réutilisées à l’époque gallo‑romaine (Peek 1975)–, ces haches, bifaces et armatures de flèches participent du même ensemble de talismans populaires que les tests d’oursins fossiles (l’ovus anguivum de Pline, Chavet 1900) qui leur sont parfois associés dans les sanctuaires gallo romains. La relation entre les haches de pierre et la foudre apparaît dans plusieurs textes antiques (Pline l’Ancien, HN XXXVII, 9, 135 ; 10, 150 et 10, 176 ; Suétone, Vie des douze Césars, Galba VIII ; Claudien, Éloge de la reine Serena, 74 78).

FIG. 137 – Les offrandes d’outils préhistoriques dans les ensembles cultuels gallo romains, d’après Home et King 1980, complété.
1 ; Alise‑Sainte‑Reine (Côte‑d’Or) ; 2 : Aurillac (Cantal) ; 3 : Baron‑sur‑Odon (Calvados), série de haches polies (inédit, musée de Caen) ; 4 : Bracquemont (Seine‑Maritime) ; 5 : Carnac (Morbihan) ; 6 : Clavier‑Vervoz (prov. de Liège, Belgique) (Witvrouw 1976) ; 7 : Criquebeuf‑sur‑Seine (Eure) ; 8 : Grand‑Couronne, fanum des Essarts (Seine‑Maritime), dépôt de 98 pièces (outils paléolithiques et néolithiques, fossiles, galets) (de Vesly 1903) ; 9 : Haudiomont (Meuse), plusieurs haches polies sous un autel dédié à Minerve (de Vesly 1903) ; 10 : Lardiers (Alpes‑de‑Haute‑Provence) (Barruol 1994, no 2) ; 11 : Le‑Vieil‑Évreux (Eure) ; 12 ; forêt de Louviers (Eure) ; 13 : Oissel/La Mare du Puits (Seine Maritime), 2 dépôts de haches polies et d’oursins (de Vesly 1903) ; 14 : Paris, rue de Lutèce, 2 haches polies croisées sous un autel (inédit) ; 15 : Pierrefonds/Le Mont‑Berny (Oise) ; 16 : Ribemont‑sur‑Ancre (Somme), pointe de flèche dans le dépôt de fondation du second état du temple (Cadoux 1984b) ; 17 : Saint‑Aubin‑sur‑Gaillon (Eure), dépôt de 20 pièces dans le fanum B (Poulain 1913) ; 18 : Saint‑Saëns (Seine‑Maritime) ; 19 : Septeuil (Yvelines), hache en roche dure dans le nymphée du sanctuaire (inédit) ; 20 : Trèves/Altbachtal (Allemagne), hache polie en roche dure (Gose 1972, pl. 286, no 57) ; 21 : Vernon/Vernonnet (Eure), dans le bâtiment C, 1 hache plate en cuivre et 5 haches polies (Gadeau de Kerville, Poulain 1930) ; 22 : Vertault (Côte‑d’Or) ; 23 : Vidales (Tarn) ; 24 : Vienne (Isère), 2 haches polies associées à des sculptures et à une monnaie de Julia Mamaea dans une fosse (de Vesly 1903).
81De même, les clochettes (fig. 73, no 474 ; fig. 85, nos 620‑621) sont associées à d’autres types d’amulettes, en Italie (Klar 1971 ; Grant, Mulas 1971 : 140‑141) comme en France (Jelski 1984). Elles apparaissent en nombre dans plusieurs sanctuaires de l’est de la Gaule : Pupillin (Jura), Deneuvre (Meurthe‑et‑Moselle), Beire‑le‑Châtel (Côte‑d’Or) (Lerat 1970 : 356 357 ; Moitrieux 1991 ; Fauduet 1993a : 120).
La vaisselle
82Nous avons relevé, au sein du mobilier céramique issu des séquences 7 et 10, un équilibre entre les proportions de formes basses ouvertes, hautes ouvertes et hautes fermées. La prédominance des récipients bas dans la série de la séquence 3 relève peut être de la faiblesse numérique de notre échantillon (fig. 100). Différentes traces d’usage ont été relevées. Des perforations réalisées après cuisson sont attestées sur deux vases (fig. 101, no 897 ; fig. 107, no 1 000). La panse de ces pièces est conservée sur un diamètre important et il ne semble pas s’agir de trous de réparation. Ce type de perforation, peut être destiné à suspendre les récipients a également été observé à Vaires‑sur‑Marne (Bulard, Drouhot 1981, fig. 7, no 2). 12 vases présentent les vestiges d’un enduit noir, préservé à l’extérieur des cols dans leurs parties concaves ; il peut s’agir d’un produit résineux, destiné à maintenir tendu un système de fermeture. Ce dispositif permettant la conservation et le transport des contenus est principalement associé à des formes hautes (10 cas). Il est attesté dans de nombreux sites et l’on remarque sa fréquence particulière au sein du lot céramique recueilli dans l’ultime remplissage du fossé cultuel de Gournay‑sur‑Aronde (Brunaux 1987). Enfin, la surface interne de quelques vases présente un aspect très altéré (en particulier fig. 106, no 985), qui pourrait avoir été occasionné par leur contenu.
83La vaisselle très fragmentaire livrée par les niveaux gallo romains se prête mal à une analyse fonctionnelle. Quelques tendances générales peuvent toutefois être relevées, comme la fréquence des cruches puis des gobelets et l’absence presque totale des gros contenants de stockage –amphores et dolia– peut‑être remplacés par des récipients de plus petite taille (pots ovoïdes, urnes à bord mouluré, amphorettes), Le service de table et, au second plan, la vaisselle culinaire dominent très largement cet assemblage. Notons enfin la présence de deux pots d’horticulteurs (fig. 111, no 1043).
84L’usage ou les usages successifs du mobilier céramique dans le cadre du sanctuaire ont pu être variés : récipients de conditionnement et de transport de denrées apportées sur le site (traces de fermeture), contenants d’offrandes alimentaires (altération interne), vaisselle pour les repas rituels et les sacrifices (céramique du fossé laténien mêlée à des restes osseux consommés), éléments du mobilier du sanctuaire (vases perforés de trous de suspension). Rien ne permet d’assurer que cette vaisselle, au‑delà de son rôle de contenant d’offrandes alimentaires, ait pu constituer par elle‑même un vecteur du culte.
3.2.3 L’homme et l’animal
85Les restes animaux livrés par le sanctuaire laténien sont largement dominés par le porc, suivi des ovicaprinés. Le cheval et le bœuf, largement valorisés dans d’autres sanctuaires, où ils ne sont pas consommés (Gournay, Vertault), sont ici assez peu représentés. De même, la présence très discrète de l’humain (un unique fragment de tibia, fig. 113) ne déparerait pas dans un habitat contemporain (Méniel 1989a). Nous sommes loin des dépôts macabres observés à Ribemont‑sur‑Ancre et même des 80 restes humains de Gournay‑sur‑Aronde. L’analyse des restes osseux issus du sanctuaire gaulois conforte donc la relation étroite à l’espace domestique illustrée par les autres types de mobilier.
86Dans ce dépôt constitué de restes qui s’apparentent plus à des déchets qu’à des offrandes alimentaires, on retrouve donc les goûts culinaires, les modes de découpe et la gestion du troupeau qui caractérisent les habitats contemporains. On sait que la viande porcine eut la préférence des Gaulois ; la prédominance du porc, puis des ovicapridés, se retrouve dans la plupart des sanctuaires celtiques où les restes animaux portent des traces de consommation. Dans les niveaux de Gournay antérieurs à La Tène finale, seuls les porcs et les agneaux sont ainsi découpés et consommés. L’importance numérique du porc a également été relevée dans le remplissage supérieur du fossé de Ribemont‑sur‑Ancre (80 %), à Mirebeau (plus de 50 % des restes) et à Morvillers Saint Saturnin (45 % du PR) (Méniel 1987 : 121 122). Cet animal représente 62 % des restes à Dompierre‑sur‑Authie (Somme) (Piton, Dilly 1990) et près de 80 % dans les niveaux pré flaviens de Bouvèllemont/ Baâvons (Ardennes) (Squevin 1988).
87Le porc et les ovicapridés constituent toujours au cours de l’époque gallo‑romaine les espèces dominantes, même si leur part subit un certain fléchissement (fig. 135). Le fait majeur de cette période est l’essor des volatiles domestiques, qui représentent 10 % des restes dès l’époque augustéenne (phase II). La multiplication des volailles dans le cadre du rituel funéraire a été observée à la même époque dans la région (Méniel 1987 : 117). Le cheval disparaît définitivement après La Tène D2 (phase Ie), alors que le chien connaît une éclipse qui dure jusqu’à la phase V. Les bovins disparaissent presque totalement de l’horizon Ie. Au cours du Haut Empire, ils représentent entre 2 et 5 % des restes collectés. Leur discret essor à la phase IV concorde avec l’effort de « romanisation » qui marque alors les bâtiments du sanctuaire. L’apport des espèces sauvages est assez variable, mais il représente toujours moins de 1,5 % des restes collectés. Enfin, il faut placer en exergue la phase V, qui se distingue par la réapparition du chien (qui n’est plus consommé), une présence plus marquée de la volaille et des poissons, assortie d’une baisse sensible des restes de bovins, d’ovicaprinés et de porcs. Nous reviendrons sur ces anomalies qui pourraient illustrer l’évolution des modalités d’occupation du site à partir de la fin du iiie s.
88Si les dominantes du cheptel demeurent les mêmes de l’époque gauloise à la fin de l’époque gallo‑romaine, la représentation des espèces secondaires est beaucoup plus sensible. Une rupture se dessine à la fin de la période gauloise, lorsque le cheval et le chien disparaissent de la faune du site. A contrario, la multiplication des volailles, puis l’apparition des coquilles marines (séquences 22‑23) constituent la marque d’une consommation romanisée.
3.2.4 La fonction des objets du Bas‑Empire
89Entre la fin du iiie s. et le terme du ive s., le sanctuaire de Bennecourt tombe progressivement en ruine. Plusieurs témoignages marquent la multiplication d’occupations parasites et la récupération des matériaux de construction et des éléments métalliques. Une activité cultuelle, même restreinte, subsiste‑t‑elle alors dans l’aire sacrée ?
90Nous avons relevé les anomalies qui marquaient la faune de la phase V : la faible représentation des mammifères domestiques est compensée par le développement de la volaille, des poissons et, dans une moindre mesure, des espèces sauvages. Cette évolution reste difficile à interpréter : marque‑t‑elle l’interruption des sacrifices tels qu’ils étaient pratiqués auparavant sur le site ? Une paupérisation des offrandes animales ? Ou plus simplement la consommation courante des individus occupant alors le sanctuaire ?
91Le statut de l’abondant petit mobilier du Bas‑Empire découvert sur le site reste ambigu même si quelques indices marquent la survie ponctuelle du dépôt d’offrandes. La multiplication des objets à caractère prophylactique (cf. supra, § 3.2.2) et les petits ensembles monétaires cachés ou jetés dans les ruines sont autant de témoignages du culte peu organisé et sans doute individuel qui subsiste jusqu’à la fin de l’époque Valentinienne. Quatre ensembles monétaires en position primaire ont été mis au jour dans des contextes de l’Antiquité Tardive. Un petit trésor composé de dix monnaies caché à la fin de l’époque Valentinienne a été découvert dans un mur ruiné du bâtiment G. Il est possible que la série très homogène d’aurelianiani de Maximien Hercule nos 240‑245 provienne également d’un petit trésor perturbé. Une fosse aménagée dans la cella du temple H a également livré un petit ensemble monétaire très hétérogène. Enfin, la concentration exceptionnelle de numéraire tardif au‑dessus des remblais internes (toiture et enduits muraux) du bâtiment G pourrait évoquer la pratique de la stipis jactatio.
92Si l’on admet que ces offrandes tardives nous sont en majeure partie parvenues, l’activité votive est alors des plus réduites.
3.2.5 Le dedans et le dehors
93L’analyse de la représentation des parties animales dans le sanctuaire gaulois montre que des côtes de bœuf déjà découpées ont pu parvenir sur le site. Cette particularité a été relevée dans d’autres sanctuaires, comme à Ribemont‑sur‑Ancre, où les côtes représentent 58 % des restes de bœuf, et à Morvillers‑Saint‑Saturnin (Méniel 1987 : 124). Par contre, l’absence quasi systématique des bas de pattes demeure difficile à interpréter : les animaux ont‑ils été écorchés et préparés avant leur arrivée dans le sanctuaire ou, a contrario, leur peau a‑t‑elle été soustraite aux restes du repas cultuel pour être emportée hors du site ? Cette notation ambiguë, déjà relevée à Ribemont‑sur‑Ancre ou à Mirebeau par exemple, ne suffit pas pour attester l’apport de quartiers déjà découpés, d’autant que les recherches menées à Vertault ont montré que les chiens sacrifiés avaient consommé des pieds de moutons et de porcs avant leur mort (Méniel, Mangin 1991).
94Dans le cas de Bennecourt, l’hypothèse d’un abattage et d’une préparation de la viande dans l’enceinte sacrée se heurte toutefois à une série de limitations. L’espace d’abord, car la surface utile de l’enclos gaulois est extrêmement réduite ; la cuisson d’autre part, puisque les traces de feu s’avèrent plus que discrètes jusqu’à la phase le : les restes d’animaux brûlés, les cendres et les charbons demeurent exceptionnels dans le remplissage des structures. Seul un fragment de plaque de foyer découvert en remblai (no 1016) marque l’existence d’une structure de combustion impossible à localiser. Enfin, les abords de l’enclos n’ont fourni aucun témoignage complémentaire, qui aurait pu indiquer la présence d’aires de préparation à proximité du sanctuaire.
95L’apport d’objets de tous les jours et une pratique alimentaire très proche des réalités quotidiennes ont donc pu se doubler d’un déroulement partiel des pratiques sacrificielles dans le cadre de l’habitat. Ce type d’interaction entre le lieu de vie et le lieu de culte ne paraît pas exceptionnel dans l’Antiquité. La Grèce ancienne fournit ainsi l’exemple d’une culture où la pratique des sacrifices ne distingue pas le monde profane de l’espace sacré matérialisé par le sanctuaire, la consommation de viande ne se concevant que conformément aux règles sacrificielles (Vernant 1990 : 74 75).
3.2.6 Bilan : un sanctuaire au quotidien
96Comme le notait André Rapin (1993 : 292), l’abondance relative des sanctuaires gaulois depuis dix ans cache une réelle hétérogénéité : « de telles variations sont l’indice d’une diversité des échelles et des fonctions des lieux de culte dans le temps et dans l’espace. » Au sein de ce corpus, le sanctuaire reconnu à Bennecourt constitue l’antithèse des ensembles à caractère martial étudiés en plusieurs points de l’espace gaulois. Le choix des objets, l’organisation spatiale et probablement le résultat attendu des sacrifices pratiqués dans ce lieu de culte de médiocres dimensions paraissent en effet étroitement liés à l’espace quotidien d’une ou plusieurs communautés agraires.
97La romanisation très progressive des structures du sanctuaire semble avoir pour corollaire la lente mutation des catégories de mobilier apportées sur le site. Si les armes, les chevaux et les chiens disparaissent après la conquête, ces trois catégories ne représentaient auparavant qu’une part minime des dépôts. Le développement des dons en numéraires dès l’époque augustéenne et la part croissante des oiseaux domestiques au sein de la faune reflètent plus probablement une mutation économique globale qu’un changement limité à la seule sphère cultuelle. Les dominantes définies pour l’époque gauloise –bijouterie et céramique, porcs et ovicaprinés– se maintiennent jusqu’à la fin de l’époque gallo‑romaine (fig. 134‑135).
98Cette relative continuité des structures et du mobilier implique‑t‑elle celle du déroulement des sacrifices ? Nous avons vu que l’apparition d’aires de chauffe au cœur des temples, puis d’un autel extérieur, intervenaient au cours du Haut‑Empire, sans que les implications de ces nouvelles structures sur le déroulement des cultes puissent être mesurées.
99Enfin, s’il est probable que les sacrifices pratiqués sur le site conservent longtemps leur double rôle d’offrande pour les dieux et de repas de fête pour les hommes, les témoignages matériels disponibles pour la fin de l’Antiquité demeurent extrêmement ambigus. Le dépôt d’objets semble alors devenir une pratique individuelle noyée dans une série d’activités parasites.
3.3 Sanctuaire et territoire : l’histoire du site dans son environnement
3.3.1 Sanctuaires et oppida
100La cartographie des sanctuaires et des oppida reconnus en Normandie et dans les marges occidentales de l’Île de France (fig. 138) révèle la concentration de structures de mêmes types dans les vallées de la Seine et de la Risle et sur les côtes de Seine Maritime. Les nouveaux sites découverts depuis l’établissement des cartes d’Horne et King (1980) et Fauduet (1993b) –pour les lieux de culte– et d’Alain Duval (1975a) et Olivier Buchsenschutz (1984) –pour les sites fortifiés– viennent renforcer ces zones de forte densité qui ne semblent pas résulter d’une couverture inégale du territoire par l’activité archéologique.

FIG. 138 – Oppida et sanctuaires antiques en Normandie et dans les marges occidentales de l’Île‑de‑France.
101Le sanctuaire de Bennecourt s’intégre donc à un semis de sanctuaires jalonnant un axe de communication majeur. Il domine la zone de confluence de l’Epte (fig. 1 et 146), également bornée par trois grandes fortifications protohistoriques, le Camp de César de Port‑Villez et les oppida du Camp de Mortagne à Vernonnet et du Goulet à Saint‑Pierre‑d’Autils, établis quelques kilomètres en aval (fig. 140).

FIG. 139 – Coupe topographique de la boucle de Limetz‑Villez.

FIG. 140 – Le pagus de Madrie d’après les sources des VIIe‑Xe s. et son bornage par des sanctuaires et fortifications antiques.
102L’oppidum de Port‑Villez se dresse face à l’embouchure de l’Epte (fig. 145). Il s’agit d’un étroit promontoire barré par un rempart légèrement curviligne qui défend un espace d’environ 6,5 ha. La chronique de l’abbaye de Fontenelle mentionne à l’année 852 qu’une bande normande établit son camp d’hivernage dans un lieu dénommé Augustudunas, que plusieurs arguments incitent à identifier à cet oppidum (Bourgeois 1992a). Ce toponyme alliant le nom d’Auguste à un suffixe celte désigne plusieurs agglomérations antiques de Gaule (Goudineau 1980, fig. 50) et pourrait constituer un indice chronologique intéressant pour cet ensemble fortifié qui n’a jamais fait l’objet de véritables investigations archéologiques. Un sesterce d’Antonin mis au jour au début du siècle dans le vallum constitue en effet l’unique découverte mobilière attribuable au site avec certitude (Poulain 1915).

FIG. 145 – Vue aérienne de l’oppidum de Port‑Villez (Yvelines).
Cliché M. Ayerbe (équipe de fouille)
103La vaste fortification qui domine le village de Vernonnet couvre 78 ha. Elle est mise en place à La Tène D1/D2. Les campagnes de fouille réalisées depuis 1992 ont montré que le rempart massif englobait une structure à poutrage interne de type murus gallicus (Dechezleprêtre 1993, 1995, 1996 et 1998). H. Gadeau de Kerville et A. G. Poulain avaient, soixante‑dix ans auparavant, conduit une exploration sommaire des anomalies topographiques observées au centre du site et découvert onze petits bâtiments quadrangulaires construits à l’aide de moellons grossiers maçonnés à l’argile (Gadeau de Kerville, Poulain 1928 1930). Cet ensemble correspondait selon les fouilleurs à une villa, hypothèse qui paraît sans fondement. Il reste que l’interprétation de ces découvertes demeure problématique : rien ne permet d’assurer que tous les bâtiments observés participent chronologiquement et fonctionnellement d’un même ensemble. Le groupe constitué par les structures A, B et C pourrait ainsi appartenir à un sanctuaire. Il s’agit de petits bâtiments carrés s’ouvrant à l’est, associés pour deux d’entre eux à des colonnes toscanes, et livrant un mobilier rappelant celui des lieux de culte régionaux : sistre et roue miniature en bronze, fibules et monnaies abondantes, fragments d’au moins trois Vénus en terre blanche, ensemble de haches néolithiques récupérées, talon de lance à douille. Le matériel décrit par les fouilleurs et partiellement conservé aujourd’hui au Musée municipal de Vernon appartient principalement à l’époque julio claudienne, les pièces les plus tardives étant attribuables au iiie s. de n.è.
104Enfin, le camp du Goulet, éperon d’une surface d’environ 10 ha, est barré au sud par un rempart massif, probablement précédé comme celui de Vernonnet par un murus gallicus, puisqu’une grande fiche en fer fut observée au cœur de ce dispositif (Poulain 1905 ; Wheeler, Richardson 1957 : 210). Deux structures découvertes à l’aplomb du rempart, interprétées par A. G. Poulain comme des fonds de cabanes, ont livré plusieurs céramiques sigillées d’époque augustéenne. Le mobilier figuré dans la publication de ce chercheur atteste la longue occupation du site. Il comprend un ensemble céramique de La Tène finale ou tardive mais également des cruches et des amphorettes pré‑flaviennes, une lèvre de mortier Drag. 45, des formes communes attribuables au Bas Empire et quelques vestiges médiévaux. Notons également la présence d’une applique en bronze munie d’un rivet et d’une patte, d’un type fréquent dans les sites militaires augusto‑tibériens (Tassaux 1983, no 32).
105Les relations entretenues par les sites fortifiés et les sanctuaires protohistoriques ont suscité plusieurs études récentes (Drda et al. 1971 ; Fichtl 1991 ; Metzler 1991). Ce rapport spatial se double d’un problème chronologique : parmi les fortifications reconnues dans nos régions, rares sont celles pour lesquelles une occupation antérieure à la Conquête est clairement attestée et c’est surtout la période pré‑flavienne qui semble voir leur apogée. Il est donc probable que le site de Bennecourt, né à la fin de La Tène C, précède les sites fortifiés qui l’entourent. Cette succession chronologique a été plus clairement observée dans plusieurs sites où l’ensemble fortifié semble se développer à partir de la structure religieuse qui le précède : Gournay‑sur‑Aronde (Brunaux et al. 1985 : 24 37) ou Manching (Maier 1990) constituent de bons exemples de ce phénomène. À l’inverse, les oppida établis aux confins d’Île‑de‑France et de Normandie se sont développés sur des éperons mieux défendus par la nature que la colline qui porte le sanctuaire de Bennecourt et celui‑ci a conservé un caractère isolé. Si la création de l’enclos cultuel de Bennecourt est probablement antérieure à la construction de ces oppida, l’abandon du sanctuaire au début de La Tène DI puis sa réoccupation à l’époque augustéenne pourraient être intimement liés à l’histoire de ces fortifications. Nous reviendrons sur cette hypothèse (§ 3.3.3).
3.3.2 Frontières et zones d’influence autour de Bennecourt à la fin de l’époque gauloise
Limites diocésaines et civitates
106Comme les eschatiai grecques de l’époque classique (Polignac 1984), certains sanctuaires laténiens et gallo‑romains semblent avoir matérialisé l’autorité d’une communauté sur les confins de son territoire. Cette hypothèse souvent avancée reste difficile à tester. Pourtant, plusieurs indices convergents permettent de conjecturer le caractère frontalier du lieu de culte découvert à Bennecourt. Dans cette région comme ailleurs, les limites des civitates gallo‑romaines nous sont parvenues à travers le filtre très déformant d’un cadre diocésain qui n’est systématiquement documenté qu’à partir du milieu du xiiie s. L’espace situé sur la rive droite de la Seine dépend alors de l’archevêché de Rouen. Sur la rive gauche du fleuve, les paroisses de Port‑Villez et Blaru marquent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime la limite de l’immense diocèse de Chartres et de l’évêché d’Évreux. Bennecourt se place donc aux confins de ces trois divisions ecclésiastiques, lointaines héritières des territoires véliocasse, carnute et aulerque éburovique.
Sites antiques frontaliers et pagi du haut Moyen Âge
107La restitution des pagi pré romains est encore plus problématique, mais une enquête menée sur les pagi qui occupaient au cours du haut Moyen Âge la région comprise entre Paris et Rouen a révélé un certain nombre d’anomalies qui pourraient marquer l’ancienneté de certaines de ces circonscriptions, particulièrement celles dont le nom dérive d’un ethnique gaulois (le Vexin, le Drouais) ou d’un hydronyme celtique (la Madrie) (Bourgeois 1995). Une série de sanctuaires antiques et de sites fortifiés jalonne les limites de ces unités territoriales et relève du phénomène déjà observé à propos des limites diocésaines, Les confins du petit pagus de Madrie, implanté au confluent de la Seine et de l’Eure, sont ainsi soulignés par le site de Bennecourt, les fortifications voisines et le sanctuaire gaulois de Mézières‑sur‑Seine (Yvelines), mais également par d’autres structures protohistoriques ou antiques établies dans des zones où. les limites du pagus ne concordent pas avec celles des diocèses médiévaux (fig. 140) : sanctuaire de Bû en marge du Drouais, oppidum du Fort‑Harrouard à la limite du pagus Madriacensis, du Drouais et de l’Evreucin, site cultuel de Senantes et de Condé‑sur‑Vesgre à la frontière de la Madrie, du Chartrain et du Pincerais.
108La numismatique apporte quelques indices complémentaires. Les acquis les plus récents montrent que les aires de diffusion des espèces gauloises « ne recoupent pratiquement jamais les pouvoirs politiques belges que l’on présumait ou que l’on induisait à partir des sources écrites » (Delestrée 1996a : 107 ; Delestrée 1996b : 104) et en particulier le découpage par peuples. Il est de mieux en mieux admis que de nombreuses séries monétaires gauloises furent émises à l’échelle du pagus (Delestrée 1984), hypothèse qui semble confortée par les fortes divergences enregistrées dans le faciès monétaire des sites régionaux. Aucune des séries dominantes à La Butte du Muret (Mézières‑sur‑Seine, Yvelines) n’est représentée à Cracouville (Le Vieil‑Évreux, Eure), et réciproquement (Delestrée, Dhénin 1985 : 66). De même, le lot du Muret révèle une influence dérisoire des monnayages habituellement attribués aux Carnutes. Pas un bronze frappé bellovaque ou véliocasse n’apparaît dans cet ensemble, alors qu’ils représentent la majorité absolue du lot collecté à Bennecourt, à quelques kilomètres de là. Les séries caractéristiques de La Butte du Muret, les potins « au sanglier » et à la légende SNIA coulés sur le site du Fort‑Harrouard (Sorel‑Moussel, Eure‑et‑Loir) (Fischer 1981) et certaines émissions très locales rencontrées à Bû (Eure‑et‑Loir) (Fauduet 1982) amènent à définir un faciès numismatique de la région d’entre Seine et Eure, qui se distingue nettement des ensembles monétaires collectés aux abords de Chartres et d’Évreux. Or, cet espace correspond dans ses grandes lignes au pagus Madriacensis tel que nous le restituons au cours du haut Moyen Âge. Cette unité géographique bornée par le sanctuaire de Bennecourt a‑t‑elle été globalement préservée au cours du premier millénaire ? Une chronologie plus fine des sites frontaliers, associée à l’étude des lieux d’émission et des aires de circulation des monnaies gauloises permettra sans doute à l’avenir de mieux comprendre le bornage élaboré de l’espace qui semble exister à la fin de l’époque gauloise.
L’apport des séries monétaires à la géographie historique régionale
109Au‑delà du dessin des limites antiques, pour lequel nous pouvons aventurer de fragiles hypothèses, la composition des lots monétaires recueillis à Bennecourt permet de replacer ce sanctuaire au sein des aires d’influence politique qui découpent l’espace régional à la fin de La Tène.
110La répartition spatiale des quatre types de potins présents dans le sanctuaire laténien de Bennecourt introduit certaines approximations, puisque les cartes réalisées incluent l’ensemble des exemplaires connus, sans prendre en compte leur contexte de découverte. Elles juxtaposent en conséquence les aires de diffusion successives qu’ont pu connaître certaines émissions au cours des temps. La série Scheers 203 semble caractérisée par une diffusion comprise entre la Somme et le sud du département de l’Essonne. Elle est actuellement rapportée aux Rèmes (fig. 141). L’épicentre du type BN 5284 5314 pourrait être le site d’Épiais Rhus (Val d’Oise). Toutefois, la répartition très lâche de ce monnayage pourrait être liée à la présence de plusieurs centres de production, dont les caractères propres restent à définir (fig. 143). La série Scheers 206/classe I présente une diffusion plus étroite, puisque ce type est surtout fréquent entre la Seine, l’Oise et la Somme (fig. 142). Elle pourrait représenter un peuple anonyme installé aux alentours des sources de l’Epte (Delestrée 1998 : 150 et fig. 1). Les potins au sanglier LT 6328 apparaissent en grande quantité au sud de la Seine entre l’embouchure de l’Eure et le site de la Butte du Muret (fig. 144) mais des émissions comparables ont été localisées dans d’autres régions (Bailleul‑sur‑Thérain, Oise) et la typologie de ces potins demeure assez confuse.

FIG. 141 – Répartition des potins du type LT 9180 (Scheers no 203). 1 : Arnouville‑lès‑Mantes (Yvelines) (Dauphin 1994) ; 2 : Bennecourt (Yvelines), 1 ex. dans la séquence 7 et 1 ex. dans un niveau gallo‑romain ; 3 : Berville (Val d’Oise) (Malagoli 1984) ; 4 : Bobigny (Seine‑Saint‑Denis), 2 ex. (Dauphin 1994) ; 5 : Champlan (Essonne), 9 ex. (Dauphin 1994) ; 6 : Champlieu (Oise) (Huysecom 1985) ; 7 : Chilly (Somme), 11 ex. (Scheers 1982, no 152) ; 8 : Épiais Rhus (Val d’Oise), 8 ex. (Largy et al. 1987 : 156) et Épiais Rhus/La Poulaine (Amandry 1985, no 2) ; 9 : Estrées‑Saint‑Denis (Oise), 4 ex. (Delestrée 1993) ; 10 : Genainville (Val d’Oise), 2 ex. (Dauphin 1994, Mitard 1995) ; 11 : Hédouville (Val d’Oise) (Malagoli 1984) ; 12 : Jouars Pontchartrin (Yvelines) (Dauphin 1994) ; 13 : Marcq (Yvelines), 2 ex. (Dauphin 1994) ; 14 : Meaux/La Bauve (Seine et Marne), 2 ex. (Richard, Dhénin 1976 1979) ; 15 : Mézières‑sur‑Seine (Yvelines), 23 ex. (Delestrée, Dhénin 1985, no 18) et 1 ex. inédit (coll. Billard) ; 16 : Morvillers‑Saint‑Saturnin/Digeon (Somme) (Delestrée, Delplace 1986) ; 17 : Paris, 5 ex. (Dauphin 1994) ; 18 : Reims (Marne), 2 ex. (Lambot, Delestrée 1991) ; 19 : Taverny (Val‑d’Oise), 2 ex. (Dauphin 1994) ; 20 : Vendeuil‑Caply (Oise) (Delestrée 1985, no 62) ; 21 : Villeneuve‑Saint‑Germain (Aisne) (Debord 1982).

FIG. 142 – Répartition des potins du type Scheers 206, classe I.
1 : Environs d’Abbeville (Somme), 1ex. de classe indéterminée (Delestrée 1985) ; 2 : Bennecourt (Yvelines), 3 ex. dans la séquence 3 ; 8 dans les séquences 7, 9 et 10 ; 5 dans des niveaux postérieurs ; 3 : Bonlier (Oise) (Scheers 1977 : 797) ; 4 : Blackpatch‑Hill (Sussex, G B) (Ibid. : 798) ; 5 : Chilly (Somme), 2 ex. (Scheers 1982, nos 153‑154) ; 6 : Épiais‑Rhus (Val d’Oise), 3 ex. (Rebour 1984) ; 7 : Estrées‑Saint‑Denis (Oise) (Delestrée 1993) ; 8 : Fesques (Seine‑Maritime), dominante des potins (Delestrée 1996b : 98) ; 9 : Genainville (Val‑d’Oise), 4 ex. (Mitard 1995) ; 10 : Léry (Eure) (Celtes Normandie 1990 : 38) ; 11 : Le Vieil‑Évreux (Eure) (Scheers 1977 : 797) ; 12 : Meulan (Yvelines), 2 ex. (Dauphin 1994) ; 13 : Morvillers‑Saint‑Saturnin/Digeon (Somme), 4 ex. en surface (Delestrée, Delplace 1986) ; 14 : Neufchâtel‑en‑Bray (arrondis, de) (Seine‑Maritime) (Scheers 1977 : 797) ; 15 : Noyen‑sur‑Seine (Seine‑et‑Marne), 1 ex. de classe indéterminée (Delestrée 1985) ; 16 : Pîtres (Eure), 1ex. de provenance non assurée (Scheers 1977 : 797) ; 17 : Pommiers (Aisne), 2ex. (Scheers 1977 : 796) ; 18 : Rolleville (Seine‑Maritime) ; 19 : Saint‑André‑sur‑Cailly (Seine‑Maritime), plusieurs exemplaires des classes I et II dans le dépôt 73 (Scheers 1977 : 798) dont 4 ex. de la classe I au musée de Rouen (Scheers 1978) ; 20 : Saint‑Clair‑sur‑lès‑Monts (Seine‑Maritime) (Rialland 1989 : 53) ; 21 : Saint‑Cyr‑la‑Rivière (Essonne) (Dunet 1983) ; 22 : Saint‑Maur‑en‑Chaussée (Oise), 39 ex. (Delestrée 1996) ; 23 : Saint‑Saire (Seine‑Maritime), 2 ex. (Scheers 1977 : 798) ; 24 : Sainte‑Beuve‑la‑Rivière (Seine‑Maritime), 1 ex. dans le dépôt 74 (ibid.) ; 25 : Vendeuil‑Caply (Oise), 1 ex. de la coll. Scheers (Scheers 1977 : 797), 2 ex. dans Delestrée 1985, no 57 ; 26 : Villers‑Agron‑Aiguizy (Aisne), 1ex. près de la sépulture 655 (Scheers 1977 : 976) ; 27 : région du Havre, plusieurs exemplaires (info. M. Rémy Watté).

FIG. 143 – Répartition des potins du type BN 5284 5314.
1 : Banthelu (Val‑d’Oise) (Dauphin 1994) ; 2 : Bennecourt (Yvelines), 1 ex. dans la séquence 7 ; 2 ex. dans des niveaux gallo romains ; 3 : Berville (Val‑d’Oise), 2 ex. (Mitard 1978) ; 4 : Bobigny (Seine‑Saint‑Denis), 3 ex. (Dauphin 1994) ; 5 : Bouray‑sur‑Juine (Essonne) (Dauphin 1994) ; 6 : forêt de Compiègne (Oise) (Blanchet 1904 : 249, no 2) ; 7 : Dreux (environs de) (Eure et Loir), plusieurs exemplaires (Delestrée, Dhénin 1985 : 53, n. 13) ; 8 : Épiais‑Rhus (Val‑d’Oise), au moins 43 ex. (Lardy et al. 1987) ; 9 : Estrées‑Saint‑Denis (Oise), 8 ex. (Delestrée 1993) ; 10 : Étampes (près d’) (Essonne) (Dauphin 1994) ; 11 : Genainville (Val‑d’Oise), 6 ex. (Mitard 1995) ; 12 : Gergy (Saône‑et‑Loire) (Blanchet 1904 : 249, no 2) ; 13 : La Villeneuve‑au‑Châtelot (Aube) (Delestrée, Dhénin 1985 : 64) ; 14 : Le Thillay (Val d’Oise) (Dauphin 1994) ; 15 : Marseille, oppidum de Saint‑Marcel (Bouches du Rhône) (Colbert de Beaulieu, 1970 : 100, no 10) ; 16 : Mézières‑sur‑Seine (Yvelines), 21 ex. (Delestrée, Dhénin 1985, no 10) ; 17 : Montesson (Yvelines) (Dauphin 1994) ; 18 : Néris‑les‑Bains (Allier) (Blanchet, Traité : 249, no 2) ; 19 : Nogent‑sur‑Seine (Aube) (Delestrée, Dhénin 1985 : 64) ; 20 : Noyen‑sur‑Seine (Seine‑et‑Marne) (Ibid.) ; 21 : Roissy‑en‑France (Val‑d’Oise) ; 22 : Rungis (Val‑de‑Marne) (Dauphin 1994) ; 23 : Saint‑Aman d’Montrond (Cher) (Ibid.) ; 24 : Saint‑Denis (Seine‑Saint‑Denis) (Dauphin 1994) ; 25 : Saint‑Maur (Oise) (Delestrée 1996 : 66) ; 26 : Soings‑en‑Sologne (Loir‑et‑Cher) (Ibid.) ; 27 : Taverny (Val‑d’Oise) (Dauphin 1994) ; 28 : Vendeuil‑Caply (Oise) (Delestrée 1985, no 60) ; 29 : Vernais (Cher), 2 ex. (Colbert de Beaulieu 1970 : 100, no 10).

FIG. 144 – Répartition des potins du type LT6238.
1 : Bailleul‑sur‑Thérain (Oise), 18 ex. (Scheers 1977 : 165, n. 388) ; 2 : Bennecourt (Yvelines), 6 ex. dans les séquences 7 10 ; 3 ex. dans des remblais gallo‑romains ; 3 : Criquebeuf‑sur‑Seine (Eure) (Scheers 1977 : 165, n. 388) ; 4 : Épiais‑Rhus (Val‑d’Oise) (Lardy et al. 1987 : 159) ; 5 : Estrées‑Saint‑Denis (Oise) (Delestrée 1993) ; 6 : Grand‑Couronne, fanum des Essarts (Seine‑Maritime) (Scheers 1978, no 301) ; 7 : Jort (Calvados), 2 ex. (Scheers 1977 : 165, n. 388) ; 8 : Le Mans (Sarthe) (Ibid.) ; 9 : Les Mureaux (Yvelines) (Dauphin 1994) ; 10 : Le Plessier Huleu (Aisne) (Scheers 1977 : 165, n. 388) ; 11 : Le Vieil‑Évreux (Eure), 21 ex. (Scheers 1981, nos84 104) ; 12 : Mézières‑sur‑Seine (Yvelines), 10 ex. (Delestrée, Dhénin 1985, no 12) ; 13 : Quatremare (Eure) (Ibid.) ; 14 : Saint‑André‑sur‑Cailly (Seine‑Maritime), 1 ex. dans un trésor (Scheers 1978, no 300) ; 15 : Vernon (Eure) (Scheers 1977 : 165, n. 388). Non figurés sur la carte : musée d’Évreux (Eure), 1 ex. sans provenance (Scheers 1981, no 174) ; musée de Rouen (Seine‑Maritime), 1 ex. sans provenance (Scheers 1978, no 299).
111Le lot monétaire recueilli dans les dépôts postérieurs est beaucoup plus hétérogène, puisqu’il inclut aussi bien des espèces résiduelles de l’occupation laténienne que des monnaies circulant au cours des phases Ie, II et III. Il permet cependant d’identifier les dominantes et sous dominantes qui caractérisent le site au début de l’époque gallo‑romaine (tabl. xxxviii).

TABL. XXXVIII – Faciès interne du monnayage gaulois des phases le III
112La vaste série des bronzes « au personnage courant » forme la dominante des bronzes frappés à Bennecourt (15 ex., soit 23,8 %), à Estrées‑Saint‑Denis (Oise) (Delestrée 1993), comme à Vendeuil‑Caply (Oise) (Delestrée 1985), et constitue une sous‑dominante non négligeable à Bois‑l’Abbé (Eu, Seine‑Maritime) (Delestrée 1984) et à Digeon (Morvillers‑Saint‑Saturnin, Somme) (Delestrée, Delplace 1986). Elle se rattache –au moins par des homotypies de contiguïté– à la série trimétallique « à l’astre » et a été récemment attribuée au Peuple anonyme (op. cit.) (Delestrée, Delplace 1987 ; Delestrée 1998). Le potin Scheers 198, attribué aux Bellovaques ou à leurs voisins Suessions vient s’ajouter à ces ensembles. Les quatre monnaies au nom de VIRICIUS sont caractéristiques des émissions des Catuslugi, également établis dans les marges du territoire bellovaque (Delestrée 1984). Le monnayage propre aux Véliocasses semble comprendre les séries épigraphiques de SVTICCOS (Scheers 1980), représentées à Bennecourt par trois exemplaires et, pour leur phase précoce aux potins de la série BN 5284 5314 (deux exemplaires). 7 bronzes sont donnés aux Ambiens, sans certitude pour moitié d’entre eux.
113Les peuples de la rive gauche de la Seine sont plus faiblement représentés dans le lot recueilli à Bennecourt. Le bronze LT 7034 pourrait avoir été émis par un pagus établi au nord du territoire carnute (Delestrée, Dhénin 1985). C’est également aux Carnutes, plutôt qu’aux Aulerques Éburoviques, qu’il faut attribuer le bronze épigraphe de PIXTILOS, fréquent dans le Chartrain (Dhénin 1980). Les Éburoviques sont représentés par les bronzes nos 11 et 12, abondants au Vieil Évreux (Scheers 1981), et par trois potins « au sanglier », identiques aux exemplaires de l’enclos laténien.
114Il faut compléter cet inventaire par les habituelles monnaies errantes : oboles de Marseille, bronzes des Lexovii, tin coin de Bretagne insulaire, potins rèmes et sénons connaissant une large diffusion, et par les séries dites gallo romaines GERMANVS INDVTILLI L. et « à l’aigle ».
115Le lot monétaire recueilli dans le fossé laténien de Bennecourt est largement dominé par des espèces actuellement attribuées aux peuples belges. Cette influence se confirme dans les horizons postérieurs, où l’entité belge représente les deux tiers du lot collecté, les peuples frontaliers de la rive gauche de la Seine totalisant à peine 10 % de l’ensemble. Le faciès d’ensemble montre « que Bennecourt, point de passage entre la Gaule Belgique et la Gaule Celtique, a reçu des apports hétérogènes dont les séries les plus représentatives proviennent essentiellement de l’est et du nord‑est (potins du fossé) et du nord‑ouest à l’époque tardive (L. P. Delestrée, in litteris). » C’est également vers la Gaule Belgique qu’il faut se tourner pour trouver des parallèles au mobilier céramique de la phase I. Le sanctuaire de Bennecourt, même s’il est établi au contact de la Gallia Comata, a donc livré un mobilier qui présente surtout des affinités avec les ensembles découverts en territoire belge.
3.3.3 L’abandon du sanctuaire celtique
116La désertion du sanctuaire celtique de Bennecourt ne semble pas la conséquence d’une destruction, mais d’un démontage raisonné, destiné à faire disparaître toute trace d’activité cultuelle. Les structures furent occultées par des remblais et l’espace interne a fait l’objet d’un nettoyage scrupuleux, puisqu’absolument aucun objet n’a été découvert à sa surface. Nous avons observé que les deux derniers niveaux de comblement du fossé (séquences 9 et 10) avaient été mis en place pour pallier le tassement progressif d’un premier remblaiement. La fermeture du site semble donc avoir été suivie d’opérations d’entretien. Cette procédure trouve de multiples parallèles dans les sanctuaires celtiques fouillés récemment (infra, § 3.3.5). Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour expliquer de telles éclipses.
117Quelques sources littéraires attestent l’existence dans le monde italique et celtique de fermetures de temples liées à des menaces extérieures et qui entraînent un enfouissement de mobilier votif. Dans un passage de Polybe (Histoires, II, 32, 5 6), les Insubres retirent du temple de Minerve les enseignes dites inamovibles. Lors de l’attaque menée par les Gaulois en 386, les Romains enterrent une partie de leurs sacra et déplacent l’autre fraction à Caere (Peyre 1979 : 108‑109). Les vastes mouvements de population organisés en 51 par les Carnutes et les Bellovaques à l’approche des troupes romaines (BG VIII, 5 et 7), comme des opérations militaires ou des ondes de peur antérieures, ont pu occasionner la protection de sites cultuels.
118L’évolution des modalités d’occupation du sol et des phénomènes de concurrence entre édifices expliquent de nombreuses désertions de lieux de culte aux époques médiévale et moderne. Ce schéma classique, rarement appliqué à l’Antiquité, pourrait‑il intervenir dans l’abandon temporaire du sanctuaire de Bennecourt ? Est‑il possible que le développement des oppida proches ait entraîné la désertion du site pour des lieux de culte associés à ces fortifications ? Ce type de déplacement a été envisagé pour le site de Gournay‑sur‑Aronde : au iie s. av. n.è., le sanctuaire est isolé dans la campagne et connaît sa période optimale d’utilisation. Vers 100 av. J. C., on constate un déclin très net de la fréquentation du site et c’est à cette époque qu’apparaît le proche sanctuaire de Montmartin, installé à l’intérieur d’un habitat fortifié, et qui semble prendre le relai de Gournay‑sur‑Aronde. À l’époque augustéenne, le site de Gournay renaît, mais il est alors intégré à l’oppidum créé à cette époque et son rayonnement paraît beaucoup plus local (Marchand 1991 : 18).
119La possibilité d’une utilisation cyclique du sanctuaire engendre une troisième hypothèse : le site, utilisé dans des circonstances exceptionnelles, ne disparaissait‑il pas après chaque opération ? Des remblaiements rapides sont ainsi attestés pour certains enclos juxtaposés à des ensembles funéraires de La Tène moyenne et finale. Les enclos d’Ursel et d’Aalter (Belgique) ont par exemple connu une existence très courte, limitée à quelques mois, et on a volontairement comblé ces monuments en différenciant les horizons humiques (Bourgeois 1990 : 119).
120Nous ne disposons pas encore d’informations assez nombreuses pour tester sérieusement ce faisceau d’hypothèses. Un travail comparatif sur les modalités d’abandon des sanctuaires gaulois du nord de la Gaule se heurte à la rareté des monographies disponibles. Localement, nous sommes également dépourvus des bases chronologiques qui permettraient une étude en parallèle du sanctuaire de Bennecourt et des fortifications voisines, analyse qui fournirait probablement les clés indispensables à l’histoire du site que nous étudions.
121Si, après le début de La Tène D1, le sanctuaire de Bennecourt s’efface pendant au moins deux générations, il est certain que l’organisation générale du site demeure matérialisée jusqu’à sa réoccupation aux lendemains de la conquête romaine : les nivellements réalisés au cours des séquences 9 et 10 illustrent un entretien ponctuel de la surface du fossé, tout comme le marquage au sol pratiqué au cours de la séquence 11. La renaissance du sanctuaire –discrète à La Tène D2, mieux structurée à l’époque augustéenne– illustre probablement un nouveau tournant de l’occupation de cette micro région. Cette réoccupation correspondrait‑elle au zénith de la fortification voisine de Port‑Villez ?
3.3.4 Le sanctuaire gallo‑romain dans son environnement
122L’occupation gallo‑romaine de la boucle de Limetz‑Villez semble se concentrer dans les vallées, à l’écart de l’éperon crayeux qui porte le sanctuaire de Bennecourt (fig. 1). Deux établissements ruraux ont été repérés sur les bords de l’Epte : la grande villa du Fort de La Bosse Marnière à Limetz‑Villez (Van Ossel, Ouzoulias 1989) et un site établi aux abords de l’ancien moulin de Gommecourt (Poulain 1919). Les bords de Seine, sur l’autre versant de La Butte du Moulin à Vent, ont également livré quelques données ponctuelles : présence sporadique au sommet de l’éperon qui borde à l’est le vallon de Tripleval (inédit), trésor monétaire anciennement mis au jour en marge du village de Bennecourt (Perrier du Carne 1892). À partir de la phase IV au moins, l’accès au site s’effectue par la face sud du péribole, qui s’ouvre vers la Seine et le vallon de Tripleval, mais les prospections réalisées dans cette zone n’ont donné aucun résultat. Posé comme une sentinelle face aux grandes fortifications de la fin de l’âge du Fer, le sanctuaire apparaît comme totalement déconnecté du réseau d’habitat qui se met en place au cours du Haut‑Empire. Il se dresse également à l’écart des grands axes de communication terrestres, même s’il pouvait probablement être atteint en chariot, comme en témoigne la frette de moyeu (fig. 83, no 618).
123La comparaison des grandes articulations chronologiques du sanctuaire de Bennecourt et de la proche villa du Fort de La Bosse Marnière permet d’établir un certain nombre de parallèles. La naissance de la villa à l’époque claudienne est à peu près contemporaine de la reconstruction en pierre du sanctuaire. Les premiers indices de ruine et d’occupations parasites sont également synchrones : une monnaie émise en 307 fournit un terminus post quem aux plus anciennes traces de délabrement de la pars urbana. L’occupation de cette structure à l’époque constantinienne demeure très discrète. Le vaste bâtiment à piliers fouillé dans la pars rustica est en ruines lorsqu’une cabane vient s’appuyer contre ses parois (après 353 358). La réoccupation Valentinienne du bâtiment principal est marquée par des transformations de fortune et des occupations parasites. Enfin, l’effondrement des toitures de la pars urbana correspond au terminus post quem de l’occupation du sanctuaire (383 387). Toutefois, une occupation se perpétuera dans l’emprise de la villa de La Bosse Marnière pendant tout le haut Moyen Âge, alors que le lieu de culte est définitivement abandonné à la fin du ive s.
124Si le sanctuaire de Bennecourt constitue déjà à l’époque gallo‑romaine un repère ancien dans le paysage, rien ne permet de le considérer comme une sorte de fossile vivant hérité de La Tène. Il échappe à l’abandon précoce qui frappe des sites comme Mézières sur Seine ou Vernonnet et conserve un certain dynamisme pendant plusieurs siècles. Les structures concurrentes se multiplient pourtant après la Conquête romaine. Un cliché aérien a permis de déceler la présence d’un fanum dans la pars rustica de la villa de Limetz‑Villez (communication P. Van Ossel). Un autre sanctuaire gallo‑romain a été récemment repéré sur la commune voisine de Bonnières‑sur‑Seine (Billard 1992), à proximité d’un vaste habitat. Si l’on ajoute la présence très probable d’un lieu de culte au centre de l’oppidum de Vernonnet (supra, § 3.3.1), ce sont donc au moins quatre sanctuaires concurrents qui coexistaient au cours du Haut‑Empire dans un rayon de 4 km. Cette densité pourrait indiquer le faible rayonnement du site de Bennecourt à l’époque gallo‑romaine, plus étroit que le paysage qui se découvre depuis la porte des temples (fig. 146).

FIG. 146 – Espace dominé par le sanctuaire de Bennecourt et lieux de culte concurrents au Haut‑Empire.
125Est‑ce une évolution dans le mode de fréquentation du sanctuaire qui entraîna la construction d’un vaste péribole au cours de la période pré flavienne ? L’enceinte constituait elle une sorte de forum rural, selon l’hypothèse avancée par plusieurs chercheurs (en particulier Lewis 1966 : 130 et 135) ? La rareté du mobilier et l’absence de structures dans les parties fouillées du temenos permettent de douter d’une telle affectation, même s’il est possible que le site conserve à l’époque gallo‑romaine sa fonction de lieu de rencontre aux confins de plusieurs entités administratives.
3.3.5 Décadence et abandon du sanctuaire de Bennecourt
Les sanctuaires du Bassin parisien : chronologie des abandons
126L’ample mouvement d’abandon qui affecte les sanctuaires du Bassin parisien au cours du Bas Empire peut être sommairement analysé à partir du terminus post quem des séries monétaires livrées par ces sites (fig. 147). La fin du iiie s. et le terme du ive s. sont marqués par des vagues de désertions, mais plusieurs sites disparaissent également entre ces deux bornes, comme les sanctuaires normands de Beaumont‑le‑Roger (terminus : Constantin Ier) ou de Saint‑Aubin‑sur‑Gaillon (terminus : Constance II). Le sanctuaire de Bennecourt s’intégre à une série de lieux de culte dont le numéraire est clos par des espèces aux noms de Valentinien II ou de Maxime (Le Catelier de Criquebeuf, Eure ; La Mare du Puits et Eu/Bois l’Abbé, Seine‑Maritime ; Châteaubleau I, Seine‑et‑Marne, etc.). Le monnayage théodosien, toujours faiblement représenté, n’apparaît que dans un échantillon réduit de sanctuaires. Si l’on excepte la reconstruction tardive des sanctuaires de Châteaubleau II et de Ribemont sur Ancre et celle, plus problématique, des trois temples de Berthouville (Eure) à la fin du iiie s. ou au ive s. (Croix 1897), nous ne disposons pas d’évidences d’un dynamisme tardif du paganisme comme il en existe par exemple dans les marges de la Germanie (Bloch 1963 ; À l’aube de la France 1981), région où certains temples sont fréquentés au ive s. comme jamais auparavant (Coblence, Möhn, Pesch, Steinsel) et parfois même reconstruits (Matagne la Petite, Mackwiller et Nattenheim).

FIG. 147 – L’abandon des sanctuaires gallo‑romains : terminus post quem monétaire de 36 sites du Bassin parisien.
127La courbe régulière des abandons à partir de la fin du iiie s., l’ampleur particulière du phénomène autour de l’an 400 trouvent des parallèles dans l’évolution des établissements ruraux relevée pour la même époque dans l’arrière‑pays de Mantes‑la‑Jolie, à quelques kilomètres de Bennecourt (Bourgeois 1996). Cette mutation des sanctuaires suit donc les mêmes rythmes que celle qui affecte globalement l’occupation du sol au cours de l’Antiquité tardive.
La nature des occupations tardives
128Mais ces bornes chronologiques isolées de leur contexte ne permettent pas d’illustrer la longue agonie des sites cultuels mise en lumière par la plupart des fouilles récentes. Une analyse stratigraphique détaillée invite à une relecture très nuancée des modalités et des causes de la désaffection qui atteint les sanctuaires païens au cours du Bas Empire. Les premières traces de désorganisation du sanctuaire de Bennecourt remontent à la fin du iiie s. Des traces de ruines contemporaines ont été relevées dans d’autres ensembles cultuels du Bassin parisien, d’Eu/Bois‑l’Abbé (Roy 1990 : 43) à Ribemont‑sur‑Ancre (Cadoux 1978 ; Brunaux, sous presse). Le grand temple de Genainville semble également à l’abandon à partir des années 280, soit à peine trois quarts de siècle après sa construction (Cholet, Delestre 1992). À Septeuil (Yvelines), le nymphée qui borne le complexe cultuel est en ruine à la fin de l’époque constantinienne (Gaidon‑Bunuel 1991).
129Dans les sites mentionnés, les traces d’occupation postérieures à ces premiers indices de décadence revêtent des formes variées et souvent ambiguës. La désaffection du sanctuaire de Bennecourt présente un caractère extrêmement progressif, puisqu’elle s’étale sur environ un siècle. Les témoignages analysés (§ 1.8) semblent illustrer un triple mode d’occupation, marqué par le passage graduel d’un culte organisé à une dévotion individuelle, par le développement d’habitats parasites et par la récupération de matériaux. La multiplication anarchique de foyers dans les temples trouve des parallèles dans des sites comme Genainville ou Ribemont‑sur‑Ancre. La relative abondance du mobilier tardif à Bennecourt ne doit pas nous entraîner à surévaluer l’ampleur de l’activité qui règne alors sur le site. Comme le sanctuaire ne reçoit plus d’entretien, ces derniers dépôts ne connurent pas les remaniements et prélèvements qui ont amoindri les apports des générations antérieures. Les prolongements d’une utilisation cultuelle sont plus évidents à Septeuil, au moins jusqu’au début de l’époque Valentinienne. Dans ce site, la transformation en un mithraeum sommaire d’une partie du nymphée illustre une autre facette des mutations intervenues au Bas‑Empire. Un petit groupe, indigène ou allochtone prolonge ainsi, à travers une sorte de « privatisation », l’existence d’un lieu de culte d’envergure régionale pendant quelques décennies. La présence d’une fibule cruciforme dans ce mithraeum pourrait conforter son caractère militaire. Après 360, les caractères de l’occupation deviennent indistincts, même si les dépôts monétaires semblent se poursuivre dans le bassin central. La survie d’une activité cultuelle au ive s. est moins évidente à Genainville. Les fleuves de boue qui ont submergé le site limitaient d’ailleurs les réutilisations possibles.
À la recherche des coupables
130Comment expliquer cette décadence des sanctuaires païens régionaux ? Les sources antiques suggèrent l’extrême instabilité du succès des sanctuaires, phénomène qui pourrait expliquer certaines désaffections temporaires ou définitives (Macmullen 1987 : 171). Mais la vague d’abandons constatée au Bas Empire possède une telle amplitude qu’une explication plus générale semble s’imposer.
131Les raids barbares de la fin du iiie s. ne suffisent pas non plus à expliquer la ruine de nombreuses structures à cette époque. Il faudrait d’ailleurs prouver leur impact direct sur nos régions. Cette crise a longtemps servi à expliquer la chute du grand temple de Genainville. Pourtant, l’umbo de bouclier sur lequel s’appuie le raisonnement du fouilleur (Mitard 1993 : 392, no 83) est vraisemblablement un objet mérovingien.
132La lecture de Sulpice Sévère ou de Grégoire de Tours fournit plusieurs allusions au prosélytisme destructeur des premiers chrétiens. Leur action contre les temples régionaux pose des problèmes chronologiques. On ne peut raisonnablement leur attribuer les ruines datées du iiie s. Par ailleurs, la plupart des temples ont connu une désertion définitive antérieure aux premières mentions régionales de communautés chrétiennes. Seul le mithraeum de Septeuil, dont le lapidaire fut dégradé volontairement, a livré les traces d’une destruction qui pourrait avoir des motifs religieux, mais cette violence ne peut être replacée dans une fourchette suffisamment précise (vers 360 fin du haut Moyen Âge). Les autres témoignages rassemblés marquent plus l’agressivité des récupérateurs de matériaux que la furie des envahisseurs ou le prosélytisme des premiers chrétiens.
133Une fois rejetées les explications traumatiques qui, dans les cas étudiés, nous convainquent peu, comment expliquer l’abandon progressif et souvent précoce des sanctuaires païens ? Le repli général de la conscience religieuse collective, relayée par des cultes confidentiels ou par une pratique individuelle est probablement en grande partie la conséquence de l’évolution socio‑économique qui touche notre région dans le courant du iiie s. L’appauvrissement progressif des sanctuaires païens, décrit par Libanius pour l’Orient et sous‑entendu par plusieurs textes juridiques occidentaux a de grandes chances d’être valable chez nous. Nous sommes mal renseignés sur le mode de financement des sanctuaires antiques du nord de la Gaule mais, comme dans d’autres régions de l’Empire, il est probable que leur construction et leur entretien dépendait selon les cas de l’État, des curies urbaines, de l’évergétisme pratiqué par quelques individus et par des associations religieuses et des offrandes de plus humbles visiteurs.
134Le déclin de l’évergétisme constitue sans doute un facteur de poids dans la décadence matérielle des lieux de culte (cf. Frézouls 1984). À la charnière des iie et iiie s., un nommé Certains Rectus, parvenu au faîte des honneurs, souscrit encore aux obligations des magistrats municipaux en finançant le théâtre du sanctuaire d’Eu (Seine‑Maritime) (Mangard 1982). Ce type d’individu pouvait‑il ou voulait‑il toujours, au ive s., rassembler les fonds nécessaires au maintien et au déroulement des activités collectives qui animaient les sanctuaires ? (Macmullen, loc. cit.). Il faut remarquer que la régression des temples semble parallèle à celle des habitats voisins, comme le montre, entre autres, la fouille de la villa de Limetz‑Villez, établie à proximité du sanctuaire de Bennecourt.
135Des hypothèses « fiscalistes » ont récemment été avancées pour expliquer l’appauvrissement des sanctuaires ; elles mettent l’accent sur l’intime imbrication du financement des cultes et des ressources de l’État dans l’Antiquité. Dans ce cadre, le passage du paganisme au christianisme apparaîtrait du point de vue comptable comme un transfert, de l’ancien culte au nouveau, des fonds affectés par le pouvoir à la religion. La confiscation des biens des temples ne représente alors que la reprise par l’État de ce qu’il leur avait accordé, la dotation des églises chrétiennes avec les revenus ainsi récupérés expliquant en partie le déclin des édifices du culte païen (Durliat 1990a et b). Cette position, au reste très critiquée, demeure théorique tant que nous ne pouvons définir le statut précis des sanctuaires.
136La désertion définitive des derniers pôles du paganisme régional remonte à l’époque théodosienne. Faut‑il y voir un effet direct de la condamnation sans appel du paganisme en 391 ? Cela est difficile à apprécier. C’est seulement sous le règne de Valentinien III (425 455) que l’ordre de détruire les temples fut étendu aux régions occidentales de l’Empire (Böhme 1981, no 104). Combat d’arrière‑garde ? À cette date, les sanctuaires régionaux avaient en tout cas disparu. Des causes sociologiques peuvent également être invoquées. Comme le remarque Ramsay Macmullen, les formes inférieures de religiosité crûrent en force et en influence tout au long du iiie s. Elles constituaient « la couche la plus ancienne du paganisme vivant et –au sens darwinien du terme– la plus apte à survivre, puisque la plus facile à nourrir » (Macmullen 1987 : 205). Le maintien jusqu’au ive s. de familles druidiques dans nos régions marque également la survie de la culture traditionnelle (Ausone, Com. Prof. Burd., X, 22 30) ; c’est ce vieux fonds que l’on retrouve plus tard dans bien des traits du christianisme populaire. Le mithraeum sommaire de Septeuil ou les offrandes ponctuelles relevées à Bennecourt constitueraient deux facettes de cette mutation religieuse, à la fois plus mystique et plus individualiste.
137Quelle que soit son origine, la disparition du caractère communautaire des cultes, qui était sans doute l’aspect permanent le plus important de la religion romaine (Scheid 1985, chap. 1) marque la suppression des structures matérielles et mentales assurant la cohésion du paganisme. La décadence du sanctuaire de Bennecourt semble donc illustrer la triple mutation –des mentalités, des cadres socioéconomiques et des modalités d’occupation du sol– qui apparaît en filigrane dans les textes antiques et les données archéologiques régionales.
1381992 1995 (révisé en 1999).
Auteurs
Maître de conférences à l’université de Poitiers
Chargé de recherche au CNRS
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