1 Voir Jean-Paul Sartre, « Présence noire », Présence africaine, no 1, 1947, p. 28-29.
2 Voir Manuel Castells, The Information Age, Vol. 3: End of Millenium, Oxford – Malden (MA), Blackwell, 2000 [1998], p. 162 (je traduis).
3 Dans son remarquable ouvrage Global Shadows: Africa in the Neoliberal World Order (Durham, Duke University Press, 2006), James Ferguson indique que de Saskia Sassen à Joseph Stiglitz en passant par Michael Hardt et d’Antonio Negri, l’Afrique, même comme foyer de résistance de la multitude planétaire contre « l’Empire », semble largement absente des écrits les plus significatifs sur la globalisation.
4 Voir Georg Wilhelm Friedrich Hegel, La raison dans l’Histoire : introduction à la philosophie de l’Histoire, traduction Kostas Papaioannou, Paris, Union générale d'éditions, 1965. On pourrait, dans une veine tout à fait similaire, mentionner le fameux discours de « Sarkozy-Guaino » à Dakar en 2007 où il fut expressément dit, en s’inspirant assez trivialement de Hegel, que l’Afrique n’arrêtait pas de vivre au rythme d’un temps immobile (« l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire »).
5 Voir Jean-Pierre Dozon, « D’un tombeau l’autre », Cahiers d’études africaines, vol. XXXI-1-2, no 121-122, 1991, p.135-157.
6 Voir Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit : essai sur l’Afrique décolonisée, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2010.
7 Voir Jean-Claude Blachère, Le modèle nègre, Dakar – Abidjan – Lomé, Nouvelles Éditions africaines, 1981.
8 Expositions qui donnèrent lieu à l’organisation de « zoos humains ». Voir Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains, Paris, La Découverte, 2002.
9 Le meilleur exemple de cette appropriation en forme de « réhumanisation » est certainement le ballet La Création du monde où, dans une remarquable entreprise d’hybridation comme on dirait aujourd’hui, ou encore, dans une remarquable performance, Darius Milhaud, Fernand Léger, Blaise Cendrars et Jean Börlin mirent en scène et mêlèrent, en octobre 1923 au Théâtre des Champs-Élysées, danses, sculptures et poèmes nègres. Par ailleurs, Tristan Tzara, qui fut sans doute l’artisan le plus actif du modèle nègre entre les deux guerres, déclara peu avant de disparaître en 1963, à propos de l’Afrique : « L’humanisation nous reviendra peut-être de là-bas. »
10 Voir André Breton, Second Manifeste du surréalisme, Paris, Éditions Kra, 1930.
11 Faite de romans mais aussi de quantité de récits et de témoignages écrits par des Européens, voyageurs, administrateurs, médecins, ayant servi en Afrique. Particulièrement abondante, cette littérature, qui bénéficia à l’époque d’un important lectorat mais qui ressortit aujourd’hui au monde des bouquinistes ou des collectionneurs de livres rares, mériterait un examen assez systématique, regorgeant souvent de clichés les plus triviaux et les plus méprisants sur l’Afrique, mais aussi parfois de descriptions ou de considérations un peu plus subtiles.
12 Ces savoirs africanistes se sont tout particulièrement développés dans le cadre de l’Institut international des langues et civilisations africaines créé en 1926 en Grande-Bretagne, mais dont étaient membres des savants occidentaux de toutes nationalités (principalement britannique, allemande et française) plus ou moins liés aux administrations coloniales et aux entreprises missionnaires. Voir Benoît de l’Estoile, Le goût des Autres : de l’Exposition coloniale aux Arts premiers, Paris, Flammarion, 2007.
13 Le monde noir était en effet aussi bien ce qui provenait de l’autre côté de l’Atlantique et qui s’illustra notamment par le jazz et le charleston.
14 Ce que représentait tout particulièrement, sous la bannière de la marque Banania, l’énergétique cacao, lui-même incarné par un riant tirailleur sénégalais ou, dans un autre genre, les facéties virevoltantes de Joséphine Baker aux Folies-Bergère.
15 Edward W. Said, Culture et impérialisme, traduction Paul Chemla, Paris, Fayard, 2000.
16 On aurait pu citer bien d’autres œuvres, mais un peu moins connues, comme ce roman inaugural de Philippe Soupault intitulé Le Nègre (Paris, Simon Kra, 1927) qui se définit ouvertement comme un réquisitoire contre la civilisation européenne.
17 Voir ce qu’en dit Léopold Sédar Senghor dans « Problématique de la négritude », in Liberté. 3, Négritude et civilisation de l’universel, Paris, Seuil, 1977, p. 269-270. Il fut aussi beaucoup inspiré par quelques grands auteurs africanistes, indigénophiles quoique administrateurs coloniaux, qui allèrent à contre-courant de l’infériorisation couramment pratiquée en Afrique colonisée et qui proposèrent, à l’instar de Maurice Delafosse, la notion de « civilisations négro-africaines ».
18 Voir Emmanuel Mounier, L’éveil de l’Afrique noire, Paris, Seuil, 1948.
19 Pour reprendre un mot cher à Georges Balandier. Voir Sociologie actuelle de l’Afrique noire, Paris, PUF, 1955.
20 On songe ici tout particulièrement à l’Afrique du Sud et aux pays alentours pour lesquels l’après-guerre signifia l’instauration officielle de l’apartheid.
21 Ce dont témoignèrent le célèbre ouvrage de René Dumont, L’Afrique noire est mal partie (Paris, Seuil, 1962), ainsi que toute une remarquable littérature africaine, comme le roman de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma, Les Soleils des indépendances (Paris, Seuil, 1970), et surtout celui de Sony Labou Tansi, La Vie et demie (Paris, Seuil, 1979).
22 Sans compter les guerres d’indépendance des colonies portugaises de l’Angola et du Mozambique qui ne débouchèrent que dans les années 1970 et qui furent suivies de guerres civiles.
23 Voir notamment de Fanny Chabrol, Prendre soin de sa population : l’exception botswanaise face au sida, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Le (bien) commun », 2014.
24 Jean-Michel Severino et Olivier Ray, Le temps de l’Afrique, Paris, Odile Jacob, 2010.
25 Voir le numéro 32 (mai 2012) de la revue Books et le numéro 403 (septembre 2012) de Géo.
26 Voir Pádraig Carmody, Globalization in Africa: Recolonization or Renaissance?, Boulder (CO), Lynne Rienner, 2010.
27 Voir Vumbi Yoka Mudimbé, The Invention of Africa: Gnosis, Philosophy and the Order of Knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988.
28 Voir Vumbi Yoka Mudimbé, The Invention of Africa…, op. cit.
29 Voir Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993, p. 23.
30 Avant ce tournant du xve siècle, l’or venant de l’Afrique forestière, au cours des trois siècles précédents, participa de manière notable, par les routes sahariennes, à l’économie-monde de la Méditerranée, notamment en faisant la fortune des marchands italiens (voir Jean Devisse, « Routes de commerce et échanges en Afrique occidentale en relation avec la Méditerranée. Un essai sur le commerce médiéval du xie au xvie siècle », Revue d’Histoire économique et sociale, vol. 50, nos 1 et 3, 1972, p. 42-73 et p. 357-397).
31 Voir notamment de John K. Thornton, Africa and Africans in the Making of The Atlantic World, 1400-1680, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
32 Mais l’on pourrait malgré tout dire qu’en dépit de ces gestes commémoratifs, traites et esclavages restent toujours assez peu enseignés et ont bien du mal à entrer dans l’Histoire de France.
33 Voir Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, traduction Marc Sagnol, Jean-Louis Schlegel et Denis Trierweiler, Paris, Gallimard, 1999.
34 Voir Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, op. cit., p. 461.
35 Voir sur ce sujet Michèle Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des Lumières, Paris, François Maspero, 1971.
36 Voir William Pietz, Le fétiche : généalogie d’un problème, Paris, Kargo & l’Éclat, 2005.
37 Voir Charles de Brosses, Du culte des dieux fétiches, Madeleine V.-David (éd.), Paris, Fayard, 1989 [1760].
38 Voir Alexandre Koyré, Mystiques, spirituels, alchimistes du xvie siècle allemand, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1971 [1955], ainsi que Esther Cohen, Le corps du diable : philosophes et sorcières à la Renaissance, Paris, Leo Scheer, coll. « Lignes », 2004.
39 Voir notamment de Robert Muchembled, Le roi et la sorcière : l’Europe des bûchers, xve-xviiie siècle, Paris, Desclée, 1993.
40 Jean Bodin est sans doute de ce point de vue l’auteur le plus exemplaire puisqu’il est considéré comme l’un des grands fondateurs de la souveraineté moderne au travers de ses six livres sur la République, mais aussi comme celui qui a fortifié les croyances en la sorcellerie par la publication de son ouvrage De la démonomanie des sorciers (1580) qui servit abondamment lors des procès à leur endroit. Sur les chasses aux sorcières et leur rapport avec l’accumulation primitive capitaliste, voir : Silvia Federici, Caliban and the Witch: Women, the Body and Primitive Accumulation, Brooklyn (NY), Autonomedia, 2004 [traduction française : Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive, Genève – Marseille, Entremonde – Senonevero, 2014].
41 Voir Serge Mboukou, Messianisme et modernité : Dona Béatrice Kimpa Vita et le mouvement des antoniens, Paris, L’Harmattan, 2010.
42 Voir Laurence Husson, « De la curiosité à l’art », in Albert Van Dantzig (éd.), Objets interdits, catalogue d’exposition, Paris, Fondation Dapper, 1989, p. 12-31.
43 Voir Paul Gilroy, L’Atlantique noir : modernité et double conscience, traduction Jean-Philippe Henquel, Lille – Paris, Kargo & l’Éclat, 2003 [1993 pour l'édition originale].
44 Voir Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, traduction Olivier Mannoni, Paris, Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2013.
45 Carnets de notes publiés chez Gallimard en 1934. Mais Michel Leiris fut loin d’être le seul écrivain à avoir recours à cette rhétorique de la hantise et du spectre à propos de l’Afrique noire. On peut citer également Joseph Conrad dont le principal personnage, Kurtz, dans Au cœur des ténèbres, devient au final un spectre, Paul Morand qui, dans Magie noire, use de cette formule « En somme, le nègre c’est notre ombre », ou encore Jean Genet dans la pièce Les Nègres, qui fait dire à l’un de ses personnages « Sous leurs yeux [les blancs] tu deviens un spectre et tu vas les hanter ».
46 Cité par William Pietz, Le fétiche…, op. cit., p. 72.
47 Voir Georg Wilhelm Friedrich Hegel, La raison dans l’Histoire…, op. cit., p. 253.
48 Voir Rosalind Shaw, Memories of the Slave Trade: Ritual and the Historical Imagination in Sierra Leone, Chicago, University of Chicago Press, 2002.
49 Comme dans le cas de la construction du chemin de fer Congo-Océan qui fit des milliers de victimes indigènes venant de toute l’Afrique centrale.
50 Voir Luise White, Speaking with Vampires: Rumor and History in Colonial Africa, Berkeley, University of California Press, 2000.
51 Voir Jean-François Bayart, L’État en Afrique : la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.
52 Voir à ce sujet Luis Nicolau Parés et Roger Sansi (dir.), Sorcery in the Black Atlantic, Chicago, University of Chicago Press, 2011.
53 Il faut cependant mentionner l’alphasyllabaire ge’ez utilisé de longue date dans la Corne de l’Afrique et l’alphabet tifinagh des Touaregs.
54 Par exemple la formule de société anarchique ou acéphale qui désignait des sociétés que, plus positivement, l’ethnologie a qualifiées de sociétés lignagères et segmentaires.
55 Positivité particulièrement bien soulignée par Claude Lévi-Strauss dans le fameux chapitre de Tristes Tropiques (Paris, Plon, 1955) intitulé « Leçon d’écriture », p. 337-350.
56 Jean-Loup Amselle parle très précisément de « malédiction de l’oralité » dans Branchements : anthropologie de l’universalité des cultures (Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2001).
57 Voir Alexandra Loumpet-Galitzine, Njoya et le royaume bamoun : les archives de la Société des missions évangéliques de Paris, 1917-1937, Paris, Karthala, 2006.
58 Voir Jean-Loup Amselle, Branchements…, op. cit.
59 Voir Dianne W. Oyler, « Re-inventing oral tradition: the modern epic of Souleymane Kanté », Research in African Literatures, vol. 33, no 1, 2002, p. 75-93.
60 Voir Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, coll. « Critique », 1967.
61 Voir Georges Niangoran-Bouah, L’univers akan des poids à peser l’or, thèse de doctorat d’État sous la direction d’Éric de Dampierre, 1972, parue ensuite en trois tomes à Abidjan aux Nouvelles Éditions africaines entre 1984 et 1987 et Introduction à la drummologie, Abidjan, Université nationale de Côte d’Ivoire, Institut d’ethnologie, 1980.
62 Voir Léopold Sédar Senghor, Liberté. 1, Négritude et humanisme, Paris, Seuil, 1964, p. 203.
63 Voir Shmuel N. Eisenstadt (dir.), Multiple Modernities, New Brunswick (NJ), Transaction Publishers, 2002 et Göran Therborn, « Entangled modernities », European Journal of Social Theory, 2003, vol. 6, no 3, p. 293-305.
64 Voir Jean Copans, La longue marche de la modernité africaine : savoirs, intellectuels, démocratie, Paris, Karthala, 1990.
65 Voir Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, traduction Pierre Kamnitzer, Paris, Calmann-Lévy, 1976.
66 Voir François Hartog, Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003.
67 Parmi beaucoup d’autres ouvrages sur le sujet, voir par exemple, du côté français, de Serge Latouche, Le pari de la décroissance, Paris, Fayard, 2006 ou d’Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes : résister à la barbarie qui vient, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond – La Découverte, 2008.