1 L’Afrique du Sud constitue un cas particulier, presque aberrant, puisque c’est au contraire à la même époque, en 1948, que fut instauré le régime juridique de l’apartheid, c’est-à-dire un système de lois organisant le « développement » séparé des « races » (blancs, « colored », indiens, noirs), mais qui ne parvint pas à empêcher toutes sortes de résistances et de mobilisations politiques, notamment au travers de l’African National Congress (ANC).
2 Voir Achille Mbembe, Afriques indociles : christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale, Paris, Karthala, 1988.
3 Voir René Maran, Batouala, Paris, Albin Michel, 1921 (« véritable roman nègre », comme il fut sous-titré et qui reçut le prix Goncourt la même année, ce qui n’empêcha son auteur de devoir démissionner de l’administration coloniale), André Gide, Voyage au Congo, Paris, Gallimard, 1927 et Albert Londres, Terre d’ébène, Paris, Albin Michel, 1929. Par ailleurs, dès 1881, avait été créée par des partisans humanistes de la colonisation, critiques à l’égard des pratiques brutales et despotiques qu’elle avait occasionnées, la Société française pour la protection des indigènes des colonies.
4 Voir Frederick Cooper, Decolonization and African Society: The Labor Question in French and British Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 126.
5 Voir Jean-Pierre Dozon, « D’un tombeau l’autre », Cahiers d’études africaines, vol. XXXI-1-2, no 121-122, 1991, p. 135-157.
6 Ce dont traitèrent tout particulièrement deux grands ouvrages de Georges Balandier sous l’égide de la discipline sociologique et, non plus, sous celui de l’ethnographie coloniale. Voir Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, Armand Colin, 1955 et Sociologie actuelle de l’Afrique noire, Paris, PUF, 1955.
7 Il s’agit en fait du plus vieux comptoir de traites installé par la France sur les côtes africaines à la fin du xviie siècle, qui lui servit ensuite de porte d’entrée à l’édification de son empire africain. Voir Jean-Pierre Dozon, Saint-Louis du Sénégal : palimpseste d’une ville, Paris, Karthala, 2012.
8 Ainsi furent appelées au Sénégal (qui fut la première colonie française d’Afrique sous le Second Empire) Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar parce qu’elles devinrent des communes françaises de plein exercice au début de la IIIe République, c’est-à-dire des localités dont tous les habitants, qu’ils vinssent de la métropole ou qu’ils fussent du cru, bénéficièrent du statut de citoyen français.
9 Le premier congrès avait eu lieu à Londres en 1900 et comptait, outre ceux des Amériques et de la Caraïbe, des représentants du Liberia, de Gold Coast (Ghana), du Nigeria et de l’Afrique du Sud. Voir Imanuel Geiss, The Pan-African Movement, traduction Ann Keep, Londres, Methuen & Co Ltd, 1974 et Oruno Denis Lara, La naissance du panafricanisme : les racines caraïbes, américaines et africaines du mouvement au xixe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000.
10 Le mot « panafricain », qui a été inventé par une autre grande figure afro-caribéenne, Henri-Sylvester Williams, remonte au tournant du xxe siècle, lors de la préparation de la toute première conférence panafricaine. Voir Oruno Denis Lara, La naissance du panafricanisme…, op. cit., p. 232. Voir aussi George Shepperson, « Pan-Africanism and “Pan-Africanism”: some historical notes », Phylon, vol. 23, no 4, 1962, p. 346-358.
11 Le Liberia, en devenant en 1847 la première république indépendante d’Afrique noire sous l’impulsion de l’American Colonization Society qui organisait, depuis deux décennies, le « retour » d’esclaves affranchis du nord des États-Unis en Afrique (alors que la traite négrière se poursuivait encore par ailleurs), instaura une nouvelle relation de part et d’autre de l’Atlantique, notamment comme nouveau vecteur de christianisation.
12 Voir Léopold Sédar Senghor, Liberté. 3, Négritude et civilisation de l’universel, Paris, Seuil, 1977.
13 Actuel Ghana.
14 Actuelle Tanzanie.
15 Voir George Padmore, The Life and Struggles of Negro Toilers », Londres, The Red International of Labor of Unions Magazine for the International Trade Union Committee of Negro Workers, 1931.
16 Un nom qui reprenait celui d’un très ancien empire d’Afrique de l’Ouest.
17 C’est-à-dire la IIIe Internationale ouvrière entièrement contrôlée par le parti bolchevik de Staline.
18 Sur ce sujet voir Louis-Vincent Thomas, Le Socialisme et l’Afrique, 2 volumes, Paris, Le Livre africain, 1966.
19 Voir Yves Benot, Idéologies des indépendances africaines, Paris, François Maspero, coll. « Cahiers libres », 1972.
20 Voir Kwame N’Krumah, L’Afrique doit s’unir, traduction Laurent Jospin, Paris, Payot, 1964.
21 Une tentative similaire se produisit à la même époque du côté anglophone, la Fédération de l’Afrique orientale, mais elle échoua pareillement. Sur toutes les formes de regroupements politiques qui furent tentées sans réussite durable au tournant des indépendances, voir l’article de Philippe Decraene, « Indépendance et regroupements politiques en Afrique au sud du Sahara », Revue française de science politique, no 4, 1960, p. 850-879.
22 Voir Joseph-Roger de Benoist, La balkanisation de l’Afrique occidentale française, Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1979.
23 Dans mon livre Frères et sujets : la France et l’Afrique en perspective (Paris, Flammarion, 2003), je me suis efforcé d’expliquer comment les indépendances de ses colonies africaines constituèrent un nouvel épisode des relations de la France avec l’Afrique. Plus précisément, comment celles-ci permirent à la France, pendant trois décennies, de développer sa propre « indépendance » vis-à-vis des deux blocs et de redevenir une grande puissance.
24 Voir Jean-Pierre Dozon, L’Afrique à Dieu et à Diable : États, ethnies et religions, Paris, Ellipses, 2008.
25 Suivant la toujours très pertinente formule de Georges Balandier (voir Sociologie actuelle de l’Afrique noire, op.cit.).
26 Sur l’ambivalence de cette modernité ou sur ce qu’elle a pu charrier, parallèlement à ses projets d’émancipation et de pacification, de parts particulièrement sombres, voir notamment Zygmunt Bauman, Modernité et holocauste, traduction Paule Guivarch, Paris, La Fabrique, 2002. Sur cette idée d’États-Unis d’Europe qui avait germé en France et en Allemagne antérieurement à la Grande Guerre, voir notamment la conférence de 1932 de Stefan Zweig dédiée à « La pensée européenne dans son développement historique », in Derniers messages, traduction Alzir Hella, Paris, Bartillat, 2012, p. 54-78.
27 Voir Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains. 1, L’évolution, la scène politique, l’intégration nationale, Paris, Librairie générale de droit et de juriprudence, 1971 et Les droits africains, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1976.
28 Voir Marc Augé, Pour quoi vivons-nous ?, Paris, Fayard, 2003.
29 Dans les années 1970, ils seront suivis par d’autres pays comme l’Éthiopie, le Bénin ou le Congo-Brazzaville.
30 Voir Samir Amin, Trois expériences de développement : le Mali, la Guinée et le Ghana, Paris, PUF, 1965.
31 Voir Francis Arzalier (dir.), Expériences socialistes en Afrique : 1960-1990, Pantin, Le Temps des cerises, 2010.
32 Voir par exemple Louis-Vincent Thomas, Le socialisme et l’Afrique, op. cit.
33 Voir Cécile Laronce, Nkrumah, le panafricanisme et les États-Unis, Paris Karthala, 2011.
34 Dans un sens moins économique, il était en réalité plus ancien et ressortissait précisément au langage de la modernité tel qu’il a pu s’affirmer au cours du xixe siècle aussi bien avec l’industrialisation qu’avec les progrès des sciences.
35 L’ouvrage de Jacques Freyssinet, Le concept de sous-développement, Paris – La Haye, Mouton & Cie, 1966, constitua certainement le meilleur ouvrage de synthèse de l’époque. Mais l’on peut aussi se référer au « Que sais-je ? » d’Yves Lacoste, Les pays sous-développés, Paris, PUF, 1959.
36 C’est ce qui fut appelé « l’aide liée ». Voir Anne-Sophie Boisgallais et François-Xavier Verschave, L’aide publique au développement, Paris, Syros, coll. « Alternatives économiques », 1994.
37 Voir Frederick Cooper, Africa Since 1940: The Past of the Present, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 ; traduction française par Christian Jeanmougin, L’Afrique depuis 1940, Paris, Payot, 2008.
38 Sur le bilan du socialisme tanzanien, voir Uma Lele, The Design of Rural Development: Lessons from Africa, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1975.
39 Voir Harris Memel-Fotê, « Des ancêtres fondateurs aux Pères de la nation. Introduction à une anthropologie de la démocratie », Cahiers d’études africaines, vol. 31, no 123, 1991, p. 263-285.
40 Puis en France au Seuil en 1970.
41 Exceptionnalité qui était surtout due à la dynamique de son économie de plantation, principalement de sa production cacaoyère en augmentation croissante qui bénéficia pendant de nombreuses années de cours élevés sur le marché mondial. Voir Bruno Losch, Le complexe café-cacao de la Côte d’Ivoire : une relecture de la trajectoire ivoirienne, thèse de doctorat en sciences économiques, université de Montpellier I, 1999.
42 Voir Samir Amin (dir.), L’agriculture africaine et le capitalisme, Paris, Anthropos – Institut africain de développement économique et de planification, 1975.
43 Écrit avec Marie-France Mottin et publié, comme les précédents, au Seuil.
44 Ujamaa signifie en swahili familialisme, c’est-à-dire tout ce qui renvoie à la solidarité lignagère.
45 Voir à ce sujet l’article de Jean-Pierre Olivier de Sardan, « Afrique : qui exploite qui ? » Les Temps modernes, no 346, mai 1975, p. 1506-1551 et no 347, juin 1975, p. 1774-1775.
46 À laquelle il convient d’ajouter tout un ensemble de disciplines scientifiques, de technologies et d’expertises (agronomie, biologie végétale et animale, économie, sciences de l’ingénieur, sciences sociales, etc.).
47 Sur ce sujet, il faut se reporter au remarquable travail d’anthropologie politique qu’a représenté cet autre roman d’Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages (Paris, Seuil, 1998).
48 Voir Françoise Blum, Révolutions africaines : Congo, Sénégal, Madagascar, années 1960-1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
49 On pourrait prendre ici l’exemple du Parti africain de l’indépendance (PAI) qui, fondé au Sénégal, refusa les compromissions du pouvoir senghorien et d’autres pouvoirs africains avec l’ex-puissance coloniale, se lia du même coup très étroitement avec le Komintern et prit une part centrale dans les contestations estudiantines à Dakar à la fin des années 1960.
50 Voir Dipesh Chakrabarty, Provincialiser l’Europe : la pensée postcoloniale et la différence historique, traduction Olivier Ruchet et Nicolas Vieillescazes, Paris, Éditions Amsterdam, 2009.