Chapitre 4. Le mobilier archéologique
p. 91‑192
Texte intégral
4.1 Introduction
1Les ensembles mobiliers collectés sur le site présentent le profil habituel des mobiliers d’habitat : les objets liés à la vie domestique sont prédominants, les outils en rapport avec des activités « artisanales » sont peu fréquents et les objets de prestige plus rares encore. Il convient toutefois de se méfier de la valeur de représentativité de ce profil qui reflète plus les conditions d’abandon des gisements que la panoplie d’objets et d’outils en usage durant l’occupation du site. Il est évident que le mobilier provient essentiellement d’aires de rejet ou de dépotoirs. Les objets retrouvés en contexte primaire d’utilisation sont exceptionnels : tout au plus peut‑on mentionner certaines jarres‑silos. L’examen des objets recueillis confirme ce constat : la fragmentation de la céramique ne peut être imputée aux seules conditions d’enfouissement des gisements, comme l’atteste le faible nombre de recollages. Le cas de l’outillage est plus frappant encore, puisque la presque totalité des pièces, tous matériaux confondus, sont hors d’usage, pour cause de bris ou d’usure extrême. La rareté du mobilier métallique peut se justifier à la fois par le caractère précieux du métal et par son recyclage possible : non seulement il est pris le plus grand soin des objets de bronze, mais une fois hors d’usage, une récupération systématique pour refonte est, sinon avérée, pour le moins vraisemblable.
2Quel que soit l’horizon concerné, il est clair que le départ des populations n’est nullement précipité, mais soigneusement organisé. Seuls sont abandonnés sur le site les objets non réutilisables et peut‑être les objets difficilement transportables, comme semble l’indiquer l’exemple des jarres de stockage lourdes et encombrantes.
3Troublée par les conditions d’abandon du lieu, notre vision de l’environnement matériel du site l’est aussi par les conditions de conservation des vestiges. Ces conditions n’ont bien sûr pas permis la préservation des objets à base de matière organique, os excepté. L’abondance relative de ce dernier matériau témoigne d’un environnement chimiquement peu agressif. Le cas de la céramique mérite d’être plus nuancé : si pour l’horizon du Bronze final, le matériel nous est parvenu dans un bon état de conservation, il n’en est pas de même au Bronze ancien, où une altération des surfaces assez marquée a pu être observée de façon générale. Il est toutefois difficile d’affirmer si ce constat est lié aux seules conditions de dépôt ou si la qualité de la production est elle‑même en cause.
4Le tableau i révèle la très forte prédominance de la céramique qui représente, tous horizons confondus, plus de 95 % des artefacts recueillis, en effectif de restes. La dissociation par horizon met en évidence la richesse de l’horizon Bronze final en céramique, avec 80 % de l’effectif total. L’industrie lithique voit par contre sa part relative décroître avec le temps : elle représente moins de 2 % des artefacts recueillis dans les niveaux du Bronze final et 13 % pour le Bronze ancien, cette proportion atteignant même 17 % pour l’horizon inférieur de cette période. Le métal est principalement représenté au Bronze final, seuls 4 fragments étant attribués au Bronze ancien.
5Le mobilier provient logiquement en très grande part du secteur nord, présentant la plus forte densité de structures anthropiques : il a livré plus de 90 % du mobilier du Bronze collecté sur l’ensemble de l’opération. Pour l’horizon Bronze final, il importe de dissocier le dépotoir de berge du secteur nord qui a fourni un contingent particulièrement conséquent : pour la céramique, près de 7 000 pièces, soit plus de 20 % de l’effectif total. On y constate par contre une sous‑représentation du matériel lithique ainsi que du métal.
TABL. I – Effectifs mobiliers, par catégorie et horizon chronologique.
6Ces constats statistiques justifient amplement la place prépondérante accordée à la céramique dans la caractérisation de l’environnement matériel des gisements. L’industrie lithique est représentée par des ensembles suffisamment conséquents pour permettre une approche complémentaire. Par contre, les autres vestiges, objets métalliques, en os, outillage lithique poli, parures, ne sont présents que de façon anecdotique.
4.2 La céramique
4.2.1 Introduction aux catalogues typologiques
4.2.1.1 Le corpus
7L’étude céramologique a porté non pas sur la totalité du mobilier collecté, mais sur un corpus réduit comptant 2 232 pièces sélectionnées pour leur intérêt particulier parmi les 35 000 tessons recueillis : éléments morphologiquement significatifs ou fragments décorés. Ces pièces proviennent de quatre ensembles inégalement représentés (fig. 40) : l’habitat du Bronze final, le dépotoir du Bronze final et les habitats des deux horizons du Bronze ancien. Les deux ensembles complémentaires du Bronze final sont de loin les plus riches, quantitativement et qualitativement. Toutefois, même pour le dépotoir, qui présente le taux de fragmentation le plus faible, le nombre de profils complets ou restituables est réduit et l’essentiel de la production n’est connu que par une série de bords. Cette carence va constituer le plus sérieux handicap dans la mise en œuvre de la démarche typologique.

FIG. 40 – Composition du corpus typologique.
Choix des critères de classification
8Les critères descriptifs retenus pour les pièces du corpus concernent la technologie (aspect de la pâte, type de cuisson), l’aspect fonctionnel (dimensions, conformation générale, finition, éléments de préhension...) et esthétique (finition, décor, morphologie de détail, proportion...).
9L’aspect fonctionnel nous a paru important dans le cadre de l’étude d’un contexte d’habitat, car susceptible de nous renseigner sur certains comportements et activités et de compléter une recherche d’identification des espaces par ailleurs difficile (cf. supra chap. 3). L’évaluation de la taille des vases s’avère à cet égard une notion de première importance ; malheureusement, le nombre réduit de formes complètes ne nous permet pas de l’utiliser pleinement : l’estimation de la hauteur, et donc la restitution du volume de contenance des récipients, reste impossible pour la grande majorité d’entre eux. De fait, le seul paramètre que nous puissions maîtriser pour une majorité des pièces reste le diamètre à l’ouverture, qui reflète, dans une certaine mesure, en combinaison avec certaines caractéristiques du profil (absence ou présence de col, importance de l’étranglement, ouverture de la panse), les prédispositions fonctionnelles du récipient : grand ou petit contenant, à ouverture large, à col peu marqué ou à fort étranglement. Ces considérations ont permis de définir ces critères comme éléments sélectifs prioritaires de notre classification.
10Les quelques critères d’ordre technologique retenus ont permis, outre la mise en évidence des caractéristiques d’ensemble de la production, de constater certaines corrélations entre qualité de pâte, mode de cuisson et morphologie du récipient. Ces corrélations concernent plus particulièrement les types extrêmes : très schématiquement, aux petits récipients en pâte fine, à parois fines et cuisson oxydante ou composite s’opposent les gros vases en pâte grossière, à parois épaisses et cuisson réductrice. Mais pour les récipients à diamètre d’ouverture moyen, cette règle logique n’existe plus, ou, en tout cas, elle intègre des paramètres que nous ne maîtrisons pas. Ces paramètres technologiques s’avérant ainsi tantôt redondants, tantôt impertinents (ou d’une pertinence qui nous échappe), il a paru préférable de ne pas les constituer en caractères classificatoires discriminants.
11Les critères stylistiques –morphologie des lèvres, cols, bords, décors...– peuvent masquer des critères fonctionnels (cordons destinés au maintien des vases, lèvres aménagées pour l’insertion de couvercles, traitements de surface facilitant la prise...). D’autre part, certains types de vase (petits récipients en céramique fine) s’avèrent le support privilégié, sinon exclusif, de l’expression artistique la plus aboutie. Les corrélations entre les critères stylistiques et les catégories fonctionnelles sont donc difficiles à établir et à interpréter. Il est apparu comme important de les prendre en considération, en tant que critères discriminants secondaires.
4.2.1.2 La structure typologique : considération préalable
12Les appellations désignant les différentes catégories de récipients (jarres, pots, écuelles...) font référence à la terminologie établie par J. Vital (Vital 1990 ; 1993). Bien que présentant certains inconvénients, et notamment celui de ne pas prendre en considération la taille des récipients (hormis pour la définition des gobelets), cette terminologie s’impose actuellement dans la plupart des études régionales consacrées à l’âge du Bronze. Le tableau ii rappelle les critères de définition des principaux termes. La différenciation entre formes hautes et formes basses a été établie, de façon intuitive et conventionnelle, comme suit : formes hautes = hauteur totale/diamètre maximal > 0,60. L’utilisation des attributs petit, moyen, grand, répond quant à elle aux critères de définition du tableau iii.

TABL. II – Terminologie des contenants.

TABL. III – Classes de dimensions.
4.2.1.3 Le modèle typologique
13Parmi les différentes structures typologiques possibles, notre choix s’est porté sur une structure arborescente à deux niveaux. Le premier niveau donne lieu à la définition de « types » désignés par un numéro. La sériation se fait sur des critères de conformation d’ensemble : étirement, segmentation du profil, taille... Il est exclu de prétendre que chaque type correspond à une utilisation donnée ; toutefois cette division nous paraît la plus à même de refléter une partition fonctionnelle du répertoire (Gosselain, Van Berg 1992). Le second niveau amène la division de chaque type en variantes prenant en compte essentiellement des variations morphologiques de détail : style de lèvre, bord..., tous paramètres peu susceptibles, sauf cas particuliers, d’influer sur l’usage des récipients. C’est plutôt ici la recherche d’affinités stylistiques qui sert de fil directeur à la sériation. C’est ainsi que, pour le mobilier du Bronze final et du Bronze ancien, respectivement 47 et 24 variantes ont été définies, regroupant au total 421 pièces (fig. 41). Tous les éléments du corpus n’ont pu faire l’objet d’un classement selon ces critères. Les fragments de panse, retenus pour leur décor, mais aussi bon nombre de fragments de bords ont été écartés, certains caractères discriminants n’étant ni observables, ni restituables avec fiabilité.

FIG. 41 – Effectifs des types et des variantes référencés.
14La forte variabilité de la production, en partie liée à la nature des structures de fabrication, rend difficile dans la pratique une sériation systématique. Entre deux prototypes caractérisés, les types intermédiaires abondent, qu’il est parfois délicat de ranger dans l’un ou l’autre « tiroir » ; il a fallu dans certains cas trancher de façon plus ou moins arbitraire. L’objet de la classification, qui n’est autre que la quantification du concept de ressemblance, ne peut être atteint que par le biais d’une vision infiniment schématique et réductrice.
15Ces limites nous rappellent le caractère artificiel de tout classement typologique qui ne reflète aucune réalité archéologique mais constitue un préalable méthodologique nécessaire à toute démarche d’analyse comparative.
16Le catalogue typologique se compose de fiches synthétiques. Chaque fiche est consacrée à un type. Elle comprend (fig. 42) :
– l’exposé des caractères génériques du type ;
– des données statistiques, sous forme d’histogramme concernant les caractéristiques technologiques du type, la répartition en fonction du contexte de provenance, la fréquence relative des principales techniques décoratives ;
– le descriptif de chaque variante distinguée, accompagné d’un profil de prototype fictif ;
– une sélection de profils rattachés à la variante concernée. Les pièces sont représentées, sauf mention contraire, à l’échelle 30 %.

FIG. 42 – Modèle de fiche typologique.
4.2.2 Le faciès céramique du Bronze final
17(FIG. 43)
18L’horizon Bronze final I, niveaux d’habitat et dépotoir, a livré de loin le contingent mobilier le plus fourni du site ; cette richesse, perceptible à travers la surreprésentation du Bronze final par rapport au Bronze ancien au sein du corpus, peut être imputée à deux facteurs : l’emprise du site, plus importante qu’au Bronze ancien, et la densité de l’occupation, puisqu’il semble bien qu’on soit en présence d’un habitat groupé.
19L’ensemble du mobilier céramique de cet horizon a été traité de façon globale ; d’une part, il aurait été difficile, étant donné les conditions de fouille, de distinguer des sous‑ensembles stratigraphiquement et/ou spatialement cohérents (si ce n’est le dépotoir du paléochenal du secteur nord). D’autre part, cette approche évite un morcellement qui nous semble préjudiciable à la clarté du discours. Nous avons bien conscience que par ce parti pris, nous imposons comme postulat l’homogénéité typologique de cet horizon. De fait, l’analyse spatiale du site, comme on l’a vu, nous fait pencher pour l’hypothèse d’une seule occupation, sans phase de restructuration de l’espace et donc limitée dans le temps. Mais il s’agit là d’une présomption étayée par quelques arguments convergents, sans preuve irréfutable. Aussi nous sommes‑nous efforcés, au cours de la description du catalogue, de justifier ce parti pris de manière récursive.

FIG. 43 – Tableau typologique synthétique : Bronze final I.
4.2.2.1 Catalogue typologique
20Cf. annexe 2, fiches typologiques nos 1 à 10.
4.2.2.2 Synthèse
21Le nombre de variantes identifiées dans notre catalogue et la difficulté à classer certains tessons sont révélateurs de la diversité de l’ensemble céramique des niveaux du Bronze final. À aucun moment nous n’avons rencontré deux vases identiques. La dispersion de l’effectif par type (fig. 44) illustre l’inégal poids de chacun d’entre eux. Mais avant de pousser plus loin l’interprétation, une remarque s’impose : les différentes variantes sont plus ou moins bien caractérisées. Entendons par là que certaines formes présentent une forte personnalité morphologique ; elles sont facilement identifiables, souvent même à partir d’un petit fragment. C’est le cas des types 9e et 10a. Par contre, d’autres variantes ne se détachent les unes des autres que par un ou deux caractères distinctifs. Dans ce cas, l’affectation de certains fragments est difficile et le risque de confusion nous a fait écarter un certain nombre de tessons du catalogue typologique. Autrement dit, [’histogramme nous livre une image immanquablement erronée de la pondération du répertoire céramique par type, image déformée par la surreprésentation des variantes morphologiquement « marginales », au détriment des formes les moins bien caractérisées.

FIG. 44 – Bronze final : répartition de l’effectif par type.
22Les formes de taille moyenne et petite sont les plus représentées ; or, les profils des petits vases sont plus souvent complets ou facilement restituables, aussi leur fort effectif révèle‑t‑il peut‑être une image artificiellement amplifiée de leur place au sein du répertoire en usage. Le gros contingent du type 8 (vases de taille moyenne, hauts, à col) reflète par contre plus vraisemblablement la fréquence de ces vases –plus ou moins polyvalents ?– dans le mobilier d’habitat. Les formes hautes et basses sont partagées équitablement (respectivement 49 % et 51 %). Les vases à col sont prédominants (70 %) et, parmi eux, les formes hautes représentent 46 % du total. Inversement, les formes hautes sans col restent exceptionnelles (10 %).
23L’observation comparée des niveaux d’habitat de 94‑1 et 94‑8 montre une distribution assez comparable des différents types. L’ensemble du dépotoir se démarque par contre plus franchement (fig. 45), avec un sensible sureffectif affectant les types 3, 7 et surtout 9 (variante a notamment), principalement au détriment du type 8. La ventilation par classe de taille nous éclaire sur ce constat. Elle met en évidence une rupture dans la proportion des petits vases qui passe de moins de 50 % (habitat) à plus de 60 % (dépotoir). Cette anomalie peut être expliquée par la durée de vie plus faible de ces petits récipients, fréquemment manipulés, et donc par un cycle de renouvellement accéléré. Ce phénomène a par ailleurs été étudié, sur des productions géographiquement lointaines mais techniquement proches, sous le double aspect de l’observation ethnographique et de sa portée archéologique (Mayor 1992 ; 1994).

FIG. 45 – Effectif par type et contexte.
4.2.2.3 Les tendances morphologiques
24Les lèvres, bien distinctes du bord dans plus des trois quarts des cas (fig. 46), sont fréquemment biseautées, courtes, formant un méplat incliné. Les lèvres épaissies ou amincies sont plus rares.

FIG. 46 – Morphologie des lèvres.
25La distribution des lèvres par type (fig. 47) montre l’absence de corrélation univoque entre les deux variables, mais aussi l’existence de nuances sensibles : ainsi, la forte prédominance des lèvres en biseau pour les grands vases à col (type 6), ou leur relative rareté parmi les petits gobelets ansés et petits vases à col (type 10). De façon générale, les lèvres biseautées, épaissies et aplaties affectent des pièces d’un plus grand diamètre que les lèvres amincies ou non individualisées. L’examen de 4 ensembles stratigraphiques (habitat : US 245 et 274, passes mécaniques superposées ; dépotoir : US 96 et 409) montre des variations qu’on peut juger secondaires dans la mesure où elles ne bouleversent pas l’ordre préférentiel (fig. 48). Les bords sont rarement très inclinés, presque toujours déversés. Il n’existe qu’une faible corrélation entre le bord et le type de lèvre : les lèvres en biseau apparaissent toutefois un peu plus fréquemment associées aux bords déversés, au détriment des lèvres aplaties. Les cols sont présents sur 70 % des pièces (fig. 49). Ils sont peu développés en hauteur, si l’on excepte le cas des gobelets (type 9 var. e, type 10 var. a) à col tronconique ou cylindrique et induisent généralement un étranglement peu marqué. La rupture brusque et anguleuse entre la partie supérieure de la panse et un bord court déversé est fréquemment observée, tant pour les formes basses que hautes, et ce pour toutes les tailles de récipient. Les panses adoptent dans la plupart des cas une faible sinuosité dans les formes hautes. L’épaulement est haut placé dans le profil de la panse. Les formes basses comprennent par contre de nombreux exemples de panses à épaulement marqué, voire à carène, également en position haute. Les récipients à profil non segmenté, peu nombreux, ne présentent presque jamais une panse tronconique rectiligne. Les gobelets à panse globulaire, globulaire aplatie ou bitronconique, s’individualisent nettement du reste de la population. La pièce 203 (type 9 var. e), à segment supérieur de panse concave, en constitue un dérivé original. Les profils complets étant rares, il est difficile de mettre en relation les fragments de fonds et des types précis. Les fonds plats, parfois légèrement soulevés, assez étroits, sont systématiques pour les gros et moyens récipients. Le diagramme de la figure 50 établit la corrélation entre le diamètre de ces fonds et l’angle d’inclinaison de la base de la panse. Il montre la diversité des configurations possibles. Deux zones de forte densité apparaissent cependant ; la première concerne des fonds de 150‑180 mm de diamètre, pour une inclinaison proche de 50°. La similitude de ces données avec les fonds des quelques vases‑silos semi‑enterrés découverts sur l’habitat permet d’attribuer avec vraisemblance ces fonds à des vases de type 6. La seconde concentration de points concerne des fonds d’un diamètre un peu inférieur (70 à 140 mm), pour un angle d’attaque de la panse de 50° à 65°. Statistiquement très représentés (23 % des fonds), ils impliquent probablement à la fois des formes hautes (type 8) et des formes basses (types 3, 9, 7). Les gobelets (type 9 var. e, type 10 var. a) présentent à nouveau des caractères originaux : les bases sont convexes, la stabilité du récipient étant assurée par l’aménagement d’un petit ombilic discret, de 2 à 3 cm de diamètre. Les pieds sont très rares : trois ont été identifiés, pieds tronconiques parfois festonnes appartenant à de petits vases (type 10 var. a, entre autres). Le nombre d’éléments de préhension observés permet d’évaluer leur fréquence à environ 10 % des récipients. Ces appendices sont peu nombreux sur les vases de grande taille (fig. 51). Ils figurent par contre en bon nombre sur les petits vases à profil complexe, hauts comme bas. Par ordre d’effectif décroissant apparaissent au premier rang les languettes (fig. 52 et 53), majoritairement localisées sur les lèvres (fig. 55). Parmi les anses, toutes verticales, on compte de nombreuses anses en X (fig. 54), parfois de gabarit très réduit (et dans ce cas probablement plus décoratives que fonctionnelles). Enfin se distinguent par leur originalité plusieurs languettes biperforées, sur des vases de type 9 ou 10.

FIG. 47 – Répartition des lèvres par type.

FIG. 48 – Comparaison des profils de lèvre de 4 ensembles stratigraphiques.

FIG. 49 – Morphologie des cols.

FIG. 50 – Fonds : corrélation entre le diamètre et l’inclinaison du départ de panse.

FIG. 51 – Répartition des appendices de préhension par type.

FIG. 52 – Fréquence des appendices de préhension.

FIG. 53 – Exemples de languettes de préhension.

FIG. 54 – Exemples d’anses.

FIG. 55 – Localisation des languettes.
4.2.2.4 Les caractères technologiques
26Nous prendrons ici en compte les paramètres rudimentaires consignés de façon systématique lors de l’élaboration du corpus, l’intégration des conclusions et perspectives du programme d’analyses géochimiques étant prévue ultérieurement. Une forte majorité des récipients de cet horizon (71 %, fig. 56) est confectionnée dans une pâte grossière caractérisée par une texture hétérogène et la présence d’une fraction d’éléments dégraissant de gros module. L’interprétation de cette partition, il est vrai traditionnelle et très schématique, est difficile. On tend fréquemment à y faire coïncider un clivage entre d’une part une céramique « de qualité », élaborée avec une matière première soigneusement sélectionnée et préparée et, d’autre part, une céramique « commune » pour laquelle on se serait contenté d’un matériau de base hâtivement –voire pas du tout– traité. Au‑delà, c’est la distinction entre potier professionnel et fabricant occasionnel qui s’inscrit en perspective... Cette approche de la chaîne opératoire est évidemment trop simpliste et fait, entre autres, abstraction de nombreuses contraintes techniques notamment liées à la taille des récipients. Une certaine corrélation entre type de pâte et taille des récipients existe, qui est particulièrement valable pour les récipients de grandes dimensions. Pour les autres vases, l’incidence du facteur taille sur le type de pâte est plus relative : cohabitent de toute évidence pour ces produits des choix techniques différents qui ne semblent pas liés à des modes opératoires complètement divergents (ainsi, on n’observe pas de corrélation particulière entre pâte et mode de cuisson [fig. 57]). Ces choix sont‑ils déterminés par des contingences fonctionnelles (façon propre à la vaisselle de table par exemple), ou reflètent‑ils la diversité des unités de production ? Le diagramme de la figure 58 ne permet pas d’apporter une réponse à cette question, mais nous livre quelques précisions supplémentaires. On peut exclure les récipients de grandes dimensions (types 1, 2, 5, 6) dont la pâte est presque toujours grossière. Les formes associées exclusivement à une pâte fine sont, à l’inverse, les plus petites et plus particulièrement les gobelets ansés, de forme trapue (type 9 var. e), ou légèrement haute (type 10 var. a) et des écuelles (type 9 var. b ou c). Doit‑on considérer ces pièces, qui figurent par ailleurs parmi les plus souvent et les plus soigneusement décorées, comme témoignant de l’existence d’une production de luxe ? Leur abondance, dans le dépotoir notamment, permet d’en douter. Autre aperçu sur la chaîne opératoire de production, le mode de cuisson ne nous est malheureusement perceptible que par des indicateurs imprécis et schématiques : la coloration acquise par les surfaces et l’âme de la pâte. Encore celle‑ci peut‑elle s’avérer trompeuse, puisqu’elle ne dépend pas uniquement des conditions de cuisson, mais aussi de la composition de l’argile et même des modalités d’utilisation (contact avec le feu). Trois modes ont été distingués : les cuissons en atmosphère réductrice, les cuissons en atmosphère oxydante et les cuissons composites. Cette tripartition masque en fait une réalité beaucoup plus nuancée, la dernière classe groupant ainsi des produits aux aspects très divers. Si l’on s’en tient à ces catégories, on constate une forte prédominance du mode réducteur (79 %), les deux autres modes faisant presque figure d’exception (fig. 59). Cette tendance se traduit par l’impression visuelle générale d’une céramique gris foncé ou noire. Cette ventilation affecte sans grand contraste aussi bien les pâtes grossières que les pâtes fines ; de même, l’épaisseur des parois ne semble pas modifier significativement la distribution. L’examen comparé des populations de petits et grands récipients ne montre quant à lui qu’une nuance peu marquée : le mode réducteur s’impose plus largement pour les seconds (80 %), sa part diminuant au profit des cuissons composites pour les premiers. La répartition par type (fig. 60) semble confirmer l’absence de corrélation déterminante entre la forme et la cuisson : tout au plus peut‑on évoquer une diversité des modes de cuisson un peu plus grande pour les petits vases à col (types 9 et 10).

FIG. 56 – Répartition des récipients par catégorie de pâte.

FIG. 57 – Répartition des modes de cuisson par catégorie de pâte.

FIG. 58 – Répartition des pâtes par type.

FIG. 59 – Fréquence des modes de cuisson.

FIG. 60 – Répartition des modes de cuisson par type.
27L’interprétation de ces observations est périlleuse. On ignore en effet si les conditions de cuisson sont parfaitement maîtrisées : les cuissons alternant modes réducteur et oxydant, notamment, sont‑elles contrôlées ou dues à des incidents ? À cet égard, il convient de remarquer que les modes les plus complexes (mode composite, avec une tranche grise en son centre et brun orangé près des surfaces, ces dernières étant parfois même recouvertes d’une fine pellicule noire due à un phénomène de fumigation) concernent essentiellement des vases fins, aux formes sophistiquées (gobelets ansés des types 9 et 10). Les transitions de couleur observées sont presque toujours nettes et régulières, trahissant des modifications très brutales et générales de l’atmosphère de cuisson. Une cause involontaire paraît ici très improbable. La différence relevée entre ces petites pièces et les grosses jarres de stockage, presque toujours cuites en mode réducteur, prouve que ces vases ont été cuits séparément, peut‑être dans des fours différents. On peut enfin s’interroger sur certains vases présentant un aspect particulier. Ainsi, deux individus du corpus (nos 435 et 447) partagent des caractéristiques de cuisson et de finition similaires ; la teinte des surfaces, brun clair presque beige, n’a été observée sur aucun autre vase. S’agit‑il de produits exogènes, ou simplement des restes d’une fournée ayant subi, volontairement ou non, un traitement spécifique ? L’aménagement des surfaces constitue le dernier témoin de la chaîne opératoire que nous puissions appréhender de façon satisfaisante. Le traitement consiste généralement en un lissage plus ou moins soigné. L’opération a un rôle esthétique et/ou de traitement destiné à atténuer la porosité des parois. Sur de nombreuses pièces le lissage est appliqué aux deux surfaces (fig. 61), interne et externe, du récipient ; dans les autres cas, le lissage interne reste plus fréquent que le lissage externe, ce qui confirme l’importance fonctionnelle du traitement. Les formes les plus petites sont privilégiées ; sur les formes hautes, où l’application du traitement est, il est vrai, plus difficile, la technique est moins employée que sur les formes basses. Elle devient minoritaire sur les gros vases de stockage, où elle se limite, lorsqu’elle est présente, à la surface extérieure du col. Sur ces formes hautes, elle est partiellement supplantée par un traitement visant à accroître l’irrégularité de la surface, pour en faciliter la prise et le maintien. Sur les vases de taille modérée, l’aménagement prend l’aspect d’un décor incisé couvrant exécuté au peigne ou d’un « grattage » accentuant la granularité de la surface et, sur les pièces plus grosses, d’applications digitales couvrantes, peu accentuées, ou de grossières incisions verticales.

FIG. 61 – Fréquence des lissages de surface.
28L’examen comparé des caractères technologiques sur des lots provenant d’ensembles stratigraphiquement et/ou spatialement distincts amène deux constats :
– l’assez forte stabilité des variables au sein des niveaux d’habitat, comme l’illustre, pour les modes de cuisson, la comparaison entre 94‑1, 94‑8 (habitat) et 94‑7/94‑10 (fig. 62) ;
– ce dernier diagramme montre une dissociation sensible de l’ensemble dépotoir du paléochenal du secteur nord. La comparaison, en effectifs, entre celui‑ci et l’ensemble des niveaux confirme ce contraste perceptible dans la répartition par type de pâtes (fig. 63) et, plus encore, par mode de cuisson. La part des céramiques à pâte fine et des cuissons oxydantes et mixtes (deux facteurs dont on a vu qu’ils étaient partiellement corrélés) est sensiblement plus importante dans le dépotoir. Nous renvoyons à l’interprétation présentée plus haut pour expliquer la spécificité du dépotoir.

FIG. 62 – Répartition des modes de cuisson par secteur.

FIG. 63 – Modes de cuisson : comparaison habitat/dépotoir, en effectifs de fragments.
4.2.2.5 Les décors
29Le décor est une variable complexe. L’ambiguïté même de sa définition l’illustre en premier lieu : par sa vocation esthétique, il s’oppose aux traitements purement fonctionnels. Or il est parfois difficile de se prononcer sur le caractère décoratif ou fonctionnel de certains aménagements. Plus probablement, les deux aspects ne sont pas incompatibles, mais complémentaires. Ainsi la réalisation de certains cordons ou le peignage de la panse répondent‑ils tout autant, sinon plus, à des préoccupations pratiques plutôt qu’à un souci d’esthétisme. Pour la commodité du discours, nous engloberons toutefois ces éléments dans la notion de décor céramique. La description du décor fait intervenir trois facteurs : l’emplacement qu’il occupe sur le récipient, la technique mise en œuvre et sa composition stylistique. De ces trois facteurs, la technique nous a paru le plus déterminant et guide le catalogue que nous proposons ici (fig. 64).

FIG. 64 – Fréquence des techniques de décor en nombre d’individus.
Les cannelures (130 individus, soit 15 % des décors identifiés ; fig. 65)
30Elles sont généralement peu profondes, voire à peine marquées, et d’une largeur variant de 0,5 à 2 cm. Presque toujours localisées sur la panse du vase (partie supérieure, liaison panse‑col ; fig. 66), elles s’organisent en registres de bandes horizontales, groupant entre 1 et 6 cannelures. On les trouve moins fréquemment en registre vertical, les deux étant parfois associés (voire notamment les écuelles carénées du type 9 var. c ; fig. 67). La distribution par type apparaît très sélective (fig. 68), puisque 90 % des cannelures sont associées à trois types qui appartiennent à des vases de petites dimensions. La corrélation est particulièrement forte avec les gobelets (types 9 var. e, 10 var. a).

FIG. 65 – Exemples de cannelures.

FIG. 66 – Localisation des cannelures.

FIG. 67 – Orientation des cannelures.

FIG. 68 – Cannelures : fréquence par type.
Les cordons lisses (38 individus, soit 4 % ; fig. 69)
31Le terme englobe ici les moulures et cordons rapportés. Ils sont localisés sur la panse, la liaison panse‑col ou le col (fig. 70). On les trouve presque exclusivement sur les formes hautes pourvues de col ; toutes les tailles de vase sont concernées. C’est l’exemple même d’un « décor » répondant plus à des contraintes d’usage (préhension et maintien) qu’à une justification esthétique.

FIG. 69 – Exemples de cordons lisses.

FIG. 70 – Localisation des différentes catégories de cordons.
Les cordons digités (195 individus, soit 23 % ; fig 71)
32Il s’agit de moulures ou cordons rapportés, ornés d’impressions digitées. Extrêmement fréquent, ce décor est, contrairement au précédent, rarement placé sur le col du vase, mais plutôt sur l’inflexion panse‑col (fig. 70). On le reconnaît essentiellement sur les formes hautes de moyenne et grande taille. Il apparaît entre autres systématiquement sur les grandes jarres‑silos du type 6.

FIG. 71 – Exemples de cordons digités.
Les cordons incisés (14 individus, soit 2 % ; fig. 72)
33On a identifié en petit nombre des moulures ou cordons rapportés ornés d’incisions verticales, effectuées soit à l’ongle, soit à l’aide d’un objet tranchant. La localisation et les formes associées sont les mêmes que pour le décor précédent.

FIG. 72 – Exemples de cordons incisés.
Les impressions digitées (233 individus, soit 28 % ; fig. 73 et 74)
34La dénomination couvre deux variantes bien distinctes (fig. 75) : les décors en registre horizontal et les décors couvrants. Les premiers (73 % des impressions digitées) sont constitués d’une bande d’impressions digitées juxtaposées comparables à celles déjà mentionnées sur certains cordons. Les localisations préférentielles sont d’ailleurs les mêmes : liaison panse‑col et, plus fréquemment encore, la lèvre. Les formes hautes, avec col, sont les plus affectées. Les seconds sont constitués par la juxtaposition d’empreintes plus ou moins profondes, parfois accentuées par des pincements de la pâte. L’ensemble compose un réseau plus ou moins dense et plus ou moins régulier, couvrant l’ensemble de la panse. On retrouve ce décor sur des formes pourvues de col, de grande taille (le réseau est alors lâche et les impressions superficielles) ou de petite taille (réseau plus dense, impressions plus appuyées, formant parfois un décor « en grain de café »).

FIG. 73 – Exemples d’impressions digitées en registre horizontal.

FIG. 74 – Exemples de digitations couvrantes.

FIG. 75 – Organisation des décors d’impressions digitées.
Les incisions (127 individus, soit 15 % fig. 76 et 77)
35De la même façon, les décors incisés apparaissent soit sous la forme de bandes horizontales (33 %), soit sous la forme de décors couvrants sur panse (45 %) (fig. 78). S’y ajoute la présence statistiquement modeste de décors à motifs complexes (3 %). Les incisions en bandes horizontales reprennent les supports et la disposition des cordons. Les incisions couvrantes sont presque toujours exécutées à l’aide de « peignes » aux dents plus ou moins écartées, rigides ou souples, appliqués sur la paroi du vase selon un geste ample, vertical ou légèrement oblique. Ils concernent essentiellement les formes hautes, à col. Parmi les motifs complexes, on peut mentionner des assemblages de triangles hachurés, associés à des motifs scalariformes horizontaux, et une bande horizontale ondée.

FIG. 76 – Exemples de motifs incisés.

FIG. 77 – Exemples de décors balayés au peigne.

FIG. 78 – Organisation des décors incisés.
Les ressauts (21 individus, soit 2 % ; fig. 79)
36On a ainsi dénommé les ruptures superficielles du profil de la surface externe du récipient. Les petits vases à col, haut ou bas, sont principalement représentés (types 9 et 10), mais le décor reste dans l’ensemble très minoritaire.

FIG. 79 – Exemples de ressauts.
Autres décors (8 % ; fig, 80)
37Il faut enfin noter quelques décors plus rares, comme l’excision/estampage de petits triangles, en registres horizontaux emboîtés, soit sur lèvre, soit sur panse ; on a aussi observé quelques décors en ocelles, sur vases à pied, imprimés à l’aide d’un objet cylindrique évidé.

FIG. 80 – Autres décors.

FIG. 81 – Fréquence des catégories de décors sur quelques ensembles stratigraphiques.
38Plusieurs techniques décoratives peuvent être appliquées sur un même vase. Parmi les associations possibles, la plus fréquente est celle combinant cordon ou bande digitée, col lissé et panse raclée ou brute de traitement. Une pièce, combinant longues incisions verticales espacées et points imprimés, figure une composition d’inspiration florale, unique en son genre. Inversement, certains décors semblent s’exclure : ainsi, les cordons ou impressions digités (vases hauts, à col, grands ou moyens) et les décors cannelés (vases petits, hauts ou bas). Très schématiquement, on peut opposer une céramique fine, décorée de cannelures et d’incisions, à une céramique grossière ornée de cordons et impressions digitées. Cette corrélation relative entre décor et formes soulève, à un stade interprétatif, d’épineuses questions.
39Est‑elle véritablement révélatrice de la production à un moment donné ? Les observations ethnographiques nous laissent à penser que la « petite vaisselle », plus fragile –et surtout plus fréquemment manipulée– est sujette à un renouvellement beaucoup plus rapide que la grosse céramique (vases de stockage essentiellement), dont certaines pièces peuvent faire preuve d’une durée de vie surprenante (plusieurs générations). Ce constat oblige à considérer que ces deux catégories de vases représentent des indicateurs typochronologiques de valeurs très différentes, la petite céramique étant seule capable de nous faire percevoir des évolutions stylistiques survenant sur un court terme. Le répertoire de la grosse poterie en usage à un moment donné refléterait quant à lui la compilation, selon un dosage impossible à restituer, des traditions de plusieurs générations, amalgame d’archaïsmes et de caractères nouveaux. Toutefois, on a du mal à percevoir un tel amalgame au sein de notre ensemble, si ce n’est peut‑être par la présence d’urnes « archaïsantes » à cordon lisse. Notamment, la césure entre les thèmes décoratifs des céramiques fines et ceux de la grosse poterie paraît franche. La corrélation formes/décors et la rupture qu’elle induit entre au moins deux types de produits nous semble donc bien refléter une réalité archéologique. Mais rien ne permet d’affirmer que ces deux familles sont le fruit de deux chaînes opératoires indépendantes.
40La comparaison entre les répertoires décoratifs de plusieurs ensembles stratigraphiques est difficile. Ces ensembles ont en effet livré pour la plupart un effectif de décors trop réduit pour qu’on puisse établir une confrontation en termes statistiques. Et nous ne sommes pas convaincus que la simple recherche de présence/absence soit d’une pertinence archéologique réelle. La figure 81 montre sous forme d’histogramme la distribution des décors pour quelques ensembles stratigraphiques distincts : US 245, 274 (niveaux d’habitats) et 96, 261, 409 (dépotoir). Les principales techniques décoratives s’y avèrent présentes presque au sein de chaque lot. Les unités stratigraphiques du dépotoir fournissent toutefois là encore une image sensiblement distincte, affectée d’une surreprésentation des décors associés aux céramiques fines (cannelures, ressauts, incisions au peigne). Nous avons tenté, en croisant les données descriptives et statistiques, de mettre en valeur les caractéristiques du faciès céramique du Bronze final. En fin de compte, ce faciès est à la fois très diversifié et très stéréotypé. Sa diversité est avant tout le fait de la multiplicité des usages de la céramique : stockage, transport, préparation culinaire, service de table... autant de fonctions qui impliquent une diversification des conformations morphologiques et la présence de certains aménagements. Mais cette diversité est aussi liée à la nature des structures de production. Nous n’avons pas rencontré deux vases parfaitement identiques lors de l’élaboration du corpus. Il n’y a donc pas dans le geste technique de montage cette constante « mécanique » qui semble le propre des unités de production spécialisées, et ce même si l’on considère les produits les plus sophistiqués et les mieux caractérisés de notre catalogue (gobelets ansés). Mais, au‑delà de cette infinie variété qui rend si difficile la classification du mobilier, un certain nombre de constantes sous‑jacentes se font jour : prédominance de certains caractères morphologiques (lèvres en biseau, cols peu étranglés...), fréquence de certains décors (cordons, cannelures horizontales...) et de certaines associations forme/ décor. Par tous ces traits et malgré toute cette complexité, le répertoire dégage une impression d’homogénéité. C’est ce profil qu’il nous reste à intégrer à l’assemblage des traditions céramiques régionales voisines.
4.2.2.6 Approche fonctionnelle
41Il est tentant de vouloir franchir le pas séparant l’analyse descriptive d’un ensemble d’objets utilitaires de son interprétation fonctionnelle. La démarche est loin d’être dépourvue d’intérêt, puisqu’elle fournit un angle de vue appréciable sur les activités et le mode de vie de la communauté intéressée. Mais en ce qui concerne la céramique, cette démarche s’avère bien souvent périlleuse, faute d’argumentaire suffisamment étoffé. Trois biais d’investigation sont possibles ; le premier concerne la recherche de témoins directs d’usage sur les récipients : altération des vases soumis au feu, dépôts sur les parois, voire reliquats de contenus au fond des vases. Le second procède de l’établissement d’une relation entre le contexte de dépôt et l’utilisation de l’objet : jarres semi‑enterrées, association de récipients dans un espace dédié à une activité spécifique... Le dernier considère les contraintes morphologiques dictées par les différents usages de la céramique. Les deux premières voies sont pratiquement inopérantes pour le mobilier du Boulevard périphérique nord de Lyon. Les symptômes d’usage avérés, peu fréquents, consistent en quelques traces de passage au feu et concernent rarement des pièces dont le profil complet est restituable. Quelques dépôts de matière ont pu être prélevés dans des fonds de récipients. L’un de ces prélèvements a fait l’objet d’une analyse de composition qui a révélé une teneur particulièrement élevée en matière minérale. L’hypothèse initiale d’un caramel alimentaire a donc été abandonnée, sans que la nature précise du produit soit identifiée. Les contextes de dépôt des vases sont pratiquement inexploitables, puisqu’on a vu qu’en quasi‑totalité le mobilier est en situation de dépôt secondaire, en dépotoir ou aire de rejet. Seules les jarres retrouvées semi‑enterrées permettent de restituer la fonction de récipients de stockage permanent de denrées. Subsiste donc comme seule approche possible l’interprétation de la morphologie des récipients en terme de contraintes d’utilisation. Il apparaît vite, à la confrontation des répertoires céramiques et de la gamme d’usages envisageables, qu’il est illusoire d’essayer d’établir une corrélation stricte entre fonction et critères morphologiques. Le niveau d’exigence imposé par les utilisations très variées est inégal. Pour bon nombre d’entre elles, les implications sur la morphologie sont limitées et aucun caractère discriminatoire ne peut permettre d’interprétation fiable. Ensuite, la démarche présuppose l’affectation précise et immuable d’une tâche donnée à chaque type de récipient. Or, pour une part du répertoire, une certaine polyvalence n’est pas à exclure, un usage opportuniste étant dicté par des besoins ponctuels. Donc, hormis le cas de récipients très spécialisés et dont la fonction engendre des critères morphologiques spécifiques bien reconnaissables (faisselles, couvercles...), on se trouve face à une majorité de vases morphologiquement adaptés à une gamme d’usages plus ou moins large. C’est donc plutôt en terme de thèmes fonctionnels que de fonctions précises qu’il convient d’aborder un classement (Echallier, Courtin 1994). Quatre grands thèmes peuvent être dissociés : le stockage fixe, le transport, le traitement ou préparation et le service. Chacun d’entre eux impose des conditions d’utilisation qui influent plus ou moins fortement sur la conformation des récipients. Mais deux autres facteurs importants interfèrent avec ces thèmes : la nature du contenu et notamment sa consistance, liquide, fluide ou solide, et le volume de ce contenu. L’imbrication de ces paramètres détermine les critères morphologiques les plus discriminants : la contenance du récipient, son rapport hauteur/diamètre, le degré d’étranglement du col, le diamètre interne à l’ouverture. S’y ajoute la présence éventuelle d’accessoires particuliers, comme les pieds, les anses...
42Une série de 33 formes archéologiquement complètes ou restituées issues de l’horizon Bronze final constitue le corpus de base de cette étude. Pour chaque pièce, les données typométriques suivantes ont été enregistrées : hauteur maximale, diamètre maximal, diamètre à l’ouverture et contenance (tabl. iv). Le calcul de cette dernière a été effectué selon la méthode de décomposition des profils proposée par J. Coularou (Coularou 1981).

TABL. IV – Table des caractères morphométriques des vases.
43L’analyse factorielle en composantes principales normées de ces quelques données permet la représentation sur un plan factoriel du répertoire trié selon ces critères (fig. 82). Elle fournit une première approche intuitive de la variété des profils fonctionnels. La série analysée, représentative de la variété du répertoire en usage, se prête imparfaitement à la restitution des thèmes fonctionnels. Si les contenances varient dans de fortes proportions, les autres critères morphologiques sont assez peu différenciés et ont donc une faible valeur discriminatoire. Le rapport hauteur/diamètre maximum oscille entre 0,28 et 1,78, mais là fourchette 0,50/0,80 englobe plus de 50 % des récipients, la moyenne s’établissant à 0,78. À l’exception de deux des pièces de la série, les cols ne présentent que de faibles coefficients d’étranglement et les embouchures de récipients sont plutôt larges : le rapport diamètre ouverture/diamètre maximal s’établit en moyenne à 0,89, avec un minimum de 0,62. Il est difficile d’affirmer si cette relative homogénéité morphologique répond à une faible différenciation au niveau des usages, à une pauvreté stylistique, ou est imputable à des limites techniques liées aux procédés de fabrication et/ou à la compétence des potiers. Le perfectionnement des modes de montage favorise indiscutablement l’élaboration de formes complexes, plus « spécialisées ». Mais certaines observations ethnographiques nous fournissent des exemples de productions familiales techniquement frustes mais montrant une forte adaptation morphologique aux différents usages envisagés. Les contenances varient de 10 cl à un peu plus de 40 1. Les deux récipients les plus petits sont de conformations opposées, l’un élancé, étroit et à col, l’autre bas et monosegmenté. Leur faible contenance semble les vouer au conditionnement de produits spécifiques ou à des manipulations particulières. À l’autre extrême figurent des vases dont le fort encombrement limite la mobilité. Les tendances morphologiques sont voisines : il s’agit de formes hautes, dont l’ouverture large est plus adaptée au stockage de denrées solides que liquides. Le contexte de découverte de plusieurs pièces de ce type, parmi les plus grosses, confirme la vocation de vases de stockage fixes et leur présence dans la plupart des cellules d’habitat supposées les relie à une utilisation domestique et non artisanale. L’identification du contenu à une denrée alimentaire paraît dès lors plus que probable. Les récipients similaires de taille plus réduite, dont la contenance avoisine 10 1, peuvent assurer des missions comparables. Toutefois, leur encombrement plus restreint et un poids en charge de l’ordre d’une dizaine de kilogrammes autorisent des manipulations et la fonction de transport, voire une fonction mixte de transport/stockage ne peut être écartée. Il est encore plus difficile de se prononcer sur l’usage des récipients de contenance « moyenne », oscillant entre 1,5 et 7 1. Schématiquement, deux types de profils sont concernés : des vases hauts à encolure et des vases ouverts, plutôt bas, monosegmentés. Les premiers semblent adaptés à un contenu de texture liquide ou fluide et à un usage de transport, stockage ou même service. Les seconds évoquent plus des récipients de préparation culinaire, ou de présentation. Si l’on admet pour ces derniers cette proposition, les contenances observées (entre 4,7 et 7,3 l) laissent supposer que ces préparations pouvaient satisfaire aux besoins de plus d’une demi‑douzaine de personnes. Enfin, une majorité de vases présentent une contenance comprise entre 0,5 et 1,2 l. Ils ont une morphologie trapue, un col plus ou moins étranglé et sont fréquemment munis de petites anses verticales, dans certains cas indiscutablement plus décoratives que fonctionnelles. Par leur importance quantitative et leur contenance limitée, ils font figure de « vases à manger » individuels potentiels. Leur conformation sous‑entend une alimentation à base de produits semi‑liquides.

FIG. 82 – Analyse fonctionnelle : représentation factorielle de l’analyse en composantes principales.
4.2.3 Le faciès céramique du Bronze ancien
44(FIG. 83)
45La définition du faciès céramique du Bronze ancien présente des difficultés tout autres que celles que nous avons rencontrées pour le Bronze final. Le premier problème qui se pose relève de la pertinence stratigraphique du mobilier recueilli. La fouille a permis de déceler deux niveaux d’occupation distincts, appartenant vraisemblablement à cet horizon ancien. Le contexte stratigraphique extrêmement perturbé nous a toutefois privés de la possibilité d’isoler ces niveaux et de les traiter distinctement à la fouille. Les structures ont pu être phasées en fonction de leur altitude, avec une fiabilité relative, mais le mobilier issu des passes mécaniques est plus difficile à ventiler. Nous nous retrouvons donc avec un ensemble mobilier réparti en trois lots : deux lots attribuables « vraisemblablement » à l’une des deux occupations et un troisième lot qu’on ne peut rattacher qu’à l’horizon Bronze ancien dans sa globalité1. À cette hétérogénéité des données de fouille s’ajoute un autre handicap : la faiblesse quantitative du mobilier collecté ; la part réduite occupée au sein du corpus par l’horizon Bronze ancien en est le reflet. Dès lors, il est évident que conduire séparément l’analyse des trois sous‑ensembles –typologiquement faméliques– interdisait le recours à toute démarche comparative statistique. À cette approche, nous avons préféré celle consistant à traiter l’horizon dans sa globalité, puis à nous interroger de façon rétrospective sur l’individualité de ses deux composantes.

FIG. 83 – Bronze ancien : tableau typologique synthétique.
4.2.3.1 Catalogue typologique
46Cf. annexe 2, fiches typologiques nos 11 à 18.
4.2.3.2 Synthèse
47Le répertoire de formes restitué pour le Bronze ancien souffre de quelques lacunes, principalement en ce qui concerne les petits récipients, peu représentés. Le panorama des grands récipients destinés au stockage est quant à lui plus complet. L’ensemble montre dans ses grandes lignes une assez forte standardisation des formes et des thèmes décoratifs : formes trapues ou globulaires, cols ramassés et étranglés, urnes à cordons et languettes... La relative diversité de détail interdit toutefois d’envisager une production « à la chaîne ». Enfin, plusieurs pièces tranchent nettement par leur originalité. Cette vue tronquée –ou plus ou moins déformée– du répertoire céramique nous empêche de pousser très loin l’analyse fonctionnelle de l’ensemble. Par contre, les composantes stylistiques mises en évidence laissent entrevoir de bonnes perspectives pour la confrontation des contextes typochronologiques régionaux et extrarégionaux.
48Le nombre de variantes assez limité (24) que nous avons pu identifier dans le catalogue (fig. 84) et l’importance occupée par les grands vases de stockage soulèvent la question de la représentativité du répertoire restitué ; autrement dit, l’image que nous reconstituons est‑elle le fidèle reflet d’un répertoire céramique d’habitat, avec toutes ses composantes : vases de stockage, de transport, céramique à usage culinaire...? Dans la mesure où seule une emprise partielle du gisement a pu être étudiée et où la restitution des espaces est assez problématique, l’analyse spatiale nous fournit peu d’éléments de réponse. Le mobilier semble certes provenir de secteurs à vocations variées (habitat stricto sensu, zones d’entrepôt, de parcage...) mais l’examen détaillé des contextes de provenance montre la forte prédominance des comblements de fosse et il est douteux que ceux‑ci soient systématiquement en rapport avec la fonction du lieu. Alors, les déséquilibres observés dans la représentation de certains types sont‑ils symptomatiques des déficiences de notre échantillonnage, ou bien témoignent‑ils des modalités et des limites dans l’usage de certaines catégories céramiques au Bronze ancien ?

FIG. 84 – Bronze ancien : répartition de l’effectif par type.
49Les deux observations suivantes méritent une attention particulière :
– la faiblesse de l’effectif des formes basses, toutes de petit diamètre (11 % des types identifiés) ;
– le fort contingent de gros vases de stockage.
4.2.3.3 Les tendances morphologiques
50Les lèvres sont courtes, généralement peu individualisées ou en bourrelet ; elles prolongent des bords rarement très inclinés. Les vases munis de col (64 % du total) ont, pour près de la moitié d’entre eux, un col très court, concave, à étranglement assez marqué (fig. 85). Les gobelets ansés du type 16 se détachent de l’ensemble par leur long col tronconique fermé. La combinaison quasi systématique de ces cols étroits et courts avec une panse large, sans rupture de profil bien marquée au niveau de l’épaule, confère à la majorité des vases un aspect globulaire. La pièce no 2 138 fait figure d’exception, avec un épaulement haut caréné, surmonté d’un col très étroit. Une autre pièce s’écarte de la « norme » : le vase 2 136, de forme élancée, à col large peu étranglé et bord droit. Les appendices de préhension sont fréquents ; sur les grosses pièces, il s’agit surtout de languettes (fig. 86 et 87) localisées non pas sur la lèvre, comme au Bronze final, mais sur la panse (segment médian ou supérieur). Ces languettes, de grande taille, sont parfois un peu incurvées et deux peuvent être qualifiées d’arciformes. Les anses en ruban apparaissent plutôt sur des vases moins volumineux (fig. 88 et 89), si l’on excepte l’urne 2 224, retrouvée entière dans le comblement d’une fosse. Elle porte quatre anses verticales de petit diamètre sur la liaison panse‑col, probablement destinées au passage d’un lien de maintien. Enfin, quelques boutons de préhension, peu proéminents, ont été observés.

FIG. 85 – Morphologie des cols.

FIG. 86 – Appendices de préhension.

FIG. 87 – Exemples de languettes de préhension.

FIG. 88 – Exemples d’anses.

FIG. 89 – Répartition des appendices de préhension par type.
4.2.3.4 Les caractères technologiques
51Si l’on considère l’horizon dans sa totalité, on constate que les pâtes sont essentiellement grossières (88 % ; fig. 90). Le mode de cuisson est très majoritairement réducteur (fig. 91) et on n’observe aucune corrélation directe entre le type de pâte et la cuisson. Parmi les modes mixtes, la plupart dénotent l’irrégularité de la cuisson : l’aspect de la tranche varie fréquemment d’un point à l’autre du même vase et les surfaces exhibent des « coups de feu » attestant la mauvaise maîtrise de la combustion. Il subsiste peu de traces de traitement de surface, mais l’état de conservation d’un grand nombre de pièces ne permet pas bien souvent d’avoir la certitude de l’existence d’un tel traitement.

FIG. 90 – Fréquence par catégorie de pâte.

FIG. 91 – Modes de cuisson.
4.2.3.5 Les décors
52Les décors concernent environ 30 % des pièces. Le plus fréquent (près de 70 % ; fig. 92) est celui de moulure ou cordon rapporté. Ce décor en relief est souvent brut, parfois orné d’impressions digitées ou, plus rarement, d’incisions. Il est localisé, en parts approximativement égales, sur le col du récipient ou à la liaison panse‑col (fig. 93). Il s’agit le plus souvent, semble‑t‑il, d’un cordon horizontal unique, mais sur plusieurs grands vases l’organisation du motif est plus complexe. Plusieurs cordons horizontaux, joignant souvent languettes ou attaches d’anse entre elles, sont reliés par des cordons plus ou moins verticaux (fig. 94 et 95). Les impressions digitées (7 % des décors) comprennent exclusivement des motifs de bandes horizontales placés sur la panse (segment supérieur) ou sur la lèvre. Plus originaux et sophistiqués sont les décors à motifs géométriques (combinaison de bandes horizontales et verticales) faisant intervenir –parfois sur un même vase– plusieurs techniques décoratives (lignes incisées, impressions au poinçon ou au peigne, à la cordelette « barbelée »). Si l’on excepte la forme haute no 2 141, ces décors apparaissent sur des coupes basses, à fond soulevé, sans col ou à col à peine esquissé (fig. 96).

FIG. 92 – Fréquence par technique de décor.

FIG. 93 – Localisation des décors.

FIG. 94 – Exemples de cordons lisses.

FIG. 95 – Exemples de cordons digités.

FIG. 96 – Décors de tradition campaniforme.
4.2.3.6 Essai de confrontation des faciès des deux horizons du Bronze ancien
53La comparaison entre horizons inférieur et supérieur du Bronze ancien se heurte à la faible représentativité des ensembles avérés du niveau inférieur. Rappelons que le mobilier des décapages mécaniques ne présente pas une fiabilité suffisante pour assurer une distinction convenable entre les deux horizons. Subsistent donc comme seules bases de confrontation possible les ensembles clos. Le niveau supérieur fournit quelques assemblages suffisamment étoffés pour approcher les associations clefs (fig. 97 et 98). La plus belle série typologique est livrée par le silo 94.1‑1064, avec une quinzaine de pièces représentées dans le corpus. L’association comprend notamment des jarres de stockage pansues à cordon lisse prélabial et languettes de préhension, une jarre morphologiquement similaire munie de cordons digités orthogonaux et une urne « amphore » carénée à ouverture rétrécie et cordons horizontaux digités. Les petits récipients sont beaucoup moins bien représentés. On distingue cependant une cruche à anse en ruban et les bords déversés de petits vases à col concave dont il est impossible de restituer le profil. La fosse 94.8‑230 a livré une dizaine de pièces remarquables. Y sont associés des fragments d’urnes globulaires ou pansues, à ouverture étroite et cordon imprimé sur le col, des fragments de panse de grands vases de stockage munis de languettes de préhension, un couvercle et deux cruches, dont une carénée. Des similitudes certaines avec l’ensemble précédent peuvent être notées, mais on remarque l’absence d’urnes à cordons orthogonaux. La fosse 94.1‑1051, attribuée au même horizon, montre la cohabitation d’un vase globulaire à anse en ruban et d’une grande jarre à languette et cordons digités horizontaux, ces deux pièces rappelant fortement l’ensemble 94.1‑1064. Enfin, provenant de divers ensembles tous affectés à cet horizon, on peut signaler des urnes pansues à col étroit, concave ou quasi cylindrique, munies de boutons de préhension. Des urnes à embouchure rétrécie, à languette et cordon lisse prélabial, présentes dans plusieurs fosses, sont vraisemblablement à rapprocher des languettes des fosses 94.8‑230 et 94.1‑1064.

FIG. 97 – Assemblages céramiques du Bronze ancien, horizon supérieur.

FIG. 98 – Assemblages céramiques du Bronze ancien, horizon inférieur.
54L’association la plus riche, ou la moins pauvre devrait‑on plutôt dire, du niveau inférieur est fournie par la fosse 94.8‑194. La pièce principale est constituée par une urne globulaire à ouverture étroite, dont l’épaule supporte 4 anses en ruban et est ornée de cordons lisses orthogonaux. Elle est accompagnée de 4 fragments de rebords dont un peut être attribué à une urne pansue et deux à des petits récipients à profil simple monosegmenté, bols ou tasses. Aucun motif décoratif n’apparaît sur ces pièces.
55L’ensemble 94.1‑1072 a livré une urne globulaire à anses en ruban et cordon lisse prélabial et un vase à ouverture rétrécie et cordon lisse sur col. Parmi les autres pièces rattachées à cet horizon, on peut encore mentionner, provenant de diverses structures, une coupe à épaulement esquissé et lèvre mince qui n’est pas sans rappeler plusieurs formes associées à des décors incisés‑estampés particuliers retrouvées dans les décapages mécaniques, ainsi qu’un fragment de lèvre avec amorce de cordon lisse vertical, préfigurant probablement un motif complexe de cordons orthogonaux. Enfin, une urne de grandes dimensions contraste fortement par sa conformation morphologique avec les autres vases de stockage rencontrés, trapus et globulaires. La forme est au contraire ici élancée, la base de la panse se resserre fortement pour aboutir à un fond plat assez étroit. La partie sommitale est tronconique, fermée, presque cylindrique. Des languettes de préhension sont implantées à quelques centimètres du bord.
56Le faible nombre de pièces impliquées et le déséquilibre entre les effectifs respectifs des deux horizons rendent délicate la mise en parallèle des répertoires. Des différences marquantes peuvent au moins être constatées, parmi lesquelles figure en premier lieu l’absence d’impressions digitées dans les assemblages du niveau le plus ancien. Les cordons constituent par contre une constante, sur des vases par ailleurs très différents : on peut avec réserve opposer à l’urne globulaire du niveau inférieur la forme moins sinueuse, à languettes légèrement arciformes et digitations du niveau supérieur.
57Les petites pièces de vaisselle restent en grande part méconnues. Les cruches ansées, plus ou moins apparentées au type « tasse des roseaux », sont présentes dans les deux horizons.
58Les coupes dont plusieurs portent des décors de tradition campaniforme auraient pu constituer un bon indice typologique. Elles sont malheureusement presque toutes issues des décapages mécaniques hors structure, pour lesquels aucune dissociation des deux horizons n’a pu être raisonnablement effectuée. Un unique exemplaire, non décoré, provient d’un ensemble clos du niveau ancien. En dernier ressort, seule la confrontation du mobilier des gisements avec des référents extérieurs datés pourra permettre la confirmation éventuelle de ces propositions de distinction de faciès.
4.2.4 Étude géochimique et minéralogique
4.2.4.1 Principes d’approche
59L’examen de la composition des pâtes céramiques constitue une approche complémentaire à l’étude morphologique traditionnelle2. Plus difficile à systématiser, car impliquant la contribution de méthodes d’investigation et de compétences très marginales à l’archéologie, lourdes et coûteuses, elle a pour centre d’intérêt non plus le geste du potier, mais la matière première et son traitement. Deux niveaux d’observation sont envisageables :
– l’analyse géochimique (Picon, Le Mière 1987), c’est‑à‑dire le dosage d’un certain nombre d’éléments majeurs et de traces constituant la céramique. Cette analyse quantitative présente l’avantage de faciliter les comparaisons entre individus. Par contre, elle ne permet pas de dissocier la fraction fine (argile) de la fraction grossière (dégraissant) et fournit la composition « globale » d’un produit composite ;
– l’étude minéralogique vient compléter cette première approche, d’une part en rendant possible la séparation des fractions fines et grossières et donc l’identification du dégraissant, d’autre part en précisant la nature des variations chimiques à petite échelle.
60Les perspectives archéologiques attachées au développement d’une telle démarche sont considérables : d’abord la mise en évidence de certains caractères technologiques, l’estimation des contraintes techniques de choix de la matière première, et de leur évolution, l’évaluation de la variabilité des productions. Puis, au‑delà de ce premier stade d’interprétation, les objectifs visent l’étude géographique des bassins d’approvisionnement en matière première, la restitution des structures de production et l’étude de la mobilité des produits finis.
61L’exploitation optimale de ces thèmes potentiels repose toutefois sur des acquis préliminaires qui ne sont pas, à l’heure actuelle, disponibles : l’analyse de séries statistiques importantes et l’élaboration de cadres régionaux de référence, après accord sur les termes de comparaison et les protocoles d’analyse. Dans l’attente de la satisfaction de ces conditions, le programme qui a été mis en œuvre sur le mobilier des gisements du Boulevard périphérique nord de Lyon doit être considéré comme une réflexion méthodologique et l’amorce de constitution d’une base documentaire.
4.2.4.2 Choix et représentativité de l’échantillonnage
62Pour des raisons pratiques, le programme a dû se limiter à la prise en compte d’un effectif réduit d’échantillons : une soixantaine pour les analyses géochimiques, une douzaine pour l’étude minéralogique. Le choix des échantillons a été effectué sur les critères suivants : sélection de contextes de provenance spatialement et chronologiquement variés ; sélection préférentielle d’échantillons issus de pièces au profil connu ou restituable, de façon à favoriser la confrontation avec la typologie morphologique. Le dépotoir sur berge du Bronze final, plus riche ensemble clos disponible, a été favorisé lors de la sélection. La répartition des pièces choisies est présentée dans le tableau v.

TABL. V – Répartition des pièces du corpus géochimique.
4.2.4.3 Les protocoles d’analyse
Géochimie
63L’analyse élémentaire des pâtes a été réalisée au moyen des techniques de fluorescence X (XRF) et de spectrométrie ICP. Ces techniques, destructives, permettent toutes les deux d’analyser les éléments majeurs et un certain nombre d’éléments traces. Les échantillons sont préparés sous forme d’une poudre finement broyée. Les quantités de matière nécessitées par les analyses sont de 0,2 g pour le dosage en ICP, de 7 à 10 g pour les éléments majeurs en fluorescence X et de 0,5 g pour les éléments traces. Le tableau vi établit la liste des éléments qui ont été dosés.

TABL. VI – Liste d’éléments dosés
64Tous les éléments majeurs sont des données XRF, sauf Na20 ; s’il n’y a pas de recoupement entre ICP et XRF, seuls les éléments traces fiables ont été conservés ; en cas de recoupement, on a gardé les traces XRF ou bien, pour certaines données manquantes, on a étalonné les traces TCP sur les traces XRF.
Étude minéralogique
65Les échantillons ont été examinés au microscope électronique à balayage (MEB). Celui‑ci permet en effet d’identifier les différentes phases minéralogiques ; elles apparaissent à l’écran avec des nuances de gris distinctes et on peut obtenir un spectre qualitatif ou semi‑quantitatif des éléments les composant au moyen d’un dispositif analysant les rayonnements X émis en dispersion d’énergie (Tracor).
4.2.4.4 Présentation des résultats
Observations sur les constituants
66L’identification minéralogique effectuée sur la fraction grossière des échantillons traités au MEB nous informe sur la nature du dégraissant. Il s’agit dans tous les cas étudiés d’un sable d’origine granitique, avec quelques variétés parmi les échantillons : 07, 09, 10, 16, 18, 21, 29, 35 sont par exemple moins sodiques que 06 et 26. On note également l’importance relative de cette fraction grossière qui semble, dans certains cas, faire part égale avec la fraction fine.
67Cette présence massive du dégraissant influe fortement sur la composition chimique des échantillons, où elle se traduit par l’importance prise par les éléments Si02, Al203, K20, Rb. Si l’on écarte ces variables, on parvient à une caractérisation satisfaisante de la fraction fine. Les tables de dosage montrent d’autre part un rapport P/Ca anormalement élevé, dans certains cas (02, 41, 47, 28, provenant tous de l’horizon Bronze ancien) supérieur même à celui de l’apatite, contrairement à la plupart des roches sédimentaires qui sont généralement très pauvres en phosphore. Il est difficile de déterminer l’origine de cette anomalie. Elle pourrait être liée à la présence de matière organique dans la matière première (apport de phosphates), ou à un phénomène de transport (apport de phosphore en solution) qui aurait affecté les tessons après leur fossilisation. De façon plus générale, on constate que l’éventualité d’altérations chimiques significatives liées au contexte d’enfouissement des objets constitue un obstacle à la démarche : si sur un plan théorique ces processus sont connus, on ignore dans quelle mesure le contexte propre du site a pu provoquer leur mise en oeuvre et quelle ampleur ils ont pu prendre. Leur rôle éventuel dans l’explication de certaines anomalies est donc, à l’heure actuelle, impossible à établir.
Exploitation statistique des données
68En faisant abstraction des éléments qui n’ont pu être dosés sur tous les échantillons (Li, Sc, V, Cr, Ga, Zr, Pb, Eu), on retient 14 variables indépendantes qui définissent un espace à 14 dimensions. Une analyse de grappes appliquée à cet espace permet de bâtir un dendrogramme, selon des méthodes appliquées par ailleurs (Picon 1987). Les variables sont normées réduites pour avoir le même poids statistique (espérance nulle et variance égale à 1) et c’est la distance euclidienne entre les individus qui détermine leur proximité sur le dendrogramme.
69L’examen conjoint de ce dendrogramme (fig. 99) et des graphiques obtenus par analyse en composantes principales des mêmes échantillons et mêmes variables (Lesage 1990) permet les constats suivants :
– le test effectué sur deux récipients, respectivement représentés par les échantillons ‑1, 01, 43, 44 et 09, 45, démontre l’absence de variations sensibles sur un même vase ;
– la différenciation entre les productions des différents horizons chronologiques est très inégale (fig. 99 et 100). Certains regroupements d’échantillons contemporains apparaissent : (37, 36, 21, 27, 15, 14) pour le Bronze final, ou (59, 25, 26) et (47, 48, 28) pour le Bronze ancien. Mais on note inversement de fortes similitudes de composition entre des vases d’horizons distincts : (52, 03) ou (08, 38) par exemple. Considérant l’inégale représentation des différents horizons, il convient d’être prudent quant à l’interprétation de ces données ;
– au sein de chaque horizon chronologique, la variabilité semble forte. Même pour l’ensemble Bronze final, le mieux représenté, l’échantillonnage est insuffisant pour autoriser la définition de groupes susceptibles de correspondre à des ateliers ou à des fournées distincts. La forte dispersion des échantillons (fig. 101) laisse toutefois envisager l’extrême diversité des pâtes. Les potiers utilisent des matériaux variés et le niveau d’exigence qualitative paraît très faible. Certaines observations effectuées au MEB permettent même de penser que des formations de surfaces polluées et altérées ont pu être sollicitées (matériaux très hétérogènes jusque dans le détail, présence de nodules ferrifères) ;
– la confrontation entre la classification géochimique et la typologie des formes ne met en évidence aucune corrélation entre matériau et groupe typologique. Pour le Bronze ancien, l’effectif concerné est trop faible pour que la dispersion observée sur la figure 102 puisse donner lieu à une interprétation. La projection des profils d’individus sur le plan factoriel résultant de l’analyse en composantes principales des échantillons du Bronze final fournit une image plus dense. Les gobelets cannelés, bien représentés dans la population de départ, sont dispersés sur l’ensemble du graphe. Inversement, on note des appariements entre des formes très distinctes, comme les échantillons 04, 17 et 54, qui proviennent respectivement d’un gobelet ansé, d’une grande jarre et d’une écuelle basse. Cette association n’est pas due à une déformation du nuage d’individus par le choix des axes factoriels, comme le prouve leur proximité dans le dendrogramme de la figure 99.

FIG. 99 – Dendrogramme de classification ascendante hiérarchique.

FIG. 100 – Représentation factorielle de l’analyse en composantes principales des échantillons.

FIG. 101 – Représentation factorielle de l’analyse en composantes principales des individus du Bronze final.

FIG. 102 – Représentation factorielle de l’analyse en composantes principales des individus du Bronze ancien.
70Il semble donc que le type morphologique du récipient n’induit pas des contraintes particulières au niveau du choix de la matière première.
71Le traitement d’un échantillonnage plus fourni serait nécessaire pour tenter une sériation des matériaux. Mais le programme mené montre déjà qu’il en résulterait de toute façon des groupes typologiquement très hétérogènes. Au vu de la diversité extrême observée dans les compositions, ces groupes pourraient vraisemblablement correspondre à de simples « fournées ». La médiocre qualité de l’argile et l’absence évidente de continuité dans l’exploitation des sources d’approvisionnement plaident quant à elles pour l’hypothèse d’une production non spécialisée, probablement délocalisée au niveau de la cellule familiale.
4.3 L’industrie lithique taillée
4.3.1 Problématique et méthodologie
4.3.1.1 L’industrie lithique taillée à l’âge du Bronze : réalité et interrogations
72La problématique que nous tentons de développer dans ces lignes s’articule selon deux axes principaux. Ces axes sont induits d’une part par la rareté des découvertes –et donc des études– consacrées à l’étude de l’industrie lithique taillée pour la Protohistoire et, d’autre part par la volonté d’interpréter en termes d’organisation économique domestique des habitats de plein air de l’âge du Bronze. Il s’agit en premier lieu de caractériser la production d’outillage lithique à l’âge du Bronze, puis de s’intéresser aux problèmes d’analyse et d’interprétation.
73Cette interrogation, relativement neuve, est essentiellement liée aux découvertes récentes lors de travaux d’archéologie préventive sur lesquels nous reviendrons. Jusqu’ici la majorité des sites protohistoriques du S‑E de la France n’ont pas livré de tels artefacts. On peut même supposer que dans certains cas, la présence de tels artefacts dans des niveaux de l’âge du Bronze a été considérée comme intrusive, issue de remaniements stratigraphiques : ils n’ont donc pas fait l’objet d’une attention particulière à l’exception de quelques études ponctuelles (Dedet 1984 : 29). Ce premier volet de la problématique nous conduit donc à insister sur la cohérence des ensembles, ainsi que sur la typologie des outillages étudiés. Les caractères technologiques ne sont pas à omettre pour autant, puisqu’ils s’intègrent essentiellement dans le deuxième axe de la problématique.
74Le second point, en effet, tient en la contribution à l’étude du fonctionnement domestique des occupations protohistoriques du site. Plus que des données relatives à l’analyse spatiale, il s’agit d’éléments d’ordre économique, originaux pour cette période.
4.3.1.2 Options méthodologiques
75Sur le plan méthodologique, l’hétérogénéité quantitative et qualitative des assemblages étudiés constitue une très forte contrainte dont il faut tenir compte préalablement à l’étude et qui implique en particulier qu’on s’assure de la cohérence des ensembles. Une priorité a donc été accordée à la clarification des associations ainsi qu’au contrôle de l’appartenance stratigraphique des artefacts.
76En ce qui concerne le traitement des pièces taillées, les artefacts lithiques sont répartis selon trois catégories préalables qui permettent une première ventilation théorique du matériel étudié : les pièces façonnées, les supports et les produits :
– les pièces façonnées, où le bloc de matière exploitée devient outil en lui‑même, ne sont pas présentes dans ce corpus ;
– les supports correspondent aux reliquats de l’exploitation de la matière lithique. Il s’agit donc de l’ensemble des nucléus, mais également des produits indirects de l’extraction de support à partir de bloc de matière première. Cette dernière catégorie regroupe les nombreux « déchets » et fragments de nucléus. Ce sont des artefacts définis par exclusion. Il ne s’agit pas de nucléus complet, ni d’éléments ayant les stigmates caractéristiques du débitage (deux faces, un talon, un bulbe, etc.) ;
– les produits sont les artefacts issus d’une action intentionnelle sur les blocs de matière première. Ils se caractérisent par la présence de deux faces différenciées, d’un talon et généralement d’un bulbe, stigmate du choc à l’origine du détachement du produit du bloc. Il ne faut pas oublier enfin la fraction parfois importante de fragments de produits, les « cassons ».
77Ces différenciations successives des artefacts lithiques se résument en une dichotomie supports/produits (tabl. vii). La prise en compte des distinctions principales dans l’ensemble des artefacts étudiés établit une première ventilation du corpus, déjà fortement marqué par un contexte sédimentaire et archéologique complexe. Ainsi dans l’us 230, pour un total de 966 artefacts, on trouve 144 outils, 142 supports, 215 produits de débitage et 465 « cassons ».

TABL. VII – Distinction des catégories principales d’artefacts.
4.3.1.3 Restrictions
78Cette introduction doit être tempérée par la prise en compte explicite de trois problèmes rencontrés qui constituent des difficultés, voire des obstacles pour notre perspective de travail.
79En ce qui concerne la dynamique de l’occupation du site, il ne nous apparaît pas possible de distinguer des différences dans les artefacts de l’âge du Bronze ancien parmi les trois subdivisions établies sur le terrain. Les artefacts de cette période sont considérés comme un seul ensemble dans cette étude. L’analyse spatiale ne peut escompter d’importants résultats en provenance de l’industrie lithique taillée, ce qui rejoint les difficultés fréquentes de lecture des sols d’habitats protohistoriques de plein air.
80Il n’est guère possible d’entreprendre une approche comparative du corpus du Boulevard périphérique nord de Lyon. En effet, les termes de comparaison publiés se trouvent pour la plupart dans des régions géographiques éloignées, héritières de « traditions » lithiques bien différentes. Les publications les plus étoffées pour le Bronze ancien sont issues de travaux récents dans l’ouest de la France (Bouchet et al. 1990 ; Billard et al. 1994) ainsi que dans le Nord‑Pas‑de‑Calais (Martial 1995). En ce qui concerne le Bronze final, les travaux sont encore plus clairsemés (Dedet 1984). Seuls les niveaux du Bronze ancien et Bronze final I de la grotte du Gardon à Ambérieu‑en‑Bugey (Ain) autorisent, par leur publication systématique, une comparaison des artefacts taillés pour cette période dans la région lyonnaise. Bien que parfois très proches de notre corpus –en particulier pour les armatures de flèches du Bronze final I– leur relative rareté ainsi que la spécificité des occupations de l’âge du Bronze dans cette grotte (Guillet 1991 ; Sordoillet 1995) ne nous permettent pas de poursuivre cette comparaison (Boret, Voruz 1994 ; Guillet, Khaled 1994 ; Buard et al. 1995) dans le cadre d’une étude monographique réduite.
81Le dernier point concerne le vaste problème de l’origine des matières premières employées. La provenance des matériaux siliceux taillés est une clef importante de la technologie lithique. Saisir la proximité ou l’éloignement d’un approvisionnement constitue une donnée déterminante dans la compréhension de l’économie de la matière première. Une telle approche n’est pas possible pour l’instant dans la région lyonnaise et particulièrement pour les outils taillés de l’âge du Bronze sur le site du Boulevard périphérique nord de Lyon. Les raisons sont multiples et les inventorier ne rend que partiellement compte de la complexité du problème. Il faut tout d’abord noter la très forte hétérogénéité des matières présentes sous forme de produits et ceci malgré un débitage moins opportuniste que prévu. Nous touchons ici un phénomène non quantifiable en l’état mais qu’il ne faut pas méconnaître. Cet aspect hétérogène de l’approvisionnement en matière siliceuse se trouve renforcé par l’absence d’une dominante dans les proportions respectives des matières employées. Pour les occupations de l’âge du Bronze qui nous concernent ici, le schéma –s’il existe– ne comporte aucune netteté. Une des raisons principales réside dans notre ignorance des matériaux présents à proximité du site même. Ainsi, il n’est pas possible d’évaluer la présence de galets de silex dans les alluvions de la Saône. Il n’est pas plus possible d’évaluer la présence de silex dans les restes morainiques (plateau de la Duchère, plaine du Rhône) ainsi que dans les placages d’argiles à silex en amont de Lyon (région de Jassans‑Riottier, etc.). L’urbanisation forte et ancienne ainsi que l’intense fréquentation humaine de l’axe de la Saône nous masquent définitivement les potentialités locales. Il n’est donc pas possible actuellement d’établir un classement du matériel lithique taillé de l’âge du Bronze d’après les matières utilisées. Cette approche, particulièrement intéressante pour l’étude fine des réseaux économiques et des territoires, n’est envisageable à notre avis que dans le cadre d’un travail collectif à moyen terme, engagé par ailleurs. Dans les lignes qui suivent, nous tentons d’aborder le problème de l’économie de la matière première (Perles 1991) par un examen particulier des pièces archéologiques.
4.3.1.4 Indices d’occupations antérieures à l’âge du Bronze
8211 n’est pas dans notre intention de faire le résumé des occupations archéologiques antérieures à l’âge du Bronze dans les lignes qui suivent, en reprenant un travail déjà réalisé. Outre la découverte d’artefacts attribuables au Néolithique moyen, il est possible de rattacher également au Néolithique quelques artefacts initialement compris dans le corpus protohistorique (fig. 103). On note en particulier la présence d’une extrémité distale de poignard et d’une armature de flèche perçante triangulaire. Malgré l’absence d’une détermination pétrographique, la morphologie de l’extrémité du poignard, sa section, ainsi que l’examen à la loupe binoculaire de la matière première abondent dans le même sens. Il s’agit très probablement d’un fragment de poignard sur lame en silex du Grand‑Pressigny (Indre) dont les importations dans l’est de la France sont biens calées chronologiquement (Mallet 1992).

FIG. 103 – Mobilier lithique du Néolithique final.
83En ce qui concerne l’armature de flèche perçante triangulaire à pédoncule et ailerons, il s’agit d’un modèle particulièrement fréquent au Néolithique final II (Bailly 1993), soit de la première moitié du iiie millénaire avant notre ère. Ce type d’armature est bien représenté sur le site de Charavines, sur la station des Baigneurs (Isère), ou sur les stations du Néolithique final des berges de la Saône.
84Cette datation, bien antérieure à l’âge du Bronze ancien, concorde avec la période définie pour la circulation du silex pressignien (Mallet 1992 : 201), soit entre la fin de la dynamique Horgen occidental/SOM (vers 3100‑3000 av. J.‑C.) et la période comprise entre la fin de la séquence lacustre de Suisse occidentale (2480‑2420 av. J.‑C.) et la phase moyenne du Campaniforme (2300‑2200 av. J.‑C. env.) (Giligny et al. 1995 ; Voruz 1995).
4.3.2 L’industrie lithique taillée de l’âge du Bronze final I
85(FIG. 104 à 125)
4.3.2.1 Présentation
86Outre l’abondante série de céramiques d’habitat, les structures domestiques de l’âge du Bronze final I du Boulevard périphérique nord de Lyon recèlent également plusieurs centaines d’artefacts lithiques taillés. L’intérêt certain de ce type de production pour l’âge du Bronze final se voit cependant immédiatement restreint par la taille réduite du corpus disponible, beaucoup plus restreint que celui de l’âge du Bronze ancien : pour un total de 322 artefacts, on trouve 43 outils, 35 supports, 52 produits de débitage et 192 « cassons ».
87L’essentiel du matériel étudié (96,2 %) provient d’une portion du site au remplissage clairement défini. On remarque immédiatement la fragmentation très importante du matériel (59,6 %), ce qui restreint fortement les ambitions analytiques. La caractérisation du débitage ne porte que sur 52 éléments et la typologie de l’outillage sur 43 individus (fig. 104). Les résultats sont donc à prendre avec une prudence suffisante.

FIG. 104 – Mobilier lithique du Bronze final I.
88L’examen de la production lithique comporte 3 volets, avec tout d’abord l’examen des nucléus et des blocs, puis la caractérisation du débitage brut et de l’outillage. L’analyse technologique de la production sera esquissée en dernier lieu.
4.3.2.2 Le débitage
Les supports de débitage
89Les possibilités d’analyses des supports sont particulièrement limitées pour l’âge du Bronze final I. Seulement 35 artefacts appartiennent à cette catégorie. Parmi cet ensemble on ne distingue que 3 nucléus véritables (fig. 105). Il s’agit de 2 nucléus polyédriques à éclat (trois plans de frappe au moins), dont 1 de très petite taille, ainsi qu’un nucléus lamellaire à trois plans de frappe. La matière employée pour ce dernier est un silex gris‑marron assez fin, avec un cortex beige clair peu épais et sans granulosité particulière. Le reste des supports est constitué de fragments très hétérogènes selon les matières et les formes. On note cependant la présence de 10 pièces majoritairement corticales et cassées.

FIG. 105 – Nucléus du Bronze final I.
Les produits bruts de débitage
90La caractérisation des produits bruts de débitage s’établit sur l’observation de 52 éclats. Les lamelles ne sont pas représentées dans cet ensemble. Les valeurs principales sont détaillées dans le tableau viii.

TABL. VIII – Valeurs principales du débitage pour le Bronze final I. la : indice d’allongement. le : indice d’épaisseur.
91Il s’agit donc d’un débitage d’éclats courts et épais malgré des dimensions réduites inférieures à 60 mm pour la longueur et à 50 mm pour la largeur. L’essentiel des produits étant d’ailleurs de dimensions inférieures à 40 mm pour la longueur et 30 mm pour la largeur (fig. 106). Le module morphométrique est très étalé en fonction de la largeur alors que les valeurs de l’épaisseur sont assez regroupées. Les valeurs des indices d’allongement (Ia) et des indices d’épaisseur (Ie) illustrent encore ce fait. La figure 107 souligne la très forte structuration du nuage de points par la tendance à l’épaisseur, tandis que les valeurs de l’indice d’allongement sont réparties de manière uniforme, sans constituer pourtant une distribution normale (fig. 108).

FIG. 106 – Longueur et largeur des produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.

FIG. 107 – Valeurs de l’indice d’allongement (la) et de l’indice d’épaisseur (le) pour les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.

FIG. 108 – Effectifs des classes des valeurs de l’indice d’allongement des produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.
92Les talons des pièces brutes de débitage sont majoritairement lisses et punctiformes (fig. 109). Les talons corticaux et les cassures sont également représentés en quantités non négligeables.
93Les bulbes de percussion (fig. 110) ne sont pas répartis selon une organisation très nette. Les bulbes marqués et courts (type A) sont presque aussi nombreux que les bulbes marqués et longs (type B). On note également que les bulbes diffus (type C) sont les plus nombreux et que les bulbes massifs (type E) sont également présents.

FIG. 109 – Répartition des types de talons sur les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.

FIG. 110 – Typologie des bulbes de percussion des produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.
94L’examen des faces supérieures des éclats montre une répartition des classes (fig. 111) où les pièces de plein débitage sont dominantes. Cependant les pièces corticales sont bien attestées, particulièrement les classes 4 et 5 (entames), plus nombreuses que la classe 3.

FIG. 111 – Répartition des classes des surfaces naturelles des faces supérieures d’éclats sur les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze final I.
95L’ensemble de ces observations nous permet de caractériser un débitage d’éclats courts et larges, marqués par une forte tendance à l’épaisseur. Les observations des critères techniques ne permettent pas de définir un schéma dominant. Les critères sont répartis d’une manière peu structurée, ce qui conforte les observations morphométriques dans la caractérisation d’un débitage domestique opportuniste, irrégulier et sans investissements techniques intenses.
4.3.2.3 L’outillage de l’âge du Bronze final I
Morphologie de l’outillage
96L’outillage de l’âge du Bronze final comporte de par sa morphologie plusieurs différences importantes avec les produits bruts de débitage. Sur les 43 outils considérés, les supports utilisés se répartissent suivant une distribution déséquilibrée : 32 éclats, 6 lamelles, 1 déchet et 3 indéterminés. La différence première réside bien sûr dans l’utilisation de lamelles pour la réalisation d’outils, alors que les lamelles sont absentes des produits bruts du débitage.
97Les données morphométriques principales (tabl. ix) permettent de définir un outillage court et large, mais plus variable dans la longueur que dans la largeur. L’épaisseur peut atteindre des valeurs importantes, tout comme le poids qui, avec une valeur moyenne à 5 g, peut atteindre la valeur de 18,5 g.

TABL. IX – Valeurs morphométriques principales des outils de l’âge du Bronze final I. la : indice d’allongement. le : indice d’épaisseur.
98Les valeurs morphométriques principales se scindent en deux groupes de valeurs. Des outils d’une longueur moyenne, larges et peu épais d’une part, et des outils plus longs, moins larges et peu épais d’autre part. Cependant la tendance à l’épaisseur est assez remarquable dans cet ensemble (fig. 112), puisqu’une forte majorité des outils possèdent un indice d’épaisseur (Ie) nettement supérieur à l’indice d’allongement (la). Ce phénomène est lié à une répartition des valeurs de l’indice d’allongement assez resserrée mais irrégulière (fig. 113), tandis que l’indice d’épaisseur se caractérise par une répartition des valeurs étalée et tout aussi irrégulière (fig. 114). Le poids de l’outillage – dont la variabilité a déjà été soulignée – est réparti selon deux modes différents (fig. 115). Une majorité d’outils est d’un poids inférieur à 7 g, puis une seconde série d’outils, moins nombreux, s’échelonne entre 8 et 19 g.

FIG. 112 – Valeurs de l’indice d’allongement (la) et de l’indice d’épaisseur (le) pour les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 113 – Effectifs des classes des valeurs de l’indice d’allongement pour les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 114 – Classes des valeurs de l’indice d’épaisseur pour les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 115 – Effectifs des classes de poids (g) des outils de l’âge du Bronze final I.
99Nous avons donc affaire à un outillage structuré autour de deux axes, le poids et la tendance à l’épaisseur. L’essentiel des outils est réalisé sur des éclats courts et larges, mais une part minoritaire de cet outillage est façonnée sur lamelles.
Observations technologiques
100L’examen des talons sur les supports d’outils (fig. 116) permet de retenir deux caractéristiques importantes : les talons déterminés les plus fréquents sont lisses et dièdres ; les talons indéterminables constituent le groupe le plus important. Il n’existe pas de relation nette entre le type de support et le type de talon puisque, par exemple, les 6 lamelles comportent 2 talons lisses, 2 talons linéaires, 1 dièdre et 1 talon indéterminé. Il faut remarquer que le seul type complexe de talon attesté est le type dièdre. La typologie des bulbes de percussion (fig. 117) ne livre pas de répartition tranchée. Les bulbes illisibles (ind.) sont aussi nombreux que les diffus (type C). Le type A reste cependant le plus fréquent.

FIG. 116 – Typologie des talons des outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 117 – Typologie des bulbes de percussion des outils de l’âge du Bronze final I.
101Les différentes classes des surfaces naturelles sont représentées de manière décroissante de la classe 1 à la classe 5 (fig. 118). Les pièces de plein débitage ou à façonnage intense sont dominantes, les outils de classe 5 ne sont pas représentés.

FIG. 118 – Répartition des classes des surfaces naturelles des faces supérieures des outils de l’âge du Bronze final I.
102L’examen des négatifs d’enlèvements sur les faces supérieures d’outils s’avère beaucoup moins riche d’enseignement pour l’industrie lithique de l’âge du Bronze final I que pour l’âge du Bronze ancien. Deux raisons au moins déterminent cet état de fait : une forte indétermination bien sûr, liée aux supports illisibles, mais aussi les nombreux négatifs d’enlèvements ininterprétables, sur les lamelles en particulier. Le nombre d’informations observables est donc restreint (tabl. x). Les nucléus dont sont issus les outils étudiés sont l’objet d’une gestion conforme et sans doute monotone. On peut signaler qu’un seul éclat porte un enlèvement vraisemblablement lamellaire. Quant aux lamelles, 4 d’entre elles sont analysables, dont 2 portent des négatifs d’enlèvements d’éclats. L’interprétation de ces négatifs comme des enlèvements d’entretien du nucléus débité n’est cependant pas acquise.

TABL. X – Observations des négatifs de débitage sur les faces supérieures d’outils.
103Quant à l’orientation des négatifs d’enlèvements sur les faces supérieures d’outils, l’analyse du tableau xi n’autorise que deux affirmations :
– si l’essentiel des éclats ne permet pas une lecture des orientations, les pièces lisibles indiquent que les éclats sont préférentiellement débités sur des nucléus à plan de frappe unique (n = 6). Un seul éclat permet de supposer l’existence de nucléus à deux plans de frappe, mais l’enlèvement d’un éclat de ceintrage du nucléus est possible. Les éclats issus de nucléus polyédriques sont moins nombreux (n = 4) ;
– en ce qui concerne les rares lamelles (n = 6), 4 seulement autorisent une lecture identique : une orientation unipolaire normale qui témoigne d’un plan de frappe unique.

TABL. XI – Orientation des négatifs de débitage sur les faces supérieures d’outils.
104Cette série d’observations ne permet pas d’inférer un schéma cohérent en ce qui concerne la production des supports d’outils. Les différences avec les produits bruts de débitage sont sensibles tant par l’aspect morphométrique que par les éléments techniques. On peut avancer l’hypothèse –peu hardie– d’un débitage majoritaire d’éclat sur des nucléus à plan de frappe unique et une moindre proportion de nucléus polyédriques. Quant aux lamelles, les indications technologiques sont trop peu nombreuses pour être considérées comme significatives. En guise de conclusion, l’idée d’un système technique peu structuré, sans choix ni contraintes fortes, apparaît comme la plus tangible, sans pour autant permettre une lecture plus approfondie de cet assemblage.
Les critères de la retouche
105Les retouches qui caractérisent les outils de l’âge du Bronze final I semblent être l’objet de choix plus stricts et moins dispersés. Pour l’essentiel (presque la moitié), les retouches sont directes. Les retouches inverses et alternes sont peu représentées. Les autres types sont absents (fig. 119). La répartition est plus variable (fig. 120) avec une proportion d’outils totalement retouchés assez forte. Cette retouche reste cependant très majoritairement irrégulière (fig. 121), avec quelques pièces à retouches rectilignes ; l’étendue est courte dans la plupart des cas. Quelques outils sont à retouches envahissantes (fig. 122) et le façonnage abrupt et écailleux est presque exclusif (fig. 123 et 124). Seules quelques rares pièces sont à retouches semi‑abruptes et scalariformes.

FIG. 119 – Direction de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 120 – Répartition de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 121 – Délinéation de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 122 – Étendue de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 123 – Inclinaison de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.

FIG. 124 – Morphologie de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze final I.
106L’unique armature de flèche perçante triangulaire (US 80 274, no 12) est à remarquer pour ses retouches complexes et rares sur le site. Le façonnage, particulier dans ce corpus, est réalisé par retouches bifaciales régulières et couvrantes d’une morphologie presque parallèle. L’agencement des retouches permet de déduire deux étapes différentes de façonnage qui témoignent d’une reprise de la forme après un bris probable lors d’une utilisation antérieure.
Typologie de l’outillage
107Les 43 outils se répartissent en 9 groupes typologiques plus ou moins étoffés et complexes (tabl. xii et xiii). 29 outils proviennent de groupes à façonnage minimal (groupes 6, 7, 8). Les groupes d’outils élaborés (1, 2, 3, 4, 5, 9) comprennent 14 outils, soit moins d’un tiers du corpus étudié.

TABL. XII – Nomenclature et effectifs des groupes typologiques.

TABL. XIII – Typologie détaillée des outils de l’âge du Bronze final I.
108On distingue 2 armatures de flèches différentes (une perçante triangulaire et une flèche tranchante trapézoïdale) regroupées par leur fonctionnalité plus que par leur technologie. La présence d’une armature tranchante au Bronze final I pose d’ailleurs une interrogation sur sa réelle appartenance à cette période.
109Un second point remarquable est le très faible nombre de grattoirs et de racloirs, auxquels s’ajoute l’unique outil composite (groupe 9) qui possède à la fois un aménagement en grattoir (façonnage distal) et en racloir (façonnage latéral) par retouches directes envahissantes et scalariformes (US 80274, no 14).
110Deux burins sont présents dans ce corpus : il s’agit de 2 burins d’angle sur éclat de factures très différentes, Un est aménagé sur l’extrémité distale d’un éclat et porte des traces d’usage remarquables. Le second est aménagé sur l’extrémité proximale de la face inférieure d’un éclat épais.
111Bees et perçoirs sont relativement nombreux et très variables, aménagés sur faces inverses ou directes, latéralement ou sur une extrémité. Il n’en existe pas deux typologiquement identiques.
112Une même variabilité caractérise les pièces à façonnage marginal telles que les pièces à coches, à retouches marginales ou à enlèvements latéraux irréguliers. Il est assez difficile de reconnaître un schéma particulier puisque les enlèvements latéraux irréguliers sont réalisés sur éclats ou lamelles, par retouches directes, inverses voire bifaces pour deux outils sur lamelle. Les coches sont aménagées sur éclats et lamelles, en position directe ou inverse.
113Un fait cependant est intéressant : les 6 lamelles présentes dans cette occupation de l’âge du Bronze final I ne sont pas dévolues à des types d’outils complexes, mais sont utilisées comme outils à enlèvements latéraux irréguliers et outils à coches. Ce dernier fait ne peut que susciter des interrogations quant aux fonctions de ce type d’outil et aux choix qui président à l’économie du débitage.
4.3.2.4 Éléments de synthèse
114Il est particulièrement difficile d’esquisser une synthèse technologique sur cet assemblage de l’âge du Bronze final I. Ce corpus provient d’un contexte d’habitat : il nous permet donc d’envisager, autant que faire se peut, l’économie domestique par le biais d’outils de transformation et de prédation assez rares pour les sites de cette période. Cependant la caractérisation technologique des produits et des outils ne permet pas d’éclaircir la plupart des intentions techniques et des usages fonctionnels de cet outillage.
115On peut retenir les caractéristiques suivantes esquissées à grands traits. Le débitage local est exclusivement un débitage d’éclats courts et épais, selon deux grandes catégories principales de largeurs. Les lamelles présentes sur le site sont rares et très certainement obtenues par échange. Les outils sont essentiellement sur éclat mais les données morphométriques ne sont pas complètement comparables à celles du débitage. Le critère de l’épaisseur demeure important mais n’induit pas une répartition cohérente des outils selon cet axe. Les critères de poids confirment une bipartition de l’outillage, mais sans définir une homogénéité interne propre à ces deux groupes.
116Sur le plan typologique, les deux tiers des outils appartiennent à des groupes typologiques à façonnage marginal. Les types d’outils les plus élaborés et stéréotypés comme les grattoirs, les burins et les racloirs sont rares et affectés d’une variabilité forte. Becs et perçoirs sont assez abondants, mais l’homogénéité du groupe est fonctionnelle car la diversité technologique est presque complète. On peut noter également le faible nombre d’armatures (n = 2), dont une seule est conforme à la typologie des armatures de flèches de l’âge du Bronze final I. Enfin on remarque la très forte variabilité technologique et typologique des pièces à retouches marginales, coches et outils à enlèvements latéraux. Cette variabilité s’oppose à toute interprétation fonctionnelle simple. D’autant que sur les 6 outils réalisés sur lamelles, supports d’outils les plus élaborés du site, 4 sont des outils à enlèvements latéraux irréguliers et 2 sont des outils à coches.
117Dans ce contexte sans certitude ni termes de comparaison, le schéma interprétatif réalisé (fig. 125), qui propose une lecture de l’organisation du système technique lithique, constitue au mieux une hypothèse de travail.

FIG. 125 – Essai de représentation synthétique de l’organisation du système technique lithique à l’âge du Bronze final I.
4.3.3 L’industrie lithique taillée des niveaux de l’âge du Bronze ancien
118(FIG. 126 à 152)
4.3.3.1 Présentation
119L’attribution chronologique précise des unités stratigraphiques permet de définir pour la période du Bronze ancien un corpus lithique de 558 éléments composé de 84 outils, 92 supports, 147 produits de débitage et 235 « cassons Cette attribution est fondée sur l’examen du matériel céramique de ces US mais également sur la déduction d’un certain nombre de relations stratigraphiques (fig. 126 à 130).

FIG. 126 – Outils taillés du Bronze ancien.

FIG. 127 – Outils taillés du Bronze ancien.

FIG. 128 – Outils taillés du Bronze ancien de la fosse 94‑1‑ 24.

FIG. 129 – Outils taillés du Bronze ancien de la fosse 94‑8‑ 194.

FIG. 130 – Outils taillés du Bronze ancien de la fosse 94‑8‑ 266.
120La distinction, lors du travail de terrain, de deux occupations appartenant à l’âge du Bronze ancien n’est pas corroborée par l’examen du matériel. Une courte démonstration peut être esquissée en utilisant deux figures différentes. L’examen morphométrique des produits bruts de débitage, sur lequel nous allons revenir en détail, nous permet d’établir une première représentation graphique intéressante (fig. 131). En comparant l’indice d’allongement (la) et l’indice d’épaisseur (le) des produits bruts de débitage des ensembles du niveau inférieur du Bronze ancien (Bal), et du niveau supérieur du Bronze ancien (Ba2) et des produits du Bronze ancien indifférencié (Ba ?), il n’apparaît pas de différences notables et pertinentes. Les pièces de débitage présentes sur le site constituent un ensemble sans partition remarquable.

FIG. 131 – Comparaison des valeurs des indices d’allongements (la) et des indices d’épaisseurs (le) pour les produits bruts du débitage des trois ensembles de l’âge du Bronze ancien.
121Cette observation est confortée par l’examen des groupes typologiques de l’outillage définis dans les pages suivantes. Avec une nomenclature typologique comparable, il apparaît que la répartition des effectifs des groupes typologiques dans les trois niveaux du Bronze ancien (fig. 132) ne comprend aucune orientation particulière. Les variations quantitatives majeures ainsi que les relations présence/absence de certains types opposent les deux ensembles différenciés (Bal et Ba2) à l’ensemble indifférencié (Ba ?). Cette opposition relève d’un artifice de recherche et de classement du matériel archéologique plus que d’une quelconque pertinence archéologique.

FIG. 132 – Répartition des effectifs des groupes typologiques dans les trois ensembles de l’âge du Bronze ancien.
4.3.3.2 Caractérisation du débitage
Les supports
122La faiblesse du nombre de nucléus présents dans les niveaux du Bronze ancien est telle qu’elle en constitue une contrainte forte pour notre étude tout autant qu’un fait saillant. Les supports présents sont essentiellement des fragments et des déchets. Les nucléus développés qui comportent un agencement intentionnel des enlèvements sont très peu nombreux. Elaborer une typologie complexe de ces artefacts est dans ce cas sans grand intérêt. Nous présentons seulement une ventilation des supports selon quelques grandes catégories (tabl. xiv).

TABL. XIV – Caractères principaux et effectifs des supports taillés du Bronze ancien.
123On peut noter cependant l’existence d’un nucléus complexe qui porte des négatifs d’enlèvements lamellaires bipolaires opposés sur un silex marron‑gris à grain fin. Le cortex est inexistant. Cette pièce (US 80 690, no 9) atteint un degré d’exhaustion élevé, avec la présence de deux négatifs d’enlèvements d’éclats de ravivage des plans de frappe pour une masse de 19,6 g. La singularité que constitue l’ensemble des supports du Bronze ancien contraste encore plus lorsqu’on l’oppose aux caractéristiques des produits bruts de débitage.
Les produits bruts de débitage
124La caractérisation du débitage pour les niveaux de l’âge du Bronze ancien s’établit par l’étude de 126 artefacts complets (tabl. xv). Sur 126 pièces décrites, on ne distingue que 9 lamelles, soit 7,15 %. Il s’agit donc principalement d’un débitage d’éclats. Comme l’illustrent les figures 133 et 134, les éclats sont pour une large part à peine deux fois plus longs que larges. L’épaisseur, bien que marquée par une variabilité légèrement plus forte, est centrée sur des valeurs faibles. Sur le site, il s’agit donc d’une production d’éclats peu allongés (fig. 135) et d’une épaisseur faible. Le module morphométrique est donc relativement « tassé » et la tendance à la production d’éclats relativement épais par rapport à l’indice d’allongement est sensible (fig. 134).

TABL. XV – Valeurs principales du débitage pour le Bronze ancien. la : indice d’allongement. le : indice d’épaisseur.

FIG. 133 – Longueur et largeur des produits bruts de débitage de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 134 – Valeurs de l’indice d’allongement (la) et de l’indice d’épaisseur (le) pour les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 135 – Effectifs des classes des valeurs de (la) des produits bruts de l’âge du Bronze ancien.
125En ce qui concerne les stigmates technologiques de la production, la conjonction entre une majorité de talons peu élaborés (fig. 136) –c’est‑à‑dire lisses, linéaires, punctiformes et corticaux– avec une forte dominance des bulbes de percussions marqués et courts de type A (fig. 137) peut caractériser une percussion directe. On remarque cependant la proportion non négligeable de talons cassés qui s’oppose à l’absence de talons massifs. Nous manquons donc d’arguments, selon nous, pour définir une percussion directe dure stricte.

FIG. 136 – Répartition des types de talons sur les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 137 – Typologie des bulbes de percussion des produits bruts de débitage de l’âge du Bronze ancien.
126La présence de talons dièdres, facettés ou même en aile d’oiseau, ne doit pas surprendre. Il ne s’agit ni d’une erreur de lecture de la pièce ni d’un éventuel mélange stratigraphique. Il a déjà été remarqué (Perrin 1994 : 30) que le débitage de la fin du Néolithique, avec un très faible investissement technique pour l’économie de la matière première, permet la production indirecte de talons spécifiques généralement associés à la gestion de plans de frappes élaborés. Les coups portés de manière répétée sur un même axe de débitage et un plan de frappe identique créent, par le recoupement de plusieurs négatifs successifs sur un seul talon, de pseudo plans de frappe élaborés. Leur présence n’est que le résultat d’un schéma technique strict et sans variante qui répète, quels que soient les déterminismes de la matière utilisée et l’évolution du bloc débité, les mêmes pratiques techniques stéréotypées.
127En ce qui concerne les lamelles, les 9 pièces comportent 7 talons lisses, 2 linéaires et 1 cassé. Les bulbes sont pour la plupart marqués et courts (type A), diffus dans seulement trois cas. On peut remarquer l’absence de talon punctiforme. 6 lamelles ne présentent pas de plage corticale. 2 lamelles sont outrepassées, 1 seule réfléchie.
128Parmi l’ensemble des pièces de débitage, il est possible de distinguer quelques pièces caractéristiques, intéressantes pour la compréhension du débitage. En ce qui concerne les stigmates de débitage, on distingue 3 cassures siret, 5 outre‑passages et 10 réfléchissements. 1 lamelle est présente sous la forme d’un fragment proximal de microburin. Enfin 1 seul éclat peut être qualifié d’entame.
129Un dernier aspect important est la proportion des surfaces corticales sur les faces supérieures des produits débités. Ce caractère descripteur fait l’objet d’un classement typologique proposé pour l’étude de silex du Néolithique final (Perrin 1994 : 22). Nous la résumons dans le tableau xvi avec une modification mineure.

TABL. XVI – Typologie des classes des surfaces naturelles des faces supérieures.
130La figure 138 représente les effectifs des classes pour les 126 produits étudiés. La surreprésentation de la classe 0 (pièces sans cortex) est tout à fait notable pour un site d’habitat, alors que les pièces majoritairement corticales sont presque absentes. Ce fait très intéressant n’est pas le fruit d’un biais de l’échantillon étudié puisque l’examen des pièces de débitage cassées que nous appelons « cassons », non comprises dans les 126 artefacts mesurés, montre une répartition analogue (fig. 139).

FIG. 138 – Répartition des classes des surfaces naturelles des faces supérieures d’éclats sur les produits bruts de débitage de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 139 – Répartition des classes des surfaces naturelles sur les « cassons » de l’âge du Bronze ancien.
4.3.3.3 L’outillage
Options méthodologiques
131La description suivante de l’outillage lithique taillé de l’âge du Bronze ancien s’inscrit dans la tradition des travaux consacrés aux périodes plus anciennes (Binder 1987 ; Inizan 1995). En particulier, nous retenons les appellations de racloir et de burin, quand bien même les racloirs de l’âge du Bronze ne sont en rien comparables à ceux du Paléolithique. Nous suivons également les récents travaux sur le Néolithique final (Perrin 1994) et sur l’âge du Bronze ancien (Martial 1995) par l’utilisation du concept de « pièces à enlèvements latéraux irréguliers » emprunté au Néolithique ancien provençal (Binder 1987 : 69). Nous ajoutons, afin de prendre en compte des pièces qui ne correspondent ni à des produits bruts ni à des pièces à enlèvements latéraux irréguliers, les pièces que nous qualifions comme « outils à retouches marginales ». Ces pièces, qui relatent une utilisation sans réel façonnage, ne peuvent être exclues de notre étude du fait de leur fréquence dans le corpus pris en compte et ceci malgré le seuil typologique minimal qui leur tient lieu de définition.
Morphologie de l’outillage
132La morphologie de l’outillage montre de sensibles différences avec la production de produits bruts. La répartition des outils selon les supports sélectionnés s’effectue avec une nette préférence pour les éclats qui constituent plus de 70 % des supports utilisés (pour un total de 84, 60 éclats, 16 lamelles, 5 lames et 3 indéterminés).
133On peut noter immédiatement la plus forte proportion de lamelles ainsi que 5 outils sur lames, sans relation avec les supports présents sur le site. En ce qui concerne la morphométrie des outils (tabl. xvii), de notables différences existent avec les caractéristiques des produits bruts. Cet aspect n’est pas étonnant, puisque les outils comportent souvent des réductions de taille liées au façonnage et au réaffutage.

TABL. XVII – Valeurs morphométriques principales des outils du Bronze ancien. la : indice d’allongement. le : indice d’épaisseur.
134Les outils réalisés sur troncature ou segment de pièces accentuent l’hétérogénéité du phénomène. Celle‑ci semble liée à deux ensembles d’outils de largeurs différentes. Les outils sont de dimensions sensiblement plus longues et plus épaisses que les produits bruts, ce qui postérieurement au façonnage induit une sélection des supports plus allongés et plus épais, et non une réduction des dimensions moyennes des outils après le façonnage. Cette sélection est sensible sur la figure 140 et surtout sur la figure 141 dont la courbe est très asymétrique. La comparaison des tendances à l’allongement et à l’épaississement (fig. 142) confirme le choix de supports d’outils plus liés au critère d’épaisseur relative que de longueur relative.

FIG. 140 – Effectifs de classe de l’indice d’allongement (la) des outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 141 – Effectifs de classe de l’indice d’épaisseur (le) des outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 142 – Valeurs de l’indice d’allongement (la) et de l’indice d’épaisseur (le) pour les outils de l’âge du Bronze ancien.
135En ce qui concerne les poids des outils (fig. 143), on peut constater sans certitude une tripartition entre les pièces inférieures à 5 g, les outils entre 5 et 10 g et les outils jusqu’à 20 g. On peut remarquer de plus que l’outillage est dans l’ensemble d’un poids faible et de dimensions réduites.

FIG. 143 – Classes de poids des outils (g) de l’âge du Bronze ancien.
Observations technologiques
136L’outillage autorise la lecture d’une série d’observations technologiques intéressantes pour la compréhension du système technique, dont l’approche synthétique est toujours complexe.
137En ce qui concerne le mode de débitage des supports d’outils, la lecture des types de talons est réduite de moitié par le façonnage des outils ou par la séparation de la partie proximale du support de la partie façonnée. Deux observations importantes sont cependant réalisables (fig. 144). Si l’on compare les produits bruts de débitage et l’outillage, les types de talons dont les effectifs diminuent sont vraisemblablement les plus simples, soit les types linéaires, lisses et corticaux. Les types de talons plus complexes augmentent en proportion. On peut avancer l’hypothèse que les outils –sur éclats ou peu élaborés– ont une portion proximale plus touchée par les aménagements que les outils sur supports élancés aménagés plus dans leurs parties latérales et distales. Cette hypothèse cependant ne tient pas compte du fait que certains objets sur supports élancés sont tronqués et ne portent plus les extrémités proximales.

FIG. 144 – Répartition des types de talons des outils de l’âge du Bronze ancien.
138L’examen des types de bulbes de percussion est également limité par le fort taux d’indétermination lié aux mêmes causes : cassures et façonnage (fig. 145). Les types A (marqué et court) et C (diffus) sont les plus fortement représentés sans que cette répartition soit interprétable de manière univoque.

FIG. 145 – Typologie des bulbes de percussion des outils de l’âge du Bronze ancien.
139En ce qui concerne l’examen des faces supérieures d’outils et des plages corticales restantes (fig. 146), une conclusion parallèle à celle établie pour les produits bruts de débitage s’impose. Le déficit en pièces corticales est également sensible, même s’il est plus compréhensible de par sa relation causale avec le façonnage qui élimine les plages corticales des faces supérieures des outils.

FIG. 146 – Répartition des classes des surfaces naturelles des faces supérieures des outils de l’âge du Bronze ancien.
140L’examen des négatifs d’enlèvements sur les faces supérieures d’outils permet d’analyser les types de produits et l’orientation du débitage qui précède le débitage du support de l’outil observé. Mais pour cela il faut définir un certain nombre de cas. En effet, les négatifs d’enlèvements peuvent être orientés de plusieurs manières :
– unipolaire normal, dans le même sens que l’axe technologique de la pièce ;
– unipolaire inverse qui caractérise en fait un débitage à un ou deux plans de frappe (alternance ou entretien du plan de frappe), à savoir dans le sens opposé à l’axe technologique de la pièce ;
– bipolaire orthogonal, l’orientation des négatifs est orthogonale ou sécante à l’axe technologique de la pièce (mais l’entretien d’un plan de frappe unipolaire est possible) ;
– bipolaire opposé, les enlèvements observables sur la face supérieure et le produit débité ont des axes technologiques opposés qui témoignent de l’existence de deux plans de frappe alternants ou successifs ;
– orientation multiple, les négatifs et l’axe technologique de la pièce sont déterminés par des plans de frappe multiples ou non hiérarchisés. Il s’agit généralement d’un débitage centripète qui conduit aux nucléus polyédriques ou globuleux.
141On peut ainsi approcher plusieurs caractéristiques techniques : l’homogénéité du débitage opéré sur un nucléus, l’orientation des enlèvements, les possibles ravivages des plans de frappe.
142L’homogénéité des types d’enlèvements est assez marquée (tabl. xviii). Le débitage est donc réalisé sur des nucléus spécifiques d’un type de produits. Les enlèvements mixtes sur éclats (éclats et lamelles sur une même face), ou encore les éclats portant des négatifs lamellaires sur la face supérieure, peuvent être interprétés comme des éclats obtenus lors de l’entretien des nucléus. Cependant, le très faible nombre (n = 4) doit être souligné.

TABL. XVIII – Observations des négatifs de débitage sur les faces supérieures d’outils.
143L’examen des faces supérieures des outils (tabl xix) confirme les distinctions opérées sur les différents types de nucléus retrouvés. Le débitage des éclats s’est donc réalisé sur des nucléus à plan de frappe unique, à deux plans de frappe (inverses ou orthogonaux), à plan de frappe multiples (nucléus polyédriques). Précisons que les plans de frappe uniques sont plus nombreux que les plans de frappes multiples qui sont issus de nucléus polyédriques ou globuleux. Quant à la forte proportion d’indéterminés, elle induit une incertitude importante pour ces observations.

TABL. XIX – Orientation des négatifs de débitage sur les faces supérieures d’outils.
144Les lamelles sont issues de nucléus à deux plans de frappe (inverses ou opposés). À noter que le nucléus à plans de frappe bipolaire (avec deux plans de ravivage) est unique et n’est pas de la même matière que les lamelles. Nous n’avons donc pas la preuve que la totalité des lamelles à été réalisée sur le site. Des négatifs lamellaires d’orientations orthogonales issus de deux plans de frappe différents ne sont pas attestés, tandis que des négatifs lamellaires à agencements complexes (plus de deux plans de frappe) sont présents. Quant aux lames, elles portent des enlèvements normaux ou complexes.
Les critères de la retouche
145L’examen de la retouche présente sur les outillages corrobore une dichotomie déjà sensible par la morphométrie ou les techniques de production des supports. Une retouche peu élaborée, essentiellement directe, courte et irrégulière, coexiste avec des artefacts plus sophistiqués où l’on peut trouver une retouche bifaciale synonyme de savoir‑faire maîtrisés.
146Sur cette tendance principale se différencie une série d’outils particuliers, tels que les enlèvements latéraux irréguliers qui peuvent se développer sur des supports lamellaires sophistiqués ou, à l’opposé, des façonnages complexes sur des pièces simples, tels que les grattoirs sur éclat. Si l’essentiel des pièces est à retouches directes, des retouches croisées, alternes et alternantes sont présentes, ainsi que quelques pièces bifaces. Les outils à retouches envahissantes sont présents à plus de 10 exemplaires. Les figures 147 à 152 illustrent la distribution quantitative des descripteurs classiques de la retouche (Inizan 1995).

FIG. 147 – Direction de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 148 – Répartition de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 149 – Délinéation de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 150 – Étendue de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 151 – Inclinaison de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.

FIG. 152 – Morphologie de la retouche sur les outils de l’âge du Bronze ancien.
Typologie de l’outillage
147Les travaux de références consacrés à l’industrie lithique préhistorique nous permettent de regrouper les outils de l’âge du Bronze suivant de grands groupes typologiques (tabl. xx) considérés comme pertinents a priori. Ce n’est pas le lieu ici d’une réflexion méthodologique sur le devenir de la typologie lithique au cours de l’âge du Bronze ; mais comme nous l’avons souligné à propos des pièces à façonnage marginal, il peut s’avérer utile de réfléchir sur le contenu heuristique d’une classification largement héritée du début du siècle pour décrire des industries d’âge Pléistocène.

TABL. XX –Nomenclature et effectifs des groupes typologiques.
148La nomenclature classique adoptée fait l’objet d’une présentation synthétique (tabl. xxi) issue d’une description précise de chaque outil. Sans entamer de comparaison, il est possible de développer quelques constats sur cet assemblage important du début de l’âge du Bronze. Tout d’abord, on ne peut que souligner que les pièces à façonnage marginal ou peu étendu (groupes 6, 7, 8, 9, 11) constituent plus de la moitié de l’outillage. Cet ensemble s’oppose à 35 outils élaborés et complexes qui proviennent des groupes 1, 2, 3, 4, 5 et 10.

TABL. XXI – Typologie détaillée des outils de l’âge du Bronze ancien.
149L’examen séparé des groupes typologiques permet de retenir quelques faits saillants. La rareté des armatures de flèches est à souligner. Avec une seule armature, l’occupation du Bronze ancien contraste avec la tradition du Néolithique final, au point que l’on peut évoquer les conditions particulières d’abandon du site pour expliquer une telle rareté de ce type d’outil. Les grattoirs constituent un groupe d’outillage dominant dont la variabilité est forte à partir d’une conception stéréotypée. La plupart de ces outils sont en fait courts et assez larges, avec un front courbe distal à retouches abruptes parfois longues. On observe des pièces assez épaisses, à profil caréné dont l’usure peut s’avérer intense sur le front.
150Les racloirs regroupent une série d’outils moins bien caractérisés, car moins fréquents pour ces périodes récentes. Si un racloir latéral biface s’apparente clairement aux couteaux à moissonner, d’autres pièces sont moins nettes. Il faut remarquer toutefois que la distinction entre racloir et pièce à enlèvements latéraux irréguliers ne pose pas de problème particulier.
151Un des aspects étonnants de cet assemblage est bien le nombre assez conséquent de burins présents. La plupart, confectionnés sur éclats, sont bien réalisés. Les réaffutages ne sont cependant pas nombreux. On remarque un burin sur troncature mais également plusieurs burins d’axe localisés sur la partie proximale du support. Ainsi le burin est aménagé sur l’angle formé par le talon et un des deux côtés. Sur les 3 outils composites, 2 sont des burins.
152Les troncatures sont des pièces classiques obtenues par retouches directes sur des éclats. Becs et perçoirs sont presque absents : on reconnaît un bec parmi les outils composites. On note également un fragment de pièce laminaire à retouche uniface qui s’apparente à un fragment de poignard.
153L’abondance des pièces à retouches latérales irrégulières a déjà été soulignée, tout comme la prise en compte et la distinction nécessaires des pièces à retouches marginales. Cet aspect de l’outillage lithique s’inscrit dans les caractéristiques de l’équipement domestique depuis le début du Néolithique final. Il faut cependant distinguer les différentes formes de retouches sur ces outils, les localisations et les directions parfois inattendues (alternes, alternantes, voire biface dans un cas). Bien évidemment, la question de fonctionnalités précises et multiples selon les retouches vient à l’esprit. Nous ne possédons aucun argument à faire valoir pour rendre compte de cette diversité dans ce qui relève de l’investissement technologique minimal.
154Le dernier groupe intéressant est celui des pièces à coches, relativement abondantes et diverses. Ces aménagements, peu développés, ne sont pas associés à des stigmates d’usage intense. L’utilisation spécifique de tels outils se pose dans les mêmes termes que l’utilisation des enlèvements latéraux irréguliers. Remarquons pour terminer que 3 pièces sur 5 sont aménagées sur la face inférieure.
4.3.3.4 Essai de synthèse
Caractères principaux de l’assemblage décrit
155Au terme de cette étude, on peut considérer la caractérisation typologique de l’outillage lithique d’un site de l’âge du Bronze ancien comme acquise. Il s’agit donc de données relativement neuves qui comblent encore très partiellement une période mal connue. Cependant, le fonctionnement économique et technologique de ce « sous‑système » lithique ne peut être considéré comme décrit de façon sûre. Les implications de cette analyse de l’outillage nous conduisent à formuler des hypothèses ténues, mais valables selon nous, qu’il faudra réfuter ou valider par des études comparatives, car elles dépassent dans tous les cas la seule monographie de site.
156L’assemblage de l’âge du Bronze ancien est caractérisé par une production et une utilisation très majoritaires d’éclats et d’outils sur éclats. Les lamelles ne sont pas rares, mais leur proportion est faible. Les outils sur lames sont, quant à eux, rares mais indubitablement présents.
157On peut considérer que le débitage comme l’outillage sont structurés par une dichotomie majeure. Un débitage majoritaire d’éclats peu élaborés s’oppose à un débitage très minoritaire de produits élancés, réservés peut‑être à certaines catégories d’outils. Mais sur ce point, l’assemblage étudié n’apporte pas d’argument définitif. En ce qui concerne l’outillage, plus de la moitié des pièces ne possèdent qu’un façonnage marginal. L’investissement technique pour la confection des outils est minimal dans le cadre du fonctionnement domestique. À cette catégorie d’outils s’oppose des pièces moins nombreuses mais plus élaborées, dont la variabilité typologique est plus restreinte également. Il s’agit des grattoirs, des racloirs et des burins dont on peut supposer soit l’utilisation plus longue, justifiant ainsi un investissement accru dans la réalisation, soit la fonctionnalité plus étroite et déterminante.
158Cette complexité immédiate du système technique est accentuée par l’utilisation de matières très diverses, dont la provenance nous échappe et qui semblent correspondre à des choix particuliers que notre méconnaissance des sources et des réseaux d’approvisionnement nous masque.
159Force est de constater qu’il existe une sous‑représentation de certains types d’artefacts sur le site. Il y a donc une inadéquation entre les nucléus présents, les pièces brutes de débitage et l’outillage décrit. En particulier, il faut souligner le très faible nombre de nucléus, le faible nombre de pièces d’entretien des nucléus et la quasi‑absence d’éclats d’entame (classe 5) ou d’éclats à forte proportion corticale (classes 3 et 4).
160On peut donc considérer que les éclats sont produits sur le site par l’exploitation de nucléus à plan de frappe unique ou à plans de frappe multiples (nucléus polyédriques). Il n’est cependant pas sûr que la totalité des éclats ait été débitée sur le site. Les lamelles sont issues pour l’essentiel de nucléus à plans de frappe uniques ou multiples. Un microburin est présent. On peut penser qu’une large part des nucléus à lamelles manque. La présence d’un nucléus lamellaire complexe ne masque pas le déficit en support à débiter. Enfin, les lames ne sont présentes que sous la forme d’outils. Aucun élément de débitage laminaire n’est présent sur le site.
161L’outillage est essentiellement lié à l’économie domestique. Les grattoirs comptent parmi les outils les plus abondants, ainsi que les burins de différents types, parfois complexes. Les racloirs sont marqués par une hétérogénéité typologique sensible. On note quelques troncatures et un bec. Plus de la moitié de l’outillage appartient à des types d’outils à façonnage marginal ou peu intense. Les pièces à coches (majoritairement inverses) ainsi que les pièces à enlèvements latéraux irréguliers constituent des groupes numériquement importants et marqués par une très forte variabilité. Les outils liés à la chasse ou à l’ostentation ne sont présents que sous une forme de fragment (poignard) ou d’exemplaire unique (armature de flèche).
Implications : système technique et fonctionnement du site
162Cette série d’observations et de déductions nous conduit à la formulation d’hypothèses quant au fonctionnement du site.
163Premièrement, il est très probable que la présence sur le site de certains types d’outils réalisés sur produits laminaires ait été liée à des échanges et à des réseaux d’approvisionnement. Cet aspect est relativement fréquent pour les périodes plus anciennes.
164La situation est bien moins tranchée pour les outils sur supports lamellaires. De par la diversité des matières employées et la faiblesse numérique des nucléus lamellaires et des produits liés au débitage, il est probable qu’une partie au moins des lamelles n’ait pas été produite sur le site étudié. Un tel schéma peut s’avérer exact également pour la production d’outils sur éclats. On peut souligner par ailleurs, qu’il est probable qu’une large partie des éclats considérés comme produits bruts de débitage soient en fait des outils utilisés de manière opportuniste sans laisser de traces particulières, suivant en cela une tendance déjà attestée au Néolithique final.
165Deux interprétations peuvent donc être déduites et formulées.
166Hypothèse 1 : des conditions particulières d’abandon du site peuvent entraîner de très profonds biais dans les assemblages de culture matérielle. Ainsi un départ organisé peut parfaitement expliquer la forte proportion d’outils marginaux, la quasi‑absence d’armatures de flèches, de poignards et de nucléus élaborés, ou de réserves de matières premières. Cependant un tel scénario ne peut prendre en compte le faible nombre, voire l’absence, de pièces liées au débitage (entames, pièces corticales, éléments d’entretien, etc.).
167Hypothèse 2 : l’absence de certains outils, celle des sous‑produits et des déchets de débitage de supports d’outils sont liées à une organisation spatiale très particulière des activités, inédite à notre connaissance pour l’âge du Bronze, rare pour le Néolithique. Cette organisation particulière peut être intra‑site et les éléments manquants sont liés à des structures domestiques non conservées ou non fouillées. Une telle organisation peut être également externe au site. Elle induit donc l’existence de réseaux d’approvisionnement particuliers, la circulation de produits lamellaires bruts et de blocs de matière première « semi‑ouvrés », c’est‑à‑dire épannelés et configurés.
4.4 Autres mobiliers
4.4.1 Le métal
168(FIG. 153)
169La présence de mobilier métallique est, on l’a noté, anecdotique d’un point de vue quantitatif. Sur 32 fragments collectés dans des niveaux datés du Bronze, la plupart (28) se rapportent à l’horizon du Bronze final (tabl. xxii). Un tiers d’entre eux provient d’ensembles clos, les autres des couches d’occupation. Leur répartition ne fait apparaître aucune aire de concentration particulière. Un seul indice évoque un éventuel travail du métal sur place : il s’agit d’un fragment de tuyère en terre cuite provenant du comblement d’une fosse du secteur nord. Tous les objets sont en cuivre ou en alliage cuivreux. Aucune analyse de composition n’a été mise en œuvre. La plupart des fragments sont de très petite taille et appartiennent à des objets indéterminables. Les pièces remarquables sont les suivantes.

TABL. XXII – Effectifs des éléments métalliques.
170● Bronze final
– Un fragment de lame à soie appartenant vraisemblablement à un « rasoir » (fig. 153). Longueur conservée : 8,5 cm.
Largeur : 3,5 cm.
– Une aiguille à tête enroulée, de section quadrangulaire.
Longueur : 5,8 cm.
– Deux tiges de grandes aiguilles de section circulaire auxquelles manque la tête.
Longueurs conservées : 23 et 24 cm.
– Une petite aiguille de section circulaire à tête ronde.
Longueur : 3,7 cm.
– Un rivet de section carrée. Longueur : 2,4 cm. Une alène de section quadrangulaire. Longueur : 3,6 cm. Diamètre : 3 mm.
– Un fragment d’anneau. Diamètre : 1,1 cm.

FIG. 153 – Objets métalliques : A Bronze ancien ; B Bronze final.
171● Bronze ancien
– Une alène losangique de section quadrangulaire.
Longueur : 3,6 cm. Largeur médiane : 4 mm.
4.4.2 Outillage et objets fonctionnels
172(FIG. 154 à 156)
173Hormis les objets métalliques et l’outillage en silex, 57 objets ou fragments d’objets utilitaires présentant des traces d’aménagement et/ou d’usage ont été mis au jour. L’horizon Bronze final s’avère encore une fois le plus riche avec 30 pièces, seuls les objets en os paraissant moins rares en contexte Bronze ancien (tabl. xxiii).

TABL. XXIII – Outillage et objets fonctionnels.

FIG. 154 – Objets en terre cuite : A Bronze final ; B Bronze ancien ; C Bronze indéterminé.

FIG. 155 – Objets en pierre : A Bronze indéterminé ; B Bronze final ; C Bronze ancien.

FIG. 156 – Objets en os : 1‑3, 6 Bronze final ; 5, 10‑12 Bronze ancien ; 6‑8 Bronze indéterminé.
4.4.2.1 Le Bronze final
174Parmi les objets en terre cuite, on dénombre deux fragments de faisselles ou passoires perforés de trous de 2 à 3 mm de diamètre irrégulièrement disposés, un fond convexe de microvase dont la fonction est indéterminée et un fragment de tuyère déjà évoqué. Une demi‑douzaine de rondelles de céramique à perforation centrale, d’un diamètre variant de 3 à 6 cm, a également été trouvée, ces pièces étant dispersées dans des contextes variés. Certaines ont été fabriquées, d’autres proviennent de la réutilisation, après taille, de fonds de vases. L’une porte des traces d’usure rayonnantes provoquées par le passage d’un lien le long d’une face, entre la périphérie et l’orifice central. De façon générale, l’utilisation comme fusaïole communément avancée est possible. Enfin, deux pains d’argile cuite, de forme ovoïde, grossièrement modelés, retrouvés dans une même fosse témoignent peut‑être du traitement de l’argile destinée à la fabrication de poterie. Leur cuisson s’avérerait dès lors accidentelle,
175La fonction des pièces lithiques, taillées ou plus souvent polies, n’est pas toujours évidente. Le niveau d’occupation a livré sur le secteur nord une hache polie en roche verte. Des objets liés au broyage et à la mouture ont pu être identifiés : molettes, broyons en quartzite ou même en schiste. Deux fragments de parties dormantes de meules de granit, très dégradées, proviennent du secteur nord, de l’horizon Bronze ancien supérieur. Sur l’une d’elles toutefois, aucune plage d’usage n’est décelable. 3 lissoirs ou esthèques, 2 percuteurs ou bouchardes et 1 galet mâchuré complètent cet inventaire sommaire.
176Les quelques objets en os travaillé sont essentiellement des poinçons et un grattoir. Les trois poinçons identifiés ont été réalisés respectivement dans la partie distale d’un ulna de porc, le proximum d’un métatarse de cerf et un fragment de bois de cerf. Le grattoir a été aménagé à partir d’une esquille diaphysaire d’os long de grand herbivore.
4.4.2.2 Le Bronze ancien
177Le mobilier en terre cuite est peu abondant. Il comprend principalement les fragments de quatre cuillers et de louches, de dimensions variées. Un tesson de passoire ou faisselle et un microvase à fond convexe sont peu différents des pièces rapportées au Bronze final, mais on note l’absence de rondelle de céramique perforée.
178L’outillage lithique est représenté par deux fragments de haches polies en roche verte et par quelques pièces de mouture : une molette en quartzite porte encore sur sa plage d’utilisation des traces des produits broyés. La fonction de plusieurs galets portant différentes traces d’usure, d’écrasement ou de bouchardage n’a pu être identifiée.
179Parmi les quelques objets en os, on remarque un possible lissoir et surtout deux gaines d’outil en bois de cerf. Du premier, très incomplet, ne subsiste qu’un segment de la partie médiane, avec une perforation circulaire. Il a été confectionné avec un départ de cor sur le merrain. Le second a été découvert dans le four sur berge ; c’est un outil de facture médiocre, assez atypique. Il s’agit soit d’une hache‑marteau, soit, plus probablement, d’une gaine à perforation transverse sur partie basilaire d’un bois de cerf. Il contenait dans son surcreusement axial un tampon découpé dans une extrémité d’andouiller.
180En marge de ce mobilier fonctionnel, signalons pour finir que les matériaux de construction sont représentés par une vingtaine de fragments de clayonnage brûlé découverts dans une fosse du Bronze ancien du secteur nord et à son voisinage. Les empreintes subsistantes évoquent une armature constituée de branchages de 1 à 2 cm de diamètre.
4.4.3 La parure
181(FIG. 157)
182Les objets de parure sont rares. S’ajoutent aux quelques pièces métalliques précédemment décrites trois petits fragments d’anneaux‑bracelets. Deux proviennent de couches attribuées au Bronze ancien et ont été réalisés en roche verte et en schiste. Le dernier, très dégradé et d’identification incertaine, vient d’un niveau du Bronze final.
183Un petit anneau en roche verte polie est associé au comblement d’une fosse du Bronze ancien, horizon supérieur, de même qu’un bouton tronconique en os à perforation en V.

FIG. 157 – Éléments de parure.
Annexe 2 Fiches typologiques







































Notes de bas de page
1 S’y ajoute même un quatrième ensemble qui regroupe des mobiliers hétérogènes mêlant Bronze ancien et Bronze final, provenant de quelques passes mécaniques effectuées sur le secteur nord. En cas de doute, les pièces ont été écartées de la constitution du corpus.
2 Nous remercions l’École nationale supérieure des Mines de Saint‑Étienne, et en particulier M. Guy.
Auteurs
Archéologue
Chargé d’études, Afan
Archéologue
Doctorant associé, CNRS, UMR 6565, université de Franche‑Comté
Archéologue
Assistante d’études, Afan
Elève‑ingénieut École nationale supérieure des Mines de Saint‑Étienne Lit
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