Chapitre 8. Le domaine des Tuileries dans la seconde moitié du xvie s
8 The Tuileries domain in the second half of the 16th century8 Der Bereich der Tuileries in der zweiten Hälfte des 16. Jh
p. 313‑332
Résumés
Durant la seconde moitié du xvie s., le site subit de profonds changements consécutifs à la construction du château des Tuileries. Plusieurs parcelles du faubourg sont arasées, tandis que le terrain est remblayé pour l’aménagement des jardins. Celui‑ci entraîne à son tour la construction d’un haut mur de soutènement prenant appui sur l’ancien mur de contrescarpe. L’apport le plus significatif concerne le château des Tuileries. Le dégagement des fondations des ailes latérales permet dorénavant de préciser le plan initial du château, constitué d’une aile principale et de deux corps en retour d’équerre. Ce projet, conçu dans les années 1564‑1570 par l’architecte Philibert de l’Orme, ne fut sans doute jamais mené à son terme, mais l’image grandiose que nous en a donnée J. Androuet du Cerceau en 1579 dans ses Plus Excellents Bastiments de France n’est pas entièrement inventée.
In the second half of the 16th century the site underwent profound changes as a consequence of the construction of the Tuileries castle. Several plots in the outskirts were razed, and the lands filled in to accommodate the gardens. The garden in turn led to the construction of a high retaining wall buttressed against the old counterscarp wall. The most important finding concerns the Tuileries castle. The original floorplan of the castle, a main wing and two flanking wings at right angles, can now be determined from the uncovering of the foundations of the lateral wings. This design, conceived in the period 1564‑ 1570 by the architect Philibert de l’Orme, was undoubtedly never carried out in full, but the grandiose image projected by J. Androuet du Cerceau in 1579 in his work on the Plus Excellents Bastiments de France is not entirely imaginary.
Während der zweiten Hälfte des 16. Jh. wird der Ort, nach dem Bau des Tuilerienschlosses tiefen Veränderungen unterzogen. Mehrere Parzellen des Vorortes werden abgerissen, während das Gelände für die Gestaltung der Gärten aufgeschüttet wird. Die Aufschüttung bringt wiederum den Bau einer hohen Stützmauer mit sich, die die alte Böschungsmauer als Auflage nutzt. Der bezeichnendste Beitrag betrifft das Tuilerienschloß. Die Freilegung der Fundamente der Seitenflügel erlaubt es nun, den ursprünglichen Plan des Schlosses zu präzisieren. Er bestand aus einem Hauptflügel und zwei rechtwinklig vorspringenden Nebenflügeln. Dieses, in den Jahren um 1564‑1570 von dem Architekten Philibert de l’Orme entworfene Projekt, wurde zweifellos nie zu Ende geführt, aber das grandiose Bild, das J. Androuet du Cerceau uns 1579 in seinen« Plus Excellents Bastiments de France »von dem Bau gegeben hat, ist nicht vollkommen erfunden.
Texte intégral
8.1 Le premier château des Tuileries
1L’évolution urbaine du quartier s’étendant devant les anciennes fortifications du bas Moyen Âge est brutalement interrompue par la construction du château des Tuileries. L’histoire de ce secteur s’en trouve dès lors radicalement changée. Le palais commande désormais la topographie des lieux.
2Les vestiges du château des Tuileries ont été dégagés partiellement à deux reprises : une première fois en 1985 (Dufaÿ 1985b) ; une seconde fois en 1989‑1990, au cours des fouilles des jardins du Carrousel. Le cadre spécifique de l’opération archéologique explique que les interventions se sont en général limitées à des sondages, du moins en ce qui concerne le corps principal du château. Celui‑ci, souvent remanié entre le xviie et le xixe s., n’était pas inclus dans la programmation du Grand Louvre, car situé en dehors de l’emprise du projet de construction. En revanche, on a recherché plus particulièrement les éventuelles traces du projet initial de Philibert de l’Orme dont on soupçonnait une réalisation plus avancée qu’il n’était admis généralement, depuis les découvertes faites dans le secteur de la DMF/VDI.
3Le château des Tuileries fut commandé par Catherine de Médicis à Philibert de l’Orme à la fin de l’année 1563. Les travaux commencèrent dès le mois de mai 1564 et se poursuivirent jusqu’à la mort de l’architecte en 1570. Jean Bullant reprit alors la direction de l’ouvrage jusqu’en 1572. Philibert de l’Orme n’éleva que le pavillon central et deux galeries adjacentes. Le pavillon sud fut édifié par Jean Bullant et le pavillon nord, plus tardivement, par Louis Le Vau, au moment de la construction de la salle des machines (1659‑1660) (Christ 1949 ; Daufresne 1987 ; Sainte‑Fare‑Garnot, Jacquin 1988).
4Le projet original de Philibert de l’Orme n’était pas connu avec certitude. Il n’a été transmis que par les dessins qu’en a donné Jacques Androuet du Cerceau en 1579 dans ses Plus Excellents Bastiments de France (fig. 253). Ce dernier montre un château à cinq cours et plusieurs ailes couvrant le vaste espace s’étendant jusqu’à l’enceinte urbaine. On savait aussi que la paternité de cet ensemble grandiose était fortement contestée et qu’Androuet du Cerceau était soupçonné d’avoir attribué à Philibert de l’Orme ses propres conceptions architecturales (Blunt 1958 : 108‑125).

FIG. 253 – Le château des Tuileries : projet de Philibert de l’Orme d’après le dessin de Jacques Androuet du Cerceau (Les Plus Excellents Bastiments de France, 1579).
Projet de Philibert de l’Orme d’après le dessin de Jacques Androuet du Cerceau (Les plus excellents bastiments de France, 1579).
8.1.1 Le terrain d’origine
5Le terrain retenu pour la construction était occupé par quelques maisons isolées dans la partie septentrionale du site (Dufaÿ 1985b : 3‑4)1, des tuileries en bordure de Seine (cf. supra chap. 7) et de vastes surfaces agricoles s’étendant jusqu’aux jardins des parcelles loties le long de l’enceinte urbaine. Les sources d’archives confirment ces données lorsqu’elles font mention des divers mouvements de propriété survenus à partir de 1563, lors des acquisitions de terrain par Catherine de Médicis. C’est le cas notamment du contrat de vente du « Logis des Cloches », qui signale « [...] ledict lieu [...] appelé le Jardin des Cloches [...] et faisant partie du lieu des Thuilleries [...] tenant [...] aux terres labourables estans entre les fossez cy‑devant faictz pour la fortiffication de la Ville et le mur dudict jardin [...] » (Berty 1868 : 2‑3).
8.1.2 Le plan d’ensemble du château
6plan vi
7Les vestiges révèlent un château à trois ailes dont l’aile principale avec ses deux pavillons d’angle mesure 165 m dans le sens nord‑sud et les ailes latérales 108 m au moins. L’aile principale se trouve à l’ouest ; les ailes latérales, l’une au nord, l’autre au sud, sont situées approximativement à 35 m de part et d’autre du pavillon central2. L’articulation entre ces dernières et le corps principal se fait à la jonction des pavillons d’angle et des galeries du corps principal.

PLAN VI – Plan général du domaine des Tuileries dans la seconde moitié du XVIe s. (les lettres renvoient au texte)..
DAO P. Pihuit/Afan, d’ap. FJC.

FIG. 254 – Vue générale des vestiges de l’aile nord du château des Tuileries, projets 1 et 2 de Philibert de l’Orme. Les tranchées du projet 2 traversent les parcelles du faubourg ; au centre, fosse d’aisances du XVIIIe s. appartenant au logis Valton‑Duparc‑Gosselin (cf. § 9.1.2.2).
Cliché FJC
8Au nord, l’aile latérale n’existe que sous la forme de tranchées de fondation. Au sud, la construction de l’aile latérale est plus avancée, il y subsistait un ensemble de tranchées de fondation et de murs parallèles.
9L’articulation des ailes n’a pu être étudiée dans le détail qu’au nord. La chronologie relative permet de distinguer deux projets de construction, très rapprochés dans le temps. Outre les vestiges du château, d’autres traces peuvent être rattachées à sa construction. Ce sont deux longues tranchées parallèles (plan VI, r, s), une aire de travail (plan VI, t) et quatre fosses qui pourraient être interprétées comme des trous de plantations (non illustrés). À ces vestiges il faut ajouter les nombreuses fosses d’extraction de matériau ouvertes à divers endroits dans le secteur et qui furent comblées par des épandages organiques (cf. infra § 8.2.2).
8.1.3 Les fondations des ailes : projet 1
8.1.3.1 L’aile nord
10fig. 254
11Les vestiges de l’aile nord se composent de deux murs (ou tranchées de fondation) parallèles (plan VII a et b), orientés est‑ouest et perpendiculaires à l’aile principale du château. Longues de 43 m, larges de 2 à 2,50 m environ, ces tranchées s’arrêtent juste devant le mur parcellaire du faubourg (M1) (plans V et VII). La largeur de l’aile (interne de 9 m ; externe de 13,5 m) est inférieure à celle de l’aile principale qui atteint environ 20 m. Dans la partie occidentale, un troisième mur (c), beaucoup plus court, divise l’aile en deux parties inégales. Ces trois murs sont chaînés au parement de l’aile principale (d).

PLAN VII – Plan des vestiges de l’aile nord du château des Tuileries (les lettres renvoient au texte).
DAO P. Pihuit/Afan, d’ap. FJC
12Les tranchées de fondation ont été creusées sans pour autant que des murs aient été systématiquement ou totalement élevés. Le mur méridional (a) est construit en partie ; le mur septentrional (b) n’a jamais été construit, à l’exception de son raccord avec le mur de l’aile principale. Un arrêt en escalier de la maçonnerie l’indique et le comblement homogène de la tranchée de fondation montre bien qu’il n’y a pas eu de récupération de matériaux. Les tranchées des murs (a et b) ont les mêmes dimensions et encadrent une troisième tranchée plus courte dans laquelle est bâti le mur (c) qui se prolongeait peut‑être par la tranchée(e).
13La technique de construction du bâtiment, commune aux deux projets, est classique. Les fondations comprennent une semelle de propreté en béton, pouvant atteindre 7 cm d’épaisseur (mur b), sur laquelle est élevée une maçonnerie au blocage épais, liaisonné avec un mortier assez dur, fait de chaux, de silex et de graviers. Les parements, en moyen appareil, ne sont en pierre de taille que lorsqu’ils sont destinés à être vus, autrement, ils sont en moellons simplement mais correctement équarris. L’observation en plan du mur sud (a) a révélé une technique de construction par tronçons d’environ 1 m qui créent des ruptures rectilignes dans la maçonnerie. À l’extrémité orientale de ce mur (a), des traces de démolition indiquent clairement une récupération par arrachement des matériaux. Celle‑ci ne paraît pourtant pas avoir été immédiate. Contre l’aile principale, le mur (a) était en effet recouvert par une accumulation de sédiments, composée d’une succession de couches de limons, formant un « dôme » de 0,80 m de hauteur (fig. 255). Ce mur est le seul à avoir été recouvert de la sorte. Il pourrait s’agir d’une protection, destinée à le préserver après un arrêt des travaux (par exemple pour la période d’hiver). S’il y a bien eu volonté de protection, cela laisse penser que les travaux devaient reprendre. L’abandon sur place du « dôme » indiquerait dès lors aussi une interruption brutale du projet de construction.

FIG. 255 – Vue de détail des remblais recouvrant les fondations inachevées du projet 1 de l’aile nord du château des Tuileries.
Cliché FJC.
8.1.3.2 Le mur oriental (d) de l’aile principale
14Le corps principal du château des Tuileries n’a pas pu être dégagé totalement. Seul le mur nord‑sud l’a été, puis relevé en plan (plan VII). Ceci a permis de distinguer plusieurs départs de murs intérieurs. Certains sont chaînés et donc contemporains de la construction primitive ; d’autres lui sont accolés et témoignent donc d’ajouts postérieurs.
15Une porte (p), située sur le pavillon d’angle nord, à environ 9 m du mur (b) de l’aile septentrionale, est aménagée dans l’épaisseur du mur (fig. 256). Le bourrage interne est recouvert d’un enduit de plâtre, tandis que l’encadrement est constitué de pierres de taille polies en calcaire dur, disposées en assises régulières. Cette porte présente un ébrasement tronconique large d’1,65 m à l’ouverture et d’1 m au tableau. Un lambeau de mortier lissé marque le sol, situé au niveau de la surface du terrain avant la construction du château. Cette porte est dans un deuxième temps transformée en placard, puis comblée par divers remblais.

FIG. 256 – Porte dans le corps de bâtiment principal, vue de l’extérieur.
Cliché FJC.
8.1.4 Les fondations des ailes : projet 2
16plan vii
17Un nouveau système de tranchées, plus élaboré, est implanté à côté du précédent avec un décalage de 3 m vers le nord. Le projet d’une aile perpendiculaire est maintenu dans ce deuxième état. Il reprend le principe de deux fondations principales (f et g), encadrant une troisième (h), plus courte. Cinq tranchées nord‑sud (i, j, k, l et m), larges d’environ 1,20 m, « chaînent » les deux fondations principales et sont destinées à accueillir des murs de refend. Dans certaines (i et j), des tronçons de murs, partiellement récupérés, et des bétons de propreté ont été retrouvés. Les autres (k, 1 et m) ne comportaient pas de construction. Il semble même qu’elles n’ont jamais reçu de maçonnerie.
18À l’endroit de leur jonction avec le corps principal, les murs (f), (g) et (h) sont conservés et, à l’exception du mur (h), arasés au même niveau. Leur largeur est également d’environ 2 m, sauf à l’extrémité orientale de la tranchée (g), où subsistait une unique assise de moellons, large d’1,85 m. Aucun de tous ces murs n’est chaîné au mur (d), mais une couche de mortier recouvre uniformément leur surface de contact. Les murs (f) et (g) présentent sur leur face septentrionale un même décrochement d’une trentaine de centimètres au point de raccordement avec le mur (d). La raison de ce dispositif, inexistant sur le premier projet, nous échappe.
19L’analyse pétrographique a permis d’identifier les différentes pierres utilisées pour les fondations du bâtiment. Ce sont des calcaires d’âge lutécien, du gypse, des silex et de la meulière3. Apparemment, le gypse ne se rencontre pas dans la seconde phase de construction, ce qui pourrait indiquer un plus grand soin apporté aux travaux. La provenance des matériaux varie avec leur nature. La meulière est extraite en banlieue, mais tous les autres semblent provenir de carrières parisiennes, dont l’exploitation n’était pourtant plus courante au xvie s. Leur activité s’est ralentie à cette époque au profit de centres d’extraction situés au sud et à l’ouest de Paris, ainsi que dans l’Oise, d’où la pierre arrivait par les voies d’eau (Blanc, Lorenz 1988 : 645).
20Le creusement des tranchées de fondation de l’aile principale et des ailes latérales a entraîné l’extraction d’importants déblais. Rejetés à l’emplacement du futur édifice, ils ont entraîné un exhaussement de 0,50 m en moyenne du niveau de la surface avant la construction. Sur ces couches se trouvent des sols de travail non construits, constitués d’une fine pellicule de mortier. Ils résultent de l’activité de construction du chantier, d’où une surface qui n’est que très approximativement horizontale.
8.1.5 L’aile méridionale du château des Tuileries
21plan vi
22Trois tranchées de fondation, larges d’environ 2 à 2,50 m, marquent l’emplacement de l’aile méridionale du château. Elles contiennent plusieurs massifs de maçonnerie, semblables à ceux de l’aile septentrionale. La tranchée la plus au nord (u) s’interrompt à la même hauteur que les fondations du projet 1 de l’aile nord. La tranchée médiane (v) a pu être suivie, avec des interruptions, sur environ 108 m. Les massifs de fondation qu’elle renferme présentent en deux endroits des amorces vers le sud, sur environ 2 m de longueur. La troisième tranchée (w) s’interrompt à environ 36 m du corps principal du château, devant l’ancienne tuilerie d’Aubin Poullart, partiellement réutilisée par Bernard Palissy (cf. supra § 7.2.4.3). Elle se prolonge manifestement au‑delà, car une tranchée de fondation en tout point similaire se trouve en effet dans son axe. Sa longueur (108 m) égale donc celle de la fondation (v). Ici encore, les fondations n’ont été que partiellement construites. À son extrémité et sur le fond, une étendue de mortier (béton de propreté), épaisse de 6 à 8 cm, constitue le premier soubassement du mur, qui n’a jamais été bâti. Quelques mètres à l’ouest, un massif isolé témoigne du même inachèvement. Après l’interruption des travaux de construction, la tranchée a été comblée avec des matériaux divers, contenant de nombreux rejets de la production de Bernard Palissy (Poulain 1991), qui a maintenu son activité pendant et après les travaux de construction du château (Dufaÿ et al. 1987 : 36). Aucune trace d’une quatrième tranchée de fondation n’a été observée, mais il est possible que seule son amorce contre l’aile principale ait été commencée. Comme la jonction entre les deux ailes n’a pas pu être dégagée, ce point ne peut plus être précisé.
23La compréhension des vestiges de l’aile nord permet à son tour d’interpréter ceux de l’aile sud. On y retrouve la marque de deux projets successifs : un seul mur (u) appartient au premier projet ; les autres (v et w) appartiennent au second, avec un même décalage de 3 m vers l’extérieur. Les amorces de fondations du mur (v) rappellent les refends (k, 1 et m) de l’aile septentrionale (plan vii). La grande différence entre les deux ailes du deuxième projet réside dans la longueur des tranchées. Au sud, elles s’arrêtent devant les levées de terres des défenses avancées de l’enceinte urbaine et atteignent environ 108 m, alors qu’elles n’ont que 71 m au nord.
8.1.6 Vestiges extérieurs liés à la construction du château
8.1.6.1 Une aire de taille des pierres (t)
24Observée en coupe sur 16 m de longueur, cette zone est située approximativement au centre de la cour formée par les trois ailes (plan vi, t). Elle présente une succession de sols de travail en rapport avec la construction du château : gâchage de plâtre et de mortier, taille de la pierre. L’étendue de cette zone d’activité, la seule observée sur le site, n’est pas connue.
8.1.6.2 Deux tranchées (r, s)
25Deux tranchées est/ouest, situées de part et d’autre de l’aile transversale nord, ont été fouillées rapidement (plan vi, r, s). Leurs limites orientales ne sont pas connues en raison de remaniements ultérieurs. La tranchée méridionale(s) est un peu plus étroite que la tranchée septentrionale (r) : 0,85 à 0,95 m contre 1,05 à 1,20 m. Elles présentent toutes les deux un profil en « U ». Leur remplissage est homogène, des traces de piétinement subsistent uniquement dans la tranchée méridionale. Un niveau de sol perceptible sur les bords du creusement, à une altitude de 33,45 m ngf, se situe sous une partie des limons jaunes de régalage, ce qui permet d’associer ces tranchées au premier projet. Ce fait semble confirmé par la position des tranchées qui sont symétriquement disposées de part et d’autre (à 28 m) des tranchées du premier projet et pas du second.
26La fonction de ces tranchées n’apparaît pas directement. Seule leur position par rapport au parcellaire des maisons du quartier devant l’enceinte urbaine fait penser à des fossés‑limites, destinés peut‑être à borner les acquisitions de parcelles (cf. supra § 6.4.6).
8.1.6.3 Les carrières et fosses d’extraction de matériaux
27L’étroite bande de terrain entre la tranchée (r) et les limites d’emprise du chantier archéologique recèle une série de fosses et de dépressions, comblées, puis recouvertes en dernier ressort par des épandages de gravats plâtreux, de couches organiques et cendreuses, dont il sera question plus loin (cf. infra § 8.2.2) (plan vi). Deux de ces fosses (F 2 et F 3) se caractérisent par leurs grandes dimensions. La première mesure environ 30 m de long pour seulement 4 à 5 m de large dans sa partie supérieure ; sa profondeur moyenne est de 0,90 m. La deuxième forme une dépression d’environ 21 m de long et de plus de 30 m de large ; elle est moins profonde (0,60 m après le niveau de décapage). Toutes deux sont orientées est‑ouest, parallèles l’une à l’autre. Les modalités de creusement de ces fosses ont pu être déterminées lors de la fouille, Parallèlement à l’extraction de matériaux nécessaires pour la construction (essentiellement des sables présents sous les limons jaunes en place), les limons bruns, non utilisés, furent rejetés en arrière du front d’extraction et servirent à constituer des niveaux de circulation. Des ornières (q) creusées dans ces limons attestent le passage répété de véhicules, sans doute des tombereaux évacuant les sables. Deux autres fosses (F 1 et F 5), plus petites (environ 5 m de diamètre), mais aussi plus profondes (plus de 3 m), sont localisées au‑delà de l’ancien mur de jardin du faubourg. Entamant profondément les couches de sables et graviers du sous‑sol, ce sont manifestement des trous d’extraction de matériaux pour la construction du château. Toutes ces fosses sont remplies d’un mélange de remblais divers et de couches organiques dont le tassement a entraîné la formation d’une cuvette, comblée à son tour d’une alternance de matériaux organiques, de cendres et de gravats.
28Plus au sud, l’espace entre les deux ailes du château des Tuileries est occupé presque entièrement par deux vastes carrières (y et z). L’une d’elles (y), reliée par une tranchée de faible profondeur à une fosse de dimensions plus réduites (x), mesure environ 1 000 m2 (36 x 35 m dans les plus grandes dimensions). Elle recoupe la tranchée(s) et l’aire de taille (t) liées au projet du château des Tuileries et lui est donc postérieure. Ses contours sont relativement réguliers, avec quelques segments curvilignes. Après l’extraction des sables et graviers du sous‑sol sur une profondeur d’environ 4 m, ce vaste creusement a été comblé rapidement avec des graviers mêlés à du limon et à du sable, recouverts ensuite de couches quasiment horizontales de gravats, puis à fort pendage sud‑nord et nord‑sud. Enfin, dans la partie supérieure, quelques épandages de matériaux organiques comblent les dernières cuvettes non rebouchées.
29La deuxième carrière (z) est également un creusement aux dimensions imposantes (8 x 16 m), s’étendant jusqu’à proximité des fondations de l’aile méridionale. Elle aussi est remblayée avec des limons mélangés. La petite fosse(x) appartient au même ensemble. De plan ovale (2,80 x 3,60 m), elle est creusée dans le limon brun, puis dans les sables et graviers jusqu’à une profondeur de 3,50 m (28,70 m ngf). Sur son flanc septentrional se greffent deux amorces de galeries, l’une vers l’est et l’autre vers l’ouest, manifestement abandonnées. Peut‑être faut‑il y voir la marque d’un procédé d’extraction en sape analogue à celui mis en évidence dans la carrière gallo‑romaine. Après la phase d’extraction, la base de la fosse est comblée avec des remblais divers (limon brun, sable, graviers, gravats, etc.), ainsi que des matériaux provenant de l’effondrement des parois. Suite à des éboulements répétés, une tentative de consolidation marque la volonté de maintenir la fosse ouverte, au moins provisoirement. La partie supérieure des parois est alors tant bien que mal renforcée à l’aide de moellons éclatés, liés par endroits avec un mortier de sable et de chaux. Cet aménagement précaire est vraisemblablement lié à la dernière phase de remplissage de cette fosse, lorsqu’elle est comblée avec une série de couches organiques, poudreuses, de couleur brun, roux et noirâtre (cf. infra § 8.2.2)4. La corrélation parfaite entre l’arrêt du remplissage limoneux et le niveau supérieur des sables et graviers –particulièrement instables– du substrat, puis le remplissage organique au niveau des limons bruns plus stables, n’est certainement pas fortuite. Malgré la pauvreté des couches, les rares artefacts permettent de dater le comblement initial de la carrière (y) et la fosse d’extraction (z) de la seconde moitié du xvie s. La carrière (z) est peut‑être un peu plus récente, d’après le mobilier du début du xviie s. qu’elle a livré5. Ces vastes excavations sont des traces manifestes des chantiers de construction et d’extension du château.
8.1.7 Destruction et récupération des murs du château des Tuileries
30La récupération des murs de l’aile latérale nord est fort récente. Stratigraphiquement c’est même la dernière activité sur le site, car le comblement des tranchées est apparu directement sous la couche végétale du jardin actuel. D’après les quelques éléments de mobilier, cette récupération peut être datée avec vraisemblance de la démolition en 1883 et être donc imputée à l’entrepreneur Achille Picart.
31Les travaux de démolition des fondations de Philibert de l’Orme ont dû se faire d’ouest en est, en commençant par les murs qui affleuraient l’arasement du corps principal du château, c’est‑à‑dire les murs du second projet (f, g et h), puis en suivant les tranchées rectilignes. Le mur (a) du premier projet a également été récupéré, mais semble‑t‑il à partir de son extrémité orientale.
32Les tronçons de murs subsistant par endroits dans les tranchées (a, f et g) pourraient s’expliquer soit par une difficulté de démontage (mortier plus solide qu’ailleurs ?), soit par la volonté de les intégrer dans l’infrastructure du chantier, par exemple en les utilisant comme escalier pour faciliter l’extraction des pierres.
33Il est surprenant qu’aucun historien du xixe s. n’ait semble‑t‑il suivi les travaux de Picart, qui étaient pourtant l’occasion de connaître l’ampleur du projet initial de Philibert de l’Orme.
8.1.8 La marque archéologique d’un projet abandonné
34La mise au jour de murs appartenant au projet initial des Tuileries de Philibert de l’Orme constitue un bel exemple d’une découverte archéologique débouchant directement sur des résultats significatifs dans le domaine de l’histoire de l’architecture. Les fouilles ont mis en évidence l’existence de deux projets très semblables, se succédant rapidement. Elles fournissent un plan inédit et une chronologie relative des travaux exécutés entre 1563 et 1572. Elles apportent aussi des indications sur les techniques de construction. Ces résultats doivent être confrontés aux données rassemblées par les historiens de l’art pour aboutir à une vision plus complète d’une des œuvres majeures de Philibert de l’Orme (cf. infra § 8.1.9).
35Le dégagement des fondations des ailes latérales du château, jetées au travers des maisons et des tuileries établies devant l’enceinte, permet dorénavant de préciser le plan originel du château, constitué d’un corps principal et de deux ailes en retour d’équerre. Aucune trace d’une quatrième aile, fermant le château à l’est, le long de l’enceinte urbaine, n’a été trouvée. Mais rien n’autorise à affirmer que celle‑ci n’était pas prévue. Les stades variables d’avancement des travaux (fondations plus longues au sud, plus courtes au nord, malgré un arrêt apparemment net) ne procurent aucune certitude.
36Ce projet initial ne fut jamais réalisé, mais les travaux étaient déjà très avancés lorsque le chantier fut arrêté. Le plan dégagé par les fouilles présente beaucoup d’analogies avec celui qu’Antony Blunt déduisit des écrits de Philibert de l’Orme, si ce n’est l’absence d’une quatrième aile et celle des pavillons doubles à la jonction du corps principal et des ailes latérales (Blunt 1958 : 108‑125).
37Une question demeurant ouverte est celle de la raison de deux projets, si semblables. Il est évident qu’une telle modification devait entraîner des conséquences sérieuses sur l’élévation du bâtiment et sur l’ordonnance du décor en façade. Si on ne peut fournir d’explication archéologique, il est peut‑être possible de préciser la chronologie des événements et le contexte général du déroulement des travaux.
38Il apparaît clairement que les bâtisseurs se sont trouvés confrontés à plusieurs reprises, lors de la construction de l’aile septentrionale, aux parcelles du faubourg. Le premier projet est très exactement limité au mur parcellaire M 1, tandis que le second traverse deux des propriétés (nos 3 et 4), empiétant largement sur les jardins mais s’arrêtant devant le bâti. Il en résulte une différence de longueur entre les deux ailes de ce projet (71 m au nord, 108 m au sud). Au nord, le bâti a constitué manifestement un obstacle empêchant la poursuite des terrassements. Il est tentant de voir dans ces différents stades d’avancement le reflet des difficultés de Catherine de Médicis pour l’acquisition des terrains à bâtir. Les expropriations commencent en 1565 et se poursuivent jusqu’en 1569. Dans les comptes de l’hospice des Quinze‑Vingts, pour l’année 1565‑1566, les maisons situées sur le « chemin des fossés » sont mentionnées comme existant encore. En 1566‑67, elles semblent achetées, et dans le compte de 1567‑1568, celles dont la démolition était nécessaire à la réalisation du projet sont déclarées « abatues et aplicquées au pallais de la Royne mère »6. La modification de projet semble donc pouvoir être située en 1566 ou 1567. Elle est sans doute postérieure au retour de la reine après son voyage à travers la France effectué avec le roi Charles IX du 24 janvier 1564 au 1ermai 1566.
8.1.9 L’apport des fouilles à l’histoire de l’art : les trois projets des Tuileries7
39j. guillaume
40Les nouveautés apportées par les fouilles ne concernent pas directement le « palais » construit pour Catherine de Médicis par de l’Orme puis Bullant à partir de 15648, mais les deux ailes perpendiculaires qui furent un moment projetées, et même entreprises, du côté opposé au jardin. Sans doute, les historiens des Tuileries avaient‑ils depuis longtemps soupçonné qu’une cour bordée par deux ailes avait été prévue par de l’Orme, mais ils ne savaient pas que les fondations de ces ailes avaient été effectivement commencées et que l’architecte avait même modifié leur emplacement en cours de travaux.
41Dans un premier temps, en effet, deux tranchées parallèles, longues de 43 m, furent creusées du côté nord et une autre, de même longueur, du côté sud : elles s’arrêtent à la limite d’un terrain qui n’était pas encore acquis par la reine. La tranchée sud et la tranchée « intérieure » nord se situent à 42,5 m du centre du palais, la tranchée « extérieure » nord 11 m plus loin. Ces vestiges prouvent que de l’Orme a entrepris au nord la construction d’une aile large d’une douzaine de mètres9 et, peu après, celle d’une aile sud symétrique en commençant par le mur longeant la cour. Ce dernier était à peine commencé que l’architecte décida d’élargir la cour en repoussant de 3 m ses côtés. Il fallut donc creuser de nouvelles tranchées. Cette fois le travail fut mené plus loin : les tranchées parallèles se développent sur une longueur de 108 m au sud et de 71 m au nord –où elles s’arrêtent devant des maisons qui seront démolies seulement en 1567‑1568 (cf. supra § 8.1.8).
42Ce changement d’idées eut lieu certainement très tôt car il précéda la construction de la façade sur cour du bâtiment principal. Le plan de restitution élaboré par Jean Blécon (fig. 257) montre en effet clairement que les premières fondations se situent de chaque côté au droit de la dernière fenêtre de la façade. L’élévation prévue exigeait que l’on déplaçât l’aile afin de libérer cette fenêtre, de telle sorte que l’espace compris entre le dernier pilastre et le mur en retour soit égal à l’espace compris entre le premier pilastre et l’avant‑corps central. Nous ne saurons probablement jamais si ce repentir s’explique par un changement d’idée de l’architecte ou par une erreur des exécutants, mais nous comprenons à travers cet épisode que les fondations des ailes ont été entreprises avant que l’on commence à construire la façade sur cour du corps ouest. Il faut donc admettre que les ailes étaient prévues dès le départ et que le chantier fut conduit, au début, avec la plus grande hâte, sur les trois côtés de la cour.

FIG. 257 – Plan du château des Tuileries avec localisation des vestiges archéologiques découverts en 1985‑1986, puis en 1989‑1990 sur le plan de Le Vau. 1 château des Tuileries : A maçonneries figurées sur le plan Le Vau (AN Va 599), conformes à Androuet du Cerceau ; B maçonneries figurées sur le plan de Le Vau (AN Va 599), différentes de du Cerceau ; C état à la fin du xviies. ; D limites de fouilles ; E ailes projet 1 ; F ailes projet 2.
Dessin J. Blécon
43Quel aurait été l’aspect de ces ailes ? Les murs de refend découverts lors des fouilles –cinq au nord dont quatre complets, deux amorces au sud situées dans l’alignement des quatrième et cinquième murs de refend nord– invitent à penser qu’elles devaient être occupées par des pièces destinées à des logements et aux services. Pièces bien nécessaires puisque le bâtiment principal, entièrement occupé par les deux appartements royaux au rez‑de‑chaussée, ne possédait aucun espace de service. Il était en effet dépourvu de sous‑sol et n’offrait que des possibilités de logement limitées au premier étage : deux grandes pièces sous comble dans le corps central et quatre pièces au premier étage des pavillons, accessibles par les petits escaliers droits qui partent du portique ouvert sur le jardin. À l’extrémité est des deux ailes étaient probablement prévus d’autres bâtiments : des pavillons d’angle et une aile d’entrée basse, ou réduite à un mur, parallèle au fossé de l’enceinte de Charles V.
44Si étrange que cela paraisse, ce projet à ailes, très cohérent, fut vite abandonné. Du côté nord, en effet, où les tranchées n’avaient pu s’étendre sur plus de 71 m, le travail ne reprit pas après la démolition des maisons en 1567‑1568. La crise provoquée par les deuxième et troisième guerres de Religion, de 1567 à 1570, explique sans doute que la reine ait réduit ses ambitions et décidé d’élever seulement le corps central et ses deux pavillons. En tout cas, c’est cette construction qu’elle juge « presque achevée » en 157410, alors que l’une des ailes du corps bas n’a encore ni portes ni fenêtres, que le pavillon sud attend ses planchers et sa couverture11 et que le pavillon nord, commencé probablement par de l’Orme suivant un plan différent de celui du pavillon de Bullant, est resté en attente...12. Par rapport au premier projet, le changement est considérable : tout ce qui rappelait le type architectural du château –la cour, les pavillons aux angles– a disparu ; le bâtiment réalisé, avec son volume bas, son niveau principal en rez‑de‑chaussée, sa loggia ouverte en direction du jardin, est conçu désormais comme une « villa », satellite du château du Louvre.
45L’abandon du plan à ailes a eu des conséquences sur la façade est (fig. 258). Dans le corps central, l’ordonnance prévue dut être prolongée d’une travée correspondant à la partie comprise entre le mur en retour de l’aile et le pavillon. À l’emplacement de la porte destinée à faire communiquer la deuxième pièce (première antichambre) avec l’aile, de l’Orme (ou Bullant si les travaux n’ont repris qu’après la paix de Saint‑Germain, en 1570) disposa une travée de fenêtre et, comme celle‑ci était très proche de la précédente, séparée d’elle par un simple pilastre, il reprit le motif des travées jumelées réunies par un fronton commun utilisé de part et d’autre de l’avant‑corps central. Les deux moitiés de la façade formaient désormais des compositions autonomes, conclues à chaque extrémité par le même motif. Dans le pavillon, qu’il détacha par un léger ressaut, Bullant dut introduire à l’angle une travée pleine à pilastres jumelés, au droit du mur de refend épais contenant l’escalier droit, qu’il fit ensuite alterner avec les fenêtres.

FIG. 258 – Façade orientale du château des Tuileries. Daguerréotype anonyme, Relève de la garde aux Tuileries, vers 1842‑1848.
Cliché Société française de photographie/Paris.
46La découverte des fondations des ailes invite enfin à s’interroger de nouveau sur le grand plan des Tuileries publié par Androuet du Cerceau en 1579. Les ailes encadrant la cour centrale de ce « grand projet » se trouvent en effet à l’emplacement exact des ailes commencées par de l’Orme ; elles ont la même largeur (12 m hors tout) et une longueur de 109 m environ, celle des fondations de l’aile sud13. Le grand édifice, constitué en réalité de deux châteaux jumelés, destinés au roi et à la reine mère, occupe exactement tout l’espace compris entre le fossé de Charles V, la Seine et les écuries déjà construites du côté nord (fig. 259). Ces coïncidences pourraient faire croire que le plan gravé correspond au projet de de l’Orme, au moins pour sa partie centrale. Or, il n’en est rien. Les ailes sont des portiques ouverts sur la cour et non des bâtiments divisés en pièces ; Androuet du Cerceau leur a donné la largeur prévue par de l’Orme –une dizaine de mètres à l’intérieur– parce qu’il connaissait son plan et les fondations déjà en place (auxquelles il fait allusion dans son texte de présentation), sans se rendre compte qu’une telle largeur est peu vraisemblable pour une galerie ouverte ou fermée qui n’a normalement jamais plus de 7 à 8 m de large. Androuet du Cerceau ne reprend donc pas le projet de de l’Orme : comme l’a bien vu Blunt, il imagine à partir de son plan à cour très partiellement réalisé (et définitivement abandonné dès 1571) un château « idéal » du type de Charleval14. Si ce projet gigantesque a pu un moment faire rêver Catherine et Henri III15, il ne peut correspondre, comme le dit du Cerceau, à un premier dessin auquel la reine serait restée fidèle puisqu’elle‑même avait renoncé à tout projet avec cour lorsqu’elle fit construire le pavillon de Bullant16.

FIG. 259 – Projection du plan‑masse du château des Tuileries donné par Androuet du Cerceau sur les vestiges découverts en 1985‑1986 et 1989‑ 1990 : A du Cerceau ; B murs d’escarpe et de contrescarpe ; C limites de fouilles ; D fondations des Tuileries retrouvées lors des fouilles.
Dessin J. Blécon.
47Trois projets différents se sont donc succédé. Le premier est assez ambitieux : un château‑villa capable de loger la reine, lié à la création du jardin, à la construction des écuries, à l’édification d’une nouvelle enceinte, au projet d’une liaison Louvre‑Tuileries. Catherine, à notre avis, reprend en l’amplifiant le parti du château Neuf de Saint‑Germain‑en‑Laye, bâtiment bas à cour et deux logis symétriques, prolongé peut‑être par deux galeries17. Le second est modeste : une villa destinée à de brefs séjours à côté du jardin. Le troisième est un palais royal double, idéal et irréel. La découverte des fondations des ailes a permis de mieux comprendre ces épisodes successifs.
8.2 Création du jardin Neuf
48L’aménagement du vaste espace derrière le corps principal du château, seul construit, a été long à réaliser. Outre le désintérêt de la reine mère, les difficultés financières, mais aussi les troubles religieux et les événements de la Ligue ont provoqué progressivement l’arrêt de toute activité de construction dans le château. Pendant de longues années, les terrains s’étendant jusqu’aux fossés ont dû rester à l’abandon, parsemés de trous mal comblés, couverts de débris provenant des destructions des maisons du faubourg. Près de la Seine, les derniers tuiliers se sont efforcés de maintenir une certaine activité, mais ils doivent définitivement quitter les lieux avant la fin du siècle (cf. supra § 7.4.1). Cette longue période d’inactivité n’a pas laissé de traces nettement reconnaissables, sinon les couches de destruction des dernières tuileries (cf. supra § 7.2.4).
49La situation change avec les premiers travaux d’aménagement entrepris par Henri IV. Archéologiquement, deux épisodes marquent cette nouvelle étape : la construction d’un mur de soutènement sur l’ancien mur de contrescarpe et le remblaiement suivi du régalage généralisé du terrain. Destinés à la création d’un jardin, ils ont entraîné une modification significative de la topographie, faisant disparaître l’ancien relief en créant un plan horizontal grâce aux terres rapportées.
50Très différents par leur nature, ces travaux le sont aussi par l’approche méthodologique qu’ils ont nécessitée. Le mur de soutènement, qui a fait l’objet d’un devis détaillé (cf. infra § 8.2.1), est daté avec précision et associé sans ambages à l’aménagement du jardin. En revanche, les épandages formant le remblaiement du terrain posent de nombreux problèmes d’interprétation, portant sur la durée de leur accumulation comme sur le but originel du phénomène.
8.2.1 Le mur de soutènement du jardin Neuf
51Le mur de contrescarpe, construit au début du xvie s., est réutilisé au début du xviie s. pour asseoir le mur18 de soutènement des terres du jardin Neuf, créé par le jardinier Claude Mollet à partir de 1600 entre le château et le fossé. La datation de ce mur de terrasse est bien établie par le devis19 qui arrête les conditions de sa construction (Babelon 1978 : 84). Il est signé le 16 février 1601 et prévoit une durée des travaux de deux ans probablement. Sa fonction de soutènement est explicitement soulignée ; son extension, depuis la Porte neuve, est limitée à « la largeur dudit jardin », mesurant 140 toises (environ 275 m) en tout. Il affirme très clairement aussi la présence du mur de contrescarpe, puisqu’il annonce la démolition d’une assise de la « vieille maçonnerie de laquelle le mortier est pourry et corrompu » et un « remaçonnage » ou plutôt rejointoyage sur une hauteur de 14 pieds.
52La distinction entre la contrescarpe du xvie s. et l’adjonction du début du xviie s. n’est pas toujours aisée à faire, à cause de la construction d’un grand égout contre le mur d’escarpe, après le comblement du fossé. Les coupes effectuées à travers le mur montrent clairement que la limite entre la contrescarpe du début du xvie s. et le mur de soutènement se trouve à l’emplacement de l’ancrage de la voûte de cet égout20 dans le mur (fig. 101, no 5 ; fig. 260) (cf. supra § 5.6).

FIG. 260 – Mur de soutènement du jardin Neuf construit au début du XVIIe s. sur le mur de contrescarpe de l’enceinte urbaine ; à gauche, égout du xviiie s. (cf. § 8.2.1) recouvrant l’égout antérieur du XVIe s. (cf. supra § 5.5.2).
Cliché FJC
53À mi‑hauteur environ, et sur toute la longueur, ce mur présente un ressaut qui peut être interprété comme une assise de réglage. Il correspond manifestement aussi à un changement dans le parement. Les blocs de calcaire, chanfreinés sous le ressaut, ne le sont plus au‑dessus. De même, les assises sont dissemblables. Alors que celles situées sous le ressaut ont des hauteurs variables, celles au‑dessus sont décroissantes du bas vers le haut. Des différences se retrouvent encore dans les joints. Larges de 2 à 4 cm et pourvus de nombreux calages de tuiles et de pierres dans la partie basse, ils sont plus étroits au‑dessus (5 à 1 mm en moyenne) et ne présentent quasiment plus de cales.
54À l’arrière, le mur est pourvu de contreforts destinés à ancrer la maçonnerie dans la terre qu’elle devait retenir. De longueur variable, mais équivalent grosso modo à l’épaisseur du mur, ils sont profonds d’environ 3,50 à 4 m sous le niveau d’arasement actuel. Ces contreforts sont construits de manière assez sommaire. Les pierres non équarries qui les constituent sont liées par un mortier très maigre, contenant beaucoup de sable. L’ensemble est assez fragile et lors des fouilles, il a fallu rapidement abattre ces maçonneries qui menaçaient de s’effondrer. Peu d’observations ont donc été faites sur ces contreforts, mais les sondages de 1985 avaient mis en évidence le caractère modulaire de leur plan, avec une longueur égale à l’épaisseur du mur et un espacement entre eux égal à deux épaisseurs de mur (Dufaÿ 1985a : 3).
55Malgré les différences entre les parties se trouvant au‑dessus et au‑dessous du ressaut, la construction du mur de soutènement marque une volonté évidente de continuité avec la partie préexistante. Le fruit général de la contrescarpe est respecté et les assises conservées ne présentent pas de différences flagrantes. Le module des assises, la présence ou l’absence de chanfrein sur les blocs ne constituent apparemment pas des critères distinctifs. L’analyse des pierres conclut à l’emploi d’un même calcaire (calcaire à débris roulés).
56Des marques de tâcheron ont été observées sur le mur, mais elles sont nombreuses uniquement dans la partie sud du site. Sur les assises inférieures21, elles sont de bonne facture et sont associées à des marques au crayon noir ; sur les assises supérieures le travail est moins appliqué et les marques sont liées à un trait de crayon bleu. Au‑dessus de l’assise sur laquelle se trouve le ressaut, elles disparaissent complètement.
57De fréquentes anomalies marquent la construction de ce mur. Plusieurs assemblages à crosse indiquent des réfections multiples. Des trous peu profonds sont taillés dans le parement. Mesurant approximativement 0,20 m de côté, ils sont visibles de la onzième assise jusqu’au sommet. Ils sont disposés sur des joints de pierre ou dans des angles mais rarement au centre des blocs, ceci vraisemblablement pour une raison d’économie de taille. Leur disposition n’est pas régulière, malgré des alignements verticaux et des espacements parfois semblables. La faible profondeur n’autorise pas une interprétation comme trous de boulin. Peut‑être s’agit‑il simplement de trous ayant servi à ancrer un étalement. Un tel dispositif a été peut‑être nécessaire au moment de la construction de l’égout postérieur, pour retenir les terres de comblement du fossé après le creusement de la tranchée de fondation.
58Le couronnement du mur n’est conservé nulle part. En un seul endroit, devant l’actuel arc du Carrousel, deux blocs marquent l’emplacement d’une structure en encorbellement, dont aucun autre élément ne subsiste (fig. 106b). Ce sont vraisemblablement les points d’ancrage d’un de ces éperons ou balcons rectangulaires construits en surplomb au‑dessus du fossé. Visibles sur les plans de Quenel (1609), de Mérian (1615), de Tavernier (1630) et de Gomboust (1632), restitués par Berty, ils servent de point de vue et font partie de l’aménagement du petit jardin des Tuileries. Au nombre de trois, ils sont placés aux extrémités des allées principales du jardin dans le sens est‑ouest. Les restes de balcon observés correspondent précisément à l’allée centrale, dans l’axe du pavillon d’entrée du château.
8.2.2 Les épandages : un remblai pour le jardin Neuf
59Une masse importante de couches organiques, très riches en ossements d’animaux (90 à 95 % des artefacts) et inversement pauvres en céramique, est apparue dès les premiers décapages dans la partie nord‑ouest du site (plan vi). Recouvrant une surface d’environ 70 x 50 m (soit un peu plus de 3 500 m2) et observées en coupe sur une épaisseur de près d’ 1,50 m, ces couches se présentent sous la forme de nappes de 0,30 à 0,60 m d’épaisseur environ. Faisant disparaître les ultimes traces des différentes fosses d’extraction, très imparfaitement comblées, ces épandages s’étendent manifestement vers le nord, hors de l’emprise du chantier archéologique. Vers le sud, ils recouvrent la tranchée (r) et disparaissent à hauteur de l’aile septentrionale du château des Tuileries22. Vers l’est, ils ensevelissent en partie les jardins des parcelles du faubourg, mais ne dépassent pas les limites du bâti des maisons. Vers l’ouest, leur extension semble déterminée par la présence du château des Tuileries.
60Les coupes effectuées dans ces couches font toutes apparaître une succession de gravats plâtreux et de matière organique, étalés sur le sol d’origine. Lors des terrassements, le choix de conserver ou non ces formations s’est rapidement posé. Étant donné les impératifs de temps et l’étendue des couches organiques, seuls quelques espaces ont été préservés pour être exploités. Les méthodes d’étude, très rapides, ont varié selon les endroits mais se sont efforcées de dégager l’organisation générale des épandages. Devant un tel phénomène, les nombreuses questions qui se posent portent principalement sur l’identification et la chronologie du dépôt, mais aussi sur son fonctionnement. À première vue, on peut penser à une décharge (une « voirie »), mais il faut envisager aussi la possibilité de remblais remaniés. Dans cette perspective, il importe de savoir quand ces fosses ont été creusées et pendant combien de temps elles sont restées ouvertes ; il s’agit de préciser la nature des déchets constituant les épandages et les remplissages des fosses, ainsi que l’origine de la matière organique. L’observation de niveaux blanchâtres entre les couches noires et organiques soulève la question d’éventuelles mesures d’assainissement, voire de protection. Dans ce cas encore, il faut préciser la nature de ces couches (gravats de plâtre plutôt que de la chaux). Enfin, il reste à expliquer la présence de ces dépôts dans le voisinage particulier du château des Tuileries et à l’emplacement du jardin Neuf, aménagé à partir de 1600.
8.2.2.1 Éléments d’analyse
61Afin d’apporter des éléments de réponse, de nombreuses études du mobilier (monnaies et jetons, céramique, verre, faune [mammifères, oiseaux et poissons]) ont été effectuées.
Le numéraire
62Au total, un ensemble de 224 monnaies et jetons (dont 186 en contexte) a été découvert dans les niveaux d’épandage (tabl. xvii). Leur état de conservation est très mauvais. Toutes les monnaies sont encroûtées, oxydées à cœur. L’alliage des jetons a plutôt mieux résisté que celui des monnaies, même en billon. Cette aspect est caractéristique d’une conservation des monnaies en milieu de décomposition organique très puissant, tel que remplissage de fond de latrines, compost... De très nombreuses traces de brindilles ou de brins d’herbe sont visibles dans l’oxydation du métal.

TABL. XVII – Monnaies et objets monétiformes provenant des épandages.
TABL. XVII (suite) – Monnaies et objets monétiformes provenant des épandages.

TABL. XVII (suite et fin) – Monnaies et objets monétiformes provenant des épandages.
63Leur répartition chronologique fournit des indications précieuses. La figure 261 présente le nombre de pièces datées précisément, à l’année près.

FIG. 261 – Épandages de la fin du XVIes. : nombre de pièces datées à l’année près.
Dessin P.-J. Trombetta/SRA Île-de-France
64Dans les deux autres graphiques (fig. 262, 263), ce sont les fourchettes chronologiques de frappe des monnaies qui sont prises en considération, en fonction des règnes, tant pour les monnaies royales que féodales. Le premier graphique fournit l’année du début de la fourchette ; le second, la fin de celle‑ci. L’analyse de ces diagrammes autorise un certain nombre de conclusions quant à la chronologie et à la durée de formation de ces couches. Le corpus numismatique indique un processus de déposition étalé. Celui‑ci commence vraisemblablement à la fin du règne d’Henri III, compte tenu de l’absence quasi totale de monnaies résiduelles des règnes antérieurs et de l’accroissement du nombre de monnaies dans les trois graphiques à partir des années 1588‑1590. Le dépôt se poursuit de façon intensive durant toute la fin du xvie s. et ne s’interrompt que durant la première décennie du xviie s.

FIG. 262 – Épandages de la fin du xvies. : début des années de frappe des monnaies royales et féodales.
Dessin P.-J. Trombetta/SRA Île-de-France

FIG. 263 – Épandages de la fin du xvie s. : fin des années de frappe des monnaies royales et féodales.
Dessin P.-J. Trombetta/SRA Île-de-France
65Les monnaies les plus récentes sont deux féodales de Château‑Renault, qui peuvent avoir été frappées jusqu’en 1614, mais ont vraisemblablement été émises avant 1610. En effet, bien qu’il faille se méfier des critères négatifs, on peut remarquer l’absence de doubles tournois de Louis XIII, de doubles tournois féodaux –Arches par exemple–, qui sont largement diffusés à partir du début du règne de Louis XIII. Dans le domaine des jetons, l’absence des productions de Nuremberg des maîtres Hans Schultes III (1608‑1612) et Hans Krauwinckel II (1586‑1635), très importantes durant le règne de Louis XIII, est également significative ; en particulier l’absence de jetons à l’effigie d’Henri IV, qui sont très fréquents à la fin de son règne et après sa mort. En conclusion et sous réserve d’une légitime prudence, une durée de formation des couches de 1587 à 1610 peut être donnée sans grand risque de se tromper, ou de 1590 à 1605, plus hypothétiquement.
La céramique
66De même que pour le numéraire, aucune évolution de la céramique n’est perceptible à travers les différents niveaux d’épandages. Globalement, les productions parisiennes dominent avec 64 % des comptages23. Ce sont essentiellement des pots à cuire, coquemars et surtout des pots tripodes, mais aussi des bassins à suspendre, des jattes, des plats et des écuelles. Ces formes sont engobées (42 %) et glaçurées (17 %). D’autres, non glaçurées et non engobées (5 %), sont aussi présentes : couvercles, pots de fleurs et tirelires. Parmi les productions en grès gris du Beauvaisis (18 %), les albarelles et les pichets sont les principales formes représentées. Le grès brun de Normandie (sinots) est, avec 14 %, exceptionnellement abondant comparé aux parcelles (cf. supra § 6.3.2.4), au fossé de l’enceinte urbaine (cf. supra § 5.9) ou à certains ensembles voisins de la cour Napoléon (Ravoire 1996). La pâte fine blanche glaçurée du Beauvaisis, tout comme la majolique, ne dépasse pas 1 % du total. Sa présence constitue un élément non négligeable pour la datation des épandages (Ravoire 1994c). À ce décompte, il faut ajouter 3 % de productions diverses, dont 0,6 % de productions communes extra locales, sans oublier quelques éléments singuliers, tel un petit vase en pâte fine brun‑rouge, à décor d’appliques estampées, incrusté de petits fragments de minéraux blancs. Dans la fosse voisine (F 2), les céramiques sont tout à fait semblables. En particulier, les faïences sont également abondantes et tout aussi fragmentées. Une base de coupe jaspée de Palissy, ainsi qu’un fragment de navette « au buste de femme » en faïence fine ont été découverts dans cette fosse. Ce mobilier peut être daté de la fin du xvie s. ou du début du xviie s. Quelques pièces méritent une présentation plus détaillée.
Les faïences polychromes
67Ces faïences (majoliques) sont extrêmement fragmentées, sauf deux plats et une albarelle qui sont archéologiquement complets. Le style des décors reconnus sur ces tessons est surtout ornemental et exceptionnellement historié. Le décor dit « a istoriato » orne un plat en camaïeu bleu avec des rehauts jaunes et orangés (fig. 264, no 1 ; fig. v). On reconnaît les toits d’une ville sous un ciel nuageux. Ce type de décor a été largement diffusé dans la seconde moitié du xvie s. En lisière, de petits traits verticaux bleus sur fond orangé cernent la composition. Ces éléments stylistiques sont connus sur les productions d’Urbino de la fin du xvie s. C’est à ces productions que pourrait être rattaché ce plat.

FIG. 264 – Céramiques du XVIes. et du début du XVIIe s. provenant des épandages : 1 plat en faïence à décor historié ; 2 plat en faïence à décor ovali e rombi ; 3 pilulier en faïence à décor d’inspiration végétal ; 4 salière en faïence blanche à décor moulé ; 5 panse cannelée en faïence blanche ; 6‑7 base de pichets en faïence blanche ; 8 navette en faïence fine ; 9 pichet à incrustations.
Dessin Chr. Hochstrasser et F. Renel

FIG. V – Majolique italienne, Ligurie, fin xvie‑début xviie s.
Cliché FJC.
68Le décor ornemental polychrome dit « ovali e rombi » (Cora 1973), bleu, jaune‑orangé, vert, blanc, orne un plat (fig. 264, no 2 ; fig. W), typique des ateliers de Monteluppo (près de Florence), où il est daté de la première moitié du xvie s. (Vannini 1977 : XXIX). Ces plats ont été largement diffusés. Un exemplaire presque identique a été trouvé en Belgique dans les fouilles de Rijkepijnder près de Bruges, dans un contexte daté des xvie‑xviie s. (Hillewaert 1988 : 129, 132, fig. 93). Un autre exemplaire similaire a été trouvé à Enkhuizen (Vannini 1977). Enfin, un autre a été trouvé au Maroc, dans les fouilles de Qsar‑es‑Seghir, dans un contexte antérieur à 1550 (Redman 1982 : 232, 3A, cité par Hurst et al. 1986 : 15). D’autres comparaisons de ce type de décor existent, mais avec un médaillon central différent. Ainsi aux Pays‑Bas, un plat a été trouvé à Dordrecht en association avec un plat en faïence espagnol daté de la première moitié du xvie s. (Hurst et al. 1986 : 15). En Provence, plusieurs exemplaires ont été signalés (Chausserie‑Laprée, Nin 1993 : 36 ; Güll 1993 : 44). En particulier deux plats proviennent d’un dépotoir à Martigues, daté du début du xvie s. (Chausserie‑Laprée, Nin 1993 : 32). Un autre a été trouvé dans l’épave de la Lomellina qui a coulé en 1516 (Guérout 1993). Le décor « a quartieri », bleu foncé, jaune‑orangé, vert d’eau, blanc, orne un fragment de coupe godronée (fig. x) trouvé hors contexte, dans le secteur des épandages, à l’ouest de la parcelle 7 (cf. supra chap. 6). Le décor est composé de rinceaux se terminant par des fleurons disposés dans des compartiments. Faenza a produit ce type de céramique à partir des années 1530‑1540 et en grande quantité durant la seconde moitié du xvie s. (Giacometti 1961 : 85). Le revers porte des traits concentriques jaunes et bleus, décor caractéristique de Faenza mais également de Sienne (Giacometti 1961 : 83).

FIG. W – Atelier florentin (Montelupo ou Cafaggiolo), plat à décor polychrome, première moitié du XVIe s. (cf. § 8.2.2.1 p. 328).
Clliché FJC.

FIG. X – Majolique italienne, Faenza (?), décor a quartieri, seconde moitié du XVIe s.
Cliché P. Charniot
69Plusieurs fragments de piluliers portent un même type de décor constitué de guirlandes de feuillages exécutées en bleu et de fleurons dont l’intérieur, ainsi que de larges bandes horizontales, sont peints en jaune sur le fond blanc (fig. 264, no 3). La forme et le décor de ces récipients sont proches des productions de Faenza des années 1520‑1525. Des tessons comparables ont été trouvés dans la parcelle 3 (cf. supra § 6.3.2.3).
La faïence blanche et la faïence blanche à décor « a compendario »
70Plusieurs petits fragments de majoliques sont simplement couverts d’un émail épais blanc opaque ou portent un décor « a compendario » (Liverani 1958). Ce type de décor comprend un dessin sur une partie du récipient et laisse une grande place au fond blanc. La plupart des tessons portent un fin dessin exécuté en ocre, jaune‑orangé et bleu, évoquant de fines guirlandes de fleurs. Faenza a lancé la mode de ce type de décor vers le milieu du xvie s. et la mode de la vaisselle blanche dans les années 1570. D’autres centres italiens firent de même jusque vers le milieu du siècle suivant. Les éléments d’anses rubanées, de coupes à mascarons et feuilles d’acanthes (fig. 264, no 4), de col cannelé (fig. 264, no 5) ou de bases de pichets ou d’aiguières (fig. 264, nos 6, 7) sont caractéristiques des productions du dernier tiers du xvie s. (Giacometti 1974 : 398 et sq.).
La faïence bleue à décor de camaïeu bleu
71Plusieurs fragments de majoliques portent un décor bleu sur fond bleu (non illustrés). Ce décor a été largement utilisé vers la fin du xvie s. et au xviie s. par les ateliers ligures de Savone et d’Albisola (Giacometti 1974 : 407).
Fragment de navette en faïence fine
72La partie conservée représente un buste de femme dénudée, portant un collier de grosses perles rondes et un pan de draperie sur le bras gauche (fig. 264, no 8). Ce type de récipient en forme de saucière a été fabriqué en Saintonge à la fin du xvie s. et au début du xviie s. (Chapelot 1975 : 79 ; Hurst et al. 1986 : 96‑97). C’est aux ateliers du Pré‑d’Auge ou de Manerbe (Gibbon 1986), près de Lisieux, qu’est attribuée la fabrication des navettes à buste de femme (Sur les pas de Palissy 1990 : 12‑13).
La porcelaine
73La présence d’un minuscule fragment de porcelaine chinoise dans les épandages mérite d’être signalée, car au xvie s., ce matériau est très peu répandu24 et seulement dans des milieux bourgeois ou aristocratiques25. La pâte est blanche tandis que la couverte est légèrement bleutée. Un décor de lignes courbes parallèles est visible sur le dessus.
Vase à incrustations
74Ce petit vase présente un décor d’inspiration florale sur la panse (fig. 264, no 9). Celui‑ci est obtenu par l’incrustation de gros grains de quartz blancs anguleux dans la paroi. La technique de la vaisselle incrustée est répandue dans le sud de l’Allemagne à la fin du xvie s. et au début du xviie s. (Hurst et al. 1986 : 237). La provenance de ce récipient reste cependant incertaine car les vases allemands semblent totalement incrustés, ce qui n’est pas le cas ici.
Les statuettes
75Quelques fragments de statuettes (fragments de jambes, de draps) ont été retrouvé dans les épandages. Ces objets modelés et/ou moulés étaient assez répandus au xvie s. si l’on en croit B. Palissy (Palissy 1580 : 20). Fabriquées en pâte fine beige ou blanche, dans des officines probablement spécialisées, ces statuettes étaient vendues à faible prix sur les marchés (Palissy 1580). Plusieurs ont été trouvées dans le dépotoir de l’abbaye de Chelles (Ravoire 1994a : 185).
76Un buste d’homme portant la barbe en pointe et le pourpoint, à la mode dans le dernier quart du xvie s. et le premier quart du xviie s., se distingue du lot par la finesse des traits et la qualité du modelé (fig. Y). La pâte est fine, ocre‑orangé. Des traces de polychromie sont visibles.

FIG. Y – Fragment de statuette modelée (dernier quart du XVIe s.‑premier quart du XVIIe s.).
Cliché FJC
Le verre
77La verrerie est peu importante26. Les trois catégories représentées sont le verre plat, le verre creux et la verroterie. Le lot est homogène et date, de façon large, de la seconde moitié du xvie s. et du début du xviie s. Les verres à pied refoulé sont utilisés plutôt au xvie s., tandis que les coupelles et les verres à boule ou à bouton évoquent le xviie s. Le mauvais état de conservation (usure et important taux de fragmentation) de la verrerie indique qu’elle a sans doute subi longtemps l’action des agents atmosphériques.
La faune
78Seule la fosse(x) au sud de l’aile septentrionale du château des Tuileries (plan vi) a fait l’objet d’une étude complète de la faune (Rodet‑Belarbi 1991). Une partie des ossements a été recueillie lors des fouilles. Le reste l’a été lors d’un tamisage à l’eau des sédiments. L’apport de cette méthode à la collecte des éco‑ et artefacts est indubitable. Elle a permis de remarquer que le nombre total de restes collectés dans le tamis est 9 fois plus important que celui des ossements mis au jour ailleurs. D’autre part, la quantité considérable d’esquilles ainsi prélevées est révélatrice du contexte dans lequel elles se trouvaient : 90 % d’ossements indéterminés de quelques centimètres de côté sont un bon indicateur de l’indice de fragmentation, élément important dont il faut tenir compte. Les pièces osseuses récupérées dans le tamis complètent favorablement la répartition sur le squelette. Les lacunes souvent présentes pour les ossements de petite taille –dents isolées, os malléolaires, os du carpe et du tarse, os sésamoïdes, phalanges...– sont en grande partie comblées. De nombreuses connexions peuvent ainsi être retrouvées. De plus, le nombre minimum d’individus est affiné grâce aux restes collectés dans le tamis.
79Le nombre de restes par espèce et le nombre minimum d’individus placent le mouton en première position, suivi par le bœuf et le porc, moins bien représentés. Cependant, compte tenu de la quantité de viande livrée par chacune des espèces, on peut conclure que le bœuf joue un rôle prépondérant dans l’alimentation carnée.
80Les fréquentes traces de découpe visibles sur les ossements révèlent une technique de boucherie bien codifiée et une exploitation maximale des ossements. La moelle est extraite même des métapodes. On remarque, néanmoins des divergences avec les méthodes de découpe de boucherie appliquées, à la même époque, à la Charité‑sur‑Loire (Audoin‑Rouzeau 1987 : 114 et sq.).
81Les animaux sont en partie exploités pour leur viande. Les courbes d’âge d’abattage montrent qu’une première sélection est faite au sein du troupeau, touchant principalement les animaux de 6 à 24 mois. L’abondance de jeunes bœufs corrobore une constatation faite à la Charité‑sur‑Loire : « quant à l’entrée de la viande de veau dans le régime vers le xve s., alors que la consommation globale des bovins n’a pas augmenté, elle peut aussi résulter d’un effort économique apportant sur le marché un nombre accru de jeunes, hypothèse rendue vraisemblable par l’existence d’occurrences similaires sur d’autres sites d’Europe à la fin du Moyen Âge » (Audoin‑Rouzeau 1987 : 111). Cependant, l’abattage concerne aussi les adultes. Ces derniers, exploités en dernier lieu pour leur viande, ont fourni auparavant travail, laine, lait et petits. Hormis les poissons et les oiseaux, domestiques ou sauvages (cf. infra), un complément carné est apporté, dans de faibles proportions, par le lapin et, pour les animaux sauvages, par le lièvre et peut‑être le sanglier. Ces animaux sauvages sont présents, à titre tout à fait exceptionnel.
82Les moutons, les bœufs et les porcs dont les restes osseux ont été mis au jour dans l’excavation des jardins du Carrousel présentent une stature similaire à celle des animaux de cette époque. Les ossements correspondent aux restes d’animaux consommés, et principalement à des rejets culinaires présentant une très forte fragmentation due aux divers traitements subis : découpe, débitage et concassage. Des déchets de matière première, des ébauches ratées ou des objets inachevés, témoins du travail de l’os, se trouvent mêlés aux ossements. En revanche, on ne remarque pas d’artisanats tels que la pelleterie, le travail de la corne, ou d’activités concernant l’équarrissage des chevaux ou la préparation des palais de bœuf, rencontrées dans les parcelles du faubourg (cf. supra § 6.4.5) et décelables grâce à des rejets très caractéristiques. Donc cet épandage n’est pas constitué de vestiges osseux très variés, même si leur provenance peut être diverse : ramassage des ordures à l’échelle d’un groupe d’habitations, d’un quartier... La très forte fragmentation des ossements, perçue grâce au tamisage des sédiments, est en partie due au fractionnement quasi systématique des os longs afin de récupérer la moelle, mais il faut également chercher d’autres raisons dans la mesure où la céramique présente aussi le même indice de fragmentation. Le remplissage est composé de plusieurs couches correspondant aux déversements successifs et il est vraisemblable que les diverses manipulations ont accéléré la détérioration des os.
83L’étude des restes de poissons et d’oiseaux recueillis dans la fosse(x) et les épandages apportent des renseignements complémentaires. La liste des poissons est très variée (Sternberg 1991 : 181‑233). Elle comprend des poissons de mer (morue, merlan, hareng, sardine, maquereau, limande, plie, barbue, sole, raie, turbot, etc.), d’eau douce (carpe, brochet, saumon, truite, perche) et ubiquistes (anguilles). Les espèces dominantes sont la morue, probablement séchée, et la carpe, consommée fraîche selon toute vraisemblance. Viennent ensuite le merlan, le hareng, le maquereau, la limande et la sole. Les poissons « nobles » comme le saumon, le turbot ou l’esturgeon sont très peu représentés. La quasi‑absence d’écailles et d’os de la tête, sauf pour la carpe, indique bien qu’il s’agit de déchets de table. La variété et la répartition des espèces suggèrent la consommation courante d’une population au niveau gastronomique intermédiaire entre les menus des « grands » et l’alimentation des couches populaires.
84L’avifaune révèle une réalité un peu différente (Pichon 1991). Une quinzaine d’espèces d’oiseaux a été dénombrée, dont quatre constituent 71,6 % de l’ensemble. Parmi celles‑ci, les plus nombreux sont les coqs, poules, poulets et poussins (79 % des individus) et traduisent une consommation courante. Moins fréquents sont les dindons et dindonneaux (11 %), les pigeons et pigeonneaux (5,5 %), les oies (4,5 %). Compte tenu de la quantité de viande apportée par chaque oiseau, le dindon occupe une place particulière (environ 1/4 de la viande consommée). Ce volatile, introduit en France vers le milieu du xvie s., semble‑t‑il, signale sans ambiguïté un niveau social élevé, voire très élevé, de ceux qui le consommaient (Gottschalk 1948). Sa rareté dans les sites d’époque moderne en Europe (Audoin‑Rouzeau 1993) tranche avec sa relative abondance dans les épandages aux pieds du château des Tuileries.
8.2.2.2 Éléments de chronologie
85Stratigraphiquement, toutes les fosses d’extraction de matériaux coupent la couche de limon brun‑gris, relativement riche en artefacts, qui marque, dans l’ensemble du site, une activité agricole (champs et/ou prairies) datée des xive‑xve s. au plus tard. Toutefois, le principal élément de chronologie relative provient du recouvrement partiel des parcelles du faubourg par les épandages. Le mur M 1, délimitant à l’ouest les parcelles, a été abattu, puis recouvert de résidus organiques et de gravats. Il en va de même pour les jardins. Or, on sait par les sources d’archives que ces parcelles sont expropriées à partir de 1565 et que les destructions se poursuivent au moins jusqu’en 1568.
86Le mobilier fournit d’autres indications. Malgré la pauvreté relative du remplissage des fosses et notamment des couches organiques ou plâtreuses, la concordance chronologique des différents artefacts indique que leur dépôt a eu lieu dans la seconde moitié du xvie s. et même plus vraisemblablement dans le dernier quart du xvie s. Le numéraire oblige même à reculer jusque dans les années 1605‑1610 la fin de ce processus.
8.2.2.3 Interprétation
87Dans cette perspective, comment concevoir un tel phénomène dans l’espace réservé au palais des Tuileries ? Les fosses plus ou moins vastes, creusées au fond d’anciens jardins ou dans des terrains vagues, ont permis dans un premier temps l’extraction de limons argilo‑sableux jaunes, mais aussi de sables et graviers. Les datations fournies par la stratification du site et par les artefacts (seconde moitié du xvie s.), mais aussi la localisation de ces excavations, permettent de lier cette exploitation des matériaux du sous‑sol aux chantiers ouverts pour la construction du château des Tuileries.
88Par la suite, ces fosses se sont partiellement comblées par éboulement (perceptible par exemple dans la petite fosse entre les deux ailes du château) et, enfin, le secteur destiné au futur jardin derrière les Tuileries disparaît en quelques années sous des épandages organiques.
89Si la chronologie relative des événements paraît solide, il demeure quelques interrogations concernant la durée exacte des dépôts organiques et la nature de ceux‑ci. La consommation importante de certaines espèces rares (dindon) et l’abondance relative de certaines productions de céramique de qualité (majolique) font inévitablement penser à des rejets domestiques provenant du château des Tuileries. De même, l’étude des monnaies aboutit à privilégier l’hypothèse de l’accumulation lente, étalée sur une dizaine voire une vingtaine d’années. On en revient alors à la question posée dès l’origine : a‑t‑on affaire à une accumulation progressive (décharge, dépotoir) ou à des remblais remaniés, amenés sur place dans un but qui reste à déterminer ? Plusieurs indices amènent à nuancer l’hypothèse d’une décharge. L’extrême fragmentation de la céramique et des ossements d’animaux est étonnante et ne peut s’expliquer que par des manutentions multiples. Les provenances très diverses des différents types de mobilier (perles, épingles, sceaux de drapiers...), la variété des os de mammifères, de poissons et même d’oiseaux, la présence d’ossements humains, tout cela indique un brassage énorme, d’autant qu’aucune zone de rejet « spécialisée » n’a été observée sur le terrain.
90Une autre explication que la mise en place d’un dépotoir est donc possible. Le phénomène peut être mis en relation avec l’aménagement du jardin Neuf du château des Tuileries à partir de 1600. Dans cette perspective, les couches d’épandages constituent des remblais apportés sur place, pour régaler le terrain. Toute la difficulté de l’identification provient de l’origine de ces remblais, très vraisemblablement issus d’une décharge voisine, peut‑être celle qui existait au‑delà de la porte Saint‑Honoré.
8.3 Conclusion
91La construction du château des Tuileries puis la création du jardin Neuf marquent une étape décisive dans l’évolution du site. Non seulement les travaux entraînent un remodelage profond du terrain, mais l’habitat privé est rejeté du secteur au profit du nouveau palais royal. Un nouveau paysage est ainsi fixé pour longtemps. L’histoire ultérieure du site ne fera qu’accentuer cette évolution, jusqu’à ce que l’ancien Louvre médiéval et le château de Catherine ne fasse qu’un seul et même ensemble.
Notes de bas de page
1 Sondage 4, petite cave voûtée datée au plus tôt du xvie s., et sondage 2.
2 En l’absence de points de repère sûrs, il n’est pas possible de recaler avec une précision absolue les vestiges mis au jour et le plan du château tel qu’il est connu par les plans d’archives.
3 Identification par Mme Blanc et M. Lorenz.
4 Les monnaies identifiables trouvées dans cet aménagement (tabl. XVII, nos 99 et 129‑133) datent du dernier quart du xvie s.
5 Renseignement Bruno Dufaÿ. Cf. aussi supra § 7.1.5.1.
6 Archives des Quinze‑Vingts, 6003 ; registres des comptes de 1567‑1578.
7 Cette contribution, signée de Jean Guillaume, est le résultat d’une réflexion conduite en commun avec Françoise Boudon et Jean Blécon.
8 Le mot « palais » est employé par de l’Orme et par la reine. Bullant succède à de l’Orme à sa mort, en 1570.
9 Avec un mur épais d’1 m élevé au centre de fondations larges en moyenne de 2,25 m et distantes de 9 m, la largeur de l’aile atteint 10,20 m à l’intérieur et 12,20 m à l’extérieur et celle de la cour 86,20 m. Après élargissement de 3 m de chaque côté, la largeur de la cour atteindra 92,20 m.
10 Nous remercions Alexandre Gady de nous avoir fait connaître ce texte signalé par Jean Mauzaize dans Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île‑de‑France, 1985 : 52‑53. La reine n’a pas tout à fait tort : la moitié sud de l’édifice forme un logis complet avec salle et antichambre dans le corps principal, seconde antichambre et trois pièces privées dans le pavillon. Ce logis toutefois ne pourrait fonctionner qu’avec un bâtiment de service qui n’a jamais été construit.
11 Les portes et fenêtres des salles et « antisalles » basses et hautes de l’une des ailes sont commandées en 1579, les planchers et la couverture du pavillon (complété par une petite construction annexe) en 1582 (AN, Minutier central, CV, 24 et 34). Nous remercions François‑Charles James qui nous a généreusement fait connaître ces documents encore inédits.
12 Les murs inachevés figurant sur un plan du milieu du xviies. (AN, Va 599), reportés par Jean Blécon sur son plan de restitution, semblent indiquer que de l’Orme avait prévu à l’origine des pavillons plus petits que celui bâti par Bullant, pavillons qui auraient été prolongés par un autre corps précédé d’un portique. Nous reviendrons sur ce point que nous ne pouvons développer dans cette contribution consacrée avant tout à l’apport des fouilles.
13 Cette longueur se déduit de la largeur de la cour estimée à 92,20 m (cf. note 10). Même résultat si l’on calcule à partir de l’échelle en toises.
14 Pérouse de Montclos (1996) qui a repris tout le dossier (et étudié pour la première fois les écuries) croit au contraire que le grand plan correspond au projet de de l’Orme. Aussi est‑il obligé de supposer que le texte d’Androuet du Cerceau a été rédigé avant la mort de de l’Orme et la construction du pavillon de Bullant. Mais est‑ce possible ? Du Cerceau écrivant avant 1571 n’aurait pas dit que les fondations des ailes (1564‑1567) ont été faite « il y a assez longtemps ».
15 Sur l’intérêt nouveau porté par Henri III à la construction des Tuileries en 1578‑1579, voir la communication de T. Sauvel dans le Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1966 : 131‑149.
16 Aussi, dans les vues à vol d’oiseau dessinées qui correspondent –approximativement– au grand plan gravé, le pavillon de Bullant (et son symétrique qui reste à construire) est « effacé » autant que possible : du Cerceau (ou son fils Baptiste, architecte de Henri III diminue la hauteur des pièces arrière du pavillon pour étendre au‑dessus le toit du corps central, réduisant ainsi le pavillon à l’espace occupé par les deux pièces avant. Cette modification lui permet de revenir, sur la cour, à la composition originelle de de l’Orme.
17 La similitude serait étroite si les vestiges relevés au xviie s. (cf. note 12) correspondaient au début d’une galerie et si les deux galeries indiquées par du Cerceau à Saint‑Germain correspondaient elles‑mêmes à un projet de Henri II ou de Catherine (elles seront réalisées sous une autre forme sous Henri IV). Le rapport entre les deux châteaux‑villas a été rapidement évoqué par Chevalley (1973 : 79).
18 Ce mur avait déjà fait l’objet d’un premier sondage en 1985 (Dufaÿ 1985a).
19 AN, Minutier des Notaires, XIX, 343, fol. 53 et 2 suivants et Dufaÿ 1985a : I‑III.
20 Cet égout correspond sans doute au « canal voulté dans le fossé » dont parle un édit de 1624, dans lequel les échevins protestent contre la récupération des pierres du rempart pour sa construction (AN Reg. H. 1801, fol. 340 v°). Ce dernier était encore en usage juste avant le début des travaux de fouille.
21 Sur le relevé du mur, l’absence de marques sur les assises inférieures est imputable principalement aux difficultés d’observation.
22 Lors des observations des décapages de pleine masse, les épandages perdaient de leur puissance aux abords de cette aile des Tuileries, mais des fosses creusées au sud de cette aile (zone 106) présentaient également un remplissage de type organique et graveleux.
23 Comptages effectués sur le poids total (65,4 kg) des tessons de la fosse x (F 1 de la Z 106), auxquels il faut ajouter 400 g de tessons médiévaux résiduels.
24 Il faut attendre le milieu du xve s. pour trouver des porcelaines en Europe, offertes en cadeaux à des souverains occidentaux, et la fin du xvie‑début du xviie s. pour qu’un négoce soit engagé, par le biais de la Compagnie des Indes, entre la Chine et les pays européens (Le jardin des porcelaines 1987 : 120‑121 ; Verhaeghe 1988 : 112).
25 Par exemple en Angleterre, le château de Basing House (Hampshire) (Moorhouse 1971 : 83).
26 La quantité totale s’élève à 430 fragments, auxquels il faut ajouter 6 kg et 2 sacs de fragments non comptabilisés. Ces verres ont fait l’objet d’un inventaire sommaire réalisé par J. Barrera.
Auteur
Université de Paris IV‑Sorbonne
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