Chapitre 2. Les structures d’habitat et la stratigraphie
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Résumés
Le chantier Saint Paul a livré une stratigraphie particulièrement lisible qui permet d’isoler trois phases dans l’occupation des iie et ier s. av. J. C. La phase 1 correspond à un exhaussement lent du sol à l’emplacement d’habitations reconstruites sur place pendant plusieurs générations, la phase 2 à l’établissement d’un remblai général et la phase 3 à la réimplantation de bâtiments selon une orientation différente, qui sera préservée pendant toute la période romaine. L’étude des mobiliers permet par ailleurs de distinguer 6 horizons chronologiques que l’on peut replacer par rapport à la stratigraphie (tabl. i).
Pour la phase 1, la fouille a mis en évidence une rangée d’habitations de plan rectangulaire, probablement adossées d’un côté à une ruelle et débouchant de l’autre sur un espace ouvert dévolu à des activités domestiques (fig. 12). Trois à quatre états sont discernables, qui représentent autant de reconstructions sur un plan pratiquement inchangé. Après l’épisode (bref ?) de remblaiement de la phase 2, d’autres bâtiments sont implantés selon un agencement totalement différent, ordonné par un axe E. O. initialement matérialisé par une palissade (puis par un mur maçonné) (fig. 21). Leur architecture est sans doute plus variée que celle de la phase 1, mais aucun plan n’est restituable en raison de nombreuses perturbations datées de l’époque romaine.
La continuité de la stratigraphie montre que l’agglomération gauloise, déjà constituée au début du iie s. av. J. C., n’a pas été trop affectée par l’implantation (sans doute au début du ier s.) d’un oppidum à proximité, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres cas (Levroux, Bâle, région de Clermont Ferrand), où la fondation d’un oppidum s’accompagne de la disparition du site de plaine préexistant. Cette situation originale (partagée par les sites ségusiaves de Feurs et de Goincet) permet de bien appréhender l’évolution de l’agglomération sur la longue durée : organisation cohérente de l’habitat dès la première moitié du iie s., réorganisation dans la première moitié du siècle suivant, qui n’est pas remise en cause au moment de la romanisation.
Les bâtiments d’habitation de la phase 1 sont particulièrement bien conservés, compte tenu de la précarité de leur architecture. Il s’agit de cellules rectangulaires à pièce unique (à un cas près), de 4 x 6 m environ et délimitées par de minces parois de clayonnage ancrées directement dans le sol. Le type d’ossature demeure incertain. Le sol, en terre battue, est parfois installé sur un radier de tessons ou de gravier. Les portes s’ouvrent généralement sur l’un des pignons. Un foyer rectangulaire aménagé à même le sol occupe le centre des maisons. Des petits fours à coupole, des braseros mobiles en terre cuite et de vastes foyers extérieurs complètent la panoplie des sources de chaleur. L’agencement intérieur comprend aussi des vases calés. L’espace domestique se caractérise encore par la présence de nombreuses inhumations de fœtus et d’enfants en très bas âge. Les structures repérées dans l’environnement des maisons comprennent un puits, un grenier aérien (?) et de nombreuses fosses dont la fonction initiale ne peut pas être précisée.
La phase 3 voit l’utilisation massive de tessons d’amphores à vin italiques dans la construction, comme radier de sol ou comme solin de fondation. Les parois de clayonnage sont encore observées, mais elles deviennent minoritaires. Les techniques de construction d’origine méditerranéenne (tuiles en terre cuite, mortier de chaux) font leur apparition seulement dans le dernier quart du ier s. av. J. C. La plus grande variété des bâtiments et des autres structures suggère des fonctions plus diversifiées que celles de leurs prédécesseurs de la phase 1, mais qui ne peuvent être précisées. On note en particulier deux bâtiments sur poteaux porteurs, un cellier pavé de tuiles, des fosses de profil et de remplissage beaucoup plus variés.
The excavation at Saint Paul shows a particularly clear stratigraphy. We can identify three phases of occupation dating back to the 2nd and 1st centuries BC. Phase 1 corresponds to a slow rise in the surface, due to several reconstructions of houses on the same spot; phase 2 to the establishment of general dumping and terracing; and phase 3 to the resisting of the settlement on a different orientation which is then preserved throughout the Roman period. The study of the finds also allows us to distinguish six chronological horizons which can be closely linked with the stratigraphy (tabl. 1).
For phase 1, the excavations have produced evidence of a row of rectangular buildings, probably backing on to an alley and opening on to an open space for domestic activities (fig. 12). Three or four phases can be distinguished, which represent many rebuildings with almost identical plans. After the brief episode of dumping of phase 2, other houses were constructed on a different orientation with an east west axis initially marked by a palisade, and later by a stone wall (fig. 21). The architecture is without doubt more variable in phase 3, but it is not possible to produce a single house plan due to the number of disturbances from the Roman period.
The continuity of the stratigraphy shows that the LIA settlement, already in existence at the beginning of the 2nd century BC, was not greatly affected by the appearance (at the start of the 1st century BC) of an oppidum nearby – contrary to what we observe in other cases in central and eastern Gaul (e.g. Levroux, Basel and in the region of Clermont Ferrand) where the foundation of the oppidum was accompanied by the disappearance of pre existing sites in the plain. This unusual situation (shared by the regional sites of Feurs and Goincet, which also form part of the territory of the Segusiavi) allows us to follow clearly the evolution of the nucleated settlement over a long period of time: systematic organisation of the settlement as early as the first half of the 2nd century BC and réorganisation in the first half of the following century, which remained unaffected by Romanisation.
The ephemeral buildings of phase 1 are particularly well preserved, when one considers the nature of the building material. They are one roomed rectangular cells (4 x 6 m). Their limits are identified by a thin wall of daub anchored directly into the soil. The nature of the superstructure is uncertain. The floor, of beaten earth, is sometimes laid on a foundation of potsherds or gravel. The doors generally open at the gable end. A rectangular hearth at floor level occupies the center of the house. Small domed ovens, movable fired clay braziers and large external hearths complete the range of heat sources. The interior organisation includes ceramic pots set in the ground. It is also characterised by the presence of numerous burials of foetuses and neonatal infants. The structures around the houses comprise a well, a granary (?) and a number of pits whose original function cannot be exactly identified.
In the construction of phase 3, sherds of Italie wine amphora are intensively used, either as a base for floors or as a foundation for walls. Construction techniques of Mediterranean origin (roof tiles made of baked clay, lime mortar) make their appearance in the last quarter of the 1st century BC. The variation in buildings and other structures suggests a greater range of functions than that of their predecessors of phase 1, but these cannot be precisely defined. We can note in particular two buildings standing on heavy posts, a storeroom paved with rooftiles and several pits with highly variable profiles and fills.
Die Ausgrabung« Saint Paul »lieferte eine gut lesbare Stratigraphie mit drei Besiedlungsphasen im 2. und 1. Jh. v. Chr. In der Phase 1 fand durch die während Generationen immer wieder erneuerten Wohnstätten eine leichte Geländeüberhöhung statt. Nach einer Ausplanierung (Phase 2), erfolgte in Phase 3 der Wiederaufbau der Gebäude nach einem neuen Orientierungsschema, das dann auch während der ganzen römischen Zeit beibehalten wurde. Die Bearbeitung des Fundmaterials erlaubte eine Aufteilung in sechs Zeithorizonte, welche in die Stratigraphie eingepasst werden konnten (Tabl. I).
Phase 1 weist eine Reihe rechteckiger Gebäude auf, die auf der einen Seite von einer Gasse begrenzt werden und sich auf der anderen Seite gegen einen Hof öffnen, der vermutlich ebenfalls häuslichen Aktivitäten vorbehalten war (Fig. 12). Es lassen sich jeweils drei bis vier Bauphasen bzw. Erneuerungen festestellen, während denen sich die Grundrisse jedoch nicht veränderten. Nach einem (kurzen?) Unterbruch mit Planierungen (Phase 2) erfolgte in der Phase 3 eine Neuüberbauung, welcher eine gänzlich neue Ausrichtung zugrunde gelegt wurde. Diese schlägt sich zuerst in einer Ost West gefluchteten Palisade nieder und später dann in einer gemörtelten Mauer (Fig. 21). Die Gebäudeformen werden nun vielfältiger, Jedoch ist infolge späterer, römischer Störungen kein einziger Hausgrundriss als Ganzes zu rekonstruieren.
Die Kontinuität der Stratigraphie seit dem 2. Jh. v. Chr. macht deutlich, dass diese Siedlung durch das in der Nähe gegründete Oppidum von Jœuvre nicht tangiert worden ist – ganz im Gegensatz zu entsprechenden Fällen, wo sich die offene Siedlung zugunsten des Oppidums aufgelöst hat, wie zum Beispiel in Levroux, in Basel und in der Gegend von Clermont Ferrand. Dieser Umstand, der auch in Feurs und Goincet festgestellt werden kann, erlaubt es, die Siedlungsentwicklung kontinuierlich zu verfolgen: Auf eine geschlossene Überbauung in der ersten Hälfte des 2. Jh. erfolgt eine völlige Umstrukturierung in der ersten Hälfte des 1. Jh., die später nicht einmal mehr während der Romanisierung angetastet worden ist.
Die Wohnhäuser der Phase 1 sind trotz ihrer leichten Bauweise besonders gut erhalten. Es handelt sich um rechteckige, einräumige Häuser von 4 x 6 m, deren dünne Flechtwerkwände direkt im Boden verankert waren. Ihre Binnenunterteilung ist nicht bekannt. Der Boden aus gestampftem Lehm liegt bisweilen auf einem Scherben oder Kiesbett. Die Türöffnungen befinden sich in der Regel auf der Giebelseite. In der Hausmitte, direkt auf dem Boden, Liegt die rechteckige Feuerstelle. An weiteren Wärmequellen finden sich kleinere Kuppelöfen, mobile Glutplatten aus Ton sowie grosse Feuerstellen ausserhalb der Gebäude. Tonbehälter waren in den Boden eingelassen. Ebenfalls im Hausinnern kamen zahlreiche Foeten und Sâuglingsbestattungen zum Vorschein. In der näheren Umgebung der Häuser konnten ein Brunnen, ein abgehobener Speicher (?) sowie zahlreiche Gruben unbekannter Funktion festgestellt werden.
Mediterrane Bautechniken wie die Verwendung von Tonziegeln und Kalkmörtel werden erst im letzten Viertel des 1. Jh. v. Chr. übernommen. Die Verschiedenartigkeit der Gebäude und Strukturen weisen auf einen höheren Diversifikationsgrad als in der Phase 1, wobei die Nutzung im Einzelnen nicht präzisiert werden kann: Besonders erwähnenswert sind zwei Häuser auf Pfosten und ein Keller sowie zahlreiche Gruben unterschiedlichster Form und Einfüllung.
Texte intégral
2.1 Les étapes du développement du village
1Les différents chantiers roannais pris en compte ont mis en évidence des couches archéologiques stratifiées qui attestent une occupation continue du site du iie s. av. J. C. au iiie s. ap. J. C. Pour la fin de l’âge du Fer, cette situation est exceptionnelle en Gaule chevelue, où l’on a bien plus souvent affaire à des sites dépourvus de stratigraphie. Elle s’explique par les conditions propres au milieu urbain : accumulation rapide de sédiments qui scellent les niveaux archéologiques et empêchent leur érosion ultérieure, en particulier par les travaux agricoles.
2Cette particularité a permis, outre le contrôle par les données de la stratigraphie de la chronologie des matériaux établie par sériation typologique –ce dont Bessou avait déjà su tirer parti (cf. infra § 3.1)–, de dégager des vestiges de constructions qui, très fugaces et fragiles en raison des matériaux utilisés pendant la période considérée (bois et terre), sont rarement conservés.
3Ayant déjà proposé un large aperçu des vestiges d’habitat roannais des iie et ier s. av. J. C. (Guilhot et al. 1992), on se contentera de préciser ces données et de présenter l’argumentation qui n’avait pas pu être détaillée dans le cadre d’un article.
4Les différents chantiers, répartis sur environ un demi hectare, fournissent des données cohérentes et complémentaires qui permettent de préciser le mode d’occupation d’une petite partie de l’agglomération protohistorique. Les modes de construction et l’organisation des structures d’habitat évoluent sensiblement au cours de la période considérée. Pour rendre compte de cette évolution, on suivra les indications de la stratigraphie qui, fort heureusement, montrent l’existence d’une césure nette (sous forme d’un remblaiement affectant une bonne part de la surface fouillée), que l’on doit considérer comme un moment charnière de l’évolution du site (fig. 8). Les constructions installées après cette césure s’organisent en effet suivant une nouvelle orientation qui demeurera immuable à l’époque romaine, alors qu’elles intègrent progressivement de nouvelles techniques en provenance du monde méditerranéen.

FIG. 8 ‒ Saint Paul : coupe reconstituée est ouest à travers les niveaux d’occupation antérieurs au changement d’ère, dans la partie orientale du chantier. À l’est : les niveaux de sol sont bien individualisés et séparés par des couches d’occupation constituées de terre grise ; à l’ouest : la séparation des couches s’estompe progressivement.
CDAL del.
5Tous les vestiges de structures d’habitat qui lui sont antérieurs se rapportent à une phase d’occupation cohérente pendant laquelle les techniques de construction, le plan des habitations et leur agencement sont stables. On l’a nommée phase 1.
6Le remblaiement semble se poursuivre par une brève période pendant laquelle les structures d’habitat sont quasiment absentes sur les secteurs fouillés. Ce sera la phase 2, peu documentée. Cette faiblesse documentaire paraît due en premier lieu aux hasards de la fouille, puisque plusieurs fosses importantes peuvent lui être rattachées, niant la possibilité d’une désertion complète du site.
7Les plus anciennes structures d’habitat implantées au sommet du remblai de la phase précédente définissent le début de la phase 3. Son achèvement a été déterminé de façon assez arbitraire, à partir du mobilier (cf. supra § 1.4) puisqu’il n’existe pas de rupture stratigraphique générale entre les premières constructions de la phase 3 et les couches d’occupation du ier s. ap. J. C. Qui plus est, les vestiges de constructions de cette époque ne sont jamais conservés sur de grandes étendues en raison de remaniements ultérieurs pendant l’époque romaine, ce qui empêche de suivre l’évolution de l’habitat de façon aussi précise que pendant la phase 1. L’essentiel de l’information se rapporte donc aux modes de construction, les plans de bâtiments étant très peu nombreux.
8Parallèlement, l’évolution des mobiliers permet leur sériation et, de ce fait, la définition de séquences chronologiques. Bien que l’exposé de ces données soit l’objet de la troisième partie de l’ouvrage, il convient de fournir dès à présent la correspondance entre les phases stratigraphiques qui serviront à la description des structures d’habitat et les horizons chronologiques définis à partir des mobiliers.
9L’évolution des mobiliers étant continue, la distinction d’horizons n’est qu’une commodité qui vient pallier les incertitudes qui pèsent encore sur la datation de ses différents stades. Divers indices permettent cependant d’estimer la fourchette chronologique couverte par l’occupation gauloise. Nous proposons donc la première moitié du iie s. av. J. C. comme datation du mobilier associé aux plus anciennes structures d’habitat. Les ensembles clos qui permettent d’observer son évolution ultérieure s’échelonnent ensuite régulièrement jusqu’à la période augustéenne. Il nous est apparu qu’un découpage en cinq horizons, dont le dernier est centré vers 40 av. J. C., permettait de décrire de façon satisfaisante les étapes de l’évolution (tabl. iii). De plus, les éléments de datation disponibles pour chacun suggèrent que leur durée est homogène, de l’ordre d’une génération, ce qui permettra d’utiliser l’évolution de paramètres quantitatifs pour mesurer certaines tendances à l’échelle du site (l’évolution de la circulation monétaire...).

TABL. III ‒ Proposition de datation des horizons déterminés par la sériation d’ensembles de mobilier et correspondance avec les phases stratigraphiques.
10Ce schéma a aussi l’avantage de s’adapter parfaitement à celui mis en place pour le site de Feurs, tout en le complétant. Les horizons 1 à 3 se superposent en effet aux phases 1 à 3 définies sur ce site (Vaginay, Guichard 1988 : 78 80, 155). Les horizons 4 et 5 se substituent à la phase 4 de Feurs, documentée seulement à partir de mobilier résiduel et mêlé retrouvé au sommet des couches d’occupation gauloises. On s’est contenté d’ajuster les datations en tenant compte des dernières avancées de la recherche (ainsi le débordement sur la fin du iie s. de l’horizon 3 nous semble maintenant bien plus assuré).
11Le même découpage peut se prolonger à l’époque romaine. L’horizon 6 correspond à la partie centrale du règne d’Auguste et l’horizon 7 à la fin de ce règne et au début de celui de Tibère.
12Ce système s’adapte aussi à la stratigraphie, puisque la phase 1 regroupe précisément les horizons 1 à 3, la phase 2 correspond à l’horizon 4 et la phase 3 débute en même temps que l’horizon 5.
13La correspondance avec le système proposé par Bessou (1976) sera précisée ultérieurement. Indiquons seulement, pour fixer les idées, que ses trois périodes recouvrent pratiquement nos phases stratigraphiques.
14Les principales structures en creux rattachées aux couches d’occupation des iie et ier s. av. J. C. sont localisées sur les figures 9 à 11. Leur désignation comprend un préfixe identifiant le chantier (G1 à G5, SJ, SP) et un numéro d’indexation correspondant à la principale couche de remplissage ou à un numéro de structure.

FIG. 9 ‒ Saint Paul (SP) : indexation des fosses antérieures au changement d’ère. En noir les structures de la phase 1 ;
en hachures celles de la phase 3.
CDAL del.

FIG. 10 ‒ Rue Gilbertès (Gl) : indexation des fosses antérieures au changement d’ère.
CDAL del.

FIG. 11 ‒ Saint Joseph (SJ) : indexation des fosses antérieures au changement d’ère retrouvées dans les sondages.
CDAL del.
2.2 L’organisation de l’habitat et la stratigraphie
2.2.1 Phase 1
Organisation générale
15La partie orientale du chantier Saint Paul et les sondages contigus du chantier Saint Joseph présentent la stratigraphie la plus fine et la plus riche d’informations. Le remblai intermédiaire qui a permis de définir la phase 2 est aussi localisé dans cette zone.
16La phase 1 y est caractérisée par une très forte densité des vestiges d’habitat. Toutes les structures ont la même orientation (N. E./S. O.). Trois maisons rectangulaires juxtaposées s’organisent le long d’une ruelle large de 1,2 m et orientée N. E./S. O., qui longe leur face orientale et les sépare d’une deuxième rangée de maisons, sommairement repérée par Bessou (fig. 12 et 13). Bien que leur emprise au sol reste peu variable pendant toute la durée de la phase, chaque maison présente de multiples réaménagements ponctuels.

FIG. 12 ‒ Organisation spatiale du site durant la phase 1 : deux rangées de maisons adossées (S1 S4 et S5 S6) et précédées par de larges espaces ouverts. En pointillé principaux foyers.
CDAL del.

FIG. 13 ‒ Saint Paul : une partie de l’alignement de maisons de la phase 1. Vue vers le nord.
cl. CDAL
17Ces constructions sont matérialisées par une étroite rigole périphérique qui signale l’emplacement des murs. D’autres rigoles, de même type et de même orientation, ont été observées dans la partie nord ouest du chantier Saint Paul, mais elles ne permettent pas de restituer de plan cohérent. Trois états communs à toutes les constructions peuvent être distingués. Un quatrième est attesté pour la seule maison nord. Ils correspondent à autant de niveaux de sol principaux qui s’étagent sur environ 0,3 m.
18Les maisons sont entourées de nombreux aménagements périphériques (fosses, puits, grenier ; fig. 14 et 15) mais il est difficile de les raccorder d’un point de vue stratigraphique avec un état particulier, les sols devenant d’autant plus difficilement discernables que l’on s’éloigne des maisons (cf. supra fig. 8). Cependant, la contemporanéité des diverses structures périphériques avec les constructions de la phase 1 est prouvée par la stratigraphie (recouvrement par le remblai de la phase 2), le mobilier qui leur est associé et la disposition des nombreuses fosses qui caractérisent cette zone vis à vis de l’aire occupée par les maisons, qu’elles évitent soigneusement.

FIG. 14 ‒ Saint Paul : plan des structures de la phase 1 dans la partie orientale du chantier. En gris couches d’occupation conservées ; en gris foncé structures en creux appartenant à des bâtiments ; en pointillé foyers ; en hachures sépultures d’enfants ; en noir céramiques calées dans les sols.
CDAL del.

FIG. 15 ‒ Saint Paul : plan des structures antérieures au changement d’ère dans la partie occidentale du chantier.
En blanc perturbations plus récentes ; en gris niveaux d’occupation conservés ; en gris foncé structures en creux.
CDAL del.
Zone est du chantier Saint Paul. (fig. 14 et 16)
19La superposition des sols rend très bien compte des relations entre les modules d’habitation et de leurs remaniements successifs (fig. 14 et 16). Néanmoins il n’est pas toujours facile de distinguer chaque fois le plan associé à chaque état du sol. De ce fait, la distinction d’états s’appuie en priorité sur le décompte des reconstructions successives des soles de foyer.

FIG. 16 ‒ Saint Paul : stratigraphies nord sud à travers les niveaux d’occupation antérieurs au changement d’ère, dans la partie orientale du chantier, ab est une coupe reconstituée.
CDAL del.
Premier état
20Le premier état correspond à trois constructions (du sud au nord : S1, S2 et S3) séparées les unes des autres par un espace étroit, de 0,5 m entre S1 et S2 et de 1,1 m entre S2 et S3. Le premier niveau de circulation (NGF 278,2 à 278,4) est commun aux trois constructions. C’est un sol de terre battue très régulier et concrétionné qui scelle directement le niveau d’occupation de la première occupation gauloise. Il se poursuit environ sur 3 m vers l’ouest au delà des bâtiments.
Deuxième état
21Une organisation différente apparaît dans le deuxième état : S1 et S2 sont reconstruites sans changement d’emprise tandis que S3 laisse place à une autre maison décalée vers le nord (S4), ce qui libère un espace de 4,5 m entre celle ci et S2, où est installé un foyer.
22Un sol de terre battue assez dur et homogène recouvre celui de l’état 1 à l’emplacement de S1 et S2. Il est lui même recouvert par une couche hétérogène bigarrée possédant de nombreuses inclusions de charbon de bois dans le périmètre de S2, qui signale des recharges ponctuelles. Le tout est masqué par un niveau d’occupation contenant de nombreuses inclusions détritiques (os, charbon de bois).
23La construction nord (S4) n’a pu être fouillée que très partiellement. On ignore la relation stratigraphique précise entre les couches situées de part et d’autre de la paroi qui la délimite. À l’intérieur, quatre sols se superposent au dessus du premier niveau commun à toutes les structures (NGF 278,4 à 278,6). À l’extérieur, la stratigraphie, moins lisible, permet de discerner au moins deux couches liées chacune à un foyer. Une empreinte de paroi (SP 13183) sépare le sol intérieur fait de cailloutis très compact (SP 13181) du sol extérieur fait de terre grise meuble (SP 13167).
24Dans un second temps un réaménagement intérieur se traduit par l’installation d’un sol en terre battue limoneuse jaune. Son interruption brusque suggère l’existence d’une cloison, dont l’empreinte n’a pas été repérée à la fouille, qui délimite une pièce large de 1,2 m (sa longueur restant inconnue car la pièce se poursuit hors de la fouille).
25Un remblai de terre grise épais de 10 cm sépare cette construction du réaménagement postérieur.
Troisième état
26Le dernier état des maisons S1 et S2 est caractérisé par un sol de terre battue argilo sableuse jaune avec de nombreuses inclusions de charbon de bois (NGF 278,5). Une couche d’occupation meuble et homogène le recouvre.
27La paroi sud de la maison S4 est reconstruite (SP 13283) selon le même alignement. À l’intérieur, est installé un radier de tessons d’amphore et de céramique (SP 13128) qui soutient un sol en terre battue limité à l’ouest et au nord par des cloisons. À l’extérieur, deux sols successifs sont aménagés qui sont contemporains de cet état ou du suivant. Le premier est un sol de cailloutis mêlé de terre noire (SP 13166), auquel est lié un foyer. Au dessus, un autre sol, sableux et hétérogène (SP 13111), est également en relation avec un foyer.
Quatrième état
28La paroi extérieure de S4 est refaite une nouvelle fois, selon une orientation plus infléchie vers l’ouest (SP 13129). Parallèlement, un nouveau sol de terre battue, constitué de gravier et de terre sombre mêlés, est installé à l’intérieur. Le mobilier recueilli ne permet pas de distinguer ce dernier état de S4 de ceux de S1 et S2. Il n’est pourtant pas impossible que la maison nord ait eu une durée de vie plus longue que les deux autres, ce qui expliquerait que son orientation finale soit un peu différente de celle qui a prévalu auparavant.
Zone ouest du chantier Saint Paul
29De nombreux aménagements situés à l’ouest des bâtiments leur sont sans doute contemporains (fig. 14 et 15). L’absence de stratigraphie aussi fine dans ce secteur ne permet cependant pas de faire la part de ceux associés à chaque état. Toutes les structures en creux s’ouvrent en effet dans un niveau de terre grise homogène (sommet = NGF 278,5 m). Quelques recoupements et l’étude du mobilier des fosses permettent cependant de discerner une évolution de l’agencement de l’espace (fig. 17).

FIG. 17 ‒ Saint Paul : évolution de l’organisation spatiale au cours de la phase 1.
CDAL del.
30Au cours d’une première séquence, contemporaine de l’horizon 1, plusieurs fosses sont creusées (SP 24, SP 25, SP 40 et SP 42), surtout à proximité des habitations (fig. 17, séq. 1).
31Stratigraphiquement postérieur (fig. 17, séq. 2), un fossé peu profond qui se poursuit jusqu’à l’extrémité ouest du chantier indique peut être l’alignement d’une palissade d’enclos. Un bâtiment (S7) s’y accole, matérialisé par deux rangées de cinq poteaux légèrement divergentes vers l’ouest. Au moins une réfection a été décelée, ainsi que des empreintes de piquets plus faibles qui venaient sans doute renforcer sa structure. Les fosses contemporaines sont creusées plus à l’ouest, laissant libre la zone située entre les habitations et le bâtiment sur poteaux porteurs. Elles sont datées des horizons 2 et 3. L’une d’entre elles (SP 33) coupe une empreinte de paroi, qui peut ainsi être considérée comme faisant partie des plus anciennes constructions.
32Un puits (SP 11) a été construit, utilisé et en grande partie comblé à la même époque (horizon 3). Son comblement définitif, ralenti par des tassements de terrain, n’intervient pas avant la phase 3 (horizon 5).
Sondages du chantier Saint Joseph
33Les sondages contigus à la partie est du chantier Saint Paul (cf. supra fig. 5) complètent les informations recueillies en 1987. La même stratigraphie générale a pu être reconstituée, ce qui permet de découper leur présentation suivant le même schéma.
34Dans les sondages les plus proches de la fouille de 1987 (TA, TB et TD), une succession de sols a été repérée, analogue à celle du chantier Saint Paul (fig. 18). Le sol le plus ancien, en particulier, présente le même aspect caractéristique que celui dégagé en 1987, sableux et très concrétionné. On a pu vérifier, en examinant rapidement le mobilier céramique, que la chronologie de ces niveaux respecte précisément celle établie pour le chantier Saint Paul. Il a aussi été remarqué à la fouille que les couches les plus anciennes ne contenaient aucun fragment d’amphore, conformément aux observations effectuées en 1987.

FIG. 18 ‒ Saint Joseph : structures antérieures au changement d’ère des sondages TB et TD. En gris couches d’occupation de la phase 1 ;
en gris foncé structures en creux appartenant à des bâtiments de la phase 1 ; en pointillé foyer de la phase 1 ; en hachures fosses et fossés de la phase 3.
CDAL del.
35Il est possible de localiser à partir des empreintes de parois deux bâtiments (S5 et S6) contemporains de ceux de la phase 1 mis en évidence sur le chantier Saint Paul (fig. 12). Ils leur sont parallèles et distants de 1,2 m. L’étroit espace intermédiaire ne possède pas de niveau de sol aussi bien constitué que l’intérieur des constructions. Il s’agit donc bien d’un passage à ciel ouvert.
36Une zone d’argile cuite signale aussi l’emplacement d’un foyer. En revanche, aucune fosse importante n’a été repérée.
37Les sondages effectués plus à l’est présentent une stratigraphie plus simple. Le sommet du sable, qui constitue le terrain naturel (fig. 5), est tassé dans les sondages V, W, X et TC, concrétionné en V et W ou rubéfié en X. Dans les sondages Q, P, R, S les sols de la phase 1 sont remplacés par un niveau d’occupation sableux gris dans lequel sont creusées de nombreuses fosses, comme dans la partie ouest du chantier Saint Paul.
Grande fouille du chantier Saint Joseph
38Aucun relevé stratigraphique n’est disponible pour la fouille située au nord ouest du chantier Saint Paul (cf. supra fig. 5). Les fosses contemporaines de la phase 1 (SJ 15101, SJ 15312 et SJ 15313) semblent s’ouvrir dans le même niveau d’occupation non stratifié que celui repéré à proximité en 1987.
Chantier Gilbertès
39Dans le sondage G1, aucune stratigraphie précise n’a été repérée dans les niveaux préromains. Plusieurs fosses peuvent néanmoins être rattachées à la phase 1.
40Des sols bien constitués ont en revanche été discernés dans le sondage G5 (fig. 19). Il s’agit, dans la partie nord du sondage, d’un sol régulier de cailloutis, pris dans de l’argile plus ou moins rubéfiée et repéré sur 10 m2, qui a connu plusieurs recharges comme les sols d’habitations du chantier Saint Paul. Les relevés disponibles sont néanmoins trop sommaires pour permettre d’évaluer l’emprise de bâtiments.

FIG. 19 ‒ Gilbertès (G5) : structures antérieures au changement d’ère.
En gris couches d’occupation ; en pointillé foyers ;
en hachures sépulture d’enfant.
CDAL del.
2.2.2 Phase 2.
Chantier Saint Paul
41Un remblai homogène de terre gravillonneuse, grise et meuble, d’environ 0,2 m d’épaisseur (NGF 278,50 à 278,65), vient séparer les sols et structures de la phase 1 de ceux de la phase 3 dans les parties centrale et méridionale du chantier (fig. 16). Les structures de la phase 1 sont donc abandonnées (y compris le puits SP 11) et un nivellement général est effectué de manière concertée et systématique sur lequel viendront s’implanter les structures de la phase 3. Seul l’emplacement de la maison nord de la phase 1 (S4) n’est pas recouvert par une couche aussi puissante, ce qui dénote peut être une durée de vie plus longue du bâtiment (son dernier sol est à la même altitude que le sommet du remblai qui recouvre les autres maisons).
42La mise en place du remblai est datée assez précisément de la transition entre l’horizon 3 (auquel appartient en particulier le comblement primaire du puits SP 11) et l’horizon 4 (au début duquel se rattache le mobilier de la fosse SP 6, qui perce le remblai).
43Aucune stratigraphie n’a été discernée dans la partie ouest du chantier, où quelques fosses (SP 20 et 21) ont été comblées pendant l’horizon 4.
Sondages du chantier Saint Joseph
44Il semble qu’un remblai soit également installé au dessus des vestiges d’habitations de la phase 1 à l’emplacement des sondages TB et TD. Il s’agit d’une couche hétérogène de terre limoneuse sombre, cendreuse, contenant beaucoup d’amphores et quelques pierres. Son sommet est durci et rubéfié dans le sondage TD.
45Partout ailleurs, et au dessus de cette couche en TB et TD, les niveaux d’occupation plus anciens sont recouverts par un second remblai de sable gravillonneux, meuble et contenant quelques tessons, épais d’environ 0,25 m.
46La mise en place de ce remblai est datée par le comblement de plusieurs fosses, de l’horizon 4, qui le recoupent (SJ 4005, SJ 3008).
Grande fouille du chantier Saint Joseph
47Comme dans la partie occidentale du chantier Saint Paul, aucune stratigraphie précise ne semble avoir été enregistrée à la fouille. Plusieurs fosses ou niveaux d’occupation peuvent être rattachés à l’horizon 4 (SJ 15250 et SJ 15301).
Chantier Gilbertès
48Une couche de terre sableuse jaune, parfois teintée de gris, a été repérée dans le sondage G5. Elle pourrait correspondre au remblai de la phase 2.
2.2.3 Phase 3
Chantier Saint Paul
49Une phase de construction se met en place selon une nouvelle orientation cohérente. La position superficielle de ces structures les a rendues beaucoup plus vulnérables aux perturbations ultérieures, surtout gallo romaines. On ne dispose ainsi d’aucun plan de bâtiment complet. Seule l’organisation générale des constructions a pu être discernée.
50Tous les aménagements sont ordonnés par un axe est ouest dont le tracé sera repris par un mur gallo romain. Cet axe est matérialisé par un alignement de puissants calages de poteaux qui correspond, sur une partie de leur tracé, au mur gouttereau d’un bâtiment se développant vers le nord (SU) (fig. 20). Un autre bâtiment sur poteaux porteurs, plus exigu, a été individualisé dans son prolongement ouest (S10). Au sud, plusieurs petites pièces (en appentis ?) pourvues chacune d’un foyer sont accolées à l’alignement de poteaux.
51Les plus anciens aménagements se rattachant à cette phase appartiennent à l’horizon 4. Aucune autre rupture stratigraphique nette n’est discernable au début de l’époque romaine. On constate seulement l’évolution progressive des modes de construction, en particulier la disparition des vestiges de constructions légères (cloisons, armatures en bois) caractéristiques des niveaux d’occupation gaulois vers le changement d’ère.
52Le raccordement stratigraphique des structures situées de part et d’autre de cet axe et dans la partie sud du chantier s’avérant impossible, elles seront décrites successivement.

FIG. 20 ‒ Saint Paul : tranchée de palissade jalonnée de calages de poteaux (phase 3). Vue vers l’ouest.
cl. CDAL
Organisation spatiale au nord de l’axe. (fig. 21 et 22)
53La succession des aménagements est difficile à reconstituer en raison du très grand nombre de fosses qui s’ouvrent dans ce secteur et perturbent les niveaux d’occupation.

FIG. 21 ‒ Saint Paul : plan des structures des phases 2 et 3 dans la partie orientale du chantier.
En gris couches d’occupation conservées ; en gris foncé structures en creux appartenant à des bâtiments ; en noir alignement de tessons d’amphores ; en pointillé foyers.
CDAL del.

FIG. 22 ‒ Saint Paul : évolution de l’organisation spatiale au cours de la phase 3. 1 état 1 ; 2 état 2 ; 3 état 3. En gris couches d’occupation conservées ; en gris foncé sols sur radier de cailloutis ou de tessons ; en noir structures en creux et alignement de tessons d’amphores appartenant à des bâtiments ; en pointillé foyers
CDAL del.
54Le principal bâtiment sur poteaux porteurs (S11), d’une superficie de 9 x 4 m, est installé au sommet d’une couche de terre grise dont l’établissement est sans doute contemporain des structures de la phase 1 (fig. 21, 2). Cette couche, conservée sur une faible étendue, servait aussi de support à un petit four culinaire arasé (NGF 278,4), qu’il n’a pas été possible de mettre en rapport avec un état de construction. L’espace intérieur du bâtiment est perforé par plusieurs fosses qui se succèdent (dans l’ordre : SP 29, puis SP 44, SP 28 et l’ensemble SP 27 30, constitué d’un fossé long de 4 m terminé par deux fosses). Les relations stratigraphiques entre le bâtiment et les fosses sont inexistantes. Toutefois la position de la fosse SP 29 au centre du bâtiment suggère qu’elle a fonctionné en même temps que lui, pendant l’horizon 4 ou l’horizon 5. Une telle datation du bâtiment est encore confirmée par l’emploi de nombreux fragments d’amphores vinaires républicaines comme calages des poteaux. Les autres comblements sont postérieurs (horizon 5 pour la fosse SP 44, horizon 6 pour SP 28 et fin de l’horizon 6 pour l’ensemble SP 27 30).
55Le bâtiment accolé à l’ouest (S10), large de 4 m, se signale par des poteaux porteurs reliés par une étroite rigole peu profonde. Le peu de mobilier qui provient de son comblement est compatible avec une datation identique à celle du bâtiment S11. Comme pour ce dernier, son niveau de circulation n’était pas conservé.
56À l’est, deux sols superposés de terre battue, très dégradés, (SP 13059, SP 13085) sont en relation avec les deux états successifs d’un foyer (NGF 278,65 à 278,9). Le sol le plus ancien est contemporain de la fosse SP 44 ; le deuxième est recoupé par plusieurs fosses de la fin de l’horizon 6 ou de l’horizon 7 (SP 13065 et SP 45). Un alignement de fragments d’amphore parallèle aux autres constructions (NGF 278,9 m) appartient à un niveau plus récent (fig. 21, 3).
Organisation spatiale au sud de l’axe. (fig. 20 et 21)
57Les premiers aménagements installés sur le remblai de la phase 2 se traduisent par une fosse (SP 6) et quelques trous de poteaux qui ne permettent pas de reconstituer d’ensemble cohérent (fig. 21, 1).
58Dans un deuxième temps, l’occupation devient plus dense dans la partie est du chantier, ce qui se traduit par une succession de sols bien stratifiés, remplacés par un niveau d’occupation constitué de terre grise (SP 15074) plus à l’ouest (fig. 21, 2).
59Plusieurs tronçons de parois et des ruptures stratigraphiques perpendiculaires à l’axe est ouest permettent de restituer des cellules exiguës possédant chacune un foyer (NGF 278,6 à 278,8). Chaque cellule possède sa propre stratigraphie, témoignage de réaménagements ponctuels.
60Trois états sont discernables, qu’il est impossible de dater précisément en l’absence d’ensemble clos de mobilier caractéristique associé :
‒ trois cellules (P1 à P3) sont construites le long de l’axe, chacune dotée d’un sol de terre battue et d’un foyer (SP 15009 pour P1 ; SP 14103 pour P2 ; SP 14083 pour P3). Elles s’appuient donc au nord sur la palissade qui matérialise l’axe est ouest et sont délimitées transversalement par des parois légères qui n’ont laissé que des traces très fugaces (alignement de tessons d’amphore entre P2 et P3, interruption brusque des sols). Au sud, une perturbation plus récente ne permet pas de déterminer leur mode de fermeture et à fortiori leur étendue ;
‒ deux des cellules (P1 et P2) sont nivelées par un remblai de gravier jaune. L’emplacement de la troisième, très perturbé ultérieurement, a été recouvert par deux sols successifs de terre battue, contemporain chacun d’un état de foyer ;
‒ plusieurs trous de poteaux et des empreintes de cloisons signalent de nouvelles constructions installées au dessus du remblai, dont les vestiges ont été fortement dégradés pendant l’époque romaine. Leur sol a laissé pour seul trace un radier de tessons d’amphore au contour irrégulier (SP 10 ; NGF 278,8) (fig. 21, 3). Plusieurs alignements de tessons d’amphore, situés au sommet des niveaux de cette phase, sont sans doute contemporains (NGF 278,8 et 278,9).
61Plus à l’ouest, n’ont été repérées que quelques fosses, dont trois scellées par des foyers (NGF 279,0), tandis que la cuvette marquant l’emplacement du puits SP 11 s’estompe progressivement (fig. 21, 2). Le mobilier du remblai (SP 15074), des fosses (SP 15078, SP 15096, SP 15098 et SP 39) et du sommet du puits est daté de l’horizon 5 ou de l’horizon 6.
62Une fosse rectangulaire aménagée (cellier) et une autre, plus irrégulière, associées à une rigole en T, sont comblées plus au sud ouest à une date un peu plus récente (horizon 6 pour les fosses ; horizon 7 pour la rigole) (fig. 21, 3). D’autres tronçons de fossés orientés nord sud semblent également attribuables à la même phase d’occupation ; en tout cas, le mobilier de leur comblement, peu abondant, ne vient pas démentir cette hypothèse.
Extrémité sud du chantier
63La stratigraphie de la partie sud du chantier ne peut être raccordée à celle de la zone de l’axe est ouest à cause d’un recreusement de l’espace intermédiaire à l’époque romaine.
64Les vestiges de construction les plus anciens sont constitués de tronçons d’empreintes de parois approximativement alignées et parallèles au nouvel axe, qui dénotent l’existence de bâtiments (S8 et S9) (fig. 21, 1). Elles sont en relation avec des sols de terre battue, constitué de sable gravillonneux jaune et surmonté par plusieurs recharges d’argile pour le premier (NGF 278,85), de gravier et surmonté d’un niveau d’occupation charbonneux pour le second (NGF 278,5). Une zone rubéfiée indique aussi l’emplacement d’un foyer lié à 89. Le mobilier n’est pas assez abondant pour permettre une datation précise.
65Une phase d’aménagement postérieure, sans doute contemporaine de celles trouvées plus au nord sur le même chantier, correspond à un alignement de tessons d’amphores à l’emplacement du bâtiment 88 (fig. 21, 3).
Extrémité ouest du chantier
66À l’extrémité ouest du chantier, quelques fosses contemporaines de l’horizon 6 (au moins SP 19) sont creusées au sommet du remblai de la phase 2. Une petite rigole orientée nord sud pourrait également faire partie des structures de cette période.
Période gallo romaine
67Les plus récents vestiges de construction traditionnelle de la phase 3 (alignements d’amphores, cellier aux parois boisées...), concentrés dans la partie est du chantier, sont probablement contemporains du premier bâtiment de mode de construction romanisé, mis en évidence à l’extrémité ouest et daté de la fin de l’horizon 6 (fig. 23). Il est matérialisé par un sol en béton de tuileaux et un tronçon de cloison interne à pan de bois dotée d’un enduit de mortier. Bien que son plan ne soit pas reconstituable, il est certain qu’il s’appuie sur un mur maçonné (dont les pierres ont été ultérieurement récupérées) qui a remplacé très tôt la palissade antérieure est ouest. D’autres constructions viendront encore par la suite s’adosser à ce mur, qui semble jouer le rôle de limite de propriété.

FIG. 23 ‒ Saint Paul : plan d’ensemble des structures romaines. En gris sols en béton de tuileaux ou en terre battue ; en pointillé foyer ; en trait pointillé structures non maçonnées de la phase 3.
CDAL del.
Sondages du chantier Saint Joseph
68Dans deux sondages, une couche de terrain peut être considérée comme appartenant à un premier état de la phase 3. Il s’agit, dans le sondage TA (fig. 5), d’une couche de terre gravillonneuse contenant beaucoup de tessons d’amphore et, dans le sondage X, d’un sol de terre sableuse rubéfiée et tassée.
69Une couche qui recouvre peut être celle ci est signalée dans la plupart des sondages (X, Q, P, U, TD, TC, TA, TB) (fig. 5). Elle est constituée de terre noire très tassée, avec de nombreuses inclusions d’éclats de tuiles, d’amphores et de pierre. Les structures en creux qui s’ouvrent à son niveau sont peu nombreuses : fossé orienté est ouest et contenant du mobilier daté de la période augustéenne (horizon 6 ?) et fosse de l’horizon 5 (SJ 7009).

FIG. 24 ‒ Gilbertès (G1) : plan des structures de la phase 3 établi d’après les notes de fouilles. En gris couches d’occupation ou espace à l’air libre ; en gris foncé sol sur radier argileux ou espace couvert ; en pointillé foyers.
CDAL del.
Grande fouille du chantier Saint Joseph
70À nouveau la stratigraphie manque pour cette partie du site. On ne connaît que quelques fosses contemporaines des horizons 5 et 6 (SJ 15251, SJ 15261 et peut-être SJ 15301).
Chantier Gilbertès
71Les niveaux d’occupation observés à la fouille et décrits ci dessous ont été attribués à la phase 3, surtout par analogie avec les structures du chantier Saint Paul appartenant à cette phase, car le mobilier qui aurait permis de contrôler cette datation n’a pas été isolé avec suffisamment de rigueur.
Sondage G1
72Un sol très compact de cailloutis et d’éclats d’amphores, localement rubéfié et percé de plusieurs trous de poteaux, est à rattacher aux premiers aménagements de la phase 3 (fig. 24). Au dessus d’un niveau d’occupation en liaison avec ce sol, deux nouveaux sols juxtaposés ont été repérés, partiellement limités par un alignement de tuiles et de pierres signalant une cloison : un sol d’argile jaune, épais et compact, centré sur un foyer, correspondant à un espace couvert ; une succession de couches de gravier ou de sable jaune pur, épaisse de 2 à 20 cm, correspondant à un espace à l’air libre. Dans la partie ouest du chantier un fossé orienté nord sud est comblé pendant l’horizon 5. Quelques fosses peuvent aussi être datées de la même période.
Sondage G2
73Dans le secteur est de la tranchée, la même stratigraphie que dans le sondage G1 a été observée (deux sols superposés, le plus récent constitué de gravier jaune).
Sondage G4
74Dans la partie est de la tranchée (G4D) étaient conservés des lambeaux de sols de terre battue, recouverts par un épandage de tessons d’amphore s’étendant sur une longueur d’au moins 15 m.
Sondage G5
75Au nord du sondage a été repéré un sol irrégulier, plusieurs fois réparé ou rechargé (fig. 19). Il est constitué de terre argileuse sombre, compacte, rubéfiée à certains endroits, et parfois recouverte ou incrustée de cailloutis. Des plaques de foyer, des fragments de four et des trous de poteaux en relation avec ce sol montrent qu’il appartenait à une habitation qui se prolongeait à l’est du sondage et dont le plan n’est pas restituable. Deux sépultures d’enfants nouveau nés ont également été creusées dans ce sol.
76Au dessus, des couches de gravier jaune s’échelonnent sur une épaisseur de 0,2 m, intercalées avec des couches d’occupation : Elles sont recouvertes par un épandage de tessons d’amphores républicaines.
2.2.4 Synthèse
77Il est désormais bien établi que l’évolution de l’organisation du peuplement de la Gaule chevelue (du moins la Gaule centrale et orientale) à la fin de l’âge du Fer passe par une première phase de cristallisation de l’habitat, aux iiie et iie s., au sein d’agglomérations non fortifiées et peu étendues (généralement moins de 10 ha) mais pourvues de toutes les branches d’activité, tant artisanales qu’agricoles, nécessaires à leur autonomie (Collis 1984 : 77 79). Une phase ultérieure voit l’apparition et la multiplication des oppida. Le développement des études régionales depuis une quinzaine d’années indique néanmoins que ce phénomène général recouvre une très grande variété de scénarios. Ce constat a pour première conséquence de montrer qu’il n’en existe certainement pas d’explication simple, à valeur universelle.
78Un cas de figure désormais bien reconnu dans plusieurs régions est celui d’un abandon brutal des agglomérations de plaine du iie s. au profit d’un oppidum (ou de plusieurs oppida successifs) installé dans un site naturellement propice à la fortification. On peut se référer en particulier aux exemples classiques de la région de Clermont Ferrand, de Levroux (Indre) ou de Bâle. Dans ces trois cas, l’installation de l’oppidum paraît s’effectuer avant la fin de La Tène D1 (Guichard et al. 1993 ; Buchsenschutz et al. 1992 ; Furger Gunti 1979 : 120 126). Dans deux de ces trois cas (Clermont Ferrand, Levroux), le site d’oppidum, d’accès peu aisé, est abandonné à l’époque augustéenne.
79En se cantonnant à la Gaule celtique proprement dite, divers autres cas de figure sont possibles, soit que le site d’un oppidum, bénéficiant à la fois d’avantages défensifs et de facilités d’accès, possède des vestiges d’une occupation ancienne massive antérieure à la fortification (à l’image de Manching, dont le site est occupé par une agglomération ouverte dès le début du iie s.), soit que le développement tardif des oppida ne contrarie pas la continuité de l’occupation des sites de plaine environnants.
80Le premier cas de figure est sans doute illustré par Besançon (Guilhot et al. 1992 ; Guilhot, Goy 1992). S’y rattachent aussi certainement les oppida dont la liste est donnée par César et pour lesquels, comme pour Besançon, la continuité ultérieure de l’occupation jusqu’à l’Époque moderne fait obstacle à l’étude de l’occupation protohistorique. La liste de ceux pour lesquels une occupation du iie s. av. J. C. est attestée s’accroît du moins chaque année, au rythme des fouilles de sauvetage. Pour se cantonner aux sites connus de César, citons Vienna [Vienne], Avaricum [Bourges], Genabum [Orléans],
81L’exemple forézien est la meilleure illustration du dernier cas de figure. Les trois oppida identifiés du territoire ségusiave –en particulier celui de Jœuvrc, à proximité de Roanne– ne dérogent pas à la règle générale d’une occupation attestée principalement depuis la fin de La Tène D11. En revanche, les trois villages de plaine étudiés ces dernières années (Feurs, Goincet, Roanne), montrent une continuité d’occupation pendant tout le ier s., qui se résout de manière différente dans chaque cas : le site de Feurs voit l’implantation du chef lieu de cité (effective avant la fin du règne d’Auguste, époque où est mis en chantier l’ensemble monumental du forum ; Valette, Guichard 1991), Goincet est abandonné au même moment et Roanne continue une évolution sans heurt.
82Le devenir des oppida peut lui aussi faire l’objet d’une typologie. On doit d’abord distinguer les oppida qui n’ont connu qu’une occupation épisodique ou très brève, et donc difficilement datable. Ils se recrutent surtout parmi les sites de hauteur d’accès difficile (exemple typique du mont Vully, sur le Plateau suisse ; Kaenel, Curdy 1988). Une deuxième catégorie, elle aussi constituée surtout de sites d’accès difficile, est celle des oppida abandonnés précocement (peu après le milieu du ier s. av. J. C.), sans avoir connu une période de construction utilisant des techniques romanisées. Cela est le cas pour au moins deux des oppida ségusiaves : Essalois, sans aucun doute, et Joeuvre, vraisemblablement (le cas du Crêt Châtelard est moins clair, puisqu’une occupation gallo romaine, dont on ignore la nature précise, y est attestée). Une troisième catégorie est celle des sites abandonnés au profit d’autres plus favorables, mais à une période plus tardive (milieu du règne d’Auguste), de sorte qu’une phase de construction romanisée a eu le temps de s’y développer (les plus typiques sont le Mont Beuvray et Gergovie). La dernière, enfin, est celle des oppida dont le site a continué à être occupé par une agglomération gallo romaine, dont Besançon est le représentant le mieux connu.
83La continuité de la stratigraphie observée à Roanne permet donc de particulièrement bien observer l’évolution d’une agglomération ouverte déjà constituée au début du iie s. av. J. C. dans un terroir où est également implanté un oppidum sur un site de hauteur apparemment « neuf » et rapidement abandonné après la conquête romaine. Une organisation spatiale cohérente, attestée sur 0,5 ha, se fait jour dans la première moitié du iie s. Son orientation parallèle au rebord de la terrasse alluviale de la Loire semble subordonnée à un axe de circulation longeant le fleuve. L’exiguïté de la fouille empêche malheureusement de comprendre l’agencement des bâtiments vis à vis de ce cheminement supposé. On a du moins mis en évidence des habitations de dimensions homogènes et disposées en deux longues rangées adossées. En façade de chaque rangée se développe une zone à ciel ouvert essentiellement consacrée aux activités domestiques (comprenant des foyers de préparation culinaire, un puits, des fosses de rejets domestiques) que l’on peut imaginer délimitée par une rue du côté opposé aux maisons. Cette zone était compartimentée par des palissades, sans pour autant que chaque unité d’habitation soit dotée d’un lot indépendant, ce qui suppose que les activités domestiques se déroulaient en bonne partie dans un cadre communautaire (basé par exemple sur les liens existant au sein d’une famille élargie). Ce regroupement d’habitations au sein d’enclos délimitant des espaces communs à plusieurs familles nucléaires place Roanne à mi chemin entre les modes d’organisation spatiale reconnus à la même époque dans les agglomérations de Gaule méridionale et sur les sites contemporains d’Europe tempérée. Le premier modèle est en effet caractérisé par l’entassement rationnel des habitations, dépourvues d’espace domestique annexe, sous la forme d’îlots allongés bordés d’axes de circulation (exemples typiques de Nages ou de Lattes). Les fouilles extensives d’agglomérations d’Europe tempérée –en l’occurrence surtout des oppida– montrent en revanche que, même lorsque l’on a affaire à un parcellaire géométrique, celui ci est occupé par une juxtaposition d’unités beaucoup plus vastes, comprenant divers bâtiments réunis dans une cour fermée où pouvaient se dérouler des activités variées, ainsi les exemples de Staré Hradisko en Moravie (Meduna 1970), Condé sur Suippe et Villeneuve Saint Germain (Constantin et al. 1982) dans l’Aisne.
84L’apparition d’un oppidum dans le proche environnement du site ne conduit pas à son abandon, comme on peut l’observer dans d’autres régions. On observe cependant à cette époque, ou à une époque à peine plus récente, une rupture nette qui se traduit par le remodelage de l’organisation spatiale du secteur étudié du site suivant un parcellaire nouveau. Mais on ignore s’il faut relier cet événement avec le déplacement d’une partie de la population vers l’oppidum voisin. La surface fouillée du site est en effet trop exiguë pour permettre d’affirmer avec certitude que la population était moins nombreuse au iers. av. J. C., ainsi que le suggère toutefois la relative rareté de certains mobiliers de La Tène D2, comme les monnaies et les amphores vinaires républicaines tardives (Dressel 1 B) (cf. infra § 3.2.4 et 3.4.4.3). Cette rareté peut tout aussi bien être mise en relation avec le changement de nature de l’occupation du sol constaté dans les zones fouillées (en particulier le déplacement des zones d’habitat). La persistance à l’époque romaine des orientations du parcellaire mis en place dans la première moitié du iers. av. J. C. montre que l’organisation spatiale du site n’a pas été bouleversée de nouveau après la conquête romaine. Bien au contraire, les techniques de construction méditerranéennes semblent avoir été introduites progressivement, par des initiatives individuelles, comme on l’observe, encore mieux, sur l’oppidum du Mont Beuvray. Pour cette raison, la physionomie de l’agglomération gallo romaine a sans doute conservé pour une part celle de l’agglomération de la première moitié du iers. av. J. C.
2.3 Les structures d’habitat
85L’essentiel de la documentation rassemblée sur les structures d’habitat provient du chantier Saint Paul, les autres chantiers n’apportant qu’un appoint ponctuel d’information. Par ailleurs, notre attention se portera en priorité sur les niveaux d’occupation de la phase 1, les seuls à avoir livré des vestiges de construction cohérents. On s’attachera d’abord aux bâtiments bien individualisés, avant d’examiner les aménagements annexes (fossés, fosses).
2.3.1 Les bâtiments
Phase 1
Plans
86On dispose de quatre plans complets ou partiels de bâtiments d’habitation sur l’emprise du chantier Saint Paul et de deux plans très lacunaires sur celle du chantier Saint Joseph.
Chantier Saint Paul, maison S2
87La maison S2 a été complètement dégagée (fig. 25 et 26). Ses parois forment un quadrilatère de 5,5 à 6 m sur 4,4 m. Elle a été plusieurs fois reconstruite au même emplacement, d’où une imbrication des vestiges des différents états qui ne facilite pas leur lecture. Trois états peuvent être discernés à partir de la succession des sols. Le foyer est d’abord situé à l’ouest de la maison, puis il se déplace de 2 m vers l’est et subit alors plusieurs remaniements. Il est toujours décalé des parois et situé hors de l’axe de la poutre faîtière.

FIG. 25 ‒ Saint Paul : maison S2 de la phase 1. Vue vers l’ouest.
cl. CDAL

FIG. 26 ‒ Saint Paul : bâtiment d’habitation S2 de la phase 1. 1 état 1 ; 2 état 2 : 3 état 3.
En gris foncé structures en creux sûrement attribuées à un état ; en gris clair parties restituées ou structures attribuées sans certitudes à un état ; en pointillé foncé foyer ; en pointillé clair sépultures d’enfant ; en hachures pierres de calage des poteaux ; en double trait vases calés.
CDAL del.
88Dès le premier état, la maison est à angles vifs. Une porte large de 1,5 m, délimitée par deux poteaux calés s’ouvre du côté ouest, contre la paroi nord. Le mur opposé, pour cet état, n’est pas localisé. Le foyer contemporain serait celui situé le plus à l’ouest, à l’abri du vent et ne gênant pas le passage.
89Il est difficile de restituer un deuxième état cohérent. L’ensemble de la maison glisse d’environ 0,9 m vers l’ouest. La porte qui ouvrait dans la paroi ouest semble conservée, tandis qu’une autre, symétrique, existe peut-être dans la paroi opposée. Le foyer est déplacé au même moment vers l’est. L’empreinte très peu profonde d’une cloison courbe dans l’espace intérieur, qui recoupe le premier foyer, pourrait être un écran pare vent intercalé entre une des entrées et le foyer.
90Dans le dernier état, les ouvertures des parois ouest et est sont condamnées, au profit d’une autre percée dans le mur nord, qui fait communiquer la maison avec la petite cour située au nord, aménagée à la suite de la disparition de la maison S3 (cf. supra fig. 12). Le foyer conserve son emplacement antérieur.
Chantier Saint Paul, maison S1
91Seul l’angle nord ouest de la maison S1 a été observé (fig. 27). Le mur ouest est dans l’alignement de celui de la maison contiguë S2. La restitution des parois manquantes se fait donc sans hésitation, puisqu’elle conduit à une maison de même module que sa voisine. Dans cette hypothèse, l’ouverture observée dans la paroi ouest est axiale et le foyer décalé hors de l’aplomb de la poutre faîtière.

FIG. 27 ‒ Saint Paul : bâtiment d’habitation S1 de la phase 1. 1 états 1 et 2 ; 2 état 3.1. En gris foncé structures en creux appartenant certainement à un état ; en gris clair parties restituées ou structures appartenant probablement à un état ; en pointillé foyer.
CDAL del.
92Le bâtiment a connu au moins deux états de fonctionnement à chacun desquels est associé un état de la paroi, du sol et du foyer. Sa reconstruction s’accompagne d’une légère extension vers l’ouest, comme on l’observe pour la maison S2. Les angles des murs sont arrondis dans le premier état, vifs dans le second.
93L’entrée occidentale de la maison se caractérise par un espace large de 1 à 1,2 m délimité de la même manière dans les deux états par des poteaux calés sur lesquels vient buter le mur. À l’emplacement de l’ouverture, une légère rigole signale probablement un calage de panneau de fermeture. De profonds trous de poteaux situés en arrière de cette porte faisaient certainement partie de l’ossature de la maison, mais leur implantation non symétrique suggère qu’ils ont seulement été installés comme renforts.
Chantier Saint Paul, maison S3
94La maison S3 (fig. 28, no 1) a eu une durée de vie plus courte, puisqu’elle laisse rapidement la place à une autre, décalée vers le nord. Ses vestiges, lacunaires, suggèrent qu’elle était de mêmes dimensions que ses deux voisines, S1 et S2. Seul son angle sud ouest est bien conservé. Son mur nord est indiscernable des nombreux états du mur sud de la maison S4. Sa paroi est est située en dehors de l’emprise de la fouille. Une porte semble s’ouvrir dans la partie nord de sa paroi ouest, de la même manière que dans les deux premiers états de la maison 2. Le foyer est presque accolé à la paroi nord (sous réserve que celle ci soit correctement restituée).

FIG. 28 ‒ Saint Paul : bâtiments d’habitation S3 et S4 de la phase 1. 1 bâtiment S3 ; 2 bâtiment S4, état 1 ; 3 bâtiment S4, état 2 ; 4 bâtiment S4, état 3. En gris foncé structures en creux sûrement attribuées à un état ; en gris clair parties restituées ou structures attribuées sans certitudes à un état ; en pointillé clair étendue du sol sur radier ; en double trait vases calés.
CDAL del.
95D’autres tronçons de parois repérés plus à l’ouest dans le même alignement correspondent aussi à des vestiges très lacunaires de bâtiments qui ne sont pas restituables en plan.
Chantier Saint Paul, maison S4
96À l’inverse de la maison précédente, la maison S4 a une durée de vie suffisante pour connaître plusieurs réaménagements (fig. 28, nos2 à 4). Néanmoins son plan n’est pas restituable car la maison est en grande partie hors de l’emprise de la fouille, ce qui est d’autant plus regrettable qu’il est plus complexe que celui des maisons voisines (l’espace intérieur, plus vaste, est divisé en deux lors d’un réaménagement) et qu’il s’accompagne d’une technique de construction plus soignée (sol installé sur un radier de tessons de céramique) (fig. 29).

FIG. 29 ‒ Saint Paul : maison S4 de la phase 1. Vue vers l’ouest.
cl. CDAL
Chantier Saint Joseph, maisons S5 et S6
97Deux parois parallèles et d’orientation cohérente avec les maisons du chantier Saint Paul ont été observées dans le sondage TB (cf. supra fig. 18). Leur espacement, d’environ 6 m (les parois ne sont pas positionnées avec précision sur les minutes de fouille), et la présence de nombreux trous de poteaux et d’un foyer dans l’intervalle, indiquent que l’on a sûrement affaire aux murs d’une maison (S5) de même module que celles qui viennent d’être décrites.
98Une autre maison (S6), située plus au nord (sondage TD), est signalée par deux tronçons de parois de même orientation s’interrompant par un trou de poteau (porte ?) et des sols de terre battue superposés.
99L’absence de paroi perpendiculaire peut s’expliquer par des perturbations ou par une mauvaise observation des structures dans la zone de contact des sondages TB et TD.
Chantier Saint Paul bâtiment S7
100Ce bâtiment, accolé à une rigole qui signale une limite d’enclos domestique, est sans doute une dépendance de la maison S1 (fig. 30). Il a été installé à un stade intermédiaire de la phase 1 (horizon 2 ou 3). Plusieurs de ses poteaux sont en effet percés dans le remplissage de fosses plus anciennes (SP 40 et 15218, ainsi que SP 24 et 25 pour le fossé adjacent ; horizon 1). Son emprise est quadrangtilaire. Il est long d’environ 4 m et plus large à l’ouest (3 m) qu’à l’est (2 m). Sa superficie (12,5 m2) est donc nettement moindre que celle des habitations contemporaines. Deux autres différences tiennent à son mode de construction, sur poteaux porteurs, et à l’absence d’aménagement interne discernable (sol de terre battue ou foyer). Le bâtiment possède une nef unique délimitée par deux rangées de cinq poteaux disposés symétriquement.

FIG. 30 ‒ Saint Paul : bâtiment S7 de la phase 1 (horizons 2 3).
En gris foncé poteaux appartenant à un état cohérent du bâtiment ;
en pointillé clair poteaux appartenant peut être au même état du bâtiment ;
en blanc poteaux appartenant probablement à d’autres états du bâtiments ;
en gris clair tranchée de palissade SP 15197.
CDAL del.
101Côté sud, les poteaux, très bien alignés, sont espacés d’un mètre. Au nord, l’alignement et l’espacement sont plus irréguliers. Le côté ouest est fermé par trois poteaux formant une abside ; le côté opposé semble en revanche ouvert. D’autres poteaux et piquets de plus faible module montrent que le bâtiment a été plusieurs fois réparé et renforcé. Les poteaux principaux sont calés dans des trous de diamètre assez régulier (entre 30 et 50 cm) et assez peu profonds (25 à 50 cm) (fig. 32).
102Il est donc possible de restituer un bâtiment modeste à toiture en bâtière. Il peut s’agir d’un appentis ouvert à l’est, du côté des maisons, et fermé par un mur au tracé légèrement arrondi du côté opposé, ou encore d’un grenier. La seconde hypothèse, le grenier, semble favorisée par le soin apporté à la construction de l’ossature du bâtiment, nettement plus solide que celle des maisons, et à l’absence de fosses à usage possible de silo à proximité.
Matériaux et techniques de construction
103Les bâtiments identifiables à des habitations présentent un mode de construction très homogène. Son trait le plus caractéristique est la paroi porteuse assise dans une rigole de fondation peu profonde (fig. 31). L’élévation peut être consolidée par des poteaux placés dans l’alignement des parois, à leur contact ou dans l’espace intérieur, mais l’irrégularité de leur localisation empêche de penser qu’ils ont pu constituer une ossature cohérente mise en place lors de la construction (soutiens axiaux de la faîtière ou angles d’une armature rectangulaire de maison à trois nefs). La concentration des calages les plus profonds dans la partie ouest des maisons (fig. 32) suggère aussi qu’ils étaient installés au gré des nécessités, et de fait surtout dans la partie la plus vulnérable aux intempéries et exposée au vent dominant.

FIG. 31 ‒ Saint Paul : coupes des trous de poteau et des creusements de paroi à l’emplacement des bâtiments S1, S2, S3 et S4. En noir coupe des creusements de paroi ; en hachures coupe des trous de poteaux liés aux parois. Les traits horizontaux situent l’altitude NGF 278,30 m.
CDAL del.

FIG. 32 ‒ Saint Paul : coupes des trous de poteau de la phase 1 dans la partie orientale du chantier. Les traits horizontaux situent l’altitude NGF 278,30 m.
CDAL del.
104Le rôle porteur de la paroi est encore confirmé par l’absence fréquente de poteaux d’angles ou, mieux encore, par le tracé arrondi que présentent parfois les angles de parois.
105Une trentaine d’empreintes de parois ont été retrouvées sur le chantier Saint Paul, qui appartiennent surtout à la phase 1, mais aussi à la phase 3 (cf. infra). Ces empreintes ont un profil en U d’une largeur de 10 à 30 cm (la norme se trouvant entre 15 et 20 cm) et d’une profondeur variant de 2 à 33 cm (la norme se situant entre 10 et 20 cm). L’irrégularité de leur profil longitudinal, leur étroitesse et leur tracé parfois arrondi excluent la possibilité d’une sablière basse. La restitution de parois en clayonnage directement ancrées dans le sol paraît la seule solution plausible. Sa vraisemblance est encore renforcée par la fréquence des fragments de torchis cuits montrant des traces de lacis de bois parmi les rejets domestiques et par la découverte d’un pan de clayonnage effondré et carbonisé en place à l’est de la maison S1, qui a permis de noter que les branches du lacis étaient de faible diamètre (environ 1 cm) et espacées d’environ 4 cm (fig. 33). Plusieurs tronçons de clayonnage (un de la phase 1 et un de la phase 3) ont même été observés en place dans leur rigole de fondation, matérialisés par une étroite trace d’argile crue.

FIG. 33 ‒ Saint Paul : paroi de clayonnage effondrée (phase 1). Elle se signale par des baguettes de bois carbonisé régulièrement espacées.
cl. CDAL
Essai de restitution
106L’absence d’ossature cohérente constituée de poteaux porteurs invite à restituer des bâtiments construits intégralement sur le principe de la paroi porteuse (fig. 34). Ce choix est compatible avec les dimensions modestes des habitations : aucune portée n’excède 5 m.

FIG. 34 ‒ Essai de restitution d’une maison de la phase 1.
O.B./CDAL del.
107On doit alors supposer une charpente légère, dont les voliges sont directement posées sur une sablière haute posée au sommet des parois en clayonnage. Le tracé arrondi des angles de certaines maisons suppose aussi une toiture en pavillon, qui ne pouvait qu’accroître le contreventement de la charpente.
108L’accolement des bâtiments favorisait certainement leur tenue au vent mais pose le problème de l’évacuation des eaux de ruissellement des toitures qui tombait dans l’espace intermédiaire, parfois réduit à moins de 1 m. Il faut reconnaître qu’aucune explication convaincante ne peut être fournie, puisque l’on n’a jamais observé de drains. Seule une rigole assez informe, entre les maisons S1 et S2, pouvait assurer cette fonction de drainage. Le problème était néanmoins atténué par la perméabilité du sous sol sableux.
109Les portes n’ont pas de position privilégiée. Elles peuvent s’ouvrir sur tous les côtés de la maison, dans l’axe des murs ou à leur extrémité. Leur ouverture est assez large, entre 1 et 2 m, et leur chambranle généralement constitué de puissants poteaux plantés.
110Ces bâtiments étaient finalement de construction médiocre, ce que montre bien la densité des poteaux et piquets de renfort de toutes tailles retrouvés à leur emplacement. Un des points les plus critiques était sans doute la tenue mécanique des parois en clayonnage directement ancrées dans le sol. Il n’est donc pas surprenant de constater que la reconstruction des bâtiments était fréquente. Les trois ou quatre états de la maison S2 couvrent ainsi une durée qui n’excède probablement pas un siècle. Les reconstructions sont donc effectuées au moins une fois par génération. Les poteaux repérés en grand nombre dans l’espace des maisons suggèrent aussi que les maisons étaient régulièrement « rafistolées »dans l’intervalle.
Phase 3
111Aucun bâtiment complet à usage certain d’habitation n’a été retrouvé. Les vestiges de constructions observés, toujours lacunaires, donnent une impression de disparité et ne permettent pas de reconstituer un plan type comme cela a pu être le cas pour la phase 1.
112Ainsi, que penser des cellules accolées à la grande palissade est ouest du chantier Saint Paul, de dimensions très réduites (2,5 à 3,5 m sur 3,5 m) et pourtant dotées chacune d’un foyer (cf. supra fig. 21) ?
113Un bâtiment à nef unique sur poteaux porteurs (S11) semble également restituable. Les poteaux, d’un diamètre de 15 à 20 cm et calés par des tessons d’amphore et de tegulœ, sont distants de 2,4 m en moyenne et couplés deux à deux de part et d’autre de la nef, au moins pour les plus importants. Ses dimensions beaucoup plus vastes (4 x 8,5 m environ) et son ossature de puissants poteaux plantés suggèrent une fonction différente. Malheureusement son espace intérieur a été en presque totalité perturbé par des fosses postérieures. Son association vraisemblable avec la fosse centrale SP 29 peut néanmoins indiquer une fonction artisanale.
114L’autre bâtiment localisable, sinon précisément restituable, est S10, d’une largeur de 4 m et de longueur inconnue (fig. 35). Il présente une technique de construction originale sur le site caractérisée par des poteaux régulièrement espacés et reliés par une rigole régulière, large et peu profonde. Il peut s’agir d’une construction à pans de bois, avec sablière basse percée par des poteaux porteurs. Sa fonction demeure également indéterminée, ses aménagements internes ayant disparu.

FIG. 35 ‒ Saint Paul : bâtiment S10 de la phase 3. La paroi est rythmée par des calages de poteau. Vue vers le sud est.
cl. CDAL
115La même variété règne dans les modes de construction. Les constructions sur parois porteuses en clayonnage sont encore nombreuses, au moins pendant la période initiale de la phase. Elles semblent ensuite remplacées par des parois signalées seulement par des alignements de gros tessons d’amphores (fig. 36), mais il est impossible de déterminer si ceux ci faisaient office de solins, supportant une sablière basse ou une paroi en brique crue, ou de simple drainage installé au pied d’un mur. Dans ce dernier cas, l’absence de trace conservée de la paroi impliquerait tout de même un mode de construction sur sablière basse.

FIG. 36 ‒ Saint Paul : alignement de tessons d’amphores marquant l’emplacement d’une paroi de bâtiment (phase 3). Vue vers l’ouest.
cl. CDAL
116Les matériaux privilégiés de la phase 3 demeurent encore la terre et le bois. Néanmoins, plusieurs nouveautés apparaissent –dans l’ordre : tuiles puis mortier de chaux– qui témoignent de la percée des techniques de construction romaine, d’abord signalées en contexte détritique. Les plus anciens vestiges de construction en place de type méditerranéen, utilisant la pierre et le mortier, repérés jusqu’à ce jour sur le site ne sauraient en effet être antérieurs à la fin de l’horizon 6.
117La tuile est donc le premier matériau de tradition italique qui apparaît à Roanne, d’abord en petites quantités dans le comblement de fosses datées de l’horizon 5 (par exemple SP 44), puis plus abondamment pendant l’horizon suivant. Le dallage du cellier SP 23 est ainsi constitué de tegula retournées, de module inhabituellement élevé (36 x 54 cm, alors que les valeurs habituelles sont de 15 % plus faibles) qui dénote peut être leur utilisation première dans un édifice public. Son usage ne peut néanmoins être considéré comme systématique dès ce moment là. Il s’accorde mal en tout cas avec les vestiges de construction repérés, qui paraissent tous appartenir à des constructions précaires.
118Les plus anciens résidus de mortier de chaux (joints de maçonnerie, fragments d’enduits et de sols à inclusion de tuileaux) ont été recueillis dans des fosses datées de la fin de l’horizon 6 (SP 15098, SP 30, SP 22 et SP 23). À cette époque, son emploi demeure sans doute encore restreint.
Synthèse
119Le module d’environ 25 à 30 m2 observé à Roanne pour les habitations de la phase 1 correspond à la norme des observations pour la fin de l’âge du Fer. En Languedoc, la surface de l’habitation augmente régulièrement au cours de l’âge du Fer pour se stabiliser à une moyenne de 26 -28 m2 entre 250 et 200 av. J. C. (Habitats et structures... 1989). Les comparaisons précises avec les régions tempérées sont plus difficiles à établir, vu la disparité des solutions techniques (possibilité d’étage, de cellules contiguës…) et surtout l’indigence de la documentation. À Pluguffan Keriner (Finistère) (Menez 1988), la maison, au sol parfaitement conservé, a une emprise d’environ 4 x 5 m, qui correspond semble t il à la surface moyenne des maisons de l’âge du Fer en Armorique (23 m2) (Menez et al. 1990). De petites habitations semblent également exister à Alésia, l’une d’elles avec une superficie de 4 x 6 m (Jannet Vallat et al. 1990). Une maison de Budapest Gellérthegy (Hongrie) mesure 4,5 x 6,5 m (Audouze, Buchsenschutz 1989 : 154). Au Titelberg, celles dégagées paraissent nettement plus vastes (jusqu’à 7,5 x 12,5 m d’après le plan publié par Metzler 1984 : 76).
120Il est en revanche difficile de trouver un parallèle exact à la technique de construction mise en évidence à Roanne pour les maisons de la phase 1. Cela est dû d’abord à la ténuité des vestiges que cette technique (parois porteuses en clayonnage) est susceptible de laisser. Sur de nombreux sites, comme Villeneuve Saint Germain, Condé sur Suippe, le Titelberg, Budapest Gellérthegy ou Pluguffan Keriner, ont été mis en évidence des bâtiments délimités par une rigole périphérique qui implique des murs de clayonnage directement ancrés dans le sol, mais, à la différence de Roanne, des poteaux porteurs intégrés à la paroi ou situés dans l’espace intérieur ont été systématiquement repérés. Des parois caractérisées par une juxtaposition de poteaux verticaux de faible diamètre, observées à Villeneuve Saint Germain, pourraient cependant s’apparenter à celles de Roanne. Le rôle de support principal, ou au moins partiel, de la toiture dévolu aux parois est par ailleurs bien mis en évidence par l’existence d’angles non renforcés et parfois arrondis, comme à Budapest Gellérthegy et Verberie (Oise) (Blanchet et al. 1983), qui supposent en outre une toiture en pavillon. La paroi de plan courbe est également utilisée pour la réfection d’un bâtiment du Braden II à Quimper (Menez et al. 1990 : fig. 3, no 2).
121Ce mode de construction sur paroi directement ancrée dans le sol peut être considéré comme archaïque à cause des remontées d’humidité dans les parois qu’il provoque et qui réduisent la durée de vie des bâtiments. L’évolution de la technique de construction sur parois porteuses est cependant difficile à retracer tant les témoignages archéologiques sont peu nombreux (Audouze, Buchsenschutz 1989 : 75). On sait du moins qu’il coexiste à l’âge du Fer avec la technique beaucoup plus évoluée –et encore plus difficile à repérer en fouille– du pan de bois, attestée par exemple dès la fin du iie s. av. J. C. à Besançon (Guilhot et al. 1992). Cette amélioration, très répandue dans l’architecture domestique gallo romaine, n’apparaît vraisemblablement à Roanne qu’à la phase 3. Parallèlement, l’assemblage par des clous devient très fréquent, comme le montre clairement l’évolution de leur fréquence parmi les rejets domestiques (cf. infra fig. 60).
122C’est durant cette même phase 3 que le mortier de chaux et les tuiles de couverture en terre cuite apparaissent à Roanne. Cette introduction de nouvelles techniques de construction se produit sans doute de façon simultanée sur divers sites de Gaule interne, comme Besançon ou le Mont Beuvray. On peut supposer qu’elle s’est faite par le relais de Vienne et Lyon, dont les premiers vestiges d’urbanisme datent de la même époque (Desbat et al. 1989 ; Desbat 1990).
2.3.2 Les aménagements intérieurs
123L’espace interne des habitations s’organisait autour de diverses fonctions (chauffage, cuisine, stockage, travail et repos) dont une partie seulement a laissé des vestiges tangibles. L’absence quasi totale d’indices d’une quelconque activité artisanale sur le secteur fouillé –sinon le tissage– laisse penser que les constructions dégagées répondent essentiellement aux fonctions de l’habitation, tandis que les aménagements situés à leur périphérie pouvaient assurer aussi une partie des autres fonctions liées aux activités domestiques, en particulier le stockage de la nourriture.
Sols
124Les sols intérieurs sont toujours en terre battue, très réguliers et, dans un cas, assainis par un radier d’amphore et de céramique (maison S4). Ils sont fréquemment rechargés, mais leur exhaussement au cours de la durée de vie d’une habitation ne dépasse jamais 15 cm. Pour certaines (S1 et S2), le sol de terre battue déborde à l’extérieur, ce qui suggère qu’il pouvait être régularisé à la faveur d’une reconstruction, avant la réédification des parois.
125Dans la maison S1, une dizaine de trous de piquets, distants de 0,80 m de la paroi sud, laissent suggérer la présence d’une banquette de bois.
126Pendant la phase 3, on semble apporter plus de soin à la préparation des sols, puisque leur radier est presque toujours constitué de gravier pur ou d’un lit de tessons d’amphores.
Foyers, fours et accessoires de cuisson
127Les foyers sont nombreux sur les différents chantiers (environ trente ont été dénombrés). Une faible partie seulement a pu être mise en relation avec des vestiges cohérents de bâtiments. De plus, une analyse attentive des fragments d’argile cuite provenant de contextes détritiques a montré que les foyers installés à même le sol étaient loin de constituer le seul mode domestique de chauffage et de cuisson en usage sur le site à la fin de la période gauloise. Une fois de plus, l’essentiel de la documentation provient des couches d’occupation de la phase 1.
Foyers non construits
128Un premier type correspond à de grands foyers situés à ciel ouvert à proximité des habitations. Trois ont été repérés sur le chantier Saint Paul, liés aux maisons S1, S2 et S4. D’autres encore ont vraisemblablement été fouillés sur le chantier Gilbertès. Le mieux conservé (fig. 37, no 1) se présente sous la forme d’une grande fosse circulaire et peu profonde (diamètre : 2,7 m ; profondeur : 0,6 à 0,7 m) avec un remplissage lenticulaire constitué d’une alternance de couches de rejets domestiques et de couches rubéfiées par chauffage, les autres se signalent plus simplement par de larges tâches rubéfiées à même le sol.

FIG. 37 ‒ Types de structures de combustion représentés sur le site. 1 foyer extérieur non construit (SP 42, phase 1, horizon 1) ; 2 foyer contruit à même le sol sur un radier de tessons d’amphores (SP 14088, posé au sommet d’une fosse plus ancienne préalablement nivelée, phase 3) ; 3 foyer construit sur un radier de cailloutis ou de tessons et aménagé au sommet d’une fosse (SP 2, phase 3) ; 4 plaque de foyer mobile (SP 15265, phase 1, horizons 1 2) ; 5 four, a sole arasée (SP 12129, phase 1, horizon 2 ou 3), b coupole reconstituée à partir de fragments déplacés (G5 15, phase 1 ?).
CDAL del.
Foyers construits
129Les foyers constitués d’une chape d’argile soigneusement construite sont certainement les plus fréquents) mais ils sont la plupart du temps médiocrement conservés. Ils paraissent toujours installés à l’intérieur des habitations. Quatre emplacements ont été repérés sur le chantier Saint Paul dans les couches d’occupation de la phase 1 et huit dans les couches de la phase 3.
130Une surface d’environ 1 m2 semble être la norme pour les habitations de la phase 1. Dans deux cas au moins, la chape d’argile est parfaitement rectangulaire : foyer de la maison S2 (0,8 x 1,2 m) et foyer SP 14083 14088 (phase 3) au sommet de la fosse SP 6 (0,55 x 0,55 m) (fig. 37, no 2 et fig. 38). Leur surface paraît toujours parfaitement lissée et apparemment dépourvue de rebord.

FIG. 38 ‒ Saint Paul : radier du foyer SP 14088 après enlèvement de la chape d’argile (phase 3).
cl. CDAL
131La chape d’argile est aménagée soit directement sur le sol, creusé, ou non, en une légère cuvette, soit au sommet d’une fosse peut être aménagée à cet effet (dans trois cas, qui appartiennent tous à la phase 3 : fosses SP 2, 3 et 39 ; fig. 37, no 3). Elle repose toujours sur un radier composé de cailloutis mêlé de nodules d’argile rubéfiée ou, ultérieurement (horizon 3 et suivants), de tessons d’amphore (fig. 37, no 2). La chape d’argile a presque toujours été réparée et rechargée à plusieurs reprises. Dans les maisons de la phase 1, ces réfections semblent effectuées au même rythme que la reconstruction des bâtiments et s’accompagnent du raclage systématique de la vieille chape d’argile, afin de ne conserver que son radier, qui est surélevé.
132Les foyers constitués d’une chape d’argile disparaissent progressivement à la fin de la phase 3 pour laisser la place à d’autres, plus simplement construits avec des tegula retournées. Le plus ancien foyer de ce type retrouvé sur le chantier Saint Paul est daté du début du ier s. ap. J. C.
Plaques de foyer mobiles
133On doit encore distinguer des plaques de terre cuite d’environ 3 4 cm d’épaisseur, dont les fragments sont nombreux parmi les rejets domestiques tout au long de l’occupation gauloise du site (fig. 37 no 4). Elles se distinguent des précédentes par la meilleure cohésion de leur matériau, par une surface de pose régulière portant l’empreinte de cailloutis ou de paille, qui exclut leur installation fixe sur un radier, et surtout par leur finition soignée, qui comprend le façonnage d’un rebord plus ou moins marqué (fig. 40, nos 1 5), parfois décoré d’impressions digitées (un cas, daté de l’horizon 3 ; fig. 40, no 1). La forme rectangulaire est la règle générale. Des fragments rejetés à proximité de la maison S 2 permettent de reconstituer une plaque de dimensions minimales de 50 x 47 cm (fig. 37, no 4). Un seul exemplaire est circulaire, d’un diamètre restitué d’environ 35 40 cm (fig. 40, no 5). Il s’agit donc d’ustensiles relativement mobiles, de taille certainement plus réduite que les foyers fixes.
134Ces plaques à rebord sont encore représentées par quelques fragments dans les fosses de la phase 3 mais elles semblent alors beaucoup moins nombreuses que les foyers fixes.
Fours
135Des vestiges complémentaires correspondant pour l’un à une sole arasée conservée in situ (fig. 37, no 5a, fig. 39) et pour l’autre à des fragments de coupole (fig. 37, no 5b) permettent de reconstituer un four de taille modeste, de forme trapézoïdale (45 x 32 cm) ou circulaire (diamètre de 45 cm). Le combustible y était enfourné par une petite ouverture latérale (largeur de 20 cm). La coupole, en forme de cloche très surbaissée (hauteur totale : environ 22 cm), possédait une large ouverture sommitale délimitée par un gros tore d’argile. Ces fours, fixes, étaient construits et cuits sur le lieu de leur utilisation. La paroi interne est soigneusement lissée, tandis que l’aspect irrégulier de la paroi externe montre que le four était en grande partie enterré.

FIG. 39 ‒ Saint Paul : sole de four culinaire de la phase 1.
cl. CDAL
136Divers fragments montrent que d’autres types de structures de cuisson et de chauffage étaient en usage sur le site, mais ne permettent pas leur restitution. On doit d’abord signaler plusieurs fragments d’une sole épaisse de 3 à 4 cm et dotée de perforations de même module (fig. 40, no 6), partie, soit d’un four complexe, soit d’une grille de torréfaction. Un autre fragment provient du comblement d’une fosse dont les parois étaient rubéfiées (SJ 12011) (fig. 40, no 7). Il s’agit d’une plaque d’argile épaisse de 6 cm, lissée sur sa face supérieure et dotée d’une cheminée haute de 11 cm et d’un diamètre interne de 16 cm. Ce fragment appartient à un four élaboré, peut être identique à un type mis en évidence à Martigues (Audouze 1989 : 332, fig. 5, no 2).

FIG. 40 ‒ Accessoires en terre cuite pour la cuisson et le chauffage. 1-4 rebords de plaques de foyer mobiles rectangulaires ; 5 plaque de foyer circulaire ; 6 sole perforée ; 7 couvercle muni d’une cheminée. (1 SP 13288, horizon 3 ; 2 G5 6, horizons 6 -7 ; 3 SP 15184, horizons 1 -2 ? ; 4 SJ 12010, horizons 1 -2 ; 5 SP 16149, horizon 2 ; 6 SP 15224, horizons 1 -2 ; 7 SJ 12011, horizons 1 -3).
CDAL del.
Chenets
137Les chenets sont des ustensiles mobiles de cuisson en argile cuite qui étaient sûrement associés aux foyers construits. Les fragments identifiables sont peu nombreux, et sortent probablement en bonne partie du cadre chronologique de cet ouvrage. Le site de Roanne a livré seulement quatre extrémités de chenets identifiables, dont une seule est datée (fig. 42, no 2), des horizons 4 5 (mais plusieurs fragments de base sont également identifiables dans les couches d’occupation gauloises). Nous y avons ajouté, à titre de comparaison, un très bel exemplaire trouvé à moins de 3 km de Roanne au xixe s., sur le site d’époque romaine de Mably/Bonvert et publié anciennement par Déchelette (1898 : fig. 3) (fig. 41, no 1).

FIG. 41 ‒ Chenets en terre cuite (éch. 1/3). 1 Mably/Bonvert (Loire), époque romaine (musée Déchelette, inv. 420) ; 2 SJ 99999 (non daté).
A.U. del.
138Deux types très différents peuvent être distingués. Le premier (fig. 41, nos 1 2 et vraisemblablement fig. 42, no 1) correspond à des landiers élevés munis de deux protomes de béliers perpendiculaires à l’axe de l’objet, ménageant une partie centrale concave sur laquelle on pouvait facilement déposer l’extrémité de broches à rôtir (cette utilisation est d’ailleurs attestée par une usure marquée sur l’un des exemplaires). Ils sont pourvus d’un décor couvrant d’estampages ou d’incisions, tandis que la tête de l’animal est sobrement stylisée. Ils devaient être utilisés par paire et répondaient au même usage que les landiers en fer connus dans plusieurs tombes aristocratiques de la même époque. Ils appartiennent à un type original2 qui n’a pas encore été individualisé mais qui se distingue nettement à la fois des chenets gallo romains à gaine haute, toujours à protome unique (et souvent percés de trous destinés à recevoir des broches) et des chenets gallo romains dotés de deux protomes, seulement connus par des exemplaires bas miniatures (Milan 1981).

FIG. 42 ‒ Chenets en terre cuite (suite) (éch. 1/3). 1 SP 10016 (non daté) ; 2 SJ 12006 (horizons 4 -5) ; 3 G2 10 (non daté).
CDAL del.
139Le deuxième type est un chenet bas comportant un protome de bélier situé dans le prolongement de l’objet (fig. 42, no 3), qui se rapproche du seul modèle bien représenté dans les régions méridionales au second âge du Fer (Py 1990a : 794 796). Les exemplaires de comparaison montrent que l’autre extrémité de l’objet complet ne se termine pas par une tête symétrique. Celui de Roanne présente une stylisation très sommaire et très différente du premier type, utilisant des formes géométriques anguleuses. Il est de plus doté d’un décor couvrant de digitations.
140Un dernier protome de bélier (fig. 42, no 2), trop incomplet pour être rattaché à un type, présente une tête massive mais malheureusement très érodée, qui se distingue par un décor plastique nettement plus élaboré : yeux en cupule, mèches soigneusement dessinées sur le front.
141La variété des structures de combustion utilisées pendant l’âge du Fer a depuis longtemps été remarquée (Audouze 1989), en particulier dans le midi de la France, et a fait l’objet de synthèses récentes (cf. en particulier Arcelin 1981a : 126 129 ; Garcia, Rancoule 1989 ; Chausserie Laprée, Nin 1990). Elle semble en revanche assez nouvelle pour un site de Gaule tempérée.
142De fait, on trouve à Roanne le catalogue complet des ustensiles répertoriés dans le Midi. Ce sont d’abord les foyers plats d’usage polyvalent et normalement situés dans la pièce d’habitation, construits sur un radier réfractaire et sans doute utilisés avec des chenets ou des landiers.
143Les fours culinaires en cloche ouverts à leur sommet constituent un type d’aménagement domestique qui traverse toute la protohistoire de l’Europe tempérée. Néanmoins, aucune série régionale cohérente n’est connue pour le second âge du Fer en dehors de la région Languedoc Roussillon (Py 1992) et de la Provence. Ils correspondent strictement aux fours à galettes encore utilisés en Afrique du Nord, alimentés avec des braises au moyen d’un orifice situé à la base qui favorise en même temps le tirage.
144Les soles perforées semblent attribuables soit à des fours domestiques complexes, du type de Martigues ou de Sévrier, soit à des grilles utilisées pour la torréfaction des céréales (Garcia, Orliac 1990 : 23 24). En témoignent leur fragilité et le mode de construction résolument différent de celui des fours de la même période à destination sûrement artisanale. Le fragment de plaque dotée d’une cheminée a aussi probablement appartenu à un four complexe. Leur présence avait déjà été supposée à Feurs au vu de quelques fragments d’argile cuite caractéristiques (Guichard 1988b : 151).
145Les plaques mobiles munies d’un rebord qui facilite leur manipulation et retient les braises doivent recevoir la dénomination de braseros ou de potagers, suivant que l’on privilégie leur fonction de chauffage ou de préparation culinaire. Elles ne semblent pas avoir d’équivalent exact dans le Midi. On peut imaginer que les plus grandes, difficilement manipulables en raison de leur fragilité, étaient installées dans un châssis en bois qui facilitait leur transport, ainsi que nous l’enseignent des usages récents (cf. des exemples pris en Corse, qui incluent même des châssis à roulettes pour les plaques les plus lourdes, dans Reyniès 1987 : no 2963 2964). Ces plaques de foyer à rebord semblent, en l’état actuel de la documentation, propres à la Gaule cen trale. Elles sont signalées à Levroux (Audouzc, Buchsenschutz 1989 : 138) et Clermont Ferrand Aulnat (Périchon, Vichy 1967, qui n’envisagent pas qu’elles puissent être mobiles). Elles sont en revanche presque absentes à Feurs (Guichard 1988b : 151) mais fréquentes sur le site proche de Goincet, dont l’occupation culmine à La Tène D2 (documentation inédite).
146L’usage de chaque élément de cette panoplie peut être finalement assez bien reconstitué. La plupart n’utilisaient sans doute que des braises. C’est au moins le cas des braseros et des fours, c’est peut-être celui des foyers construits disposés à l’intérieur des habitations, dont la vulnérabilité à l’incendie s’accommodait mal de feux à flamme vive. On peut alors imaginer que les grands foyers lenticulaires situés à proximité des habitations servaient surtout à préparer les braises qui étaient ensuite parcimonieusement transportées sur leur lieu d’utilisation, ou encore à la préparation de galets pour le chauffage des liquides, dont on trouve de nombreux exemplaires thermofractés dans les couches d’occupation protohistoriques de Roanne. Ceci n’exclut pas d’autres fonctions incompatibles avec les foyers domestiques, comme le grillage du cuir des porcs préparatoire à leur dépeçage, qui a été mis en évidence par Patrice Méniel (cf. infra § 3 5.6).
Conservation des denrées alimentaires
147Le stockage de la nourriture n’est pas reconnu à l’intérieur des habitations, sinon par une amphore plantée dans un angle de la maison S2, où elle pouvait servir de réserve d’eau. Le stockage alimentaire devait donc se faire hors du strict espace de la maison, différant en cela d’autres exemples contemporains (les oppida du Titelberg et de Besançon), où chaque habitation abrite un cellier (Guilhot et al. 1992).
148Mentionnons aussi deux vases ovoïdes de faible contenance plantés dans le sol et environnés de trous de piquets, dont la destination n’est pas évidente. Le premier se situe au nord de la maison S2, et le second probablement dans la même position par rapport à la maison S3.
Sépultures dans l’espace domestique
149Sans se rapporter à l’organisation de l’espace domestique, la présence de sépultures d’enfants d’âge périnatal à proximité des habitations, voire le plus souvent dans l’habitation elle-même, doit encore être signalée dans ce chapitre. Ces sépultures à inhumation sont toujours très peu enfouies et dépourvues de tout aménagement. La maison S1 en a livré une (dans sa partie orientale) et la maison S2, deux autres (le long des parois) ainsi que des ossements assez nombreux appartenant à d’autres ensembles bouleversés ou non discernés à la fouille. D’autres sépultures d’enfants en très bas âge et une inhumation d’un bébé un peu plus âgé enterré sous deux tuiles en bâtière, retrouvées sur le chantier Saint Paul, montrent que cette pratique se prolonge à l’époque romaine.
150L’inhumation de très jeunes enfants sur le lieu même de l’habitat est une pratique fréquente dans les sociétés traditionnelles. Une enquête récente a montré qu’elle était commune pendant l’âge du Fer dans le midi de la France, où les tombes sont, comme à Roanne, presque toujours dépourvues d’aménagement et situées dans l’espace domestique (Fabre 1990 ; Dedet, Schwaller 1990 : 144 146). Les études anatomiques montrent qu’il s’agit d’enfants mort nés, ou morts peu de temps après la naissance, ce qui semble aussi être le cas à Roanne (où les analyses anthropologiques n’ont pas été effectuées). En Gaule tempérée, les mentions de sépultures d’enfants à l’intérieur des maisons, ou du moins sur des sites d’habitat, sont encore peu nombreuses. Il est néanmoins probable que le cas roannais ne soit pas une figure d’exception. Des données concordantes sont en effet issues du site de Clermont Ferrand Aulnat, où l’analyse montre que l’on a affaire strictement au même type de restes que dans le Midi (Loison et al. 1991 : 99).
2.3.3 Les aménagements annexes
151Cette rubrique comprend les fosses et les vestiges de clôtures (palissades, fossés). Les structures en creux dotées d’un aménagement particulier qui permet d’identifier à coup sûr leur fonction (puits, cellier) sont étudiées en premier lieu.
Structures en creux aménagées
Puits
152Le seul puits à eau (SP 11) a été retrouvé en arrière de la maison S2 (cf. supra fig. 12). Il a été comblé pendant le dernier stade de la phase 1 (horizon 3), mais la date de sa mise en fonctionnement n’a pas été déterminée car la base de son remplissage n’a pu être atteinte. Il est de plan carré, de côté long de 1,1 m, orienté de la même façon que les autres structures de la phase 1 et profond de plus de 9 m (NGF 271 m), alors que la nappe phréatique a été atteinte à la fouille à l’altitude de 272,5 m. La rectitude de ses parois et de leurs angles, malgré la faible cohésion du terrain encaissant (sable et gravier fin peu ou pas concrétionné), montre qu’il était doté d’un coffrage en bois. La fouille a été arrêtée par un gros bloc de pierre qui n’a pu être évacué. La base de la partie fouillée consistait, sur une hauteur de 3 m, en une couche de gravier presque dépourvue de mobilier provenant de l’effondrement des parois. La partie supérieure était comblée de terre riche en matière organique et en déchets domestiques, avec une forte proportion de tessons d’amphores (2 500 tessons d’amphore, soit 67 % du nombre total de tessons). Un large cône d’effondrement couronnait le tout, nivelé seulement à la fin du ier s. av. J. C.
Cellier
153La désignation de « cellier » (Buchsenschutz 1984 : 190 192 a caractérisé ce type de structure, le désignant par le terme « cave » ; Guilhot et al. 1992 : 258 et note 22) convient certainement à une vaste fosse rectangulaire (SP 23 ; 2,7 x 2,2 m) et profonde (1,0 m) dont le comblement a été effectué au cours de l’horizon 6 (fig. 43 et 44). Ses parois étaient renforcées par un coffrage de planches qui étaient maintenues en place par quatre poteaux d’angle plantés d’un diamètre de 15 à 20 cm. Le sol était pavé avec des tegulœ retournées, dont la plupart demeuraient en place. Le comblement n’a livré aucun indice qui permette de restituer son élévation. Le mobilier, peu abondant et assez fragmenté, révèle sans doute des rejets secondaires précipités dans la fosse en un temps assez bref. L’accès ne pouvait se faire que par une échelle. Ce cellier est par ailleurs encadré sur deux faces par une rigole étroite, qui dénote soit l’emplacement de la paroi d’un bâtiment dans lequel il prenait place, soit un drain pour l’évacuation de l’eau de ruissellement de sa toiture, vers la fosse SP 22 de même datation (fig. 20).

FIG. 43 ‒ Saint Paul : cellier SP 23 de la phase 3.
cl. CDAL

FIG. 44 ‒ Saint Paul : cellier SP 23 (phase 3, horizon 6). Plan et coupe. 1 terre gravillonneuse brune contenant beaucoup d’inclusions (tuiles, pierres) ; 2 terre grise gravillonneuse grise ; 3 terre gravillonneuse avec inclusions d’argile verdâtre et de sable.
CDAL del.
Fossés et creusements linéaires
154Les creusements linéaires, qui peuvent correspondre à des fossés ou à des tracés de palissades d’enclos, sont peu nombreux. Le principal a été repéré sur le chantier Saint Paul (SP 15197). Installé à un stade intermédiaire de la phase 1, il paraît délimiter un enclos prenant appui sur la paroi sud de la maison S1 (fig. 12). Sa longueur est d’au moins 13 m. Un retour vers le nord est renforcé à l’extrémité ouest par un poteau planté. Sa largeur est de 0,7 m ; son profil en paliers révèle un surcreusement au centre. Des calages sont signalés par de gros tessons d’amphores.
155D’autres aménagements ont été dégagés en avant de la maison S2, mais ils sont trop lacunaires pour pouvoir être interprétés précisément (drains ?) (fig. 14). L’axe est ouest qui traverse le chantier Saint Paul semble aussi correspondre dans son état initial (phase 3) à la tranchée de creusement d’une palissade renforcée par des poteaux (fig. 20).
156L’ensemble des chantiers étudiés n’a livré qu’un seul fossé ouvert antérieur au changement d’ère (horizon 5). Repéré sur 8 m de long sur le chantier Gilbertès (G1), il est orienté nord sud, de façon cohérente avec les structures de la phase 3 (cf supra, fig. 10). Il est possible qu’il ait été doté d’un retour vers l’ouest. De profil en U large de 1,5 m et profond de 1,4 m au maximum, son remplissage comprend une succession de couches organiques et sableuses.
Autres structures
157On doit enfin signaler un ensemble organisé de trois creusements contemporains (horizon 6), dont la destination est inconnue (fig. 45). Il s’agit d’un court tronçon de fossé (SP 30), de profil en U, surcreusé au centre (longueur : 4m ; largeur : 0,7 m ; profondeur : 0,7 m maximum) et terminé par deux fosses cylindriques à fond plat (SP 27 et 12110). La fosse SP 27 servait de réceptacle à un cuvelage cylindrique en bois (tonneau ?), d’un diamètre de 0,7 m et d’une hauteur d’au moins 0,5 m (fig. 46 et 47). Il reposait sur un radier de gros blocs de pierre et était maintenu vertical par un calage de pierres plus petites, de fragments de plaque de foyer et surtout de tessons appartenant à un grand vase de stockage, entièrement reconstituable. Le cuvelage s’est putréfié en place, ne demeurant discernable que par son empreinte et par de nombreux clous portant des traces ligneuses, Son comblement contenait encore un petit vase à puiser, intact.

FIG. 45 ‒ Saint Paul : fossé (SP 30) terminé par deux fosses (SP 27 et 12010) (phase 3, horizon 6). Plan et coupe.
CDAL del.

FIG. 46 ‒ Saint Paul : fosse aménagée SP 27 de la phase 3.
cl. CDAL

FIG. 47 ‒ Saint Paul : fosse aménagée de type 8 (SP 27). Plan et coupe.
CDAL del
Fosses
158Ont été considérés comme fosses les creusements d’un diamètre supérieur à 0,5 m et d’une profondeur supérieure à 0,3 m, afin d’éliminer d’emblée les très nombreux trous de poteaux et de piquets (environ 450 sur le chantier Saint Paul) et autres perturbations non identifiées (environ 150 sur le chantier Saint Paul) mis en évidence par la fouille.
159Tous les chantiers sont pris en compte, mais celui de Saint Paul fournit le plus gros effectif (42 fosses, contre 5 du chantier Saint Joseph et 3 du chantier Gilbertès) parce que les données disponibles pour les fouilles plus anciennes sont rarement suffisantes pour caractériser les structures. Sont éliminées de ce décompte les structures en creux déjà étudiées : puits SP 11, cellier SP 23, foyer en cuvette SP 42. Les autres fosses scellées par un foyer ont été conservées parce qu’il n’est pas certain qu’elles aient été creusées seulement en vue de cette utilisation finale.
160La répartition chronologique des fosses répercute l’inégale durée des phases d’occupation distinguées ainsi que les faiblesses documentaires déjà soulignées pour les phases récentes. La phase 1 est donc nettement mieux représentée (26 fosses) que la phase 2 (7 fosses) et la phase 3 (16 fosses).
161L’étude prend en compte la morphologie, la nature du remplissage, la richesse et la variété du mobilier.
Morphologie
162Le classement morphologique des fosses a été effectué en croisant les données relatives à leur plan, à leur profil et à leur profondeur. La forme de la fosse en plan peut être circulaire, ovale ou rectangulaire. Les parois peuvent être verticales (profil en U), évasées vers le haut (profil en cuvette) ou vers le bas (profil en cloche). Le fond peut être plat, en cuvette ou irrégulier et se raccorder aux parois par un angle vif ou un cavet. La profondeur relative de la fosse est estimée à partir du rapport de la profondeur sur le diamètre moyen. La fosse est dite très profonde lorsque ce rapport est supérieur à 0,7, profonde lorsqu’il est compris entre 0,7 et 0,35, peu profonde dans les autres cas. Le diagramme de répartition des profondeurs relatives (fig. 48) montre que la catégorie intermédiaire est de loin la plus fréquente. Les fosses très profondes ou au contraire très peu profondes ne forment pas réellement de groupe distinct.

FIG. 48 ‒ Diamètre (abscisses) et profondeur relative (ordonnées) des fosses antérieures au changement d’ère.
163Suivant ces principes, les fosses ont été classées suivant 13 types :
164● Type 1
Fosse très profonde, circulaire, profil en U anguleux : SP 12110 (fig. 49), SP 14372, SP 15326, G1 19, G1 4 ;
165● Type 2
Fosse très profonde, circulaire, profil en cloche : SP 6 (fig. 50) ;
166● Type 3
Fosse très profonde, ovale, profil en U : SJ 1010, SJ 7009 ;
167● Type 4
Fosse très profonde, rectangulaire, profil en U : SP 13065 (fig. 51), SP 44, SP 19, SP 22 ;
168● Type 5
Fosse profonde, circulaire, profil en U : SP 13228, SP 39, SP 31, SP 16, SP 16149, SP 40 (fig. 53), SP 22067, SP 33 (fig. 52), SP 15218, SP 24, SP 22081, SP 15353, SP 22010, SJ 4005, SJ 11013 ;
169● Type 6
Fosse profonde, circulaire, profil en cloche : SP 25 ;
170● Type 7
Fosse profonde, circulaire, profil en U à fond irrégulier : SP 17, SP 22079 ;
171● Type 8
Fosse profonde, circulaire, profil en U anguleux : SP 15096 (fig. 54), SP 27, SP 15098, SP 41 ;
172● Type 9
Fosse profonde, ovale, profil en U : SP 32, G1 10, SJ 3009 ; Type 10
173● Type 10
Fosse profonde, ovale, profil en U anguleux : SP 22097 ;
174● Type 11
Fosse profonde, rectangulaire, profil en U anguleux : SP 22106 ;
175● Type 12
Fosse peu profonde, circulaire, profil en U : SP 18, SP 50, SP 15130, SP 15144, SP 15157, SP 22066, SP 22079, SP 22089 ;
176● Type 13
Fosse peu profonde, ovale, profil en U : SP 29 (fig. 55), SP 22096, SP 15078, SP 22098.

FIG. 49 ‒ Saint Paul : plan et coupe de la fosse SP 12110 (type 1).
CDAL del.

FIG. 50 ‒ Saint Paul : plan et coupe de la fosse SP 6 (type 2, remplissage de type dépotoir). Au sommet de la fosse, foyers effondrés.
CDAL del.

FIG. 51 ‒ Saint Paul : fosse de type 4 (SP 13065). Plan et profil.
CDAL del.

FIG. 52 ‒ Saint Paul : fosse de type 5 avec remplissage de type dépotoir (SP 33). Plan et coupe. En hachures restes déplacés de plaques de foyer.
CDAL del.

FIG. 53 ‒ Saint Paul : fosse de type 5 avec remplissage de type dépotoir (SP 40). Plan et coupe.
CDAL del.

FIG. 54 ‒ Saint Paul : fosse de type 8 avec remplissage stratifié simple (SP 15096). Plan et coupe.
CDAL del.

FIG. 55 ‒ Saint Paul : fosse de type 13 (SP 29). Plan et coupe. Le pourtour de la fosse est marqué par une rigole recreusée dans le remplissage.
CDAL del.
177Six types seulement (1, 4, 5, 8, 12 et 13) sont représentés par quatre fosses ou plus. Certains peuvent aussi être rapprochés au sein de familles. Les types 1 et 8 correspondent à des fosses circulaires à fond plat, profondes ou très profondes. Les types 5, 6, 7 et 12 regroupent toutes les fosses circulaires profondes ou peu profondes à fond en cuvette ou irrégulier.
178Certains présentent une période d’utilisation privilégiée (tabl. iv). Les types 5 (12 fosses appartenant à la phase 1, 1 à la phase 2 et 3 à la phase 3) et 12 (5 fosses appartenant à la phase 1 et 1 à la phase 3), qui ne se distinguent que par leur profondeur, peuvent être considérés comme caractéristiques de la phase 1. Les types 4 (4 fosses appartenant à la phase 3), 8 (3 fosses appartenant à la phase 3 et 1 à la phase 1) et 13 (2 fosses appartenant à la phase 3, 1 à la phase 2 et 1 à la phase 1) sont plus spécifiques de la phase 3. En revanche le type 1 (2 fosses appartenant à la phase 1, 2 à la phase 2 et 1 à la phase 3) n’est caractéristique d’aucune phase particulière.

TABL. IV ‒ Répartition chronologique des types de fosses.
179D’une façon générale, les fosses de la phase 1 adoptent volontiers des contours arrondis. Leur diamètre est aussi assez uniforme, entre 1,5 et 2 m. Malgré sa durée, aucune distinction chronologique plus fine ne peut être effectuée au sein de la phase 1. La principale caractéristique de la phase 3 semble être au contraire la diversité morphologique des fosses, avec une prédominance des contours anguleux, quasiment inconnus auparavant. Deux fosses de cette phase semble avoir eu un aménagement interne spécifique. La fosse SP 29, aux parois abruptes, paraît avoir été dotée d’un creusement périphérique signalant peut être un coffrage. Une autre fosse (SP 15098 ; type 8) contenait les tessons peu fragmentés et plaqués contre ses parois d’un autre grand vase de stockage, qui pouvait y avoir été installé à l’origine.
180Seule l’occupation de la phase 1 du chantier Saint Paul se prête à l’étude de la répartition spatiale des différents types de fosses (fig. 56) – les couches plus récentes (fig. 57) ne fournissent aucune indication réellement utile puisqu’il est impossible d’y discerner précisément la nature et la fonction des structures en relation avec les fosses ; celles ci n’aident guère par ailleurs à élucider cette question. Les fosses circulaires à fond en cuvette (types 5, 6, 7 et 12) se cantonnent pour la plupart à une certaine distance des habitations de la phase 1. Elles semblent aussi ménager un cheminement dans l’axe des portes ouvertes sur le côté ouest des bâtiments (ce qui est particulièrement visible devant la maison S1). Les trois fosses circulaires à fond plat (types 1 et 8) sont en revanche liées à la maison S1, situées de part et d’autre de son entrée pour deux d’entre elles (peut être strictement contemporaines) et dans l’espace intérieur pour la dernière.

FIG. 56 ‒ Saint Paul : répartition spatiale des différents types de fosses de la phase 1.
En gris types 5, 6, 7 et 12 ; en hachures serrées types 1 et 8 ; en hachures lâches type 13 ; en noir puits et fosses aménagées.
CDAL del.

FIG. 57 ‒ Saint Paul : répartition spatiale des différents types de fosses de la phase 3. En gris types 5 et 12 ; en hachures serrées types 1 et 8 ; en hachures lâches types 4 et 13 ; en noir fosses aménagées.
Remplissage et mobilier
181En l’absence d’analyse sédimentologique des remplissages, on se contentera de la distinction sommaire de trois types, qui ne prennent pas en compte les fosses pourvues de traces d’aménagement interne, qu’il soit clairement identifiable (fosses étudiées au § 2.3.3.1) ou non (SP 29 ; cf. infra § 3.3.3.1) :
‒ remplissage homogène, non stratifié ;
‒ remplissage à stratification lâche (fig. 54) ;
‒ remplissage à stratification serrée (fig. 50, 52 et 53).
182Le dernier type semble caractériser les remplissages de type dépotoir : succession de multiples couches riches en matière organique et en rejets domestiques, parfois intercalées avec des lentilles sableuses issues de l’effondrement des parois. Les couches de rejets sont souvent précédées par un comblement primaire peu épais et sableux et suivies par un scellement sommital composé d’un remblai plus compact et stérile. Les deux premiers types doivent en revanche s’expliquer par un comblement rapide et volontaire de remblais de natures diverses, mais souvent à base de sable.
183À ces caractéristiques de remplissage, s’ajoutent des données complémentaires, comme la présence de sédiment provenant de l’effondrement des parois ou l’installation, assez fréquente (5 cas), d’un foyer au sommet du comblement (fig. 50).
184La signification du remplissage doit aussi être précisée par les inclusions qu’il contient. Seuls les paramètres qui semblaient les plus significatifs ont été pris en compte (tabl. v) : nombre de tessons de céramique (amphore exclue), nombre de tessons d’amphore, nombre de fragments osseux et nombre de clous. Les autres matériaux n’ont qu’une fréquence marginale (par exemple les pierres : galets, fragments de meules...) ou difficile à évaluer (ainsi les fragments de parois et de chapes de foyer en argile) et donc peu significative. L’analyse porte sur la densité des inclusions relative au volume du remplissage des fosses et à la fréquence relative de chaque type. Les amphores posent un problème particulier. Leur représentation reflète d’abord la chronologie des fosses, les importations d’amphores partant de zéro au début de la phase 1 pour atteindre un maximum pendant la phase 2 (horizon 4) et chuter à nouveau (cf. infra § 3.2.4). On ne peut donc faire de comparaison utile qu’entre fosses strictement contemporaines.

TABL. V ‒ Données relatives aux fosses antérieures au changement d’ère : type, dimensions, remplissage, représentation relative des principales catégories de mobilier et densité du mobilier.
La représentation des catégories de mobilier autres que les amphores a été calculée en ne prenant pas en compte ces dernières. On n’a pas fourni de données chiffrées pour ces représentations lorsque le nombre d’objets dans la fosse est inférieur à 200.
185La densité d’inclusions est relativement faible pour les remplissages simples, mais aussi pour certains remplissages complexes ou de type « dépotoir » (fig. 58). Des corrélations peuvent aussi être établies entre morphologie et remplissage. Le type 5 a presque toujours un remplissage stratifié serré de type dépotoir (10 fosses sur 12), alors que le type 12, proche, a par deux fois un remplissage de même type et par trois fois un remplissage homogène. Les types 8 et 13 ont tous deux des remplissages stratifiés lâches (sauf une fosse de type 13 au remplissage homogène).

FIG. 58 ‒ Variation des densités de mobilier. En abscisse, les fosses rangées par densité croissante ; en ordonnées, la densité. Chaque point représentatif indique le remplissage correspondant (Simple, Complexe ou de type Dépotoir).
186D’une façon plus générale, les fosses ont beaucoup plus fréquemment un remplissage stratifié de type dépotoir pendant la phase 1 (14 fosses sur 24 sur le chantier Saint Paul) que pendant la phase 3 (2 fosses sur 13 sur le même chantier), tendance qui reflète, comme la diversification de la morphologie des fosses, la plus grande variété de leurs fonctions (fig. 59).

FIG. 59 ‒ Répartition chronologique des types de remplissage des fosses
187La fréquence relative de la céramique et des ossements, qui sont les deux types d’inclusions majoritaires, présente des fluctuations très importantes pendant la phase 1, bien que la plupart des remplissages soient de type dépotoir. Ceux de la phase 3 présentent en revanche, à deux fosses près (SP 27 et SP 30), une certaine régularité. On constate aussi une augmentation générale de la fréquence des clous à partir de l’horizon 5, qui traduit sans doute une évolution des techniques de construction (fig. 60).

FIG. 60 ‒ Fréquence des clous par rapport au nombre total d’objets dans les fosses datables (classées dans l’ordre chronologique).
188Les fosses de la phase 1 se caractérisent par une certaine uniformité de forme (fosses circulaires peu profondes à fond en cuvette), de dimensions (diamètre compris pour la plupart entre 1,5 et 2 m) et de remplissage (presque toujours de type dépotoir). Leur dispersion spatiale semble montrer leur liaison avec les unités domestiques (fig. 61). La seule évolution enregistrée dans ce domaine au cours de la phase 1 est le maintien des dépotoirs à une plus grande distance des habitations à la fin de celle ci. Les fluctuations de la fréquence des différents types de rejets peuvent donc trahir les spécificités de chaque unité domestique, mais ceci ne pourrait être vérifié qu’à partir d’une base documentaire beaucoup plus étendue que celle disponible à Roanne. Chaque unité domestique, probablement familiale, rejette ses déchets dans des fosses creusées de plus en plus loin de l’habitation.

FIG. 61 ‒ Saint Paul : répartition spatiale des différents types de remplissage des fosses de la phase 1. En gris dépotoirs ; en hachures serrées remplissages stratifiés simples ; en hachures lâches remplissages simples.
CDAL del.
189L’analyse du comblement montre que le remblaiement a le plus souvent été progressif. En effet, des sédiments fins provenant de l’éboulement des parois couvrent souvent le fond ou s’intercalent entre deux couches de rejets. La régularité et l’uniformité des plans suggèrent également une utilisation primaire spécifique qui ne se réduit pas à l’extraction de sable et de gravier, d’ailleurs utilisés avec la plus grande parcimonie pour la réfection des sols des habitations pendant cette période. Le sous sol sableux et bien drainé se prête à l’implantation de silos à céréales. Néanmoins, aucune fosse ne possède le profil en cloche caractéristique (une fosse datée de la phase 2, SP 6, peut en revanche être interprétée comme telle). Toutes présentent des caractéristiques apparemment incompatibles avec cette fonction : leur profondeur n’est pas suffisante (elle excède rarement 1 m) et leur ouverture est beaucoup trop large (profondeur relative dépassant très rarement 1). La nature et la densité des rejets qu’elles contiennent ne semblent pas pouvoir apporter d’autre indication sur leur utilisation première.
190Les fosses de la phase 3 témoignent d’une très nette diversification d’usage, qui se signale autant par la variété de leur morphologie que par celle de leur remplissage, qui est bien plus rarement de type dépotoir. A l’inverse de ce que l’on observe pendant la phase 1, les différents types de rejets acquièrent une représentation assez uniforme, sauf exception, quel que soit le type de remplissage. Cette stabilisation peut toutefois résulter de la plus faible représentation des véritables dépotoirs domestiques et du comblement des autres fosses par des remblais, qui apportent des rejets « secondaires » dont la composition est peu variable en raison de leur brassage antérieur.
191Les fosses à vocation claire de silo sont encore l’exception (une seule appartient probablement au type 2 : G1 18). Parmi les fosses de type 4, deux, particulièrement étroites et profondes (SP 44, SP 13065), pourraient avoir été ouvertes pour extraire du gravier, abondamment utilisé à la même époque pour niveler les sols.
192Une autre catégorie est celle des fosses recouvertes, peut être volontairement, par un foyer (3 cas). Ces fosses sont de formes variées (types 5 : SP 39 ; 8 : SP 15096 ; 13 : SP 15078) mais leur remplissage présente des analogies : succession de lits de sable dans les trois cas, tandis qu’un lit d’argile verte tapissait le sommet de deux d’entre elles. Il est possible que ces fosses aient effectivement été creusées dans le but de fournir une meilleure isolation du foyer mais la diversité de leurs formes, le décentrage du foyer dans deux cas et le faible nombre d’exemplaires ne permettent pas de conclusion péremptoire. D’autres fosses ont pu disposer d’un aménagement spécifique (SP 29, SP 15098, SP 27).
193La dispersion spatiale des différents types de fosses et la rareté des dépotoirs par rapport à la situation antérieure ne peuvent malheureusement pas être interprétées, tant l’organisation des structures présente une image confuse pour la phase 3 (fig. 62). Leur diversification (bâtiments et fosses) indique seulement une organisation de l’habitat plus structurée qu’à la phase 1, pendant laquelle des unités spécialisées prennent le relais des unités domestiques.

FIG. 62 ‒ Saint Paul : répartition spatiale des différents types de remplissage des fosses de la phase 3. En gris dépotoirs ; en hachures serrées remplissages stratifiés simples ; en hachures lâches remplissages simples.
CDAL del.
Notes de bas de page
1 Pour Jœuvre et Le Crêt Châtelard (Vaginay 1986, avec bibliographie), la documentation archéologique disponible est peu abondante (le second site a bien fait l’objet de fouilles suivies au siècle dernier, mais elles se sont surtout intéressées à des puits qui semblent pour la plupart dater d’une part du ier s. av. J.C., d’autre part des ier et iie s. ap. J. C. ; dans l’attente d’un corpus complet de ces découvertes, qui reste à établir, cf. Périchon, Péronnet 1984). Cette documentation ne permet pas d’affirmer que les sites ont été occupés avant La Tène D2.
Pour Essalois, en revanche, la documentation est abondante et recueillie en bonne partie en contexte stratigraphique, mais les conditions dans lesquelles elle a été publiée (Preynat 1992) invitent à accompagner de réserves les conclusions qui semblent pouvoir en être tirées. Le site n’a d’abord livré aucun des mobiliers caractéristiques que l’on serait en droit d’attendre si son occupation s’était prolongée à l’époque augustéenne (terre sigillée, asses de Nîmes, monnayage à l’autel de Lyon). On peut donc accepter la proposition de Preynat de dater l’abandon du début du règne d’Auguste. Le faciès est finalement caractérisé par des amphores Dressel 1 (à l’exclusion apparente de tout autre type) et de la céramique campanienne B (Preynat note la grande rareté de la céramique campanienne A). Le profil des lèvres d’amphores recueillies dans les couches d’occupation successives montre l’évolution depuis un faciès à lèvres courtes, généralement triangulaires, qui est peut être encore complètement dépourvu du type Dressel 1B, vers un faciès à lèvres très hautes, où le type Dressel 1B domine d’évidence. Ce constat, allié à celui de la présence largement majoritaire de types céramiques caractéristiques des horizons 4 et 5 (sans exclure toutefois quelques objets probablement plus anciens, surtout des formes à décor estampé imitées du répertoire de la céramique campanienne A), invite à penser que l’occupation reconnue du site débute à la fin de l’horizon 3, c’est à dire au tout début du ier s. Cette conclusion est finalement proche de celle proposée par Preynat. En revanche, sa publication ne permet pas de juger de l’existence d’une couche plus ancienne, qu’il affirme caractérisée par des amphores gréco italiques.
2 La seule comparaison probante que nous ayons faite met en jeu un exemplaire fragmentaire de Moulins sur Allier (Déchelette 1898 : fig. 5).
Auteur
Chargée d’études, Afan ; Centre de documentation archéologique de la Loire (Roanne) (M. O.L.)
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