Chapitre 3. Un exemple d’occupation dans la plaine charentaise (fin de l’âge du Fer et Moyen Âge)
Le site de Mortantambe à Cabariot
Chapter 3 An example of settlement in the Charente plains (late Iron Age and Middle Ages): the Mortantambe site in Cabariot
p. 83‑164
Résumés
Repéré par photographie aérienne, l’habitat rural de Mortantambe a fait l’objet d’un décapage mécanique extensif sur 3,5 ha. Aucun sol archéologique n’a été épargné par l’érosion, mais le tracé de trois enclos a pu être ainsi délimité, totalisant plus de 500 m linéaires de fossés protohistoriques. Le mobilier abondant recueilli dans les fossés date l’occupation du site du second âge du Fer, entre 150/120 av. J.‑C. et 30 av. J.‑C. À l’intérieur de chaque enclos, de nombreuses structures en creux suggèrent la présence de constructions en bois, avec l’emplacement d’une zone réservée de quelques mètres de large en bordure du fossé. Les activités économiques attestées sont celles d’une petite exploitation rurale : élevage, agriculture, viticulture (?), mais aussi un peu de chasse, de pêche et de cueillette. Le cheptel semble orienté principalement vers la production de viande bovine, peut‑être en réponse aux besoins d’une économie de marché dont les ramifications s’étendent de plus en plus vers le monde rural. La présence de céramiques de type savonneuse et de quelques fragments d’amphores pourrait en constituer un autre indice. Quelques vestiges indiquent également la présence d’une activité artisanale liée à la métallurgie du fer. En revanche, nul vestige qui atteste une quelconque relation avec les ateliers de sauniers du littoral, pourtant en activité à cette époque.
Diverses structures en creux et 23 sépultures se rapportent à la période médiévale (viiie‑xes.). Elles attestent l’existence à cet emplacement d’un petit habitat intercalaire qui s’étend probablement largement au‑delà de l’emprise autoroutière, seule concernée par cette étude. Dans les pays de la Charente, ce type d’habitat semble en effet disparaître, d’après les textes, aux xie et xiies., alors qu’apparaissent, autour d’églises nouvellement construites, des petits bourgs qui rassembleront parfois jusqu’à nos jours la population rurale autrefois dispersée.
Spotted by aerial photography, the rural settlement of Mortantambe was subjected to extensive mechanical scraping over 3.5 ha. No archaeological soil escaped erosion, but the traces of three enclosures were thus outlined, totalling over 500 linear meters of protohistoric ditches. The abundant furnishings found in the ditches date the occupation of the site to the second Iron Age, between 150/120 BC and 30 BC. Inside each enclosure the great many hollowed‑out structures suggest the presence of wooden constructions, with a reserved area a few meters wide running along the ditch. The attested economic activities are those of a small rural farm: raising livestock, agriculture, viticulture (?), as well as a bit of hunting, fishing and gathering. The livestock herd seems to have been aimed primarily towards producing beef, perhaps in response to the needs of a market economy whose ramifications were reaching farther and farther into the rural world. The presence of soap‑type ceramics and a few fragments of amphorae could constitute further evidence for this. Some remains also indicate crafts activity tied to iron working. In contrast there are no vestiges attesting the existence of any ties whatsoever with the Coastal salt harvesters, although they were active during this period.
Various hollowed‑out structures and 23 graves date from the medieval period (8th‑10th centuries). They attest the existence at this site of a small intervening settlement that probably extended well beyond the footprint of the road construction project, the limits of the area covered in this study. In the Charente river country this type of habitat seems to have disappeared, according to the textual evidence, in the 11th and 12th centuries. At the same time small towns grew up around the newly built churches, drawing together the formerly dispersed rural population, persisting in some instances even up to our own day.
Texte intégral
3.1 Introduction
1h.p., a.t.m.
3.1.1 La découverte
2Le site de Mortantambe se trouve sur la commune de Cabariot (Charente‑Maritime), à 9 km à l’est de la ville de Rochefort (fig. 1). Il a été découvert par prospection aérienne lors de deux missions distinctes menées par J. Dassié et J.‑L. Hillairet en 1992 (fig. 56). Des anomalies de couleur dans des champs ont révélé l’existence d’anciens fossés qui, de par leur configuration, pouvaient appartenir à un habitat de l’âge du Fer, généralement désigné sous le terme de « ferme indigène ». Un diagnostic en tranchées confirma l’existence de fossés et un sondage profond réalisé dans l’un d’eux livra du mobilier de La Tène finale, Par ailleurs, des fosses, des trous de poteaux, des restes humains appartenant vraisemblablement à des sépultures à inhumations et quelques fragments de céramiques médiévales avaient été également observés. Suite aux résultats de l’expertise, une fouille de sauvetage programmée à laquelle participèrent dix personnes fut entreprise de juin à octobre 19931.

FIG. 56 – Photographie aérienne du site de Mortantambe.
cliché © Bernard/E.C.A.V.
3.1.2 Les différentes occupations du site
3Un décapage extensif de la terre de culture ainsi que des tranchées effectuées à la pelle mécanique (fig. 57 et 58) ont permis de constater l’existence de vestiges archéologiques, essentiellement représentés par des structures en creux sur plus de 3 ha. Quatre périodes ont été observées.

FIG. 57 – Plan général du site de Mortantambe avec l’emprise des travaux et les interventions archéologiques.
dessin P. Mille/Afan

FIG. 58 – Mortantambe. Plan général avec l’implantation des sondages.
dessin P. Mille/Afan
3.1.2.1 Une occupation ponctuelle du Néolithique récent
4À l’extrême sud de la fouille, des céramiques non tournées et du mobilier lithique ont été localisés sur une surface d’environ 14 m2. La majorité des artefacts étaient concentrés sur 2 m2 environ (fig. 58).
5L’ensemble du mobilier qui reposait sur le sable cénomanien est constitué de :
– plusieurs fragments appartenant à un vase de 33,4 cm de diamètre, de profil subsphérique, à bord rentrant et vraisemblablement à fond convexe. À 8 cm du bord du vase, le profil présente un ressaut. Entre la lèvre et le ressaut, un fin cordon dessine un motif décoratif lobulaire (peut‑être trilobulaire). Ce décor a été très probablement obtenu par pincement de l’argile (fig. 59) ;
– un fond plat d’un vase de 1,4 cm d’épaisseur, présentant des traces de feu ;
– une hache polie brûlée et couverte de cupule ; elle mesure 14 cm de long pour une largeur maximale de 4,6 cm (fig. 59) ;
– deux galets et treize éclats en silex.

FIG. 59 – Mortantambe. Ensemble du Néolithique récent.
dessin F. Chevreuse, E. Freinet/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
6Seul le vase décoré autorise quelques comparaisons. Sur le Camp des Matignons (Juillac‑le‑Coq, Charente), Chez Reine (Semussac, Charente‑Maritime) et à l’Aiguillon (Vendée), des fragments avec des décors identiques ont été retrouvés (Burnez 1976 : fig. 27, 29 ; Mohen, Bergougnan 1984 : fig. 12, 16, 17 ; Joussaume 1981 : fig. 155, 1). Ils sont attribuables au Néolithique récent du Centre‑Ouest (3500‑2800 av. J.‑C.), et plus particulièrement à la civilisation des Matignons.
7Le site éponyme du Camp des Matignons est un habitat délimité par un double fossé. Les céramiques se caractérisent par des vases à fond rond, des bols, des écuelles et des petits vases cylindriques. Les décors sont rares et souvent limités à un bourrelet vertical ou à quelques tétons. Les haches polies font partie de l’outillage lithique du site (Briard 1989 : 101‑103).
8Le mobilier du Néolithique récent mis au jour à Mortantambe correspond à une occupation de courte durée, probablement de type campement ou bivouac.
3.1.2.2 Un habitat rural de la fin de l’âge du Fer
9Les travaux de la future autoroute A 837 recoupent un habitat de la fin de l’âge du Fer marqué par des fossés délimitant trois enclos de formes quadrangulaires (fig. 60) à l’intérieur desquels de nombreuses structures en creux ont été repérées (trous de poteaux, fosses, puits).

FIG. 60 – Mortantambe. Plan général avec la numérotation des fossés.
dessin P. Mille/Afan, maquette M. Coutureau/ Afan
10Cet habitat gaulois est implanté sur le bord d’un îlot constitué de strates calcaires du Cénomanien moyen qui reposent sur des sables du Cénomanien inférieur. Au N‑E de la fouille, les strates calcaires dépassent 1,5 m d’épaisseur. Elles s’amincissent progressivement, jusqu’à disparaître au sud. Le site occupe une légère éminence. En contrebas s’amorce une dépression qui plus loin débouche sur la vallée de la Charente (fig. 2).
3.1.2.3 Un aménagement ponctuel d’époque gallo‑romaine
11La période gallo‑romaine est peu représentée. Elle est attestée par une structure isolée, de forme carrée de 70 cm de côté, retrouvée à une vingtaine de centimètres sous la surface du sol. Localisée au nord de l’enclos 2, elle est constituée essentiellement de fragments de tegulae disposés à plat (fig. 61). Cette structure volontairement aménagée marquait‑elle l’emplacement d’une borne ? Malheureusement, nous ne connaissons pas d’exemple similaire à l’heure actuelle. Les textes d’agronomes antiques ne mentionnent pas si la fosse d’une borne devait être comblée ou aménagée avec des matériaux particuliers. Cependant, un texte de la fin du xixe s. (Jacob 18932), nous apprend de quelle manière on enterrait des témoins (« charbon, culs‑de‑bouteille, tuileaux, etc. ») à la base et autour des bornes, permettant de les retrouver en cas de disparition. L’aménagement de tegulae retrouvé à Mortantambe suggère que l’usage de cette pratique existait à l’époque romaine et a duré jusqu’à la fin du xixe s., voire après.

Fig. 61 – Mortantambe. Emplacement d'une borne gallo-romaine.
dessin équipe de fouille Mortantambe
12Autour de cette structure, sur une surface d’environ 1 000 m2, une cinquantaine de fragments de tuiles (tegulae, imbrices) et quelques tessons gallo‑romains (dont deux bords de sigillée) ont été recueillis dans les niveaux remaniés. Ce matériel très disséminé (5 indices au 100 m2) provient sans doute d’un épandage lié à l’existence d’un habitat situé dans le secteur.
3.1.2.4 Un cimetière et des fossés médiévaux
13Un ensemble homogène d’inhumations, plusieurs structures en creux et quelques tronçons de fossés sont datables de l’époque médiévale. Ces vestiges médiévaux sont venus s’installer sur une partie du site protohistorique (enclos 1).
3.2 L’habitat rural de la fin de l’âge du Fer
3.2.1 Les structures d’habitat
3.2.1.1 Enclos et fossés
14h.p.
Méthodologie
15Afin de relever les profils, de comprendre les stratigraphies et de recueillir du mobilier, des sondages ont été effectués de façon systématique dans chaque fossé (fig. 58). Ces sondages ont été réalisés soit à la pelle mécanique, soit manuellement. Pour les sondages mécaniques, les niveaux de fonctionnement ont toujours été différenciés des niveaux de comblement. Certains sondages destinés à récolter du mobilier ont été ouverts à la pelle mécanique jusqu’au niveau souhaité, puis fouillés manuellement.
16Une série de prélèvements a été effectuée dans des niveaux de fonctionnement ou de matières organiques pour des analyses carpologiques, malacologiques et anthracologiques.
17L’étude du mobilier céramique a permis de distinguer des fossés protohistoriques et des fossés médiévaux.
Les fossés protohistoriques : description générale
18Cinquante‑neuf sondages ont été réalisés dans les 570 m linéaires de fossés protohistoriques concernés par la fouille. La longueur totale de ces sondages atteint 185 m. C’est donc un tiers des anciens fossés qui a pu être ouvert (tabl. iii).

TABL. III – Caractéristiques des fossés de Mortantambe.
19En plan, les fossés d’époque protohistorique reconnus délimitent trois enclos (fig. 60). Aucun n’a été dégagé complètement. L’enclos 1 mesure 82 m minimum de longueur. Il n’est pas fermé au sud. Les anomalies de couleur décelées sur les vues aériennes qui sont à l’origine de la découverte du site permettent de compléter le plan de l’enclos 1. Il mesure approximativement 105 x 96 m. Il délimite donc une aire de 7 250 m2. Un fossé étroit et peu profond de 33 m de long relie l’enclos 1 à l’enclos 2. Des tranchées de reconnaissance hors de l’emprise de la fouille ont permis de restituer le plan complet de l’enclos 2. Sa forme est trapézoïdale. Ses côtés mesurent respectivement 69, 110, 77 et 87 m. Sa superficie atteint environ 7 200 m2. Un fossé étroit part de l’angle S‑E de l’enclos 2 et débouche 85 m plus au sud dans une petite dépression naturelle. Le tracé de l’enclos 3 est également connu dans son intégralité. Il est accolé à l’enclos 2 et sa forme est rectangulaire. Ses dimensions sont de 59 x 17 m pour une superficie de 1 000 m2.
20Les données de la fouille ainsi que celles de la photo‑interprétation indiquent que les fossés protohistoriques de Mortantambe s’étendent sur 2,5 ha. Aucune interruption n’a été observée dans les fossés. Les seuls endroits qui peuvent marquer l’emplacement d’une entrée dans les enclos sont deux rétrécissements d’environ 5 m de longueur. L’un d’entre eux, taillé dans le fossé 3 de l’enclos 1, est recoupé par un fossé médiéval. L’autre a été aménagé dans le fossé 16 de l’enclos 2. Le fossé 4 de l’enclos 1 se divise en deux branches (fossés 9 et 10) qui s’interrompent au niveau de la dépression dont nous avons parlé plus haut. Le fossé 9 est beaucoup plus profond que le fossé 10. Nous ignorons la fonction de ce dédoublement de fossé.
21Au nord de l’enclos 2, un fossé de quelques mètres de longueur se raccorde au fossé 17. L’extrémité de ce fossé est à peine ébauchée. Il correspond à une erreur de creusement. Son comblement, homogène, est constitué essentiellement de pierres calcaires et ne contient pas de mobilier. Ce fossé a été rapidement rebouché pour reprendre le tracé du fossé 17.
Fossés de l’enclos 1
22Les fossés 3, 4 et 9 de l’enclos 1 sont creusés dans le calcaire et dans le sable sous‑jacent. Leur fond est toujours concave et leur profil est irrégulier. Le fond du fossé 10 est plat et entaille à peine le sable. Ses parois sont bien taillées.
Fossés de l’enclos 2
23Le profil de ces fossés est assez régulier, leur fond est plat. Ils sont complètement creusés dans le calcaire ou n’entament que légèrement le sable cénomanien.
Fossés de l’enclos 3
24Ils sont réguliers, bien taillés, à fond plat. Tout comme les fossés de l’enclos 2, les fossés de l’enclos 3 évitent, lorsqu’ils perforent le calcaire, d’entailler le sable.
Fossé 4
25La partie est de ce fossé a été taillée dans le calcaire et son fond est plat. À l’ouest, il a été creusé dans le calcaire et le sable ; son fond est concave.
Fossé 6/18/20
26Son profil est irrégulier. Au nord, il est creusé dans le calcaire et son fond est plat. Au sud, la couche de calcaire s’amenuisant, il entaille progressivement le sable et son fond devient concave.
Dynamique de comblement
Dépôt de fonctionnement
27Nous appelons « dépôt de fonctionnement » le dépôt qui s’est formé au fond du fossé après son équilibrage. Il se caractérise par une couche de sédiment fin de couleur grise contenant des pierres calcaires (parfois brûlées), généralement riche en charbon de bois et en mobilier archéologique (céramiques, restes de faune, fer, coquillages, escargots). Ce niveau, très facilement reconnaissable, a été retrouvé dans les fossés 3, 4, 10 de l’enclos 1, dans les fossés 12 et 16 de l’enclos 2 et le fossé 23 de l’enclos 3. Ailleurs, il est absent.
28Les fossés étant contemporains des enclos qu’ils circonscrivent, nous avons particulièrement cherché à repérer leur dépôt de fonctionnement. Le site n’ayant conservé de stratigraphie que dans les fossés, seuls les dépôts de fonctionnement pouvaient permettre de dater l’occupation des enclos. Plusieurs sondages ont eu pour objectif de recueillir du mobilier (fig. 58). Il s’agit des sondages nos 2 001, 2003 des fossés 3 et 4, nos 6 013, 6 014, 6 036, 6 035 du fossé 17, no 6 004 du fossé 12, no 7 028 du fossé 23.
29Dans le fossé 4, sous le niveau de fonctionnement, une couche de matières organiques de 10 à 15 cm d’épaisseur, bien conservée par l’eau, a été identifiée (sondages 2500, 2501, 2502, 2507, à 1,70 m de la surface). Cette couche s’est formée juste après le creusement du fossé. Son existence indique que la nappe phréatique n’est pas descendue, depuis la fin de La Tène finale, en dessous de 17,90 m NGF. Elle laisse supposer que les fossés devaient contenir de l’eau, au moins une partie de l’année. Nous avons reconnu des graines, des glands, des noyaux, des feuilles d’arbres, des branches, des racines... Plusieurs prélèvements in situ ont été réalisés.
Comblement d’abandon
30D’une manière générale, le comblement d’abandon des fossés est constitué de couches de sédiments fins et de pierres calcaires plus ou moins abondantes de toutes dimensions et dépassant fréquemment les 15 cm de côté. Les couches de sédiments fins sont formées d’argile, de sable ou de limon. En l’absence d’analyse granulométrique, nous ne sommes pas en mesure de préciser quelle est la part exacte de chacun de ces éléments dans les différents niveaux reconnus. Ainsi, l’interprétation sédimentologique que nous proposons sur les coupes stratigraphiques a été effectuée empiriquement, au toucher et à l’œil. Le sédiment le plus souvent rencontré est le limon.
31Toutefois, nous avons observé d’autres types de comblements :
– dans l’enclos 2, des couches cendreuses localisées ou étendues ont été repérées dans le niveau supérieur du comblement des fossés ;
– dans les fossés du même enclos, l’entrée située dans le fossé 16 et la partie du fossé 12 comprise entre les fossés 14 et 18 ont été comblées essentiellement avec des pierres calcaires.
32Les nombreuses traces d’oxydation (taches de rouille) observées dans l’ensemble des niveaux de comblement des fossés de Mortantambe attestent une présence régulière de l’eau. Cette hydromorphie temporaire a, par endroits, homogénéisé le remplissage et a rendu plus difficile la lecture des coupes.
33La grande densité de pierres calcaires, le bon état de conservation des céramiques et la présence de couches cendreuses dans les fossés indiquent qu’ils ont été comblés par une dynamique humaine.
34Le mobilier archéologique contenu dans le comblement des fossés est assez abondant et appartient, tout comme les niveaux de fonctionnement, à la période de La Tène finale.
Aménagements
35Aucun aménagement particulier n’a été remarqué. Les coupes stratigraphiques ne permettent pas de penser à l’existence d’un talus de pierre ou de terre sur les bords des fossés. Le seul indice qui peut faire penser à la présence d’un talus ou d’une haie en bordure de fossé est une bande de réserve de 5 à 7 m de largeur située entre les fossés et les trous de poteaux. Cette hypothèse est peu probable. Cette bande, sans structure apparente, peut correspondre tout aussi bien à une zone de passage, ou à la volonté de ne pas construire à proximité immédiate des fossés.
Fonction des fossés
36De toute évidence, la largeur des fossés ainsi que leur profondeur prouvent qu’ils n’ont pas une fonction défensive. La faible profondeur de la nappe phréatique (1 à 2 m de la surface du calcaire minimum, et forcément plus haute en période de pluies régulières) et la configuration des fossés montrent que leur rôle était plutôt de drainer les eaux vers la dépression naturelle située au sud pour assainir le plus possible les zones d’habitats. L’étude de la malacofaune, effectuée par Y. Gruet, confirme la présence d’eau pendant assez longtemps –saisonnièrement au moins– dans les fossés (tabl. IV). L’enclos 1 n’est pas fermé au sud par un fossé car la dépression située au sud joue le rôle d’exutoire en recueillant l’eau et en l’évacuant vers la Charente. La pente des fossés 5 et 6/18120 incite à penser que ces derniers assuraient l’écoulement du trop‑plein d’eau des fossés de l’enclos 2.

TABL. IV – Malacofaune terrestre et dulcicole.
Phases chronologiques
37Par leur morphologie, les fossés de l’enclos 1 et ceux des enclos 2 et 3 diffèrent énormément. Les fossés de l’enclos 1 sont larges, irréguliers. Leurs parois, creusées en partie dans le sable, ont eu tendance à se déstabiliser. Leurs fonds se sont donc comblés rapidement (fig. 62). Les fossés des enclos 2 et 3 sont plus réguliers, moins profonds, leur fond est plat et surtout, quand ils perforent le substrat calcaire, ils n’entament que superficiellement le sable (fig. 63). Des fossés de ce type se comblent moins rapidement et sont plus faciles à entretenir. Il est tentant de penser que les hommes qui ont creusé les fossés des enclos 2 et 3 n’ont pas entaillé volontairement le sable cénomanien car ils avaient encore le souvenir de l’expérience des fosses de l’enclos 1.

FIG. 62 – Mortantambe. Coupes des fossés de l’enclos 1 et des fossés 5, 6 et 18.
dessin équipe de fouille Mortantambe, P. Mille/ Afan, maquette M. Coutureau/Afan

FIG. 63 – Mortantambe. Coupes des fossés des enclos 2 et 3.
dessin équipe de fouille Mortantambe, P. Mille/ Afan, maquette M. Coutureau/Afan
38Le comblement de la partie du fossé 12, située entre les fossés 14 et 23, est constitué essentiellement de pierres calcaires (fig. 63, sondage 6 004). Tout porte à croire que cette partie de fossé a été rebouchée lors du creusement des fossés de l’enclos 3. Ce dernier serait donc un agrandissement de l’enclos 2. Toutefois, il n’est pas impossible qu’il y ait eu deux enclos distincts.
39Le fossé 5 évacuait le trop‑plein d’eau des fossés de l’enclos 2 dans le fossé 4 de l’enclos 1. Il prouve que les enclos 2 et 6 ont été, durant une période, contemporains. Lorsque les fossés de l’enclos 1 ont été comblés, le fossé 5 a perdu alors son rôle et le fossé 6/18/20 a probablement été créé pour le remplacer.
40Toutes ces remarques ainsi que l’étude du mobilier céramique découvert dans les fossés permettent de distinguer plusieurs phases dans l’évolution du site de Mortantambe :
– phase I : creusement des fossés de l’enclos 1 ;
– phase IIa : creusement des fossés de l’enclos 2 et du fossé 5 ;
– phase IIb : creusement du fossé 6/18/20 et comblement des fossés de l’enclos 1 ;
– phase III : creusement des fossés de l’enclos 3.
3.2.1.2 Les structures à l’intérieur des enclos
41a.t.m.
42En raison du fort degré d’arasement subi par le site, seules les structures en creux se sont conservées. Il n’y a pas de traces de sol d’habitation à l’intérieur des enclos.
Les trous de poteaux
43Un total de 235 trous de poteaux a été fouillé : 196 à l’intérieur de l’enclos 1, 27 à l’intérieur de l’enclos 2 et 12 à l’intérieur de l’enclos 3. La fouille des trous de poteaux a permis d’observer des différences dans leur aménagement. Une typologie de ces structures a été établie (fig. 64). Nous avons ainsi distingué les trous de poteaux simples (type A), les trous de poteaux composés (type B), les trous de poteaux doubles (type C), les trous de piquets (type D) et les trous triples (type E).

FIG 64 – Mortantamba, Réparation des structures à l’intérieur des enclos
dessin équipe de fouille Mortantambe, P. Mille/ Afan, maquette M. Coutureau/Afan
44Le trou de poteau simple, creusé dans le sous‑sol calcaire, présente un diamètre proche de celui du poteau lui‑même. Nous avons noté l’existence de trous avec des pierres de calage (type Al) et d’autres sans pierres (type A2). Les diamètres les plus courants pour le type A se situent entre 31 et 50 cm (58 % parmi les 196 trous de poteaux de l’enclos 1). Les trous de poteaux composés se définissent par une large fosse creusée dans le calcaire, au moins deux fois plus large que le poteau lui‑même. Le poteau placé au milieu de la fosse, ou bien décentré, est ensuite calé de diverses façons. La fosse peut être aménagée avec des dalles à plat, seules (type B1), ou associés à des dalles de calage en position verticale (type B2), ou à un mélange de cailloutis et de terre (type B3). Dans ce dernier cas, la différence entre le sédiment de l’aménagement et le sédiment de la décomposition du poteau est bien apparente, ainsi que la fosse aménagée avec un mélange de cailloutis et de terre, plus des dalles de calage à la verticale (type B4).
45Pour le type B, parmi les 196 trous de poteaux de l’enclos 1, la fréquence des diamètres des fosses est la suivante : inférieur à 60 cm (9,3 %), entre 61 et 70 cm (18,75 %), entre 71 cm et 90 cm (46 %), entre 91 cm et 100 cm (12,5 %), supérieur à 100 cm (12,5 %).
46Les trous de poteaux doubles se présentent soit dans une fosse en forme de huit, dont le diamètre est très proche de celui des poteaux qu’elle devait contenir (Cl), soit dans une fosse ovale aménagée avec des pierres sur le pourtour et au milieu (C2).
47Dans la catégorie « trous de piquets » (D), sont inclus les trous ne dépassant pas 15 cm de diamètre ou de côté.
La répartition des trous de poteaux
48Des plans de répartition typomorphologique des trous de poteaux ont été élaborés pour les enclos 1, 2 et 3 (fig. 64).
49La répartition spatiale des 196 trous de poteaux que l’enclos 1 a livrés sur une surface de 2 100 m2 montre que les trous de poteaux du type A se concentrent au centre de l’enclos tandis que sur le pourtour apparaissent les trous de poteaux du type B. Les trous de poteaux du type A sont les plus courants et devraient correspondre par leurs dimensions et leur morphologie au soutien des toitures ou des charges légères, c’est‑à‑dire des habitats. En revanche, les trous du type B, en raison de leur morphologie et de leurs dimensions, pouvaient soutenir des charges lourdes, un plancher chargé ou même un étage, correspondant très probablement à un grenier. À partir de ces éléments, les maisons se situeraient au milieu de l’enclos de la zone 2 (zone de concentration des trous de type A) alors que les greniers occuperaient les angles du pourtour interne de la zone 2. Sur le plan de distribution des trous de poteaux, apparaît une bande réservée, de 5 m de large au nord et de 4 m de large à l’est, qui longe les fossés.
50L’identification de plans de maisons ou de greniers (mise en évidence d’alignements de poteaux ou de correspondants affrontés) s’est avérée très difficile, voire impossible. Cependant, divers « modules » (Audouze, Buchsenschutz 1989) semblent s’individualiser. Dans l’enclos 1 (fig. 64, no 2) apparaissent un module quadrangulaire de 6,25 m2, un module quadrangulaire de 10,5 m2 (deux étant doubles et situés aux extrêmes N‑O et S‑E), un module rectangulaire (formé par un rectangle et un carré adossés) de 18 m2 et un module quadrangulaire à deux nefs avec un poteau axial supportant une faîtière, orientée E‑O.
51L’intérieur de l’enclos 2, dans son angle S‑O, a été fouillé sur une surface de 700 m2 où 27 trous de poteaux ont été dégagés. 55 % de ces trous de poteaux appartiennent au type B. Un module quadrangulaire d’environ 15 m2 défini par six trous de poteaux du type B se dessine à l’extrême S – O de la surface fouillée (fig. 64, no 1). Une bande réservée de 5 à 7 m de largeur longe les fossés 16 et 12. L’enclos 1 et l’enclos 2 semblent ainsi présenter une même organisation de l’espace intérieur : zone d’habitat centrale et zone de stockage longeant le pourtour.
52Aucun indice d’organisation n’a pu être décelé à partir du plan de répartition des structures à l’intérieur de l’enclos 3 (fig. 64, no 1).
Les fosses
53Dix fosses ont été repérées à l’intérieur de l’enclos 1. Nous les avons distinguées des trous de poteaux en raison de leur diamètre (plus de 50 cm), de leur remplissage homogène et de l’absence d’aménagement interne. Il se pourrait qu’il s’agisse de trous de poteaux desquels on a retiré le poteau. Il ne s’agit en aucune manière de fosses-silos, puisque l’épaisseur de la plaque calcaire, dans laquelle on a creusé, se situe entre 35 et 50 cm. Au‑dessous, apparaît le sédiment sableux du Cénomanien. Le niveau de la nappe phréatique s’infiltre à travers le sable du Cénomanien jusqu’à atteindre l’intérieur des fosses ou des trous de poteaux, fait qui a été vérifié pendant la fouille, L’humidité provoquée par ce phénomène empêcherait la conservation des denrées alimentaires.
Les foyers
54Seules les bases de trois foyers ont été retrouvées. Ces derniers sont regroupés sur une surface de 100 m2 à l’intérieur de l’enclos 1. Le foyer le mieux conservé, installé dans une légère cuvette conservée sur 6 cm de profondeur, présente une forme circulaire de 60 cm de diamètre. À l’intérieur, une couronne de pierres calcaires brûlées délimite un sédiment argileux homogène contenant de nombreux charbons de bois. Un autre foyer en cuvette présente un diamètre de 85 cm et une profondeur moyenne de 6 cm. Les parois et le fond de la cuvette sont très calcinés ; le remplissage est constitué d’un sédiment charbonneux mêlé à des pierres calcinées. La base d’un troisième foyer a été repérée. Elle comportait une légère cuvette creusée dans le calcaire, aménagée par deux dalles disposées à plat à la base et par une couronne de pierres. Elle avait été aménagée à l’emplacement d’un ancien trou de poteau. L’aire du foyer était de 80 x 80 cm. La moitié sud était occupée par une couche charbonneuse de 6‑8 cm d’épaisseur, contenant en surface des fragments de faune, pour la moitié nord, aucun niveau ne recouvrait le sous‑sol calcaire rubéfié.
Le puits
55h.p.
56Grossièrement en forme d’ampoule, sa profondeur est d’environ 2,20 m pour un diamètre maximum de 2,40 m. Il est creusé dans le calcaire et le sable (structure 6 055) (fig. 65). Le fond est marqué par une couche de matières organiques dans laquelle ont été reconnues plusieurs variétés de bois, dont certains travaillés (fig. 78). Le mobilier recueilli est composé de céramiques (savonneuses, amphores) et d’éléments de cerclage en fer (?) (fig. 68, nos 27‑30 ; fig. 73, no 24 ; fig. 76, nos 6‑10). L’essentiel du comblement est constitué de nombreuses pierres calcaires prises dans un sédiment limono‑sablcux brun clair. Seul un fragment de meule en pierre a été reconnu dans ce niveau. Le haut du remplissage du puits est constitué d’une couche (d’une vingtaine de centimètres) de pierres calcaires mêlée à un sédiment limono‑sableux gris foncé assez compact. Celle‑ci a livré principalement des tessons en céramique tournée et quelques débris de panse d’amphore. La prédominance de la céramique savonneuse et la présence d’un pied d’amphore de type Pascual 1 timbrée indiquent que ce puits a au moins fonctionné jusqu’à la fin de l’occupation du site. Son remplissage contenant une grande quantité de pierres est anthropique et a été réalisé vraisemblablement en une seule fois.

FIG. 65 – Mortantambe. a plan de localisation ; b coupe du puits (St. 6055).
dessin équipe de fouille Mortantambe, maquette M. Coutureau/Afan
3.2.1.3 Les structures extérieures aux enclos
57a.t.m.
58Trois fosses et deux trous de poteaux ont été repérés et fouillés dans la zone au sud des enclos. Les structures apparues dans cette aire ont en commun d’être creusées dans le sable du Cénomanien et remplies d’un sédiment argileux gris. L’une d’entre elles a livré une quantité non négligeable de mobilier. Elle mesurait 2,40 m x 1,70 m x 60 cm de profondeur connue ; des pierres brûlées et du charbon de bois faisaient partie du remplissage. Cette fosse a livré un outil à douille en fer fragmenté, huit tessons de céramique commune, huit tessons de céramique du type savonneux, un bord d’amphore Dressel 1B, un petit rognon de silex et un galet, ainsi que la moitié d’une meule rotative en granite.
59Au même endroit, le sondage effectué dans un amas rectangulaire, formé par une seule couche de pierres calcaires reposant directement sur le sable géologique, a livré une fibule en bronze du type Nauheim (fig. 77, no 1). Ces pierres ont été rapportées, mais il est impossible d’attribuer une fonction à cet ensemble.
60Pendant la période protohistorique, cette zone devait être une aire secondaire dans l’organisation générale de l’habitat. Pendant la phase I, les fossés 9 et 10 y conduisent les eaux collectées au long de leur parcours. Au cours de la phase II, lorsque les fossés 9 et 10 ont été bouchés, c’est le fossé 18 qui évacue les eaux provenant de la zone ouest de l’établissement. Il s’agit donc d’un endroit souvent inondé, présentant de mauvaises conditions de vie.
3.2.2 Le mobilier archéologique
3.2.2.1 Le mobilier céramique
61a.t.m.
62L’étude du mobilier céramique protohistorique est principalement fondée sur le matériel provenant du fossé 3 (enclos 1), du fossé 17 (enclos 2) et du fossé 23 (enclos 3). Ces ensembles ont été choisis parce que les céramiques y sont nombreuses et proviennent de contextes stratigraphiques clairement assurés. Nous avons également étudié tous les ensembles contenant plus de 20 vases individualisés (sondages et structures) et les ensembles ayant livré des profils archéologiquement complets (trous de poteaux ou fosses à l’intérieur des enclos 1 et 2).
63Pour l’étude du mobilier céramique, nous avons établi trois catégories : commune, savonneuse et amphore. Signalons également la présence de trois tessons de céramique à vernis noir. Dans un premier temps, l’étude approfondie des trois groupes a été menée séparément, puisqu’ils présentent des problématiques différentes. Puis, dans un second temps, les résultats obtenus ont été comparés. Ceci a permis d’aboutir à des conclusions chronologiques pour les différents ensembles de mobilier et à une datation des divers enclos.
64L’élaboration d’une typologie céramique est une tâche compliquée. Plusieurs typologies fondées sur différents critères (morphologiques, fonctionnels...) sont utilisées en ce moment en Protohistoire sans qu’aucune n’ait fait l’objet d’un consensus de la part des chercheurs. L’unanimité n’existe pas non plus, même pour les archéologues travaillant dans une même région, sur la façon de nommer une forme particulière. Élaborer une typologie ou tout simplement nommer les différentes formes devient encore plus difficile si la recherche comprend la période où on assiste à l’éclosion des ateliers locaux qui produisent en série. Ces ateliers récupèrent des formes traditionnelles qui vont évoluer sous les influences des formes céramiques importées, dont ils fabriquent aussi des copies.
Répertoire des formes
65Par souci de cohérence, nous avons défini des groupes de formes suffisamment larges pour englober les formes en céramique commune et en céramique savonneuse (tabl. v).

TABL. V – Récapitulatif des formes céramiques.
Formes ouvertes
Forme 1 : vase de profil tronconique
66Les parois sont rectilignes ou légèrement convexes et les bords sont droits ou sécants vers l’extérieur. Les diamètres des vases atteignent 10 à 12 cm. Le fond est plat. Cette forme n’apparaît qu’en céramique commune.
Forme 2 : vase de profil tronconique, plus ou moins profond
67La plupart présentent des parois rectilignes légèrement convexes ; quelques‑uns ont aussi des parois rectilignes ou concaves. Le bord est peu différencié ; on perçoit une évolution dans la forme de la lèvre : d’abord arrondie ou épaissie, elle devient rentrante pour aboutir à un léger épaulement et à un changement de direction du profil. En règle générale, les diamètres varient de 20 à 25 cm, mais certains ont un diamètre inférieur à 15 cm ou supérieur à 30 cm. Cette forme est fabriquée en céramique commune mais aussi en céramique savonneuse. Les vases de la forme 2 en céramique savonneuse ont tous (sauf un) un fond annulaire et la plupart d’entre eux bénéficient d’un bord rentrant (dont un épaulement sur le profil).
Forme 3 : vase à profil bitronconique
68Cette forme est fabriquée en céramique commune et en céramique savonneuse. Parmi les vases en céramique commune appartenant à ce groupe, nous avons établi des variantes à partir des différents profils : à profil subsphérique (à bord rectiligne ou légèrement éversé), à profil caréné caractérisé par un épaulement situé généralement dans la partie haute de la panse (les bords peuvent être rectilignes ou légèrement éversés) et à profil en S (dont les bords sont plus ou moins éversés). Les diamètres des bords varient principalement de 15 à 20 cm. Les fonds sont plats. Parmi les vases en céramique savonneuse appartenant à ce groupe, il se trouve que tous présentent une carène dans la partie moyenne de la panse. Les diamètres des bords ne dépassent pas les 20 cm. Nous ne connaissons pas la forme des fonds, puisque aucun profil complet ne nous est parvenu.
Forme 4 : vase à profil bitronconique
69Fond légèrement concave avec ombilic ; décor à baguettes horizontales. Cette forme apparaît uniquement en céramique savonneuse.
Forme 5 : vase à profil tronconique peu profond
70Les vases inclus dans ce groupe ont été tous fabriqués en céramique savonneuse et copient les formes d’assiettes en céramique campanienne.
Formes fermées
Forme 6 : vase tronconique « haut »
71Il est fabriqué en céramique savonneuse.
Forme 7 : vase à profil globulaire, ou en S
72Les bords peuvent être plus ou moins différenciés. Les fonds sont plats et il n’y a pas d’anses. Parmi les vases appartenant à ce groupe, nous distinguons les vases de moins de 20 cm de diamètre d’ouverture (forme 7A) et ceux de plus de 20 cm de diamètre et/ou une épaisseur de parois ou du bord de la panse de plus de 1 cm (forme 7B). Cette forme est fabriquée en céramique commune et savonneuse. Dans l’ensemble de la céramique commune on peut distinguer deux groupes : le premier présente des bords rectilignes et le deuxième des bords sécants inclinés vers l’extérieur. Le premier groupe aurait un profil plus globulaire et le deuxième, un profil plus en S. Dans l’ensemble des céramiques savonneuses on peut distinguer deux groupes : l’un formé par les vases ovoïdes à bord peu différencié (la lèvre étant formée par un simple bourrelet saillant) et l’autre formé par des vases globulaires ou ovoïdes mais avec un col différencié. Souvent, ils présentent des fonds annulaires.
Forme 8
73Ce groupe rassemble les vases connus comme « vases balustres ». Il s’agit des vases « hauts » dont la base des parois est concave. Pour la céramique commune, les vases balustres sont individualisés à partir de leurs bases, puisque nous ne possédons pas de profils archéologiquement complets. Dans l’ensemble de la céramique savonneuse, des fonds sont représentés mais aussi des parties hautes des panses décorées.
La céramique commune
74a.t.m.
75L’ensemble des céramiques communes est subdivisé en vases non tournés, en vases modelés et finis à la tournette (céramique tournassée) et en vases tournés. La différenciation de ces trois techniques d’élaboration n’a pas été toujours facile, étant donné l’importante fragmentation des vases du site de Mortantambe. Dans les tableaux, la céramique non tournée est représentée par les sigles CNT, la céramique tournassée par les sigles CMT et la céramique tournée par CT.
76Nous avons réalisé un examen exhaustif de tous les vases provenant des sondages effectués dans les fossés 3, 17 et 23 (spécialement pour les couches de fonctionnement). Ont été dessinés les vases représentés par un profil complet ou un simple bord (à l’exception des bords de moins de 3 cm).
Caractéristiques techniques
77Pour décrire les caractéristiques de la céramique commune et calculer leurs pourcentages, nous avons utilisé les données provenant de 129 vases individualisés dans les couches 3 et 4 du fossé 17 (enclos 2).
Cuisson
78Le type de cuisson réductrice est toujours majoritaire (tabl. VI).
Dégraissant
79Deux types de dégraissants ont été distingués (tabl. vi). L’un se présente sous la forme d’un mélange de grains de différentes dimensions ; l’autre, plus fin, est constitué de toutes petites particules homogènes. La composition minéralogique exacte du dégraissant ne peut être établie sans la réalisation de « lames minces », observées à la loupe binoculaire. Il est cependant intéressant de signaler la présence de micas et de quartz, dont le pourcentage dépasse 90 % dans les trois catégories de céramiques, D’autres composants sont apparents, mais leur pourcentage n’atteint pas 20 %.

TABL. VI – Caractéristiques de la céramique commune : cuisson et dégraissant. CNT céramique non tournée, CMT céramique tournassée, CT céramique tournée.
Traitement de surface
80Parmi les 70 vases de forme ouverte du fossé 17, nous avons pu constater différents traitements de surface (tabl. vii). Les surfaces extérieures décorées, voire peignées ou digitées, représentent seulement 2,8 % (2 vases).

TABL. VII – Caractéristiques de la céramique commune : traitement de surface.
81Parmi le traitement des surfaces des 59 vases de forme fermée du fossé 17 on note que pour deux cas, le peignage est associé à une ligne incisée à la limite entre le bord et la panse ; dans un cas, il est associé à une ligne de petits traits incisés située aussi à la base du bord. Nous avons retrouvé un vase avec des cordons appliqués (tabl. vi). En conclusion, les surfaces extérieures « décorées » représentent 11,6 % parmi les vases fermés, pourcentage important par rapport aux vases ouverts. Enfin, sur deux vases, la limite entre le bord et la panse est marquée par un ressaut.
Formes et décors
Forme 1
82Les diamètres des vases ne dépassent pas 12 cm. Le fond est plat. Il n’y a ni décoration, ni traitement particulier des surfaces.
Forme 2
83Il n’y a pas de décor sur les vases de ce groupe ; les surfaces, intérieures ou extérieures, sont rarement digitées ou peignées (2,8 %).
Forme 3
84Cette forme n’est jamais décorée ; mais la plupart des exemplaires (72 %) présentent des surfaces extérieures lissées et quelques‑uns (16,2 %) des surfaces intérieures également lissées.
Forme 7
85● Variante A
Tous les vases de ce type présentent des surfaces lissées, ce qui concerne plus de la moitié des vases étudiés (53 %). Ils sont parfois décorés (17,7 %) par un traitement de la surface externe. Le plus souvent, ils sont peignés (le bord n’étant pas concerné). Quelquefois une surface grossière (le bord étant plutôt bien lissé) commençant sous le bord a été délibérément recherchée. Parfois cette limite entre le bord et la panse est soulignée par une ligne incisée ou par une ligne de traits incisés.
86● Variante B
Les surfaces extérieures de ce type de vases sont lissées et très rarement décorées. Certains vases présentent des orifices volontaires ne correspondant pas à des restaurations anciennes (puisqu’il n’y a pas de trace de cassure). Généralement, les orifices sont symétriques et disposés par paires. Ils servent probablement à faire passer des ficelles pour maintenir un couvercle.
Forme 8
87Notons seulement que les bases balustres de trois vases différents sont présentes dans l’ensemble céramique du fossé 17 et une autre parmi les formes du fossé 3 (fig. 70, no 33 ; fig. 71, nos 18‑20).
Étude de l’ensemble de la céramique commune
88Sur le chantier de Mortantambe, nous avons exhumé un total de 5 123 tessons de céramique commune qui représentent 59,5 % du total du mobilier céramique, toutes périodes confondues.
Enclos 1
89L’étude céramique du fossé 3 a porté sur 812 fragments céramiques provenant des couches de fonctionnement des sondages 2 001, 2 002, 2 003, 2 004, 2 504 et 2 282 (tabl. viii ; fig. 66 et 67).
90Les vases décorés ne sont pas nombreux : deux vases de la forme 2 sont peignés à l’intérieur (fig. 66, nos 4 et 7). Un vase de la forme 7 A est peigné extérieurement, avec un décor d’une ligne de petits traits incisés localisée à la limite du bord et de la panse (fig. 66, no 25). Un vase de la forme 7 B présente une ligne de petits traits incisés au même endroit (fig. 66, no 28).

TABL. VIII – Céramique commune : nombre de tessons et nombre minimum d’individus.
91Parmi les fragments provenant des couches non différenciées en stratigraphie (couches de compactage) du fossé 3, il faut remarquer la présence d’un vase de la forme 3, caréné, en céramique tournée. Son fond est ombiliqué avec un cordon situé juste au‑dessus de la carène. Le cordon et le fond ont souffert d’une forte érosion. Les surfaces sont bien lissées, le dégraissant est fin et le vase a été cuit en un milieu réducteur. Ce vase se distingue des précédents par sa forme et la texture de sa pâte (fig. 67, no 13). Dans les niveaux de compactage sont apparus un vase de la forme 7 B aux surfaces peignées, avec un ressaut à la limite du bord et de la panse (fig. 67, no 9) ainsi qu’un vase de la forme 7 A avec des petits traits incisés à la limite du bord et de la panse (fig. 66, no 26).
Enclos 2
92Le fossé 17 a été fouillé sur une longueur de 24 m, l’étude céramique rassemble le mobilier provenant des couches 3 et 4 (couches de fonctionnement) des sondages 6013, 6014, 6015, 6036, 6056 et 6057 (fig. 68 à 71). La fouille de ce fossé a livré 1 465 tessons (tabl. viii).
93Les vases décorés sont un vase de la forme 2, dont la surface extérieure est très légèrement digitée, et un autre décoré au peigne. Parmi les vases de la forme 7A, deux présentent un ressaut séparant le bord et la panse, cinq ont la surface extérieure peignée (deux ont en plus une ligne incisée séparant le bord et la panse, un autre une ligne de petits traits). Il faut ajouter une base montrant des incisions radiales internes très fines réalisées à l’aide d’un instrument à tête ronde. Cette base est attribuée à une forme ouverte.
94Notons la présence d’un vase fermé, ovoïde, dont la surface extérieure de couleur gris foncé est lustrée (peut‑être engobée). La coupe des parois permet de voir un noyau gris et des franges gris clair. La surface interne est de couleur gris foncé sans engobe. L’élément le plus caractéristique est une décoration de baguettes horizontales situées à la base du bord et sur la panse. Une ligne ondée a été incisée sur la panse (fig. 70, no 1).
Enclos 3
95Dans le fossé 23, un seul sondage a été réalisé (Sd. 7 028) ; 247 tessons ont été exhumés (tabl. viii ; fig. 72). Parmi les vases décorés, un vase de la forme 7A présente une surface extérieure peignée, et un vase de la forme 3 porte une baguette à la limite du bord et de la panse. Dans le fossé 23, les vases tournés sont plus nombreux.
96Dans le fossé 15, le sondage 7 005 a livré l’ensemble le plus intéressant. Ainsi, un vase tourné entier de profil ovoïde (forme 7A) était associé à un possible fragment d’épée. Il s’agit d’un petit vase de 11 cm de hauteur ; son bord a un diamètre de 6,4 cm et son fond un diamètre de 4,7 cm. Le bord présente des parois légèrement éversées ; la limite entre le bord et la panse est marquée par un cordon lisse. Le fond est très érodé ; il est possible qu’il y ait eu un petit ressaut (fig. 72, no 35).
Légendes des figures 66 À 72
La céramique de l’âge du Fer
Endos 1, fossé 3
97fig. 66
981-14 vases appartenant à la forme 2, les nos 2, 5, 10, 12, 13 et 14 sont en céramique non tournée, les nos 1, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 11 sont en céramique tournassée ; 15 vase de la forme 3 en céramique non tournée ; 16 vase de la forme 7 A en céramique non tournée ; 17 vase de la forme 3 en céramique non tournée ; 18 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 19 vase de la forme 7 B en céramique tournassée ; 20 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 21‑22 vases de la forme 3 en céramique tournassée ; 23‑26 vases de la forme 7 A en céramique tournassée ; 27 vase de la forme 7 A en céramique non tournée ; 28 vase de la forme 7 B en céramique tournassée ; 29‑30 vases de la forme 7 A en céramique non tournée ; 31 vase de la forme 7 B en céramique tournassée ; 32 vase de la forme 7 A en céramique non tournée ; 33 vase de la forme 7 A en céramique tournassée.

FIG. 66 – Mortantambe, mobilier céramique de l’enclos 1, fossé 3.
dessin F. Chevreuse, M.-J. Rubira/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
99fig. 67
1001 vase de la forme 2 en céramique savonneuse ; 2‑4 vases de la forme 3, les nos 3 et 4 sont en céramique tournée, le no 3 en céramique tournassée ; 5 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 6 vase de la forme 7 B en céramique tournée ; 7 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 8 vase de la forme 6 en céramique savonneuse ; 9 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 10 vase de la forme 7 B en céramique tournée ; 11‑12 vases de la forme 2 en céramique tournassée ; 13 vase de la forme 3 en céramique tournée ; 14 fond de faisselle en céramique commune. Vases provenant de trous de poteaux à l’intérieur de l’endos 1 : 15‑18 vases de la forme 7 A en céramique tournée. Mobilier céramique provenant de l’enclos 1, fossé 4 : 19 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 20 vase de la forme 3 en céramique tournée ; 21 vase de la forme 7 A en céramique tournassée ; 22 vase de la forme 2 en céramique tournassée ; 23 vase de la forme 7 B en céramique tournassée.

FIG. 67 – Mortantambe, mobilier céramique de l’endos 1, fossé 3.
dessin F. Chevreuse, M.-J. Rubira/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
Endos 2, fossés 12 et 17
101fig. 68
102Fossé 12 : 1‑2 vases de la forme 7 A en céramique tournée ; 3 vase de la forme 7 B en céramique savonneuse ; 4 vase de la forme 2 en céramique savonneuse ; 5‑8 vases de la forme 7 A en céramique tournée ; 9 vase de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 10‑11 vases de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 12‑ 13 vases de la forme 2 en céramique savonneuse ; 14 vase de la forme 5 en céramique savonneuse. Mobilier céramique provenant de l’enclos 2, fossé 16 : 15‑17 vases de la forme 3 en céramique savonneuse ; 18 vase de la forme 4 en céramique savonneuse ; 19 vase de la forme 2 en céramique savonneuse ; 20 vase de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 21 vase de la forme 3 en céramique tournée ; 22 vase de la forme 7 A en céramique tournée ; 23 vase de la forme 7 B en céramique savonneuse ; 24 fond d’un vase en céramique tournée ; 25‑26 vases de la forme 7 A en céramique tournée. Mobilier céramique provenant du puits : 27‑28 vases de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 29 piédestal en céramique savonneuse ; 30 vase de la forme 7 A en céramique savonneuse.

FIG. 68 – Mortantambe, mobilier céramique de l’endos 2, fossé 12.
dessin F. Chevreuse, J.-L. Hillairet/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
103fig. 69
104Fossé 17 : 1‑5 vases de la forme 3, les nos 1, 2 et 4 sont en céramique tournassée, les nos 3 et 5 sont en céramique non tournée ; 6‑8 vases de la forme 1, le no 6 est en céramique non tournée, les nos 7 et 8 sont en céramique tournassée ; 9‑35 vases de la forme 2, les nos 9‑12, 19, 23, 27‑ 29 et 31 sont en céramique non tournée, les nos 17, 20‑22, 24‑25, 30 et 35 sont en céramique tournassée, les nos 13‑16, 18, 26, 32, 33 et 34 sont en céramique tournée.

FIG. 69 – Mortantambe, mobilier céramique de l’enclos 2, fossé 17.
dessin F. Chevreuse, M.-J. Rubira/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
105fig. 70
106Fossé 17 : 1‑32 vases de la forme 7A, les nos 4‑8, 13‑ 16, 20, 22‑27, 29, 31 et 32 sont en céramique tournassée, les nos1, 9‑12, 17‑19, 21, 28 et 30 sont en céramique tournée, les nos2 et 3 en céramique savonneuse ; 33 vase de la forme 8 en céramique savonneuse ; 34‑35 vases de la forme 7 A en céramique tournassée.

FIG. 70 – Mortantambe, mobilier céramique de l’enclos 2, fossé 17.
dessin F. Chevreuse, M.-J. Rubira/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
107fig. 71
108Fossé 17 : 1‑14 vases de la forme 3, les nos 3‑5, 10 et 13 sont en céramique tournassée, les nos 1‑2, 6‑9, 11‑12 et 14 sont en céramique tournée ; 15‑17 vases de la forme 7B, le no 15 est en céramique tournassée, le no 16 en céramique non tournée et le no 17 en céramique tournée ; 18‑20 vases de la forme 8 en céramique commune ; 21‑25 vases de la forme 7B, les nos21, 23‑25 sont en céramique tournassée, le no 22 est en céramique tournée ; 26‑28 et 30 fusaïoles ; 29, 31‑35 jetons ; 36 fragment de faisselle.

FIG. 71 – Mortantambe, mobilier céramique de l’enclos 2, fossé 17.
dessin F. Chevreuse, M.-J. Rubira/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
Enclos 3, fossé 23
109fig. 72
1101‑2 vases de la forme 7 A en céramique tournée ; 3 vase de la forme 3 en céramique tournée ; 4‑9 vases de la forme 7A, les nos 4‑6 et 9 sont en céramique non tournée, les nos7 et 8 en céramique tournée ; 10‑12 vases de la forme 2, les nos 10 et 12 sont en céramique tournée, le no 11 en céramique non tournée ; 13 vase de la forme 4 en céramique savonneuse ; 14‑16 vases de la forme 8 en céramique savonneuse ; 17 vase de la forme 2 en céramique non tournée ; 18‑21 vases de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 22 vase de la forme 7 A en céramique tournée ; 23 vase de la forme 7A en céramique non tournée ; 24‑26 vases de la forme 2 en céramique savonneuse ; 27‑29 vases de la forme 5 en céramique savonneuse. Mobilier céramique provenant de l’enclos 3, fossé 15 : 30‑31 vases de la forme 7 A en céramique savonneuse ; 32 vase de la forme 7 B en céramique savonneuse ; 33 vase de la forme 5 en céramique savonneuse ; 34 vase de la forme 3 en céramique savonneuse ; 35 vase de la forme 7 A en céramique tournée ; 36 vase de la forme 2 en céramique savonneuse ; 37 vase de la forme 8 en céramique savonneuse. Mobilier céramique provenant de trous de poteaux à l’intérieur de l’enclos 3 : 38 vase de la forme 4 en céramique savonneuse ; 39 vase de la forme 7A en céramique savonneuse.

FIG. 72 – Mortantambe, mobilier céramique de l’enclos 3, fossé 23.
dessin F. Chevreuse, J.-L. Hillairet/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
La céramique savonneuse
111j.‑l.h.
112La principale caractéristique de la céramique dite savonneuse est l’emploi d’une argile finement épurée, cuite généralement en atmosphère réductrice, puis parfois oxydante. Cette céramique est une catégorie particulière au sein de la vaisselle d’Aquitaine. Pour mieux appréhender cette céramique, il est nécessaire de rappeler la définition établie par M.‑H. et J. Santrot ; « La céramique savonneuse grise est une pâte à texture très fine, le dégraissant n’est pas perceptible au toucher, les paillettes de mica sont visibles. C’est une pâte fragile qui est montée au tour, rayable à l’ongle, très douce au toucher. Si la surface des parois est soigneusement lissée, la couleur externe de la pâte est très proche de celle de la section qui garde, cependant, un noyau plus foncé. Si la poterie a été lustrée, la différence de couleur est plus accentuée ; l’extérieur apparaît sur un cœur gris clair ou chamois. Dans ce cas le façonnage de la paroi imite parfaitement le trempage dans un engobe : c’est le pseudo‑engobe. Dans les ateliers saintais d’époque augusto‑tibérienne, la couleur noire de la paroi est très souvent accentuée par des bandes horizontales. » (Laurenceau, Santrot 1988 : 200.)
113Récemment un essai de synthèse a été effectué à l’occasion du congrès de la SFECAG, à Tournai, en 1992, pour cette catégorie de céramique. Des divergences régionales dans la dénomination de cette catégorie céramique ont été mises en exergue, mais la discussion n’a pas abouti à une appellation commune. Pour cette raison, je rappellerai les différentes dénominations de cette céramique au sein des trois Gaules : « savonneuse » en Aquitaine (Santrot, Santrot 1979), « Gallo‑Belge » en Gaule Belgique (depuis le début du siècle), « fumigée » en Bretagne (Menez 1985) et en Normandie (Lepert 1993), « imitation de céramique campanienne » ; « terra nigra » et « grise ardoisée » en Gaule du Centre (Genin et al. 1992).
114Une difficulté importante est apparue pour la comparaison de la céramique savonneuse entre les différents sites de La Tène III de la région. Cela est dû principalement à l’ancienneté de certaines fouilles, où l’identification de ce type de céramique n’avait pas encore été clairement établie.
115Nous avons pu toutefois avoir accès à une partie du mobilier de Mainxe, Muron, Pons et Saintes. Sur tous ces sites, la céramique savonneuse est présente en plus ou moins grande quantité. Par contre, à Lacoste, C. Sireix nous a signalé que la savonneuse était absente. Seul le mobilier de l’oppidum de la Curade n’a pas été examiné. Nous avons donc fait une lecture attentive des descriptions des pâtes à partir des articles concernant chaque site de référence. Ainsi, une assimilation a été envisagée en tenant compte de la présence de la savonneuse sur ces sites, tout en mettant les doutes qui s’imposent sur cette interprétation.
Les caractéristiques techniques
116Elle représente 2 à 49 % de la céramique utilisée sur le site.
La cuisson
117Sur le site, la cuisson a été généralement exécutée en atmosphère réductrice (97 %), parfois en atmosphère réductrice puis oxydante (3 %), lui donnant une couleur brune ou marron.
La pâte
118La plus grande partie de la céramique mise au jour sur le site présente les mêmes caractéristiques que celles définies précédemment ; en revanche, elle comprend une grande variété de teintes aussi bien pour les parois externes que pour l’intérieur de la pâte. 34 % de l’ensemble a une couleur gris clair pour les parois sur un noyau gris foncé ; 6,5 % de la savonneuse présente des parois brun clair sur un noyau gris foncé ; 5,6 % des fragments ont une couleur brune pour les parois et un noyau gris clair ; 1,7 % des tessons ont une couleur gris‑brun clair pour les parois sur un noyau brun et 24,7 % des céramiques représentent de nombreuses combinaisons de couleurs.
119L’observation visuelle des pâtes rangées dans la catégorie de la céramique savonneuse a permis de mettre en évidence une quantité non négligeable (27,5 %) de fragments réalisés dans une pâte d’un gris uniforme. Ils présentent les mêmes caractéristiques de douceur au toucher, de texture très fine et de surface soigneusement lissée (sauf pour quelques exemplaires, le dégraissant apparaît plus nettement). Cette catégorie de céramique pourrait constituer un faciès de la savonneuse, comme cela a été fait dans le centre de la Gaule en pays roannais où on sépare les céramiques grises ardoisées et la terra nigra (Genin et al. 1992 : 182‑ 185). Cette distinction correspond à une production peut‑être plus précoce.
120Cette pâte semble être assimilable de façon visuelle à certaines céramiques mises au jour sur le site d’Agris en Charente, dans des niveaux datés du milieu du iie s. av. J.‑C. (communication orale de J. Gomez de Soto 1994). L’ensemble des jattes ou coupes carénées a été réalisé exclusivement à partir de cette pâte (fig. 68, nos 15‑17 et fig. 72, no 34). Il en est de même pour le bassin (fig. 72, no 38). Le reste de la céramique correspondant à cette catégorie se compose de formes fermées (fig. 68, no 30 ; fig. 70, no 33 ; fig. 72 nos 19, 21, 30‑32 et 39). D’autre part, on note l’absence dans cette catégorie de forme ouverte tel que les écuelles et les assiettes. Une étude sur l’évolution du répertoire roannais de la vaisselle fine indigène montre que les jattes à profil en S ou jattes carénées sont présentes dès 150 av. J.‑C. et disparaissent vers 90 av. J.‑C. (Genin et al. 1992 ; 183). L’absence d’assiette, forme dont l’arrivée correspondrait à une acculturation romaine, ainsi que la seule présence de forme de tradition celtique pourraient permettre d’émettre une hypothèse d’antériorité de ce faciès par rapport à la céramique savonneuse traditionnelle.
121Sur le site de Mortantambe, à titre d’hypothèse et en l’absence d’analyse des pâtes, on pourrait séparer en deux faciès cette céramique. Le faciès 1 correspondant à la céramique gris clair et le faciès 2 pour le reste de la savonneuse traditionnelle.
Les données archéologiques : comparaisons
122Le nombre minimum d’individus a été obtenu exclusivement à partir des bords (tabl. ix).
123Les enclos 2 et 3 représentent la plus grosse quantité de fragments de céramiques savonneuses, 83 % de l’ensemble, alors que l’enclos 1 n’a livré que 12 %.

TABL. IX – Récapitulatif de la céramique savonneuse.
124Les comparaisons entre le niveau 5 du site de Ma Maison à Saintes (seules actuellement disponibles) et les niveaux du site de Mortantambe font apparaître pour l’ensemble de la céramique plusieurs remarques :
– la quantité de céramique savonneuse est plus importante à Ma Maison (39 % à 79 %) que sur le site de Mortantambe (2 % à 48 %) ;
– la céramique peignée est présente à Ma Maison, (6,5 % à 18 %), alors qu’à Mortantambe elle est peu représentée (8 %). En revanche, sur le site de Mortantambe on note la présence d’une quantité importante de céramique non tournée (1 % à 13,5 %), ou tournassée (6,9 % à 56,3 %), alors qu’à Ma Maison celles‑ci sont pratiquement absentes.
125La comparaison entre les six structures sélectionnées sur le site de Mortantambe permet les observations suivantes :
– la présence de céramique commune non tournée et tournassée est nettement plus importante dans le fossé 3 de l’enclos 1 (13,5 %/56,3 %), que dans l’ensemble des autres fossés (9,5 %/44,5 %) – (0,9 %/6,9 %) – (7 %/20,5 %) ;
– de même, on note une fréquence accrue des céramiques communes tournées et savonneuses dans les enclos 2 et 3 (25,9 % – 2,5 %) – (40,2 % – 48,6 %) – (43,3 %/34,2 %)
– (19,5 %/35,9 %), par rapport à l’enclos 1 (12,2 %/10,4 %) ;
– au sein de l’enclos 2, on s’aperçoit qu’à l’intérieur du fossé 17, il y a une présence très importante de céramique non tournée (9,5 %) et tournassée (44,5 %) avec très peu de savonneuse (2,5 %), alors que dans les fossés 16 (0,9 %, 6,9 %, 48,6 %) et fossés 12 (0 %, 16,7 %, 34,2 %), les rapports sont largement inversés,
126L’étude de la céramique savonneuse permet de différencier trois états d’occupation. L’enclos 1 semble être le plus ancien, ce qui est confirmé par l’étude des amphores et de la céramique commune. Le sud de l’enclos 2 (fossé 12‑16) et de l’enclos 3 (fossé 14‑1523) ont livré la plus importante quantité de céramique savonneuse, alors qu’elle est peu représentée au nord de l’enclos 2 (fossé 17). Par comparaison exclusivement visuelle pour la pâte, la céramique mise au jour dans l’enclos 3 et au sud de l’enclos 2 semble contemporaine ou légèrement antérieure à celle du niveau 5 du site de Ma Maison à Saintes. Cette impression est confirmée par les proportions entre les différents types de céramiques des sites de Mortantambe et de Ma Maison à Saintes.
127Cette étude permet de constater une production encore plus ancienne pour la céramique savonneuse que ne le laissait entrevoir l’étude de N. Laurenceau effectuée pour le site de Ma Maison à Saintes (Laurenceau, Santrot 1988 : 205).
Les formes céramiques
128Les vases céramiques ont été rassemblés par groupes de formes numérotées en suivant un critère de « profil géométrique », comme d’ailleurs la céramique commune, afin d’établir un répertoire cohérent pour Mortantambe.
Les formes ouvertes
129Les formes ouvertes sur le site de Mortantambe représentent 58 % de l’ensemble de céramiques savonneuses.
130● Forme 2
131Les jattes à bord rentrant correspondent exclusivement au faciès no 2 semblable aux formes de La Tène III (fig. 68, nos 4, 13 ; fig. 72, nos 25 et 26). Ces formes s’apparentent au type IV du site de Mainxe (Burnez et al. 1971 : 466, fig. 5). Elles sont présentes également à Pons (Perrichet 1991 : 141, fig. 2), Muron (Favre 1973 : 81, fig. 4), Lacoste (Sireix, Boudet 1986 : 53, fig. 10‑13), La Curade (Chevillot 1983 : 131, fig. 14), Toulouse (Fouet 1970 : 25, fig. 12) et à Saintes sur le site de Ma Maison (Laurenceau, Santrot 1988 : 205).
132La jatte (fig. 67, no 1) du site de Mortantambe correspond au faciès no 2 et par la forme à celles présentes dans le niveau 3 du site de Lacoste, qui est daté de la première moitié du iie s. av. J.‑C. (Sireix, Boudet 1986 : 53, fig. 10‑13). Ce vase ressemble au type IV du site de Mainxe (Burnez et al. 1971 : 466, fig. 5). 11 est présent également à Pons (Perrichet 1991 : 14, fig. 2) et à La Curade (Chevillot 1983 : 131, fig. 14).
133La jatte à lèvres bifides (fig. 68, no 12) a été recueillie dans la zone 6 du site de Mortantambe. Cette forme est présente à Muron (Favre 1973 : 82) et à Saintes (Laurenceau, Santrot 1988 : 206), mais totalement absente à Mainxe, Pons, La Curade et à Lacoste.
134Les jattes à bord rentrant (fig. 72, nos 24 et 36) correspondent aux formes de La Tène III. Ces formes s’apparentent au type IV du site de Mainxe (Burnez et al. 1971 : 466, fig. 5). Elles sont présentes également à Pons (Perrichet 1991 : 141, fig. 2), Muron (Favre 1973 : 81, fig. 4), Lacoste (Sireix, Boudet 1986 : 53, fig. 10‑13), La Curade (Chevillot 1983 : 131‑132, fig. 14) et à Saintes sur le site de Ma Maison (Laurenceau, Santrot 1988 : 205).
135Parmi les vases de ce groupe, deux (fig. 72, nos 25 et 26) ont été percés de petits trous le long d’une ligne de cassure afin de les réparer. La plupart d’entre eux présentent une usure très prononcée en leur centre, montrant une utilisation prolongée, indiquant une certaine valeur de cette vaisselle de table.
136● Forme 3
137Les écuelles carénées correspondent exclusivement au faciès no 1 ; elles possèdent un décrochement au niveau de la rupture de courbe de leurs panses carénées (fig. 68, nos 15‑17 ; fig. 72, no 34). Ces formes sont caractéristiques de la céramique de La Tène (Santrot, Santrot 1979). Elles correspondent au type III de Mainxe (Burnez et al. 1971 : 465, fig. 4), aux formes nos 36 à 40 du niveau 5 et 4b du site de Ma Maison à Saintes (Laurenceau, Santrot 1988), au no 11 du mobilier provenant du dépotoir Magnard à Pons (Lassarade 1986 : 131, fig. 8) et on les retrouve également à Vieille‑Toulouse (Fouet 1970 : 23, fig. 9). Ces formes sont antérieures aux productions augustéennes précoces des ateliers saintais qui ont fabriqué une coupe s. 158 de la typologie de M.‑H. et J. Santrot, forme évoluée de ces coupes (Santrot, Santrot 1979).
138● Forme 4
139Le bassin du site de Mortantambe correspond au faciès no 1 (fig. 72, no 38). Il présente un ombilic au centre de son fond légèrement concave et un décor de baguettes à la naissance de la panse que l’on ne retrouve pas à Mainxe et à Pons. Sur le site de Mainxe, cette forme n’est pas exécutée en pâte savonneuse, mais exclusivement en céramique commune soigneusement lissée. Elle pourrait être contemporaine ou légèrement antérieure à celles du niveau 5 du site de Ma Maison à Saintes. Par contre, elle ne correspond pas aux productions augustéennes précoces des ateliers saintais, qui ont fabriqué une coupe s.175 de la typologie de M.‑H et J. Santrot, forme évoluée de ce bassin (Santrot, Santrot 1979).
140L’étude de R. Bouder semble démontrer que cette forme est une production typiquement charentaise (Bouder 1986 : 25). Celle‑ci correspond au type VI de Mainxe (Burnez et al. 1971 : 466, fig. 6), aux formes nos 48 à 52 du niveau pré‑augustéen du site de Ma Maison à Saintes (Laurenceau, Santrot 1988), aux nos 1 et 2 du mobilier provenant du dépotoir Magnard à Pons (Lassarade 1986 : 131, fig. 8). Le site a livré deux bassins à bord concave correspondant au faciès no 2 (fig. 68, n 18 ; fig. 72, no 13). Leur forme globale n’est pas connue. Ils possèdent sur la panse un décor de baguettes, parfois groupé avec une lèvre simple éversée pour l’un, et pour l’autre une lèvre bifide. Elles pourraient correspondre à ceux du niveau 5 du site de Ma Maison à Saintes (Laurenceau, Santrot 1988).
141● Forme 5
142Les assiettes à lèvres verticales (fig. 68, no 19 ; fig. 72, nos 28, 29 et 33) proviennent d’imitations de céramiques campaniennes. Celles‑ci sont bien représentées à Saintes, dans les niveaux pré‑augustéens et augustéens du site de Ma Maison (Laurenceau, Santrot 1988 : 205), mais sont totalement absentes à Mainxe, Muron et Pons.
143Les coupelles (fig. 68, no 14, fig. 72, no 26) sont souvent apparentées aux assiettes. Un exemplaire d’une coupelle à lèvre pendante (fig. 72, no 27) a été mis au jour sur le site de Mortantambe. Elle correspond à une imitation de céramique campanienne, mais n’a apparemment pas actuellement d’équivalent dans la région.
Les formes fermées
144Les formes fermées sur le site de Mortantambe représentent 42 % de l’ensemble des céramiques savonneuses.
145● Forme 6
146Cette forme (gobelet) correspond au faciès no 2, elle possède une panse verticale à lèvre simple et a généralement un fond plat (fig. 67, no 8). Elle apparaît à Lacoste dans le niveau 2, daté de la fin du iie s.‑début du ier s. av. J.‑C. Elle est également présente sur le site de Vieille‑Toulouse à La Tène III (Fouet 1970 : 26, fig. 13), à Muron (Favre 1973 : 82, fig. 5), à Pons (Perrichet 1991 : 14, fig. 2) et à La Curade (Chevillot 1983 : 133, fig. 16). Elle est absente à Mainxe et à Saintes.
147● Forme 7
148Les vases globulaires reposent généralement sur un pied annulaire, certains possèdent un décor de baguettes, leur col est largement ouvert avec une lèvre formée d’un simple bourrelet saillant (fig. 68, nos 18 et 27 ; fig. 72, nos 30‑32). Concernant les vases ovoïdes, les deux modes de cuisson reconnus sur le site sont présents. Ils reposent sur un pied annulaire et présentent une variété de col et de taille (fig. 68, no 9‑11 et no 30 ; fig. 72, nos 8 et 18).
149Des grands vases à fond plat, avec une large ouverture formée d’une lèvre à épais bourrelet externe, étaient destinés à conserver la nourriture. Ceux‑ci sont représentés à Mortantambe par 4 individus (fig. 68, nos 23 et 28 ; fig. 72, nos 14 et 32). Par la suite, ces vases évoluent vers la forme 264 de la typologie de M.‑H. et J. Santrot réalisés en céramique commune grise et datés du ier s. ap. J.‑C. (Santrot, Santrot 1979).
150● Forme 8
151Les vases balustres ont un pied évasé en piédouche et la panse renflée est harmonieusement galbée. Ils possèdent un col à flancs concaves qui s’évase et s’achève par une lèvre à bourrelet externe. Ils apparaissent dès la fin du ier s. av. J.‑C. et peut‑être à partir du iie s. dans le Puy‑de‑Dôme (Santrot, Santrot 1979). Sur le site de Mortantambe (fig. 72, nos 14‑16), ils sont présents uniquement dans l’enclos 3 et possèdent tous un décor de baguettes ou de lignes ondées entourées de baguettes.
Les décors
152Les baguettes se retrouvent exclusivement sur des formes tournées ; elles sont réalisées au cours du tournage par l’application sur la paroi externe de l’estèque. R. Boudet place l’apparition de la baguette en Aquitaine à partir du ive‑iiie s. av. J.‑C. (Boudet 1986). On retrouve ce décor sur les vases de la forme 7A, 8, 3 et 4. Ce décor est largement représenté sur le site de Mortantambe (fig. 68, nos 17, 18 et 27 ; fig. 70, nos 2 et 3 ; fig. 72, nos 13, 16 et 30).
153Les lignes ondées apparaissent dès le premier âge du Fer. Sur la savonneuse, ce décor est réalisé par lustrage, à l’aide d’un brunissoir, laissant une trace plus sombre sur la panse qui se détache de la paroi de couleur légèrement plus claire (fig. 67, no 1 ; fig. 72, nos 15 et 37).
154Les décors incisés sont peu représentes sur le site, ils se caractérisent par une incision peu profonde obtenue par un objet pointu (fig. 68, nos 13 et 30).
Les ateliers : chronologie
155Plusieurs ateliers de potiers ayant produit cette céramique à l’époque augusto‑tibérienne ont été mis au jour à Saintes : sites du cimetière Saint‑Vivien (Maurin 1974), du cours Genêt (Vienne 1979‑80) et, récemment, rue du Bois d’Amour (information orale de J.‑P. Nibodeau 1993). Il faut aller en Armorique près de Rennes (Menez 1985) et en Belgique (Green 1972) pour retrouver d’autres ateliers datés quant à eux du milieu du ier s. ap. J.‑C.
156Récemment plusieurs fours de potiers ayant produit cette céramique savonneuse ont été mis au jour à Vayres en Gironde (communication orale de C. Sireix 1994).
157Le début de la production des ateliers saintais connus et étudiés est daté de l’époque augustéenne, vers 25 av. J.‑C. Cette époque caractérise des changements importants dans le répertoire des formes, la qualité des pâtes et la présentation générale des céramiques, imitant en particulier les importations des céramiques sigillées italiques. L’accentuation de l’aspect noir de la paroi par des bandes horizontales semble être caractéristique de cette époque (Santrot, Santrot 1979).
158L’absence sur le site de Mortantambe de forme augusto‑tibérienne tendrait à situer chronologiquement cette céramique antérieurement aux productions actuellement connues à Saintes. La production saintaise devait exister à l’époque pré‑augustéenne suivant l’étude de la céramique du site de Ma Maison.
159N. Laurenceau situe le début de cette production en Aquitaine vers le milieu du ier s. av. J.‑C., en fonction de la datation donnée pour le site de Ma Maison à Saintes et en particulier pour le niveau 5 pré‑augustéen, daté de 40‑30 av. J.‑C. Cette datation repousse ainsi d’un quart de siècle celle admise jusque‑là pour l’origine de cette céramique saintongeaise (Laurenceau, Santrot 1988 : 205).
160La présence de céramique savonneuse sur le site de Mainxe permet d’attester son existence vers la fin du iie ou le début du ier s. av. J.‑C.
161Le début de la production de la céramique savonneuse pourrait même commencer vers le milieu du iie s. av. J.‑C. (communication orale de J. Gomez de Soto 1994).
La céramique à vernis noir
162a.t.m.
163Quatre tessons de céramique à vernis noir du type A ont été trouvés dans la couche de fonctionnement du fossé 17 (sondage 6014, couche 3).
164La céramique campanienne de type A est exportée à partir du golfe de Naples. Entre le dernier quart du iie s. av. J.‑C. et tout au long du ier s., les bateaux qui transportent les amphores vinaires italiques complètent leur cargaison avec des vases en céramique à vernis noir. En Gaule intérieure, cette céramique est distribuée avec les amphores Dressel 1. En revanche, la présence de vases à vernis noir sur les sites de la fin de l’âge du Fer en Gaule intérieure ne dépasse pas en général la dizaine de tessons. Il semble que dans cette zone, les vases à vernis noir étaient considérés comme plus précieux qu’ailleurs et conservés plus longtemps (Morel 1985 ; 1990).
Les amphores
165h.p.
166Avec 989 fragments, les amphores du site de Mortantambe représentent 13 % de la totalité du mobilier céramique recueilli (fig. 73, 74). La plupart proviennent des fossés et ont été retrouvées à l’état résiduel, souvent sous forme de débris de petites dimensions. Le poids total des fragments atteint 101,5 kg. Sachant qu’il s’agit presque uniquement d’amphore Dressel 1, dont le poids varie entre 20 et 25 kg, l’ensemble ne représente, tout au plus, que le poids de cinq amphores. Ne disposant donc d’aucun objet entier, il était intéressant, en revanche, de faire une étude à partir des nombreuses lèvres conservées. Nous n’avons pas pris en compte les pieds, trop peu nombreux, ni les anses et les panses, trop atypiques. Après recollage du matériel, un comptage des lèvres a permis de dénombrer un nombre minimum de 60 individus : 59 appartiennent au type Dressel 1 et 1 au type Pascual 1 (tabl. x).

FIG, 73 – Mortantambe. Amphores provenant de l’enclos 1 : 1 pied d’amphore Dressel 1 (trou de poteau, st. 2 232) ; 2‑9 lèvres d’amphore Dressel 1A (fossés 3 et 4, couches de fonctionnement et comblement). Amphores provenant de l’enclos 2 : 10‑18 et 20 lèvres d’amphore Dresse 1A (fossé 17, couche de fonctionnement) ; 19 lèvre d’amphore Dressel 1B (fossé 17, couche de fonctionnement) ; 21‑23 lèvres d’amphore Dressel 1A (fossé 12, couche de fonctionnement) ; 24 pied de Dressel 1 (st. 6055, puits) ; 25, 26, 28, 30, 31 lèvres de Dressel 1A (fossés 12, 16 et 17, couches de comblement) ; 27, 29, 32 33 34, 35 lèvres de Dressel 1B (fossés 12, 16 et 17, couches de comblement) ; 36 lèvre de Pascual I (fossés 12, 16 et 17, couches de comblement). Amphores provenant de l’enclos 3 : 37‑44 lèvres d’amphore Dressel 1B (fossés 14 et 15, couches de comblement).
dessin H. Petitot, F. Chevreuse/Afan, maquette M. Coutureau/Afan

FIG. 74 – Mortantambe. Plan des niveaux d’abandons avec la répartition des amphores par type de lèvres.
dessin P. Mille/Afan

TABL. X – Contexte de découverte des lèvres d’amphores.
Classification des lèvres de type Dressel 1
167Ne disposant pas de toutes les caractéristiques de forme et de taille que peuvent donner des amphores Dressel 1 complètes, il était difficile d’individualiser les Dressel 1A et les Dressel 1B. Cependant, les lèvres d’amphores du type Dressel 1 de Mortantambe présentent suffisamment de différences morphologiques pour être classées en deux catégories.
168La typologie des amphores à partir de leurs lèvres étant encore mal définie (Tchernia 1986 ; Laubenheimer 1990), il nous a semblé nécessaire de préciser les critères de notre classification.
Dressel 1A
169Nous avons classé dans cette catégorie les lèvres courtes triangulaires de moins de 4 cm de hauteur. Les bases des lèvres sont souvent concaves, mais elles peuvent être obliques ou horizontales.
Dressel 1B
170Les lèvres sont plus hautes. Elles varient entre 4 et 6 cm. L’inclinaison des lèvres est convergente, divergente et plus rarement concave ou rectiligne. Les bases peuvent être concaves, obliques ou horizontales.
171Les lèvres d’amphores de type Dressel 1 se répartissent en 39 Dressel 1A et 20 Dressel 1B.
Description des pâtes
172La plupart des pâtes sont rosées ou rouges mais elles peuvent être blanchâtres, violacées et même grises. Nous ne nous attarderons pas sur leur composition car seules des analyses pétroarchéologiques pourraient apporter des informations objectives. La variété des pâtes met en évidence plusieurs ateliers. On estime à une centaine les ateliers d’amphores Dressel 1 en Italie, mais une dizaine seulement sont connus (Hesnard 1990 : 53).
173Toutefois une catégorie de pâte a pu être individualisée car elle possède des petits minéraux noirs caractéristiques 12,6 % du total des fragments d’amphores). Leur densité varie considérablement d’une amphore à l’autre. Certaines en contiennent une grande quantité, à tel point qu’ils se distinguent nettement dans la pâte. Les argiles contenant des minéraux noirs sont utilisées par des ateliers se situant dans les régions volcaniques d’Italie et principalement dans le massif vésuvien (Hesnard 1990 : 38‑49).
Réemploi
174Deux polissoirs taillés dans des anses ainsi qu’un bouchon circulaire découpé dans une panse montrent que des amphores ont été réemployées. La pratique de réutilisation est largement attestée pour les Dressel 1. Nous noterons seulement que des polissoirs ont été également découverts à Bordeaux, lors des fouilles des allées de Tourny (Laubenheimer 1990 : 55), et sur le site de La Couture, à Muron (Favre 1973 : 87).
175Deux cols d’amphores de Dressel 1B présentent un petit orifice de 1,5 cm de diamètre. Cet aménagement est indiscutablement une preuve de réemploi du récipient, mais nous en ignorons la fonction (fig. 73, nos 43 et 44).
176Un autre indice de réutilisation se rapporte à une partie basse d’amphore, retrouvée brisée en plusieurs fragments dans une fosse interprétée comme un trou de poteau (st. 2 232 ; fig. 73, no 1). Il est possible que le haut de l’amphore ait été cassé pour donner au récipient une ouverture plus large et le rendre plus fonctionnel.
Marques de potiers
177Deux marques de potiers ont été retrouvées. L’une, sur le bord supérieur d’une Dressel 1B, est assez mal conservée (fig. 73, no 41). Il est possible de distinguer, dans un cartouche presque complet de 2 x 1,5 cm, deux moulures parallèles. L’autre, anépigraphe, est visible sur le pied d’une amphore Pascual 1 (structure 6055). Elle représente une rosace de 2 cm de diamètre (fig. 73, no 24).
Datations
178Les amphores datent l’occupation du site entre l’apparition des Dressel 1 et l’apparition des Pascual 1, c’est‑à‑dire entre le début de La Tène finale et la fin de l’Époque républicaine. Toutefois, si nous nous référons à nos critères de classification, nous pouvons, d’après la répartition typologique des lèvres, cerner plusieurs phases dans l’évolution du site. Il faut être conscient que nos déductions découlent d’une faible série statistique. Par conséquent, les datations que nous proposons sont à considérer avec prudence.
179L’absence de Dressel 1B dans les fossés de l’enclos 1 laisse supposer que ceux‑ci ont été creusés et comblés entre le début de La Tène finale et le début de l’Époque républicaine (fig. 73, nos 1‑9).
180Un exemplaire de Dressel 1B parmi plus d’une dizaine de Dressel 1A permet de situer le creusement des fossés de l’enclos 3 au début du ier s. av. J.‑C. (fig. 73, nos 10‑20). La présence d’une Pascual 1 dans les niveaux de comblement indique que ces fossés ont perdu leur fonction au plus tard vers 50/30 av. J.‑C. (fig. 73, nos 25‑36).
181Il est difficile de préciser la date du creusement des fossés 14, 15 et 23. Toutefois, la prédominance des Dressel 1B (fig. 73, nos 37‑44) dans les couches de remplissage des fossés permet de penser qu’ils sont comblés dans la deuxième moitié du ier s. av. J.‑C., peut‑être en même temps que les fossés de l’enclos 3.
Comparaisons
182Plusieurs sites régionaux de La Tène finale ont livré des amphores républicaines. Le seul qui puisse être comparé à Mortantambe est le site de La Croix des Sables à Mainxe (Charente). Sa vocation d’habitat rural isolé n’est pas certaine. Quelques sondages dans des fossés ont fourni des amphores Dressel 1 (Burnez et al. 1971 ; Gomez de Soto 1984c).
183Des amphores italiques ont également été découvertes sur des gisements de nature différente :
– sur l’oppidum de Pons, des travaux d’urbanisme et quelques sondages ponctuels ont permis de constater la présence d’une grande quantité d’amphores Dressel 1A et Dressel 1B (Latreuille, Lassarade 1969 ; Lassarade 1986 ; Perrichet 1991) ;
– à Muron, sur le site de La Couture (Charente‑Maritime), petite agglomération gauloise puis romaine, la réalisation d’une tranchée d’adduction d’eau a permis de recueillir de nombreux fragments d’amphores (Favre 1973).
184Notons qu’il en a également été reconnu, mais en faible quantité, sur une cinquantaine de sites à sel d’Aunis et de Saintonge (Gabet 1973 ; Perrichet 1991).
185Les études de tous ces sites de la fin de l’âge du Fer se limitent à quelques sondages, voire quelques observations ponctuelles. Les amphores ne font jamais l’objet de données quantitatives. Ces ensembles sont donc difficilement comparables à celui de Mortantambe. Toutefois, ils témoignent de la large diffusion des amphores républicaines dans la région.
186La voie commerciale qui acheminait ces amphores jusque dans le S‑O de la Gaule est connue (Roman 1983 ; Laubenheimer 1990). Les récipients parvenaient à Narbonne par mer. Ensuite ils gagnaient Toulouse, point de rupture de charge, par voie terrestre, pour être embarqués sur la Garonne et rejoindre Bordeaux, nouveau point de rupture de charge. Depuis Bordeaux, ils bifurquaient, soit vers le nord par voie terrestre, soit vers la façade atlantique et la Grande‑Bretagne par voie maritime.
Les objets en terre cuite
187a.t.m.
Les fusaïoles
188Dix fusaïoles ont été retrouvées sur le site de Mortantambe (fig. 71, nos 26‑28, 30). Elles sont plates, à perforation centrale, et ont été retaillées dans des tessons de vases. Trois fusaïoles proviennent de vases en céramique savonneuse et une d’un vase en céramique commune peignée. La plupart des diamètres des fusaïoles varient entre 4,5 cm et 6,5 cm.
Les jetons
189Douze exemplaires de jetons ont été trouvés à Mortantambe (fig. 71, nos 29, 31‑35). Ils sont plats et ont été retaillés dans des fragments de vases de céramique commune, dont deux peignés. Les diamètres varient entre 4,5 cm et 8,5 cm.
Synthèse de l’étude du mobilier céramique protohistorique
190a.t.m.
191L’étude du mobilier céramique protohistorique se fonde sur les ensembles provenant des fossés 3 (enclos 1), 17 (enclos 2) et 23 (enclos 3). Pendant la dernière phase de l’étude, nous avons également pris en compte le mobilier céramique des fossés 14 et 15 afin de vérifier si, au sein des autres fossés du même enclos, on retrouvait les différences observées dans l’ensemble issu du fossé 23.
192Ces quatre ensembles comprennent 2 875 tessons de céramiques. Ils constituent 45,7 % du total des 6278 tessons de céramiques protohistoriques exhumés à Mortantambe.
La répartition spatiale
193Dans les fossés 3, 17, 23 et 14‑15 (selon le nombre total de tessons), la céramique commune représente respectivement 88,8 %, 97,3 %, 56,8 % et 60,8 %. La céramique de type savonneux représente 11,2 %, 2,7 %, 43,2 % et 39, 2 % (fig. 75, B). Pour les fossés de l’enclos 3, il se produit une inversion dans les pourcentages de présence de céramique savonneuse.

FIG. 75 – Mortantambe. Graphiques de la distribution de la céramique. A répartition par type en nombre de tessons (a non tournée ; b tournée ; c tournassée ; d savonneuse). B répartition de la céramique commune et savonneuse en nombre de tessons (e commune ; f savonneuse). C répartition des vases ouverts et fermés en nombre d’individus (g formes fermées ; h formes ouvertes).
dessin P. Mille/Afan, maquette M. Coutureau/ Afan
194Le pourcentage des tessons entre les différentes catégories de céramiques (céramique non tournée, céramique tournassée, céramique tournée et céramique de type savonneux) est représenté dans la figure 75 A. Les graphiques montrent l’augmentation de la céramique commune tournée dans les fossés des enclos 2 et 3 par rapport au fossé de l’enclos 1. On peut également noter l’augmentation de la céramique savonneuse dans les fossés de l’enclos 3 tandis que la céramique commune tournée reste stable. On peut interpréter ce fait par le remplacement de la céramique tournée commune pai’ la céramique savonneuse.
195La proportion de vases ouverts ou fermés varie sensiblement selon les ensembles de référence (fig. 75, C). Les pourcentages de vases ouverts et fermés sont respectivement de 49,4 % et 50,6 % dans le fossé 3, de 45,7 % et 54,3 % dans le fossé 17 ; de 30 % et 70 % dans le fossé 23, de 34,7 % et 65,3 % dans les fossés 14‑15. À égalité avec les vases ouverts dans les ensembles céramiques des fossés 3 et 17, les formes fermées sont majoritaires dans les fossés de l’enclos 3. Ce sont principalement des formes de type 7A (54,5 et 52 %) et 7B (3 et 12 %).
196Dans les ensembles de céramiques des fossés 3, 17, 23 et 14‑15, le pourcentage du nombre de tessons d’amphores par rapport aux nombre de tessons en céramique commune et céramique savonneuse est respectivement de 7,5 %, 9,1 %, 17 % et 52,49 %.
197Les fossés de l’enclos 3 se distinguent nettement des fossés appartenant aux enclos 1 et 2. La présence majoritaire de céramique tournée commune et de céramique de type savonneux indique une phase d’occupation plus récente pour les fossés 23 et 14‑15.
198Finalement ce sont les amphores –la présence où l’absence de différents types (Dressel 1A, Dressel 1B et Pascual 1), mais aussi leur apparition dans des couches de fonctionnement ou de comblement– qui nous ont permis de nuancer la chronologie des trois enclos et ont permis la reconnaissance de trois phases successives.
Les ensembles céramiques des phases I, II et III
199Les différences significatives observées parmi les ensembles céramiques des trois phases de Mortantambe (représentées respectivement par l’enclos 1, 2 et 3) sont l’augmentation progressive du nombre de céramiques tournées parmi les céramiques communes et l’accroissement graduel de la présence de la céramique savonneuse. Pendant la dernière phase, la céramique savonneuse atteint un pourcentage presque égal à celui de la céramique commune. Pour ce qui est des importations, la phase I de Mortantambe est caractérisée par les amphores Dressel 1A, la phase II par l’association d’amphores Dressel 1A, d’amphores Dressel 1B et de céramique à vernis noir (campanienne A), tandis que la phase III voit l’importation de Pascual 1.
200La céramique commune de Mortantambe est très peu diversifiée et les ensembles provenant des enclos 1, 2 et 3 sont homogènes. Il n’y a que peu de différences entre les traits formels des vases en céramique commune de ces trois phases.
201En revanche, on perçoit des variations formelles et une diversification des vases parmi les ensembles de céramiques savonneuses provenant des enclos 1, 2 et 3. Notons d’abord l’augmentation du nombre de vases à fond annulaire : 0 parmi les vases de l’enclos 1 (3 fonds plats et 1 balustre), 4 dans l’enclos 2 (6 fonds plats et 1 balustre) et 7 dans l’enclos 3 (2 fonds plats). L’absence de fond annulaire en céramique commune et l’augmentation de ce type de fond en céramique savonneuse au cours des deux dernières phases permettent d’interpréter la présence de ce type particulier comme un élément de « modernité », peut‑être lié à des influences extérieures (imitation de céramiques campaniennes).
202La diversification des formes de céramique savonneuse est liée à l’accroissement du nombre de vases de ce type au cours des différentes phases reconnues. Deux faits sont significatifs : en premier lieu, parmi les vases exhumés dans l’enclos 1, on retrouve un vase de la forme 2 (le seul en céramique savonneuse avec un fond plat) et un vase de la forme 6 qu’on ne retrouve pas ailleurs. Si on revient sur ce que nous avons dit dans le paragraphe antérieur pour les fonds annulaires, on qualifiera les vases de l’enclos 1 de formes « anciennes ». Deuxièmement, une certaine diversification des formes est perçue parmi les vases en céramique savonneuse fournis par l’enclos 2, cette diversification éclate dans l’ensemble issu de l’enclos 3. Il nous semble intéressant de remarquer que l’ensemble des vases en céramique savonneuse de l’enclos 3 comprend toutes les imitations des formes campaniennes trouvées sur le site. L’augmentation progressive de la présence de céramique savonneuse pendant les trois phases d’occupation du site de Mortantambe, leur diversification graduelle et l’apparition des copies de modèles importés parmi l’ensemble de la phase III nous permettent de penser que l’occupation du site de Mortantambe coïncide avec une période de développement des ateliers de céramiques savonneuses dans la région.
Comparaisons du mobilier céramique de Mortantambe avec ceux des autres sites régionaux
203a.t.m.
204Dans le Centre‑Ouest, peu de sites de la fin de l’âge du Fer ont fait l’objet d’une fouille méthodique. Le mobilier de la plupart des sites connus pour La Tène III provient de ramassages de surface ou de sauvetages urgents. En outre ce matériel, dans la plupart des cas, n’a été étudié que de façon partielle. La céramique savonneuse n’ayant pas encore été identifiée comme une production à part au moment de la publication elle n’apparaît donc pas en tant que telle. La présence d’amphores est signalée mais les décomptes n’ont pas été réalisés et souvent leur type n’a pas été identifié (tabl. v).
205L’oppidum de Pons (Charente‑Maritime) est l’un des sites les plus proches de Mortantambe. Il est souvent cité en bibliographie, mais n’a jamais été véritablement fouillé. Il est daté de la fin du second âge du Fer (Lassarade 1986). Parmi les céramiques découvertes figurent 123 tessons, considérés comme significatifs : bords, fonds et panses décorées ont fait l’objet d’une étude et d’une publication (Perrichet 1991). L’auteur différencie les céramiques grossières et les céramiques fines. Lors d’une visite au musée de Pons, nous avons vérifié que des vases en céramique savonneuse font bien partie de l’ensemble céramique de Pons ; nous ne doutons pas que ce sont ces tessons là qui ont été décrits comme céramique fine. Les formes céramiques identifiées sont des vases fermés (forme 7 de Mortantambe) et des formes ouvertes. Ces dernières comprennent nos formes 1, 2 (particulièrement nombreuses) et 3 (variante à profil en S). Dans le même travail il est fait mention de l’existence de centaines de tessons d’amphores républicaines, pour la plupart disparus, qui représentent le seul matériel céramique importé (Perrichet 1991 : 15). Seules les amphores du dépôt Magnard ont été identifiées comme des Dressel 1A ; la description et les dimensions des lèvres publiées permettent de reconnaître des amphores Dressel 1 A et 1B sur l’oppidum de Pons.
206La publication du mobilier provenant de deux petites aires empierrées et de plusieurs fosses du site de La Couture à Muron (Charente‑Maritime) datait cet habitat des environs de l’année 100 av. J.‑C. (Favre 1973). Une révision récente du mobilier de Muron situe l’origine du site au iiie s. av. J.‑C. et son abandon dans la seconde moitié du ier s. av. J.‑C. (Boudet 1986). L’occupation du site de Muron est donc plus longue que celle de Mortantambe. La visite effectuée à la Société de géographie de Rochefort nous a permis de vérifier que la distinction établie par M. Favre entre la céramique grossière et la céramique fine correspond à celle que nous avons faite entre la céramique commune et la céramique savonneuse. Les vases en céramique savonneuse de Muron ont été en partie fabriqués dans les ateliers saintais à l’époque augustéenne ; mais il existe aussi des productions plus anciennes (Hillairet supra). Favre remarque la diversité des formes de céramique savonneuse (« fine ») par rapport à la céramique « grossière ». La comparaison entre les céramiques publiées et celles de Mortantambe permet de dire que parmi la céramique « grossière » de Muron on retrouve des formes identiques aux formes en céramique commune de Mortantambe (formes 2, 3 et 7 de Mortantambe). De nombreux tessons d’amphores furent recueillis et identifiés comme appartenant au type Dressel 1.
207Le mobilier céramique exhumé sur le site de Mainxe a fait l’objet de la seule étude typologique disponible pour la région (Burnez et al. 1971). L’occupation du site est datée de la fin du second âge du Fer, vers 100 av. J.‑C. Au moment de la publication, la céramique savonneuse n’avait pas encore été identifiée en tant que telle ; une révision du mobilier s’imposait pour vérifier si ce type de céramique se trouvait parmi l’ensemble de Mainxe. La visite que nous avons faite aux musées de Saint‑Germain‑en‑Laye et de Cognac, qui gardent respectivement le mobilier provenant des fouilles de C. Burnez et J.‑P. Mohen et le mobilier récolté par J. Gomez de Soto, nous a permis de confirmer la présence dans cet ensemble de vases en céramique savonneuse, mais en nombre très restreint (un minimum de 8 individus dans un ensemble de 308 vases). Il s’agit des vases ouverts du type VI de Mainxe/forme 4 de Mortantambe, non décorés.
208Le type Mainxe 1 est équivalent à la forme 7 A de Mortantambe (vases fermés, globulaires ou ovoïdes). À Mainxe, ce type de vase est plus ou moins décoré et le col apparaît toujours isolé de la panse par un petit ressaut. En revanche, à Mortantambe et pour la céramique commune, la transition entre le col et la panse est parfois suggérée par une différence de traitement de surface ; les décorations sont rares et les surfaces extérieures peignées représentent seulement 17 % (dans le fossé 17, enclos 2, phase II).
209Les types II et III de Mainxe correspondent à la forme 3 de Mortantambe (variantes B et C). Cette forme est présente dans les ensembles céramiques des trois phases de Mortantambe. Du type III de Mainxe (forme 3, variante carénée, de Mortantambe), seulement trois exemplaires en céramique commune qui n’ont jamais de fond annulaire se trouvent dans l’ensemble de la phase II ; parmi les vases en céramique savonneuse cette forme carénée est la seule variante connue (phases II et III).
210Le type IV de Mainxe (forme 2 de Mortantambe) est aussi présent à Mortantambe parmi la céramique commune et la céramique savonneuse, avec des pourcentages différents selon les phases.
211Le type VI de Mainxe (forme 4) ne se retrouve à Mortantambe (phases II et III) qu’en céramique savonneuse ; les vases de ce groupe sont toujours décorés par l’application de baguettes. Le type VII de Mainxe (forme 8) est représenté à Mortantambe par trois vases en céramique commune dans la phase II et plusieurs vases en savonneuse dans les phases II et III. Le type VIII (forme 7B) est aussi présent à Mortantambe dans toutes les phases.
212Les ensembles céramiques de Mortantambe confirment en fait les données énoncées par R. Boudet (1986 : 24‑27) pour les formes les plus répandues au ier s. av. J.‑C. en Charente. Les vases les plus courants appartiennent à la forme 2 de Mortantambe (Boudet Alet A2, Mainxe IV), la forme 3 de Mortantambe (Boudet E1 et Mainxe II), la forme 7 A de Mortantambe (Boudet G1 et Mainxe I) à profils multiples (dont les exemplaires en céramique commune peignée sont rares) et la forme 7B, En revanche, les vases balustres (forme 8 de Mortantambe, Boudet F et Mainxe VII) et la forme 6 (Bouder C1) sont rares, ainsi que les importations. La forme 4 (Boudet B2, type VI de Mainxe) est caractéristique du pays charentais. Avec celles‑ci se retrouvent des amphores de type Dressel 1A, Dressel 1B et Pascual 1, et quelques rares tessons de céramique à vernis noir. En somme, en l’état actuel de nos connaissances et après avoir visité les collections de Mainxe, du site de La Couture à Muron et de Pons, nous envisageons pour Mortantambe une occupation contemporaine, mais de plus longue durée, que celle de Mainxe. Il se pourrait également que les occupations de Mortantambe soient contemporaines de celles de Pons et antérieures à celles de Muron/La Couture.
213La contemporanéité entre les phases I et/ou II de Mortantambe et l’occupation du site de Mainxe est assurée par la présence des mêmes types de vases et par la présence d’amphores Dressel 1A. L’augmentation du nombre de céramiques savonneuses au cours des trois phases de Mortantambe et l’absence à Mainxe de vases copiant les modèles en céramique à vernis noir (ces copies étant présentes lors de la phase III de Mortantambe) attestent une occupation plus longue sur le site de Mortantambe. La présence d’amphores Dressel 1B et Pascual 1 dans la phase III de Mortantambe et leur absence à Mainxe renforcent cette hypothèse.
3.2.2.2 Le mobilier métallique
Les objets enfer
214a.t.m.
215Environ 60 objets en fer ont été récupérés à Mortantambe (fig. 76). La plupart proviennent des sondages dans les fossés. Dans la majorité des cas il s’agit de clous à section carrée, de fragments de tiges ou de fragments de plaquettes. Notons la présence de quatre outils à douille fragmentés dans leur partie distale (fait qui nous empêche de connaître leur fonction exacte), un fragment d’épée conservant une partie de sa soie, mais pas la pointe, et un fragment de ce qui pourrait être l’extrémité distale d’une autre épée. Ces deux derniers objets ont été radiographiés, le résultat de ces radiographies étant illisible à cause de l’épaisseur de la couche de rouille et du mauvais état de conservation de l’objet lui‑même.

FIG. 76 – Mortantambe. Objets en fer : 1 plaque fragmentée provenant du fossé 23, enclos 3 ; 2 outil à douille fragmenté provenant du fossé 23, enclos 3 ; 3 outil à douille fragmenté provenant de la structure 4006 ; 4 possible fragment d’épée provenant du fossé 14, enclos 3 ; 5 possible pointe d’épée provenant du fossé 15, enclos 3 ; 6‑10 cerclages métalliques exhumés du puits.
dessin F. Chevreuse/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
216Plusieurs fragments de bandes métalliques ont été exhumés de l’intérieur du seul puits localisé sur le site. Ces bandes devaient former un cercle complet d’environ 20 cm de diamètre, dont les extrémités étaient attachées par un rivet (fig. 76, nos 6‑10). Le puits a également livré des restes de bois travaillés, dont deux fonds de seaux ou de tonnelet (cf infra Les bois gorgés d’eau, p. 122). On peut penser que ces bandes métalliques faisaient partie du cerclage du seau ou du tonnelet.
Les objets en bronze
217i.b.
218Le mobilier en bronze de Mortantambe se compose de six objets identifiés et d’un élément dont le type n’a pu être déterminé.
2191 – Fibule munie d’un ressort à quatre spires et à corde interne, provenant de la structure 4011 (fig. 77, no 1). L. : 7,28 cm ; 1. : 0,74 cm. L’arc est triangulaire dans sa partie courbe, décorée de deux rainures latérales, devenant une tige de section quadrangulaire jusqu’au porte‑ardillon ajouré qui est brisé. Une moulure sépare les deux parties de l’arc. L’ardillon manque. Cet exemplaire appartient au type 5a déterminé par M. Feugère (1985 : 203) et couramment dénommé « fibule de Nauheim », il s’apparente plus particulièrement à la forme 5a 13. Il faut noter que la moulure transversale de l’arc, qui est en général peu marquée, est bien nette sur notre modèle. Cette forme est particulièrement abondante dans le sud de la Gaule et dans les régions rhénanes où elle a été produite. Elle a été diffusée sur le reste du territoire où des variantes ont été également fabriquées. Les nombreuses données archéologiques permettent de situer son apparition à la fin du iie s. ou au début du ier s. av. J.‑C. (Feugère 1985 : 223‑225). Elle est caractéristique des sites de La Tène D ou Tène finale (Déchelette 1914 : 1256, fig. 537), notamment sur des habitats. Sur le site protohistorique d’Acy‑Romance (Ardennes), le remplissage d’un fossé a livré trois fragments de fibules de Nauheim. Elles correspondent à la phase d’occupation du site comprise entre 120/110 et 80/70 av. J.‑C. (Lambot, Méniel 1992 : 123‑125).
2202 – Ressort de fibule à trois spires et partie de l’arc présentant une rainure transversale (décapage zone 4). L. : 2,5 cm. Ce fragment correspond à une variante du type de la fibule précédente : Feugère 5b (Feugère 1985 : 203). Des zones de production de cette forme ont été mises en évidence en Languedoc, mais elle est connue également dans les Pays de Loire, en Suisse et dans la vallée du Rhône. Elle est datée du deuxième ou troisième quart du ier s. av. J.‑C.
2213 – Clochette exhumée dans le fossé 16 de l’enclos 2 (fig. 77, no 2). Haut. ; 2,76 cm ; diam. : 2,26 cm ; ép. : 0,1 cm. Il s’agit d’un cône muni d’un anneau de suspension à son sommet, décoré de trois rainures transversales irrégulières. À l’intérieur le battant en fer est recouvert d’une forte oxydation. Sa surface externe présente de courtes stries horizontales et des facettes de martelage. Ce type d’ustensile est bien connu à l’époque romaine, la clochette était utilisée dans les habitats ou les boutiques. De petits exemplaires destinés à conjurer le sort étaient portés en pendeloque ou mis au cou des animaux domestiques. Elles avaient également pour attribution la protection des troupeaux et des récoltes (Espcrandieu 1911). La clochette de Mortantambe provient d’un fossé comblé dans la deuxième moitié du ier s. av. J.‑C. Sa fonction pouvait être utilitaire aussi bien que prophylactique.
2224 – Anneau (décapage zone 2), (fig. 77, no 3). Diam. jonc : 0,5 cm. L’objet est incomplet, il présente une section circulaire et une surface piquetée. Son diamètre initial devait être de 4,4 cm environ, ce qui paraît trop étroit pour un bracelet. Il s’agit plutôt d’un anneau de suspension. Cet objet a été découvert en surface sans contexte précis.
2235 – Anneau (fosse 16 de l’enclos 2). Diam. : 2 cm. L’objet est oxydé et fragile. Il est de forme simple, très légèrement quadrangulaire. Il semble s’agir d’un anneau d’attache plutôt que d’un bijou.
2246 – Attache à extrémité annulaire de section polygonale prolongée par une partie rectangulaire perforée en son centre dont la surface est restée brute (décapage). L. : 2,31 cm ; diam. : 1,47 cm, ép. : 0,57 cm. Cet objet devait être riveté à un élément mobile comme une lanière de cuir.
2257 – Fragment de tige de section quadrangulaire présentant une partie losangique aplatie. Une extrémité est biseautée, l’autre est de section plane (Fig. 77, no 4). L. : 2,8 cm ; 1. : 0,58.
226La répartition sur le site de ce mobilier ne permet pas de conclusion pertinente si ce n’est que les objets proviennent essentiellement de contextes datés de la fin de La Tène, entre 100 et 30 av. J.‑C.

FIG. 77 – Mortantambe. Objets en bronze et objet en os : 1 fibule du type Nauheim provenant de la structure 4011, située à l’extérieur des enclos ; 2 clochette exhumée du fossé 16 de l’enclos 2 ; 3 fragment d’anneau provenant du décapage ; 4 tige exhumée du fossé 16 de l’enclos 2 ; 5 poinçon en os provenant du fossé 5.
dessin F. Chevreuse/Afan, maquette M. Coutureau/Afan
3.2.2.3 Mobilier divers
Les objets lithiques
227a.t.m.
228Une fosse en dehors des enclos a livré plusieurs objets lithiques : la moitié d’une meule rotative en granité d’environ 35 cm de diamètre, un nodule de silex craquelé par l’action du feu, un galet de quartz fragmenté et trois lames de silex sans retouches.
229La fouille du puits a permis également de récupérer plusieurs objets lithiques : un poids de forme tronconique en calcaire de 17,5 cm de hauteur, un fragment de meule rotative en calcaire (brûlée sur une de ses faces), deux fragments de deux haches polies et deux polissoirs.
Le mobilier osseux
230i.b.
231Le mobilier osseux du site de Mortantambe se résume à un seul objet (fig. 77, no 5). Il s’agit d’un os appointé à une extrémité et scié à l’autre, mesurant 6,5 cm de long avec un diamètre maximal de 1,2 x 0,8 cm. Il présente un léger renflement au quart de sa longueur. Sa pointe est large et irrégulière, son sommet aux angles arrondis est doté d’une usure transversale. Cet objet, de forme simple et sans décor, s’apparente à un poinçon, ustensile connu sur des sites d’époques gauloise et romaine, mais dont la fonction est difficile à préciser. Son utilisation par un tisserand est possible pour tasser les fils de trame ou écarter les fils de chaîne sur un métier (Ferdière 1984 : 232‑233). La pratique du tissage sur le site est notamment confirmée par la présence de plusieurs fusaïoles en terre cuite ; deux d’entre elles proviennent d’un fossé comblé dans la seconde moitié du ier s. av. J.‑C. (fig. 71, nos 26‑28).
232Le poinçon de Mortantambe provient d’un fossé (sondage 3 001) daté de La Tène IIIb (selon Déchelctte) ou de La Tène C2 (selon Reinecke), dont le comblement est situé entre 100 et 30 av. J.‑C. L’utilisation conjointe de ces ustensiles est donc possible. Ce poinçon a pu être façonné sur place, d’autant que les restes animaux (bœuf, mouton, porc) datant de la même époque sont nombreux sur le site, Cet instrument pouvait également servir à perforer le cuir (Roche‑Bernard 1993 : 90).
233À Acy‑Romance (Ardennes), l’habitat gaulois a livré deux os travaillés de forme semblable dont la fonction n’est pas précisée (Lambot, Méniel 1992 : 120, fig. 110, no 126, fig. 115, no 34).
Les bois gorgés d’eau
234p.m.
Conservation
235Les bois gorgés d’eau de Mortantambe, malgré leur fragmentation, sont remarquablement conservés, ils ont gardé dans l’ensemble leurs formes et leurs dimensions. Malgré leur état vacuolaire, la tenue des structures cellulaires est encore très bonne pour les essences de bois durs comme pour celles des bois tendres. Peu d’individus sont spongieux et très fragiles, les artefacts peuvent donc être manipulés aisément, facilitant leur étude. Les pièces de bois les plus importantes et certains fragments présentent des dégradations dues au pourrissement aérobie, caractérisées par un aspect érodé, émoussé et irrégulier des surfaces. Certaines pièces de bois ont une décoloration de surface parfois recouverte d’un concrétionnement noirâtre. Si les couleurs sont altérées, les textures des surfaces bien visibles de la plupart des bois ne se sont pas dégradées. Deux millénaires d’enfouissement n’ont provoqué qu’un léger écrasement de certains bois tendres, observable sur plusieurs brins de section originellement circulaire et qui sont aujourd’hui ovalaires. D’autres bois, peu nombreux, ont été déformés au contact d’un objet dur (pierres ou fer). Le milieu a priori basique a permis ce bon état de conservation.
Méthode
236Il a été choisi de classer les bois recueillis en deux lots distincts. Le premier est constitué par des bois ne portant aucune trace de taille. Le second est formé par des artefacts aux fonctions indéterminées ou définies. Un recollement des fragments a été tenté, il n’a abouti qu’à de maigres résultats. La classification typologique réalisée a précédé une quantification par type d’individus (comptage des fragments). Six objets ont été sélectionnés pour une étude typologique et technologique systématique présentée ci‑après. Les autres bois sans traces de travail ou ne présentant pas de traces caractéristiques, trop fragmentés ou dégradés, ont été abordés de façon plus sommaire, ils sont présentés de façon succincte ci‑après. La détermination des essences de bois a été faite à la loupe. De cette manière la discrimination des essences de résineux et de feuillus a été possible, ainsi que la distinction des bois à pores diffus* (cf. doc. 6) et à zones poreuses*, seuls le chêne et le frêne ont été déterminés avec certitude (Schweingruber 1978).
DOCUMENT 6
Lexique du bois
Bois à pores diffus : un cerne de croissance comporte toujours du bois initial (croissance de printemps) et final (croissance d’été). Pour les bois à pores diffus, les diamètres des pores du bois initial et final sont approximativement de la même section.
Bois à zones poreuses : pour les bois à zones poreuses, les diamètres des pores du bois initial dépassent plusieurs fois le diamètre des pores du bois final.
Bois débité de fil : bois débité par sciage ou fendage parallèlement à la direction générale des fibres.
Bois sur faux‑quartier : se dit d’une pièce de bois débitée de fil dont le parement orienté vers la moelle de l’arbre forme avec les cernes un angle supérieur à 45o.
Bois sur maille : se dit d’une pièce de bois débitée sur quartier et dont les faces se trouvant en section radiale laissent apparaître la maillure du bois.
Dosse : partie de bois que l’on détache en lavant une grume. Une dosse présente un parement plat, un autre est formé par la périphérie de la grume.
Cerclage de bouge : cercles de bois ou de fer bloqués sur une futaille au plus près de la partie centrale (au plus fort diamètre) des douves.
Cerclage de tête : cercles de bois ou de fer bloqués sur une futaille au plus près de l’extrémité des douves.
Feuillard : branches flexibles de bois fendu ou bandes étroites de fer servant au cerclage des futailles.
Goyarde : puissante serpe au large tranchant recourbé en son extrémité, parfois munie au dos d’un crochet ou d’un tranchant court.
Jable : rainure faite à l’extrémité d’une douelle à l’aide du jabloir, elle sert à enchâsser le fond.
Classification (tabl. xi)
Les bois ne présentant aucune trace de taille
237● Écorces et bois circulaires (brins, brindilles)
238Les 18 fragments d’écorce proviennent de feuillus, comme les 314 fragments de bois circulaires. Les coeurs des bois, pour la plupart de couleur claire et à pores diffus, se classent a priori parmi les essences de bois tendres (érable, noisetier, saule, peuplier ?). Les branchages et baguettes sont dans leur ensemble des jeunes rejets de souches, drageons ou rameaux ; peu d’entre eux sont des branches. Les 169 fragments au diamètre inférieur à 1 cm sont des bois de 1 à 2 ans d’âge, les 135 fragments au diamètre compris entre 1 et 2 cm ont 1 à 4 ans. Les 10 derniers fragments au diamètre compris entre 2 et 3 cm ont 4 et 6 ans d’âge. Aucune trace d’écrasement anthropique n’a été observée (clayonnage ou vannerie), aucune fonction ne peut leur être attribuée.
Les artefacts
239Les bois débités de fil*, les éclats, les éclisses et les baguettes classés dans ce groupe sont tous des bois présentant au moins une trace de taille.
240● Bois de fil : les grandes pièces
241Les 16 fragments de grandes pièces toutes incomplètes présentent au moins 2 ou 3 surfaces de fendage, 13 sont obtenus sur maille*, 3 le sont sur dosse*. Ces pièces de bois résultent du fendage de chêne d’au moins 25 à 50 cm de diamètre. Les cernes de ces chênes sont plutôt courts (0,5 à 2 mm, parfois 3) et uniformes pour chaque individu, ce qui traduit une croissance régulière de ces spécimens adultes. Aucune fonction ne peut leur être attribuée avec précision, mais elles proviennent sans doute de l’aménagement du puits.
242● Bois de fil : fragments et éclats
243Ces 236 bois résultent du fendage ou de la taille de pièces plus importantes. Certains sont des copeaux, d’autres probablement des fragments de chevilles, mais la plupart proviennent de la dégradation des grandes pièces de chêne décrites précédemment. Le chêne représente la quasi‑totalité des fragments de ce groupe.
TABL. XI – Classification des bois gorgés d’eau.

244● Bois de fil : les éclisses
245Les 9 fragments d’éclisses sont des tiers de baguettes, non connectables, obtenus par fendage à partir de bois circulaires. Des facettes de taille, visibles sur trois d’entre elles, ont été laissées par un outil à tranchant droit (serpe ou couteau ?). Ces éclisses sont façonnées à partir de bois tendres (noisetier, peuplier, érable ?). Aucune trace d’utilisation n’a été observée.
246● Bois de fil : baguettes circulaires travaillées
247Les 19 fragments de baguettes circulaires travaillées appartiennent à 10 individus différents, tous incomplets et lacunaires. Les diamètres oscillent entre 0,5 et 3 cm. Ces baguettes présentent une ou plusieurs facettes de taille laissées par un outil à tranchant droit, couteau ou hachette. Les essences sont variées et n’ont pas été reconnues. Il n’a pas été possible d’identifier la fonction de ces objets.
Les objets façonnés
248Tous les objets sauf un sont incomplets et lacunaires.
2491 – Latte (fig. 78, no 1). Cet objet incomplet mesure plus de 31 cm de longueur pour une largeur de 3,5 à 4 cm. L’épaisseur régulière est comprise entre 1,4 à 1,6 cm. Les parements plats et les deux rives droites donnent à l’ensemble de cette pièce une forme de lamelle quadrangulaire oblongue. En frêne, soigneusement planée, elle est obtenue sur faux quartier* après fendage. Ce frêne possède un diamètre minimum de 20 cm. Des irrégularités s’observent sur les faces et les rives, abattues par facettages, ou chanfreinées en quart de rond. Une hache et peut‑être une plane ont été utilisées ? La surface des parements est patinée par une utilisation répétée mais la fonction de cet objet n’a pas été reconnue.
2502 – Objet naviforme (fig. 78, no 2). Quatre fragments composent cet objet curieux et incomplet en forme de navette. Sa longueur est de 24 à 26 cm pour une section irrégulièrement polygonale de 3 à 4,5 cm. Il est terminé par deux pointes courtes opposées. Le corps est creusé d’une large et grossière rainure, profonde de 1,4 à 1,6 cm. Il ne semble pas avoir été utilisé pour un assemblage, comme le laisseraient supposer les extrémités pointues, car aucune trace d’enfoncement n’est visible. Taillé dans une branche de chêne de 5 ans, cet objet peut être, sous toute réserve, un jouet d’enfant.
2513 – Pointe de piquet ? (fig. 78, no 3). Cet objet se réduit à une longue pointe de 8,2 cm de long, abattue sur trois faces, de l’écorce est encore partiellement conservée sur la quatrième. Elle a été taillée dans un rameau de noisetier de 23 cm de diamètre à l’aide d’une hache ou d’une goyarde*. La surface dégradée et l’extrémité de la pointe cassée ne permettent pas de juger de son utilisation.
2524 – Cheville (fig. 78, no 4). Incomplète, constituée de 2 fragments non connectables. Elle mesure entre 19 et 22 cm de long. La pointe longue a été abattue sur deux faces opposées, l’extrémité de la pointe a été retaillée à onglet, de l’écorce est encore conservée sur le corps et partiellement sur la pointe de la cheville. Cette dernière a été obtenue à partir d’un gros rameau d’érable, à l’aide d’une hachette ou d’une goyarde ? Elle ne porte aucune trace d’enfoncement et ne semble pas avoir été utilisée.
2535 – Deux fonds de seaux ou d’un même tonnelet (fig. 78, no 5) ? Deux petits fragments de chêne composent le premier fond incomplet. Le diamètre restitué est de 17 cm pour 1,2 à 1,3 cm d’épaisseur. Il a été obtenu à partir d’un bois de chêne, débité sur maille, d’un diamètre estimé à 50 cm (17 cernes d’aubier très étroits sont visibles). La circonférence du fond est effilée par facettage à la hache ou à la hachette. Ce profil permet un meilleur assemblage sur le jable* des douves. Quatre autres fragments appartiennent à un fond archéologiquement complet. Le diamètre est de 16,5 cm pour une épaisseur de 1 cm. Il est obtenu sur maille de bois de cœur d’un tronc de chêne d’au moins 50 cm de diamètre. La taille est probablement exécutée à la hache ou à la hachette. La circonférence du fond n’est pas chanfreinée.
254Un lot de 11 fragments de cercles en fer a été mis au jour dans le même contexte stratigraphique que les deux fonds. Les diamètres des fragments sont facilement restituables pour 6 d’entre eux (17, 20, 21, 21, 23, 25 cm). Deux formes distinctes de feuillards* ont été identifiées. La première est caractéristique d’un cerclage tronconique bien évasé qui ne concerne que les petits diamètres. La seconde forme caractérise plutôt un cerclage plat qui se rapporte aux forts diamètres.

FIG. 78 – Mortantambe. Objets en bois. A, B hypothèses de reconstitution.
dessin P. Mille/Afan, maquette M. Coutureau/ Afan
255L’absence de douelles ne permet pas de restituer avec certitude le type de récipients découverts : seau ou tonnelet. S’il s’agit de seaux, ils sont au nombre de deux et possèdent le même diamètre de fond et deux formes tronconiques distinctes ; l’un est plutôt cylindrique, l’autre tronconique (fig. 78, hypothèse A). S’il s’agit d’un tonnelet, les feuillards de fer ouverts de faibles diamètres sont des cercles de tête* les feuillards plats fort semblables sont des cercles de bouge*. Bien que ces restitutions soient hypothétiques, elles sont toutefois possibles (fig. 78, hypothèse B).
Deux seaux tronconiques cerclés de deux bandes de fer (hypothèse A) : étude comparative
256La vocation domestique de deux seaux de Mortantambe paraît évidente : le type de cerclage de fer et le bois des fonds en chêne attestent de la relative simplicité des matériaux employés. La structure dans laquelle ils ont été abandonnés conforte l’hypothèse d’une utilisation domestique.
257Les seaux datés de La Tène III ont été mis au jour le plus souvent dans des dépôts ou des puits rituels ou en milieux funéraires, rares sont les découvertes faites en contexte d’habitat gaulois. Ces dernières sont la plupart du temps mal identifiées, la morphologie et les dimensions des seaux ne sont pas toujours connues.
258Pour La Tène III, Michel Vidal a dressé un inventaire des seaux découverts en Europe occidentale (Vidal 1976 : 167‑ 200 ; Vidal 1986 : 55‑65 ; Vidal 1987 : 42, 43). Nous ajoutons à sa liste la découverte régionale faite en Poitou à Antran (Pautreau 1992 : 271).
259Après l’observation de ces collections d’artefacts, la dichotomie morphologique des seaux de Mortantambe est évidente. Tous les seaux de La Tène III sont cylindriques, de plus ou moins fort diamètre, parfois munis de trois pieds. Ils possèdent de nombreux cercles et des appliques de bronze ; quand les cerclages de fer existent, ils sont associés ou recouverts de bronze. Ces éléments sont la plupart du temps très richement décorés. Quand les douelles ou les fonds de bois sont conservés, ils sont taillés dans de l’if (Vidal 1976 : 167‑200 ; Pautreau 1992 : 276).
260Michel Vidal a toutefois mis en évidence un autre type de seaux présents dans les puits rituels de Vieille‑Toulouse, moins précieux mais plus rares, en bois de chêne. Les seaux de ce type, apparemment domestiques, sont cerclés de deux feuillards de fer, comme ceux déposés comme offrande dans les puits XVI et LXV de Vieille‑Toulouse, dans le puits 5 de Toulouse‑Saint‑Roch (Vidal 1987 : 42,43). Ils sont aussi cylindriques. Cette forme semble en effet une constante à la fin de l’âge du Fer ; elle caractérise le mobilier précieux comme le mobilier domestique. La morphologie des récipients de Mortantambe tronconique se rapproche plus des types de seaux domestiques que nous connaissons à l’époque antique (musée de Saintes), médiévale (iconographies), moderne ou contemporaine (ethnographie).
Un tonnelet ou baril (hypothèse B) : étude comparative
261À La Tène III, il n’existe pas de tonnelet équivalent à celui de Mortantambe. Le seul récipient composé protohistorique, découvert à Manching (Geilenbrügge et al. 1992 : 291‑293), est un grand tonneau. Malgré un problème diachronique, on peut comparer le tonnelet de Mortantambe avec plusieurs objets de l’époque romaine plus récents de deux ou trois siècles (Audin 1986 : 53). À Grenoble (Isère) des douves et des fonds de tonnelets ont été découverts dans un puits du iie s. (Dangréaux 1989 : 100‑102), ces petits barils sont pour moitié plus petits que celui de Mortantambe.
262Par contre, la similitude de forme et de dimension est remarquable avec le baril représenté sur la stèle d’Autun datée du iie s. (Laubenheimer 1990 : 153), et avec le petit tonneau de la statuette du Sucellus présenté par Espéran‑dieu (Sciallano 1993 : 12), le dieu gaulois au maillet et au tonneau.
263Au siècle dernier a été mis au jour à Puits Bernard, en Vendée, un tonnelet. L’inventeur décrit ainsi sa découverte : « dans la quatrième assise de la troisième fosse (iie s.), des vases de bois, un seau avec deux cercles de fer, un baril avec 4 cercles de fer, blottis sous des voûtes formées de tuiles romaines » (Baudry 1863 : 12). A priori la taille et le type de cerclage sont analogues à l’hypothèse B que nous proposons.
La tonnellerie gauloise
264Le problème de l’origine de la tonnellerie a déjà suscité de nombreux articles. Si la question de l’invention des tonneaux par les Celtes posait encore quelques doutes il y a deux décennies, la certitude semble faire l’unanimité des chercheurs contemporains (Duch 1970 : 47 ; Tchernia 1986 : 285 ; Ferdière 1988, t. 2 : 96 ; Laubenheimer 1990 : 149 ; Desbat 1991 : 234).
265Cette certitude est étayée depuis peu par la découverte du tonneau de Manching dont nous avons déjà parlé, tonneau réutilisé dans une fosse datée de La Tène III (Küster 1992 : 452). Cette découverte conforte également l’hypothèse d’une origine alpine‑rhénane et danubienne de la tonnellerie (Dion 1943 : 10 ; Ulbert 1959 : 6), étant entendu qu’une concentration importante de vestiges de tonnellerie a été mise au jour au nord de l’arc alpin (Ulbert 1959 : 29 ; Desbat 1991 : 325 ; Sciallano 1993 : 12). Cette hypothèse a vu le jour à la lecture de quelques textes antiques : Vitruve à la fin du ier s. av. J.‑C. parle de l’origine alpine des tonneaux (Dion 1943 : 10), Strabon signale, au tout début du ier s. ap. J.‑C., la venue en Étrurie des peuples danubiens qui chargeaient du vin dans leurs tonneaux et s’en retournaient (Moyen 1985 : 58), Pline déclare aussi avoir vu des tonneaux utilisés couramment dans les Alpes (Dion 1943 : 10). Cette théorie a été mise en doute par Armand Desbat (Desbat 1991 : 329) qui pense à une origine plus large du tonneau.
266En effet, la mention la plus ancienne de tonneaux ne concerne pas les Alpes mais la région ouest de la Gaule. En 51 av. J.‑C., César qui combat les Cadurques décrit ainsi leur technique de défense : « Une aussi grave menace alarme les assiégés qui remplissent des tonneaux avec de la suif, de la poix et de minces lattes de bois et les font rouler sur nos ouvrages. » (Coulon 1990, t. 2 : 59.) Ce peuple des Cadurques occupe la région de Cahors et connaît donc la tonnellerie.
267La présence de tonneaux au ier s. av. J.‑C. dans la région ouest est reprise par Cunliffe pour expliquer la concentration exceptionnelle d’amphores trouvées à Toulouse. « Cette importance [...] nous incite à penser qu’il s’agissait là de l’un des emporia sans doute le plus important à l’Ouest où l’on décantait le vin italien dans des tonneaux apportés à la ville par les gaulois indépendants [...] C’est la seule raison qui explique le nombre impressionnant d’amphores abandonnées à Toulouse. » (Cunliffe 1993 : 97.)
268Ces différentes études nous incitent à penser que tous les peuples Celtes de l’Atlantique au Danube connaissaient la tonnellerie au ier s. av. J.‑C. La découverte faite à Mortantambe est révélatrice de ce savoir‑faire, mais l’absence de douelles minimise l’intérêt de notre propos ; l’hypothèse B est malgré tout envisageable.
Conclusion
269La totalité des bois de Mortantambe découverts dans le puits sont des feuillus. Le chêne a été retenu pour la confection de grosses pièces malheureusement trop dégradées pour être identifiées. Les essences de bois tendres, noisetier, saule, peuplier (?), ont été sélectionnées pour la fabrication de menus objets peut‑être de claies ou de clayonnages. Le frêne a aussi été retenu, notons encore l’érable, mais aucune essence de résineux n’a été reconnue. Ce type de bois n’a pas été sélectionné ou était‑il absent de l’environnement du site ?
270Nous pouvons déplorer le peu d’objets identifiés, mais l’aspect fragmentaire et lacunaire de la plupart des bois ne permettait pas d’avancer d’hypothèse pertinente, sauf pour les deux fonds circulaires en chêne. Ces derniers sont remarquables, tant par les types de mobilier domestique qu’ils constituent que par leur datation.
3.2.3 Activités économiques
3.2.3.1 Élevage et chasse
271a.g.
272La relative abondance des déchets de faune recueillis sur le site de Mortantambe à Cabariot a permis de retenir 70 ensembles en fonction de la richesse des mobiliers et de leur homogénéité chronologique. Trois phases d’occupations ont été déterminées par les fouilleurs : une phase I de 150/120 à 100 av. n.è. ; une phase II de 100 à 30 av. n.è., une phase III de 60 à 30 av. n.è. (tabl. xii). Les différents ensembles n’ayant pas la même signification de part leur diversité, on a tenté de pondérer ce biais en sélectionnant pour chaque phase des sondages de nature différente : fossés, fosses, trous de poteaux. Il est apparu que les fossés sont les structures les plus riches, tant qualitativement que quantitativement, alors que le matériel contenu dans les fosses et trous de poteaux est très réduit et peu significatif, pouvant se réduire à des fragments dentaires isolés dans le cas des trous de poteaux. De manière générale, les taux de détermination sont relativement faibles (tabl. xii), ce qui s’explique en partie par les conditions de conservation défavorables aux ossements.

TABL. XII – Dénombrement général de la faune de Mortantambe pour la période de La Tène finale. NE nombre d’esquilles indéterminées, nEB nombre d’esquilles brûlées, nR det nombre de restes déterminés.
273Les choix des unités stratigraphiques répondent au souci de couvrir le plus largement la période de La Tène finale. On note à ce propos une légère irrégularité des nombres de restes par phase qui induit une incertitude dans les interprétations, en particulier pour la phase III (tabl. xii).
Évolution diachronique
274Les animaux répertoriés (148 individus au total) sont très majoritairement des espèces domestiques parmi lesquelles la trilogie classique des boeufs, moutons et porcs domine. On notera toutefois la présence du cheval et plus ponctuellement de l’âne ainsi que de quelques restes épars de chiens. Les deux seules espèces sauvages reconnues sont le cerf et le sanglier, ce dernier n’étant représenté que par une seule phalange (phase II).
275Les ossements présentent un état de conservation qui témoigne d’un milieu extrêmement humide : les surfaces osseuses sont en partie dissoutes, ce qui exclut bien souvent toute lecture des marques de découpe qui sont de ce fait sous‑estimées. Ces conditions de conservation ont fragilisé les ossements que l’on retrouve soit fragmentés, soit fendus (os longs) ou encore très altérés (surface friable, aspect desquamé). Les portions naturellement fragiles telles que les bois, crânes ou mandibules sont presque systématiquement écrasées sur place et altérées. Toutefois, il faut noter que certaines structures/sondages de l’enclos 3 (correspondant à la phase III des occupations) présentent une meilleure conservation qui indique des conditions d’enfouissement et/ou de dépôt plus favorables (voir en particulier le puits 6 055 ou le sondage 7 006 à l’angle du fossé 14‑15).
276Les décomptes ont été effectués en nombre de restes (nr) et nombre minimum d’individus (NMI) de même que les fragments indéterminés (NE : esquilles) et les os brûlés (NEB). Il apparaît que, compte tenu de l’ensemble du matériel, des modes de conservation osseuse, de la répartition anatomique des restes et de l’échantillonnage (validité statistique de ces derniers), le dénombrement en nombre de restes soit le plus fiable. En effet, chacune des couches ou plus largement des structures archéologiques ne présente que de faibles séries osseuses ou dentaires qui induisent très souvent une évaluation du NMI égale au NR. Chaque espèce a fait l’objet d’un décompte qui est détaillé par portion anatomique (tabl. xiii).

TABL. XIII – Répartition anatomique des principales espèces pour La Tène finale.
Phase I. Chronologie : 150/120 à 100 av. n.è.
277Les bœufs (terme utilisé ici pour l’ensemble de la population bovine) y sont particulièrement abondants alors que la représentation des porcs et moutons est sensiblement identique.
278L’essentiel du matériel faunique provient de trous de poteaux mais ces derniers ne livrent que des séries fauniques très faibles, voire des restes isolés : il s’agit fréquemment de dents isolées d’ovins‑caprins ou d’esquilles indéterminées. On notera la présence d’un crâne de cheval entier, mais écrasé sur place, près du trou de poteau 2 186 ; ses restes présentent un meilleur état de conservation que ceux issus des sondages voisins. Le crâne de cheval était accompagné d’une dent isolée de bœuf. Ce sont globalement des restes dentaires qui ont été exhumés des trous de poteaux mais il n’apparaît pas de dépôts fauniques spécifiques à ce type de structure.
279Les lots provenant des fossés sont quantitativement plus importants et qualitativement plus variés : on trouve fréquemment l’association bœuf, mouton, porc, mais toujours sur de faibles séries, et le matériel fragmenté interdit certaines prises de mesures.
280Les marques de découpe sont rares : la répartition anatomique n’indique pas la présence de restes de repas mais d’un amalgame de portions, souvent des « bas morceaux » (têtes ou extrémités des pattes). Lorsque des stries de découpe sont visibles, elles sont assimilables à la préparation de l’animal (dépouillage) ou à l’exploitation de sa carcasse osseuse comme le montre un métacarpe d’âne qui présente des enlèvements osseux de surface (sondage 2 003 du fossé 3‑4, activité de tabletterie ?).
Phase II. Chronologie : 100 à 30 av. n.è.
281On retrouve les mêmes espèces que dans la phase précédente : les représentations en NR et NMI des bœufs, moutons et porcs sont sensiblement équivalentes. L’essentiel du matériel faunique provient des couches de comblement des fossés qui délimitent l’enclos 2.
282Les restes de bois de cerf sont des bois de chute probablement déposés entiers mais qui sont parvenus très altérés par les conditions de conservation. Ils sont associés dans la fosse 4 006 à des restes de tibia, de calcanéum et de radius du cervidé, ainsi qu’à une troisième molaire d’ovicapriné. On relève également la présence, en 4 005, de deux dents supérieures isolées appartenant à un cerf qui pourraient évoquer la présence originelle du crâne.
283Ces assemblages évoquent ceux des trous de poteaux de la phase précédente : on constate un dépôt spécifique comme ceux du crâne de cheval (phase I) ou des bois de cerf (phase II) de même que certaines fosses ne peuvent contenir qu’un élément isolé comme c’est le cas du sondage 4013 avec la canine inférieure d’un jeune porc (mâle). Il est néanmoins difficile de considérer qu’il y a eu dépôt unique dans la mesure où les sédiments n’ont pas été tamisés.
284Le remplissage des fossés est plus varié, en particulier dans le fossé 17 où les restes sont les plus nombreux.
285Comme dans le cas de la phase I, il est difficile d’attribuer à ces lots une interprétation particulière de type restes de repas ou déchets de découpe. Il semble plutôt que ces restes épars aient été prélevés dans des zones de dépotoirs ou d’habitat et aient servi au comblement des fosses, fossés et trous de poteaux.
286Les restes porteurs de stries de découpe sont toujours très rares. Par ailleurs, certains os ont pu être exposés à l’air libre le temps d’être rognés par des chiens (ou autres petits carnassiers).
Phase III. Chronologie : 60 à 30 av. n.è.
287Une structure de puits qui a été reconnue (6 055) présente des conditions de conservation différentes : les os y ont été particulièrement bien préservés et sont d’une couleur brune qui tranche avec l’aspect blanc lessivé du matériel. Ils n’en restent pas moins très fragmentés.
288On remarque de manière générale que l’ensemble des restes osseux de l’enclos 3 sont bien conservés et qu’il a été possible d’établir quelques connexions anatomiques et recollages dans les ensembles stratifiés (sondage 6 002). À défaut d’informations sur les modes de dépôts de ces restes, il est néanmoins possible de noter des conditions d’enfouissement plus favorables à la conservation osseuse : les surfaces sont indemnes de toute altération.
289Du point de vue de la distribution des espèces, le bœuf est de nouveau dominant au sein d’un spectre faunique plus restreint que dans les périodes précédentes. Il reste difficile d’établir une évolution d’une phase à l’autre de par l’état et la faible quantité de matériel présent.
290La particularité de ce lot réside dans la présence de deux arrière‑crânes de bœuf, de taille et de morphologie différentes au niveau des chevilles osseuses. Ils se situent dans les sondages 7 006 et 7 007 au sein desquels ils étaient associés à d’autres ossements de bœuf (7 006) et à une dent isolée de cheval (7 007). De plus, l’une des chevilles osseuses du spécimen de 7 007 porte des stries circulaires de découpe à sa base, ce qui laisse supposer que la corne a été prélevée.
291Tout comme dans les autres ensembles des phases précédentes, la répartition anatomique des squelettes montre une prédominance des portions crâniennes et des extrémités des membres quelle que soit l’espèce considérée. Les éventuelles stries de découpe ou marques d’exploitation des carcasses y sont également rares.
Approches spécifiques
Équidés
292Bien que discrets, les équidés, chevaux et ânes, sont présents au cours des trois phases d’occupation. Leur discrimination n’est basée que sur la différence de taille, ainsi, l’appellation « âne » peut englober des hybrides tels que bardots ou mulets.
293L’étude de leur répartition anatomique est amputée par la faiblesse des échantillons. On remarquera cependant que le cheval est surtout représenté par son squelette céphalique, dents isolées et en particulier le crâne entier d’un cheval mâle déposé dans un trou de poteau de la phase I qui présente des stries de dépouillage. À l’inverse, l’âne ne voit la conservation que de son squelette postcéphalique et particulièrement du membre antérieur. Hormis le crâne, aucun de ces restes ne porte de marques de découpe pouvant être liées à la préparation ou la consommation de la viande. Néanmoins, l’extrémité distale du métacarpe d’âne du sondage 2 003 (phase I) présente des enlèvements corticaux qui évoquent une utilisation de l’os (exploitation artisanale, tabletterie ?).
Bœufs
294Le bœuf est l’animal le mieux représenté au sein du spectre faunique de Mortantambe. Bien que dépassé par le porc au cours de la phase II, il est régulièrement attesté au cours des trois occupations antiques.
295La fragmentation des ossements n’a pas autorisé une approche biométrique de ce matériel mais il a été possible de mettre en évidence deux bœufs de taille et de morphologie différentes en particulier au niveau des cornes. Le plus petit pourrait s’apparenter au bœuf gracile indigène alors que le plus grand se rapporterait à l’introduction ou l’amélioration d’un bœuf indigène par les romains. Les deux types morphologiques ont été particulièrement mis en évidence au cours de la troisième phase, dans le remplissage des fossés 14‑15 (enclos 3) où on a dénombré deux petits bœufs et un grand grâce à la présence de leurs arrière‑crânes (avec chevilles) et de quelques portions de squelette postcéphalique : ceintures scapulaire et pelvienne, vertèbres cervicales et fragments de diaphyse d’os longs. Il a par ailleurs été établi que le grand bœuf issu de cette structure a été exploité pour sa chair (stries de découpe et de décharnement sur diaphyses et coxal). Néanmoins, il n’est pas exclu que ce polymorphisme soit attribuable à une différenciation sexuelle.
296La répartition anatomique des squelettes de bovins témoigne de la présence de la quasi‑intégralité des carcasses, malgré la dominance des restes de la tête. En parallèle, les parties charnues du membre antérieur sont les mieux représentées alors que celles du membre postérieur sont proportionnellement peu nombreuses. La trouvaille de restes d’extrémités des pattes et de quelques fragments du squelette axial indique que les carcasses de bœufs étaient probablement exploitées sur place selon un modèle globalement permanent d’une phase à l’autre.
297Malgré leur rareté, en partie due à la fragmentation et à l’état d’altération du matériel, les ossements porteurs de stries de découpe ou de décharnement confirment la vocation alimentaire de l’abattage de ces animaux. Sans doute doit‑on également garder à l’esprit l’hypothèse selon laquelle certains dépôts spécifiques, en particulier dans le cas des deux crânes de bœufs de tailles différentes, peuvent relever de préoccupations qui dépassent leur aspect alimentaire. L’exemple de ce dépôt est pris dans le sondage 7 006, situé à l’angle des fossés 14 et 15 (peut‑être un point névralgique du plan de construction ?).
Ovicaprinés
298Les ovicaprinés sont les animaux dont la représentation diachronique est la plus stable, ils constituent le quart des restes fauniques au cours des trois phases.
299L’état du matériel n’a pas permis une discrimination précise entre mouton et chèvre, celle‑ci ne peut en effet s’effectuer que sur certaines morphologies osseuses qu’il n’a pas été possible d’observer (surfaces et articulations altérées ou absentes du fait de la fragmentation).
300À l’exclusion du squelette axial absent, tous les segments anatomiques ont été retrouvés, mais très souvent à l’état isolé au sein des diverses structures archéologiques. Le mode de conservation anatomique est étroitement lié au processus de conservation différentielle et de méthode de fouille : forte proportion de dents isolées et des os des membres tels que l’humérus (conservation de l’extrémité distale), le radius (extrémité proximale) ou le tibia (diaphyse). Ceci entraîne une assez bonne représentation des membres et dans une moindre mesure de leurs extrémités eu égard au bon potentiel de conservation des tarses et métatarses. Les variations diachroniques observées sont peu significatives et semblent davantage dépendre de validité statistique des échantillons que de traitements différentiels des carcasses au cours du temps.
301Les témoins de l’exploitation des squelettes sont rares : trois restes osseux striés seulement dont une cheville osseuse qui n’indique a priori que l’enlèvement de l’étui corné.
302Du point de vue de la répartition spatiale des restes, il est sans doute intéressant de noter la présence, à l’état isolé, de fragments osseux ou de dents attribués à des ovicaprinés, dans des structures telles que des fosses (2 175, 2 196) et des trous de poteaux (2 037, 2063, 2 167, 2 182, 2236, 2237) qui n’appartiennent qu’à la première phase d’occupation. Cependant, comme nous l’avons déjà relevé plus haut, ces considérations doivent tenir compte de l’absence de tamisage des sédiments, ce qui nous engage à rester très prudents quant à l’interprétation de ces faits.
Porcs
303Globalement, les porcs se distribuent à égalité avec les ovicaprinés. On notera seulement la particularité de la phase II au cours de laquelle le quota porcin dépasse le quota bovin (tabl. xii).
304Bien que faibles numériquement, les échantillons montrent une conservation privilégiée des dents isolées et plus largement du crâne alors que la représentation des autres segments squelettiques, en particulier du membre postérieur riche en viande, est très faible (tabl. xiii). Il en ressort une conservation osseuse là encore très dépendante de la conservation différentielle (humérus et ulna robustes dans le membre antérieur et tibia pour le membre postérieur). Les schémas qui en découlent se différencient de ceux des ruminants par un profil plus proche de l’interprétation de déchets de débitage de carcasse par la faible représentation des parties charnues. Cependant, la faiblesse numérique des ensembles interdit d’aller plus avant dans ce modèle d’interprétation.
Chiens
305Les restes attribués au chien sont peu nombreux et ne mettent en évidence que deux individus au cours des deux premières phases de l’occupation antique (tabl. xii). Ils proviennent du sondage 2 504, effectué dans le fossé 3 (enclos 1) pour la phase I, et du sondage 6 056, localisé dans le fossé 17 (enclos 2) pour la phase II. Leur présence sur le site n’étonnera pas puisqu’un certain nombre d’observations de marques de dents sur les ossements nous l’avait déjà fait envisager. Contrairement aux autres animaux domestiques, leur présence semble anecdotique sans que leur consommation soit pour autant exclue, mais parmi les ossements retrouvés (mandibule, fibula, métapode, ulna), aucun ne porte de stries de découpe.
Cerfs
306Les restes de cerfs sont particulièrement nombreux, bien qu’épars, dans les couches de la phase II. Outre quelques os longs du squelette postcéphalique isolés dans divers sondages (2 001, 2 004, 3 004, 4 012, 7 002), on remarquera les deux dépôts localisés en 4005 et 4006. Ces structures présentent la particularité de ne contenir que des restes de cervidés : trois bois de chute cassés et altérés en l’état actuel mais originellement entiers et accompagnés de dents supérieures isolées (4 005), de fragments d’os longs et d’une molaire inférieure (4 006). Les restes osseux ne portent pas de marques d’exploitation d’origine anthropique mais on notera dans ces contextes des phénomènes de lessivage et de dissolution particulièrement prononcés.
307Ces restes témoignent de deux attitudes différenciées de l’homme vis‑à‑vis des cervidés, une activité probable, bien que discrète : de prédation et par conséquent de consommation de l’animal associée à une activité de récupération de matériaux potentiels que sont les bois, malgré l’absence de preuve d’exploitation effective de ces restes.
Sangliers
308Seule une phalange de grande taille a été attribuée au sanglier. Toutefois, compte tenu de son caractère isolé et de l’absence de confirmation morphologique, nous maintenons cette détermination sous réserve.
Gestion des animaux
309Des structures de populations animales ont été établies pour les espèces les mieux représentées sur la base des éruptions et abrasions dentaires et des dates d’épiphysation des os longs. Les discriminations spécifiques (ovis/capra.) ou sexuelles (mâle/femelle) ont également été tentées mais les résultats sont peu parlants en regard de l’état de conservation du matériel qui ne permet pas toujours d’atteindre ces niveaux de détermination.
310Il apparaît néanmoins une dominance générale des individus abattus à l’état mature pour les bœufs, les ovicaprinés et les porcs (tabl. xiv). Chez ces derniers, on relèvera un nombre de mâles supérieur à celui des femelles, proportion en grande partie liée à la trouvaille de canines isolées (ces dents étant un des meilleurs critères de différenciation sexuelle). Cependant, tous les individus n’ayant pu être sexués, il est difficile, voire hasardeux, d’en déduire un abattage privilégié des individus mâles.
311En ce qui concerne la différenciation spécifique des moutons et des chèvres, on remarque que seuls des moutons (genre ovis) sont attestés dans la période de La Tène alors qu’une chèvre (genre capra) a été reconnue dans les couches médiévales. Là encore, ces résultats sont trop parcellaires pour en tirer des conclusions pertinentes sur la composition des cheptels de petits ruminants.

TABL. XIV – Classes d’abattage des trois principales espèces (bœufs, ovicaprinés, porcs) pour La Tène finale.
312On déduira de la prépondérance des individus adultes une exploitation tournée vers un rendement maximal de l’animal tant du point de vue de la quantité de viande comestible que de la force de travail ou de production exploitée. Ce type de gestion pourra évoquer un élevage orienté vers la production (lait, fromage, laine, trait, portage), la consommation n’intervenant qu’après une exploitation relativement poussée de l’animal et témoignant d’un certain dynamisme agropastoral. L’impression globale que l’on en retire est que la finalité de l’élevage dépasse la simple production de viande pour s’orienter vers les besoins d’un marché. Il est possible, par exemple, d’imaginer que les jeunes animaux, en particulier les ovins, caprins, porcins, à la chair plus tendre et plus goûteuse, ont été destinés à l’exportation, vers des cités moins agricoles. Ces considérations ne peuvent rester qu’hypothétiques dans la mesure où les études archéozoologiques sont encore rares dans le domaine atlantique et, en l’état actuel, nos conclusions souffrent malheureusement de ces lacunes.
Mortantambe dans le contexte de La Tène finale
313La distribution des espèces animales observées à Mortantambe de 150 à 30 av. n.è. se caractérise par la prépondérance des espèces domestiques (tabl. xii) au sein desquelles le bœuf est dominant, avec environ 40 % des restes déterminés, alors que les moutons et les porcs sont sensiblement à égalité avec 25 % des restes (fig. 79). La présence des autres animaux, bien que paraissant plus anecdotique, n’en est pas moins importante : on pense en particulier aux équidés et aux chiens dont la consommation est probable, ainsi qu’au gibier représenté ici par le cerf et le sanglier : un schéma qui n’est pas sans rappeler le modèle d’exploitation animale observé à Creil dans l’Oise (Méniel 1989), sur un site qui présente de nombreuses analogies avec Mortantambe malgré le décalage géographique. Le spectre faunique traduit sans conteste une forte dominance des activités agropastorales par l’importance du cheptel bovin surtout mais également un rapport encore assez étroit avec un milieu boisé, au‑delà des espaces de champs et de pâturage. Le complément carné apporté par le gibier reste difficile à évaluer dans la mesure où le décompte des cerfs est en partie fondé sur des bois de chute et la discrimination porc/sanglier souvent délicate sur un matériel très fragmenté.

FIG. 79 – Pourcentage global (NRD) de la faune de Mortantambe, Cabariot (La Tène finale).
314L’équivalence entre porc et mouton, tant en nombre de restes (fig. 79) qu’en nombre d’individus (tabl. xii), associée à la dominance quasi constante des bovins, fait de Mortantambe un site original dans le panorama des habitats contemporains du centre de la France. On notera néanmoins une légère progression des porcs à partir de la phase II qui semble davantage s’intégrer dans l’économie pastorale du dernier siècle avant notre ère dans cette région (fig. 80). On remarque en effet que les principaux gisements qui ont été étudiés se caractérisent par l’importance des porcs qui atteignent de 50 à 60 % des restes déterminés comme c’est le cas à Levroux, dans l’Indre (Krausz 1985). Le site gaulois de La Croix des Sables à Mainxe fait également figure d’exception avec un élevage ovin‑caprin supérieur à celui des porcins mais toujours dans un contexte où le taux de bovins est relativement faible (Poulain‑Josien 1971). Mainxe, qui se trouve en Charente, est le site le plus proche de Cabariot, mais leur similitude ne va guère au‑delà de la liste d’espèces élevées : le mouton y est dominant, précédant le porc et le bœuf. On y remarque également quelques restes d’ânes et aussi la présence de gibier. La comparaison avec des couches hallstattiennes de Soubérac et de Merpins en Charente (Poulain‑Josien 1965 ; 1971) semble indiquer l’antériorité de cette exploitation plus particulièrement bovine que l’on retrouve à Cabariot. Cela pourrait montrer un maintien de certaines traditions qui le différencie des autres secteurs géographiques par l’exploitation des bœufs. On constate de façon schématique que le Centre et le Nord orientent davantage leur élevage vers la population porcine, ce que l’on peut probablement mettre en relation avec la nature des sites, et peut‑être aussi leur degré d’urbanisation. Il semble en effet qu’une part modeste des porcs soit plus significative de sites ruraux comme cela est évoqué à Acy (Méniel 1984 : 154) et, qu’à l’inverse, la progression de la population porcine telle qu’elle est observée sur certains sites du Midi soit en liaison avec des processus d’urbanisation marqués, probablement liés à des influences romaines (Colomer, Gardeisen 1992). Pour la même période (ier s. av. n.è.), on constate que la gestion des troupeaux est dominée par celle des porcs dans le Centre (fig. 80), des porcs et des bœufs dans le Nord (fig. 81) et des ovins‑caprins dans le Sud (fig. 82).

FIG. 80 – Données fauniques en % (NRD) dans le centre de la France.

FIG. 81 – Données fauniques en % (NRD) dans le nord de la France.

FIG. 82 – Données fauniques en % (NRD) dans le midi de la France.
315Pour l’heure, nous ne pouvons que constater le manque de données relatives à l’exploitation des animaux au cours de La Tène sur la zone adantique. Les premières approches comparatives ne peuvent donc être qu’indicatives et appellent une multiplication des analyses afin de pouvoir aborder l’histoire de la gestion animale de façon plus synthétique et précise.
3.2.3.2 L’exploitation des ressources marines
La. pêche
316nj.‑m.p.
317Sur le site de Mortantambe ont été recueillies trois vertèbres de poisson. Les trois proviennent de l’enclos 1 : deux des sondages du fossé 4 et la troisième a été exhumée du remplissage d’un trou de poteau. Elles ont été repérées pendant la fouille sans qu’une recherche systématique ait été menée.
Méthode
318La détermination des vertèbres de Mortantambe, à partir de leur morphologie externe, a été effectuée par comparaison avec les exemplaires de la collection de référence du laboratoire de Paléoécologie et Paléoéconomie humaine de l’Université autonome de Barcelone.
319Les vertèbres ont aussi été radiographiées afin d’établir leur détermination taxonomique (Desse, Dessc 1976). Le résultat des radiographies ne fait que confirmer le mauvais état de conservation des restes, perceptible à l’œil nu. Seule la détermination de la famille a été possible, l’espèce ne pouvant pas être précisée.
Identification des vertèbres
320St. 2 088 vertèbre cervicale (atlas). Famille : Salmonidae. Espèce : très probablement Salmo salar (saumon de l’Atlantique).
321Sd. 2 500/2 503 vertèbre précaudale. Famille : Salmonidae. Espèce : très probablement Salmo trutta sp. (truite).
322Sd. 2500/2503 vertèbre. Famille : probablement Salmonidae, Cette vertèbre a subi une série de manipulations afin de la transformer en perle ; elle est donc très difficile à identifier. Les faces antérieure et postérieure ont été polies et le trou central a été agrandi par usure. Les dimensions de la perle sont de 4 mm de diamètre et 2 mm d’épaisseur.
Écologie des espèces déterminées
323Le saumon de l’Atlantique (Salmo salar) et la truite (Salmo trutta sp.) sont des poissons migrateurs qui remontent les rivières pour frayer. Il est possible de les pêcher dans n’importe quelle zone de la rivière au cours de leur montée jusqu’aux endroits les plus hauts, là où l’eau est fraîche et courante et les fonds caillouteux. Ils pénètrent depuis l’Atlantique vers toutes les rivières du nord de l’Europe (Whitehead et al. 1985).
324La présence de vertèbres de saumon et de truite sur le site de Mortantambe peut être interprétée comme la conséquence de l’exploitation des ressources ichtyologiques de la Charente. Le faible nombre de vertèbres récupérées empêche d’évaluer l’importance de la pêche dans l’ensemble des activités économiques des habitants de Mortantambe.
325Le choix de vertèbres de truite et leur transformation en perles ont été constatés sur de nombreux gisements dès le Paléolithique : Abri Romani (Capellades, Espagne), Barma Grande (Grimaldi, Italie) et Caune de Belvis (Aude) (Juan‑Muns i Plans 1981).
La cueillette des coquillages
326y.g.
327Les échantillons examinés proviennent de structures en creux (fossés, trous de poteaux...) dont l’âge a été attribué à l’âge du Fer, subdivisé en trois phases d’occupation. Les résultats seront regroupés selon ces phases I, II et III (tabl. xv et xvi).

TABL. XV – Faune marine de l’ensemble.

TABL. XVI – Faune marine des différentes phases.
Méthode
328Les coquilles de mollusques sont extraites du sédiment après tamisage. Dans le cas de ce site, la plupart des échantillons avaient déjà été tamisés sur une maille de 5 mm de côté. Mais il est toujours plus intéressant d’opérer soi‑même le tamisage fin de quelques litres par couche ou structure. En effet de menus fragments comme par exemple ceux de moules, parfaitement identifiables, n’ont été vus que dans le sédiment tamisé finement. Par ailleurs, de petits bioindicateurs comme les cirripèdes associés aux huîtres fournissent de précieux renseignements sur l’environnement (mode d’exposition, salinité de l’eau, etc.). Les coquilles sont déterminées, mesurées et pesées. Les critères biométriques sont propres à chaque espèce. Ils permettront ultérieurement des comparaisons avec la faune actuelle et avec celle d’autres sites.
Les biotopes de collecte des espèces
329La diversité spécifique n’est jamais élevée ce qui est assez normal si les biotopes explorés ne sont pas diversifiés. Les espèces reconnues Cardium edule, Cardiidé sp., Mytilus edulis, Ostrea edulis, Venerupis decussata et Scrobicularia plana peuvent toutes provenir de la partie salée –polyhaline– de l’estuaire voisin de la Charente. Elles indiquent une possible diversification des substrats : vase pure pour Scrobicularia, sablo‑vaseux pour Venerupis decussata, rocheux pour Ostrea edulis et Mytilus edulis. Mais, ces deux dernières espèces peuvent aussi s’installer dans des biotopes sablo‑vaseux. Ce qui est remarquable, dans cet inventaire, c’est l’absence totale de gastéropodes comestibles comme Patella, certaines Littorina, Monodonta, etc. vivant sur des roches non envasées de milieux marins salés (fig. 83).

FIG. 83 – Mortantambe. Les coquillages des phases I, Il et III (voir tabl. XVI). Myt. Mytilus edulis ; Os. Ostrea edulis ; Ven. Venerupis decussata ; C. ed. Cardium edule ; Sro. Scrobicularia.
Les espèces
Cardium (Cerastoderma) edule, la coque (phases I et II)
330Il est possible que les coquilles trouvées ne correspondent pas à une consommation. D’autres charnières, très usées, correspondent à de petits individus.
331Cardiidae sp., très certainement fossiles. Trois valves (Sd. 2 003, couche 2, fossés 3 et 4, phase I), très épaisses, usées, comme roulées par la mer, sont très probablement des fossiles éventuellement ramassés sur le rivage.
Mytilus edulis, la moule commune (phases I et II)
332Les seuls et rares individus mesurables (Sd. 6 004, couche 1, fossé 12, phase II) MNI 11, ont une hauteur supérieure à 2,5 cm et même plutôt 3 cm. Les autres individus (Sd. 6 014, couche 3, fossé 17, phase II), très fragmentés, ont été repérés grâce au tamisage fin. Particulièrement fragile, cette espèce est certainement très sous‑estimée. Son absence en phase III n’est donc peut‑être due qu’à l’absence de tamisage fin. Cette espèce supporte bien les eaux estuariennes, turbides et polyhalines. Elle peut être parfois associée aux bancs d’huîtres plates.
Ostrea edulis, l’huître plate (phases II et III)
333● La morphologie de l’huître (phase III)
334Il faut séparer les valves inférieures et supérieures. Dans la mesure du possible chaque valve a été pesée, sa hauteur H (distance dorso‑ventrale), sa longueur 1 (distance antéro‑postérieure) et la longueur maximale de l’empreinte musculaire (m) ont été mesurées en millimètres. Les résultats traduisent la forme de l’huître plate. La valve supérieure est plus petite que l’inférieure, ce qui se voit sur les distributions des tailles H et 1 des valves inférieures et supérieures. Il y a une symétrie presque totale entre les longueurs des empreintes musculaires (m) des valves inférieures et supérieures, ce qui indique que ces huîtres ont été collectées valves jointes (vivantes). La forme de ces huîtres est arrondie, le rapport H/1 ayant une valeur médiane de 1.14 pour les valves supérieures et de 1.07 pour les valves inférieures (fig. 84). L’huître plate s’allonge notamment lorsqu’elles se rassemblent en bancs denses en formant des « bouquets » (Gruet, Prigent 1986).

FIG. 84 – Mortantambe. Les Ostrea edulis (huîtres plates) : population pêchée de la phase III. Trois paramètres permettent d’établir un histogramme de distribution des tailles de la population : a mesure de l’impression musculaire m ; b mesure de la hauteur H ; c mesure de la longueur I.
335● La taille de ces huîtres
336La grande majorité de ces huîtres ont une hauteur voisine de 6 cm (valeur médiane) et située entre 4 et 8 cm. Il n’y a pas trace de petites huîtres, pas de naissain, comme si la taille avait été « sélectionnée ». C’est inhabituel pour un lot de plusieurs centaines de valves. Seules des hypothèses peuvent être avancées, comme une « sélection » naturelle in situ (conditions de moyen ou haut estran, conditions d’estuaire amont où les larves n’arrivent que rarement, etc.) ou comme une « sélection » liée à une manipulation humaine (choix et tri in situ avant ou après transport, etc.) (fig. 85).

FIG. 85 – Mortantambe. Les Ostrea edulis : comparaisons entre un ensemble trié et un autre non trié. A population d’huîtres plates Ostrea edulis de La Challonnière (Moyen Âge) avec la présence de jeunes huîtres (n = 123). Les huîtres forment des « bouquets » et ont été collectées, puis transportées en blocs ; b la population d’huîtres plates de Cabariot (phase III ; n + 61) ne présente pas de petites huîtres. Elles ont probablement été collectées une à une, ou triées avant ou après le transport.
337L’interprétation de ces résultats reste difficile, faute d’études sur la morphologie des huîtres plates Ostrea edulis en fonction des conditions de milieu.
338● La fixation de ces huîtres
339L’examen des « talons » de fixation indique en général des huîtres probablement fixées sur roche, rarement les unes sur les autres, exceptionnellement fichées dans la vase. Il y de très rares indices de groupements en « bouquets » et ces huîtres devaient être plus ou moins isolées les unes des autres.
340● La faune associée
341Malheureusement elle n’est pas connue. Toutefois la forte proportion des vers Polychètes Polydora perforant la coquille plaide pour un environnement turbide. Les perforations du bigorneau perceur Ocenebra erinacea sont assez peu fréquentes (1,4 % des valves), mais il n’y a pas de petites huîtres. Le perceur Ocenebra remonte peu en estuaire dans le domaine polyhalin, il se cantonne le plus souvent dans le domaine marin.
Venerupis decussata (= Tapes decussatus), la « vraie » palourde (phases I, II et III)
342Cette espèce vit actuellement dans des fonds, certes envasés, mais à portion granulométrique sableuse ou même grossière, souvent dans des zones d’écoulement d’eau à mer descendante entre des roches ou le long de petits chenaux. Cette espèce remonte dans certains estuaires bretons (abers) jusqu’à côtoyer les peuplements de Scrobicularia, comme dans l’estuaire du Blavet, dans le domaine polyhalin (fig. 86).

FIG. 86 – Mortantambe. Les Venerupis decussata (palourdes) : population pêchée de la phase II. Trois paramètres permettent d’établir un histogramme de distribution des tailles de la population : a mesure de la longueur I ; b mesure de la hauteur H ; c mesure du rapport L/H.
343La taille de la population (phase II) : la longueur L oscille entre 30 mm et 60 mm, pour une valeur médiane de 39,5 mm.
Scrobicularia plana (= s. piperata), le lavignon ou lavagnon (fig. 87)
344Cette espèce vit, sauf rare exception, en milieu vaseux donc abrité. Elle supporte une certaine euryhalinité et remonte en estuaire dans le domaine polyhalin où elle peut abonder. Généralement elle a une distribution intertidale dans la slikke dans le prolongement du schorre à halophytes. Dans un estuaire vers l’amont, c’est le dernier « gros » mollusque marin comestible.

FIG. 87 – Mortantambe. Les Scrobicularia plana : populations pêchées des phases I et II. Les histogrammes de distributions représentent les longueurs L des valves droites et gauches reconstituées d’après les longueurs de l’insertion du ligament interne (relation biométrique établie avec des individus actuels).
345Les populations (phases I et II) : il y a à peu près autant de valves droites que de gauches et elles ont des tailles très voisines. Il s’agit de populations collectées valves jointes (vivantes). La taille des individus oscille entre 22 et 50 mm. Cela correspond à une collecte « normale », à vue, qui ne prend pas les petits individus3. En phase I, les individus ont une taille de valeur médiane de 37 mm et de mode 39 mm. En phase II, les individus sont plus petits, avec un mode de 31 mm et une médiane de 32 mm. La cause de cette diminution de taille est‑elle due à l’échantillonnage ou à une réelle diminution de taille sur le site de collecte (fig. 88) ?

FIG. 88 – Mortantambe. Les Scrobicularia : comparaisons entre une population naturelle et deux populations pêchées, a population naturelle du sondage de la Boutonne avec des individus de toutes les tailles et notamment des petits ; b population de Cabariot, phase 1 (n = 68) ; c population de Cabariot, phase II (n = 500) : elles sont pêchées « à vue » car il n’y a pas de petits individus inférieurs à 2 cm de long.
DOCUMENT 7
Apport de la malacologie à l’interprétation fonctionnelle des fosses protohistoriques du site de Mortantambe
Y.G.
Les espèces terrestres
Elles n’ont pas été spécialement recherchées. Seules les plus grosses ont été retenues sur les tamis. Pomatias elegans est une espèce habituelle de ces terrains calcaires. Les escargots Cepaea hortensis (dominant) et C. nemoralis sont comme Pomatias elegans des espèces « forestières » mais mésophiles, c’est‑à‑dire qu’elles ont des facultés d’adaptation (Puisségur 1976). Les escargots Cepaea ont pu être attirés par l’humidité des fossés ou bien jetés dans le fossé, après consommation comme les espèces marines ? Les coquilles n’offrent pas de traces de feu. Il faut remarquer l’absence d’Helix aspersa, espèce méridionale qui aurait été propagée, plus tard, vers le nord et l’ouest de la France par les romains.
Les espèces dulcicoles
Ces espèces, petites et fragiles, n’ont été répertoriées que dans des sédiments tamisés finement : 3 Anisus spirorbis (structure 6 014, fossé 17, couche 3), 1 Anisus spirorbis (Sd 6 036, C3), 1 Limnaea truncatula et 12 valves d’un petit bivalve Sphaeriidae dans le fossé 4 (Sd 2503). Si elles sont en place, elles indiquent la présence d’eau assez longtemps (saisonnièrement au moins) dans ces fossés.
Conclusion
346La provenance probable des coquillages est l’estuaire voisin. Tous les mollusques marins ayant été collectés à des fins alimentaires peuvent provenir du domaine polyhalin de l’estuaire de la Charente. Il s’agit par ordre d’importance numérique de Scrobicularia (le lavignon), d’Ostrea edulis (l’huître plate), de Venerupis decussata (la palourde) et de Mytilus edulis (la moule, numériquement sous‑estimée). Bien sûr ces espèces marines vivent aussi dans le domaine marin plus ouvert (salinités normales) d’où elles pourraient aussi provenir. L’absence totale d’espèces de milieu rocheux couvert d’algues comme Patella, Littorina, Monodonta, etc. va dans le même sens d’une non collecte en milieu plus ouvert, à moins qu’il ne s’agisse d’habitudes alimentaires. La collecte a dû se pratiquer à basse mer dans le domaine intertidal avec (ou sans pour la vase donc les scrobiculaires) l’aide d’un instrument pour fouir le sédiment.
Une évolution selon les phases ?
347C’est en phase II que l’équilibre est le mieux respecté entre les différentes espèces. Remarquons l’absence d’Ostrea en phase I et celle de Scrobicularia en phase III. Ces absences peuvent‑elles être liées à l’échantillonnage ? L’absence de Scrobicularia en phase III est troublante dans la mesure où –a priori– cette espèce est la plus eutyhaline et donc celle qui devait être restée la plus proche du site, car la plus en amont dans l’estuaire.
348Il faut voir dans la collecte de coquillages un complément de nourriture, plus ou moins accessoire, par rapport au reste (viandes, céréales, etc.). On peut aussi y voir des habitudes alimentaires qui ont pu varier. Enfin la fréquentation (ou l’abandon) de certains sites de collecte comme la vasière pourrait être liée à d’autres activités comme la pêche de poissons, le gardiennage de troupeaux sur le schorre, l’exploitation du sel. Rappelons que les augets sont confectionnés avec de la vase marine des fonds à scrobiculaires. Aux Moutiers (Loire‑Atlantique), le site du Moulin des Courtes (âge du Fer), où il y a eu exploitation du sel à 1 km du rivage, montre lui aussi une dominance des Scrobicularia dans les restes coquilliers.
3.2.3.3 Agriculture et cueillette
349k.l.‑b., kj.
350L’étude des paléosemences du site de Mortantambe porte sur l’un des fossés de drainage qui quadrillent la zone prospectée : le fossé 4 situé entre les enclos quadrangulaires 2 et 3. Ce secteur fut occupé entre 150 et 100 av. J.‑C. L’excavation du fossé traverse un banc calcaire d’un mètre d’épaisseur et entaille encore d’une vingtaine de centimètres le sable sous‑jacent. Cette structure est la seule à avoir livré des paléosemences au cours des tamisages réalisés pendant le déroulement de la fouille. De tous les remplissages qui colmatent le fossé, seule la couche dite « de tourbe » contenait des restes botaniques. D’aspect très fortement organique, elle tapissait le fond du fossé sur une épaisseur de 10 à 15 cm. Les prélèvements destinés à l’analyse botanique ont été réalisés dans les tranchées de sondage effectuées à la pelle mécanique en travers du fossé.
351L’étude paléocarpologique a été entreprise dans le but de tenter une reconstitution du paléoenvironnement qui soit plus particulièrement centrée sur les activités anthropiques que le fossé était susceptible d’enregistrer pendant sa durée de fonctionnement. Il faut rappeler ici que ces fossés n’avaient pas de fonction défensive, mais servaient au contraire à assainir le terrain selon l’interprétation des archéologues.
Échantillons et procédure d’étude
352Quatre échantillons de sédiment brut ont été pris dans les tranchées pratiquées en travers du fossé 4. Un prélèvement d’un kilogramme a été sélectionné dans chacun des échantillons nommés 1/2500, 2/2501, 3/2502 et 4/2503. Leur préparation a consisté en un tamisage à l’eau des sédiments avec des tamis de mailles 2 mm, 1 mm, 0,5 mm et 0,25 mm. Les paléosemences ont ensuite été triées sous la loupe binoculaire puis déterminées (tabl. xvii). Un premier constat s’est imposé d’emblée : les effectifs de la catégorie des céréales et des légumineuses cultivées étaient très faibles dans les sédiments traités en laboratoire. Il a alors été décidé d’étendre nos observations à l’étude du contenu des refus de tamisage effectués par les archéologues au cours de la fouille. Des sédiments, dont le poids ou le volume ne nous est pas connu, avaient été tamisés au moyen de différents tamis dont le plus fin avait une maille de 2 mm. Une fois le mobilier archéologique extrait, les refus de tamis, où se mélangeaient le minéral et le végétal, avaient été stockés. Certains avaient été conservés avec de l’eau dans les sacs afin que soit maintenu un degré d’humidité suffisant (échantillons 5/2500, 6/2501‑2502, 7/2502‑2503 et 8/2501‑2502‑2503). Les autres n’ont fait l’objet d’aucun conditionnement particulier et les vestiges végétaux ont séché dans les sacs (échantillons 9/2500 et 10/2507).

TABL. XVII – Paléocarpologie. Récapitulatif des échantillons tamisés en laboratoire. Frgts fragments ; Carb. carbonisé.
353Si les échantillons du premier groupe contiennent encore des macrorestes végétaux en relativement bon état, ceux du second groupe ont fortement souffert du séchage (tabl. xviii). Dans ce second groupe, ce sont essentiellement les paléosemences aux parois épaisses qui ont résisté à la dessication. Une comparaison quantitative entre les taxons de paléosemences provenant de l’étude des refus de tamisage et les taxons des échantillons intégralement traités en laboratoire n’a pas été possible car la quantité de sédiment tamisé pendant la fouille n’a pas été enregistrée. L’étude portant sur des refus de tamis a tout de même permis d’adjoindre 9 taxons supplémentaires à l’inventaire général des espèces présentes dans le fossé 4.

TABL. XVIII – Paléocarpologie. Récapitulatif des échantillons tamisés à la fouille. Frgts fragments ; Carb. carbonisé.
Résultats
354Les paléosemences de Mortantambe sont en majorité conservées à l’état subfossile, c’est‑à‑dire qu’elles n’ont subi aucun processus de fossilisation. Seules les très rares céréales, les légumineuses et un fragment de noisette (Corylus avellana) font exception puisqu’ils sont carbonisés, mais ils ne représentent que 0,2 % des effectifs des quatre échantillons entièrement préparés en laboratoire (1/2500, 2/2501,3/2502 et 4/2503).
355L’assemblage de paléosemences identifié dans ce fossé provient de toute évidence de différents milieux, naturels ou anthropisés (fig. 89).

FIG. 89 – Mortantambe. Répartition des semences par nombre d’effectifs.
Le milieu humide
356Plusieurs espèces qui supportent très bien les sols détrempés, ou tout au moins humides, sont attestées par les paléosemences. Leur tolérance aux conditions d’humidité très changeantes en font de bons candidats à la végétation interne au fossé. Le pâturin des marais (Poa palustris) et le jonc aggloméré (Juncus cf. conglomeratus) devaient sans doute coloniser le fond du fossé. La canche bleue (Molinia coerulea) a dû prendre pied là où l’accumulation de l’humus se faisait plus épaisse. C’est probablement de ce même milieu que provient la semence de renoncule sarde (Ranun‑culus sardous).
Les produits des champs
357Les céréales et les légumineuses cultivées apparaissent de façon presque anecdotique dans les sédiments analysés. On y a dénombré quelques caryopses de céréales : 1 Hordeum vulgare, 1 Triticum cf. aestivum durum, 1 Triticum dicoccum, 2 glumes et 1 base d’épillet de Triticum dicoccum ainsi que 2 légumineuses de Vicia faba.
358Ces semences sont certes des témoins des travaux des champs mais elles sont trop rares pour offrir la possibilité d’aborder l’éventail complet des cultures pratiquées par les habitants de ce village de La Tène finale, et plus encore pour nous permettre d’évaluer l’importance des différentes cultures.
359En l’occurrence, il est important de relever que les vestiges non carbonisés des plantes cultivées sont totalement absents de la couche « de tourbe » du fossé. Aucune semence, fragment de balle ou de chaume des céréales, n’a été rencontré sous une forme subfossile, il en va de même pour les semences et les gousses de légumineuses. En conclusion, il est peu probable que dans les proches environs du fossé, il ait existé une aire de travail où se pratiquaient les différentes opérations de préparation et de transformation des céréales et des légumineuses.
La vigne
360Contrairement aux caractères diffus des témoins des cultures de céréales et de légumineuses, la présence des semences de raisin (Vitis vinifera) est importante dans l’ensemble des échantillons. Le statut de cette plante sur le site de Mortantambe est difficile à établir. Sur la base des caractéristiques morphologiques et biométriques des semences, il est malaisé de trancher en faveur de la vigne domestique ou de la vigne sauvage4. Pourtant les critères biométriques sont les seuls à notre disposition pour tenter de résoudre ce problème en l’absence d’analyses anthracologiques ou polliniques sur le site. Les travaux de deux paléobotanistes, Stummer (1911) et Schiemann (1953), sur la biométrie des populations de Vitis vinifera ssp. vinifera et ssp. sylvestris constituent encore aujourd’hui l’essentiel des référentiels biométriques pour cette espèce. Les semences de vigne domestique sont généralement plus longues et proportionnellement moins larges que les semences de vigne sauvage qui ont une forme plus sphérique, moins piriforme. Après cette constatation, Stummer a jugé l’indice largeur/longueur comme étant le plus adéquat en tant qu’outil de différenciation. En effet, la moyenne du rapport largeur/longueur du matériel examiné par Stummer et Schiemann est de 59 pour les semences de plantes domestiques et de 70 pour la vigne sauvage. Cependant, les indices des semences domestiques chevauchent largement celles des semences sauvages ; une semence avec un indice entre 54‑74 peut tout aussi bien provenir d’une plante domestique que d’une plante sauvage. La situation devient encore plus complexe lorsque les semences proviennent de sites archéologiques.
Description de Vitis vinifera de Mortantambe
361La forme des pépins de Mortantambe varie de presque globulaire à cordiforme. Le bec est court, légèrement plus allongé pour les semences cordiformes chez lesquelles la transition au bec est douce et sans épaulement. La face dorsale porte un chalaze bien distinct. La face ventrale est arrondie chez les formes globulaires ; chez les cordiformes elle est parfois aplatie, mais le plus souvent angulaire (en forme de toit à double pente) (fig. 90).

FIG. 90 – Mortantambe. Paléosemences de Vitis vinifera (agrandissement x 4).
dessin D. Baudais/département d’Anthropologie et d’Écologie, université de Genève
362La comparaison de ce corpus avec les semences d’un pied de vigne sauvage actuel de Martigny (Valais, Suisse) révèle une forte similitude, mais avec tout de même une plus forte proportion de semences cordiformes dans le matériel de Mortantambe (Desfayes 1989).
363Les mesures effectuées sur le matériel de Mortantambe montrent que les dimensions se situent à l’intérieur de celles connues pour la sous‑espèce sylvestris (fig. 91, 92). De la même façon, le rapport moyen largeur/longueur de Mortantambe est de 70 ; la moyenne du matériel étudié par Stummer est de 66 (mesures portant sur 100 semences actuelles), celle de Schiemann est de 68 (mesures portant sur 68 semences actuelles). La moyenne des indices des semences de raisin sauvage de Martigny est de 75 (mesures portant sur 100 semences actuelles). Ce résultat montre que la forme moyenne de la population de Martigny a tendance à être encore plus arrondie que la forme des plans sauvages étudiés par Stummer et Schiemann.

FIG. 91 – Mortantambe. Dimensions des pépins de raisins.

FIG. 92 – Mortantambe. Comparaisons entre les différentes dimensions des pépins de raisin.
364Une comparaison directe de nos résultats biométriques avec ceux de sites plus ou moins contemporains comme Lattes (Buxo i Capdevila 1992), Ambrussum (Ruas 1989a) ou Médor (Ruas 1989b) ne se justifie pas car les semences des baies de raisin sont carbonisées sur ces trois sites5.
365Sur la base des référentiels à notre disposition, la morphologie et les mesures biométriques des semences de Montan‑tambe ne nous permettent pas de conclure à l’origine cultivée des semences de cette vigne. Cette hypothèse ne doit pourtant pas être définitivement écartée car la forme des semences de vignes domestiques varie de cépage en cépage. Il y a de fortes ressemblances, par exemple, entre les semences de Mortantambe et celles de la vigne de pinot de Saillon (Valais, Suisse) (Desfayes 1989). De toute évidence, la base référentielle est actuellement encore trop limitée et demanderait de plus amples observations biométriques sur des vignes aussi bien domestiques que sauvages sur une aire géographique plus étendue.
366Cette discussion ne peut se clore sans évoquer une dernière possibilité. Le croisement spontané de cépages cultivés et de vignes sauvages produit des hybrides qui sont fertiles (Zohary, Hopf 1988). La vigne sauvage existe encore à l’état naturel en Charente‑Maritime6. Il est probable que cette vigne sauvage préexistait sur place au moment de l’occupation du site. De tels croisements auraient pu se produire.
367De toute façon, l’importance quantitative de la vigne sur ce site témoigne de son exploitation intensive et suggère qu’une forme ou une autre de viticulture était déjà pratiquée. Celle‑ci peut, avoir été l’objet d’un soin spécial accordé aux cépages « sauvages » qui n’aura eu que peu d’influence sur la forme de la semence (Kroll 1983). Elle peut aussi avoir pris la forme d’une viticulture plus classique avec des cépages introduits du sud7, avec peut‑être des croisements avec des pieds sauvages présents localement.
368L’accumulation des semences de raisin dans le fossé 4 rejoint les observations archéologiques qui font dire que ce fossé fut, pour un temps, employé comme dépotoir puisqu’on y observe aussi des concentrations importantes de céramiques et d’ossements animaux. Une seconde hypothèse peut être avancée : le fossé, ou plus précisément ses bords, ont pu fonctionner comme lieu d’aisance. Le contexte archéologique ne permet pas d’établir si ces pépins résultent d’une consommation par l’homme de raisins frais ou de raisins secs ou encore s’il s’agit de sous‑produits de la fabrication d’une boisson rejetés dans le fossé‑dépotoir.
La végétation des formations d’arbres et arbustes
369L’impressionnante représentation de la végétation des bois et des friches buissonnières (fig. 89) est surtout provoquée par l’importance des baies et des fruits d’espèces comestibles : framboises (Fragaria vesca), mûres (Rubus fruticosus), noisettes (Corylus avelland), sureau noir (Sambucus nigra), et glands (Quercus sp.). L’importance des semences de baies et de fruits comestibles souligne, une nouvelle fois, la fonction secondaire de dépotoir jouée par ce fossé, mais elle étaye également l’hypothèse d’un lieu d’aisance car toutes ces semences, à l’exception des coquilles de noisette, traversent sans mal, ni dommage, le système digestif humain.
370Les paléosemences attestent également de la présence de quelques plantes soit comestibles, soit utilisables à d’autres fins, mais dont les effectifs présents n’évoquent pas une cueillette intentionnelle. Les fruits de senellier (Crataegus monogyna) sont consommables cuits. Les fruits noirs du cornouiller sanguin (Cornus sanguinea) sont très amers et peuvent provoquer des troubles gastriques mais il est possible d’en extraire une huile utilisable pour l’éclairage ou la fabrication de savon. Le millepertuis perforé (Hypericum perfrratum) a une très longue tradition de plante médicinale et son feuillage est aussi consommable. L’herbe de la Sainte‑Vierge (Stellaria holostea) est parfois exploitée pour ses propriétés humectantes et rafraîchissantes ; la plante a aussi des propriétés médicinales.
371Il est tout aussi important de signaler la présence d’espèces sans utilité apparente, comme l’euphorbe des bois (Euphorbia amygdaloides) dont les graines et les feuilles sont violemment vomitives et purgatives, ou le bryone (Bryonia dioica), une liane grimpante des lisières de bois dont les baies sont particulièrement toxiques.
372L’explication de la présence dans le fossé 4 de toutes ces espèces à faible effectif nous est fournie par les semences de clématite des haies, Clematis vitalba. Le nombre de semences de cette liane varie d’un échantillon à l’autre, mais dans certains elles sont très nombreuses alors que ces semences sont sans utilisation reconnue. Cette liane grimpe dans les arbres et les arbustes. C’est une espèce héliophile qui affectionne non seulement les haies, comme son nom l’indique, mais aussi les bois clairs, les friches et les lisières de forêts. Sa présence dans le fossé 4, comme d’ailleurs celle des autres espèces à faible effectif citées précédemment, révèle l’existence, à proximité du fossé, d’une végétation au moins arbustive, si ce n’est d’une friche buissonnière ou d’un petit bois. L’endroit le plus propice est probablement directement en bordure du fossé, de part et d’autre ou sur un seul bord. Faut‑il y voir un reliquat de la végétation qui occupait le site avant l’installation de l’habitat du deuxième âge du Fer ou est‑ce une phase avancée de la recolonisation par la végétation d’une partie du terrain où les remuages de terre avaient cessé ? En l’absence d’analyses polliniques et anthracologiques et d’un échantillonnage stratifié des paléosemences, nous restons démunis pour répondre à cette question. Si cette végétation représente effectivement une phase de recolonisation de la végétation, il est important de souligner qu’il aura fallu un minimum de 15 à 20 ans pour que se constitue une friche buissonnière après les remaniements provoqués par le creusement du fossé. Dans ce cas, la formation de la couche dite « de tourbe » n’a pas pu se faire immédiatement après l’excavation du fossé.
Les rudérales
373Dans les sédiments de la couche « de tourbe » apparaît un nombre restreint de taxons de plantes qui sont des commensales des cultures. De nos jours, le chénopode blanc (Chenopodium album), le chou sauvage (Brassica campestris) et la morelle noire (Solanum nigrum) sont des annuelles très communes des jardins et des cultures sarclées. La vrillée faux liseron (Polygonum convolvulus) et la renouée des oiseaux (Polygonum aviculare) sont toutes deux des annuelles présentes dans les céréales, surtout les céréales de printemps, mais qui apparaissent également dans les cultures sarclées et les jardins. Trois hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette présence des commensales des cultures.
374De nombreuses semences de mauvaises herbes entrent sur le lieu d’habitat avec les récoltes et celles qui ont été retrouvées dans le fossé pourraient ainsi être des témoins indirects des cultures car ce sont des sous‑produits indésirables qui ont été éliminés des récoltes au cours du déroulement des chaînes de préparation et de transformation des moissons. Mais aucun reste de céréales subfossiles n’a été retrouvé malgré la bonne conservation générale des vestiges végétaux dans ce fossé. Dans le même ordre d’idée, les céréales carbonisées sont extrêmement rares et aucune mauvaise herbe carbonisée n’a été observée ici. Tous ces faits rendent peu plausible cette hypothèse.
375Les semences de commensales des cultures sont peut‑être entrées fortuitement dans le fossé depuis une terre jardinée toute proche. On peut d’emblée opposer à cette hypothèse le nombre restreint d’espèces de commensales présentes dans le fossé.
376Ces annuelles participent également du stade initial de recolonisation des espaces remués par l’homme (les décombres, les dépotoirs, les remblais...). Leur présence dans le fossé est probablement à rapprocher de celle encore plus importante des bisannuelles, des pluriannuelles et des vivaces qui prennent successivement le relais des annuelles à condition que l’interférence de l’homme ne se marque pas trop dans la zone au moment de la recolonisation des terres incultes.
377Les espèces de ce groupe figurant dans le fossé occupent une place importante dans nos échantillons. Le bandane à petits capitules (Arctium minus), une bisannuelle, se trouve très souvent sur les terres incultes riches en nitrate, mais aussi dans les buissons et parfois dans les cultures. L’herbe aux mamelles (Lapsana communis), annuelle ou bisannuelle, est une espèce plutôt nitrophile qui affectionne le demi‑ombre Elle se retrouve souvent sur les terres incultes, mais aussi dans les buissons, sur les bords de chemin, et même parfois sur les champs cultivés. Le réséda jaune (Reseda lutea) est une bisannuelle ou pluriannuelle qui fréquente les lieux pierreux secs, les terres incultes, le bord des chemins et les vignobles. La carotte sauvage (Daucus carota), généralement bisannuelle, plus rarement annuelle ou même pluriannuelle, est plutôt associée aux prairies maigres mais elle est également fréquente dans le rôle d’espèce pionnière sur les sols vierges et secs.
378Le cirse des champs (Cirsium arvense) est une vivace, héliophile et plutôt nitrophile, qui est fréquente sur les terres rudéralisées, les terres incultes, le bord des chemins et qui envahit en troupe les champs céréaliers. Le sureau yèble (Sambucus ebulus), une vivace héliophile, est un arbrisseau des sols riches et frais des terres incultes, des forêts claires et des lisières. La grande ortie (Urtica dioica), une vivace, est encore plus exigeante en humidité du sol. C’est également une espèce nitrophile qui se rencontre fréquemment dans le voisinage des habitations et sur les terrains vagues, les terres incultes et les fossés ; elle peut aussi apparaître en lisière des bois et dans les haies.
Conclusion
379Du point de vue archéologique, il n’y a pas de structures aux abords immédiats du fossé. Cette bande de réserve de 5 à 7 m de large sépare le fossé des structures architecturales les plus proches. Du point de vue paléocarpologique, cette zone ne semble pas être utilisée comme aire de travail ou enclos à pacage pour le bétail car la végétation ressemble beaucoup plus à celle d’un terrain vague. Il est probable que l’homme, par sa non‑intervention, ait permis la poursuite de la recolonisation de ces bandes de réserve car, comme nous venons de le voir, nous avons là les traces d’une friche arbustive.
3.2.3.4 L’exploitation du bois
380d.m.
381Les restes ligneux carbonisés récoltés au cours de la fouille ont donné lieu à une étude anthracologique. Ces charbons de bois proviennent, dans leur totalité, du remplissage des structures archéologiques en creux conservées dans le substrat calcaire constituant, à Mortantambe, une légère éminence. L’ensemble des charbons de bois découverts a été sectorisé selon deux zones.
382Enclos 1 :
– sondage 2 003, couche 6, angle fossé 3 et 4 ;
– sondage 2 502, fossé 4 ;
– structure 2 082, trou de poteau ;
– structure 2 084, trou de poteau ;
– structure 2 236 B, trou de poteau.
383Enclos 2 :
– sondage 6 009, couche 3, fossé 16 ;
– sondage 6 014, couche 3, fossé 17.
384Certains de ces lots proviennent du remplissage naturel ou anthropique des fossés et d’autres se sont révélés être les reliquats de structures construites (conservés dans des trous de poteaux).
385Ils sont à regrouper en deux phases chronologiques : les échantillons provenant de l’enclos 1 appartiennent à la phase I, correspondant à l’apparition du site et datable de 150 à 100 av. J.‑C., et ceux de l’enclos 2 sont de la phase II, entre 100 et 30 av. J.‑C.
Méthodologie
386Le sédiment charbonneux est prélevé dans sa globalité sur le site. Après réhumectation lente au laboratoire, il est tamisé sous courant d’eau. Tous les fragments ligneux sont alors récoltés par flottation et à la surface des tamis, puis étudiés jusqu’à une taille minimum de 2 mm de côté (Vernet 1992).
387Chaque ligneux, qu’il appartienne au sous‑embranchement des angiospermes (feuillus) ou des gymnospermes (dont les conifères), produit un bois particulier, spécifique et héréditaire, présentant une organisation particulière des tissus ligneux. La structure du bois s’étudie dans les trois plans anatomiques (Marguerie, Hunot 1992).
388Le genre des ligneux carbonisés (combustion partielle) se détermine à coup sûr et quelquefois l’espèce. Il est délicat voire impossible de distinguer spécifiquement les chênes à feuillage caduc. Les limites de la détermination conduisent également toute une série d’espèces à être réunies dans les pomoïdées, sous‑famille des rosacées. Les espèces suivantes s’y retrouvent : amélanchier (Amelanchier ovalis), cotonéaster (Cotoneaster sp.), aubépine (Crataegus sp.), néflier (Mespilus germanica), poirier‑pommier (Pyrus sp.) et sorbier‑cormier‑alisier (Sorbus sp.).
389Les résultats de l’étude sont consignés dans des tableaux où les taxons sont rangés par groupement écologique. Le nombre et la masse de chaque taxon sont mentionnés par souci d’accessibilité à tous les paramètres de notre étude. Toutefois, nous nous abstenons, dans un essai de reconstitution paléoenvironnementale, de prendre en compte l’aspect quantitatif des analyses anthracologiques. Les données phytoécologiques que nous dégageons reposent donc uniquement sur les informations écologiques intrinsèques à chaque taxon attesté et sur les groupements végétaux mis en évidence. Il sera cependant fait parfois référence aux données quantitatives (effectifs et masses) afin de souligner la dominance affirmée de certains taxons.
390La détermination des essences ligneuses est complétée par un examen du plan ligneux transversal effectué à plus faible grossissement (Marguerie 1992a). L’observation de la largeur des cernes d’accroissement peut notamment renseigner sur l’état du peuplement végétal au sein duquel le bois a été récolté. En forêt dense, l’intensité d’assimilation et de transpiration des individus est telle que les arbres connaissent une pousse lente et régulière (cernes étroits). Un milieu plus ouvert est, en revanche, riche en bois à croissance rapide (cernes larges). Cette largeur moyenne des cernes d’accroissement est analysée sur des fragments à très faible rayon de courbure de cerne, c’est‑à‑dire sur des charbons en provenance de troncs d’arbres.
Résultats d’analyses
Inventaire des essences observées et de leurs conditions autoécologiques
391Les différents lots anthracologiques étudiés renferment, au total, un cortège d’une dizaine de taxons (tabl. xix à xxv). La diversité taxonomique des lots étudiés peut varier de 1 à 7. Ceci peut s’expliquer de la manière suivante : l’ensemble des charbons prélevés au sein du remplissage des fossés présente la variété taxonomique la plus forte. Ils résultent de plusieurs générations de combustions effectuées sur un laps de temps probablement assez long quoique difficile à estimer. En revanche, les charbons extraits d’un trou de poteau correspondent au bois, le poteau, qui s’y tenait.

TABL. XIX – Charbons de bois du lot 2003 (enclos 1).

TABL. XX – Charbons de bois du lot 2 502 (enclos 1).

TABL. XXI – Charbons de bois du trou de poteau 2082 (enclos 1).

TABL. XXII – Charbons de bois du trou de poteau 2084 (enclos 1).

TABL XXIII –Charbons de bois du trou de poteau 2 236B (enclos 1).

TABL. XXIV – Charbons de bois du lot 6009 (enclos 2).

TABL. XXV – Charbons de bois du lot 6014 (enclos 2).
392Lorsqu’on procède à l’inventaire des conditions autoécologiques des différentes essences attestées, on constate qu’elles peuvent appartenir à différents biotopes (Rameau et al. 1989).
393Le chêne à feuilles caduques est dominant dans tous les cas. Il peut, dans la région étudiée, être indifféremment rapporté au chêne sessile (Quercus petraea), pédonculé (Q. robur), pubescent (Q. pubescens) ou tauzin (Q. pyrenaica). Ce sont des espèces héliophiles ou de demi‑ombre pouvant croître dans des forêts, en leurs lisières, voire dans des haies. On verra plus loin, grâce aux observations dendrologiques, qu’en fonction des lots considérés, les chênes brûlés à Mortantambe proviennent de peuplements denses et ouverts.
394L’orme est également héliophile et peut être rencontré en milieu forestier ainsi que dans des haies.
395Le noisetier, l’érable, le Prunus et les pomoïdées sont des essences héliophiles ou de demi‑ombre pouvant appartenir à des formations végétales de type bois clairs, des lisières forestières, des forêts ouvertes, voire des friches et des landes. Le genre Prunus peut renvoyer à deux espèces principales : le merisier ou guignier sauvage (Prunus avium), espèce de demi‑ombre poussant dans des bois ou des haies et le prunellier (Prunus spinosa), caractéristique des landes et fourrés, des haies, des lisières forestières et des bois clairs.
396Le frêne et le saule sont des essences hygrophiles ripicoles plutôt héliophiles poussant sous forme de forêts claires dans des zones humides, marécageuses ou le long des cours d’eau. Leur origine est donc plutôt à rechercher dans une dépression humide voisine. Ici, il est tentant de localiser ce cortège de ligneux dans la ripisylve du thalweg proche du site.
Observation macroscopique du plan ligneux
397Une observation des cernes d’accroissement du bois a été effectuée à la loupe binoculaire sur les charbons. Tous les charbons n’ont toutefois pu donner lieu à une observation du plan ligneux. Certains d’entre eux, trop fragmentés ou mal conservés, présentaient, en effet, des plans ligneux indéchiffrables.
398Les charbons de chêne caducifolié issus des trous de poteaux de l’enclos 1 présentent à 97 % des cernes à faible degré de courbure (tabl. xxi à xxiii). Des troncs ou de grosses branches ont donc été sélectionnés pour entrer dans la composition des superstructures en bois. Dans le remplissage des fossés de la zone 2, 57 % des charbons de chêne caducifolié sont à forte courbure de cernes. Une majorité d’entre eux est donc, cette fois, issue de branches de faible diamètre. Il en est de même pour les autres essences présentes dans ces lots (tabl. xix et xx).
399Dans les fossés de l’enclos 2, les charbons de chêne ont une nette tendance (73 %) à présenter de faibles courbures de cernes (tabl. xxiii et xxiv). Les quelques individus observés parmi les autres espèces sont également issus de branches de faible calibre. La largeur moyenne des cernes à très faible courbure des charbons de chêne caducifolié provenant de troncs a pu également être calculée afin de tenter de déterminer la nature du peuplement d’où ils ont été extraits (tabl. xxvi).

TABL. XXVI – Récapitulatif des largeurs moyennes des charbons de chêne issus de troncs.
400Dans l’enclos 1, les histogrammes de fréquence établis sur les lots 2 003 et 2 502 montrent une distribution peu étalée, bien classée et centrée sur 1,5 mm (fig. 93 et 94). Les chênes semblent donc provenir d’un seul et même biotope de type forêt assez dense. En revanche, les arbres utilisés en guise de poteaux dans la même zone ont connu une croissance forte typique d’un milieu ouvert. La largeur moyenne des cernes dans les trois lots calculée sur 174 individus est de 3,34 mm.

FIG. 93 ‒ Mortantambe. Largeur des cernes à faible degré de courbure des charbons de chêne dans le lot 2 003.

FIG. 94 ‒ Mortantambe. Largeur des cernes à faible degré de courbure des charbons de chêne dans le lot 2 502.
401Dans le lot 6 009 de l’enclos 2, il a été possible de calculer la largeur moyenne des cernes sur 33 charbons de chêne issus de troncs. Celle‑ci est élevée avec un écart type fort (tabl. xxvi). La distribution des largeurs observées tendrait à montrer un large spectre d’approvisionnement (fig. 95).

FIG. 95 – Mortantambe. Largeur des cernes à faible degré de courbure des charbons de chêne dans le lot 6009.
Données armoricaines sur l’étude des cernes des charbons de chêne
402Les analyses de cernes effectuées à Mortantambe sur les charbons de chêne méritent d’être comparées à celles réalisées dans le Massif armoricain, bien qu’excentrées géographiquement (Marguerie 1992b).
403Dans le Massif armoricain, la largeur moyenne des cernes vus chez les troncs de chêne caducifolié carbonisés est de l’ordre de 3 mm, au second âge du Fer. Parallèlement, on constate une évolution vers l’utilisation plus fréquente, dans les foyers domestiques au second âge du Fer, de bois de chêne de faible calibre issu de branches ou de jeunes troncs d’arbres. Ces données indiquent une ouverture du milieu forestier armoricain au second âge du Fer, favorisant une croissance plus élevée des chênes. La demande accrue en matière première ligneuse que connaît l’Armorique à cette époque entraîne d’importants déboisements et une pratique plus intense du taillis.
404À Mortantambe, dans l’enclos 1, les lots 2 003 et 2 502 montrent des largeurs moyennes de croissance faible chez le chêne (1,56 mm) par rapport à celles enregistrées pour le second âge du Fer en Armorique. En revanche, le lot 6 009 de l’enclos 2, ainsi que les différents poteaux, livrent des largeurs moyennes de croissance autour de 3 mm, ce qui coïncide parfaitement avec cet ensemble de données armoricaines (tabl. xxvi).
405Cette nette différence dans les largeurs moyennes des cernes observée entre les échantillons des deux zones (du simple au double) pourrait s’expliquer par une ouverture anthropique du milieu forestier des environs de Mortantambe entre les phases I et II. L’installation du site a pu se faire à proximité d’une chênaie demeurée dense jusqu’à 150 à 100 av. J.‑C.
406Enfin, il est bien entendu impossible de se prononcer ici sur une utilisation préférentielle de branches dans les foyers car les lots étudiés proviennent du remplissage de fossés susceptibles de contenir du bois de toutes origines n’ayant pas uniquement été utilisé comme combustible domestique.
Interprétation des résultats
Données archéobotaniques
407Plusieurs biotopes ont été visités pour permettre la récolte de cet ensemble de plantes ligneuses. La liste des espèces attestées par l’analyse anthracologique, leurs caractères autoécologiques et les données dendrologiques soulignent l’existence dans les environs du site de Mortantambe, au cours du second âge du Fer, d’une chênaie, mais aussi de zones ouvertes où croissent le noisetier, l’érable, les Prunus et les pomoïdées. Les arbres hygrophiles proviennent d’une forêt ripicole localisée dans les dépressions.
Données ethnographiques
408Les superstructures en bois de l’enclos 1 sont constituées de pièces obtenues dans de grosses branches ou des troncs de chêne. Le chêne est le matériau de construction par excellence. De plus, les hommes ont choisi d’utiliser des arbres à pousse rapide. De résistance mécanique supérieure aux individus à pousse lente, ces bois, croissant en milieu ouvert, n’offrent toutefois pas des fûts réguliers et rectilignes pour l’obtention de longues poutres régulières (Pétrequin 1988).
409Aux côtés du chêne, le frêne est souvent présent dans les lots étudiés. En plus d’être un très bon bois de feu, le frêne présente d’excellentes propriétés mécaniques. Ces principaux domaines actuels d’utilisation sont la menuiserie et l’ébénisterie. C’est un bois de premier ordre pour le charronnage et la carrosserie (Rameau et al. 1989 ; Sell, Kropf 1990).
410Les charbons de bois récoltés dans les fossés des enclos 1 et 2, comme indiqué plus haut, proviennent, quelle que soit l’espèce considérée, en forte majorité de branches ou de jeunes tiges axiales. Lorsque la section des branches est totalement ou en grande partie conservée, il est possible de calculer un âge et un diamètre moyen. Dans le fossé 4, les branches de chêne sont en moyenne âgées de 5 ans et présentent un diamètre moyen de 8 mm, celles de noisetier ont également 5 ans pour un diamètre de 7 mm et les branches de frêne ont 2 à 3 ans pour un diamètre de 7 mm. Dans le fossé 17, les branches de chêne ont 6 à 7 ans et 13 mm de diamètre.
411Les espèces héliophiles contenues dans ces fossés peuvent provenir de la végétation croissant sur les hypothétiques talus les bordant.
412En Bretagne, sur la ferme de La Tène du Boisanne (Plouër‑sur‑Rance, Côtes‑d’Armor), fouillée par Y. Menez, un phénomène très proche a pu être mis en lumière. L’étude anthracologique des charbons contenus dans les fossés a notamment livré des espèces héliophiles comme le genêt, l’ajonc, l’aubépine, le sureau, le noisetier et certaines pomoïdées. Celles‑ci ont été alors interprétées comme pouvant entrer dans la formation de haies plus ou moins larges autour de la ferme et parfaire ainsi l’étanchéité entre les enclos à bestiaux et les zones d’habitation (Marguerie 1992b). Aux côtés des charbons de bois, quelques graines carbonisées de véronique à feuille de lierre (Veronica hederifolia) furent déterminées (Ruas 1990). Cette espèce héliophile croît surtout dans des haies.
3.2.3.5 La métallurgie du fer
413n.d.‑g.
414Plusieurs fossés ont livré du matériel lié à une activité métallurgique. Ces vestiges sont dispersés sur le site (fig. 96) : tous les sondages n’en ont pas produit. La présence de ce matériel n’est pas corrélée avec les méthodes de fouille employées. Ces objets ont été trouvés aussi bien lors de sondages mécaniques que manuels. Deux types principaux de déchets ont été recueillis dans les sondages. Il s’agit de scories en forme de calottes, entières ou fragmentaires (fossés 3, 16‑17, 18), et de fragments de parois de four, en argile vitrifiée ou recouverte d’une pellicule de scorie (fossés 19, 16‑17). Seul le sondage 6 013, situé à l’angle des fossés 16 et 17, a fourni des déchets des deux types, ainsi que trois scories de petite taille comportant sur leur face inférieure une fine couche de terre argileuse. Ces dernières pourraient être des fragments de scories en calottes (tabl. xxvii).

FIG. 96 – Mortantambe. Plan avec la distribution du matériel métallurgique.
dessin P. Mille/Afan
Les parois de four
415Les morceaux recueillis sont de petite taille. Ils ne dépassent pas 5 à 10 cm dans leur plus grande dimension. L’argile est de couleur grise ou violacée. Elle est parfois recouverte d’une fine pellicule noire (épaisseur 1 mm environ) qui semble être de la scorie, mais faute d’analyse chimique, nous ne pouvons en être absolument sûrs. Cette pellicule noire peut également provenir d’une vitrification de la surface de l’argile dans des conditions telles que cette vitrification soit noire (conditions très réductrices, par exemple). Un seul échantillon (fossé 19, sondage 4031) possédait une vitrification verte sur une argile de couleur violacée. Tous ces fragments proviennent d’une structure en argile qui a été soumise à une température importante. La température de vitrification dépend de la composition de l’argile utilisée, aussi est‑il difficile de préciser la température atteinte dans les fours de Mortantambe sans une étude particulière des argiles, qui ne se justifiait pas ici, compte tenu de la très petite quantité de vestiges recueillis. Si la‑présence de fours artisanaux sur le site est attestée par la découverte de ces fragments de paroi, rien ne prouve qu’ils aient une relation fonctionnelle avec les scories en calotte recueillis par ailleurs. Une telle vitrification peut en effet s’observer dans les fours de verriers, de potiers, comme de métallurgistes. À Mortantambe, sauf dans le sondage 6013, les deux types de vestiges n’ont pas été découverts associés (tabl. xxvii). Cependant, les scories étant les seuls déchets artisanaux recueillis, il est tentant de mettre en rapport ces parois d’argile vitrifiée avec les scories.

TABL. XXVII – Récapitulatif du matériel métallurgique.
Les scories en forme de calotte
416Les scories ont approximativement une forme de calotte sphérique (fig. 97, F). Les dimensions de la scorie la plus grosse sont de 9 x 7 cm, son épaisseur est de 2,5 cm. À sa base a adhéré une pellicule de terre rubéfiée de 2 mm d’épaisseur (fig. 97, F). Les autres scories en calotte sont incomplètes. Leur aspect permet de classer ces scories parmi les déchets produits par l’artisanat du fer. Cet artisanat comprend plusieurs étapes entre l’extraction du minerai et l’utilisation de l’objet fini. La première est celle de la réduction du minerai pour fabriquer le métal. Le métal ainsi obtenu est très hétérogène et nécessite une épuration qui conduit en principe à la fabrication d’un lingot. C’est ce dernier qui, façonné, donnera naissance à l’objet en fer. À chacune de ces étapes sont produits les déchets que sont les scories. Ces déchets sont rejetés par l’artisan à proximité de son atelier. Les scories de Mortantambe posent un problème particulier dans la mesure où les ateliers de métallurgie du fer de la fin de l’âge du Fer sont mal connus en Europe de l’Ouest et où l’on ignore la forme et la taille des fours utilisés au cours des différentes étapes de la fabrication des objets en fer à cette époque. D’après leur forme et leurs dimensions, les scories recueillies à Mortantambe se sont amassées au fond d’un four de petite taille (10 cm de diamètre environ dans sa partie inférieure) et ont ensuite été évacuées par l’artisan lors du nettoyage de son four. Pour tenter d’identifier l’étape du processus à laquelle attribuer ces scories, une étude de la structure de trois scories en calotte a été effectuée. En effet, la composition des scories varie en fonction de la phase de travail au cours de laquelle elles ont été fabriquées (Fluzin à paraître). Cette composition est perceptible à travers l’examen de la structure des scories.

FIG. 97 – Mortantambe. Matériel métallurgique : A micrographie de l’échantillon MOR 2, dendrites de wüstite et fayalite ; B micrographie de l’échantillon MOR 2, présence de fer métallique ; C micrographie de l’échantillon MOR 3, présence de trois phases ; E micrographie de l’échantillon MOR 1, présence de trois phases ; F photographie (vue de dessus) et section de la scorie en forme de calotte MOR 1, provenant du fossé 3, sondage 2 504 ; G photographie (vue de dessus) et section de la scorie MOR 2 ; H photographie (vue de dessus) et section de la scorie MOR 3.
dessin et clichés N. Dieudonné-Glad/université de Poitiers
Étude métallographique de trois scories en forme de calotte8
417Deux des scories étudiées proviennent du fossé 3, sondage 2504, elles seront désignées par MOR 1 et MOR 2. La troisième a été découverte dans le fossé 17, sondage 6013 (MOR 3). Ces scories ont été sciées puis une de leurs sections a été polie (fig. 97, F, G, H). Les trois échantillons sont similaires. Ils ne sont pas compacts mais comportent des vides de taille variable, pouvant atteindre 1 cm dans leur plus grande dimension. L’étude microscopique montre que deux phases principales sont en présence : la phase la plus claire, qui prend une forme dendritique, est de la wüstite (FeO), la phase gris clair est probablement de la fayalite SiO2 (FeO)2 (fig. 97, A). Dans certains cas, une matrice gris foncé est présente autour de la wüstite et de la fayalite (fig. 97, C et E). Il faut noter l’absence quasi totale de fer à l’état métallique dans les échantillons étudiés. Seuls deux petits grains de ferrite (fer métallique) sont visibles sur la figure 97, B. Ils apparaissent comme deux points brillants entre des dendrites de wüstite.
418La comparaison de ces résultats avec des études archéométriques menées récemment sur des scories de réduction, mais aussi d’épuration (Serneels 1994 ; Jarrier 1993 ; Fluzin et al à paraître) permet de proposer une place pour ces scories dans la chaîne du travail du fer. L’absence de fer métallique sur le pourtour des « bulles » à l’intérieur de la scorie et la disposition des très rares globules de fer conduisent à écarter l’hypodtèse d’une scorie produite lors d’une phase de réduction du minerai de fer. En revanche, nous ne pouvons déterminer si cette scorie provient d’une phase d’épuration de la masse de fer ou d’une phase de mise en forme d’un objet. Dans tous les cas, il ne semble donc pas qu’il y ait eu sur le site d’activité de réduction du minerai de fer.
Conclusion
419La présence sur le site de Mortantambe de parois de four vitrifiées et surtout de scories en forme de calottes de petites dimensions montre qu’une activité métallurgique avait lieu sur le site. Ces scories, dont la structure est différente de celle des scories de réduction, proviennent probablement soit de la phase d’épuration de la masse de fer produite dans un atelier qui peut avoir été relativement éloigné de Mortantambe, soit de la phase de mise en forme des objets. Il est même possible d’envisager l’hypothèse suivant laquelle ces vestiges seraient la trace d’un simple entretien à chaud des objets en fer utilisés par les habitants de cet établissement rural (reforgeage des tranchants, réparation d’objets cassés, par exemple). En tout cas, la très petite quantité de vestiges recueillis et leur dispersion sur le site fait plutôt penser à une activité sporadique, destinée à répondre aux besoins des habitants, plutôt qu’à un véritable artisanat tourné vers le commerce. L’arasement du site, qui n’a pas permis la localisation des fours, ne permet malheureusement pas d’aller plus loin dans l’interprétation des vestiges métallurgiques de Mortantambe.
3.2.4 Comparaisons
3.2.4.1 Introduction
420a.t.m.
421La quantité et la qualité des informations que nous possédons sur les fermes indigènes diffèrent selon les régions. Sur le territoire de la Gaule intérieure, il existe des zones bien couvertes par la prospection aérienne (Agache 1978 ; Dassié 1990 ; 1993 ; Langouët 1990a ; 1990b). Dans les zones caractérisées par des sous‑sols et des cultures favorables à ce type de prospection, des centaines de sites ont été repérés. Mais les plans des fermes fournis par la photographie aérienne sont, dans la plupart des cas, des plans partiels où se superposent parfois des éléments diachroniques.
422À titre d’exemple, le décapage exhaustif effectué à Mortantambe a mis au jour deux enclos qui n’apparaissaient pas sur les photographies aériennes. Selon les espèces cultivées (céréales, prairie) les parcelles révélaient ou masquaient les vestiges archéologiques. Enfin, seule la fouille a permis de distinguer les fossés protohistoriques et les fossés médiévaux qui se confondent sur la photographie aérienne.
423La datation des fermes repérées par photographie aérienne pose souvent problème. Les ramassages de mobilier en surface ou la réalisation de tranchées de sondage permettent d’établir une première datation du site et une estimation de la durée de l’occupation. Mais seule une fouille exhaustive autorise une datation fiable et permet d’aborder les problèmes de la fonction et de l’évolution du site, dans le cas de gisements bien conservés.
424La fouille extensive de plusieurs fermes de la même période dans une zone restreinte permettrait de reconnaître les rapports, les relations et une possible hiérarchisation entre ces dernières. La multiplication des investigations sur des gisements datant du deuxième âge du Fer et des débuts de la période gallo‑romaine devrait permettre de mieux comprendre l’évolution de ce type d’habitat. L’ensemble de ces éléments apporterait quelques données sur l’évolution de l’occupation dans une zone précise.
425C’est surtout grâce aux interventions archéologiques de sauvetage dues aux grands travaux effectués ces dernières années qu’un nombre important de sites, parmi lesquels plusieurs fermes indigènes de la fin de l’âge du Fer, ont pu être fouillés. Toutefois ces interventions restent dispersées géographiquement. De plus, l’emprise des grands travaux ne permet pas toujours de décaper en entier la surface des sites étudiés et souvent les plans complets ne sont connus qu’à partir des photographies aériennes. Jusqu’à présent, la plupart de ces habitats ruraux n’ont été publiés que sous la forme de courtes notices.
426Les informations dont nous disposons nous permettent uniquement d’établir un état de la question des fermes indigènes de la région et de fournir une vision globale pour les exemples extrarégionaux.
3.2.4.2 Les habitats ruraux de l’âge du Fer en Saintonge
427h.p.
428Les données archéologiques permettant de dégager quelques aspects de l’habitat rural durant l’âge du Fer en Saintonge sont de trois ordres : les fouilles de terrain, la prospection de surface et la prospection aérienne.
Les fouilles archéologiques
429Excepté le site de Mortantambe, aucune fouille importante n’a été menée sur un habitat rural. Comme nous l’avons vu plus haut, seul le site de La Croix des Sables à Mainxe (Charente) pourrait être un habitat ceinturé par un fossé dont le plan n’a été que très partiellement reconnu (Burnez et al. 1971). Le mobilier recueilli dans les fossés date le site de La Tène finale.
Les prospections de surface
430Dirigées par M. Favre, elles s’étendent largement autour de Rochefort et ont permis de recenser 45 gisements de La Tène finale, autres que des sites à sel (fig. 100)9. Pour la plupart, nous ne connaissons ni leur superficie ni leur nature exacte. Toutefois, ces sites, attestés par des concentrations de céramiques, sont vraisemblablement à mettre en relation avec de l’habitat rural.
Les prospections aériennes
431Ces trente dernières années, J. Dassié a régulièrement effectué des missions de prospections aériennes, principalement dans les Charentes (Dassié 1990 ; 1992 ; 1993) (fig. 98). Nous avons examiné tous ses clichés, soit plus de 1 500. Nous référant à l’exemple de Mortantambe, nous avons sélectionné toutes les photographies sur lesquelles apparaissaient des enclos de forme quadrangulaire ne s’apparentant pas à des enclos funéraires ou cultuels. Ainsi, en ce qui concerne la Charente‑Maritime, 68 ensembles fossoyés sont susceptibles d’appartenir à des habitats de type ferme indigène. Il est évident que l’étude de la photo‑interprétation reste limitée à des comparaisons de plans, souvent incomplets. De plus, tous ces sites potentiels n’ont pas fait l’objet de sondages ou de collecte de mobilier. Leur chronologie reste donc à définir.

FIG. 98 – Carte de distribution des enclos quadrangulaires en Charente‑Maritime.
cartographie, base de données J. Dassié
432En plan, les enclos repérés ont une forme plutôt rectangulaire, mais ils peuvent être aussi grossièrement carrés. Les angles des enclos sont pratiquement toujours aigus. Parmi les vues qui ont dévoilé des enclos complets, il n’est pas rare de constater l’existence d’une entrée unique située généralement au milieu du petit ou du grand côté (16 cas sur 19). Les entrées disposées sur deux côtés sont exceptionnelles (1 seul cas). La superficie de la plupart des enclos varie entre 3 000 et 10 000 m2.
433D’une manière générale, les enclos les plus fréquents se caractérisent par un plan simple et sont isolés (40 cas). Il est intéressant de remarquer que quelques‑uns présentent une avancée ou un enclos beaucoup plus petit accolé sur l’un de leur côté (6 cas). Il apparaît donc que ce modèle n’est pas spécifique à Mortantambe (enclos 2 et 3) et l’on peut penser que l’espace délimité en périphérie de l’enclos principal possède une fonction bien définie. Or, à Mortantambe, le mobilier (ossements, céramiques) retrouvé dans l’enclos 3 et ses fossés était très différent de celui des fossés de l’enclos 2. La fouille n’a pas pu déterminer la fonction de l’enclos 3. Toutefois, elle a permis de mettre en évidence que l’enclos 3 est le dernier abandonné.
434Les enclos doubles ou triples accolés sont peu représentés (4 cas). Les enclos rapprochés, comparables à ceux de Mortantambe, sont rares (2 cas). Un seul exemple d’enclos superposé a été décelé.
Conclusion
435Le site de Mortantambe constitue la seule fouille d’envergure menée sur un habitat rural de l’âge du Fer en Saintonge. Ce sont donc les prospections de surface et surtout l’apport de la photographie aérienne qui autorisent quelques constatations. Apparemment, les habitats ruraux de type ferme indigène sont nombreux en Saintonge et se caractérisent la plupart du temps par un enclos quadrangulaire isolé. Le plan général du site de Mortantambe est plus complexe dans la mesure où il se caractérise par deux enclos distincts qui correspondent à une évolution chronologique.
436La répartition des sites protohistoriques en Charente‑Maritime montre une proximité entre des habitats possibles et des établissements de saunier. L’habitat gaulois de Mortantambe n’a livré aucun élément caractéristique typique de site à sel. Actuellement, aucun habitat permanent n’est attesté sur les sites à sel (Gabet 1973 : 51). Il est tentant de penser que l’exploitation du sel était géré par des fermes indigènes, voire des agglomérations côtières. Des fragments de barquettes et de piliers d’argile retrouvés sur le site de Muron (Favre 1973 : 82), petite agglomération gauloise puis romaine, ainsi que quelques habitats localisés par prospection de surface (Perrichet‑Thomas et al. 1975 : 234) renforcent cette hypothèse.
3.2.4.3 Les exemples extra‑régionaux
437a.t.m.
438Les recherches de R. Agache en Picardie, fondées sur la prospection aérienne, ont abouti à une première définition, synthèse et état de la question des « fermes indigènes » pour l’archéologie française (Agache 1978 : 130‑168).
439À partir des plans de plus d’une centaine de fermes indigènes repérées par photographie aérienne, les ramassages de mobilier en surface et les sondages effectués dans quatre de ces fermes, il a établi une typologie des plans des fermes et a attaché à chaque type une chronologie différente. Le type 1 est constitué d’ensembles très irréguliers où les lignes courbes dominent. Ce type n’est pas fréquent et il s’agit du plus ancien. Le type II groupe les plans des fermes constitués par deux enclos différents : un premier enclos interne, régulier et rectiligne et un deuxième, irrégulier et curviligne. Il s’agit du plan le plus courant parmi les fermes gauloises. Très exceptionnellement, au lieu d’être emboîtés, ces deux enclos sont accolés. Le type III groupe les fermes constituées d’enclos emboîtés, tous plus ou moins rectilignes. Plus longs que larges, ces plans correspondraient à des fermes d’époque romaine.
440Parmi les entrées, il a distingué les simples interruptions du fossé, les entrées en forme d’entonnoir curviligne et les entrées en forme de touches de palmier.
441Il a remarqué une continuité dans les plans des fermes du deuxième âge du Fer, au cours des premières décennies de la romanisation. Les fermes gauloises se romanisaient alors, en construisant un bâtiment en dur à l’intérieur du fossé d’enceinte.
442Ces dernières années, les données globales fournies par les exemples extrarégionaux des établissements ruraux indigènes du ier s. av. J.‑C. indiquent une diversité notable parmi leurs plans. Une part des sites fouillés rentrent dans la définition classique des fermes indigènes ; d’autres présentent des plans à système fossoyé dont l’organisation est plus complexe que celle définie par R. Agache.
443Les établissements ruraux à plan simple comprennent ceux dont les fossés délimitent un enclos de forme quadrangulaire, trapézoïdal, ovalaire ou paracurviligne. Parmi les exemples d’enclos quadrangulaires ont été recensés les exemples suivants : Le Ruisseau de Fayau, à Juvincourt‑et‑Damary (Aisne), Bombanville, à Thaon (Calvados), l’enclos de la Pièce de Carrefour, à Champagne‑sur‑Oise (Val‑d’Oise), Champs Brunet, à Léhon (Côtes‑d’Armor), Graibusson, à Corps‑Nuds (Ille‑et‑Vilaine), Le Haut Chesnay, à Hédé (Ille‑et‑Vilaine), Braden I, à Quimper (Finistère), La Bergerie, à Sainte‑Pexine (Vendée) (Haselgrove 1993 ; San Juan, Forfait 1992b ; Durand 1992 ; Menez 1993 ; Leroux 1993b ; Beguin 1993 ; Le Bihan et al. 1990 ; Nillesse à paraître). On retrouve les plans ovalaires sur les sites de Braden II, à Quimper (Finistère) et Talhouet, à Pluvigner (Morbihan) (Le Bihan et al. 1990). Un enclos de forme trapézoïdale a été mis au jour sur le site de Sermon, à Mordelles (Ille‑et‑Vilaine) (Batt 1993).
DOCUMENT 8
Un habitat rural de l’âge du Fer à La Bellonnière (commune de Cabariot)
A.B., J.‑L.H., L.P., B.P.
Le site de La Bellonnière est localisé au sud de la commune de Cabariot, à environ 3 km de l’établissement du second âge du Fer de Mortantambe (fig. E). Le substrat géologique est constitué de calcaires du Cénomanien moyen. Le gisement se caractérise par des structures en creux développées sur une faible superficie (3 000 m2), le long de la voie communale actuelle (fig. F).
Les structures archéologiques sont de différentes natures : fossés, trous de poteaux et fosses, ainsi que deux sépultures isolées, non datées. L’un des fossés, reconnu sur une longueur de 100 m environ, présente des dimensions analogues à celles observées à Mortantambe pour les fossés les plus petits. Sa largeur varie d’1 m à 1,50 m, pour une profondeur de 50 cm. Son profil est en V et son fond plat. Les trous de poteaux et les fosses sont représentés en assez grand nombre (une quarantaine). Quelques trous de poteaux, de même diamètre et alignés selon un espacement régulier, peuvent évoquer une structure en élévation. Des lambeaux de sol exécutés en calcaire friable ont été perçus en différents endroits.
Le mobilier céramique est constitué majoritairement de céramiques non tournées, dont quelques bords identifiables se rattachent à La Tène finale. Quelques éléments (décor de molette en chevron, col de cruche et tegulae) montrent une occupation pendant la période gallo‑romaine.
Le site de La Bellonnière reste délicat à interpréter, principalement du fait de la faible densité des structures et de leur disposition en longueur. Il se rattache néanmoins, par la nature des structures et par la chronologie, aux dernières phases d’occupation de l’habitat rural de Mortantambe, très proche géographiquement.

FIG. E – Carte de localisation des sites.
dessin P. Mille/Afan

FIG. F – Plan des sondages et de l’emprise du site : 1 emprise supposée du site ; 2 sondages positifs ; 3 sondages négatifs.
dessin J.-L. Hillairet/Afan
444Au nord de la haute Bretagne la prospection aérienne montre également deux principaux types d’enclos (protohistoriques et gallo‑romains) : d’une part les enclos à fossés paracurvilignes (152 exemples) et d’autre part les enclos à fossés linéaires et orthogonaux (191 exemples), où la curvilinéarité est absente. Parmi les enclos à fossés paracurvilignes, une majorité d’entre eux présentent un fossé simple ; d’autres sont parfois délimités par des fossés doubles ou multiples (Langouët 1990a : 17 ; Langouët, Andlauer 1990 : 21 ; Langouët, Daire 1990 : 79‑111).
445D’autres établissements présentent un plan formé par un nombre variable d’enclos accolés, de dimensions différentes. Parfois ils s’organisent sur un axe longitudinal. À La Fosse à Cornouiller, à Loeuilly (Somme), le parcellaire délimite de petits enclos individuels dans lesquels sont bâtis soit un grenier, soit une maison, soit les deux (Gonnet 1993). Le site d’Éléazar, à Cairon (Calvados), témoigne d’une installation à caractère agricole définie par un système d’enclos quadrilatéraux accolés (San Juan, Forfait 1993a).
446Parmi les établissements à plans emboîtés, on distingue les plans emboîtés simples, des plans emboîtés composés. Les premiers ont un système de fossés délimitant deux enclos de dimensions différentes, situés l’un à l’intérieur de l’autre. L’enceinte interne, de dimensions plus réduites que l’enceinte extérieure, aurait la fonction d’habitat ; l’enceinte extérieure délimiterait la propriété et servirait d’enclos pour le bétail (Agache 1978, type II). Dans le deuxième cas les enclos emboîtés, au nombre de deux ou trois, présentent leurs ouvertures situées sur le même axe. Les entrées sont de simples interruptions du fossé. On peut penser à une différentiation fonctionnelle de l’espace délimité par les enclos : habitat, stockage, parcage du bétail (de l’intérieur vers l’extérieur). Des dispositifs appartenant à des enclos emboîtés composés ont été mis en évidence à L’Hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine‑Saint‑Denis) et sur le site des Grandes Versennes, à Sainte‑Hermine (Vendée) (Heron 1992 ; Nillesse à paraître).
447Dans la définition d’établissements à plan complexe nous rassemblons ceux qui présentent une construction mixte de fossés et palissades (ou trous de poteaux) comme sur le site de La Fosse Malotte, à Plachy‑Buyon (Somme) et le site des Pichelots, aux Alleuds (Maine‑et‑Loire) (Barbet 1993 ; Gruet 1993b).
448Nous classons également dans cette catégorie les enclos associés à des réseaux de fossés différenciés. À La Bernerie‑en‑Retz/ Les Moutiers (Loire‑Atlantique), un enclos quadrangulaire et un réseau de fossés distants d’un kilomètre l’un de l’autre ont été fouillés (Le Meur 1993). À la Petite Popinière 2, à Chavagne‑en‑Paillers (Vendée), a été mis au jour un enclos quadrangulaire associé à des fossés linéaires parallèles (Guérin 1993). À La Tourniole, à Bruyères‑sur‑Oise (Val‑d’Oise), un enclos quadrangulaire est associé à un aménagement de fossés de drainage situés en périphérie des points hauts (Toupet 1993).
449Un autre type, classé dans la catégorie des établissements à plan complexe, correspond à des fossés délimitant des parcelles à l’intérieur desquelles apparaissent souvent des enclos. Au Fond du Petit Marais, à Bucy‑le‑Long (Aisne) a été mis au jour, parmi d’autres occupations, un établissement indigène défini par des fossés de parcellaire qui se recoupent (Constantin et al. 1993). Le site du Bois de Paris, à Chessy (Seine‑et‑Marne) présente un système complexe de fossés qui dessinent trois grosses parcelles dont l’une est subdivisée en deux. Un enclos quadrangulaire apparaît inscrit dans l’une de ces parcelles (Bonin 1993).
450Dans l’état actuel des recherches, il ne semble pas exister une répartition régionale pour les différents types de plans, malgré la prépondérance du type de fermes à plan emboîté en Picardie ou l’abondance des fossés paracurvilignes (à fossé simple, double ou multiple) en haute Bretagne. Dans les deux régions, les formes ovales (majoritaires pendant la fin de l’âge du Fer) évoluent vers des plans rectilignes qui correspondent à la période gallo‑romaine.
451La superficie des établissements indigènes oscille entre 1 000 m2 et 15 000 m2 sans qu’on aperçoive une constante par rapport à leur région d’implantation ou à leur plan. Les entrées sont également de plusieurs types. Elles peuvent se présenter comme une simple interruption du fossé, en chicane ou de forme plus complexe. À l’intérieur des enclos, différentes catégories de structures sur poteaux peuvent être discernées (maisons rectangulaires, greniers). Des talus doublant les enclos sur leur face interne ont été notés sur le site de L’Attache, à Falaise (Calvados) et sur les sites fouillés dans le sud de la Vendée (La Marzelle, La Bergerie, Grand Paisilier, Belle Jouanne, La Godinière, Les Grandes Versennes) (Leroy 1993 ; Nillesse à paraître).
452À la suite de récentes interventions archéologiques sur de nombreux établissements ruraux indigènes en Gaule intérieure, la définition même de la ferme indigène, appliquée aux sites présentant un système plus ou moins complexe d’enclos, doit être nuancée. En Bretagne le terme de ferme indigène est réservé aux établissements ruraux formés par une seule cellule familiale, tandis que ceux qui présentent plusieurs cellules sont appelés hameaux (Le Bihan et al. 1990). Également, commence à apparaître la notion de ferme aristocratique définie souvent par un plan particulier, la présence d’objets de prestige, et par le fait que s’y déroulaient des activités singulières. Le plan des fermes aristocratiques de la Zac Olympium, à Herblay (Val‑d’Oise) et du Grand Paisilier, à Pouillé (Vendée) est celui de deux enclos imbriqués dans une enceinte plus grande, délimitée par un fossé. Le mobilier se concentre à l’intérieur du plus petit des enclos. D’autres fermes aristocratiques présentent des plans quadrangulaires comme c’est le cas du site de la Ligne Anne, à Rannée (Ille‑et‑Vilaine). Le Grand Paisilier a livré une quantité plus importante de mobilier par rapport aux autres fermes des alentours. La Zac Olympium a livré du mobilier de « prestige »/militaire (armes, entrave) et des vestiges de porches monumentaux y ont été mis au jour. À la Ligne Anne, on y pratiquait en plus des activités agropastorales, la métallurgie du fer et l’affinage de l’or (Valais 1993 ; Nillesse à paraître ; Meuret et al. 1993).
453Les recherches récentes dans le sud de la Vendée montrent l’existence de différents types d’établissements sur une période relativement courte (iie‑ier s. av. J.‑C.). Il est possible de distinguer les véritables fermes (Grand Paisilier) des installations techniques (La Marzelle, Les Grandes Versennes) ; ceci implique une certaine hiérarchie entre elles (Nillesse à paraître).
454Dans les établissements ruraux, les activités économiques exercées en priorité sont les fonctions agricoles, mais il est très fréquent que les sites livrent des fusaïoles et des scories de fer. Un exemple d’un atelier de potier a été constaté sur le site de l’Homme Mort (Saint‑Pierre‑de‑Plesguen, Ille‑et‑Vilaine) (Leroux 1991). Généralement, les échanges sont représentés par la présence d’amphores Dressel 1 et plus rarement par la céramique à vernis noir.
455L’apparition des fermes indigènes se situe au courant du iie s. av. J.‑C., mais leur plein essor correspond au ier s. av. J.‑C. Dans la plupart des régions, les fermes indigènes continuent d’être occupées après la Conquête, et tout au long du ier s. ap. J.‑C. .
3.2.5 L’occupation de la fin de l’âge du Fer : conclusion
456a.t.m., h.p.
457Le site de Mortantambe est un habitat rural de plaine ceinturé par des enclos quadrangulaires. Cet habitat a fonctionné entre les années 150‑120 et 30 av. J.‑C.
458La fouille des fossés, leur étude et l’analyse du mobilier céramique exhumé ont permis de mettre en évidence plusieurs phases dans l’évolution interne de l’établissement, ainsi qu’un déplacement de l’habitat vers l’est (fig. 99).

FIG. 99 – Évolution du plan de Mortantambe par phases de creusement.
dessin M. Coutureau/Afan
459La phase I correspond à l’enclos 1 et à la première installation protohistorique. Pendant cette phase, le plan de l’établissement est un enclos rectangulaire simple. L’enceinte n’est pas fermée au sud. L’ouverture de l’enceinte, marquée par un rétrécissement, se situerait sur son côté nord. Dans les couches de fonctionnement des fossés 3 et 4 de l’enclos 1, les céramiques communes sont très largement représentées et les céramiques savonneuses sont rares. La présence d’amphores Dressel 1A dans les couches de fonctionnement et de comblement des fossés permet de situer la période d’occupation de cet enclos entre 150/120 et 100 av. J.‑C.
460La phase II concerne la construction et l’occupation de l’enclos 2. D’après l’étude du mobilier céramique on peut distinguer deux sous‑phases. La phase IIa est marquée par le creusement des fossés de l’enclos 2 et par le fossé 5. Ce dernier relie les enclos 1 et 2 ; il indique que ces enclos ont, au moins momentanément, fonctionné simultanément (peut‑être uniquement pendant le creusement des fossés de l’enclos 2). Le plan de l’établissement est alors constitué par deux enclos rectangulaires, disposés en damier et reliés par un fossé de drainage orienté E‑O (fossé 5). À la phase IIb, le mobilier exhumé témoigne du fonctionnement des fossés de l’enclos 2, tandis que les fossés de l’enclos 1 ont été comblés (absence d’amphores Dressel 1B dans leur comblement). Le plan de l’établissement pendant cette phase est formé par un enclos trapézoïdal avec un fossé secondaire de drainage se déversant vers le sud (fossé 18). L’ouverture de l’enclos est située du côté ouest, elle est définie par un rétrécissement du fossé qui présente un comblement particulier de dalles à plat. D’après l’étude des amphores exhumées, les fossés de l’enclos 2 ont été creusés peu après 100 av. J.‑C. et comblés aux alentours de 30 av. J.‑C.
461La phase III concerne le creusement des fossés de l’enclos 3 et implique un changement dans le plan de l’établissement qui est formé par deux enclos rectangulaires accolés, de dimensions différentes (enclos 2 et 3). La composition du mobilier des fossés de l’enclos 3 diffère de celle de l’enclos 2 : les pourcentages de céramique savonneuse dépassent ceux des autres types de céramique et les formes indiquent une datation plus récente. Les fossés de l’enclos 3 ont été creusés après les fossés de l’enclos 2. Ils sont comblés dans la deuxième moitié du ier s. av. J.‑C.
462Les phases I et II, correspondant aux enclos 1 et 2, présentent un plan similaire. Un enclos quadrangulaire d’environ 7 200 m2 dont l’organisation interne concentre les maisons au milieu de l’enceinte et situe les greniers sur le pourtour (d’après la répartition par types de trous de poteaux). À l’intérieur des enclos, une bande libre de construction d’environ 5 à 7 m de largeur longe les fossés ; cette bande serait occupée par une végétation arbustive, peut‑être une friche buissonnière ou un petit bois.
463Le déplacement de l’habitat vers l’est ne semble pas correspondre à une nécessité d’agrandir l’aire habitée/occupée, ni à une réorganisation de l’espace interne. On considère que ce déplacement est lié à des raisons techniques non résolues lors du creusement des fossés de l’enclos 1 ; erreur qui ne se reproduit pas lors du creusement des fossés des enclos 2 et 3. Les fossés de l’enclos 1 creusés en partie dans le sable auraient eu tendance à se combler naturellement, provoquant des problèmes de drainage et obligeant à un fastidieux entretien. Le creusement des fossés des enclos 2 et 3 dans le calcaire était une solution à ce problème.
464Pendant la phase III se produit un changement du plan de l’établissement : deux enclos accolés d’environ 1 000 m2 (enclos 3) et 7 200 m2 (enclos 2) fonctionnent ensemble, le plus petit enclos n’ayant d’accès qu’à travers le comblement d’une partie du fossé qui les sépare.
465L’enclos 3 présente une surface très réduite et une distribution des structures internes différente de celle des enclos 1 et 2. Ses fossés ont livré l’ensemble céramique le plus récent et une quantité particulière de crânes de bœuf. Les particularités concernant cet enclos conduisent à poser une série de questions pour lesquelles, pour l’instant, nous n’avons pas de réponses :
‒ l’enclos 3 est‑il tout simplement un agrandissement de l’enclos 2, ou a‑t‑il été créé pour une fonction différente ?
‒ pendant combien de temps les enclos 2 et 3 ont‑ils fonctionné simultanément ?
‒ le fait que l’ensemble du mobilier provenant des fossés de l’enclos 3 soit le plus récent signifie‑t‑il que ce dernier a perduré après le comblement des autres enclos ?
466La situation géomorphologique et topographique de Mortantambe, îlot calcaire sur une légère éminence, montre la volonté de s’installer sur un substrat stable et dans une zone la moins inondable possible. Le déplacement de l’habitat vers l’est, avec un investissement important d’effort et de savoir‑faire technique, témoigne des soucis que les oscillations du niveau de la nappe phréatique provoquaient parmi les habitants de Mortantambe. Ainsi il semble logique de considérer que le drainage est la principale fonction des fossés.
467Il est difficile de spéculer sur le nombre d’habitants du site de Mortantambe à l’âge du Fer. Bien que l’état d’arasement du site ne permette pas d’individualiser des maisons, l’important effort investi dans le creusement des fossés et la construction des bâtiments suggère une organisation du travail et une main d’œuvre considérable.
468Les activités économiques principales des habitants de Mortantambe se fondaient sur l’élevage et l’agriculture. L’hypothèse d’un cheptel voué à l’échange s’appuie sur le fait que les individus trouvés sur le site correspondaient à des individus d’âge mature. Parmi la trilogie du bœuf, du mouton et du porc, le premier est dominant ; on remarque une progression du porc à partir de la phase II. Apparemment la chasse était une activité secondaire ; en revanche, la récupération des bois de cerf était couramment pratiquée.
469L’agriculture est attestée. Toutefois, le nombre réduit de paléosemences de céréales et de légumineuses cultivées (orge, blé, fève) ne permet pas d’évaluer l’importance relative des différentes cultures, ni leur diversité. Par contre, la présence de nombreuses semences de raisin de la sous‑espèce sylvestris témoigne de son exploitation intensive et suggère que la viticulture était déjà pratiquée.
470En outre, des activités visant l’exploitation de l’environnement permettaient de compléter l’alimentation (pêche, cueillette de baies, fruits et coquillages), de subvenir aux besoins en matières premières pour la construction des différents types de bâtiments (bois de chêne) et de fournir le combustible pour allumer les feux domestiques et artisanaux.
471La confrontation des données dérivées de la situation topogéographique du site de Mortantambe, des données paléoenvironnementales et l’information fournie par la prospection archéologique permettent de réfléchir sur le développement dans le territoire voisin des activités économiques menées par ses habitants (fig. 100). À l’intérieur d’un rayon de 5 km, la pratique de l’agriculture, et en particulier de la viticulture, était possible, ainsi que l’existence de pâturages (naturels ou après défrichement) pour les troupeaux. Très certainement, un paysage d’arbres hygrophiles occupait les abords des marais et les rives de la Charente. La localisation de bois plus denses, du type chênaie, est à situer vers le S‑E. Un rayon de 10 km met les habitants de Mortantambe à la portée de la moitié de la surface du marais rochefortais (actuel) et les rapproche de la plus grande partie des sites de la fin de l’âge du Fer repérés dans la région, dont probablement plusieurs correspondent à des sites à sel. La cueillette de coquillages aurait eu lieu dans l’estuaire sans atteindre la mer ouverte qui se trouve à environ 20 km.

FIG. 100 – Carte des sites de la fin de l’âge du Fer aux environs de Mortantambe (données : M. Faure ; prospection de surface : M. Favre 1994). 1 Thairé‑d’Aunis/Chaumont‑est ; 2 Ciré‑d’Aunis/Le Magnou ; 3 Ciré‑d’Aunis/Les Pierrières ; 4 Landrais/Le Court Barré ; 5 Saint‑Germain‑de‑Marencennes/L’Hormeau de Larse ; 6 Vandré/L’Étang des Grèves ; 7 Muron/Les Bernardeaux ; 8 Muron/Le Petit Fief ; 9 Muron/Les Champs Rougis ; 10 Muron/La Couture ; 11 Muron/Les Viviers ; 12 Genouillé/Prise de Porcheresse ; 13 Genouillé/Nolon ; 14 Moragne/La Loubine ; 15 Moragne/Passeborde ; 16 Puy‑du‑Lac/Champs de Cresson ; 17 Champdolent/Touvent ; 18 Lussant/Le Crosatière ; 19 Tonnay‑Charente/Le Passage ; 20 Tonnay‑Charente/La Touche ; 21 Rochefort/Touvent‑Chartres ; 22 Loire‑les‑Marais/Le Vieux Loire ; 23 Loire‑les‑Marais/Ludène ; 24 Loire‑les‑Marais/Le Chiron ; 25 Breuil‑Magné/Les Trois Bornes ; 26 Breuil‑Magné/Champ de Grue (Cote de Liron) ; 27 Vergeroux/Les Ardillauds et Le Bois Cantaud ; 28 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée ; 29 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Le Bois Don ; 30 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Cordon Littoral des Bosses et du Châtelet ; 31 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Le Châtelet ; 32 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Haute Roche ; 33 Port‑des‑Barques/Piedemont ; 34 Saint‑Froult/Le Coinsot‑nord ; 35 Moëze/La Prise de Busson ; 36 Beaugeay/Beaumont ; 37 Soubise/La Souillée ; 38 Échillais/La Bristière ; 39 Saint‑Agnant/Le Lombraud ; 40 Saint‑Agnant/Le Renfermis ; 41 Saint‑Agnant/Le Châtelet ; 42 Saint‑Agnant/Le Pas d’Arnaise ; 43 Trizay/Les Renauds ; 44 Champagne/Le Chiron ; 45 Saint‑Just/Pépiron ; 46 Saint‑Just/La Chasse ; 47 Saint‑Just/Terres douces d’Harthouan ; 48 Muron/Les Prés de Lise ; 49 Breuil‑Magné/Bois Rambeau ; 50 Cabariot/La Bellonnière.
dessin P. Mille/Afan, données M. Favre/Société de géographie de Rochefort
472De nombreux sites ayant de fortes chances d’être des fermes indigènes de la fin de l’âge du Fer ont été recensés par prospection de surface ou photographie aérienne en Saintonge. Mortantambe est le seul établissement rural qui a fait l’objet d’une fouille extensive. Mainxe, Muron et Pons n’ont fait l’objet que d’observations ou de fouilles partielles. Il est possible que dans cette région, à la fin de l’âge du Fer, il existait une organisation fondée sur des relations hiérarchiques dérivées de la spécialisation dans des domaines économiques différents. Dans l’état actuel des recherches, les rapports économiques subjacents entre les différents types de sites (établissements ruraux de plaine, oppida, sites à sel, etc.) restent impossibles à cerner. Nous ignorons donc les mécanismes d’échanges et toute considération relative à la dynamique des réseaux responsables de la distribution de l’ensemble des matériaux, des produits fermiers et de l’outillage de la vie quotidienne d’origine locale au vin méditerranéen et de la céramique à vernis noir.
3.3 La période médiévale
473La fouille archéologique du site de Mortantambe a livré des structures et du mobilier se rattachant à la période médiévale. Les structures, localisées exclusivement dans la partie ouest de la fouille, témoignent de la présence d’une exploitation agricole et d’une nécropole de 23 sépultures. La plus grande partie de ce site rural médiéval se situe hors de l’emprise des travaux autoroutiers et reste donc largement inexplorée.
3.3.1 L’habitat
3.3.1.1 Les structures d’habitat
Les structures en creux
474Les structures en creux attribuées à la période médiévale sont de différentes natures : fossés, trous de poteaux et fosses.
Les fossés
475h.p.
476Au N‑O et au S‑O de la zone fouillée, les fossés médiévaux diffèrent des fossés de l’habitat gaulois par leur morphologie et par la nature de leur comblement (fossés 1, 2, 8, 11, 13). Ils recoupent par endroits les fossés protohistoriques. Leurs dimensions sont plus petites : largeur de 1,20 à 1,70 m, profondeur de 0,25 à 0,60 m. Leur comblement contenait en majorité des fragments de céramiques médiévales, et quelques rares fragments de céramiques protohistoriques roulées.
477Au N‑O, les fossés 1 et 2 semblent délimiter une surface restreinte quadrangulaire. Le fossé localisé au S‑E (8 et 11) montre un tracé beaucoup moins régulier : il contourne en effet une dépression naturelle (fig. 101).

FIG. 101 – Mortantambe. Plan des vestiges médiévaux et coupes des fossés médiévaux.
dessin P. Mille, M. Coutureau/Afan
478Le plan des fossés médiévaux reste très partiellement connu. Ils font partie d’un système de parcellaire ou représentent une limite de propriété liée à un habitat.
Les trous de poteaux et les fosses
479a.t.m.
480Les structures en creux rattachées à la période médiévale se localisent sur la partie ouest de la fouille, dans les zones 2, 4 et 5.
481Les vestiges repérés en zone 2 se situent à l’extérieur des enclos médiévaux. Ils restent cependant situés à l’intérieur de la surface délimitée par deux fossés gaulois (3 et 4), alors condamnés, mais peut‑être encore perceptibles dans le paysage. On y dénombre 18 sépultures (sur les 23 fouillées). Les structures en creux ayant livré du mobilier médiéval se localisent une vingtaine de mètres à l’ouest des sépultures (fig. 104).
482L’attribution de certains trous de poteaux à la période médiévale reste hypothétique. Le plus souvent, les rares fragments de céramique médiévale proviennent de la couche de surface, et il est impossible de savoir s’il ne s’agit pas de structures protohistoriques. Deux trous de poteaux sont assurément médiévaux, car ils ont fourni de nombreux tessons sur toute la hauteur de leur comblement. Pour les autres, l’interprétation est plus délicate étant donné l’état d’arasement du site. Les trous de poteaux ayant livré du mobilier médiéval n’appartiennent pas à un type précis et ne sont pas organisés selon un plan cohérent d’habitat.
483Une structure fossoyée, orientée E‑O a été repérée à l’ouest des sépultures. Ses dimensions sont de 6 m de long sur 60 cm de large et 8 à 10 cm de profondeur. Cette « tranchée », remplie d’un sédiment argilo‑sableux brun, contenait des fragments de céramique médiévale et des fragments d’amphore. La fonction de cette structure reste inconnue.
484À l’est du fossé 2, le sous‑sol calcaire semble avoir été retaillé sur une surface d’environ 100 m2. Deux sondages ont montré que la roche calcaire avait été creusée sur une profondeur variant de 7 à 17 cm. Cette dépression contenait du mobilier archéologique hétérogène chronologiquement, dont une perle en verre. Cette excavation peut être interprétée comme une fosse d’extraction de calcaire, ouverte à l’époque médiévale, afin d’obtenir des dalles pour aménager les sépultures. Une dernière structure perçue dans la zone 2 peur être rattachée à un site d’habitat. Il s’agit d’une fosse creusée dans le calcaire, de forme quasi rectangulaire. Elle mesure 2 m de longueur, 0,90 m de largeur pour une profondeur de 10 à 20 cm. Sa particularité est de présenter cinq cavités internes de forme ovale (diamètre de 25 cm pour 7 cm de profondeur). Cette structure a livré de la céramique médiévale, des fragments de torchis et quelques fragments de faune. L’interprétation de cette construction reste délicate en raison de son degré d’arasement. Sa forme quadrangulaire, la présence de probables trous de poteaux (cavités) et la nature excavée de la structure poussent à voir dans cette « fosse » une structure de type fond de cabane, attestée très fréquemment dans les habitats ruraux médiévaux.
485Les vestiges des zones 4 et 5 sont enserrés par le fossé au tracé irrégulier (formé par F8 et Fl 1). Cinq sépultures et de nombreuses structures en creux ont été repérées (24 fosses et 16 trous de poteaux). Ont été classées comme « fosses » les structures de plus de 40 cm de diamètre, certaines ayant un diamètre de plus de 1 m. Les trous de poteaux avaient un profil cylindrique et ne présentaient pas de pierres de calage. Les fosses, fortement arasées, ont été creusées dans le sable du Cénomanien. Leur fond est concave. L’une de ces fosses (80 cm de diamètre pour 20 cm de profondeur) présentait un aménagement particulier. Le remplissage était formé de trois couches : sable gris, argile grise avec du charbon de bois et sédiment argilo‑sableux très charbonneux sur une épaisseur de 10 cm. Le fond de la fosse était calciné et une dalle de calcaire également calcinée (40 x 30 cm) y était déposée avec le fond d’une céramique médiévale. Il semble que cette structure ait subi une activité de combustion, au moins dans sa dernière phase d’utilisation.
486Trois « sillons » longilignes parallèles ont été mis au jour en limite ouest de la surface fouillée. Ces structures mesurent 12 m de longueur au minimum, 30 à 60 cm de largeur et 12 à 20 cm de profondeur. Le sillon du milieu présente une branche collatérale de 2,80 m de long orientée vers l’est. Ces structures ont livré du mobilier médiéval, mais leur fonction reste inexpliquée.
487L’appartenance de ces différentes structures au Moyen Âge peut être établie tout d’abord par la présence d’un mobilier céramique médiéval recueilli dans les fosses, les trous de poteaux et les sillons. D’autre part, certaines structures en creux se recoupent, ce qui suggère différentes périodes d’utilisation du site.
Le bâtiment
488Les restes d’une construction en pierre ont été repérés dans l’angle S‑O de la fouille (une seule assise était conservée). L’angle d’un bâtiment était visible sur deux côtés, longs respectivement de 4 et 3 m (fig. 104). Le parement de pierre sèche était construit avec des moellons calcaires (mesurant de 25 à 40 cm) et le blocage interne était constitué de petites pierres. Aucune trace d’une tranchée de fondation n’a été observée et la fouille du niveau de destruction du mur n’a pas fourni de mobilier. Cette structure en pierre est néanmoins un élément capital pour l’interprétation de l’habitat.
489Ces différents vestiges (structures en creux et bâtiment) peuvent être interprétés comme la frange d’une exploitation agricole. L’extension de l’habitat se poursuit probablement hors du tracé, ce qui explique les difficultés d’interprétation de ces vestiges.
3.3.1.2 Le mobilier
Le mobilier céramique
490a.b.
491La fouille d’une partie des structures de l’habitat médiéval du site de Mortantambe a livré du mobilier archéologique, constitué principalement de céramiques et de trois objets en bronze.
492La céramique médiévale a été retrouvée pour sa plus grande partie dans les zones 1 et 2, et pour quelques tessons dans les zones 3, 4, 5 et 6. Les tessons sont peu nombreux, très fragmentés et hétérogènes. Le nombre de lèvres se limite à une quinzaine de fragments. Seulement trois formes peuvent être restituées : deux petites formes fermées et un couvercle. Devant la rareté et le mauvais état des céramiques, il est extrêmement difficile de proposer une datation de la réoccupation du site. Quelques éléments peuvent cependant aider à préciser la chronologie.
Pot globulaire (contexte 1 002, fossé)
493Les fragments constituant le pot ont été retrouvés dans l’ensemble des couches du remplissage du fossé. La pâte est de couleur rose à bleutée sur l’extérieur. Les dégraissants sont nombreux et surtout représentés par des quartz. La forme n’est pas archéologiquement complète, mais apparemment globulaire. Le fond plat a été enlevé à la ficelle. La lèvre arrondie s’évase vers l’extérieur (fig. 102, no 6).

FIG. 102 – Mortantambe. Mobilier céramique médiéval.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie. Laval
494Par la similitude de leur pâte, trois autres fragments de lèvres peuvent se rattacher à ce pot. Ils ont été retrouvés dans des contextes de fossé, de trou de poteau et de fosse (fig. 102, nos 3 à 5). Ces formes céramiques peuvent être attribuées à la période carolingienne (Cuisenier, Guadagnin 1988).
Bouteille à eau bénite ? (contexte 2 003, nettoyage de surface)
495La pâte de ce petit pot est blanc‑beige et contient de nombreux dégraissants (quartz et mica). La forme de la panse est globulaire, le fond est plat et montre la trace de l’enlèvement à la ficelle. La partie supérieure manque (fig. 102, no 7).
496Il est difficile de restituer la forme de cet objet qui peut rappeler une tirelire ou un vase à fonction funéraire appelé « bouteille à eau bénite ». Ce dernier type est assez bien connu régionalement par une étude menée sur des objets de Parthenay (Deux‑Sèvres) (Fourteau 1986). Ces bouteilles, qui ont pu être utilisées en contexte domestique, proviennent principalement de tombes (Fourteau 1986 : 81‑88). Les formes ont subi une évolution typologique entre le xiiie et le xve s. Le dépôt de vases funéraires (contenant de l’eau bénite ou de l’encens) semble apparaître au xiiie s. pour disparaître progressivement au cours du xvie s. (Nicourt 1986 : 256‑269). Il apparaît cependant par des découvertes récentes (cimetière de Chadenac en Charente‑Maritime) que des bouteilles à eau bénite aient été utilisées à la période mérovingienne. Il serait alors tentant d’identifier la céramique de Mortantambe comme un objet funéraire, par sa découverte à proximité des sépultures.
Couvercle (contexte 2136, trou de poteau)
497Il est impossible d’identifier la couleur originelle de la pâte de cet objet qui est devenue totalement noire par l’action du feu. Les dégraissants, quartz et mica, apparaissent nombreux à la surface. Ce couvercle a été tourné. Sa particularité est de présenter un orifice à son sommet, servant aussi de tenon de préhension (fig. 102, no 1). Ce type de forme n’est actuellement pas très connue régionalement, même si deux exemplaires similaires ont été mis au jour dans un habitat rural des ixe‑xie s. à Barbezieux (Johanny 1994). Cette découverte récente procure un élément chronologique de comparaison, sans fournir pour autant une datation certaine.
Le mobilier non céramique
498a.b.
499Quelques éléments de mobilier ont été retrouvés en différents endroits de la zone occupée au Moyen Âge (fig. 103).

FIG. 103 – Mortantambe. Mobilier métallique médiéval et perle en verre.
dessin F. Chevreuse, H. Hostein, M. Coutureau/Afan
500Dans le remplissage du fossé 2, un ardillon d’une boucle de ceinture en bronze de 2,6 cm de longueur et le ressort d’une fibule ont été découverts.
501Dans le remplissage de la fosse d’extraction (située au nord de la zone 2), une perle cylindrique en pâte de verre polychrome a été mise au jour. La perle est de couleur bleue, bordée de filets de verre jaune opaque et décorée d’une ligne ondulée également de couleur jaune. Ce type de perle cylindrique bordée de filets jaune opaque est attesté fréquemment à partir du dernier quart du vie s. (Cuisenier, Guadagnin 1988 : 193).
502Une monnaie a été trouvée hors stratigraphie dans la zone 2. L’objet est incomplet, fragmentaire et a été fabriqué en billon. Il s’agit d’une obole produite dans l’atelier de Melle (Deux‑Sèvres) au xie ou xiie s. La datation ne peut être affinée, car il s’agit d’un type immobilisé, produit pendant 200 ans avec la même gravure (identification Arnaud Clairand, Cabinet des médailles).
3.3.1.3 Ressources et activités économiques
L’exploitation du bois
503d.m.
504Les charbons prélevés dans la structure de combustion 4 004 reflètent l’ultime fonctionnement de cette structure de combustion. Ils représentent donc un épisode unique et sont le reflet de l’alimentation d’un foyer pour un instant et une finalité donnés.
505Le chêne à feuilles caduques est très dominant. Il s’agit d’un taxon héliophile ou de demi‑ombre pouvant croître dans des forêts, en leurs lisières, voire dans des haies. Il est accompagné par du Prunus (tabl. xxviii). C’est une essence également héliophile ou de demi‑ombre. Le genre Prunus peut renvoyer à deux espèces principales : le merisier ou guignier sauvage (Prunus avium), espèce de demi‑ombre poussant dans des bois ou des haies, et le prunellier (Prunus spinosa), caractéristique des landes et fourrés, des haies, des lisières forestières et des bois clairs.
506Une observation des cernes d’accroissement du bois a été effectuée à la loupe binoculaire sur ces charbons. L’alimentation de la structure de combustion de la zone 4 fut faite à base de chênes de fort calibre (tabl. xxviii). La largeur moyenne des cernes à très faible courbure des charbons de chêne caducifolié, calculée sur seulement 24 charbons, est de 2,58 mm avec un fort écart type. La distribution des largeurs est étalée et semble souligner la visite de différents milieux de croissance pour l’approvisionnement en bois de cette structure.
507Enfin, la fosse à combustion 4 004 a été alimentée en bois sec (peu ou pas de fentes de retrait observables sur les charbons). Le chêne et le Prunus sont de bons combustibles. Si le Prunus produit une flamme vive propice au démarrage de la combustion, le chêne offre une combustion lente à fort rendement calorique.

TABL. XXVIII – Charbons de bois du lot 4004.
L’élevage
508a.g.
509L’occupation médiévale est mal caractérisée du point de vue faunique. Les lots d’ossements sont quantitativement très réduits (tabl. xxix) : les 11 sondages analysés n’ont en effet livré que 58 restes, dont 11 seulement ont été déterminés. À ce stade de conservation et compte tenu de la dispersion des lots (2 sondages de fosses, 4 sondages de fossés et 5 trous de poteaux), les nombres de restes équivalent aux nombres minimum d’individus. On obtient donc, pour le Moyen Âge de Mortantambe, un total de onze individus appartenant tous au groupe des animaux domestiques : 4 chevaux, 2 bœufs, 1 chèvre, 3 porcs mâles et 1 chien, tous adultes. Par ailleurs, on remarquera, au sein des restes indéterminés, l’absence de fragments d’os brûlés. Les vestiges sont toujours très altérés par les actions de ruissellement qui caractérisent la réalité taphonomique de l’ensemble du gisement : 47 indéterminés pour un total de 58 restes fauniques est d’ailleurs révélateur des mauvaises conditions de conservation. Le lot d’esquilles est en grande partie constitué de fragments de diaphyse d’os longs alors que les restes déterminés correspondent souvent au crâne (dents et maxillaires) et aux extrémités des pattes (tarse, phalanges). La faiblesse de cet échantillonnage nous oblige à nous en tenir à cette brève description, qui, malgré la vision réduite qu’elle nous donne, laisse entrevoir un environnement animal sans surprise pour la période médiévale.

TABL. XXIX – Dénombrement et classes d’âges de la faune pour la période médiévale.
3.3.2 La nécropole
510La fouille archéologique du site de Mortantambe a livré un total de 23 sépultures qui faisaient partie d’une nécropole médiévale dont nous ne connaissons pas l’extension exacte. Parmi ces tombes, 22 ont livré des squelettes et 1 a livré un fragment de diaphyse d’os long. 23 individus ont été étudiés, une tombe secondaire contenant deux individus.
3.3.2.1 Typologie des tombes et organisation des sépultures
511d.c.r.
512L’étude de l’ensemble de la nécropole de Mortantambe nous a permis de distinguer trois types de sépultures : le coffre, la fosse aménagée de pierres et la fosse simple. Les coffres sont constitués de dalles calcaires sur tout le pourtour. Elles forment quelquefois un couvercle. Les fosses aménagées présentent des dalles calées au niveau du crâne et des pieds, mais aussi parfois des pierres non taillées qui entourent la sépulture. Les fosses simples sont soit creusées en pleine terre, soit dans le calcaire.
513En partant de l’hypothèse d’une contemporanéité des inhumations, nous pouvons présumer une hiérarchie sociale marquée par les différents types de sépultures.
514La plupart d’entre elles sont de forme rectangulaire. Leur profondeur varie selon la typologie. Les coffres ont une profondeur d’environ 30 cm, les fosses aménagées d’environ 27 cm et les fosses simples oscillent entre 9 et 16 cm. Les dalles utilisées pour la construction des coffres sont en calcaire. Elles ont une forme rectangulaire, dont les dimensions générales sont de 27 x 34 cm. Les traces de poussière de bois sur les os de deux sépultures indiquent l’existence de couvercles en bois (sépultures nos 2 049 et 2 062). Les colorations d’oxyde de bronze observées sur les ossements de trois sépultures, ainsi que l’exhumation d’une agrafe témoignent de l’utilisation de linceuls pour envelopper les individus (sépultures nos 4 020, 4 021, 4 022 et 2 041).
515Les sépultures de Mortantambe sont distribuées en deux groupes. Le groupe le plus important en nombre se trouve dans la zone 2. Il est formé de 18 tombes. L’autre groupe, situé dans la zone 4, est constitué de 5 tombes. Une distance d’environ 50 m sépare les deux groupes. Toutes les sépultures sont orientées selon un axe E‑O (crâne à l’ouest).
516Le groupe des sépultures de la zone 2 présente une certaine organisation. Il semble se dessiner deux alignements de sépultures, disposés en parallèle selon un axe nord/sud. Ces alignements sont bien visibles au milieu de l’ensemble des tombes de la zone 2. Ils correspondent à l’est à des sépultures d’individus immatures et à l’ouest à celles d’adultes.
517Nous avons pu observer dans la zone 2 une distribution différente des tombes à partir de leur typologie. Les coffres sont isolés, tandis que les tombes creusées dans le calcaire sont groupées. Sur l’ensemble des 17 sépultures de la zone 2 ont été exhumés 18 individus, dont 9 immatures (une sépulture secondaire a livré les ossements en vrac de deux individus : un adulte et un immature).
518Les sépultures de la zone 4 ne semblent pas organisées : une tombe est même recoupée par une autre. Quatre tombes sont creusées dans le sable du Cénomanien inférieur et une autre est creusée pour moitié dans le fossé 18 et pour moitié dans le calcaire. Parmi les cinq sépultures de la zone 4, nous avons un individu immature et 4 adultes.
3.3.2.2 Étude anthropologique et pratiques funéraires
519d.c.r.
520La fouille de la nécropole de Mortantambe a livré un total de 23 sépultures. Parmi ces 23 inhumations, on retrouve 14 individus adultes (60,86 %) et 9 individus immatures (39,13 %). Nous avons choisi l’âge de 20 ans comme limite entre les individus adultes et les immatures. Le mauvais état des ossements n’a pas permis de déterminer le sexe des individus (tabl. xxx). Tous les individus ont été inhumés selon la tradition chrétienne, avec une orientation E‑O (crâne à l’ouest). L’étude de la position des squelettes dans leur fosse ne révèle aucune pratique funéraire concrète. On observe, en effet, pour chaque inhumation, une disposition variée du corps, sans relation avec les différents types de sépultures (tabl. xxxi). Parmi les 23 individus inhumés, 19 se présentent en decubitus dorsal (82,6 %) et deux en decubitus latéral (17,4 %), un droit et un gauche. La position du squelette varie pour chaque inhumation, sans que l’on puisse établir de relation avec les types de fosses.

TABL. XXX – Récapitulatif de l’étude anthropologique de la nécropole médiévale.

TABL. XXXI – Récapitulatif de la position des corps de la nécropole médiévale.
521Les informations nous manquent pour déterminer si l’inhumation des individus a été réalisée en espace vide ou en espace colmaté. On présume que, dans les coffres, l’individu a été d’abord enterré en espace vide, avec un comblement très rapide. Dans les fosses simples ou aménagées, les individus, enveloppés ou non dans un linceul, ont probablement été inhumés en espace colmaté.
Pathologies
522L’étude pathologique qui suit reflète les traces des maladies visibles sur les os et la dentition (tabl. xxxii). Deux fragments de vertèbres lombaires portent les signes d’une maladie dégénérative. Ils présentent une petite couronne ostéophytique dans l’arc vertébral (phénomènes arthrosiques). Une exostose à la face articulaire de l’épiphyse proximale est visible sur une ulna.

TABL. XXXII – Récapitulatif des pathologies observées dans la nécropole médiévale.
523La dentition de la population de Mortantambe se caractérise par son très mauvais état. La chute ante mortem des molaires, donnant lieu à une réabsorption totale de la mandibule, est très fréquente chez les adultes. Les caries sont fréquentes et vont jusqu’à la perte totale de la couronne. Nous avons également observé la présence d’abcès au maxillaire. Une cimental displasy affecte la racine d’une dent de l’individu de la tombe 2041 ce qui rend impossible l’identification de la pièce, également affectée par une carie totale. Notons aussi la présence d’hypoplasie aux incisives.
524Le mauvais état de la dentition de la population peut être la conséquence d’une mauvaise nutrition, dont les traces d’hypoplasie que l’on retrouve sur les incisives de certains individus sont la preuve évidente.
3.3.2.3 Le mobilier funéraire
525a.b.
526Sur les 23 sépultures fouillées, seules deux tombes ont livré un mobilier funéraire.
527La tombe no 2041 a fourni une agrafe à double crochet en bronze moulé. Le corps central est quadrangulaire, décoré de fines incisions disposées sur deux registres, et muni d’une perforation centrale. Les agrafes à double crochet ont été longtemps considérées comme des objets d’époque mérovingienne (en raison de leur apparition fréquente dans les sépultures datées des vie et viie s.). Les découvertes récentes, en Île‑de‑France ou sur le site de Charavines par exemple, montrent que ces objets de parure ont été utilisés pendant une très longue période, allant de l’époque gallo‑romaine jusqu’à la fin de la période carolingienne (Cuisenier, Guadagnin 1988 : 190 ; Colardelle, Verdel 1993 : 217‑218). Ces objets sont souvent associés à des tombes féminines (Cuisenier, Guadagnin 1988 : 190).
528La tombe no 2042 a fourni une fibule ansée symétrique en bronze, dont l’ardillon est en fer. Ces fibules apparaissent au viie s. et perdurent dans les nécropoles au viiie s. Selon une étude de M. Depraetere‑Dargery, il serait possible de distinguer une évolution chronologique selon la forme de l’arc et l’importance de la pièce. Ainsi, les fibules à pieds et à arcs arrondis (du modèle de celle de Mortantambe) procéderaient d’une seconde période de fabrication à la transition des viie‑viie s., avant les pièces de grandes dimensions à arc à méplat du viiie s. (Île‑de‑France 1993 : 259).
3.3.3 Conclusion
529a.b.
3.3.3.1 Identification du site
530Le site médiéval, réinstallé en partie sur la ferme d’époque gauloise, peut être identifié, même si les structures ne sont pas très abondantes, comme un habitat rural. Il apparaît certain, par l’analyse archéologique de leur structure et de leur remplissage, que les fossés 1, 2, 13 et 21 sont des créations médiévales. Il est plus difficile de dater précisément les trous de poteaux et les fosses, mais il apparaît que certaines de ces structures ont été utilisées à l’époque médiévale. L’angle de deux murs d’un bâtiment perçu en limite de fouille vient corroborer cette hypothèse (fig. 104).

FIG. 104 – Mortantambe. Plan des vestiges médiévaux et implantation des sépultures médiévales.
dessin P. Mille, M. Coutureau/Afan
531Ces différentes structures, créées ou réutilisées au Moyen Âge, se rattachent à une unité agricole comprenant une zone d’habitat et une zone d’inhumation. Les fossés marquent les limites de l’exploitation. Il est difficile d’estimer la taille de l’habitat rural de Mortantambe, même si l’on y dénombre seulement 23 sépultures (dans l’état actuel des connaissances). Celles‑ci ont été installées dans trois secteurs différents, comprenant respectivement 18, 3 et 2 individus. Le mode d’inhumation est variable : coffres de pierre, tombes avec logement céphalique et sépultures en pleine terre. La présence d’une nécropole, un peu à l’écart du site d’habitat, implique une organisation interne et reflète probablement le cimetière familial du groupe.
532Ce type d’habitat, enserrant dans des fossés des bâtiments divers et une nécropole, est actuellement largement attesté par des fouilles de sauvetage extensives (Île‑de‑France 1993 : 178‑199). Le site de Mondeville près de Caen (Calvados), fouillé sur plusieurs dizaines d’hectares, est un exemple comparatif intéressant. Il montre en effet des unités d’habitation (mérovingiennes et carolingiennes), des structures de stockage et des zones de nécropoles, entourées par des fossés. Certains des fossés médiévaux sont juxtaposés ou quelquefois superposés à des fossés antérieurs (gallo‑romains) (Renault 1993).
533Cet ensemble de structures correspond probablement à un « manse », tel que le définit l’archéologie : « des têtes d’exploitations, dans les lopins limités par des fossés ou les traces d’une palissade, où ils [les archéologues] retrouvent les vestiges (en creux) d’une habitation, d’un grenier, de cabanes et de silos » (Pesez 1993 : 168).
534Un élément intéressant à mentionner ici est la présence sur le site de Mortantambe d’un bâtiment construit en pierre. En effet, dans les habitats ruraux du haut Moyen Âge, la pierre a un usage très limité (calages de poteaux, encadrement des sépultures). Sur certains sites cependant quelques bâtiments montrent l’utilisation de la pierre. Celle‑ci est toujours limitée aux solins, l’élévation de la paroi restant en matériaux périssables. Il a été remarqué que les bâtiments construits sur solins de pierre avaient souvent une fonction particulière, tels les édifices cultuels (Chapelot 1993 : 195). À Mortantambe, aucune interprétation de ce type n’est possible. L’usage de la pierre pourrait favoriser l’hypothèse d’un habitat d’une certaine importance dont nous ne percevons qu’une limite.
3.3.3.2 Datation de l’habitat
535La chronologie d’occupation de cet habitat peut être avancée selon quelques éléments mobiliers.
536La céramique, bien que fragmentaire, présente une fourchette chronologique. Quelques bords éversés se rattachent à la période carolingienne. D’autres fragments de bords, très frustes, réalisés dans une pâte grossière de couleur noire, peuvent également être attribués au haut Moyen Âge, au sens large du terme. On peut noter aussi l’absence des caractéristiques bords « en bandeau », très fréquents entre le xe et le xiiie s. Ces quelques fragments de céramique indiqueraient alors une datation large des viiie‑xe s.
537Les autres objets mobiliers apportent des datations précises, mais leur période d’utilisation peut avoir été assez longue, ce qui interdit toute chronologie absolue, mais fournit des terminus ante quem. Ainsi, le type de perle représenté sur le site apparaît à la fin du vie s., la fibule ansée symétrique entre le viie et le viiie s. et la monnaie aux xie‑xiie s. L’agrafe à double crochet est attestée sur toute cette période. Selon ces éléments, la chronologie s’élargirait alors aux viie‑xie s.
538Le mode d’inhumation constitue également un indice chronologique. En effet, la disparition de l’inhumation habillée intervient entre la fin du viie et le début du viiie s., où quelques objets comme les agrafes à double crochet se trouvent encore de manière sporadique (Île‑de‑France 1993 : 226‑228). Les sépultures de Mortantambe ne font pas partie des inhumations habillées, et s’intègrent donc dans la période fin viie‑début viiie s.
539La fouille de l’habitat médiéval étant très partielle, les datations avancées restent hypothétiques, mais la période viie‑xie s. apparaît très longue. En effet, si l’on se réfère aux fouilles extensives menées en Île‑de‑France, les durées d’occupation des habitats ruraux n’excèdent pas un siècle et demi ou deux siècles. En revanche, il est souvent constaté plusieurs phases d’occupation successives sur un même lieu entre le Bas‑Empire et l’an mille (Chapelot 1993 : 180). L’habitat de Mortantambe pourrait avoir été occupé à plusieurs reprises, ce qui expliquerait la longue fourchette chronologique représentée par le mobilier.
3.3.3.3 Contexte historique
540Le phénomène de sites antiques réoccupés au haut Moyen Âge est largement connu nationalement (Mondeville, par exemple) et il est attesté régionalement sur plusieurs gisements. Il s’agit généralement de villae réoccupées à partir du ve s. (Fourteau‑Bardaji 1991). La surimposition exacte de structures médiévales sur des structures antiques a souvent été remarquée ; ainsi des fossés créés au Moyen Âge peuvent prolonger le parcellaire ancien (Pesez 1993 : 163‑ 171). À Mortantambe, il apparaît que certains fossés gaulois pouvaient encore être perceptibles dans le paysage. Ainsi, les structures de la zone 2 (et particulièrement les sépultures) restent enserrées dans l’espace formé par les fossés gaulois 3 et 4. Il semble donc que les fossés de la ferme gauloise aient formé une empreinte dans le paysage et aient été le signe d’un terroir déjà partiellement aménagé.
541L’installation d’un groupe humain restreint sur un terroir isolé est également un phénomène attesté pour le haut Moyen Âge. De nombreux sites attestent une transition dans les modes d’habitat et d’inhumation entre le viiie et le xe s. Le type d’habitat isolé, avec ou sans lieu de culte, mais avec une zone d’inhumation de quelques dizaines d’individus, témoigne du phénomène des habitats et des cimetières « intercalaires ». Ils semblent abandonnés aux environs de l’an mille au profit des hameaux ou des villages les plus proches (Île‑de‑France 1993). Les cimetières installés sur ces sites sans tradition funéraire antérieure n’ont pas survécu à l’abandon de l’habitat.
542Historiquement, entre la fin du viie et la fin du xe s., la région se caractérise par le morcellement de la grande propriété et par la fondation de nouveaux terroirs. De grands défrichements ont lieu sur la façade atlantique, en arrière de la zone des marécages, à partir de la seconde moitié du xe s. et se poursuivront aux xie et xiiie s. (Debord 1984). À cette période charnière, l’on constate l’abandon des habitats « intercalaires » du type de celui de Mortantambe, avec un regroupement de la population autour d’églises nouvellement édifiées, à l’origine des structures villageoises. L’abandon du site de Mortantambe, autour du xe s., est à relier à l’apparition de deux paroisses à proximité (paroisses aujourd’hui réunies dans la commune de Cabariot). L’église de Saint‑Clément est attestée dès 1095, et l’église Notre‑Dame aurait été créée aux alentours de l’an mille, même si la majeure partie de son architecture actuelle date des xiie‑xiiie s. (Brodu 1901). Cette période des xe‑xie s. voit la mise en place de nouveaux paysages et de nouvelles paroisses regroupant les hommes dans un réseau d’habitats différent.
Notes de bas de page
1 L’équipe de fouille était composée de : Assumpciô Toledo i Mur (responsable d’opération, 1er juin 1993-31 mars 1994), Hervé Petitot (responsable de secteur, 1er juin 1993-31 mars 1994), Éric Bayen (technicien supérieur, 15 juillet-30 novembre 1993), Fabrice Chevreuse (technicien supérieur, 1er juillet-31 octobre 1993), Serge Dalle (technicien supérieur, 9-15 août 1993), Dominique Doyen (15-31 juillet 1993), Patrick Emaud (technicien supérieur, 30 août-15 septembre 1993), Diana Montaru (15 juillet-31 octobre 1993), Marie-Claire Perrin (1er juin- 31 octobre 1993), Marie‑José Rubira (1er juin-31 octobre 1993), Marie-Céline Uge (15-31 juillet 1993), Michel Vigneron (15 juin-30 novembre 1993), Thierry Cruchet (technicien, 15 juillet-31 octobre 1993), Caroline Robin (1er juin- 31 octobre 1993), Hervé Rodeano (1er juin- 30 novembre 1993), Dolors Codina i Reina (assistant d’études-anthropologue, 1er-30 septembre 1993). Nous remercions tout particulièrement M. José Gomez de Soto pour son aide et ses conseils lors de la fouille et de la rédaction de ce chapitre.
2 Nous remercions Monique Clavel-Lévêque, directeur de recherche au CNRS et Anne Vignot, géomètre, pour nous avoir communiqué cette référence bibliographique.
3 J’entends une collecte « normale » à vue, une collecte d’un pêcheur (expériences personnelles) qui avec un outil creuse la vase et y ramasse ce qu’il voit. Dans ce cas les petits individus sont exceptionnellement vus, et les gros individus –plus profonds et plus rares– rarement rencontrés.
4 En présence des plantes elles-mêmes, la distinction entre la vigne sauvage et la vigne domestique est simple. La vigne sauvage est dioïque, certains pieds portent des fleurs mâles, d’autres des fleurs femelles. Au contraire, tous les pieds de la vigne domestique portent des fleurs de type complet, les fleurs sont hermaphrodites. Malheureusement pour nous ces vestiges floraux ne se retrouvent pas en contexte archéologique.
5 La carbonisation provoque une réduction de toutes les dimensions de la semence, principalement de sa longueur, un peu moins de sa largeur et encore moins de son épaisseur. La carbonisation a tendance à déformer le pépin vers une forme à caractère plus « sauvage », globulaire. Ce phénomène est sensible au niveau de l’indice largeur/longueur (Smith, Jones 1990). Une carbonisation à 400 °C transforme des semences actuelles de vigne domestique en semences de forme « sauvage » qui seraient classées comme telles selon l’indice moyen de Stummer. Face à une telle constatation l’étude des semences de vigne non carbonisées est beaucoup plus apte à suivre l’évolution de la « domestication » de la vigne que les témoins carbonisés dont on ne pourra jamais reconstituer avec précision le degré de température atteint lors de leur fossilisation.
6 Voir la carte de la répartition de Vitis vinifera ssp. sylvestris (Zohary, Spiegel‑Roy 1975).
7 On suppose que l’introduction de la vigne à l’ouest du bassin méditerranéen a été provoquée par les Grecs vers 600 avant notre ère (Stager 1985).
8 Cette étude n’aurait pu être réalisée sans la bienveillance de Monsieur le Professeur Jean Petit qui m’a ouvert les portes du laboratoire de métallurgie qu’il dirige à l’ENSMA de Poitiers, ni sans l’aide pratique de Jacques Parisot, chercheur au CNRS, que je tiens à remercier ici pour leur accueil.
9 Carte inédite.
Auteurs
Ingénieur, Afan.
Chargé d’études, Afan.
Archéologue, société de recherches archéologiques de Chauvigny.
Archéologue départementale, conseil général de la Mayenne (Laval).
Spécialiste, Afan.
Maître de conférences, université de Poitiers.
Chargée d’études, Afan.
Maître de conférences, université de Nantes.
Maître de conférences, université de Poitiers.
Assistante d’études, Afan ; USR Sciences, laboratoire de Chrono‑Écologie, Besançon.
Laboratori de Paleocologia et paleoconomia humana, Barcelone.
USR Sciences, laboratoire de Chrono‑Écologie, Besançon.
Ingénieur, CNRS, UMR 6566, université Rennes I,
Chargé d’études, Afan.
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