Chapitre 2. Un exemple d’implantation littorale (Protohistoire‑Moyen Âge)
Le site de La Challonnière à Tonnay‑Charente
Chapter 2 An example of Coastal implantation (Protohistory – Middle Ages): the La Challonnière site in Tonnay‑Charente
p. 27‑82
Résumés
En bordure de marais littoral, le site de La Challonnière a livré de nombreux vestiges archéologiques datant du Néolithique jusqu’à l’époque médiévale. Quelques indices de site attestent d’une occupation dès l’époque néolithique et à l’âge du Bronze. Au ive ou au iiie s. av. J.‑C., des sauniers s’établissent dans cette anse abritée, à proximité des lagunes salées sur le schorre et au débouché d’un petit ru continental. Les vestiges de cette activité artisanale se signalent principalement par d’importantes zones de rejet, où de nombreuses particules d’argile cuite se mêlent à la cendre des foyers. Des fosses, des trous de poteaux et peut‑être l’emplacement d’un four ont également été repérés. Une partie importante du mobilier technologique a pu être reconstitué archéologiquement, ainsi que les chaînes opératoires dans lesquelles ils sont impliqués. Les pilettes circulaires à extrémité en cupule, les piliers quadrangulaires et les vases cylindriques sont largement représentatifs du faciès saintongeais. Bien que plus d’une centaine de sites de ce type soient de longue date répertoriés sur le pourtour du marais de Rochefort, il s’agit là du premier exemple de fouille extensive sur un atelier de saunier saintongeais.
Un peu plus tard, divers aménagements ponctuent la lente reconquête de l’homme sur ce milieu maritime, marquée notamment par la présence de fossés parcellaires antérieurs aux xie‑xiie s. C’est à ce moment que s’établit à La Challonnière un petit habitat, matérialisé par des épandages de matériel, quelques fosses détritiques et des trous de poteaux, malheureusement sans organisation apparente. Le riche mobilier céramique datant de cette période a pu être comparé avec succès, tant du point de vue technologique que typologique, avec la production d’ateliers saintongeais situés dans la plaine de Matha, bien en amont dans la vallée de la Charente.
Bordering the Coastal marsh, the La Challonnière site has yielded many archaeological vestiges from the Neolithic up to the medieval period. Some site indicators point to occupation as early as the Neolithic period and the Bronze Age. In the 4tr or 3rd century BC salt harvesters settled in this sheltered cove, near the salt lagoons along the estuary silt beds and at the outlet of a small continental freshet. The remains of this craft activity are visible primarily in the extensive rubbish deposit areas, where many shards of fired clay are mixed with the ash of hearths. Pits, postholes and what is perhaps the site of an oven have also been identified. A significant fraction of the technological apparatus has been archeologically reconstituted, as well as the operational sequences in which these fixtures were involved. The circular cupule‑tipped tamping tools (pilettes), the quadrangular pillars and the cylindrical vases are broadly representative of the Saintonge features. Although more than a hundred sites of this kind have long been recorded along the rim of the Rochefort marsh, this is the first instance of extensive excavation in the workshop of a Saintonge salt harvester.
A little later, various improvements underscore humankind’s slow reconquest of this marine setting, marked notably by the presence of plot ditches dating from before the 11th‑12th centuries. It was at this time that a small settlement grew up in La Challonnière, materialised by spreading of materials, a few detritus pits and postholes, unfortunately without any apparent pattern of organisation. The rich ceramic furnishings dating from this period have been successfully compared, both from a technological and typological point of view, with the production from the Saintonge workshops located in the Matha plains, well upstream in the Charente valley.
Texte intégral
2.1 Introduction
2.1.1 Motivation de l’opération
1Le site de La Challonnière était préalablement connu grâce aux prospections fructueuses de M. Favre (membre de la Société de géographie de Rochefort) lequel avait identifié des vestiges gallo‑romains et la présence d’un établissement de saunier sur le versant sud en bordure du marais. L’expertise archéologique réalisée en 1992 dans le cadre du tracé A 837 (Saintes/Rochefort), motivée par ces découvertes, a révélé l’intérêt et la complexité du site de La Challonnière : plusieurs occupations de chronologies diverses ont été mises en évidence en bordure d’un ancien littoral. Une campagne de fouille de 4 mois fut menée dans le second trimestre 1993, avec une équipe composée de 6 personnes1.
2Sur le versant, plusieurs secteurs ont fait l’objet de décapages d’une surface totale équivalente à 8 000 m2. Des sondages ont été entrepris dans le marais (secteur A sondage Brigitte et C sondage Yohan, fig. 10) dont un particulièrement profond en bordure du site (secteur A, sondage Brigitte, –4,5 m) qui nécessita l’observation des règles strictes relatives à la sécurité (talutage et stratigraphie en gradins). L’objectif de cette opération visait à appréhender les relations que l’homme a entretenu avec le milieu naturel, par la reconnaissance des différentes occupations en présence, conjuguée avec la restitution de l’évolution de la morphologie du littoral. Cette étude diachronique a pu être réalisée grâce à l’appui de nombreux historiens, chercheurs et archéologues qui sont ici vivement remerciés2.

FIG. 10 – Le marais et ses marges : sites et indices de site. Implantation des secteurs décapés sur le site de La Challonnière.
dessin H. Dartevelle/Afan
2.1.2 Localisation et contexte géomorphologique
3c.v.
4Le site de La Challonnière est à l’origine du projet autoroutier sur la commune de Tonnay‑Charente. Il est localisé dans la partie méridionale du marais de Rochefort, en limite du colmatage du marais par le bri et du rebord N‑E du synclinal de Saintes. Des dépôts cénomaniens inférieurs constituent le substrat (lits de sables très oxydés, parfois Consolidés par les oxydes ferriques et des argiles, argiles noires à feuillets, argiles grises, et des variations latérales notamment avec amincissement du banc de calacarénites à rudistes).
5La topographie locale se présente sous forme d’une légère éminence entre la Charente au sud et le marais de Rochefort au nord. Les formes très modérées du relief, où affleure le substrat et sur lesquelles se sont implantées les installations humaines, dominent très légèrement le marais.
6Le remblaiement de la dépression littorale antéflandrienne de Rochefort a dû s’effectuer dans un contexte abrité compte tenu des nombreuses îles et caps qui protégeaient la côte. Le contexte actuel très calme du Perthuis d’Antioche, facilitant la sédimentation en vasières littorales de l’île de Ré à l’île d’Oléron, pouvait être accentué dans le golfe de Rochefort. La Charente et de plus petits cours d’eau au nord, comme la Devise, apportent une certaine quantité d’alluvions par débordements lors des crues. Les alluvions peuvent aussi avoir séjourné en mer, puis avoir été refoulées sur la côte. Le site bénéficie d’une position particulièrement abritée, d’une part en arrière du cap E‑O reliant Tonnay à Rochefort, et d’autre part dans une échancrure, elle‑même à l’intérieur d’une anse, entre Les Épinettes et Font Robette (fig. 11).

FIG. 11 – a le marais de Rochefort et l’anse du site ; b implantation des sondages sur le site de La Challonnière.
dessin P. Mille/Afan
7Le site est donc en bordure d’un marais maritime à forte influence estuarienne à alternance classique : slikke, estran vaseux sous le niveau des hautes mers moyennes, et schorre ou estran végétalisé supérieur. Le contexte géomorphologique du site se résume à une zone littorale de faible profondeur d’où la puissance moindre du bri (3,7 m en bordure du site) par rapport au remplissage plus important vers le centre du marais. Cet environnement de bordure est caractérisé par des phénomènes du domaine marin et du domaine terrestre continental. Dans le haut du schorre, des arrivées d’eau douce par suintement et ruissellement peuvent se rencontrer ponctuellement. Les eaux de submersion peuvent même être alternativement dessalées, suivant l’époque de l’année, par les apports importants de la Charente proche.
2.1.3 L’évolution géohistorique du site
2.1.3.1 Les implantations humaines
8Les diverses occupations en présence appartiennent à des périodes diverses s’échelonnant du Néolithique au Moyen Âge, et sont réparties en bordure du marais à flanc de versant où elles sont conservées (fig. 10 et 12). Cependant la perception de cette répartition est faussée en premier lieu par l’aspect restrictif du tracé, et ensuite en raison de l’érosion, exercée au sommet du versant, qui entrave l’appréhension des sites dans leur véritable extension.

FIG. 12 – La Challonnière. Le sondage Brigitte : séquence stratigraphique et corrélation avec le site.
dessin et clichés H. Dartevelle/Afan
9Les vestiges rencontrés sont de différentes natures : les uns sont des indices de site (Néolithique et Bronze ancien), les autres témoignent d’activités artisanales (atelier de saunier de La Tène moyenne), d’habitat (médiéval), ou d’aménagement et gestion du terroir (digue et parcellaire). L’atelier de saunier et l’habitat médiéval, considérés en tant qu’occupations majeures sur le site, ont fait l’objet d’une étude approfondie.
2.1.3.2 Le paléoenvironnement
10Les études paléoenvironnementales ont suscité un travail pluridisciplinaire, où interviennent divers chercheurs (P. Carbonel, Y. Gruet, J. Evin, L. Fabre, L. Marambat, C. Vella).
11Les résultats obtenus s’accordent pour mettre en évidence un caractère estuarien prédominant décomposé en trois phases principales :
– une dynamique marine liée à la fin de la montée rapide holocène du niveau marin, avec extension d’une vasière de moyen estran ;
– un développement de schorre sur moyen à haut estran dans un contexte d’atterrissement et de ralentissement de la montée du niveau marin ;
– un développement du marais palustre et atterrissement progressif (fig. 12).
2.1.3.3 La conjugaison des données
12Le sondage Brigitte est représentatif de l’environnement immédiat du site. Les différentes occupations représentées lui sont indissociables par leur nature même (artisanat du sel, aménagements divers). Les informations livrées par le site et le sondage se corrèlent et/ou sont complémentaires (l’étude du parcellaire et de l’habitat médiéval correspondent probablement au sommet de la coupe, mais les analyses n’ont pas été effectuées en raison de l’oxydation des sédiments).
13L’évolution géo‑historique du site peut être dressée avec trois points forts :
– un moyen estran illustré par une vasière intertidale et une dynamique estuarienne active au Néolithique et au Bronze ancien ;
– le développement du schorre sur haut à moyen estran et son évolution vers le marais saumâtre à partir des activités humaines au milieu (atelier de saunier, aménagement de digue) ;
– l’évolution du marais doux et sa gestion par l’homme (drainage avant l’an mille, puis assèchement et habitat aux xe‑xiie s.).
2.2 Un moyen estran au Néolithique et à l’âge du Bronze ancien
2.2.1 Le Néolithique
14Lors du sondage profond réalisé dans le bri en bordure du versant, du matériel néolithique associé à des charbons de bois a été rencontré à la base du remplissage flandrien, dans le premier dépôt de transgression marine sur un lit de cailloutis dont l’origine est probablement duc au remaniement des calcaires du versant cénomanien. La profondeur des investigations liée aux contraintes de sécurité (4,5 m) n’a malheureusement pas permis une extension de la zone concernée. Cette découverte n’est pas en contexte structuré, mais témoigne d’une occupation alentour,
2.2.1.1 Description du mobilier
15Un éclat de silex noir et 4 individus céramiques ont pu être reconnus. Les pâtes sont homogènes, bien cuites, gris anthracite à dégraissant à dominante calcaire. Des incertitudes demeurent dans la restitution des vases, puisque aucun profil n’est archéologiquement complet. L’orientation des formes reste aléatoire compte tenu de la fragmentation.
16NI 243. Vase lissé int. ext. à bord aminci, fond arrondi et tenon de préhension (bord : 1 ; tenon : 1 ; panse : 4 ; fond : 3). La pâte est fine à dégraissant calcaire et coquillier de granulométrie moyenne (fig. 13, no 1).
NI 118. Bord arrondi ourlé (bord : 1 ; panse : 5). La facture est grossière. Le dégraissant utilisé est abondant (calcaire, silice) (fig. 13, no 2).
NI 252. Pâte fine à dégraissant très fin (1 fragment).
NI 217. Vase rentrant à lissage int. ext. (panse : 16 ; bord : 2). La facture est moyenne utilisant un dégraissant moyen calcaire et coquillier (fig. 13, no 3).

FIG. 13 – La Challonnîère. Le mobilier du Néolithique.
dessin H. Dartevelle/Afan
2.2.1.2 Le contexte régional
17Les céramiques de La Challonnière sont difficilement rattachables à une typologie, en raison d’une part des incertitudes liées aux restitutions, et d’autre part de l’extrême pauvreté des données régionales pour cette période (Roussot‑Larroque et al. 1990). Elles sont toutefois attribuables à la période néolithique au sens large. Le niveau correspondant est daté à partir du Néolithique ancien à moyen par une analyse du 14C effectuée sur charbons de bois (LGQ 953 : 5620 BP ± 270, soit après calibration un intervalle situé entre 5068 et 3818 av. J.‑C. selon Stuiver, Reimer 1993).
18Le Néolithique ancien à moyen est rare dans le bassin de la Charente, car difficilement détectable. Les rares éléments proviennent de découvertes fortuites enfouies sous plusieurs mètres de remplissage (Gabet 1977). Quelques habitats ont aussi livré du mobilier de cette période mais ils sont assez éloignés de la région de Tonnay‑Charente : Chateliers du Vieil Auzay en Vendée, Camp de la Groutte dans le Cher, Roquefort en Gironde, Recoux en Charente (Roussot‑Larroque et al. 1987). Le site de hauteur des Chateliers du Vieil Auzay en Vendée a livré, dans l’horizon néolithique moyen ou chasséen atlantique du niveau A, des vases cylindriques à fond rond et bord simple (Birocheau, Large 1987 : 409, nos 10 et 11) avec parfois des boutons de préhension que l’on pourrait éventuellement, et avec toute la prudence qui s’impose, rapprocher des formes de La Challonnière.
2.2.1.3 Critique et conclusion
19Les charbons de bois et le mobilier en présence n’appartiennent pas à un contexte structuré. La sédimentation du niveau auquel ils appartiennent révèle une dynamique estuaro‑marine relativement active. Dans cette optique, il convient d’user de prudence dans l’utilisation des résultats, les éléments contenus dans ce niveau pouvant chacun provenir de contextes, donc de chronologies différentes, antérieures ou contemporaines à la dynamique. Les céramiques ne représentant pas un critère typo‑chronologique fiable dans le contexte régional, elles restent attribuables par prudence à la période Néolithique au sens large.
2.2.2 L’âge du Bronze
20De nombreux indices sont attribués à l’âge du Bronze et sont présents en divers points du site de La Challonnière.
2.2.2.1 Les témoins d’occupation
Le secteur B
21Lors du diagnostic préalable effectué sur le site de La Challonnière, à flanc du versant nord, avait été mis en évidence immédiatement sous le labour un niveau de concentration de mobilier (fig. 11). L’absence de structures et la faible étendue du niveau n’avaient pas permis le diagnostic de la nature exacte du site. L’emprise d’un aqueduc en épi et les remaniements récents du vallon mis en évidence ont largement entravé l’appréhension de l’extension du site lors du décapage. Ce niveau vraisemblablement colluvionné est interprété comme le témoin d’une occupation proche probablement située au sommet du versant nord du vallon.
Le secteur C
22D’autres fragments de céramique, associés à des calcaires brûlés et des éclats de silex, ont été mis en évidence sur le secteur C dans l’est du décapage, dans une couche de colluvions témoignant d’une occupation probable sur le sommet du versant au sud du vallon (fig. 12),
23Une aire de foyer (fig. 14, US 180) a été mise en évidence dans l’angle N‑O du secteur C, sur un niveau de sable cénomanien gris clair. Cette zone de combustion circulaire d’environ 2 m de diamètre a livré des charbons de bois écrasés et mêlés au sable sur une épaisseur de 3 cm. Le mobilier céramique associé est particulièrement mal conservé. Les fragments ne sont malheureusement exploitables que par leur caractère protohistorique au sens large.

FIG. 14 – La Challonnière. Secteur C, décapage II : plan et coupes.
dessin P. Mille/Afan
24L’analyse du 14C effectuée sur des charbons de bois de bonne qualité (LY‑6320) a donné 3686 ± 95 BP. L’intervalle obtenu après correction dendrochronologique est situé entre 2408 et 1818 av. J.‑C. (avec des pics de probabilité à 2126, 2078, 2046, 1990).
25Deux fosses circulaires peuvent être contemporaines ou postérieures à l’aire de combustion (fig. 14, nos 196 et 172). La couche de sable gris foncé riche en charbons de bois qui tapisse le fond de 172 est stratigraphiquement contemporaine du foyer. Or, le prélèvement 14C effectué sur un échantillon (LGQ 951 : 2590 ± 270) pourrait démentir cette interprétation, et prouverait qu’il y a sans doute eu érosion et remaniement des sédiments entre ces deux occupations. Cependant un doute subsiste en raison de la faible teneur en carbone des charbons.
2.2.2.2 Les formes céramiques
Description
26Sur 86 tessons enregistrés, 14 individus sont reconnus (fig. 15).
271– NI 373. Vase à col droit et bord éversé à impressions digitées. Diamètre : 40 cm. Pâte bichrome à gros dégraissant coquillier.
2– NI 371. Vase à col cylindrique et bord confondu à impressions digitées. Diamètre : 27 cm. Pâte bichrome à gros dégraissant calcaire et siliceux.
3– NI 370. Vase rentrant à bord éversé concave et impressions digitées sur l’extrémité et à la base de la face interne.
4– NI 380. Bord ourlé à impressions digitées. Pâte bichrome à dégraissant grossier calcaire et coquillier.
5– NI 374. Vase à col rentrant et bord peu éversé à impressions digitées. Diamètre : 17 cm. Pâte bichrome à dégraissant moyen calcaire et coquillier.
6– NI 375. Vase à col rentrant et bord confondu. Pâte bichrome à dégraissant moyen calcaire et coquillier.
7– NI 382. Vase à provision à col court et bord épais éversé. Diamètre : 30 cm. Pâte bichrome fortement dégraissé au calcaire et à la coquille.
8– NI 376. Vase à col rentrant et bord confondu. Pâte fine gris foncé à dégraissant fin siliceux, lissage interne.
9– NI 381. Anse à section triangulaire. Pâte bichrome à dégraissant moyen calcaire et coquillier.
10– NI 377. Fragment de panse comportant des décors linéaires au poinçon. Pâte fine sombre à dégraissant fin siliceux.
11– NI 378. Bord arrondi. Pâte bichrome à dégraissant moyen calcaire et coquillier.
12– NI 383. Cordon horizontal à impressions digitées. Pâte sombre à dégraissant moyen.
13– NI 372. Pâte bichrome à gros dégraissant coquillier. Les arrachemements observés sont probablement les témoins d’un décor à pastillage.
14– NI 379. Bord droit. Diamètre : 26 cm. Pâte bichrome à dégraissant moyen calcaire et coquillier.

FIG. 15 – La Challonnière. Le mobilier du Bronze ancien.
dessin J.-L. Hillairet/Afan
DOCUMENT 1
Des céramiques de l’âge du Bronze
recueillies au cours des
prospections sur le tracé
autoroutier
a.b., j.‑l.h., b.p.
Trois gisements, mis au jour sur le tracé de l’autoroute durant la phase de sondages systématiques, ont livré des fragments de céramiques éparses, attribuables aux différentes périodes de l’âge du Bronze (fig. A). Les expertises ont montré le caractère isolé de ces découvertes, quelquefois associées à des structures en creux.
Le site de Toutvent (commune de Champdolent)
Le gisement se localise sur une butte dominant la vallée de la Boutonne ; il a révélé deux trous de poteaux et un fossé. Plusieurs fragments de céramique présentent un décor de pastillage, décor abondamment représenté dans le nord de l’Aquitaine et dans le Centre‑Ouest pour les périodes du Bronze ancien et du Bronze moyen. Sur ces fragments, le pastillage très érodé est disposé soit en cordon horizontal, soit sans régularité (fig. B, nos 1 à 3). Ces tessons peuvent être attribués, selon J. Gomez de Soto, à de grandes formes en tonneau.
Le site de la Petite Chauvinière (commune de Tonnay‑Charente)
Le mobilier céramique a été mis au jour dans un fossé (mesurant 35 cm de large pour 10 cm de profondeur), seule structure reconnue dans les sondages. La nature même de la structure confère au matériel un caractère résiduel. La datation des céramiques confirme le mélange d’époques différentes. En effet, deux périodes de l’âge du Bronze sont représentées. Le Bronze ancien/moyen est attesté par trois fragments de céramique : l’un à pastillage (fig. B, no 7) et les deux autres présentant des décors d’impressions digitées, disposées en registres horizontaux (fig. B, nos 5 et 6). La période du Bronze final est représentée par deux fragments de bords (fig. B, nos 8 et 9).
Le site de Chasserat (commune de Cabariot)
Le mobilier mis au jour sur le site de Chasserat a été retrouvé dans des couches de colluvionnement dans le fond d’un vallon ; il est donc en position secondaire. Le fragment de céramique présenté appartient à une grande forme attribuable au Bronze ancien/moyen, dérivée de la période chalcolithique (fig. B, no 4). Une trace d’arrachement montre la présence d’une grosse oreille servant de tenon de préhension. Le matériel céramique se trouvait en association avec une abondante industrie lithique, sans aucun outil.
Malgré la pauvreté de ces gisements, les éléments céramiques attestent une occupation humaine proche des lieux de découverte. Ils s’ajoutent à la carte régionale des sites de l’âge du Bronze (fig. A), période qui reste assez mal connue dans le Centre‑Ouest.

FIG. A. – Carte de localisation des principaux sites de l’âge du Bronze sur la façade atlantique des Charentes.
dessin P. Mille/Afan

FIG. B – Céramiques des sites de Toutvent (1‑3), La Petite Chauvinière (5‑9) et Chasserat (4).
dessin H. Hostein/Afan
Interprétation chronologique
28L’interprétation chronologique des formes doit rester extrêmement prudente dans la mesure où elles ne sont pas associées dans un contexte clos, et où aucune ne répond à des critères typochronologiques fiables. Les décors d’impressions digitées largement représentés à La Challonnière ne connaissent pas de comparaisons régionales. Le décor poinçonné peut être rapproché d’une cruche provenant de la Viaube à Jaunay‑Clan dans un contexte homogène attribué au Bronze ancien (Gomez de Soto 1991 : fig. 49, no 2).
29Ce type de décor est également présent sur le site de Saint‑Léger la Palut (Roussot‑Larroque et al. 1990 : fig. 19 et 23). Le fragment de panse (fig. 15, no 13) présente des arrachements qui évoquent un décor à pastillage. Les décors à pastillage sont abondamment représentés au nord de l’Aquitaine et en Centre‑Ouest, notamment en Charente et en Gironde. J. Gomez de Soto attribue ce type de céramique au Bronze ancien, voire au début du Bronze moyen, précisant que si elle semble disparaître dans l’est de la Charente avec le groupe des Duffaits, elle a pu perdurer un peu plus longtemps en Charente‑Maritime (Gomez de Soto 1980 : 65). Les sites proches ayant livré ce type de céramique sont ceux de Saint‑Georges‑d’Oléron/Les Sables Vigniers, Pépiron/Saint‑Just, Meschers/Les Vergnes et Barzan/Les Piloquets (Gomez de Soto 1980 : fig. 49).
2.2.3 L’environnement au Néolithique et à l’âge du Bronze ancien
2.2.3.1 L’environnement
30p. c., y.g., l.m., c.v.
31Les occupations en présence appartiennent à un contexte de marais littoral à vasière intertidale parcourue de chenaux de marée, bordée par un schorre à végétation halophile à chénopodiacées (salicorne, obione, Suaeda etc.). Le milieu est peu dynamique et supporte la dessalure saisonnière et/ou journalière et pourrait être illustré par un moyen à bas de haut estran (faible diversité spécifique de la malacofaune marine à Scrobicularia plana et Hydrobia ulvae). La faune ostracologique riche à Cyprideis torosa témoigne plutôt d’un milieu calme et probablement salé, de type laguno‑estuaricn, sans apport extérieur : les espèces identifiées sont semblables à celles existant au fond du bassin d’Arcachon. L’étude sédimentologique avait défini, à l’appui d’arguments granulométriques, la base du sondage jusqu’à 0,2 m NGF comme une zone estuaro‑marine de bas à moyen estran (enrichissement en sables et granules à la base) ; cependant, l’étude de la faune tranche pour la partie haute de la slikke ou le bas du schorre. L’environnement restitué peut être comparable à celui d’un bord de baie éloigné des influences marines directes.
32En arrière et assez éloigné du bord de baie, la présence d’un marais palustre est illustrée par l’aulne et les cypéracées. La vallée est occupée par une forêt constituée d’une chênaie mixte à orme et tilleul.
2.2.3.2 Chronologie
33Le premier niveau de bri (NGF –120 cm) a livré des charbons de bois et des fragments de céramique néolithique (cf. § 2.2.1.1). Ces éléments ayant pu faire l’objet de remaniements, compte tenu des modalités de sédimentation, doivent être considérés avec précaution. Cette dynamique située à la base du remplissage est donc datée à partir d’une période indéterminée du Néolithique, non antérieure à 5068 av J.‑C. Les données palynologiques situent la base du remplissage au Subboréal, sans toutefois mettre en évidence sa transition avec l’Atlantique, située dans le marais Poitevin vers 5500 BP.
34La seconde datation effectuée deux fois sur le même échantillon dans la stratigraphie (NGF –100) donne :
– (Ly 6316 sur charbons) 4890 ± 104 BP (soit un intervalle situé entre 3937 et 3402 av. J.‑C. après correction dendrochronologique) ;
– (LGQ 950 sur charbons) 4650 ± 180 BP (soit un intervalle situé entre 3491 et 2897 av. J.‑C. après calibration selon Stuiver, Reimer 1993).
35La troisième datation sur charbons (Ly 6317) à la cote NGF –70 cm donne 6235 ± 175 BP, soit après calibration un intervalle situé entre 5473 et 4774 av. J.‑C. Cette date contradictoire par rapport aux précédentes est écartée du raisonnement stratigraphique mais contribue à mettre en évidence la dynamique du milieu et conséquemment les risques de déplacement de matériau ; elle incite à la prudence en matière d’interprétation chronologique dans ces contextes.
36La quatrième datation effectuée à la cote NGF –35 cm (Ly 6389) donne 4120 ± 60 BP, soit après correction dendrochronologique un intervalle situé entre 2876 et 2522 av. J.‑C. Elle a été réalisée sur coquilles marines en position de vie et paraît de loin la plus fiable.
37L’interface bri/versant est matérialisée à la cote NGF dès +0,67 m par un niveau argileux riche en coquillages et interprétable comme une laisse de mer déposée sur un haut d’estran (cf. doc. 2). La forme d’érosion en biseau des sables et argiles cénomaniens correspondant à la limite supérieure d’un estran confirme cette hypothèse (fig. 12). Une analyse 14C (LGQ 954) effectuée sur les coquilles de ce niveau donne 3740 ± 200 BP, soit après calibration un intervalle situé entre 2856 et 1619 av. J.‑C. (Stuiver, Reimer 1993). Cette date serait de 20 à 903 ans plus récente que la dernière effectuée dans le sondage Brigitte. Ce niveau peut donc être corrélable dans la coupe Brigitte à partir de – 35 cm NGF. Le maximum de différence altitudinale (60 cm) peut de toutes façons s’expliquer par l’épaisseur de la lame d’eau et la topographie des lieux.
DOCUMENT 2
Le dépôt de malacofaune dans le sondage 96
y.g.
L’étude de la malacofaune en présence indique un fond à Scrobicularia et Hydrobia ulvae, comme ce qui a été observé dans le sondage Brigitte. Le nombre de scrobiculaires particulièrement important, 266 valves pour 1 600 ml de sédiment (166 pour 1 000 ml) et le poids de 95 g pour 1 000 ml, indiqueraient un dépôt non in situ, par exemple en niveau de haute mer ou au moins au‑dessus du niveau moyen. Le fait que des bivalves soient parfois à coquille jointive n’est pas un indice de position de vie, mais serait plutôt significatif d’un milieu à faible énergie, les valves restant jointes après l’échouage. Il pourrait s’agir d’une population rejetée à la côte à la suite d’une mortalité massive provoquée par le froid, le chaud ou une exondation prolongée. La poche de bri contenant scrobiculaires et hydrobies est située vers 0,6 m ngf. Elle pourrait représenter un niveau de haut à moyen estran. Avec un niveau marin identique à l’actuel, cela serait effectivement un niveau légèrement au‑dessus de la mi‑marée. Par contre, pour un niveau de haute mer, il faudrait supposer un niveau marin légèrement au‑dessous de l’actuel de 2,1 à 2,3 m. L’on ne peut pas trancher d’après la seule malacofaune.
2.2.3.3 Conclusion
38La céramique attribuable au Néolithique est loin de constituer un repère typochronologique fiable. Elle reflète cependant une occupation des environs. Les jalons chronologiques dont on dispose pour la céramique du Bronze ancien sont ténus (absence d’ensemble clos, rareté des formes utilisables) et il paraît hasardeux de proposer une contemporanéité au sens strict du terme avec la datation 14C de l’aire de combustion. Cependant il faut souligner que cette date, dont l’intervalle est compris entre 2408 et 1818 av. J.‑C., est cohérente avec la chronologie du Bronze ancien dont le début est situé aux alentours de 2300 av. J.‑C. (Gallay 1986). Les témoins d’occupation rattachables à la période du Bronze ancien au sens large sont appréciables à double titre : en premier lieu parce qu’ils donnent une idée de l’extension géographique de l’occupation, et ensuite parce qu’ils sont corrélables avec le paléolittoral en bordure duquel ils sont installés. Cette corrélation est d’autant plus intéressante qu’elle est possible avec le sondage profond dans le bri, lui‑même raccordable avec l’interface bri/versant, détail fondamental pour l’approche de la dynamique estuarienne sur ses marges ainsi que de ses formes de sédimentation.
2.3 Du schorre au marais saumâtre : les activités humaines
2.3.1 Au début de La Tène : un atelier de saunier
39Malgré le caractère érodé du secteur, cette occupation a livré des structures et un mobilier suffisants pour susciter une étude de site approfondie. Le choix de l’implantation de cet atelier, à flanc de versant dans une anse abritée de la bordure méridionale du marais de Rochefort, pose naturellement la question du contexte environnemental par la nature même du site. À la lumière des expériences ethnologiques, archéologiques et expérimentales, les différentes phases de la chaîne opératoire ont pu être ébauchées. Outre l’intérêt typologique qu’elle offre, la céramique associée permet d’attribuer l’occupation du site au début de La Tène. C’est enfin replacé dans le contexte régional que l’atelier de saunier de La Challonnière prend réellement sa dimension.
2.3.1.1 L’atelier de saunier de La Challonnière
40Ce site reconnu lors de la phase préliminaire d’expertise n’était pas connu auparavant par la prospection. Par contre, un autre site, au sud, non loin du précédent, mais hors emprise du tracé, avait été signalé par M. Favre (fig. 10). Le site a subi une érosion intense, exercée en priorité sur le sommet du versant. Les vestiges liés à l’établissement de saunier sont conservés à flanc du versant calcaire. Aucun sol d’occupation n’a été conservé : seul le fond des structures en creux qui entaillent les sables et calcaires cénomaniens a été préservé.
41Les structures rencontrées sont de divers types (fig. 16) : fossé et fosse, concentration de calcaire brûlé, trous de poteaux, couche de démolition montrant l’emplacement probable d’un four, et zone de rejet de matériaux en aval des structures précitées, en limite des dernières couches de bri qu’elles recouvrent. La concentration spatiale de ces structures sur l’ensemble du décapage, ainsi que leur faible nombre, plaideraient en faveur d’une occupation unique. Cependant l’approche de l’extension véritable de l’atelier de saunier et celle de la chronologie sont entravées par l’érosion générale du site.

FIG. 16 – La Challonnière. Établissement de saunier : plan des structures.
dessin P. Mille/Afan
Les structures
42fig. 16, 17
La structure linéaire 175
43Ce fossé en arc de cercle, d’une longueur comprise entre 4,5 m et 5,2 m (perturbation à une extrémité), présente un profil à bords obliques et fond plat, et une extrémité arrondie. La profondeur du creusement est de 23 cm. Son remplissage concentre dans l’extrémité est de nombreux fragments de vases cylindriques, des blocs de calcaire brûlé ainsi que divers fragments de pilettes circulaires et de piliers quadrangulaires. Il serait tentant d’imaginer une palissade de protection du fourneau, mais cette structure demeure concrètement difficilement interprétable.
Les concentrations de blocs calcaires brûlés
44Le fait 193 est situé à l’ouest du fossé précité. Il est matérialisé par une concentration de blocs calcaires bleutés, éclatés, ayant subi l’action du feu, sur une surface approchant un diamètre de 1,2 m, et dont les plus gros éléments atteignent 15 x 15 cm. Ces pierres sont manifestement en place étant donné la rubéfaction visible dans leur partie supérieure qui indiquerait la base d’un foyer largement érodé.
45Une concentration de même type que précédemment (fait 160) est située au S‑E du fossé 175. De nombreuses pierres brûlées sont présentes de façon générale sur le site, soit dans le remplissage de structures liées au site à sel, soit hors contexte, disséminées sur le décapage.

FIG. 17 – La Challonnière. Établissement de saunier : coupes des structures.
dessin P. Mille/Afan
Les fosses 105, 146, 161
46Ces petites fosses circulaires et peu profondes sont alignées selon une orientation N‑O/S‑E, distantes de centre à centre de 110 cm. Bien que de dimensions semblables (respectivement 80, 70 et 70 cm de diamètre, et 20, 15, 20 cm de profondeur), elles présentent les mêmes particularités quant au remplissage. Une argile verte semblable à la vase marine du site tapisse le fond et les bords, un sédiment avec quelques inclusions de charbons de bois et d’argile cuite la recouvre, lui‑même colmaté par un remblai limoneux avec de nombreux fragments de vases cylindriques et de pierres rubéfiées. Le premier niveau de remplissage a fait l’objet d’une analyse sédimentologique, laquelle exclut la possibilité d’un envasement naturel par transgression. Ces fosses pourraient être liées à des activités spécifiques (décantation, lessivage, cf. infra § 2.3.1.2).
La fosse 174
47Sa forme est ovalaire et son creusement régulier. Les dimensions à l’ouverture sont de 100 x 45 cm, et à la base de 85 x30 cm pour une profondeur de 40 cm, déterminant ainsi des parois abruptes. Le remplissage de cette fosse s’effectue en plusieurs temps. On distinguera successivement un limon brun clair fin et homogène, suivi d’un sédiment argileux vert avec inclusions de fragments de pilettes et vases cylindriques, et de nodules d’argile cuite. Le niveau suivant est planimétrique, pauvre en sédiment et exclusivement constitué de matériaux en réemploi (angle de plaque de foyer, blocs de calcaire rubéfiés de 20 à 25 cm de longueur et fragments de pilier quadrangulaire). Le remblai de comblement meuble et homogène est sans mobilier.
48Deux niveaux d’occupation sont probablement envisageables. Le premier peut être lié à une activité spécifique (cf. supra, fosses 105, 145 et 161), et le second à un aménagement de type foyer.
La couche de démolition (173, 185, 112)
49Elle est matérialisée par une concentration de mobilier technologique (cf. infra § 2.3.1.2), représenté par des fragments de vases cylindriques, des piliers quadrangulaires et des pilettes circulaires, associé à des fragments de calcaire rubéfiés, et quelques fragments de céramique domestique. Aucun creusement n’a été mis en évidence, mais une légère dépression à l’origine du piégeage et de la conservation du mobilier. Une limite est toutefois observée dans la partie ouest de la concentration. Un alignement de fragments d’argile cuite est visible, leur face lissée marquée par un angle très léger est renversée face contre terre. Il correspond vraisemblablement à un effet de paroi.
50Cette concentration de mobilier et de matériaux d’argile cuite n’est pas sans évoquer l’emplacement d’un four.
Les trous de poteaux
51Huit trous de poteaux sont attribuables à l’époque protohistorique. Ils se distinguent de l’occupation médiévale par des critères chronologiques (mobilier), morphologiques, ou stratigraphiques lorsqu’ils existent. Les diamètres varient de 30 à 40 cm et les profondeurs conservées n’excèdent pas 40 cm. Les profils sont verticaux (198, 199, 216, 217) ou à bords obliques (177 et 195). Le trou de poteau 198 présente des blocs de calage épointés verticaux. On note la présence d’un trou de piquet, à profil en V, d’un diamètre de 9 cm, et d’une profondeur de 11 cm.
Les couches de rejet
52Elles sont localisées dans la partie basse du versant cénomanien (fig. 18), en aval des structures précitées, et en limite des derniers niveaux de vase marine qu’elles recouvrent. Le dépôt qu’elles représentent forme une ceinture de 7 m de large, étalée sur 25 m de longueur environ. La concentration du dépôt la plus importante correspond sans doute à la zone de maximum de rejet. Elle est localisée à la fois à l’aplomb des structures et dans la partie la plus basse où l’on atteint 35 cm de matériaux conservés.

FIG. 18 – La Challonnière. Établissement de saunier : coupes longitudinales.
dessin P. Mille/Afan
53Une zone test a été choisie au point stratégique du remplissage le plus dense et le plus tassé pour approcher la constitution de ce dépôt. Son observation a permis sur 3,5 m2 (soit 0,7 m3 représentant 28 % du volume total estimé) d’individualiser 13 couches majeures3. La description visuelle montre la variabilité des couleurs, composants et granulométrie, avec inclusions de nodules d’argile cuite, de charbons de bois, de fragments de céramique, de vases cylindriques et de pilettes. Le discernement de ces couches est malaisé compte tenu de l’irrégularité du dépôt et des couches lenticulaires. Certaines couches se distinguent par leur texture à forte proportion sableuse (152, 149). Des microcouches parfois ténues et d’extension limitée ont été observées sans toutefois avoir fait l’objet d’un enregistrement particulier. Des fragments de charbons de bois apparaissent régulièrement dans toutes les couches. Ils sont particulièrement nombreux sur l’us 153 et dans les US 154 et 183 où des prélèvements 14C ont été effectués, ainsi que dans l’us 150 (prélèvement anthracologique). Trois contacts évoquent des niveaux de circulation par leur caractère damé. Ils sont liés à chaque fois à des épandages de charbons de bois comme c’est le cas au sommet des US 153, 150 et à des épandages cendreux pour le sommet de l’us 102.
54Le mobilier composant les couches de rejet a été recensé selon deux méthodes, engendrant des résultats différents (fig. 19). La première est issue de la fouille manuelle des couches de rejet et du prélèvement arbitraire de ses composants et du mobilier. Les pourcentages sont obtenus à partir de comptage (fig. 19b). La seconde méthode, celle du tamisage systématique, sera explicitée plus loin (cf. infra § 2.3.1.2).

FIG. 19 – La Challonnière. Les US de rejet et la fouille. a composition des US ; b pourcentage global.
Le mobilier technologique
55Il recouvre les éléments qui habituellement caractérisent les établissements de saunier, et qui sont liés à la phase de cristallisation du sel. Il s’agit ici principalement de piliers quadrangulaires, de pilettes circulaires et de vases cylindriques ou godets.
Les piliers de section quadrangulaire (fig. 20, nos 1‑3)
56Ils apparaissent en moindre proportion (14 fragments) comparés aux pilettes de section circulaire. Ils présentent comme les pilettes une extrémité aplatie déterminant une surface plane de forme ovoïde d’environ 4 x 7 cm. L’autre extrémité en cupule mesure 6,5 à 7 cm de côté. Le diamètre de la cupule est de 4,5 cm et la profondeur de 2 cm. Les hauteurs conservées n’excèdent pas 15 cm. Un exemplaire recollé (US 173) présente, comme les pilettes circulaires, les deux extrémités associées : la hauteur restituée avoisine 27 cm. L’estimation du nombre est difficile à évaluer ; le poids total de 2 190 g divisé par le poids d’un pilier (1 200 g) ne donne que 2 individus, alors que 4 extrémités aplaties sont recensées.
Les pilettes de section circulaire (fig. 20, nos 4‑7)
57Six cents fragments de pilettes proviennent de contextes divers (structures laténiennes, résiduel en contexte médiéval, hors contexte). Dans l’ensemble, les pilettes sont réalisées avec de la vase marine, et seuls quelques exemplaires minoritaires sont dégraissés au calcaire. Deux types d’extrémités sont représentés : l’extrémité amincie et aplatie dont le diamètre irrégulier varie entre 3 et 5 cm et l’extrémité épaissie et en cupule dont le diamètre varie de 3,5 à 6 cm. Les cupules décrivent des profils en cuvette dont la profondeur varie de 2,5 à 3,5 pour un diamètre de 2,5 à 3,5 cm. Les hauteurs conservées n’excèdent pas 14 cm. Un fragment atteignant 22 cm présente à une extrémité la base d’une cupule et à l’autre le départ d’extrémité aplatie. La hauteur totale restituée à partir des extrémités connues avoisinerait 25 cm. Le nombre d’extrémités aplaties, qui proportionnellement sont mieux conservées, s’élève à 45, pour 8 extrémités à cupules4.

FIG. 20 – La Challonnière. Mobilier technologique (couche de démolition).
dessin B. Vequaud/Afan
Éléments divers et indéterminés
581– Une plaque de foyer (fig. 21, no 1). Plaque d’argile cuite formant un angle déterminant une surface de 60 cm2 (29 x 22 x 3 cm). Les deux côtés sont façonnés.
2– Six fragments de briques cuites dont les surfaces cumulées avoisinent 20 cm2 et dont les épaisseurs varient de 2 à 2,5 cm. Parmi eux, un fragment présente des faces fumigées réservant d’un côté une surface claire d’environ 8 cm de diamètre, et un autre présente une extrémité façonnée arrondie (fig. 21, nos 2 et 3).
3– Un pilier ou élément de calage grossier avec une empreinte de matériau indéterminé (traverse ?). Sa hauteur conservée est de 9 cm (fig. 33, no 13).
4– Des éléments de calage. Fragments d’argile cuite modelée des deux faces avec d’un côté une empreinte plate arrondie qui, si l’on devait la comparer à un élément existant sur le site, se rapprocherait d’une extrémité aplatie de pilette circulaire.
5– Une plaque d’argile (ép. 1,5 cm), lissée, présentant deux segments de cercle (fig. 31, no 14).
6– Des plaquettes angulaires plates (ép. 5 à 8 mm) avec une extrémité lissée et l’autre présentant des irrégularités.

FIG. 21 – La Challonnière. Mobilier technologique. 1 plaque de foyer (fosse 174) ; 2‑3 fragments de brique cuite (hors contexte). Les parties grisées correspondent aux zones fumigées.
dessin B. Vequaud/Afan
Les vases cylindriques ou godets à fond convexe (fig. 22)
59Ils sont conçus avec de la vase marine, a priori sans dégraissant rapporté, les végétaux visibles dans la pâte pouvant être naturellement inclus dans la vase. Leur pâte est bien cuite, rose orangé à parfois bleuté.
60Les bords sont amincis et le fond légèrement convexe (ép. du fond : 6 mm avec un amincissement progressif des parois vers le bord jusqu’à 3 mm). Les parois intérieures sont lisses, contrairement à la surface externe sur laquelle apparaissent des empreintes de doigts. Compte tenu de ces données, de la pression exercée et de la finesse des parois, il est probable, comme le propose C. Gabet, qu’une matrice ait été utilisée pour mouler les godets. Certains fragments présentent sur leur surface externe une pellicule blanche qui a parfois conservé des empreintes digitales. Selon les résultats d’analyses exécutées par le laboratoire de céramologie de Valence, en 1973, sur le site de La Petite Aiguille, elle proviendrait de la décoloration de l’argile à la cuisson, par volatilisation du fer par le chlore provenant du NaCl (Gabet 1973 : annexe 3).

FIG. 22 – La Challonnière. Mobilier du fossé 175.
dessin B. Vequaud/Afan
61Si les diamètres extérieurs des fonds sont variables (8 à 10 cm) (tabl. I), le diamètre interne est constant (7,8 à 8.5 cm). La hauteur interne observée sur 7 individus est de 10 cm (1 individu), 10,5 (5 individus) voire de 11 cm (1 individu). Le volume interne, calculé à partir de 6 échantillons fiables, donne respectivement 525 mm3 (NI 307), 527.5 mm3 (NI 305, 304, 303), 554 mm3 (NI 316), 567 mm3 (NI 308), soit un volume constant compte tenu des irrégularités que présentent les échantillons.

TABL. I – Vases cylindriques : tableau comparatif des dimensions. NI numéro d’inventaire, NMI nombre minimum d’individus, DFI diamètre interne du fond, DFE diamètre externe du fond, H hauteur totale.
62L’estimation du nombre est proposée par trois méthodes illustrées par le comptage, le poids et la circonférence cumulée (tabl. II). La méthode de comptage reconnaît 41 NMI, distincts des autres par leur pâte, leurs dimensions ou leur faible fragmentation. Le poids des NMI s’élève au total à 2 600 g. Le poids moyen d’un godet est évalué à 200 g (50 g pour le fond et 150 g pour les parois, le fond étant proportionnellement plus lourd). On obtient 1 800 g en prenant en compte uniquement les fonds des NMI. L’estimation du nombre des fonds propose ainsi 36 individus. Le poids des 768 fragments non interprétables par leur fragmentation s’élève à 1 500 g ; divisé par le poids théorique d’un godet on obtient 8 godets, lesquels additionnés à l’estimation des fonds ramènent l’estimation du nombre des godets à 40 individus. La troisième méthode est celle de la mesure cumulée de la circonférence des fonds, qui donne au total 1 420 cm (NMI : 900 cm ; vrac : 520 cm). Divisée par la circonférence moyenne d’un vase (28 cm), on obtient 51 vases.
NMI | Poids | Corde | |
Godet à fond plat | 11 | 4 | 21 |
Godet à fond soulevé | 41 | 36 | 51 |
Total | 52 | 40 | 72 |
TABL. II – Les méthodes de comptage : commentaire et critique. La méthode du NMI montre ses limites dans le cadre de série de production, par la difficulté première de l’identification des individus. Il y a inévitablement une grande perte de données par l’écartement des cas douteux ; la méthode du pesage est de loin la moins fiable, mais elle montre qu’une grande partie du matériel échappe à l’étude pour des raisons diverses (érosion, fragmentation, sélection arbitraire) ; la méthode des mesures cumulatives, particulièrement adaptée dans ce cas de figure, permet l’utilisation de tous les fonds, en prenant en compte le maximum d’éléments.
Les vases cylindriques à fond plat décoré (16 individus)
63Leur pâte est bien cuite, orangé clair, ils se distinguent des précédents par leur dégraissant calcaire. Leur diamètre intérieur est constant (7 cm). L’élévation n’est pas connue compte tenu de la fragmentation. Leur particularité est de présenter des traces d’outils sous le fond (spatule arrondie ?) : les empreintes s’organisent en décor de palmettes, et l’application au‑delà du décor a pu contribuer à décoller le vase de sa matrice (fig. 30, no 22 ; fig. 31, nos 11 à 13, 17 à 21). Les contextes archéologiques dont ils proviennent sont divers (175, US de rejet). Ils sont associés aux vases cylindriques traditionnels. L’hypothèse de la distinction d’une fournée individualisée est par conséquent exclue.
64L’estimation du nombre est proposée par trois méthodes illustrées par le comptage, le poids et la circonférence cumulée (tabl. II). Ces vases peu nombreux sont représentés par 65 fragments dont 11 NMI. Le poids total de ces fragments n’excède pas 600 g ; l’estimation du poids individuel est difficile à obtenir, aucun vase de ce type n’étant reconstituable : on conviendra donc d’un poids moyen de 150 g, par comparaison avec les vases à fond soulevé plus épais et d’un volume supérieur. L’estimation du nombre est rapporté avec cette méthode à 4 individus. La mesure cumulée de la circonférence des fonds donne au total 515 cm (NMI : 75 cm ; vrac : 440 cm). Divisée par la circonférence moyenne d’un vase (25 cm), on obtient 21 individus.
2.3.1.2 Les techniques
Couches de rejet : tamisage et observations5
Méthode
65Un tamisage systématique a été effectué à partir d’un volume de 0,047 m3 de sédiments, échantillonnant la quasi‑totalité des couches citées supra. Ce volume équivaut à 2 % du volume total estimé sur le site. Le tamisage a été effectué avec des grilles de 25, 15, 8, 2 et 1 mm. Après décantation des particules fines restantes et séchage de la totalité des matériaux, un examen à l’œil nu et/ou à la loupe binoculaire suivant les refus a permis la reconnaissance des éléments les composant. Le pesage de chaque refus par catégorie a pu être entrepris.
Granulométrie (fig. 23)
66La progression est régulière avec une régression nettement marquée au refus 1 et une ascension soudaine pour les particules inférieures à 1 mm. Le taux de fragmentation des éléments semble s’équilibrer au niveau du refus 2, ce qui peut constituer un indice au niveau d’une fragmentation volontaire éventuelle des nodules d’argile cuite. Les particules fines sont nettement majoritaires. Cependant, compte tenu de leur finesse, elles restent indéterminées quant à leur composition parce que difficilement reconnaissables. Leur coloration globale plus sombre résulte probablement de microparticules charbonneuses. Il est très probable que du limon et/ou des sables fassent partie de la composition et contribuent à accroître considérablement leur taux. La fragmentation a également pu être accentuée par les manipulations successives, et s’exercer préférenciellement sur les particules du refus 1.

FIG. 23 – La Challonnière. US de rejet et tamisage : comparaison granulométrique globale.
Composants et proportions (fig. 24)
67Le poids total prélevé asséché des nodules atteint 40 320 g, parmi lesquels 56 % d’indéterminés (22 300 g), 43 % de nodules d’argiles cuites (17 340 g), le 1 % restant (543 g) composé de matériaux divers (calcaire brûlé, céramique, fragments de pilette et godets, et des charbons de bois). On peut considérer sans risque majeur que la moitié du taux d’indéterminés est représentée par de l’argile cuite issue de la désagrégation des particules les plus grossières, ce qui porte à 71 % la représentativité des nodules d’argiles cuites. Quelles que soient les spéculations sur la composition des indéterminés, l’argile cuite constitue invariablement une proportion importante à exclusive du dépôt. Cette détermination réalisée grâce au tamisage systématique prendra toute sa dimension dans l’illustration des techniques et de la chaîne opératoire.

FIG. 24 – La Challonnière. US de rejet et tamisage : composition.
68Parmi les éléments divers (fig. 25) et dans les plus gros éléments apparaissent les fragments de pilettes. Ils n’apparaissent pas dans les refus suivants, car il est plus difficile de les distinguer de simples nodules. La céramique reste grossièrement fragmentée. Les éléments de godets apparaissent régulièrement, bien qu’il devienne malaisé de les discerner au refus 1. Les charbons de bois sont régulièrement représentés : des fragments de bois sont reconnaissables au refus 8, ainsi qu’au refus 2 où ils sont associés à des brindilles, et au refus 1 où seules les brindilles subsistent. La présence de brindilles peut être le fait du combustible, et/ou des pailles intervenant éventuellement dans une phase de séchage, comme l’indiquent les nombreuses empreintes piégées dans les nodules d’argile cuite.

FIG. 25 – La Challonnière. US de rejet et tamisage : comparaison des volumes des divers éléments associés aux nodules d’argile cuite.
Les techniques et la chaîne opératoire à partir des exemples ethnologiques et archéologiques
69La connaissance des techniques a pris une nouvelle dimension avec les comparaisons ethnographiques de P. Gouletquer dans les années 70, puis avec les expérimentations faites par N. Rouzeau à partir des fouilles de l’îlot des Vases à Nalliers. La technique du lessivage des terres ou des tourbes salées était très développée au Moyen Âge sur le littoral européen (Gouletquer, Kleinmann 1977 ; Rielim 1961). Elle est encore observée d’un point de vue ethnologique dans de nombreux points du monde (Dahomey, Pays manga au Niger pour les terres salées, ou de la lixiviation au Japon ou Nouvelle‑Guinée pour les plantes halophytes ou artificiellement salées), Ces quelques exemples sont extraits des recherches ethnologiques réalisées par P. Gouletquer (Gouletquer, Kleinemann 1977). Ses études montrent que les techniques sont constantes dans les, grands axes, quel que soit le produit salé recueilli. Une restitution de la chaîne opératoire à La Challonnière est tentée à partir de la confrontation des données archéologiques et ethnologiques (fig. 26).

FIG. 26 – Restitution hypothétique des étapes de la chaîne opératoire à La Challonnière.
dessin H. Dartevelle/Afan
DOCUMENT 3
Étude des coquilles marines
piégées dans les couches de rejet
y.g.
Les coquilles marines présentes ici, Hydrobia ulvae, Scrobicularia plana, Cerastoderma edule et Venerupis decussata peuvent provenir d’un estran abrité vaseux. Hydrobia ulvae et Scrobicularia sont des « classiques » des vasières ou « slikkes » des fonds de baies ou estuaires. Elles supportent une certaine dessalure et vivent en eau de salinité variable entre 30 et 18 ‰ au flot. Cerastoderma edule et Venerupis decussata peuvent y être associées dans la partie la plus marine (sup. à 25 ‰). Il s’agit bien sûr de « moyennes » pour des organismes en place. Ces coquilles, notamment Hydrobia ulvae, s’échouent en abondance dans la partie haute des vasières, jusque dans le schorre, lieu possible de collecte du sédiment ou de l’eau pour le sel.
Récolte du produit et lieu de traitement : la salinité et le transport
70Le choix du lieu d’extraction des croûtes de vases salées est important : il doit présenter les conditions requises nécessaires à une concentration optimale de la vase en sel, d’une part avec la salinité de l’eau, et d’autre part avec un fort ensoleillement et des conditions atmosphériques favorables. Le lieu de traitement de cette matière première nécessite d’autres paramètres : en premier lieu de l’eau douce pour lessiver les nodules d’argile salés, évitant ainsi un nouvel apport de magnésium par l’eau de mer soigneusement évité lors du prélèvement (Rouzeau à paraître) ; en second lieu le combustible qui intervient avant le lessivage et surtout lors de la phase ultime d’évaporation. Compte tenu de ces données, il paraît difficile de réunir toutes ces conditions sur un même lieu. La Challonnière a bénéficié sans aucun doute d’un contexte saumâtre mais subissant une dessalure importante : la salinité, accrue lors des grandes marées, pouvait peut‑être suffire à alimenter un atelier de saunier fonctionnant ponctuellement dans l’année. Le problème de la salinité de l’eau se poserait a priori davantage pour certains sites comparables (fig. 27), localisés en bordure de la Charente particulièrement éloignés du littoral6. Les analyses paléoenvironncmentales exécutées dans la vallée de la Boutonne montrent, par le caractère saumâtre mis en évidence, jusqu’où sont susceptibles de se faire sentir les influences marines. La récolte du produit salé et son traitement in situ semblent dans les quatre cas présents tout à fait envisageables. En revanche le transport du matériau jusqu’au lieu de traitement, dans le cadre d’une longue distance, paraît non pas rédhibitoire, mais assez contraignant : le poids de matière première desséchée équivaudrait à La Challonnière à 2 120 kg.

FIG. 27 – 1‑5 mobilier du site de Geay/Les Pousineries, tr.7 ; 6‑8 pilettes circulaires découvertes à Saint‑Savinien.
dessin H. Dartevelle/Afan
Brûlage des vases salées
71Après récolte et séchage, les vases salées collectées sont brûlées. Le brûlage est ethnologiquement largement attesté, qu’il s’agisse des plantes halophytes ou des vases salées, voire simplement de la saumure (fig. 28). Il permet l’élimination de substances indésirables (soufre en Nouvelle‑Guinée, dans le cas de plantes halophytes [Gouletquer, Kleimann 1977 : 32]) et surtout un lessivage dans des conditions optimales, comme c’est le cas au Lincolnshire en Angleterre (Riehm 1961) où les croûtes salées sont jetées dans un feu pour éviter la dissolution de la vase dans l’eau lors du lessivage. Sur le site de La Challonnière, les nodules d’argile sont cuits. Les négatifs d’herbes et de pailles inscrits dans la pâte correspondent probablement au combustible utilisé ayant pu préalablement servir de support au séchage. La fragmentation observée à La Challonnière (fig. 23) est sans doute recherchée afin de favoriser au maximum l’extraction du sel.

FIG. 28 – Exploitation des puits salés et projection de la saumure dans des brasiers. De re metallica, 1556, Agricola alias Georg Bauer (1494‑1555). Paris, bibliothèque du Conservatoire des Arts et Métiers (Dunoyer de Segonzac 1991).
cliché bibliothèque du Conservatoire des Arts et Métiers
Lessivage
72Cette phase nécessite de l’eau douce et s’effectue dans des paniers filtres au Pays manga et en basse Guinée (Rouzeau 1994). Elle permet dans certains cas l’élimination de certaines substances comme le sulfate de soude qui se dépose en stalactites sur les parois (Soula 1954 : 63). Les croûtes de terres salées sont lessivées à l’eau dans le panier filtre et la saumure récupérée dans une fosse creusée à l’aplomb. À La Challonnière, les témoins directs du lessivage sont les couches de rejet, dont le volume de chacune devrait théoriquement correspondre à la contenance d’un panier. Il est difficile et aléatoire d’en calculer le volume, parce qu’elles sont irrégulières en surface et en épaisseur. Les plus épaisses et plus facilement quantifiables avoisineraient 1 750 cm3 ([3,5 m2 x 10 cm]/2) mais il convient de manier ces chiffres avec prudence. Les autres témoins du lessivage sont les trois fosses alignées équidistantes et tapissées d’argile (un prélèvement sédimentologique effectué dans cette argile exclut un dépôt transgressif naturel). À Coyah, en basse Guinée (Rouzeau 1994), les paniers filtres sont isolés ou groupés par séries de deux à quatre, les bassins creusés à l’aplomb sont enduits d’argile compactée.
Évaporation
73De nombreuses inconnues résidant encore dans le fonctionnement précis des fourneaux de séchage ont donné lieu à des spéculations diverses, en alimentant les querelles de chercheurs et multipliant ainsi la littérature sur des points de détail (orientation des piliers par exemple). Le site de La Challonnière n’est pas en mesure de clore le débat en apportant des éléments de compréhension majeurs sur ce thème. Qu’il s’agisse du Pays manga ou de la façade atlantique, il est clair que piliers et récipients, quelle que soit leur morphologie, sont associés au feu dans cette phase ultime de la chaîne opératoire, les piliers intervenant bien entendu comme support des récipients. Les expérimentations récentes du marais de Dol effectuées à partir des données du site de L’Aupinière à Hirel (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët et al. 1994) ont montré l’importance du contact piliers/récipients, directement ou par l’intermédiaire d’une sole de terre cuite, dans la conductivité de la chaleur (fig. 29). À La Challonnière, la comparaison par le nombre des différents éléments caractéristiques montre que les piliers quadrangulaires plus gros et plus lourds apparaissent en proportion faible, et qu’ils ont pu jouer un rôle dans l’infrastructure de l’ensemble. D’autre part, le nombre des pilettes (45 NMI) est important mais inférieur à celui des godets (72 NMI) : le fragment de plaque de foyer et surtout les fragments de briques peuvent intervenir comme une sole intercalée entre les piliers et les récipients ; un fragment pouvant porter l’empreinte d’un vase (fig. 21, no 2) en serait la preuve. Les boulettes de calage, très nombreuses à Nalliers, ce qui laisse penser à l’auteur qu’elles interviennent à titre systématique pour consolider l’ensemble (Rouzeau 1982) (fig. 29) apparaissent ici en très faible proportion sans donner d’indications sur leur vocation précise. Les effets de paroi décrits plus haut montrent que l’ensemble devait être probablement circonscrit par des murs en terre cuite, conformément aux fourneaux connus par l’ethnologie et les expérimentations, pour pallier les déperditions de chaleur. Les structures sont trop arasées pour livrer un éventuel alandier, naturellement impliqué dans le fonctionnement de l’ensemble, mais la présence d’un foyer à proximité peut en constituer un indice. Enfin, une palissade dressée dans le fossé en arc de cercle pourrait, suivant son orientation, isoler le fourneau des vents du sud, comme c’est le cas en Afrique entre N’Guigmy et Maïné‑Soroa (Gouletquere et al. 1994 : 138)7.

FIG. 29 – Hypothèses de reconstitution de fourneaux. 1 four picton : suspension sur baguette et galets chauffés (d’ap. Texier 1990) ; 2 four picton : plancher (d’ap. Texier 1990) ; 3 four picton (d’ap. Rouzeau 1985) ; 4 four vénète en grille et auget (d’ap. Rouzeau 1982) ; 5 four de l’Épinette à Préfailles : piliers cylindriques, pierres plates et godets (d’ap. Tessier 1967) ; 6 expérimentation du marais de Dol : piliers cylindriques, briques et godets (d’ap. Langouët et al. 1994).
dessin H. Dartevelle/Afan d’ap, Langouët et al. 1994
Quantification et productivité : quelques chiffres
74L’approche du calcul de la production globale de La Challonnière a été possible grâce aux expérimentations de N. Rouzeau (Rouzeau 1985).
75En admettant qu’1/2 m3 de matière première desséchée donne 40 kg de sel, La Challonnière ayant livré environ 3,4 m3 (2 120 kg), les calculs porteraient la production de sel à 275,2 kg (chiffre minimum compte tenu de l’érosion). Les couches de rejet ayant livré des fragments de godets induisent une fournée antérieure, par le rejet voire probable ment le lessivage des nodules d’argile (fig. 25 histogrammes : refus de tamis 1 et décantation).
2.3.1.3 Chronologie et céramique
Généralités
Avertissement
76Il doit être précisé que le caractère arasé des structures et la faible puissance des couches de démolition interfèrent obligatoirement sur la fiabilité des ensembles. La désignation « ensemble clos » est dans cette perspective plus relative. Les fosses sont souvent pauvres en mobilier, ne livrant parfois qu’une forme exploitable (174, 146, 105). Les associations en contexte sont rares (173/193/US de rejet) et de plus peu évocatrices. De nombreux éléments sont hors contexte stratigraphique. L’ensemble du mobilier est difficilement appréhendable à divers titres (rareté de la céramique fine, production locale, érosion du site, contexte régional pauvre). Une certaine homogénéité se dégage toutefois des formes. Si les formes directrices sont rares, des indices permettent d’approcher une chronologie.
Quelques chiffres
77La céramique de l’âge du Fer est représentée au total par 829 tessons, dont 133 sont isolés et ont fait l’objet d’un inventaire par élément caractéristique (bord/fond/décor). Parmi ces tessons, 98 individus sont reconnus (NMI). Les formes interprétables sont réduites à 67 (NMI), les fonds plats (23) et les bords non orientables (8) ne constituant évidemment pas des indicateurs typochronologiques fiables. La masse de tessons inexploitables (84 %), ainsi que le NMI (98) encore important par rapport au nombre de tessons isolés (133), sont révélateurs d’un taux de fragmentation élevé dû en grande partie à l’érosion exercée sur le site. Les profils archéologiquement complets sont absents, et les restitutions graphiques sont, pour la majeure partie, effectuées avec un, voire plusieurs fragments n’excédant pas 1/10 du vase.
Dégraissant, pâte et traitement de surface
78Le dégraissant calcaire intervient dans 76 % des cas. Des adjonctions diverses au calcaire (sable, chamotte, coquilles, végétaux) sont souvent observées (33 %). Le dégraissant siliceux est quelquefois utilisé de façon exclusive (11 %), alors que les coquilles le sont plus rarement. La vase marine semble avoir été utilisée fréquemment (23 %), reconnaissable à la couleur rose à bleutée des vases et à leur texture savonneuse particulière. Le dégraissant végétal parfois observé peut être naturellement inclus dans la vase. La céramique fine représente 13 % du mobilier céramique (fragments peints, vases, gobelets). 11 % des individus ont reçu un traitement de surface matérialisé par un lissage interne et/ou externe suivant les formes (gobelet, jatte, vase).
Les formes ouvertes
79Les jattes représentent 26 % des formes reconnues. Leur facture est généralement peu raffinée sauf deux exemplaires qui ont subi un traitement de surface (NI : 87 et 6 ; fig. 30, no 10 et fig. 31, no 2). La plupart sont à bord épaissi aigu (8 individus) dont deux comportent des impressions digitées sur le bord (NI 20 ; 6 : fig. 30, nos 10 et 11). Deux sont à bord droit aplati (NT 12 ; fig. 32, no 4) ou arrondi avec une carène adoucie (NI 87 ; fig. 31, no 2). Trois jattes ou assiettes présentent un bord épaissi biseauté (NI 11, 21, 40 ; fig. 30, nos 15, 16 et fig. 22, no 19). Les jattes à bord à impressions digitées sont habituellement considérées comme des héritages du ve s. (Bouder 1987), voire du début de l’âge du Fer d’après les ensembles du Val de Loire. On les trouve cependant encore avec les jattes à bord épaissi aigu, bien qu’en moindre proportion, en contexte iiie s.‑début iie s., voire associées aux gobelets tronconiques de la fin iie‑début ier s. av. J.‑C. sur le site de Lacoste (Sireix, Boudet 1986). Les types de jattes présents sur le site de La Challonnière sont communément admis dans l’estuaire girondin, dès le premier âge du Fer et le début du second jusqu’en contexte ive‑iiie s. av. J.‑C., avant que ne s’y substituent les jattes à lèvre rentrante et/ou épaissie associées aux coupes carénées à la fin du iiie s. av. J.‑C. (site de La France à Bordeaux : Barraud 1988b).

FIG. 30 – La Challonnière. Mobilier hors stratigraphie ou résiduel.
dessin B. Vequaud/Afan

FIG. 31 – La Challonnière. Mobilier des US de rejet.
dessin B. Vequaud/Afan

FIG. 32 – La Challonnière. Mobilier des fosses 217 (1, 2), 146 (3), 105 (4) et 174 (5).
dessin B. Vequaud/Afan
Les formes fermées
Les vases à col court sans lèvre
80Ils sont assez bien représentés sur le site qui en compte 13, présentant toutefois quelques variantes. Dans un premier temps sont distingués les vases à col court concave et bord confondu arrondi (7) (fig. 30, nos 6, 7 ; fig. 33, no 1 ; fig. 31, nos 3, 4) aigu (4) (fig. 30, nos 3, 4 ; fig. 31, no 1 et fig. 33, no 3) aminci (1) (fig. 30, no 9) ou aplati (1) (fig. 31, no 6). Deux d’entre eux portent des impressions digitées sur le bord (NI 17, 85 ; fig. 30, no 2 et fig. 31, no 1). On les trouve en effet parfois agrémentés de telles impressions du vie au début du iiie s. à La Lède du Gurp, sur le site de La Petite France au ve s. (Barraud 1988b), et au Pétreau à Abzac (Boudet 1987) où ils sont associés à des fragments de peinture à l’hématite dans des contextes ive‑iiie s. En second lieu apparaissent les vases à col court rentrant et bord épaissi (3) (fig. 31, no 7 ; 22, fig. 34, no 5). Ces derniers existent dès l’âge du Bronze et semblent se multiplier dans le courant du second âge du Fer.

FIG. 33 – La Challonnière. Mobilier du foyer 193.
dessin B. Vequaud/Afan

FIG. 34 – La Challonnière. Mobilier provenant de la couche de démolition.
dessin B. Vequaud/Afan
Les décors de vases
81Un vase (NI 63 ; fig. 34, no 3) est muni d’une lèvre anguleuse et d’une série d’impressions triangulaires sur le haut de la panse. Sa pâte est sombre et bien cuite et dégraissée au calcaire et à la coquille. Plusieurs décors sont par ailleurs représentés, lesquels se rattachent vraisemblablement à des formes semblables compte tenu de leur situation approximative dans la forme et de l’aspect peu soigné de la pâte, bien qu’il soit difficile de les rattacher à une forme précise : trois fragments comportant des incisions obliques situées au sommet de la panse (NI 54, 55 ; fig. 34, nos 8 et 9) ; un fragment de col droit rentrant avec décor d’impressions digitées (NI 92 ; fig. 31, no 9) ; un vase à col concave muni d’un cordon lisse à la base du col (NI 56 ; fig. 34, no 7). En conclusion, les vases à col court portent habituellement un décor plastique en sommet de panse et sont fréquemment rencontrés dans les habitats girondins entre le vie et le iiie s. (Barraud 1988b).
Les gobelets
82Deux formes sont reconnues. Le premier est un gobelet à bord et col confondu : sa pâte est fine quoiqu’avec un dégraissant sablo‑calcaire grossier et il a été lissé sur la face externe. Sa forme évoque immédiatement les vases à col court concave et bord confondu cités plus haut. Le second est un gobelet à bord droit sans col (NI 58 ; fig. 33, no 2), à pâte sombre bien cuite et présentant une série d’impressions digitées sur le bord.
Les fonds
83La Challonnière a livré 23 fonds plats, dont le diamètre varie de 10 à 15 cm. Leur intérêt pour le répertoire des formes est limité, cependant l’un se distingue par son diamètre important (21 cm) et par le dégraissant siliceux abondamment utilisé. Il s’agit vraisemblablement d’un vase de stockage (NI 60 ; fig. 33, no 10).
84Parmi les fonds restants, on peut noter la présence de 2 fonds à profil concave qui, bien qu’incomplets, évoquent des vases galbés, 3 fonds annulaires (NI 61, 63, 77 ; fig. 33, nos 5, 6 et fig. 34, no 10), et 3 pieds courts (NI 7, 104, 105 ; fig. 30, no 17). Ces derniers sont présents aux ive‑iiie s. av. J.‑C. à Agris (Gomez de Soto 1984d). Ils sont représentés dans les mêmes contextes à Mazerolles dans la Vienne (Nicolini 1983) ainsi que dans l’estuaire girondin à La Lède du Gurp à Grayan‑et‑l’Hôpital (Boudet 1987) ou sur le site des Grands Vignes à Sainte‑Florence (Sireix 1989). Le site de Cubzac‑les‑Ponts en livrerait pourtant dans la phase 2 attribuée aux vie‑ve s. av. J.‑C.
Les vases à pâte fine
Les vases peints
85Sept fragments de vases peints ont été mis en évidence. Leur pâte est fine à dégraissant calcaire et bien cuite, avec un revêtement externe rouge probablement à l’hématite. Cette peinture rouge est assez bien représentée sur les sites charentais à Agris (Gomez de Soto 1990a : 10) à Avy et à Pons (Lassarade 1986 : 87 et 137, fig. 15). On les trouve également sur les sites de l’estuaire girondin, dans des contextes bien datés attribués aux ive‑iiie s. av. J.‑C. aux Grands Vignes à Sainte‑Florence et au Pétreau à Abzac (Boudet 1987).
Les vases à col court concave et bord éversé (5 exemplaires)
86Leur pâte est fine à dégraissant calcaire et leur surface lissée. Il s’agit sans doute de petits vases compte tenu des diamètres qui paraissent relativement faibles.
Les gobelets (2 exemplaires)
87Un fragment de panse à carène adoucie de faible diamètre : sa pâte est sombre, cuite en atmosphère réductrice et dégraissée au calcaire. La surface intérieure comme extérieure a été lissée. Le gobelet à col peu rentrant et lèvre éversée (NI 49 ; fig. 34, no 2) comporte les mêmes caractéristiques.
Conclusion
Difficulté typologique à divers titres
88Le site de La Challonnière est loin d’engendrer une étude typologique déterminante pour le contexte régional. Elle apporte cependant de nouveaux éléments dans un secteur géographique où la céramique laténienne est particulièrement mal connue. La série de La Challonnière paraît a priori difficilement appréhendable, tributaire de la nature même d’un site vraisemblablement éloigné du lieu d’habitat, et centré sur une activité artisanale saisonnière, voire ponctuelle. Elle est par définition moins représentative du contexte culturel au sens archéologique du terme, dont l’appréhension est largement fondée sur l’étude typologique de la céramique dite fine.
Les correspondances et la chronologie
89Les éléments directeurs sont représentés par la peinture rouge et les pieds annulaires. On les retrouve fréquemment datés des ive‑iiie s. en Charente (notamment à Agris) et dans les habitats de l’estuaire girondin, en particulier aux Grands Vignes à Sainte‑Florence où ils sont associés à une fibule de type Dux. Les autres formes représentées (vases à col court à bord confondu, décors d’impressions digitées sur le bord de jattes, gobelets ou vases, jattes à bord biseauté, aigu ou aplati) sont des formes ubiquistes héritées du premier âge du Fer. Cet héritage semble a priori très marqué à La Challonnière et évoquerait presque une occupation antérieure s’il n’était pas représenté sur les sites d’habitats de l’estuaire girondin jusqu’aux ive‑iiie s., en association avec des pieds annulaires et à la peinture à l’hématite, comme c’est le cas sur le site de La France à Bordeaux (Barraud 1988b) ou du Pétreau à Abzac (Boudet 1987).
Datation au 14 C
90Un prélèvement sur charbons de bois d’excellente qualité a été effectué à la base des couches de rejet (LY‑6321) dans les US 184 et 154. La datation obtenue, 2115 + 55 BP, donne après correction en années réelles l’intervalle de 439 à 19 av. J.‑C. (avec pics de probabilité situés à 131 et ensuite à 164). L’intervalle donné est large, mais exclut le premier âge du Fer. La Tène ancienne à moyenne (ve‑ives.) est tout à fait compatible avec la chronologie proposée par la céramique. Les pics de probabilité sont malgré tout peu utilisables : la céramique en présence, compte tenu des données actuelles, paraît incompatible avec celle que l’on connaît pour le début de La Tène finale (amphore et céramique tournassée).
2.3.1.4 L’homme et l’environnement : les paysages
91L’approche de l’environnement est complexe, du fait de la multiplicité des paysages existants (naturels et anthropisés). Quelques témoignages de ces nombreux paysages ont été recueillis sur le site artisanal de La Challonnière, et analysés. La confrontation des données obtenues a pour objectifs la définition et aussi la localisation des différents modes d’occupations (le site artisanal, l’habitat et l’occupation du territoire).
92Le site de La Challonnière est localisé en bordure d’une échancrure dans une anse abritée du marais de Rochefort. Son environnement que l’on peut évoquer au début de La Tène est illustré de façon ponctuelle par des observations archéologiques et sédimentologiques, et de manière générale par les données palynologiques et anthracologiques qui permettent d’aborder ensuite la place et l’influence de l’homme sur l’environnement naturel. Compte tenu de l’érosion du site, les échantillons pris en compte et pertinents d’un point de vue palynologique sont issus des couches de rejet de l’atelier de saunier (150, 175, 188). Étant donné la chaîne opératoire mise en évidence (raclage des vases salées sur l’estran et apport de pailles pour le séchage et le brûlage), il convient de souligner que ces données ne peuvent pas être considérées comme illustrant de façon stricte l’environnement immédiat du site. Les échantillons peuvent présenter des spectres distincts, révélateurs de prélèvements géotopographiques différents voire simplement diachroniques (raclage de vases fossiles). Les charbons de bois proviennent également des couches de rejet. Deux modes d’échantillonnage ont été examinés : l’un issu d’un tamisage partiel, toutes couches confondues, effectué sur 470 cm3 de sédiments compactés (représentant environ 2 % du volume total conservé sur le site [refus 1, 2 et 8]), l’autre issu du prélèvement de la concentration de charbons de bois dans l’unité 150.
Esquisse des paysages
Le chenal de marée du site
93Des sondages transversaux ont mis en évidence la divagation d’un chenal de marée (fig. 16) selon une orientation globale N‑O/S‑E. Dans les niveaux supérieurs, et sur la marge sud du dépôt de bri, des pierres de moyen et petit modules ont été rapportées et concentrées sans organisation apparente, tout en bordant la divagation du chenal. Cet aménagement anthropique est un argument en faveur de l’activité du chenal et de son colmatage progressif, à la cote NGF +1,95 m. Cet empierrement a livré quelques rares fragments de pilettes circulaires, et un bord de vase à col concave et bord confondu épaissi (fig. 14, US 181). Bien que ces éléments ne constituent pas des repères chronologiques fiables, ils sont à rapprocher du mobilier provenant de l’établissement de saunier. La comparaison altitudinale du niveau de l’empierrement et du niveau de bri sous les couches de rejet du site à sel est cohérente, et laisse envisager une contemporanéité possible.
Un ru continental sur le site
94L’étude des techniques et de la chaîne opératoire a montré l’importance du choix de l’emplacement déterminé par l’approvisionnement en eau douce, dont l’utilisation s’avère capitale dans le lessivage des vases brûlées. Un petit chenal d’axe N‑O/S‑E a été mis en évidence dans les sondages du secteur B (US 1 001, l’altitude du fond du chenal est à 2,45 m). Son caractère continental est mis en évidence à l’appui d’arguments topographiques, de l’absence de faune de milieu salé et de la finesse du dépôt sédimentologique. Le cortège pollinique de ce sédiment est semblable à celui de la structure 175. La légère prédominance des cypéracées sur les chénopodiacées pourrait s’expliquer par leur colonisation en bordure de l’écoulement d’eau douce. La date 14C sur charbon de bois (LY‑6318) provenant du même contexte, donne la datation 2136 ± 160 BP. Après correction dendrochronologique, l’intervalle obtenu est de 668 à 20 av./ap. J.‑C., avec des pics de probabilité situés autour de 173, 129, 329, 229. Même si son utilisation par les sauniers est naturellement difficile à prouver, cet écoulement continental a pu fonctionner pendant leur occupation des lieux, et contribue à illustrer le cadre physique de cette époque.
La palynologie et l’environnement de l’atelier
95Les plantes représentées dans les cortèges de trois échantillons (US 150, 175, 188) sont semblables, à quelques détails près. Les différences sont plutôt d’ordre quantitatif et peuvent être effectivement révélatrices de prélèvements aléatoires en différents secteurs de l’estran. Les associations végétales révèlent un contexte où les herbacées sont dominées par les cypéracées avec une forte proportion de chénopodiacées. Les cypéracées, présentes sur des sols gorgés d’eau, peuvent croître en eau douce, mais aussi dans les mêmes milieux que les chénopodiacées. Ces associations de plantes s’installent d’une part sur des vasières soumises à émersion périodique, d’autre part dans des marécages d’eau douce, voire le long d’un écoulement continental (cf. supra). Ce sont donc des zones marécageuses, à tendance saumâtre ou palustre, parcourues par des chenaux, qui sont perçues par la palynologie dans les environs de l’atelier de saunier. Les surfaces en voie d’atterrissement éloignées du site sont colonisées par l’aulne. Les terrains secs sont occupés par des bosquets de chêne et des zones ouvertes comportant des essences de lumière, noisetier, bouleau et pin. Le noyer est présent.
L’anthracologie et les lieux de récolte du combustible
96l.f.
97L’anthracologie met en évidence trois biotopes interdépendants. Le premier est une forêt de type chênaie à chêne pédonculé hydromorphe sur une station très humide à hydromorphie accentuée, composée d’arbres et d’arbustes. Le chêne pédonculé, le cornouiller sanguin et l’érable champêtre qualifient son couvert forestier. Un fragment de hêtre signe une présence relictuelle. Le second biotope est la lisière de cette forêt riche en espèces plus héliophiles comme les aubépines et l’orme champêtre. Discriminées par des faits archéologiques, ces associations pourraient évoquer un contexte non forestier. Enfin, le troisième biotope est évoqué par sa forme ripisylve sûrement bordant un ru, dont le cornouiller, l’orme et la vigne sont les témoins. L’absence d’espèces ligneuses typiques de tels espaces comme l’aulne est remarquable. Soit l’aulne n’a pas été récolté, soit il ne poussait plus dans de telles conditions. Faut‑il décider d’un choix spécifique évitant l’aulne pour cet artisanat ?
L’impact de l’homme sur le milieu
La faune
98Les couches de rejet de matériaux ont livré quelques vestiges faunistiques mal conservés et fragmentés parmi lesquels le mouton et plus particulièrement le bœuf (mort entre 2 et 3 ans) sont représentés (détermination I. Rodet‑Belarbi). Ces éléments correspondent vraisemblablement à un « casse‑croûte » emporté sur le lieu de travail, probablement éloigné de l’habitat.
Les pollens
99l.m.
100Une remarque préliminaire s’impose. Dans ce type de milieu (marais littoral), les plantes habituellement considérées comme des rudérales (chénopodiacées, plantains, renouée...) et liées aux activités humaines peuvent constituer des communautés naturelles. L’impact humain y est alors plus difficile à déceler en l’absence de céréales. Ces dernières, accompagnées de quelques messicoles (centaurées), apparaissent toutefois en quantité suffisante pour attester l’existence de cultures aux environs. Les composées tubuliflores et les cichoriées peuvent appartenir à la flore halophile, mais aussi témoigner de la proximité des pâturages. La présence humaine est également mise en évidence par les défrichements pratiqués aux dépens de la chênaie et marqués par la présence du noisetier, du bouleau et du pin. Leur faible représentation indique que les zones laissées à l’abandon et non exploitées étaient soit peu étendues, soit éloignées du site. Le noisetier et le bouleau pourraient également signaler la conquête de milieux déboisés à la suite de phénomènes d’ensablement. Cependant, aucune trace d’ensablement n’est enregistrée dans la sédimentation proche du site, ni dans un sondage réalisé à l’extérieur de l’échancrure formée par la paléoligne de côte. Au début de La Tène, le territoire s’organisait en fonction de l’humidité du sol, les zones les plus humides étant le domaine de la vasière ; les sols plus secs étaient occupés par des cultures de céréales, des prairies et une forêt résiduelle. L’étude palynologique seule ne permet pas cependant d’apporter plus de précisions quant au problème de l’occupation du sol et de la localisation de l’habitat. La possibilité de l’élevage, entre autres, a été évoquée mais non démontrée sur le site même.
L’anthracologie
101l.f.
102L’analyse anthracologique montre qu’au moins 8 espèces végétales ont été utilisées dans la chaîne opératoire de l’atelier. Regroupées sous forme de diagramme (fig. 35 et 36) nous pouvons distinguer le chêne à feuillage caduc (Quercus sp.), l’érable champêtre (Acer campestre), le hêtre (Fagus silvatica), les ormes (Ulmus sp.), les pomoïdées (Crataegus sp.), les cornouillers (Cornus sp.), la vigne (Vitis sp.) et les mono‑cothylédones. Gestion, exploitation ou choix spécifique : une vingtaine de fragments de charbon de bois de chêne caducifolié présentaient leur écorce sur des coupes complètes (de la moelle jusqu’à l’écorce). Cette présence soumise à l’analyse permet de dire que toutes ces branchettes ont été coupées au printemps et sont toutes âgées de moins de 8 ans (de 4 à 8 ans). On peut ajouter que la cerne de la quatrième année est extrêmement réduite, témoignage peut‑être d’un assèchement ou d’un manque d’eau durant cette période. L’abondance relative de l’orme et des pomoïdées associées pourraient évoquer l’idée de l’existence de haies. Mais cette hypothèse reste largement discutable dans le sens où les artisanats limitent la récolte des combustibles : le menu bois, produit en grande quantité par ce type d’arbuste, possédait peut‑être un intérêt particulier dans la chaîne opératoire de l’atelier. Ainsi, nous ne pouvons pas décider que ces fragments de charbon de bois sont les restes carbonisés de haies. Les artisans ont pu très bien exploiter des lisières. Ainsi, l’analyse anthracologique appliquée au site artisanal de La Challonnière peut révéler une exploitation intensive et extensive d’une chênaie, reliquat d’une chênaie‑hêtraie plus ancienne. En effet, il semblerait qu’elle soit autant touchée dans sa lisière que dans sa forme ripisylve de bord de ru. La palynologie montre que des espèces arborées, comme l’aulne, le noisetier, le bouleau, sont présentes dans les environs du site. Aussi un choix spécifique a pu être établi par les artisans, confirmant le caractère intensif d’une telle exploitation. Un choix spécifique ne voulant pas dire que les hommes exploitaient une forêt « vierge » ne prélevant que du chêne, par exemple, mais l’emploi d’une méthode forestière (taillis, etc.) initiant et sélectionnant une forêt à tendance monospécifique aux détriments des autres espèces. Cela pourrait expliquer la relative abondance des arbustes tels l’orme et l’aubépine, reliquats d’un couvert forestier dense conservés par la suite par le parcellaire. Les espèces comme la vigne, l’orme et l’aubépine produisent du menu bois facile à enflammer, à l’inverse du chêne dont la combustion lente favorise la durée : peut‑être signent‑elles un moment particulier de la chaîne opératoire.

FIG. 35 – La Challonnière. Spectre anthracologique des couches de rejets (toutes couches confondues), a refus 1 mm ; b refus 2 mm ; c refus 8 mm.
L. Fabre/Afan

FIG. 36 – La Challonnière. Spectre anthracologique des couches de rejets, US 150.
L. Fabre/Afan
Conclusion
103La difficulté de l’approche environnementale est due à la multiplicité des paysages rencontrés, et aussi à la confrontation de deux méthodologies utilisées. Plusieurs types d’occupations sont évoqués (artisanat, habitat(s), occupation(s) au sens large d’un territoire) correspondant à des niveaux d’éloignement différents, dont il est malaisé de quantifier les différents aspects. En effet les pollens apportent globalement des informations sur le site artisanal, l’habitat et l’occupation du territoire, alors que les charbons de bois renseignent sur un seul mode d’occupation sans localisation. L’étude des charbons a mis en évidence certaines essences (orme, vigne, cornouiller et érable) qui n’apparaissent pas dans le spectre pollinique. Cette absence tendrait à démontrer qu’elles ont été récoltées dans un milieu éloigné du site artisanal. De même, la représentation très marquée du chêne dans les charbons apparaît inversement proportionnelle dans les pollens, le chêne étant probablement éloigné du site. La découverte ponctuelle de vestiges de mouton et de bœuf peut correspondre à du ravitaillement emporté sur le lieu de travail. L’élevage sous‑tendu par ces espèces, la culture de céréales et l’exploitation d’une forêt dans un environnement non immédiat renforcent l’idée de l’habitat et de l’occupation d’un territoire en relation avec le site artisanal. Ces thèmes, chers à l’archéologie du paysage, sont évoqués mais sont difficilement quantifiables faute de données.
Corrélation des données du site et du sondage Brigitte
Indices de site dans le bri
104La relation archéologique occupation du versant/bri est extrêmement difficile à appréhender à travers l’étude stratigraphique. Des indices ténus proposent malgré tout quelques hypothèses. Dans le sondage Brigitte (fig. 12) un fragment de pilette circulaire a été reconnu à la cote NGF +80 cm. Dans un sondage du secteur D (fig. 10), un niveau horizontal ténu correspondant aux caractéristiques des couches de rejet d’atelier de saunier a été enregistré à une cote équivalente : NGF +85 cm (nodules d’argile cuite en granulométrie fine, charbons de bois). Ces éléments sont des indicateurs de proximité d’une activité saunière. Compte tenu de la dynamique, il paraît difficile de comparer les altitudes pour tester la contemporanéité des occupations, d’autant plus que la pilette isolée a pu être enfoncée. Dans ce cas, elle pourrait être contemporaine du site selon les propositions de l’étude pollinique (cf. infra). Méthodologiquement, l’hypothèse, quoique peu probable, que ces éléments soient témoins d’une activité antérieure, ne peut être totalement rejetée.
Difficultés d’une approche paléoenvironnementale
105l.m.
106Si l’on se base sur les pourcentages relativement faibles des chénopodiacées (13 % et 8 %) et du chêne (4 % et 2 %), les spectres polliniques du site semblent se corréler difficilement avec ceux de la coupe Brigitte qui comportent en moyenne 45 % de chénopodiacées et 17 % de chêne. Au‑dessous de 124 cm NGF, la corrélation paraît exclue mais le fait que l’exploitation du sel ait été en partie contemporaine d’une période de dessalure du schorre pose problème. Par ailleurs, si l’on envisage que les échantillons du site à sel sont contemporains des niveaux inférieurs à 124 cm NGF, il convient d’expliquer les différences qui apparaissent sur le plan paléoenvironnemental, notamment dans les pourcentages de chénopodiacées. Or, il a été démontré que ces pollens peuvent être transportés sur de longues distances. Par conséquent, ils pourraient être mieux représentés aux abords du chenal que sur le site. Ce problème ne pourrait être résolu que par une date au radiocarbone, que malheureusement la nature du sédiment et l’absence de coquilles n’autorisent pas.
2.3.1.5 Les sauneries dans leur contexte régional
Les particularités technoculturelles des sauneries du littoral atlantique
107Le littoral atlantique est jalonné d’établissements de sauniers la plupart détectés par prospection, et dont quelques‑uns seulement ont fait l’objet de fouilles. Le mobilier caractéristique des sites à sel, que représentent avant tout les récipients de cristallisation, a suscité une littérature abondante. Leur forme est importante puisqu’ils répondent obligatoirement à des critères technologiques, liés à l’aspect économique et culturel du peuplement. Nicolas Rouzeau met ainsi en évidence trois grands types sur le littoral atlantique (Rouzeau 1985) : les récipients tronc‑prismatiques ou augets pour le faciès sud Bretagne, qui sont associés aux fourneaux en grille (cf. atelier de Brétignolles et reconstitution du fourneau, Rouzeau 1982), lesquels font place au sud des marais de Monts, en Vendée, à des récipients plus évasés ou barquettes (fig. 29), et les vases cylindriques ou godets s’y substituant au contact de la Charente. Cette distinction géographique pourrait correspondre aux territoires des peuples gaulois (Vénètes, Pictons, Santons) (Rouzeau 1985).
Historique des recherches dans le marais de Rochefort
108La recherche régionale concernant les établissements de saunier a été fondamentalement marquée par les nombreux travaux de Camille Gabet, alors président de la Société de géographie de Rochefort, à partir de la découverte en 1964 du premier site à Port Coutard (La Vallée), puis par la synthèse de Christiane Perrichet (Perrichet‑Thomas 1986) concernant les sites à sel d’Aunis et de Saintonge précédant de nombreux articles sur le thème du sel. Un hommage particulier doit cependant être rendu à Michel Favre, dont les innombrables prospections ont révélé la quasi‑totalité des sites régionaux. Quatre‑vingt‑douze sites sont actuellement répertoriés dont la plupart publiés dans la revue Roccafortis de la Société de géographie de Rochefort. Les établissements de saunier ont intéressé les chercheurs à divers titres : par leur mode de fonctionnement d’une part, en tant que marqueurs géographiques et chronologiques de la ligne de côte, contribuant ainsi à l’étude des variations du littoral marin d’autre part.
Les sites fouillés ou sondés
109Un seul site a été fouillé en Charente‑Maritime : il s’agit de l’Église, commune d’Esnandes, appartenant au groupe picton (Texier 1989). Aucun site n’avait fait l’objet de fouilles dans le marais de Rochefort : les interventions sont réduites à des sondages (La Petite Aiguille à Thairé, Grand Fourchis et Marais Plat à Muron, Ludène à Loire‑les‑Marais, Îlot 1 à Saint‑Augustin, Brève 1 à Étaules, Bois Souchaud à Saint‑Agnant). Les quatre premiers cités appartiennent au groupe picton dont seul celui de La Petite Aiguille a pu être attribué à La Tène finale par le mobilier associé. La date 14C effectuée (2050 ±110 BP) laisse une marge d’incertitude à partir de La Tène moyenne après correction (373/223 av./ap. J.‑C. selon Stuiver, Reimer 1993). Parmi les sites restants correspondant par le type de récipient au groupe santon, seuls l’Îlot 1 et Brèze 1 (Gabet 1976) ont livré du mobilier céramique caractéristique des périodes précédant la fin de La Tène, avec pour Brèze 1 des éléments plus tardifs laissant penser a priori à une occupation des lieux jusqu’à La Tène finale (Perrichet‑Thomas 1981 : 100)8.
La carte de répartition en Saintonge ou l’inventaire des sites prospectés
110fig. 37
111Sur les nombreux sites recensés, 94 sont retenus ayant fait l’objet d’une identification par le mobilier technologique.

FIG. 37 – Répartition géographique des établissements de saunier en Saintonge.
dessin P. Mille/Afan
Les ateliers de type santon
112Les gisements prospectés ayant livré des vases cylindriques sont au nombre de 28 (fig, 38). Parmi eux, 5 comportent également des fragments de barquette (La Bossette et La Prise des Viviers à Muron, La Prise de Porcheresse 3 et l’Île Jaulin 1 à Genouillé, et Port Coutard à Saint‑Hippolyte). Plusieurs gisements, représentatifs du faciès sud‑charentais, dont La Challonnière, débordent dans le marais de Rochefort. On en compte 5 sur la commune de Genouillé, 4 sur la commune de Muron, et le site du Trépied du Plomb à l’Houmeau qui représente le témoin isolé le plus septentrional avec ses voisins de La Richardière 1 et 2 (Texier 1989) (fig. 38). La Charente pourrait constituer une zone de transition où les deux faciès se côtoient. Lilard 2 à Genouillé et La Bossette 1 à Muron ont fourni respectivement un pied annulaire et un fragment de céramique peinte à l’hématite, formes directrices des ive‑iiie s. av. J.‑C. Ces deux sites, avec la prudence qui s’impose dans un cadre de prospection, pourraient être contemporains du site de La Challonnière. Sur l’ensemble des 20 sites qui ont fourni exclusivement des vases cylindriques, 9 ont livré uniquement des formes ubiquistes antérieures à La Tène finale, de tradition Bronze final à hallstattienne sans qu’il soit possible de préciser davantage leur chronologie : impressions digitées sur bord, impressions obliques sur panse, jatte à bord biseauté (Perrichet‑Thomas 1981 : 188). Un seul site parmi eux (Brèze 1, cf. supra) a livré en plus de ces formes des éléments plus tardifs.

FIG. 38 – Répartition géographique des sites à vases cylindriques : 1 Lilard/Treize Œufs no 4 ; 2 Muron/La Bossette no 1 ; 3 Muron/Prise des Viviers no 1 ; 4 Genouillé/Prise de Porcheresse no 2 ; 5 Genouillé/Prise de Porcheresse no 3 ; 6 Genouillé/Prise de Lilard no 2 ; 7 Genouillé/île Jaulin no 1 ; 8 Genouillé/Prise d’ivraie ; 9 Tonnay‑Charente/La Chailonnière ; 10 Saint‑Hippolyte/Port Coutard ; 11 Échillais/Les Chaumes de Varaize ; 12 Saint‑Agnant/Bois Souchaud ; 13 Port‑des‑Barques/île Madame ; 14 Port‑des‑Barques/Piédemont ; 15 Les Mathes/Trier Rouge no 1 ; 16 Les Mathes/Trier Rouge no 2 ; 17 Étaules/Brèze no 1 ; 18 Étaules/Brèze no 2 ; 19 Étaules/Brèze no 3 ; 20 Saint‑Augustin/Rivière Ouest no 1 ; 21 Saint‑Augustin/L’îlot no 1 ; 22 Saint‑Augustin/L’îlot no 2 ; 23 Saint‑Augustin/L’îlot no 3 ; 24 Saint‑Augustin/L’îlot no 4 ; 25 Saint‑Augustin/L’îlot no 5 ; 26 L’Houmeau/Le Trépied du plomb ; 27 Marsilly/La Richardière 1 ; 28 Marsilly/La Richardière 2.
dessin P. Mille/Afan
Les ateliers de type picton
113Les sites à barquettes du groupe picton pénètrent largement au sud de la Charente : sur les 34 recensés dans cette géographie, 10 appartiennent à cette catégorie dont 3 en bordure du marais de Brouage, 2 dans le marais de la Seudre, et enfin 5 dans le marais de Saint‑Augustin. Tous ceux qui ont livré du mobilier sont attribués à la fin de La Tène.
Godets et barquettes : critères chronologiques ?
114Le facteur chronologique doit certainement jouer mais il est difficilement contrôlable en raison des datations incertaines des sites qui reposent pour la plupart sur du mobilier trouvé en prospection. Cependant, compte tenu des données, les sites à vases cylindriques paraissent a priori plus anciens que les sites à barquettes qui sont associés couramment aux formes céramiques de La Tène finale. La répartition des sites tendrait à montrer que si le groupe santon paraît bien localisé au sud et dans la zone de contact de la Charente, l’aire de répartition du groupe picton est largement plus diffuse. Si ce groupe est réellement lié à une activité chronologiquement plus tardive, sa diffusion plus importante est sans doute à mettre en relation avec une recherche de productivité accrue à la fin de La Tène, comme c’est le cas à La Petite Aiguille (Gabet 1973) et à Nalliers (Daugas et al. 1989). La production de Nalliers est chiffrée de 3 000 à 5 000 t pour une période évaluée a priori à 5 ans, son activité étant abandonnée au milieu du ier s. de notre ère. Ce site, selon N. Rouzeau, est sans doute un témoin de la limite de la technique pour la productivité, annonçant avec son extinction l’avènement de la méthode des marais salants avec la romanisation (Daugas et al. 1989 : 30).
La question des habitats
115Si le pays de Retz a fourni de nombreux habitats mis en relation avec les sites à sel (Tessier 1986), la recherche régionale dans le marais de Rochefort et en Saintonge paraît peu favorisée en ce domaine. Pons (Lassarade 1986) et Muron (Favre 1973) sont des habitats bien connus à La Tène finale (le sanctuaire de Muron a toutefois été occupé à La Tène moyenne). Il est certain que Muron a entretenu des relations avec les sites à sels environnants, compte tenu des fragments de barquettes et d’autres mobiliers technologiques ramassés sur le site. D’autres habitats laténiens au sens large sont cités (Perrichet‑Thomas et al. 1975 : 234) auxquels viennent s’ajouter les derniers éléments provenant des découvertes de prospection.
116La relation site à sel/habitat est difficile à mettre en évidence, d’une part en raison de l’indigence de la documentation archéologique, et ensuite parce que les indices révélateurs d’une activité saunière sur un site d’habitat sont souvent très ténus (fragments de pilettes ou augets isolés) et échappent ainsi facilement à la vigilance de l’archéologue. Le site d’habitat vendéen (A 83) du Grand Paisillier a livré ainsi plusieurs pilettes en contexte La Tène C2 (Nillesse à paraître).
Les ateliers de sauniers et les lignes de rivage
117fig. 39
118La carte de répartition montrant l’ensemble des ateliers de sauniers, de type picton, santon ou indéterminé, illustre l’état des connaissances actuelles de l’occupation superficielle des sols dans le marais de Rochefort à partir des prospections pédestres. Les sites isolés sur le marais sont trop peu nombreux pour que puissent se dessiner d’éventuels chenaux. Ceux qui existent appartiennent au groupe picton, attribuables à la fin de La Tène comme l’a souligné C. Perrichet. Cette carte est difficile à exploiter dans la mesure où la prospection ne livre pas les sites enfouis, donnant ainsi un aperçu incomplet de leur répartition. Les sauneries réparties sur les versants ne répondent pas à des critères typologiques ni chronologiques. Il semble par contre cohérent, compte tenu des impératifs exposés plus haut, que le choix des versants pour l’implantation d’un site soit conditionné par la présence d’eau douce et de combustible.

FIG. 39 – Répartition géographique des établissements de saunier dans le marais de Rochefort.
Sites à vases cylindriques : 1 Muron/Treize Œufs no 4 ; 2 Muron/La Bossette no 1 ; 3 Muron/Prise des Viviers no 1 ; 4 Genouillé/Prise de Porcheresse no 2 ; 5 Genouillé/Prise de Porcheresse no 3 ; 6 Genouillé/Prise de Lilard no 2 ; 7 Genouillé/île Jaulin no 1 ; 8 Genouillé/Prise d’ivraie ; 9 Tonnay‑Charente/La Chalonnière.
Sites à barquettes : 2 Muron/La Bossette no 1 ; 3 Muron/Prise des Viviers no 1 ; 5 Genouillé/Prise de Porcheresse no 3 ; 7 Genouillé/île Jaulin no 1 ; 15 Thairé/Petite Aiguille ; 18 Ciré‑d’Aunis/Pont de Lagord ; 22 Ciré‑d’Aunis/Le Roquet ; 23 Ciré‑d’Aunis/Le Verger du Sud ; 24 Ardillières/Les Taillées ; 29 Muron/Treize Œufs no 1 ; 30 Muron/Treize Œufs no 2 ; 31 Muron/Treize Œufs no 3 ; 32 Muron/La Garenne ; 33 Muron/île du Breuillat ; 34 Muron/Le Fourchis ; 35 Muron/La Boissonnée ; 36 Muron/Les Vallées ; 37 Muron/Lève Cul ; 38 Muron/Le Marais plat ; 39 Muron/La Mazarine ; 40 Muron/La Bossette no 2 ; 41 Muron/La Bossette no 3 ; 42 Muron/Prise des Viviers 2 ; 43 Genouillé/Prise de Porcheresse ; 44 Genouillé/La Cabane des Chariots ; 45 Genouillé/Prise de Lilard no 2 ; 52 Breuil‑Magné/Péré des Ouailles ; 54 Loire‑les‑Marais/Le Chiron ; 55 Loire‑les‑Marais/Ludène ; 56 Tonnay‑Charente/Les Bosses à Guillon ; 57 Tonnay‑Charente/Le Reguin du pont des groies ; 58 Tonnay‑Charente/Villeneuve ; 59 Saint‑Nazaire/Ségrienne ; 60 Breuil‑Magné/Côte de la Lance, Champs de Grue.
Sites indéterminés : 16 Yves/La Platière ; 17 Ballon/Petite Agère ; 19 Ciré‑d’Aunis/Terrier Chevrier ; 20 Ciré‑d’Aunis/Les Grèves ; 21 Ciré‑d’Aunis/Petites Grèves ; 25 Ardillières/Chalon ; 26 Ardillières/La Béchée ; 27 Landrais/Petite Bourgne no 1 ; 28 Landrais/Petite Bourgne no 2 ; 46 Genouillé/Lilard ; 47 Genouillé/île Jaulin no 2 ; 48 Genouillé/île Jaulin no 3 ; 49 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Les Prés Rouges ; 50 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Basse Roche ; 51 Saint‑Laurent‑de‑la‑Prée/Champon ; 53 Breuil‑Magné/Liron.
dessin P. Mille/Afan
119Les analyses pluridisciplinaires récentes effectuées dans le marais de Rochefort et notamment en bordure du site de La Challonnière révèlent toutes une dynamique de comblement de type estuarien. La ligne de côte semble dès lors particulièrement difficile à appréhender, soumise aux débordements irréguliers et intempestifs de chenaux dont ni le nombre ni les parcours ne sont véritablement attestés (cf. schéma de chenaux toutefois proposé par Raymond Regrain [1981]). Considérant le schéma de dynamique estuarienne, les sites anciens peuvent être situés dans le marais et enfouis. En revanche, le raisonnement lié à une dynamique marine voudrait que les sites soient situés exclusivement sur la terre ferme des versants, selon la ligne de côte établie communément par C. Gabet et les chercheurs saintongeais. La position d’un site isolé sur le marais, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, n’est pas forcément révélatrice de sa position stratigraphique. Elle a pu varier dans le temps comme l’explique Raymond Regrain pour lequel ces terres légères et aérées s’exhaussent naturellement, à l’inverse du bri, lourd, qui développe une tendance au tassement (Regrain 1984). Il est nécessaire de souligner la difficulté qui réside dans l’interprétation de la position chronostratigraphique d’un site à la base d’un versant et sur le début du marais. C’est le cas à La Challonnière ainsi que sur de nombreux autres sites de prospections pour les raisons exposées plus haut d’une part, mais aussi parce que la dynamique de dépôt de bri est différente, qu’elle s’exerce au centre du marais ou en sa périphérie, sur les pentes d’un versant qui représentent mathématiquement le point le plus éloigné de la dynamique. Dès lors les comparaisons altitudinales deviennent caduques et ne doivent plus intervenir dans l’interprétation stratigraphique. La distinction purement archéologique des couches de bri étant illusoire, les moyens dont dispose l’analyse stratigraphique restent les analyses physiques.
2.3.1.6 Conclusion : l’intérêt du site de La Challonnière
120Bien que le site laténien de La Challonnière soit considérablement arasé, nous privant d’informations précieuses, ses intérêts sont multiples à divers titres, dans son cadre régional comme extrarégional.
Le cadre régional
121Le site de La Challonnière représente actuellement l’unique site appartenant au groupe santon ayant fait l’objet d’une fouille en Saintonge. Il apporte une dimension nouvelle à l’inventaire exhaustif des ateliers de sauniers et à l’exploitation des données de la prospection auxquels se sont attachés jusqu’alors les chercheurs régionaux. Sa chronologie rattachée au début de La Tène en fait le site le plus ancien du littoral atlantique après Préfailles en Loire‑Atlantique, auquel on doit les premières pilettes dans une structure en fosse attribuée à une période indéterminée de l’âge du Bronze par une date 14C calibrée (Tessier 1967 ; Langouët et al.1994 : 106). Même si l’évolution des techniques saunières est mal connue, les techniques anciennes du Néolithique ne semblent pas connaître les pilettes, les récipients reposant directement sur le foyer. L’éventail typologique de la céramique domestique contemporaine apporte des éléments nouveaux, là où pour les périodes anciennes à moyennes de La Tène, les éléments exploitables et la fouille d’occupations de quelque nature soient‑elles font cruellement défaut. La situation du site en bordure de marais saumâtre est privilégiée, puisque grâce aux moyens mis en œuvre et à une étroite collaboration avec les différents intervenants scientifiques, le cadre simple des structures archéologiques a pu être dépassé : les relations que l’homme a entretenues avec le milieu ont pu être abordées, impliquant naturellement l’analyse du paysage et de l’évolution de la morphologie du littoral.
Le cadre extrarégional socio‑économique
122Bien que de nombreuses inconnues demeurent encore à ce sujet, différentes phases de la chaîne opératoire sont interprétables par la confirmation des hypothèses de fonctionnement déjà vérifiées pour La Tène finale (Petite Aiguille et Nalliers). L’étude de la production de La Challonnière montre d’une part l’aspect ponctuel de l’activité dans le temps (1 à 2 fournées maximum) et prouve que cette production de faible envergure (environ 125 kg de sel) est logiquement inscrite dans un contexte de petite communauté bien avant les dernières productions de La Tène finale, qui lui seraient à l’année, d’après les évaluations, au minimum 5 000 à 10 000 fois supérieures (cf. Nalliers).
123Ces constatations diachroniques d’ordre socio‑économique posent inévitablement le problème de l’évolution du commerce, du transport, du stockage du lingot de sel en tant que référence sociale (valeur marchande, unité métrique, forme particulière) et de son utilisation (fig. 40), au‑delà de sa composition chimique9.

FIG. 40 – Des diverses utilisations du sel... Gravure sur bois, anonyme, 1557, BNF. « Entre autres vertus, le sel possédait celle de la force y compris de la force virile. Une coutume rurale consistait à saler les hommes au bon endroit pour leur redonner de la vigueur. » (Dunoyer de Segonzac 1991.)
cliché BNF
2.3.2 Une digue en limite de marais saumâtre
124Dès le décapage du secteur C est apparu un ensemble de pierres de modules divers, serpentant à la base du versant en limite de la partie sèche et de la partie humide. Le nettoyage de cet empierrement n’a révélé aucun aménagement particulier dans la partie S‑O du décapage. Par contre, cet empierrement s’est avéré structuré dans l’angle nord, bénéficiant sans aucun doute d’une meilleure conservation, à la cote NGF la plus basse du site. La fouille soignée de sa constitution a permis de dégager les différentes phases de construction.
2.3.2.1 Description et extension
125Un blocage de pierres de gros à moyens modules constitue la base de la construction. Sa largeur (5 à 6 m) permet une bonne portance sur le bri. Les blocs sont liés avec du bri ou simplement enfoncés naturellement dans le matériau. L’épaisseur de l’ensemble varie de 20 à 30 cm (fig. 41). Le double parement qui succède est reconnu sur deux assises légèrement rentrantes, dont la largeur avoisine 1,20 m. Les moellons grossiers et les blocs sont liés au bri. Enfin l’éboulis colmatant l’ensemble correspond à une couche d’abandon ou de démolition.

FIG. 41 – La Challonnière. Construction en pierres sèches : plan et coupe.
dessin H. Dartevelle/Afan
126Cet empierrement a été fouillé sur les 9 m correspondant à sa conservation dans l’emprise du décapage. Des sondages de repérage à la tige métallique effectués au nord du secteur décapé ont confirmé la présence de l’empierrement sur plus de 50 m. Côté sud, les vestiges de l’empierrement vraisemblablement désorganisé à l’époque médiévale se poursuivent sur une centaine de mètres, au‑delà du secteur décapé, jusque dans le champ voisin où la prospection a pu les mettre en évidence. Leur extension semble brutalement limitée à hauteur du passage d’un aqueduc souterrain.
2.3.2.2 Chronologie
127Les éléments susceptibles de dater la construction de l’ensemble sont extrêmement ténus, et leur confrontation offre une fourchette chronologique très large entre la fin de La Tène moyenne et l’an mille. Le mobilier archéologique est malheureusement absent des niveaux de construction. La couche de démolition est attribuée à l’époque médiévale : elle renferme divers fragments résiduels protohistoriques et gallo‑romains ainsi que des formes céramiques contemporaines de l’occupation des xe‑xiie s. La stratigraphie du site montre la postériorité de la construction par rapport à l’établissement de saunier attribué à La Tène moyenne.
2.3.2.3 Interprétation
128Cette structure linéaire extrêmement étendue reste difficile à interpréter compte tenu des inconnues relatives à sa chronologie. Le tracé initial au sud de l’emprise, suivant les courbes de niveaux, ou rectiligne dans l’axe de la portion conservée au nord, conditionne largement l’interprétation. Des niveaux de bri ont été mis en évidence sur la construction, l’hypothèse d’une digue en liaison directe avec l’environnement, isolant la partie sèche de la partie humide, reste la plus acceptable même si elle doit être vérifiée. Dans cette optique, la situation du paléochenal transversal est intéressante. Cette structure linéaire parementée pourrait alors correspondre aux premiers niveaux de construction d’une digue isolant une occupation du secteur des variations estuariennes.
129La réunion des données de terrain et de celles de la photo‑interprétation contribue à situer cette structure dans un cadre plus large : des traces linéaires parallèles et perpendiculaires à son axe sont visibles sur certaines missions IGN (fig. 43). Cependant elles demandent confirmation par une reconnaissance au sol.
2.3.2.4 Le paysage
130l.m.
131Deux échantillons examinés ont été prélevés sous et sur la digue (164 et 201). Les cortèges polliniques présentent un assemblage nettement dominé par les herbacées (graminées, chénopodiacées) qui entrent dans la constitution des prairies et des vasières proches du site. Les arrière‑zones marécageuses à typhacées et cypéracées sont plus importantes après la construction et témoignent d’une évolution plus avancée vers un marais fermé dans lequel la salinité est atténuée. Sur les terrains non recouverts par les eaux saumâtres et en dehors des marais palustres, la forêt est présente mais clairsemée. Le pin, apparemment dominant, est issu de pinèdes lointaines. Les autres variétés sont illustrées par le chêne, le noisetier, l’orme. L’armoise et les composées présentes dans le paysage peuvent évoquer la proximité de pâturages. Les cultures, en revanche, ne sont pas visualisées dans les spectres polliniques. Ce fort déboisement est comparable à celui qui est mis en évidence dans la coupe Brigitte, entre +175 cm NGF et +192 cm NGF. Ces analyses palynologiques ne permettent pas d’affiner la chronologie proposée pour la construction de la digue mais rien n’empêche d’effectuer une relation entre la proximité d’un établissement gallo‑romain et ce type de paysage, déboisé et probablement marqué par l’action de l’homme.
2.4 L’évolution du marais doux : drainage et assèchement
2 .4.1 Le drainage du marais avant l’an mille ou l’étude d’un parcellaire
2.4.1.1 Les fossés
132De nombreux fossés sont apparus lors du décapage du secteur C (fig. 42). Leur orientation est constante, N‑O/S‑E et N‑E/S‑O. Certains sont organisés en réseaux orthogonaux, déterminant au moins 2 parcelles de 450 et 510 m2. Les fossés mis en évidence entaillent le versant cénomanien. L’érosion a été active puisque seuls subsistent les fonds (puissance conservée 30 cm). Ils se prolongent dans la partie humide où ils sont manifestement mieux conservés. Ils apparaissent tardivement dans la stratigraphie du marais, mis en évidence sous la terre arable, sans conservation de niveau d’occupation contemporain. Le pendage obtenu par comparaison des NGF de fond de fossés varie de 2,5 à 3 %, conformément aux pendages de fossés de drainage ou de structures favorisant l’écoulement des eaux (fossés 113, 114, 115, 131, 211, 138). Les relations stratigraphiques montrent clairement la contemporanéité des fossés 113/114, 115/113, 138/212/214, 138/212. La plupart des fossés présentent des analogies quant au type de creusement (profil à bord oblique et fond plat : 113, 211, 212, 1501, 214) ou à la nature du remplissage. La couche d’occupation est souvent riche en malacofaune avec un sédiment limono‑argileux brun à gris foncé (1501, 1502, 113, 115) observé exclusivement dans les sections traversant la zone humide.

FIG. 42 – La Challonnière. Le parcellaire : coupe des fossés.
dessin P. Mille/Afan
2.4.1.2 Chronologie
133Un second creusement est parfois visible dans la coupe des fossés (138), avec une reprise de sédimentation riche en malacofaune (1502). Le remplissage supérieur de plusieurs fossés (113, 114, 115) a livré un certain nombre de céramiques attribuables aux xe‑xiie s. Compte tenu de la relative proximité de la surface ainsi que de l’érosion exercée sur le site, un doute peut subsister quant à la fiabilité de la chronologie. Toutefois, l’abondance du mobilier exclut a priori la possibilité d’une présence à titre résiduel, et dans cette perspective, les fossés auraient cessé de fonctionner, déjà colmatés lors de l’occupation médiévale aux xe‑xiie s. On peut donc envisager leur activité à une période antérieure indéterminée,
2.4.1.3 L’apport de la photographie aérienne
134L’examen de cinq missions IGN des années 1964, 1974, 1980, 1990 et 1991 a révélé d’une part de nombreuses traces linéaires témoignant d’anomalies dans le paysage proche du site de La Challonnière (fig. 43) et d’autre part, la prolongation dans le marais de fossés archéologiquement reconnus. Après avoir procédé à un premier tri, les traces linéaires semblent s’organiser en réseau orthonormé dont certains éléments se superposent aux données de terrain, tous les fossés archéologiquement reconnus n’apparaissant pas systématiquement sur les missions concernées. Cette étude de la photo‑interprétation, bien que sommaire, offre toutefois une vision plus large du parcellaire qui semble s’organiser de façon rayonnante à partir du versant.

FIG. 43 – La Challonnière et le parcellaire, a les données issues de la fouille (la digue apparaît en carrés blancs) ; b les données issues de la photographie aérienne (missions IGN de 1964, 1974, 1980, 1990 et 1991) ; c comparaison des données aériennes et de terrain et interprétation : la digue s’inscrit dans un parcellaire N‑S/E‑O, discordant des orientations N‑O/S‑E et N‑E/S‑O, dont les fossés comblés aux Xe‑XIe s. témoignent d’efforts d’assainissement anticipés dans l’anse de La Challonnière.
dessin H. Dartevelle/Afan
2.4.1.4 L’environnement et le parcellaire
L’environnement
135l.m.
136Les analyses palynologiques, fondées sur l’étude de deux échantillons seulement (113 et 115), n’offrent qu’une vision locale du paysage, c’est‑à‑dire celle de l’environnement proche des fossés. La prépondérance des herbacées évoque un paysage fortement déboisé, dans lequel la chênaie résiduelle a été largement entamée par les défrichements. Elle semble aussi éloignée du site. La végétation forestière à caractère humide est représentée avec l’aulne et le saule. Ces essences hygrophiles sont favorisées par l’existence de zones humides assez éloignées de l’habitat. Dans les endroits plus secs, la forêt dégradée est le domaine du noisetier. Les pâturages sont attestés par la présence d’espèces prairiales (cichoriées). Les cultures de céréales font également partie du paysage. La présence d’autres cultures est peut‑être attestée par l’abondance du type houblon‑chanvre, qui est un indice de la proximité de l’eau. Les secteurs entourant les fossés sont donc consacrés aux cultures et aux prairies. L’humidité ambiante existe cependant et favorise le développement des cypéracées et des typhacées, indiquant par là des difficultés de drainage ou encore la proximité de marécages. Il est tout aussi probable que ces espèces aient simplement colonisé la bordure des fossés, comme on peut le voir actuellement le long des drains des marais régionaux (fig. 44).

FIG. 44 – Typhacées bordant un fossé, Charente‑Maritime.
cliché H. Dartevelle/Afan
Le parcellaire sur le site
137La limite parcellaire est illustrée dans l’histoire du paysage agraire par divers types de clôtures (fossés, talus, haies), dont les fonctions sont variables (Ferdière 1988). Certaines formes de clôtures peuvent être associées : les fossés sont souvent flanqués d’un talus naturellement issu du rejet des terres, lequel en tant qu’élévation est davantage soumis à l’érosion et donc plus difficilement appréhendable par l’archéologie. La vocation première du réseau de fossés de La Challonnière est probablement liée à la nature même de l’environnement. Les milieux marécageux ont souvent fait l’objet de drainage dans un but premier d’assainissement. Les terres drainées, organisées en parcelles, sont alors plus favorables à une gestion agraire (défrichements, cultures, pacage) mise en évidence par les analyses palynologiques.
Approche historique de l’évolution du marais à travers les tentatives de drainage
138R. Regrain interprète la dynamique géographique de comblement du marais en trois temps, débutant d’abord par la formation de cordons littoraux, puis par un colmatage progressif en arrière de ceux‑ci, et enfin terminant par les marges plus difficiles à assécher en raison des apports liés aux ruissellements de surface. Les textes apportent de nombreux renseignements sur la morphologie du marais de Rochefort et mériteraient une étude exhaustive. L’exploitation des marais salants (Drouin 1935) est mentionnée à partir du xe s., principalement au nord du marais de Rochefort (Voutron, Ardillières) quoiqu’avec des points isolés (Moragne, Ile de Flay), puis s’étend au xie s. au sud (Yves, Fouras, Liron, La Lance) avant de gagner les marais de Brouage au xiies. (Delavaud 1880 : 191). En 1330‑1345, lors de la création d’un port au gué Charrau, un canal est creusé pour relier la Charente à la Gère. Il est fait mention d’un marais inondé une grande partie de l’année10. Au xviie s. une politique de drainage du marais est entreprise pour lutter contre les maladies et le taux de mortalité développé à cause de l’insalubrité des marais. Pierre Siette, ingénieur et géographe du roi, fait dessécher plusieurs milliers d’hectares en Aunis et bas Poitou entre 1643 et 1670. En 1699, une nouvelle paroisse est créée à Saint‑Louis et Petite Flandre (Brodu 1901 : t. I, 226).
139La Challonnière, bénéficiant d’une situation géographique favorable dans une anse très abritée, a probablement fait l’objet d’une initiative de poldérisation anticipée et localisée sur sa périphérie. Dans cette perspective anecdotique, il est naturel qu’elle ne soit pas représentative de la dynamique générale de comblement du marais ni de ses marges. Les études paléoenvironnementales montrent, par comparaison des différents carottages, combien le sondage Brigitte est nettement moins ouvert aux influences marines que la carotte 102.
2.4.2 Habitat de l’an mille en bordure de marais
140Les vestiges témoins de l’occupation médiévale sont conservés sur la partie basse du versant calcaire et se prolongent sur la bordure du marais, élément stratigraphique non négligeable puisqu’il témoigne de l’assèchement des marges à cette époque. Comme l’établissement de saunier sur lequel il est installé, l’habitat médiéval est considérablement érodé. Il devait probablement exister sur le sommet du versant, comme en témoignent des éléments colluvionnés au N‑E du site. Cette zone (fig. 47) avait par ailleurs été déclarée négative lors des sondages pourtant denses de l’expertise. Il est clair qu’il sera difficile de tirer des conclusions sur la nature de l’occupation sans en connaître l’extension initiale.
141Les structures mises en évidence sont celles d’un habitat en matériaux périssables. Les structures en creux repérées sont matérialisées par des trous de poteaux, de rares fosses détritiques, et des épandages de matériel qui permettent d’évaluer l’extension du site. Quelques structures linéaires peu profondes leur sont vraisemblablement contemporaines. La céramique, bien représentée sur le site, a fait l’objet d’une étude approfondie. Outre l’aspect technologique, morphologique et fonctionnel, une comparaison a été entreprise avec les ateliers locaux afin de déterminer la provenance du mobilier. Le paysage de La Challonnière, l’économie et l’impact de l’homme sur le milieu pourront être évoqués grâce à la conjonction de données paléoenvironnementales. Enfin, pour pallier l’indigence des données de terrain et ouvrir le propos, le cadre socio‑économique régional des xe‑xiie s. sera abordé à partir des textes.
2.4.2.1 Les structures d’habitat
142fig. 45, 46
Les trous de poteaux
143Ils sont trop peu nombreux pour offrir une organisation interprétable. Cependant des orientations N – E/S‑O sont perceptibles. Leur diamètre varie de 40 à 60 cm et leur profondeur n’excède pas 25 cm. Les pierres de calage présentes dans la quasi‑totalité des trous de poteaux sont roses à bleutées par l’action du feu. Il est archéologiquement vain de tenter de discerner la part d’un incendie probable, et celle de la récupération de matériaux provenant de l’occupation antérieure (établissement de saunier).

FIG. 45 – La Challonnière. Occupation médiévale : plan des structures.
dessin P. Mille/Afan

FIG. 46 – La Challonnière. Occupation médiévale : coupes des structures.
dessin P. Mille/Afan
Les fosses et les épandages détritiques
Les fosses
144Elles sont proportionnellement peu représentées sur le site. La fosse 109 de forme subcirculaire (diamètre 270 cm) au creusement régulier arrondi (prof. : 80 cm) présente un remplissage argileux et organique. Le mobilier y est particulièrement peu abondant. Cette fosse entaille le bri, peu épais à cet endroit du site où il affleure (20 cm) et traverse successivement les sables et le calcaire cénomanien (fig. 47). Les structures 103, 104, 106 ne présentent pas les caractéristiques habituelles des fosses. Leurs formes sont oblongues. Les dimensions et les profils très évasés évoquent davantage une dépression qu’un réel creusement (longueur variant de 250 à 400 cm, leur largeur de 90 à 100 cm, leur profondeur n’excédant pas 25 cm). Elles présentent les mêmes orientations N‑O/S‑E, dans l’axe de la pente donnée par le versant. Le limon brun organique qui constitue le remplissage emballe de nombreux débris de céramique, des vestiges faunistiques divers parmi lesquels la présence d’huîtres est largement prépondérante.

FIG. 47 – La Challonnière. Occupation médiévale sur le bri : la fosse 109 et les épandages.
cliché H. Dartevelle/Afan
Les épandages 107, 108, 110, 111, 130, 159
145Une grande partie du mobilier archéologique provient de ces épandages, caractérisés par un sédiment argileux sombre et par la concentration spatiale du matériel. Ils correspondent probablement à des pièges de matériels dans des dépressions naturelles du terrain. Même si leur absence sur le versant peut trouver une explication dans l’érosion, il est intéressant d’un point de vue stratigraphique de constater leur répartition en ceinture sur la fin de la partie humide bordant le versant.
Les fossés 131, 132 et 176
146Ces trois fossés sont stratigraphiquement postérieurs au parcellaire orthonormé cité plus haut, dont ils diffèrent aussi par leur orientation, leur morphologie et leur remplissage. L’orientation N‑O/S‑E est conforme à celle mise en évidence par les trous de poteaux. Les fossés 131 et 132 présentent un creusement régulier en cuvette peu profond. Un limon argileux brun à gris foncé constitue le remplissage. Le mobilier livré est contemporain de l’occupation. Le fossé 176 présente les mêmes caractéristiques.
2.4.2.2 Le mobilier céramique
147a.b.
Méthodes
148Le matériel archéologique découvert dans les contextes médiévaux est de différentes catégories : céramiques pour 90 %, ossements d’animaux (essentiellement bovidés), huîtres et coquillages marins, et quelques objets en fer. Le lot de céramiques est constitué de 1 300 tessons. L’ensemble est extrêmement fragmenté et seulement deux formes sont archéologiquement complètes. Les méthodes de travail ont été fonction du petit nombre de tessons et limitées par la quasi‑absence de formes complètes. La classification a été établie selon deux critères : les pâtes et les dégraissants. Quatre groupes de pâtes ont été définis et les dégraissants ont été codés selon leur nature et leur quantité. L’étude morphologique a été rendue difficile par l’impossibilité d’associer un fragment de rebord à une forme définie : pot sans anse et pot avec anse notamment. Une seule sériation a été effectuée sur les rebords dits « en bandeau », extrêmement nombreux dans le lot (82 bandeaux sur un nombre total de 100 rebords). Deux groupes ont été distingués : les bords obliques et les bords verticaux. La seule quantification possible consiste à définir le nombre minimum d’individus, en prenant en compte les bords, éléments les mieux représentés dans la série. Sur les planches graphiques, le mobilier sera présenté par ensembles clos, et par formes lorsqu’il s’agit de matériel d’épandage.
Étude technique
149Tous les tessons ont été observés à l’œil nu et quelques‑uns plus attentivement à la loupe binoculaire, afin d’identifier les dégraissants11.
Les types de cuisson
150Deux types de cuisson ont été définis, l’un en atmosphère oxydante, l’autre en atmosphère réductrice. La majorité des céramiques a été cuite en atmosphère oxydante, ce qui lui confère une couleur claire. Deux groupes ont été distingués : le premier comprend des pâtes de couleur blanche et beige, le second des pâtes de couleur rouge et orange. Le premier est le plus important numériquement : 532 tessons contre 323 pour le second. La cuisson en atmosphère réductrice est peu représentée : seulement 135 tessons sur le total de 1 300. La couleur de la pâte est alors grise ou noire. Il faut signaler ici une catégorie de pâte très particulière cuite en atmosphère réductrice, et assez bien représentée (la moitié des tessons de cette catégorie). Il s’agit d’une pâte de couleur bleue, extrêmement cuite, presque grésée, et dure au toucher.
Les types de dégraissant
151Les céramiques sont fabriquées dans des pâtes sableuses, fortement dégraissées. Seuls deux pichets échappent à cette règle. Ils sont réalisés dans des pâtes fines, dont les dégraissants ne sont pas visibles à l’œil nu. L’un est en pâte blanche très fine (fig. 50, no 29), l’autre en pâte rouge peu dégraissée (fig. 48, no 30). Les dégraissants sont le plus souvent des quartz associés à des oxydes ferriques. L’examen d’un échantillonnage à la loupe binoculaire a permis de les caractériser plus précisément. Les grains de quartz sont majoritairement transparents et orange ; leurs tailles sont très variables. Quelques tessons, de pâte beige ou orange, montrent l’adjonction de micas : ils sont toujours très petits et blancs. On peut noter également la présence de quelques vacuoles noires, non déterminées. La quantité des dégraissants est un élément essentiel pour la caractérisation de ces céramiques. Les pâtes cuites en atmosphère oxydante sont de façon globale très dégraissées, avec du quartz et des oxydes ferriques. Les grands vases de stockage (cf. supra 2.2.3.2) sont exclusivement réalisés dans une pâte beige dont la rugosité est due à l’abondance et à la grosse taille des grains de quartz. Les pâtes cuites en atmosphère réductrice, de couleur bleue, sont moyennement dégraissées et seulement par du quartz. Il est possible que ce type de cuisson ait fait disparaître d’autres catégories de dégraissants.

FIG. 48 – La Challonnière. Mobilier médiéval : 1‑16 céramiques du contexte 103 ; 17‑23 contexte 109 ; 24‑29 contexte 114 ; 30‑37 contexte 113.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie. Laval, J.‑L. Hillairet/Afan, B. Vequaud/Afan
Étude morphologique
152Comme nous l’avons déjà évoqué, il convient d’émettre des réserves sur l’étude morphologique, puisque le matériel est extrêmement fragmenté. Il est par exemple difficile d’attribuer les anses (plus de 40 exemplaires) à des pots de type coquemar ou à des cruches. De la même façon, si l’on peut attribuer les fragments de bords en bandeau à des oules (pots sans éléments de préhension ni bec verseur), il est impossible d’étudier la forme globale du vase.
Les formes fermées (104 individus)
153La forme la plus répandue est la oule, associée à des bords en bandeau. Ceux‑ci sont des critères essentiels au Moyen Âge (Cuisenier, Guadagnin 1988 ; Nicourt 1986). Les anses sont rarement associées à ce type de pot : seuls deux individus se rattachent à des bords en bandeau et peuvent appartenir à la catégorie des coquemars (?). Les fonds de ces oules sont toujours plats (fig. 49, nos 17 et 37 ; fig. 48, no 22 ; fig. 50, nos 30 à 35), et non lenticulaires comme cela a été remarqué en Ile‑de‑France (Cuisenier, Guadagnin 1988), en Limousin (Antignac, Lombard 1985 : 163) et surtout dans le bassin rhodanien (Faure‑Boucharlat et al. 1980 : 431).

FIG. 49 – La Challonnière. Mobilier médiéval : 1‑30 céramiques du contexte 106 ; 31‑34 contexte 115 ; 35‑39 contexte 119.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie, Laval, B. Vequaud/Afan
Les bords en bandeau (82 individus)
154Ils présentent une grande variété de profil et de qualité d’exécution (fig, 48, nos 2, 3, 4). Une sériation a été établie en deux catégories : les bandeaux obliques (fig. 50, nos 12 à 17), inclinés vers l’extérieur, et les bandeaux verticaux (fig. 50, nos 1 à 11). Ces derniers sont les plus nombreux : 59 verticaux pour 23 obliques. Cette sériation n’apporte aucune information d’ordre fonctionnel, chronologique ni technique (un type de rebord réalisé dans un type de pâte par exemple). Comme c’est généralement le cas, la morphologie des bords en bandeau est très variable dans un même espace géographique et pour une même période d’utilisation (Nicourt 1986 : 282). Treize individus présentent des bords différents : soit les lèvres sont épaisses et arrondies (fig. 49, no 34 ; fig. 50, nos 24 à 26), soit elles sont évasées vers l’extérieur, la gorge étant marquée sur la face interne (fig. 48, no 21 ; fig. 50, nos 21 à 23). Les diamètres varient entre 13 et 16 cm. Ce type de rebord est fréquemment associé avec un départ d’anse et semble plutôt appartenir à la catégorie des cruches (fig. 48, no 10 ; fig. 49, no 19 ; fig. 50, nos 19 et 20).

FIG. 50 – La Challonnière. Mobilier médiéval, typologie : 1‑11 bandeaux verticaux ; 12‑17 bandeaux obliques ; 18‑26 bords divers. 27, 28 cruches ; 30‑35 fonds ; 36‑42 vases de stockage.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie, Laval, B. Vequaud/Afan
155Le répertoire des formes fermées s’enrichit d’autres éléments : les vases à liquide. On peut noter la présence d’une gourde à goulot cylindrique (fig. 49, no 29), de deux pichets, dont l’un globulaire avec un bec ponté (fig. 48, no 30), et de deux becs tubulaires attribués à des cruches (fig. 50, nos 27 et 28). Seuls les deux pichets, réalisés dans des pâtes différentes (cf. supra Les types de dégraissant), se dissocient de l’ensemble. Toutes ces formes sont caractéristiques du vaisselier des xe‑xiie s. (Nicourt 1986 ; Antignac, Lombard 1985 ; Faure‑Boucharlat et al. 1980).
Les grands vases de stockage
156Le diamètre extérieur des bords est compris entre 26 et 46 cm, la moyenne étant autour de 40 cm. Les diamètres des fonds sont compris entre 28 et 33 cm. Les rebords sont hauts, horizontaux et la panse s’évase ensuite largement vers l’extérieur. Ces vases sont tournés et toujours réalisés (sauf une exception) dans une pâte à cuisson oxydante beige, très fortement dégraissée. Tous ces vases sont décorés. Il s’agit soit de cordons en relief surajoutés, décorés d’impressions digitées, placés horizontalement sous le col (fig. 48, no 17 ; fig. 50, nos 38, 39 et 42) ou verticalement sur la panse (fig. 48, no 18), soit d’impressions digitées réalisées sur la paroi même du vase (fig. 50, nos 37, 40 et 41). On peut remarquer la présence d’un décor à la molette sur la paroi d’un vase de stockage et sur un col (fig. 49, no 30 ; fig. 50, no 37). Ces cléments décoratifs sont vraisemblablement fonctionnels, servant de renfort au niveau du col ou permettant la rigidité des vases lors du séchage (Antignac, Lombard 1985 : 163).
157Fig. 50
158Il faut inclure dans cette catégorie de récipients un fragment de « chamotte », vase de terre non cuit ou très peu cuit. Ces vases, en général polis sur leur surface interne, devaient être placés dans le sol avec une fonction de conservation. Des exemplaires sont connus régionalement à Niort (sondages de la place du Donjon) et à Saintes (fouille de Diconche) (Doyen 1991 : 104). Ils sont datés des xe‑xie s. en référence à des découvertes faites en contexte stratigraphique dans les fouilles urbaines de Saint‑Denis (Seine‑Saint‑Denis).
Les décors
159Ils sont extrêmement rares sur les céramiques étudiées, hormis sur les vases de stockage bien sûr. Les deux pichets présentent des traitements de surface très altérés. L’un montre les traces d’un engobe et l’autre une glaçure verte partielle et pâle. C’est le seul élément glaçuré de la série, Quatre tessons de panse (pâte beige) présentent un décor de molettes : à lignes parallèles (fig. 48, no 11 ; fig. 49, no 27), à lignes parallèles et perpendiculaires (fig. 49, no 28) et avec un motif constitué de lignes croisées (fig. 48, no 12). Ces décors restent toutefois extrêmement simples dans leur réalisation. Un individu, unique, est très intéressant par la qualité du décor qu’il développe. Il s’agit d’une forme fermée, à rebord arrondi vers l’extérieur, présentant un relief de « vagues » réalisé par le pincement de la pâte sous le col (fig. 48, no 29). La forme générale du pot n’est pas connue. Des fragments similaires ont été mis au jour dans des contextes archéologiques équivalents et proches géographiquement (cf. doc. 4).
DOCUMENT 4
Traces d’une occupation médiévale
des xe‑xiie s. à Chasserat (commune
de Cabariot)
a.b., j.‑l.h.
Le gisement de Chasserat est localisé au fond d’un vallon peu profond, progressivement comblé par des colluvionnements. Ceux‑ci proviennent du plateau environnant, constitué de calcaires gréseux, d’argiles et de sables du Cénomanien (Crétacé) (fig. C).
La stratigraphie reconnue est constituée de dépôts de pente (niveaux d’argile et de sable) d’une épaisseur de 2 m environ. Le mobilier archéologique contenu dans ces dépôts est pour l’essentiel en position secondaire. Il a en effet été apporté avec le colluvionnement naturel. Plusieurs périodes chronologiques sont interstratifiées : Mésolithique, Néolithique et Moyen Âge. Il faut également signaler la présence, 50 m à l’est, de quelques rares éléments attribués à une industrie du Paléolithique moyen, recueillis sur le rebord du plateau, dans un contexte topographique différent.
L’occupation médiévale est localisée sur une surface restreinte ; elle se caractérise par un mobilier céramique homogène, représentatif des xe‑xiie s. Aucune structure n’a été perçue, et il est difficile de savoir si ce matériel témoigne d’un niveau d’occupation en place ou s’il résulte du colluvionnement. Dans les deux cas, il apparaît probable que le site lui‑même (habitat ?) se trouve à quelques dizaines de mètres, hors de l’emprise des travaux autoroutiers.
Le lot céramique est constitué de 217 fragments. Les pâtes sont sableuses et la cuisson est oxydante pour la majorité des tessons, ce qui leur confère une couleur claire (blanche à rosée). Aucune forme n’est archéologiquement complète, ce qui rend difficile l’étude typologique. Cependant, 14 rebords sont identifiables, et plusieurs fragments de bords en bandeau, caractéristiques des xe‑xiie s., peuvent être rattachés à des coquemars ou des oules (fig. D, nos 1 à 4). Quelques fragments de céramique proviennent de vases de stockage à gros dégraissants. Un seul élément, appartenant à une forme fermée, présente un décor (fig. D, no 5). Le bord est arrondi vers l’extérieur et le décor, obtenu par le pincement de la lèvre sous le col, présente un relief de « vagues ».
Le mobilier céramique, même s’il n’est que faiblement représenté, a un intérêt scientifique pour l’étude régionale de cette production à l’époque médiévale. Le lot de Chasserat peut en effet être rattaché, par les formes et par les pâtes, aux céramiques découvertes sur le site de La Challonnière, distant de 4 km. L’élément le plus comparable à la série de La Challonnière est le fragment au décor de « vagues ». Actuellement, ce type de décor n’est que très peu connu régionalement. Il est attesté sur l’atelier des Champs Rougeauds et sur les deux sites médiévaux mis au jour sur le tracé de l’A 837 (La Challonnière et Chasserat). Le gisement de Chasserat apporte donc un point supplémentaire dans la cartographie d’implantation des sites ruraux, pour une période transitoire entre les habitats isolés et l’apparition des paroisses. Il montre également une homogénéité des productions céramique entre deux sites proches géographiquement, peut‑être desservis par le même axe (le chemin saunier), dont l’importance a été montrée pour le gisement de La Challonnière.

FIG. C – Carte de localisation des sites.
dessin P. Mille/Afan

FIG. D – Céramiques de Chasserat.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie, Laval, J.-L. Hillairet/Afan
Chronologie et aspect fonctionnel de la céramique
Chronologie
160La datation des xe‑xie s. proposée pour le lot céramique a été établie selon deux paramètres : d’une part selon les résultats d’analyses de charbons de bois, et d’autre part selon des comparaisons avec d’autres collections. Un prélèvement de charbons de bois a été effectué dans le remplissage de la fosse 106 en vue d’une datation 14C (LY‑6319). La datation obtenue (1050 ± 50 BP) donne, après correction en années réelles, l’intervalle de 884 à 1102 ap. J.‑C. Les pics de probabilité étant situés à + 989 et ensuite à + 900, le xe s. apparaît comme la datation la plus probable. La datation par la céramique est en corrélation avec celles établies sur d’autres sites de références. Ainsi, les rebords en bandeau, ici majoritaires, sont caractéristiques des xe‑xiie s. Ils apparaissent de façon précoce dans l’ouest de la France, à Doué‑la‑Fontaine, où ils prendraient leur origine dans la première moitié du xe s. (Bouard 1976 : 269). Se généralisant au xie s., ils sont attestés sur plusieurs sites de l’Europe du Nord‑Ouest (Debord, Leenhardt 1975 : 222). En région parisienne, la plus large diffusion du bandeau se fait dans la seconde moitié du xiie s. (Nicourt 1986 : 279). J. Nicourt voit une évolution chronologique par l’inclinaison du profil : l’inclinaison vers l’extérieur serait la plus ancienne et évoluerait vers une verticalité de la face externe du bandeau. Cette observation, effectuée pour l’Ile‑de‑France, ne peut constituer un critère chronologique pour le site de La Challonnière, même si les bandeaux verticaux sont en nette prédominance (59 sur 82). La datation assez précoce des xe‑xie s. établie pour le gisement pourrait se rattacher à celle établie à Doué‑la‑Fontaine. Seule la présence de deux pichets, ici très faiblement représentés et ne provenant pas de contextes clos d’utilisation, discorde dans cet ensemble morphologiquement et chronologiquement homogène. En effet, les pichets à bec ponté et glaçurés apparaissent généralement aux xiie‑xiiie s. : soit les formes de pichets ont, dans cette région, une origine plus précoce, et cette hypothèse semble hasardeuse, soit ces céramiques témoignent d’une plus longue occupation du site, dont les niveaux supérieurs ont pu être érodés.
Aspect fonctionnel de la céramique
161L’étude de la céramique nous a également permis d’apporter quelques éléments sur l’identité du site. Une répartition spatiale du mobilier a été tentée pour cerner des zones préférentielles de stockage, d’habitat, etc. Malheureusement, aucune information de ce type n’a pu être recueillie. Les différentes catégories de formes se trouvent dans toutes les structures en creux : ainsi, les vases de stockage ont été recueillis sur l’ensemble du site dans des fosses comme en épandage. Le répertoire de formes est restreint : pots à cuire, vases à liquide et grands vases de stockage. Les oules, « Spots à tout faire », servent à la fois d’ustensile de préparation, de cuisson et de stockage. La fonction de cuisson est attestée par les nombreux rebords noircis sur leur face externe, par le contact direct avec le foyer. Des fonds présentent des traces d’utilisation similaires. Quelques bords montrent par leur gorge interne très marquée l’utilisation quasi certaine d’un couvercle (fig. 49, no 22 ; fig. 48, no 21), ce qui atteste leur fonction de stockage. La taille de ces vases est très variable (de 11 à 19 cm pour le diamètre extérieur du bord), ce qui montre des fonctions diversifiées. Les pots de grande taille (diamètre entre 16 et 19 cm) ne portent que très rarement des traces de feu et devaient servir à la préparation d’un repas familial ou au stockage. Les pots plus petits, donc plus manipulables, devaient avoir plutôt une fonction de cuisson (Fortune du pot 1990). Les cruches, les pichets et la gourde servent à la fois au transport et au stockage des liquides. Les vases à réserve ont une capacité importante de stockage. Le grand diamètre de leur ouverture montre qu’ils contenaient plutôt des denrées alimentaires solides (Bouard 1976 : 253). La pratique de stockage par grands contenants est intéressante sur un site où il n’existe pas de silo et où la conservation des grains pouvait également se faire dans des greniers construits sur pieux.
Les ateliers régionaux
Contexte régional
162Le site de La Challonnière, localisé sur la commune de Tonnay‑Charente, se trouve à proximité de la côte atlantique, des marais et de la Charente. La comparaison des céramiques entre un site d’habitat côtier et des ateliers de production connus a semblé être un axe de recherche intéressant pour l’étude des courants commerciaux. En Saintonge et en Aunis, peu d’ateliers de potiers sont connus et très peu sont étudiés. Excepté les sites de production de La Chapelle‑des‑Pots, situés au N‑E de Saintes, aucun site de production n’a été étudié de façon exhaustive. Les ateliers de La Chapelle‑des‑Pots ont produit, à partir du xiiie s., des céramiques à pâte blanche ou rose pâle et à parois minces (Potiers de Saintonge 1975). Un second atelier des xiie‑xive s. a été repéré en prospection sur la commune des Nouillers, au lieu‑dit La Grande Chenaudière. Cet atelier a produit, outre des céramiques communes, des pichets en céramique fine, glaçurés ou polychromes (Barraud 1988a). La céramique de La Challonnière ne peut en aucun cas provenir de ces deux ateliers.
Les ateliers des xe‑xiie s.
163Trois ateliers de cette époque sont actuellement localisés et leurs productions connues (fig. 51). Le premier est situé sur la commune de La Gripperie‑Saint‑Symphorien. Il se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Rochefort, en bordure de littoral. Ce site a fait l’objet de fouilles partielles en 1972. Les formes représentées sont des oules, des coquemars, des pichets à bec ponté et des vases de stockage. La plupart des bords sont verticaux sur leur face externe, la face interne est creuse (David, Gabet 1972 : 249). Les bandeaux sont rares. Les pâtes sont très cuites, de couleur blanche ou rose, et sont peu dégraissées. Ces éléments excluent ce gisement comme l’atelier producteur des céramiques de La Challonnière.

FIG. 51 – Localisation du site et des ateliers de potiers.
dessin P. Mille/Afan
164Le second atelier se trouve à Cadeuil, au lieu‑dit Le Bois du Grondin, à quelques kilomètres au S‑E du précédent. Il a été découvert fortuitement lors du percement de la départementale 733 et le matériel a été ramassé lors d’un sauvetage urgent. Des formes complètes ont pu être restituées et plusieurs ratés de cuisson, ainsi que des fragments de terre cuite, en attestent l’existence. Le répertoire des formes est constitué en majorité de pichets à bec ponté. Les types de rebord sont diversifiés ; il y a peu de bandeaux et ils se retrouvent plutôt sur des pichets. Il existe quelques décors de bandes appliques sur la panse et sur les anses des pichets. Les pâtes sont très cuites, de couleur blanc‑beige, rouge‑orange ou bleue. Elles sont assez dégraissées par des quartz blancs. L’examen rapide des pâtes, à l’œil nu, fait apparaître quelques similitudes avec celles observées à La Challonnière, mais le répertoire des formes est totalement différent, notamment en ce qui concerne les bords en bandeau.
165Le troisième atelier, sur la commune de Saint‑Hilaire‑de‑Villefranche, au lieu‑dit Les Champs Rougeauds, est situé à une dizaine de kilomètres au nord de Saintes, dans une zone totalement différente des deux précédentes. Le site, découvert en prospection de surface, a fait l’objet de sondages archéologiques : une surface de 16 x 10 m comprenant quatre fours et une zone dépotoir a été fouillée (Bauraud 1986). Une étude archéomagnétique a été réalisée sur trois des fours fouillés. Seule la datation d’un des fours peut être prise en compte : elle date la dernière cuisson entre 1125 et 1180 (datation archéomagnétique effectuée par I. Bucur, laboratoire de géomagnétisme du parc de Saint‑Maur). Les formes produites par l’atelier sont diverses : des oules à bord en bandeau (80 %), des coquemars, des pichets à bec ponté, des gourdes, des cruches à bec tubulaire, des pots à décor de « vagues », des grands vases de stockage, quelques couvercles et lampes à huile (fig. 52). Les pâtes sont très homogènes. La majorité est cuite en atmosphère oxydante, ce qui lui donne une couleur beige ou orange‑rouge. Une autre production, cuite en atmosphère réductrice, présente une couleur bleue. Les dégraissants sont nombreux et visibles à l’œil nu. Devant la similitude des pâtes (observation d’échantillons à la loupe binoculaire) et du répertoire des formes, des analyses chimiques ont été nécessaires pour confirmer ou infirmer la relation entre les deux sites. Ces analyses ont été réalisées par D. Dufournier (laboratoire de céramologie du Centre de recherches archéologiques médiévales de Caen) sur vingt échantillons, dix provenant de chaque gisement (cf. doc. 5). Les résultats concernant l’atelier montrent l’existence de deux sous‑ensembles, distingués seulement par une proportion différente de fer dans l’argile. Cette différence n’a aucune implication sur la nature géologique commune de la matière première utilisée, mais témoigne simplement de niveaux d’extraction distincts dans un même gisement. Cela n’influe également aucunement sur le répertoire des formes, produit indifféremment dans chaque sous‑ensemble. Pour le site de La Challonnière, les échantillons se partagent en deux groupes, correspondant aux deux sous‑ensembles définis précédemment. Un seul fragment de céramique se différencie par sa proportion de potassium et ne semble pouvoir être intégré dans ces groupes. Ainsi, au regard des analyses, des similitudes apparaissent entre les deux sites. Quelques éléments peuvent modérer cette vision : le petit nombre de tessons analysés et la fouille très restreinte de l’atelier. Malgré ces réserves d’usage, il est certain que les céramiques du site de La Challonnière ont été produites avec la même matière première argileuse que celle utilisée sur l’atelier des Champs Rougeauds. La comparaison typologique des formes entre les deux gisements corrobore totalement ces résultats. De plus, l’axe de diffusion entre ces deux sites est attesté historiquement. En effet, on constate au Moyen Âge le développement d’un axe de circulation est/ouest, dont la Charente est un parfait exemple. Ce courant permet aux habitants du littoral d’être approvisionnés en denrées de consommation, et aux habitants de l’intérieur des terres en sel et en poisson. Le commerce du sel, actif dès le xe s., avait plusieurs axes de diffusion : par la Charente et également de façon importante par voie terrestre. Il « suivait le chemin, encore appelé aujourd’hui chemin saunier » (Debord 1984 : 356). Ce chemin saunier passe à 400 m au nord du site des Champs Rougeauds, ce qui ouvrait à la production potière une voie d’exportation idéale vers la côte (Bauraud 1986 : 28). Ceci attesterait les échanges commerciaux entre un site de consommation établi dans une zone de marais asséchés et un site de production situé à quelque trente kilomètres à l’intérieur des terres.

FIG. 52 – Les Champs Rougeauds : quelques exemples de la production.
dessin A. Bocquet/Service départemental de l’archéologie, Laval, H. Hostein/Afan
DOCUMENTS 5
Analyse chimique de poteries
provenant des Champs Rougeauds
et de La Challonnière
D.D.
Les vingt échantillons analysés sont distribués selon les deux groupes suivants :
– dix échantillons proviennent des ateliers des Champs Rougeauds, référencés CR‑1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ;
– dix échantillons proviennent du site de La Challonnière, référencés TCH‑A, B, C, D, E, F, G, H, J, K.
Les compositions chimiques de ces vingt poteries sont présentées dans le tableau A. L’examen des résultats concernant les échantillons des Champs Rougeauds indique l’existence de deux sous‑ensembles que distingue leur proportion de Fe2O3 : un sous‑ensemble « A » regroupant les six échantillons CR‑2, 4, 5, 6, 7 et 10, avec un pourcentage moyen de Fe2O3 égal à 2,5 % et un sous‑ensemble « B » regroupant les quatre échantillons CR‑1, 3, 8 et 9, avec un pourcentage moyen de Fe2O3 égal à 4,0 %. Il s’agit là de la seule différence significative entre ces deux sous‑ensembles mais qui ne remet pas en question la nature géologique commune des matières premières argileuses utilisées. Cette différence peut simplement correspondre à des niveaux ou à des zones d’extraction distincts d’un même gisement d’argile. Il serait néanmoins souhaitable, sur un plan statistique, de poursuivre les analyses chimiques pour s’assurer de la pertinence de cette observation.
En ce qui concerne La Challonnière, les résultats sont un peu plus délicats à interpréter en raison de leur hétérogénéité. Il ne fait aucun doute que les quatre échantillons TCH‑A, E, G et J appartiennent à une même production. Celle‑ci peut être apparentée aux fabrications des Champs Rougeauds et plus précisément au sous‑ensemble « A » défini précédemment.
L’échantillon TCH‑C a probablement été fabriqué avec la même matière première argileuse que les quatre échantillons précédents. Il s’en distingue toutefois par son pourcentage de SiO2, plus faible. Cette différence peut s’expliquer par une proportion moins élevée d’inclusions siliceuses (sable) dans la pâte. (Si la proportion de SiO2 de cet échantillon est effectivement plus faible, en revanche celle de ses autres constituants chimiques est proportionnellement plus élevée, confirmant que la silice est bien l’unique responsable de la différence observée.)
Les trois échantillons TCH‑B, H et K s’apparentent au sous‑ensemble « B » des Champs Rougeauds. On note cependant que TCH‑H contient plus de CaO, MnO et P2O5 que les autres échantillons, c’est probablement le signe d’une contamination par un contenu particulier ou d’une conservation dans un milieu de type dépotoir ou latrine.
L’échantillon TCH‑F est, à la proportion de MgO près, très proche des trois précédents. Dans l’état actuel de l’étude analytique, il est difficile d’interpréter cette différence. Ce vase présente par ailleurs le même phénomène de contamination que TCH‑H.
Le dernier échantillon, TCH‑D, est différent de tous les autres spécimens analysés et sa proportion de K2O est singulièrement élevée. Il est peu probable qu’il appartienne aux productions des Champs Rougeauds.
La majorité des tessons de La Challonnière analysés peuvent donc être apparentés aux fabrications des ateliers des Champs Rougeauds. Toutefois, par précaution et dans l’attente de nouveaux éléments d’appréciation, il semble plus judicieux de proposer que les poteries de La Challonnière, du moins une partie d’entre elles, ont été fabriquées avec la même matière première argileuse que les produits analysés des Champs Rougeauds et qu’il faut donc rechercher leur origine de fabrication dans la zone d’exploitation de l’argile utilisée par cet atelier. Une attribution plus précise exigerait une comparaison morphologique et chronologique très fine et un nombre d’analyses plus important.

TABL. A – Composition chimique des poteries des Champs Rougeauds et de La Challonnière.
166Un élément intéressant à mettre en confrontation est la datation. En effet, sur le site de La Challonnière, les datations 14C donnent une fourchette calibrée de 884 à 1102 (xe et xie s.). Aux Champs Rougeauds, la seule datation archéomagnétique fiable donne une chronologie de 1125 à 1180 (xiie s.). L’atelier de production pourrait avoir une origine plus ancienne, et avoir produit et exporté des céramiques dès le xie s.
2.4.2.3 Le milieu naturel et l’économie
L’environnement
167l.m.
168Par rapport à l’état antérieur du parcellaire, aucune évolution nette n’apparaît dans le couvert forestier. Les arbres et les arbustes tels que le pin, l’aulne, le noisetier, le bouleau et la viorne sont peu représentés. Leur répartition est conditionnée par la présence de zones humides ou d’espaces éclaircis par les défrichements. La présence d’un parcellaire peut sous‑entendre l’existence de haies associant des essences héliophiles tels la viorne, le noisetier. Les rudérales (plantains, Polygonum), les composées et les céréales traduisent la présence de l’homme ainsi que des activités orientées vers l’élevage. Le chanvre, habituellement lié aux cultures en milieu humide, n’est pas rencontré. La présence moins marquée des plantes de marécage peut être due à la régression des marécages ou encore à leur absence le long d’un drain. Cette période d’occupation est donc trop courte, au regard de l’évolution généralement lente de la végétation, pour mettre en évidence des changements évolutifs autres que la régression des marécages, depuis l’époque antérieure à l’an mille. Ces données se corrèlent difficilement avec la coupe Brigitte, en particulier à cause de la pauvreté en pollens de l’échantillon 103. Si l’on se fonde sur le taux global de pollens, elles pourraient se corréler avec les niveaux compris entre +181 cm NGF et le sommet. L’absence de typhacées peut être cependant un argument pour montrer que cette période n’est pas représentée dans la coupe.
Les ressources du milieu naturel
169r.b., y.g.
Les amateurs d’huîtres
170y. g.
171Les dépôts d’huîtres rencontrés sur le site sont formés par l’espèce Ostrea edulis, huître plate, indigène des côtes de l’Atlantique français.
Morphologie des O. edulis (fig. 53)
172La majorité de ces huîtres s’appuyaient les unes contre les autres, ce qui se traduit par des structures particulières (fig. 53, B) « ailes », valves inférieures « carénées ». Ces huîtres soudées entre elles formaient des « bouquets » regroupés en bancs. Pour l’ensemble des structures, il y a plus de 15 « bouquets », quantité sous‑estimée. L’apex des valves inférieures est très souvent pointu. Les « talons » plats ou concaves sont assez rares et indiquent une fixation sur la roche. Il y a quelques traces d’ouverture des huîtres (fig. 53, C). Des encoches en coin ou en U ressemblent à ce qui a été observé ailleurs (Gruet 1993a). La structure de la population reconstituée (fig. 53, A) confirme la présence de toutes les tailles d’huîtres avec 23,6 % inférieures à 25 mm (H valve inf.) ou naissain. La hauteur des huîtres n’est pas très importante puisqu’elle dépasse peu les 8 cm avec une majorité entre 4 et 6 cm. Cette structure de population donne l’idée d’un peuplement complet indiquant que les huîtres furent collectées en paquets.

FIG. 53 – Morphologie des Ostrea edulis : A structure de la population d’Ostrea edulis (hauteurs des valves supérieures) ; B Ostrea avec une excroissance « aile » d’appui sur une autre huître ; C traces d’éraflures par un « couteau » ; D petit « bouquet » d’huîtres.
dessin Y. Gruet/université de Nantes
Malacofaune marine accompagnant les huîtres
173Accompagnant les « bouquets » d’huîtres, cette faune pouvait être vivante ou morte piégée par le récif. Les moules Mytilus edulis (maximum de 98 individus) et les pétoncles Chlamys varia (maximum de 30 individus) sont comestibles. Mais, sur 57 valves de pétoncles, 33 % sont inférieures à 20 mm et 31,6 % sont jointives. Ces critères tendent à écarter la consommation de ce bivalve ou au moins une pêche sélective volontaire. Anomia ephippium (3 individus) et l’éponge perforante Clione (1 cas probable) ne vivent qu’à partir du bas estran. Plus de 75 % des valves présentent des perforations de Polydora. Ces vers creusent leurs galeries dans la coquille, ce qui est à l’origine du « chambrage » de l’huître abondant dans les zones envasées. Les perforations de prédation par le gastéropode Ocenebra erinacea sont peu nombreuses : 1,8 % des valves. Les crustacés cirripèdes fixés sur les huîtres sont représentés par Balanus balanoides (plus de 90 %) et B. crenatus (rares). Enfin, l’absence de polychètes serpulidés plaide pour l’envasement et une possible dessalure. D’autres espèces accompagnaient les Ostrea : deux Ocenebra erinacea, Gibbula cineraria (1 individu), G. umbilicalis (2 individus), Littorina, Chiton, Nassarius, Saxicava, peu nombreuses, ont pu vivre avec les huîtres ou être piégées mortes. La faune morte, Corbida gibba, Spisula subtnmcata, Venus verrucosa, Acanthocardia sp., Nucula sp., Clathrus, etc., peut même provenir de biotopes assez éloignés.
174En conclusion ce dépôt est essentiellement constitué d’huîtres plates Ostrea edulis en un nombre finalement restreint (moins de 1 000 huîtres supérieures à 3 cm). Il est difficile d’évaluer le nombre de pêches, a fortiori le nombre de repas. Cependant le type de dépôt plaide en faveur d’un remplissage rapide ; aussi peut‑on estimer que le nombre de pêches ne devait pas excéder le nombre de dépôts (3). Cette pêche semble occasionnelle. La présence de ces huîtres pose par ailleurs le problème du mode de pêche, à pied sec et transport par terre, plus probablement en bateau en descendant la Charente puis en s’échouant ou encore par dragage. Il est sûr que les Ostrea pêchées formaient des « bancs » d’individus groupés en « bouquets ». Le substrat pouvait être dur car il y a quelques supports rocheux (calcaire), mais l’environnement vaseux domine. Le mode de croissance de la coquille, la manière dont elles s’accrochent les unes aux autres et la forme des talons de fixation sont autant d’indices d’une croissance en « bouquets » affectée par un envasement. On peut supposer qu’installées sur du rocher, par exemple en zone moyenne, certaines tombent plus bas dans la vase lors d’un coup de vent où elles servent de support au naissain d’autres huîtres. Les moules Mytilus et les pétoncles Chlamys varia sont en faible proportion et ne semblent pas avoir été pêchées intentionnellement. On ne peut néanmoins exclure une consommation. Il faut se méfier, dans la littérature archéologique, des longues listes d’espèces indiquées comme consommées sur le seul critère de présence, l’acte de pêche apportant souvent involontairement des espèces « associées ». La faune accompagnatrice évoque un biotope estuarien vaseux, ouvert à l’influence marine avec des eaux salées au flot, une dessalure possible au jusant ou à la période des pluies. L’abondance de Balanus balanoides fait penser à un milieu intertidal et à un biotope où la dessalure n’est pas extrême. Les espèces du bas estran sont peu abondantes. Actuellement les biotopes les plus semblables s’observent à l’île Madame. Au Moyen Âge les bancs de « plates » remontaient‑ils jusqu’à Fort Lupin ou la Pointe sans Fin ?
« Bourbettes » et canards
175r.b., y.g.
176Des fragments de tortue ont été identifiés (Roger Bout du laboratoire des Reptiles et Amphibiens au Muséum national d’Histoire naturelle), appartenant à l’espèce Emys orbicularis ou cistude d’Europe, plus connue sous les noms évocateurs de fangearde, faignarde, bourbette, bourbeuse ou bourbière... L’animal était adulte et sa carapace longue de 12 à 15 cm. Cette espèce est strictement inféodée aux cours d’eau et aux zones palustres ; très sensible aux modifications du milieu, elle n’a disparu que très récemment du marais de Rochefort, qui semble constituer actuellement la limite septentrionale de sa répartition dans l’ouest de la France (Servan 1987). Elle est citée à l’époque gallo‑romaine en Vendée (Collin de L’Hortet 1993). Il est probable qu’elle ait été consommée sur le site. Le nichage de canards sauvages dans l’environnement du site est révélé par la présence de fragment d’œuf de cane dans la fosse 103 (détermination Yves Gruet). Bien qu’intervenant à titre anecdotique, ces éléments contribuent à illustrer l’économie de subsistance mais aussi à appréhender l’environnement : la présence de canards sauvages et de tortues induit un biotope particulier capable d’assurer leur subsistance et leur nichage.
L’élevage
Le cheptel
177i.r.‑b.
178L’état de conservation des restes faunistiques est extrêmement mauvais : le pourcentage d’indéterminés est important, équivalant à 52 % de la faune (312 ossements dont 164 indéterminés). Ils sont très fragmentés et leur friabilité n’a pas permis une étude des traces de découpe. Seules les déterminations spécifiques ainsi que l’estimation de l’âge d’abattage ont été possibles. Les bovins sont les plus représentés (10 individus), avec deux individus abattus entre 2 et 5 ans, deux de plus de 2 ans, et quatre de plus de 5 ans. Le porc suit avec six individus, dont trois de 1 à 2 ans, et deux de plus de 3 ans. Les ovicaprins apparaissent avec trois individus dont un de plus de 4 ans, et le cheval avec 2 individus dont un de plus d’1 an. Compte tenu des âges d’abattage, une partie des bovins a été élevée pour la viande, tandis que l’autre (les individus de 5 ans minimum) a dû jouer un rôle dans les travaux agricoles. Le pourcentage important que constituent les bovinés et équidés dans le cheptel semble caractéristique d’une activité tournée vers l’agriculture.
De la volaille au poulailler
179y.g.
180Des fragments d’œufs de poule, d’oie domestique (fig. 54) et anecdotiquement de cane sauvage ont été mis en évidence dans le remplissage de la fosse 103 ; l’œuf d’oie est largement prédominant, si l’on en juge d’après l’épaisseur des morceaux variant de 450 à 640 microns.

FIG. 54 – Structure microscopique d’une coquille d’oeuf d’oiseau (oie), en vue externe à gauche, en vue interne la couche mamillaire à droite.
cliché Y. Gruet/université de Nantes
Le mobilier métallique
181Quelques rares objets en fer illustrent également la vie domestique. Deux couteaux ont été découverts dans une fosse (fig. 48, nos 13 et 14), ils ne présentent aucun caractère morphologique particulier et devaient avoir de multiples utilisations, outre le domaine culinaire (Cuisenier, Guadagnin 1988). Ils sont ici associés aux dépôts d’huîtres, probablement utilisés pour leur ouverture, comme en témoignent les traces mises en évidence par Yves Gruet (fig. 53). Parmi les objets en fer, on peut signaler également un fragment de pointe de javeline (fig. 48, no 37), dont des exemplaires sont connus dès le xie s. à Charavines (Colardelle, Verdel 1993 : 215), et un fragment de fer à cheval. D’après J. Duguet, le cheval évoque un certain statut social : dans la région il coûte plus cher et est moins répandu que l’âne qui est largement utilisé comme bête de somme (Duguet 1973). Selon Guilaine, le fer à cheval se développe au ixe s. (Guilaine 1991 : pl. 48) alors que pour d’autres auteurs, il faut attendre le xiiie s. pour que l’utilisation du cheval se généralise (Chapelot, Fossier 1980), quoique de façon différentielle suivant les régions.
L’habitat
182Malgré les lacunes archéologiques et compte tenu du type de céramique rencontré (cf. supra § 2.4.2.2), on peut raisonnablement penser que l’occupation du site correspond à un habitat stable. Cette hypothèse est appuyée par la représentation faunistique associée aux données palynologiques qui traduisent des activités orientées vers l’élevage et l’agriculture. Il n’est pas envisageable de préciser le type de tenure de La Challonnière (manse ou borderie, cette dernière étant principalement représentée dans l’ouest charentais d’après A. Debord). Bien que la conservation des vestiges ne permette pas de restituer un plan utilisable pour l’interprétation fonctionnelle, il semble toutefois apparaître deux zones d’alignements aux orientations constantes qui pourraient correspondre à deux unités a priori de petites dimensions. L’habitat est manifestement en matériau périssable. À partir des exemples connus, le passage de la construction en bois à celle de pierre semble s’effectuer entre le xe‑xie s. et le xiiie s. (Fourteau‑Bardaji 1991). Cependant il est clair que le choix des matériaux de construction doit varier selon la nature de l’habitat, tout en étant tributaire du milieu : dans le cas de La Challonnière, la proximité du marais pour l’approvisionnement en matière première (vase pour torchis, roseaux pour toiture, etc.) n’est certainement pas négligeable.
2.4.2.4 Ébauche du cadre socio‑économique régional des xie‑xiie s. à partir des textes
183À partir de la fin du xe s., les pays de la Charente connaissent un développement socio‑économique important, avec une accélération à partir de 1050. Cette phase d’expansion est marquée par un effort de productivité et une gestion affirmée du territoire, basée sur l’aménagement des marais, les défrichements et l’extension des cultures.
Le marais et ses activités
184Les marais de la Manche (Dol), de l’Atlantique (Guérande, Breton, Poitevin, Saintonge) ou du Languedoc ont connu une gestion par les hommes à partir de l’an mille. Seuls les polders flamands auraient été gérés un peu plus tôt à partir de l’époque carolingienne (Fourquin 1975). Les marais salants en Aunis et Saintonge ont fait l’objet d’une étude par A. Drouin (Drouin 1935). Ils sont exploités dès le xe s., cantonnés sur les communes actuelles de La Jarne, Yves, Angoulins et Aytré. Le port de Châtelaillon, au centre de ces communes, s’est sans doute enrichi grâce aux salines. Celles de Saint‑Agnant et d’Oléron n’apparaissent pas avant le xie s. dans les textes, et elles prennent le relais sur celles d’Aunis aux xiie s. et xiiie s. On sait par les textes que les zones humides ou « mottes » sont exploitées pour les cultures textiles (chanvre et lin) et les légumineuses (pois, lentilles, pois chiches, fèves) (Duguet 1973). Il s’agit de terres humifères situées le long des cours d’eau. Les « bossious » correspondent à des levées liées aux salines qui sont utilisées et mises en cultures, comme en témoignent les contrats d’édification et d’exploitation des salines au xiie s. (cartulaire de Notre‑Dame de Saintes, Duguet 1973). Enfin, des contrats de complants existent entre vignerons et sauniers.
185Les textes faisant mention du marais de Rochefort sont extrêmement pauvres. Pourtant une charte de Fouras du xie s. (Duguet 1962) fait mention de l’exécution d’une « besse » ou canal, autour des îles de Lance et Liron par les moines de Vendôme. La phrase suivante : « leurs animaux et ceux de leurs hommes jouiront sans aucune coutume de leur droit de pâture » démontre l’utilisation du marais en pacage. Le cartulaire de Saint‑Jean‑d’Angély mentionne un épisode relatif au droit de pacage pour les animaux des moines entre Yves et Voutron dans le cadre d’un litige entre le seigneur et l’abbaye12.
L’extension des territoires et ses ressources nouvelles
La forêt
186Elle couvre une importante surface à cette époque. À proximité de Tauniacum (Tonnay‑Charente), il s’agit des forêts de Saliz, de Baconais et d’Annepont (fig. 55) dont de nombreux microtoponymes témoignent encore aujourd’hui tels Les Brousses, Les Cherbonnières, La Charbonnière, Bois‑rond, Bois des Quarante Journaux, La Forêt, La Petite Forêt, etc. De grands défrichements sont entrepris. La grande vague est située d’après A. Debord dans le dernier quart du xie s. Les hommes en tirent des profits multiples : chauffage, construction, tonnellerie, batellerie. La seigneurerie foncière prospère avec l’acquisition de nouvelles terres.

FIG. 55 – Aspects du peuplement aux XIe‑XIIe s.
a le diocèse de Saintes : abbayes et essai de localisation des anciennes forêts (d’ap. Debord 1984 ; Duguet 1973).
Abbayes antérieures au XIe s. : 3 Saint‑Liguaire ; 7 Saint‑Jean‑d’Angély ; 14 Bassac.
Abbayes fondées aux XI‑XIIe s. : 1 Charron ; 2 La Grâce Dieu ; 4 Saint‑Léonard des Chaumes ; 5 Les Chateliers ; 6 Tonnay‑Charente ; 8 Fontdouce ; 9 Saintes ; 10 Sablonceaux ; 11 Vaux ; 12 La Frénade ; 13 Châtres ; 15 Masdion ; 16 La Tenaille ; 17 Baignes.
b bourgs, mottes et châteaux aux alentours de Tonnay‑Charente.
Les bourgs attestés avant 1200 : 1 Marennes (entre 1150 et 1200) ; 2 Muron (entre 1150 et 1200) ; 3 Pont‑l’Abbé (avant 1150) ; 4 Tonnay‑Charente (avant 1100).
Châteaux connus avant 1050 : 4 Tonnay‑Charente ; 5 Tonnay‑Boutonne ; 6 Rochefort ; 7 Soubise ; 8 Fouras ; 9 Voutron.
Mottes au XIe s. : 5 Tonnay‑Boutonne ; 10 Surgères ; 11 Beurlay.
dessin P. Mille/Afan d’ap. Debord 1984 et Duguet 1973
La vigne
187Les pressions exercées par les pays nordiques (Flandre, Angleterre, Elbe), qui entretiennent déjà un trafic commercial important avec le sel, motivent un encépagement rapide autour de La Rochelle, mais aussi de Niort, Saint‑Jean‑d’Angély et Tonnay‑Charente. Les abbayes mènent sans doute une politique viticole active (actes d’acquisition de vignes par l’abbaye de Saint‑Jean‑d’Angély ; Debord 1984). Rapidement au xiiie s., la notoriété des vins de Poitou est acquise, à tel point que Jean sans Terre les cite en priorité et en fixe le prix maximum pour l’importation en Angleterre (Fourquin 1975).
La structure sociale et le peuplement
188Les abbayes et prieurés ont un rôle fondamental dans la gestion de la terre. Outre l’hospitalité et l’aumônerie, ils sont souvent responsables des défrichements et de l’entretien des marais ; toutefois les textes les mentionnant concernent le marais Poitevin (le canal des cinq abbés, la châtellenie de Marans ; Duguet 1973). D’immenses territoires appartiennent aux monastères. Cluny possède de nombreuses abbayes, dont Saint‑Jean‑d’Angély qui représente le symbole de sa puissance. Elles exploitent les terres fertiles de Saintonge et d’Aunis, abandonnant les mauvaises terres du marais d’Aunis aux cisterciens. Parallèlement à l’essor économique, la majeure partie des abbayes est fondée aux xie‑xiie s. ; sur les 17 recensées dans le diocèse de Saintes, 3 seulement sont antérieures au xie s. (fig. 55). Le développement des bourgs apparaît en corollaire de l’essor démographique et économique. Ils fleurissent au xie s., et si quelquefois ils se constituent autour des abbayes, la grande majorité est d’origine entièrement rurale. Tonnay‑Charente est attesté avant 1100 : c’est un exemple de bourg castral. Les autres bourgs figurant sur la carte sont attestés avant 1150 pour Pont‑l’Abbé et entre 1150 et 1200 pour Marennes et Muron (Debord 1984).
189Parmi les châteaux mentionnés entre 1000 et 1050, A. Debord cite Tonnay‑Charente, Rochefort et Tonnay‑Boutonne. D’autres sont mentionnés un peu plus tardivement, entre 1050 et 1100 (Voutron, Fouras et Soubise). L’inventaire des mottes régionales livre peu d’informations utiles, les plus proches de ce secteur d’étude étant encore très éloignées (Beurlay au sud, Tonnay‑Boutonne à l’est, et Virson au nord). Le château de Tonnay‑Charente13 est mentionné pour la première fois en 1068. Mais, dès 1047, on rencontre la mention de Tauniaci domino qui atteste le château et le ban. En 1090 il est fait mention de l’église construite infra Tauniacenses muros par l’aïeul du seigneur de l’époque (Debord 1984).
190L’étude du peuplement met en évidence un essor démographique important. L’ordre féodal est moins rigide que dans la France du Nord, sans doute à cause de l’imprégnation romaine que Debord met en évidence. Les hommes s’affranchissent progressivement de la servilité jusqu’au début du xiie s. Parallèlement, le morcellement extrême de l’exploitation, caractéristique des xe‑xie s., accentué par le contrat de comptant, exprime l’éclatement de ta propriété partagée par de nombreux individus de souches diverses (Debord 1984). Certaines abbayes luttent contre cette dislocation et tentent de rassembler des parcelles : ce sont elles qui détiennent alors les grosses exploitations (Saint‑Jean‑d’Angély).
Le port de Tonnay‑Charente
191La première mention du port de Tonnay‑Charente apparaît dans les textes en 1241 (Dossat 1966 : 107) à l’occasion de la création d’un port au Gué Charrau à l’embouchure de la Devise dans le golfe de La Petite Flandre. Cette mention met simplement en valeur l’importance économique du port de Tonnay au milieu du xiiie s. En 1273, à l’occasion du partage entre les sept filles de la succession de Geoffroy IV, les ports de Tonnay et de Royan sont mis à part (contrairement aux petits ports comme Brou), conférant à ces ports une importance relative (Duguet 1989 : 11‑23). En 1313, l’importance économique du port est précisée : 174 tonneaux sont mentionnés à Tonnay (100 tonneaux correspondant à un navire respectable) (Dion 1959 : 353). Les textes sont peu prolixes en ce qui concerne les détails économiques et l’activité portuaire, bien que cette dernière soit développée par certains auteurs régionaux dont la fiabilité des écrits doit être remise en cause en l’absence de sources citées.
2.4.2.5 L’intérêt du site médiéval de La Challonnière
192L’intérêt du site de La Challonnière14 est manifeste dans le contexte de la recherche régionale. Un récent bilan montre que les données archéologiques lui font cruellement défaut (Fourteau‑Bardaji 1991) : les interventions archéologiques menées sur des habitats de cette époque, que ce soit en contexte urbain ou rural, sont malheureusement très rares régionalement et il n’existe aucun site de référence. Malgré le développement des fouilles urbaines, les céramiques attribuées aux xe‑xie s. sont souvent en contexte résiduel et peu de niveaux stratigraphiquement datés ont pu être observés. De la même façon, les réoccupations de sites antiques ou du haut Moyen Âge, attribuées à la fin de la période carolingienne, s’établissent toujours par comparaison, sans élément de datation absolue. Les quelques gisements connus et conservés, comme le village de La Crèche (79), ne sont pas fouillés (Fourteau‑Bardaji 1991 : 184‑185). Les sites de cette époque utilisés comme comparaison pour la datation sont souvent assez éloignés géographiquement (Doué‑la‑Fontaine en Anjou), ou particuliers par leur contexte historique (céramiques précoces de la motte d’Andone). La recherche régionale s’est d’autre part davantage centrée sur l’artisanat de la céramique pour les périodes plus tardives des xiiie s. et xive s. (Chapelot 1991). De plus, les textes sont peu prolixes en ce qui concerne l’artisanat céramique aux xie‑xiie s. (Debord 1984), alors que le contexte socio‑économique en pleine expansion devrait obligatoirement interférer sur cette activité. D’après J. Duguet, les potiers étaient des tenanciers parmi d’autres figurant en liste dans les textes ecclésiastiques concernant les droits et propriétés de l’Église. Ceux dont l’activité a pu être décelée sont des laboureurs soumis à la corvée avec leurs bœufs par exemple (au xiie s., terres de Muron et de l’île d’Albe, appartenant à l’abbaye de Saint‑Jean‑d’Angély, ainsi qu’à Marennes du domaine de Notre‑Dame de Saintes). Replacée dans son contexte, la série de La Challonnière est attrayante à double titre même si le gisement est très arasé et sans stratigraphie. Elle livre en premier lieu un lot homogène de céramiques, caractérisées par la description des pâtes et l’étude des différentes formes représentées et en second lieu, elle permet la comparaison du mobilier issu d’un site de consommation aux productions de trois ateliers locaux connus, pour établir des correspondances et lancer quelques hypothèses de recherche sur la diffusion d’une production céramique.
2.5 L’évolution géo‑archéologique de l’anse de La Challonnière (du Néolithique au Moyen Âge)
193Concernant les périodes du Néolithique et du début de l’âge du Bronze, des indices de sites montrent une occupation humaine, mais de façon trop ténue pour apprécier leur nature et leur localisation. Le versant de La Challonnière est déjà bordé par un marais littoral. Une végétation halophile colonise la partie haute, et, plus en arrière, un marais palustre et des forêts sont présentes.
194Au milieu de La Tène, des sauniers viennent implanter leur atelier sur la limite du versant, en bordure de ces zones devenues marécageuses à tendance saumâtre qui sont à la fois dessalées par des écoulements continentaux et drainées par des chenaux de marée. Au‑delà de cette implantation artisanale ponctuelle en bordure de marais, plusieurs éléments sous‑tendent un habitat plus en arrière et sont des indicateurs de l’exploitation d’un territoire (exploitation et gestion d’une forêt, élevage et culture).
195Après l’occupation laténienne, l’anse de La Challonnière évolue vers un marais fermé, où l’homme affirme sa présence par le déboisement de l’environnement, la présence de pâturages et surtout par la volonté de pallier les derniers débordements estuariens en construisant une digue. Des investigations plus poussées seraient nécessaires pour oser comparer chronologiquement et spatialement ces données mal datées avec les traces d’une occupation gallo‑romaine située sur le versant ouest de l’anse (révélées dans la phase de diagnostic du projet autoroutier).
196Succèdent à cette phase des cultures et des prairies, associées à des efforts de drainage importants dans l’échancrure et dans l’anse, et qui précèdent une occupation médiévale.
197Aux xe‑xiies., le versant est occupé par un habitat médiéval en matériau périssable, dont l’économie semble largement orientée vers l’élevage et vers les ressources naturelles du marais et du littoral. Les zones humides sont encore présentes, et des défrichements ont éclairci les massifs boisés. À travers l’étude des textes, A. Debord met en évidence l’exploitation de nouveaux espaces comme le marais qui est, à cette époque, couramment utilisé en pacage, et insiste sur l’importance des défrichements. C’est dans ce contexte plus large, où l’extension du territoire des peuplements se concrétise, qu’il faut replacer l’occupation médiévale de La Challonnière. Tonnay‑Charente est probablement au début de son développement pour devenir, au xiiie s., le bourg et le port très actifs connus dans l’histoire charentaise. Tous ces éléments devraient avoir une incidence sur la répartition des peuplements, et logiquement sur une dispersion possible de l’habitat qu’il faudrait pouvoir mettre en évidence.
198C’est donc sur une durée assez longue, du Néolithique aux xe‑xiie s. ap. J.‑C., que des indices plus ou moins tangibles indiquent l’occupation de cette zone de façon relativement continue par l’homme, le contexte géographique et les ressources du milieu lui étant sans doute favorables. Cependant l’homme semble affirmer sa présence au cours des temps. Les lieux sont fréquentés au Néolithique et au début de l’âge du Bronze ; si l’exploitation des ressources du milieu est attestée à partir de La Tène, les témoins d’habitat n’apparaissent réellement qu’à l’époque médiévale sur le versant. En tant que zone abritée et rapidement colmatée (échancrure dans une anse), ce secteur a sans doute été occupé plus tôt par rapport aux versants du marais de Rochefort, dès que le processus d’atterrissement a été suffisamment engagé pour autoriser une extension des territoires sur le marais.
199Ce schéma, bien que déjà trop théorique par rapport aux données d’une seule fouille, nécessiterait naturellement pour être réellement validé d’autres exemples, en des contextes géo‑topographiques similaires du marais de Rochefort.
Notes de bas de page
1 Ouvrier de fouille : Thierry Cruchet ; archéologues fouilleurs qualifiés : Éric Bayen, Fabrice Bergounioux, Diana Montaru, Brigitte Véquaud ; chargé d’études en géomorphologie : Claude Vella ; responsable d’opération : Hélène Dartevelle.
2 Émile Bernard, archéologue départemental, Fontenay‑le‑Comte ; Catherine Bizien‑Jaglin, centre régional d’Archéologie d’Alet, Saint‑Malo ; Roger Bour, laboratoire des reptiles et amphibiens du Muséum national d’Histoire naturelle ; André Debord, université de Caen, Jacques Duguet, Société de géographie de Rochefort, Michel Favre, Société de géographie de Rochefort ; Anne‑Marie Fourteau‑Bardadji, service régional de l’Archéologie de Poitou‑Charentes, José Gomez de Soto, CNRS ; Christiane Perrichet‑Thomas ; Nicolas Rouzeau : service régional de l’Archéologie d’Aquitaine ; Claire Soyer, service régional de l’Archéologie de Poitou‑Charentes,
3 Détail de la composition des us. 102 : limon sableux rouge avec de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 147 : limon orangé avec quelques charbons de bois et de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 155 : limon brun‑rouge avec quelques charbons de bois, des pierres rubéfiées et de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 148 : limon sableux gris orangé ; 149 : sable limoneux orange avec quelques charbons de bois et de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 150 : limon orangé gris avec de nombreux charbons de bois et de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 151 : limon rouge‑gris avec de nombreuses inclusions d’argile cuite en gros modules ; 152 : sable limoneux rouge orangé avec de nombreuses inclusions d’argile cuite de petit module et quelques fragments d’os ; 153 : limon sableux brun‑rouge avec de nombreuses inclusions d’argile cuite et un fragment d’os calciné, 183 : limon brun avec une concentration de charbons de bois ; 188 : limon rouge avec quelques charbons de bois et de nombreuses inclusions d’argile cuite ; 184 : limon sableux orangé avec des inclusions d’argile cuite ; 154 : limon brun‑rouge avec quelques charbons de bois et de nombreuses inclusions d’argile cuite.
4 Le pesage de l’ensemble des pilettes donne 11 000 g ; ce poids divisé par le poids d’une pilette complète estimé à 350 g donne 32 individus révélant ainsi la part de l’érosion et la conservation différentielle des éléments.
5 Ils ont été réalisés avec la collaboration de Nicolas Rouzeau.
6 Il s’agit de Port Coutard à Saint‑Hippolyte (fig. 38), des Pousineries à Geay et de Saint‑Savinien (fig. 37), respectivement les points les plus occidentaux sur la Charente. Le site des Pousineries à Geay, détecté lors des phases de prospection du tracé A 837, est caractérisé par des trous de poteaux et des fosses. Une couche ayant livré des nodules d’argile cuite pourrait s’apparenter par sa composition et le type de céramique associée à La Challonnière (vases à col et bords confondus droits ou peu éversés, et vase à impressions obliques en sommet de panse, fig. 27, nos 1 à 5). Du mobilier gallo‑romain évoque également une réoccupation plus tardive des lieux. La rareté du mobilier technologique se limitant à un fragment de pilette incite à la prudence, pouvant fort bien avoir été rapporté dans un contexte d’habitat. Le site de Saint‑Savinien a été mis en évidence par Jean Libaud qui, lors du creusement de sa piscine, a observé des sédiments riches en nodules d’argile, à environ 2 m de profondeur, et a conservé trois fragments de pilette à extrémité aplatie (fig. 29, nos 6 à 8). La propriété est située au centre‑ville, sur le versant à proximité des éminences rocheuses, en rive droite de la Charente à environ une cinquantaine de mètres du fleuve actuel (réf. cadastrale : section AB 410‑412). il convient de souligner combien l’interprétation de la nature de ces sites paraît difficile en l’absence d’une intervention plus poussée, mais qui a toutefois le mérite de soulever des questions d’ordre paléoenvironnemental.
7 L’utilisation des pierres brûlées demeure énigmatique. Quelques sites d’Aunis en ont également livré (Texier 1989) que l’auteur substitue au combustible dans l’hypothèse d’une substruction en bois (fig. 29). Elles ont pu être utilisées pour chauffer l’eau du lessivage afin de favoriser la dissolution, mais les nodules d’argile après cuisson pouvaient dans ce cas très bien jouer ce rôle. Elles pouvaient aussi assécher la saumure dans une phase d’évaporation intermédiaire, ou tout simplement assurer l’alimentation des sauniers ?
8 Pour tous ces sites attribués à La Tène finale, il conviendrait d’approfondir le problème de la datation par la céramique. Compte tenu des données récentes relatives à l’étude des amphores, certaines formes pourraient vieillir considérablement la chronologie.
9 Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises à travers les textes anciens cités par N. Rouzeau et Ch. Perrichet (Rouzeau 1985 ; Perrichet 1990). Le sel en tant que conservateur est naturellement attesté. L’utilisation thérapeutique semble largement prédominante sur l’utilisation condimentaire. Les auteurs insistent également sur les symboliques diverses du sel, lié à la richesse, au travail, au culte, à la société, etc.
10 Archives historiques de Saintonge et d’Aunis, t. XXIV, p. 121‑122.
11 Cette étude a été réalisée avec la précieuse collaboration d’Anne‑Marie Fourteau.
12 Archives historiques de Saintonge et Aunis, t. XXXIII, p. 127 et cartulaire de Saint‑Jean‑d’Angély, avant 1104, no 467, p. 126‑128.
13 Archives de Saint‑Jean‑d’Angély I, 250.
14 L’origine étymologique de La Challonnière provient selon Jacques Duguet (Duguet 1986) d’un nom de personne (suffixe en « ière »). Si « Chalon » est inconnu dans le lignage des seigneurs de Tonnay‑Charente, il apparaît à trois reprises dans la famille des seigneurs de Rochefort (1086,1159 et entre 1186‑1226). Chalon est également connu à Saint‑Maixent et dans le Poitou. La Challonnière pourrait illustrer « les terres de Chalon », mais à partir du xiie s., voire un peu plus tard selon l’apparition de ce type de formation.
Auteurs
Ingénieur d’études, SRA Auvergne.
Archéologue départementale, conseil général de la Mayenne (Laval).
Assistant d’études, Afan UFR Géographie, université de Provence.
Maître de conférence, Muséum national d’histoire naturelle.
Chargé de recherche, département de Géologie et Océanographie, CNRS, UMR 5805, université Bordeaux I.
Chargé de recherche, CNRS, UMR 6577, Caen.
Chargé d’études, Afan ; CNRS, URA 1477, laboratoire de Paléobotanique, Montpellier.
Maître de conférences, université de Nantes.
Chargé d’études, Afan.
CNRS, UMR 9933, Bordeaux ; Archéolabs.
Afan.
Ingénieur, Afan.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002