Chapitre 8. L’humanisation morale de la nature comme « effet réversif » de l’évolution : la lecture de Charles Darwin par Patrick Tort

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Chapitre 8. L’humanisation morale de la nature comme « effet réversif » de l’évolution : la lecture de Charles Darwin par Patrick Tort

p. 121-129

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1Pendant longtemps, Charles Darwin, mal lu par l’économiste Herbert Spencer252, a été interprété comme un savant légitimant la valeur positive de la morale de ceux qui sont socialement dominant dans les sociétés humaines. L’argument supposé être celui de Darwin était le suivant : l’évolution favorise par la sélection naturelle les individus les mieux adaptés aux changements de leur environnement et élimine peu à peu les individus faibles et démunis de défense, considérés comme les moins bien adaptés. Il en découle que, l’homme étant dépourvu d’instinct régulateur, l’apparition de l’intelligence fournit une large compensation d’adaptabilité à ce déficit, et que l’évolution de l’homme va favoriser les individus les plus « forts », physiquement et intellectuellement. Ceux-ci vont dès lors s’unir pour dominer leurs sociétés en entraînant une forte hiérarchisation, de sorte que les plus puissants et intelligents vont soumettre et, dans certains cas, éliminer les moins adaptés à un

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2015

252 Herbert Spencer est avant tout un économiste et un théoricien politique. C’est peu à peu qu’il découvre Darwin et forme une philosophie générale. Voir en particulier Principes de biologie, 2 volumes, Paris, Baillière, 1877-1878 [1864-1867] et Les bases de la morale évolutionniste, 2^e édition, Paris, Baillière, 1881. Sur son interprétation, Herbert Spencer, Autobiographie : naissance de l’évolutionnisme libéral, traduction Henri de Varigny, précédée de Patrick Tort, « Spencer et le système des sciences », Paris, PUF, 1987.

253 Friedrich Nietzsche, La généalogie de la morale, I, § 1, traduction Henri Albert, Paris, Gallimard, 1977 : 223.

254 Ibid., § 2 : 224.

255 Rappelons que Nietzsche a protesté contre l’interprétation du surhumain comme répondant à la question « quel type prendra-t-il un jour la relève de l’humanité ?… Ce qui m’intéresse, c’est le problème de la hiérarchie au sein de l’espèce humaine, au progrès de laquelle, d’une manière générale, je ne crois pas… » (Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, t. XIV, Fragments posthumes : début 1888-début janvier 1889, traduction Jean-Claude Hémery, Giorgio Colli et Mazzino Montinari [éd.], Paris, Gallimard, 1977 : 233).

256 Voir William B. Huntley, « David Hume and Charles Darwin », Festschrift for Philip P. Wiener, vol. 33, n^o 3 de Journal of the History of Ideas, juil.-sept. 1972 : 457-470.

257 David Hume, Traité de la nature humaine, traduction André Leroy, 2 volumes, Paris, Aubier Montaigne, 1968, t. II : 746-747.

258 Charles Darwin, La filiation de l’homme et la sélection liée au sexe, traduction coordonnée par Michel Prum, présentée par Patrick Tort, Paris, Éditions Syllepse, 2000.

259 Charles Darwin, La filiation de l’homme…, op. cit. : 196, nous soulignons.

260 Ibid. : 223.

261 Voir ici même, notre première partie.

262 Et non dans son ouvrage antérieur Statique sociale (1851).

263 Herbert Spencer, The Principles of Biology, Londres, Williams & Norgate, 1864, vol. I : 444, notre traduction.

264 Patrick Tort, La pensée hiérarchique et l’évolution, Paris, Aubier Montaigne, 1983, et Patrick Tort (dir.), Darwinisme et société, Paris, PUF, 1992.

265 Patrick Tort, La pensée hiérarchique et l’évolution, op. cit., chap. « L’effet réversif et sa logique » : 166-197.

266 Ibid. : 197, nous soulignons.

267 Patrick Tort, « L’altruisme n’est pas une invention humaine », [entretien], Libération, 18 décembre 2008, nous soulignons.

268 Une « éthique » est un système de fins pratiques auquel adhère un individu, sa fin dernière peut être soit le respect universaliste de tout homme soit l’amour de soi particulariste d’un moi singulier ou d’une race, d’une classe, d’un groupe religieux, etc. Une « morale » est la dimension déontologique des règles avec le sentiment spécifique qui l’accompagne au sein d’une éthique. Ainsi il peut fort bien y avoir une « morale de la violence » systématique, impliquant un sentiment de respect (non universaliste) pour ses règles particulières (c’est ce que prétendait Adolf Eichmann).

269 Yvon Quiniou, L’ambition morale de la politique. Changer l’homme ? Paris, L’Harmattan, 2010 : 79. Nous avons développé cette réflexion pratique fondamentale sur les normes culturelles dans La dialectique réflexive, op. cit., partie I « L’Idée pratique », chap. i, section 2 « L’alternative réflexive entre réflexion de soi dans la violence et réflexion de soi dans la raison » : 27-32.

270 Ce dualisme discontinuiste conduirait au mystère de la transcendance religieuse ou métaphysique interrompant du dehors et verticalement l’immanence évolutive, mais sa compréhension immanentiste et émergentiste comme simple saut qualitatif matériel conduit paradoxalement aux mêmes difficultés dualistes, comme nous allons le voir.

271 Hans Jonas, Le principe responsabilité, op. cit. : 102. Voir encore : « Nous pouvons donc dire que le principe – théoriquement valable – de la nouveauté qui surgit, s’il ne doit pas être arbitraire et par le fait même irrationnel, doit être tempéré par celui de la continuité, à savoir celui d’une continuité matérielle et pas seulement formelle […]. » (Ibid.). Et encore : « […] on ne pourrait pas du tout comprendre que la tendance subjective avec sa particularisation aurait émergé en dehors de toute tendance » (ibid. : 107).

272 Voir Hans Jonas, Le phénomène de la vie. Vers une biologie philosophique, traduction Danielle Lories, Bruxelles, De Boeck université, 2001 [1966], Essai II « Aspects philosophiques du darwinisme » : 51-68.

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Ce livre est cité par

(2015) Bibliographie. Archives de Philosophie, Tome 78. DOI: 10.3917/aphi.783.0525
Fiscarelli, Antonio. (2020) Regards transversaux sur le « complexe de Prométhée ». Technocentrisme, instance institutionnelle et éducation. Penser l'éducation. DOI: 10.4000/pensereduc.512

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Stanguennec, A. (2014). Chapitre 8. L’humanisation morale de la nature comme « effet réversif » de l’évolution : la lecture de Charles Darwin par Patrick Tort. In L’humanisation de la nature (1‑). Éditions de la Maison des sciences de l’homme. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.editionsmsh.4384

Stanguennec, André. « Chapitre 8. L’humanisation morale de la nature comme “effet réversif” de l’évolution : la lecture de Charles Darwin par Patrick Tort ». In L’humanisation de la nature. Paris: Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2014. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.editionsmsh.4384.

Stanguennec, André. « Chapitre 8. L’humanisation morale de la nature comme “effet réversif” de l’évolution : la lecture de Charles Darwin par Patrick Tort ». L’humanisation de la nature, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2014, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.editionsmsh.4384.

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Stanguennec, André. L’humanisation de la nature. Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2014, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.editionsmsh.4368.

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