Chapitre 3. Le mobilier
p. 91‑170
Résumés
La présentation du mobilier débute par un essai de restitution de ses modes de dépôt, nécessaire à la compréhension de la représentativité du lot prélevé lors de la fouille. La méthode d’analyse choisie privilégie la chronologie et la répartition spatiale des objets ou des sédiments. L’étude des 9 028 tessons de céramiques a abouti à l’élaboration d’un phasage qui reflète l’extension progressive de l’habitat, déjà perçue à l’issue de l’analyse des fossés. Le mobilier non céramique, rare, comprend principalement quelques objets en fer ou en métal cuivreux, des bracelets de verre ou de lignite ainsi que plusieurs meules à grain. L’analyse des ossements permet, malgré le caractère limité du lot étudié dû à l’acidité des sols armoricains, d’évoquer la faune consommée sur le site. L’examen des pollens et des charbons de bois a permis, couplé aux analyses sédimentologiques et micromorphologiques, de valider l’interprétation de certaines excavations et d’esquisser l’évolution du paysage autour de la ferme.
The presentation of the artefacts starts by an examination of the processes by which the archaeological deposits were formed, necessary if one is to understand the representativity of each group recovered during excavation. The method of analysis chosen privileges the spatial distribution of the artefacts or the sediments. The study of 9,028 sherds of ceramic has produced a series of phases which reflects the progressive growth of the settlement, already noted as a result of the excavation of the ditches. The rare non‑ceramic artefacts comprise principally a small number of iron and bronze objects, glass or shale bracelets and several stone querns. The analysis of bone remains, regardless of the limited sample studied due to acid soil conditions of Armorica, permits the fauna consumed on the site to be recognised. Analysis of charcoal and pollen remains, coupled with sedimentological and micromorphological studies, confirms the interpretation of several features and outlines the landscape evolution around the farm.
Texte intégral
3.1 Les conditions de dépôt du mobilier
1La quantité de mobilier archéologique recueilli –250 prélèvements de charbons de bois, 1 369 ossements, plus de 9 000 fragments de céramique et une cinquantaine d’objets non céramiques– est relativement faible comparée à la superficie de 11 000 m2 étudiée. À titre de comparaison, la fouille du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor), où les sols protohistoriques sont conservés, a livré sur une superficie limitée entre 25 000 et 30 000 tessons (Langouët 1989). Le mobilier parvenu jusqu’à nous n’est donc qu’un pâle reflet de celui qui a été rejeté, sans même parler de celui qui a été utilisé sur le site à l’époque. Notre premier souci, avant même d’entamer l’étude, doit être de tenter de comprendre les raisons pour lesquelles ces quelques fragments ont été, à la différence de l’immense majorité, préservés des atteintes de l’érosion.
2Le cas des trous de poteau est relativement simple. Les rares tessons (330) que leur fouille a livrés sont le plus souvent petits et érodés. Autrefois épars sur les sols de l’habitat, ils ont probablement été enfouis de manière fortuite avec les remblais de l’excavation soit lors du creusement du trou et de la mise en place du poteau, soit lors de l’arrachage de ce dernier.
3Il semble bien que, pour la plupart des fosses, les quelques tessons trouvés (288) résultent d’un phénomène analogue, c’est‑à‑dire d’un enfouissement fortuit de tessons épars sur le sol lors du creusement puis du remblaiement immédiat de l’excavation (cas des plantations d’arbres par exemple). Seules quelques‑unes de ces structures diffèrent de ce schéma :
– une des fosses, localisée à l’ouest du sanctuaire (fig. 74) et interprétée comme une fosse de cuisson, recelait dans son comblement et principalement à sa périphérie immédiate 113 fragments de céramiques ; c’est ici manifestement à l’utilisation de cette structure que l’on doit la présence de ces tessons (pl. 34, structure no 240) ;
– la couche de terre brune très foncée, localisée au fond du puits d’accès du souterrain (fig. 60), a elle aussi livré une quantité non négligeable (144) de tessons de céramiques ; l’interprétation proposée est celle d’un rejet ponctuel d’ordures domestiques mêlant cendres, débris de pots cassés et matériaux organiques et précédant de peu le comblement définitif de la structure (pl. 8 et 9, structure no 93) ;
– enfin, la fouille de la mare (fig. 56) a mis au jour 776 tessons de céramiques ; quelques‑uns, localisés dans la couche de vase, peuvent avoir été jetés alors que cette structure était encore en fonction ; leur rareté s’explique aisément par le fait que, cette structure ayant été creusée pour permettre l’accumulation des eaux pluviales, le jet de pierres ou de tessons ne devait pas y être encouragé ; l’envasement naturel devait à lui seul justifier suffisamment de curages de cette excavation pour que l’on prohibe toute accélération du processus ; le plus grand nombre de ces tessons a en fait été rapporté avec les matériaux de remblai lors du comblement de la mare ; enfin, il est certain que les occupations plus tardives de cette partie du site ont généré des perturbations par le creusement de trous de poteaux, peut‑être de petites fosses, au cœur des remblais ; en conséquence, ces travaux peuvent avoir suscité le piégeage de quelques‑uns des tessons qui se trouvaient alors épars sur le sol (pl. 2‑4, structure no 61).
4L’immense majorité du mobilier trouvé lors de la fouille de l’habitat provient cependant de la fouille des fossés de délimitation des enclos (6 536 tessons).
5Le cas des tranchées de palissade à poteaux jointifs directement creusées dans le substrat et immédiatement comblées avec les matériaux extraits (fig. 31, type 6B) est analogue, quoique linéaire et non plus ponctuel, à celui des trous de poteaux. En effet, le piégeage de rares tessons au cœur des remblais a dû se produire fortuitement, soit au moment de la mise en place des poteaux de la palissade initiale, soit lors d’une réfection de celle‑ci, soit encore lors de l’arrachage des poteaux au moment de l’arasement de la clôture.
6Les limites d’enclos résultant de l’association d’un fossé et d’un talus de terre constituent un cas nettement différent (fig. 31, types 1, 3, 4 et 5). Comme dans le cas de la mare, il est extrêmement rare de trouver des tessons dans les limons qui tapissent le fond des fossés. De plus, isoler le matériel rattachable avec certitude à cette phase est, de par la faible épaisseur conservée de ces strates, assez délicat. Hormis dans un cas (fig. 29, stratigraphie no 2 et pl. 10, fossé 100A), l’enfoncement progressif de tessons des remblais immédiatement sus‑jacents dans ces limons humides est en effet envisageable. La raison de la rareté du mobilier ne peut être, comme pour la mare, un souci de maintenir l’excavation ouverte le plus longtemps possible. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, ces fossés n’ont jamais servi que de carrières, de lieux d’extraction des matériaux pour le talus, et n’ont jamais été curés des sédiments qui les comblaient. En fait, seule la présence d’un talus de terre relativement élevé (2 à 3 m) sur la face interne du fossé, et donc du côté des zones habitées, nous paraît justifier l’absence constatée de jets d’ordures dans ces fossés ; cette opération n’était pas facilitée et, peut‑être, pas souhaitée.
7De nombreux fragments de céramiques ont en revanche été rapportés au cœur de ces structures, mêlés aux matériaux de remblai, soit lorsqu’elles ont été comblées (fig. 26, stratigraphie no 33), soit lorsque, après avoir été recreusées, ces excavations ont servi de tranchées de fondation à des palissades à poteaux jointifs (fig. 31, type 2 et 6A). Il est évident que ces palissades ont subi ultérieurement des remaniements, réfections ou arasement, qui ont pu générer le piégeage fortuit de tessons postérieurs à la mise en place de cette clôture sous sa forme primitive.
8Ces tranchées de fondation de palissades recreusées au cœur d’anciens fossés ouverts méritent d’ailleurs, de par l’abondance du mobilier recelé en leur sein, une étude plus approfondie du processus qui a amené le dépôt de ces objets dans les remblais. La première constatation que l’on peut faire est que la plupart des tessons de céramiques mis au jour lors de la fouille de ces strates sont de taille « correcte » (25 cm2 ou plus, ce qui a rarement été observé dans les trous de poteaux ou les fosses), présentent un aspect non érodé et paraissent constituer un ensemble chronologiquement homogène. Même si peu de vases ont pu être reconstitués, les recollages sont fréquents et permettent de restituer de nombreuses formes archéologiquement complètes (structures nos 81, 84, 100B, 114, 115, 128 et 135, cf. planches de mobilier infra).
9Tous ces caractères confèrent à ces ensembles mobiliers l’allure, non de dépotoirs « primaires » comme dans le cas du puits d’accès du souterrain, mais plutôt de dépôts « secondaires », c’est‑à‑dire de rejets d’ordures ménagères effectués dans un deuxième temps, après leur stockage initial en un lieu qui reste à déterminer. Le fait que ce mobilier, pris dans sa globalité, paraisse chronologiquement homogène, tend à prouver que l’accumulation des déchets dans le dépotoir primaire non localisé a dû s’effectuer en un laps de temps suffisamment bref (quelques dizaines d’années ?) pour que de fortes variations dans les formes ou les décors des céramiques ne soient pas perceptibles par les archéologues.
10L’analyse des structures (cf supra chap. 2) a, quant à elle, montré que les tranchées de palissade de ce type (fig. 31 no 2 et 6A) étaient comblées avec des couches de terre brune de granulométrie identique à celle de l’arène mais chargées en rejets domestiques (charbons de bois et cendres, fragments d’argile cuite, ossements et coquillages, tessons de poterie...) provenant de toute évidence des habitations. L’hypothèse proposée, la plus simple et la plus convaincante, est que ces matériaux proviennent de l’ancien talus, adjacent au fossé et arasé lors de l’implantation de la palissade à poteaux jointifs. L’oxydation des terres au contact des matières organiques (herbes, racines des arbustes...) et des animaux fouisseurs aurait progressivement bruni l’arène initialement extraite au point de lui conférer une teinte nettement différente de celle du substrat.
11Avant de tenter une synthèse entre ces interprétations issues de l’examen du mobilier d’une part, d’une analyse de la nature des comblements d’autre part, il est nécessaire d’examiner la carte de répartition du mobilier retrouvé dans les structures majeures du site (mare, fossés et tranchées) (fig. 88). Sur ce document ont été reportées les densités, exprimées en Nombre de tessons par 10 m3, des fragments de céramiques retrouvés lors de la fouille des différents sondages. La première observation que l’on peut faire est que, mis à part le comblement de la mare, les plus fortes densités se retrouvent systématiquement dans les fossés qui, ouverts un temps, ont été ultérieurement recreusés par des tranchées de fondation de palissades à poteaux jointifs. De plus, si l’on ne considère que les fossés de ce type, on notera que les densités extrêmes se situent toujours au voisinage immédiat de concentrations de trous de poteaux et, dans une moindre mesure, à proximité des entrées matérialisées par l’interruption des clôtures. Ce dernier caractère, qui ne peut être fortuit, nous paraît extrêmement révélateur.

FIG. 88 – Carte de la répartition de la densité en tessons de céramiques. 1 d < 30 tessons pour 10 m3 ; 2 30 ≤ d < 50 ; 3 50 ≤ d < 100 ; 4 100 ≤ d < 200 ; 5 200 ≤ d < 300 ; 6 300 ≤ d.
YM del./MC
12Nous pensions en effet initialement que les ordures qui avaient fait l’objet de dépôts secondaires dans ces tranchées avaient pu être apportées par charretées de n’importe quel endroit du site et qu’elles témoignaient d’un nettoyage des débris qui encombraient l’établissement au moment de ce remaniement de clôture. Le fait que la densité en tessons augmente systématiquement à proximité des bâtiments ou des zones de passage tend en fait à prouver que ces ordures proviennent du voisinage immédiat des sections de fossés considérés. Une même constatation a d’ailleurs été faite par F. Malrain sur le site de Chevrières/La Plaine du Marais (Oise) (1988). La seule hypothèse susceptible d’associer cette notion de rejet secondaire de dépotoirs domestiques et celle de basculement des terres du talus au cœur de la tranchée nous paraît être la suivante.
13Dans un premier temps, les déchets provenant de l’habitat (cendres, fragments d’argile cuite, tessons de poteries, petits éléments métalliques...) ont été rejetés contre les talus de terre qui délimitaient alors les enclos. Ces dépôts devaient être évacués de temps à autre lorsque l’accumulation paraissait trop importante. Un tel phénomène, dont pourraient témoigner les tessons trouvés sur le tracé des chemins qui desservaient l’établissement, pourrait justifier le fait que le mobilier retrouvé apparaît, dans sa globalité, comme chronologiquement homogène. Dans un deuxième temps, l’ensemble des matériaux –terres de talus et rejets domestiques– a été rejeté en calage de la palissade implantée au cœur du fossé ouvert.
14Un tel processus nous paraît constituer la raison essentielle de la présence de nombreux tessons dans ces comblements. On ne peut toutefois occulter, malgré le caractère globalement homogène de ces ensembles mobiliers, la présence en leur sein de rares tessons visiblement plus anciens, enfouis dans les limons au temps où le fossé était ouvert, ainsi que celle de quelques petits tessons manifestement plus récents que la plupart des fragments retrouvés (par exemple les tessons nos 24, 26, 34, 37‑40, 46‑48, pl. 21‑23, structure 135). La présence de ces éléments, souvent petits et érodés, nous paraît due à leur piégeage fortuit lors de remaniements ultérieurs de ces palissades dont l’existence a par ailleurs été confirmée par l’analyse des stratigraphies « verticales » (fig. 17). On notera en outre que, si ces tessons « tardifs » sont parfois rencontrés à des niveaux profonds, leur concentration est plus forte dans les premières dizaines de centimètres étudiés lors de la fouille de ces tranchées. Or, il est logique que les matériaux extraits les premiers lors d’une réfection de ces palissades, c’est‑à‑dire les sols avoisinant les anciens poteaux et sur lesquels se trouvaient épars quelques tessons, soient également parmi les derniers à être rejetés en calage de la nouvelle clôture.
15Ainsi, malgré le caractère simple des phénomènes évoqués, les évolutions parfois multiples des excavations pratiquées au cours de l’histoire de l’établissement ont nécessairement amené des processus de dépôt complexe qu’il nous a paru bon d’évoquer avant d’aborder l’examen d’ensembles mobiliers aussi diversifiés.
3.2 La céramique
3.2.1 Nécessité d’une analyse globale
16Le premier constat que l’on peut faire suite à cette brève analyse des conditions de dépôt du mobilier est la quasi‑absence de « milieux clos ». Seul en effet le rejet d’ordures au fond du puits d’accès du souterrain peut être considéré comme tel (pl. 8 et 9, structure 93). Ponctuel dans le temps et dans l’espace, composé d’un faible nombre de vases brisés et, pour la plupart, reconstituables, il est représentatif de l’abandon et du comblement de cette structure. En outre, le scellement immédiat de ce lot apparemment homogène sous 3 m de remblais stériles a ôté toute possibilité de perturbation ultérieure de ce qu’on peut réellement appeler « dépotoir ».
17Tous les autres ensembles mobiliers peuvent, à un titre ou à un autre, être considérés comme perturbés. On peut certes estimer que l’essentiel des fragments a été enfoui, comme pour le puits d’accès du souterrain, lors du comblement initial de l’excavation. Cependant, l’apport de certains d’entre eux peut être antérieur à cette phase (objets tombés dans certaines de ces excavations laissées longtemps ouvertes –mare, fossés ouverts), pour d’autres, postérieur à ce premier remblai (objets piégés lors de remaniements dans ces structures comblées– arrachage de poteaux lors de réfection ou d’arasement de palissades par exemple).
18En conséquence, une étude par structure ou par sondage de fossé de ces ensembles mobiliers hétérogènes risquait de se révéler impropre à cerner le cadre chronologique de la fondation ou de l’évolution de cet établissement agricole. Un tel travail, effectué en 1987 sur les formes céramiques les plus complètes ou les fragments ornés les plus remarquables isolés contexte par contexte, avait inévitablement abouti à la prise en compte des seuls processus de remblai de quelques structures. Ne tenant compte ni du moment où ces excavations étaient ouvertes, ni des remaniements tardifs qui les avaient affectées, il avait généré une vision caricaturale, et donc fausse, de l’histoire du site (Menez, Le Potier 1988). En conséquence, même si l’archivage des objets, structure par structure, a été effectué et publié pour les éléments les plus représentatifs dans les planches de ce volume, nous avons préféré nous orienter vers une analyse à la fois plus exhaustive et plus globale du mobilier.
3.2.2 La méthode
19Après une reconstitution aussi poussée que possible par recherche des collages, tous les éléments céramiques qui semblaient présenter un intérêt particulier (formes complètes, fragments ornés, tessons originaux...) ont été dessinés. Ce premier travail a permis de bâtir une sorte de répertoire où toutes les formes ou les lèvres, tous les fonds ou les décors qui étaient apparus comme semblables étaient regroupés et se voyaient attribuer un numéro commun. La mise au point de l’ensemble de ces groupes, qui constituait une typologie de travail, a été immédiatement suivie de la constitution d’un tessonnier de référence, puis de l’élaboration d’une fiche (tabl. i) destinée à l’archivage d’un maximum de données « utiles ».

TABL. I – Fiche destinée à l’archivage des données Issues de l’analyse de la céramique.
20Ce document ayant été conçu pour être informatisé, nous nous sommes efforcés de transcrire toute information recueillie de manière aussi courte que possible en caractères alphanumériques. Ainsi :
– le contexte est indiqué par un nombre qui correspond à la numérotation continue des structures et des sondages dans les fossés ;
– le nombre de fragments est calculé avant collage ;
– le nombre de bords est calculé après regroupement et collage éventuel des fragments correspondant de toute évidence à une même céramique ; la pondération recense quant à elle les fragments céramiques qui, éventuellement regroupés, ne peuvent en aucun cas être susceptibles de provenir d’un vase déjà recensé par le comptage des lèvres ; ainsi, sur l’exemple de la fiche ci‑jointe, l’addition de ces deux nombres (72 + 2 = 74) correspond au nombre minimal de céramiques représentées par les 776 fragments mis au jour dans le comblement de la mare ;
– les collages sont signalés lorsqu’ils s’effectuent entre des fragments provenant de contextes différents ; ici, le tesson provenant de la mare et portant en outre le no 20 car il est dessiné (cf. infra, planches) recollait avec un fragment provenant d’un sondage dans le fossé 81, et portant le no 4 ;
– les diamètres à la lèvre et au fond ont été mesurés en centimètres ; ces indications sont d’autant plus fiables que les vases sont réguliers ;
– les types de forme, de lèvre ou de fond sont indiqués, lorsque le fragment le permet, par un nombre faisant référence à la typologie de travail ; la définition des formes s’est faite visuellement, sans recours à des méthodes de calculs prenant en compte les diamètres, hauteurs, angles d’inclinaison des profils ; nous avons regroupé les types qui nous paraissaient similaires, comme on le ferait pour ranger un vaisselier ; cet aspect apparemment « passéiste » de notre travail sera discuté plus loin (cf. infra, § 3.2.3.3) ; notons cependant qu’un tel outil s’est révélé efficace dans l’optique où nous l’avions conçu, car porteur d’informations nouvelles sur le site.
21La distinction entre typologie des formes, des lèvres et des fonds paraîtra probablement superflue. En effet, plusieurs lèvres ou fonds sont caractéristiques d’une ou deux formes uniquement. Il peut donc y avoir une certaine redondance entre les informations fournies par ces typologies séparées (par exemple les lèvres de type 1 et les formes de type 8, fig. 89). Pourtant, on peut souvent observer la présence d’une lèvre identique (par exemple la lèvre de type 5, fig. 91) sur des formes hautes et basses (formes 2 et 6, fig. 89 par exemple). Ne prendre en compte que la typologie des formes serait revenu à limiter l’information chronologique à 26 exemplaires au lieu des 57 fournis par la typologie des lèvres. À l’inverse, se limiter aux seules lèvres aurait empêché d’observer, pour des formes somme toute identiques, la présence de lèvres voisines mais non semblables (forme 6, fig. 89 : lèvres de types 5 et 7). Une légère redondance d’informations, qui occupe en définitive peu de place dans ce volume, nous est apparue préférable à une typologie basée uniquement sur les formes complètes et qui nous aurait privé des informations fournies par des éléments certes plus ténus (fragments de panses ornées, de lèvres, de fonds) mais chronologiquement significatifs.
22Si un fragment ne pouvait s’intégrer dans la typologie de travail, il était alors dessiné et créait à lui seul un nouveau type qui pouvait éventuellement s’étoffer au fil de l’étude du mobilier.
23La « technique » peut être signalée par trois lettres : « r » comme régulier, « i » comme irrégulier, « t » comme tourné. Les vases ne sont considérés comme tournés que lorsque les stries de tournage apparaissent nettement et sont suffisamment régulières pour suggérer l’usage d’un tour rapide. Si la courbure est simplement constante, le col ou le fond du vase étant horizontaux, la céramique est identifiée comme régulière, sans préjuger de l’utilisation d’un tour rapide ou lent. Dans tous les autres cas, c’est‑à‑dire lorsque les céramiques présentent un aspect modelé, elles sont enregistrées comme irrégulières.
24La largeur de la cannelure fait référence à une caractéristique très fréquente dans la région : la lèvre des céramiques armoricaines présente en effet fréquemment une gorge sur la face interne dont la largeur est ici mesurée en millimètres.
25L’aspect de la pâte est enregistré par un nombre qui fait référence à un tessonnier, l’observation étant faite à partir d’une cassure fraîche réalisée sur le fragment selon une méthode publiée par D. Orssaud et J. Barrera (1985). Si la pâte du tesson analysé présente des caractéristiques (texture, couleurs...) nettement différentes des exemplaires de référence, un petit fragment de ce tesson est intégré à l’ensemble et constitue un nouveau type de pâte. Ce procédé, que nous voulions tester dans le cadre de la fouille du Boisanne, s’est révélé à l’usage très lourd et peu porteur d’informations. Il n’a pas été pris en compte dans la synthèse.
26L’aspect de surface du tesson, sur la face externe comme sur la face interne, est répertorié par deux lettres : « br » comme brut, « li » comme lissé, « lu » comme lustré, « gr » comme graphite, « he » comme hématite. L’hématite est un oxyde de fer appliqué comme couverte rouge pour orner certaines céramiques, le graphite présentant quant à lui un aspect métallique analogue à celui de l’étain lustré. L’état de conservation relativement satisfaisant des tessons du Boisanne permet en général d’identifier sans trop de problèmes ces deux couvertes. Les surfaces sont considérées comme lustrées lorsque l’aspect externe est luisant, proche du cuir entretenu, et résulte d’un polissage soigné de la pâte à l’aide d’une matière dure, bois, os ou pierre. À l’inverse, les céramiques ne sont considérées comme brutes que lorsqu’elles présentent un aspect rugueux et irrégulier, avec fréquemment des traces de la technique de montage utilisée. Lorsque des états de surface ne peuvent être assimilés à l’une ou l’autre de ces catégories, ils sont alors enregistrés comme résultant d’un simple lissage, sauf lorsque l’usure ne permet pas d’observer le traitement des surfaces. Si le vase présente deux, voire trois types d’états de surface justaposés, cet aspect est évoqué par une chaîne de caractères telle « lugr » = lustrage et graphitage, la bande graphitée étant généralement localisée à la lèvre.
27Les décors sont mentionnés par rapport à la typologie de travail. Ca3 signifie ainsi décor de cannelures de type 3, les termes « es » faisant référence aux motifs estampés et le terme « re » aux décors réalisés au repoussé.
28Les traces d’utilisation sont évoquées par des chaînes de trois lettres, la première, « i » ou « e », signalant le caractère interne ou externe de la surface du fragment sur laquelle ces traces apparaissent. Les deux autres lettres signalent quant à elles l’usure (us), la suie (su) ou des éclatements (ec). Dans le cas de fragments manifestement rebrûlés dans un foyer et ayant changé de coloration initiale, ce phénomène est symbolisé par les lettres « re », comme recuisson. Enfin, les tessons dessinés se voient attribuer un numéro particulier qui permet de les identifier au cœur du contexte.
29Sur les 9 028 tessons de céramique mis au jour lors de la fouille, seuls 1 396 vases représentés par un fragment ou un groupe de fragments, c’est‑à‑dire tous ceux présentant au moins une caractéristique significative, ont fait l’objet d’un enregistrement qui, affectant en moyenne 6 à 7 données identifiables ou mesurables, a permis de recenser un peu moins de 10 000 données. Cette information, maximaliste puisque menée sur un lot de mobilier somme toute peu important, permet un nombre considérable de tris croisés qui, grâce à l’utilisation du logiciel informatique « D base III plus » (système Dos 3.2), peuvent être effectués en un laps de temps très bref. Toutefois, de tels tris n’ont de sens que s’ils sont effectués en réponse à des questions précises à finalité historique ou archéologique. En conséquence, les potentialités d’un tel fichier n’ont été exploitées dans le cadre de cette publication que très partiellement et conformément à la problématique essentielle de cette fouille, à savoir la restitution de l’évolution de l’établissement antique du Boisanne.
3.2.3 Tentative de phasage
3.2.3.1 Principes généraux
30La chronologie est demeurée le but primordial vers lequel tendait l’analyse globale des fragments de céramiques. En effet, si la mise en place progressive des différents enclos a pu être établie de manière relativement fiable par l’analyse stratigraphique, le calage de cette évolution dans l’échelle du temps ne peut résulter que de l’étude du mobilier. Cette opération s’est révélée, sur ce site et de par les nombreux remaniements constatés dans presque toutes les excavations, problématique. Il est en effet impossible d’affirmer pour la quasi‑totalité des structures du Boisanne que le dépôt de tel ou tel ensemble de fragments est postérieur à tel autre à partir d’arguments stratigraphiques.
31En conséquence, il paraît légitime de se demander si le mobilier recueilli ne peut potentiellement fournir, dans le meilleur des cas, qu’une large fourchette chronologique dans laquelle s’intégrerait l’histoire de cet habitat, sans possibilités de datations des diverses phases de son évolution. Un phénomène constaté dans le processus de dépôt du mobilier nous paraît susceptible de remettre en cause une affirmation aussi pessimiste : le faible transport entre le lieu où les fragments ont été jetés ou perdus et celui où ils ont été enfouis. Quelle qu’ait été l’époque à laquelle des tessons ont été ensevelis, ces objets reflètent de manière certes imprécise mais statistiquement significative une occupation de l’espace, avec rejet de mobilier, en cet endroit du site.
32Il paraît donc possible, dans la mesure où l’évolution de la céramique régionale est connue dans les grandes lignes depuis les travaux de P.‑R. Giot, d’examiner l’aire de dispersion de certains critères typologiques chronologiquement significatifs, puis d’en déduire des aires occupées à une époque donnée. Une telle étude, menée de manière strictement indépendante de l’analyse des structures, devait permettre de caler les extensions spatiales de l’établissement du Boisanne dans les chronologies établies pour l’Armorique et, d’une manière plus générale, pour l’Europe du second âge du Fer.
3.2.3.2 Méthodes
33Dans un premier temps, un tri informatique a permis d’établir, pour tous les types de formes ou de lèvres, de fonds ou de décors recensés dans le répertoire utilisé pour le travail d’enregistrement, la liste des contextes où ils étaient présents, ainsi que le nombre des exemplaires à considérer pour chaque structure ou sondage de fossé. Cette information a été transcrite ultérieurement sur des cartes de répartition afin de visualiser la dispersion de l’ensemble de ces critères, au nombre de 194. Parallèlement, un dépouillement des nombreuses publications traitant des céramiques armoricaines de l’âge du Fer, et notamment de quelques ensembles apparemment homogènes, nous a permis d’extraire du corpus établi pour l’analyse des céramiques du Boisanne les éléments considérés comme chronologiquement significatifs, et donc d’obtenir une succession de groupes de cartes de dispersion théoriquement représentatifs d’une évolution chronologique conforme à celle établie à partir de l’étude d’autres sites armoricains.
34D’autres types de lèvre ou de fond, de forme ou de décor, dont la valeur chronologique est peut‑être plus spécifique au site du Boisanne, ont été dans un deuxième temps rattachés aux groupes précédemment établis s’ils respectaient l’une des deux caractéristiques suivantes : lorsque la carte de répartition d’un type représenté par un nombre d’exemplaires conséquent était similaire à celle d’un des groupes précédemment définis, ce type a été considéré comme chronologiquement significatif et attribuable à cette phase de l’évolution céramique sur le site du Boisanne. Si, à l’inverse, un type donné n’était représenté que par quelques exemplaires (mais de tailles conséquentes) étroitement mêlés à un lot important de mobilier caractéristique d’une phase donnée, ce type a été incorporé au groupe céramique défini pour cette phase. En effet, un piégeage de tessons par remaniements est peu plausible lorsque les fragments sont volumineux et peu usés, surtout lorsque ce type de découverte est répété deux ou trois fois dans le même endroit du site. Il est donc tout à fait vraisemblable que de tels tessons de céramiques aient été enfouis lors de la phase initiale de comblement de l’excavation.
35L’ensemble des cartes de dispersion de types retenues à l’issue de cette sériation, au nombre de 130, a été considéré comme le seul matériau utilisable pour la réalisation d’une synthèse sur l’apport du mobilier céramique à la mise en évidence de la chronologie du site. Toutes les autres cartes correspondent soit à des types trop peu représentés pour que leur dispersion soit significative, soit à des formes de vases ou de lèvres, à des fonds ou des décors de facture extrêmement simple et par trop ubiquistes pour pouvoir être rattachés à une phase particulière du second âge du Fer. En conséquence, ces derniers documents, au nombre de 64, n’ont pas été incorporés dans cette publication. Ils restent consultables par toute personne qui en ferait la demande.
3.2.3.3 Synthèse et comparaisons typologiques
36Avant d’aborder la synthèse proprement dite, il est probablement utile de rappeler que les cartes de dispersion (fig. 90) ne sont fiables qu’à l’échelle du site, l’archivage du mobilier n’ayant été effectué que de manière globale, par structure (fosse ou trou de poteau) ou par sondage dans les fossés. Seul l’espace où ont été mis au jour les fragments de statuettes a bénéficié d’un relevé en plan, niveau par niveau, de l’ensemble du mobilier.
37La deuxième réserve qu’il convient de formuler concerne la typologie propre au site du Boisanne et élaborée dans le but d’une analyse globale de la céramique. En effet, il a parfois été difficile pour certains tessons étudiés de fixer le degré de ressemblance adéquat avec les types fixés par le répertoire. Il est de règle que les poteries de l’âge du Fer ne sont jamais absolument identiques si bien que chacune pourrait, à la limite, constituer une catégorie spécifique. Il a donc été nécessaire de caractériser un type donné de forme ou de lèvre, de fond ou de décor, lorsqu’il était suffisamment représenté, non par un unique dessin mais par une série d’exemples qui, quoique présentant des caractéristiques analogues, définissaient la plage d’hétérogénéité du type.
38Un article de M. de Boüard et de D. Dufournier (1990) évoque bien ce problème. « Caractériser une production, c’est avant tout définir et mesurer les paramètres qui permettent de la distinguer des autres productions. C’est donc aussi déterminer la plage d’hétérogénéité inhérente à chacun d’eux [...], Une production ne peut pas être caractérisée par un seul de ses produits ; elle ne peut l’être qu’à partir d’un échantillon statistiquement représentatif, dont l’ampleur va de pair avec l’hétérogénéité de la fabrication [...]. Apprécier et interpréter l’hétérogénéité des caractères qualitatifs d’une production est une démarche difficile et l’on ne peut en aucune manière échapper à son aspect subjectif [...]. Plus les plages de variation des caractéristiques d’une production sont larges, plus le nombre d’objets et le nombre de paramètres nécessaires à sa définition doivent être importants et moins la précision des mesures apparaît indispensable ».
39Deux éléments permettront toutefois au lecteur d’exercer son esprit critique sur la nécessaire subjectivité qui nous a guidé pour la définition des types, et qu’il aurait été fallacieux d’occulter derrière un semis de définitions géométriques qui n’ont jusqu’ici jamais réussi à refléter de manière simple et lisible les distinctions perçues par les archéologues.
40Nous avons toujours tenté d’illustrer sur chaque planche typologique (fig. 89), lorsque cela était possible, les diverses formes de vase, de lèvre, de fond ou de décor par quelques exemples définissant la plage d’hétérogénéité. Toutefois, afin de ne pas rendre de tels documents illisibles par une surabondance de dessins de céramiques, nous avons préféré ne pas multiplier à l’excès ces exemples. En conséquence, le lecteur qui souhaiterait percevoir avec plus de précisions telle ou telle forme pourra généralement se reporter à l’inventaire du mobilier qui, reporté à la fin de ce volume, définit parmi les 445 objets dessinés tous les types qui ont été enregistrés comme faisant référence au corpus défini par les planches typologiques.
41Les diverses typologies (formes, fonds, lèvres, décors) ont été artificiellement séparées. Il est bien évident que, sur un même vase bien conservé, certains de ces éléments se recoupent, prouvant ainsi leur contemporanéité à un moment donné. Mais leur valeur chronologique n’est pas nécessairement strictement identique : décor de type archaïque (no 7, fig. 89) sur un vase de forme plus ubiquiste (no 12, fig. 91). Les informations fournies par la lèvre, le fond, le décor ou la forme d’un même vase particulièrement bien conservé ne seront donc pas nécessairement mises dans la même phase, mais seront en revanche toujours prises en compte pour deux phases qui, soit s’englobent (I et Ia par exemple), soit se recouvrent partiellement en chronologie (I et IIa par exemple). La contemporanéité de ces éléments typologiques, malgré leur figuration sur des planches typologiques différentes, est donc toujours possible.
42Soulignons enfin que ce répertoire n’a été conçu que comme un outil utile dans le cadre de l’analyse du mobilier de l’établissement du Boisanne et n’est en rien utilisable pour d’autres sites armoricains. Il s’agit d’une typologie de site et non d’une typologie de la céramique armoricaine.
43Ces réserves étant posées, nous pouvons aborder l’examen des planches typologiques et des cartes de dispersion afférentes. Un dessin valant mieux qu’un long discours, il ne nous a pas paru utile de décrire de manière systématique la forme des céramiques. Nous soulignerons simplement, lorsque cela sera nécessaire, les caractéristiques qui nous ont fait différencier telle forme d’une autre, typologiquement voisine. Nous indiquerons par contre pour chaque type, lorsque la comparaison est utile pour l’établissement de la chronologie ou de la fonction de la forme étudiée, les références des contextes où des céramiques analogues ont été retrouvées sur d’autres sites régionaux, voire extrarégionaux.
Phase I ancienne. fig. 89, 90
● Forme 1
44Ces vases biconiques à col droit ou à profil externe légèrement concave n’ont, à notre connaissance, aucun équivalent strictement analogue dans la région. De nombreux parallèles existent néanmoins dans le sud‑ouest de la France, par exemple à Agde (Hérault) (Nickels et al. 1989) où la nécropole datée du viie s. av. J.‑C. a livré 73 céramiques d’une forme F2a extrêmement proche.
● Forme 2
45Elle ne diffère typologiquement de la précédente que par la forme de la lèvre qui, souvent effilée, présente une carène très vive à la jonction avec le col droit. En outre, la paroi externe de ces vases est le plus souvent soigneusement lustrée, à la différence des céramiques de forme 1 qui, souvent brutes de modelage, sont de plus couvertes de suie. Une différence d’usage entre ces deux formes de vases est donc vraisemblable. Les comparaisons régionales sont extrêmement nombreuses. On peut citer les urnes des petits cimetières de Corseul/Saint‑Uriac (Côtes‑d’Armor) (Bardel 1977 : no 2), de Saint‑Martin‑des‑Champs/Bagatelle (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. XLV, no 2), de Saint‑Jean‑Trolimon/Kerviltré (Finistère) (Giot et al. 1971 : LXIX, no 1 ; Giot et al. 1979 : 232, no 5), de Carnac/Coët‑a‑Tous (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XXXIX no 1, pl. XL no 1), de Carnac/Le Nignol (Morbihan) (Giot et al. 1979 : 232, no 12) et de Sérent/Boquidet (Morbihan) (Giot et al. 1979 : 232, no 11 ; Clément 1981 : pl. XLVIII, no 1). Tous ces exemples régionaux sont attribués à la fin du premier âge du Fer, entre le vie s. av. J.‑C. pour les exemples les plus anciens, souvent ornés de cupules, et la 1re moitié du ve s. av. J.‑C.
● Forme 3
46Son profil ovoïde, parfois souligné d’une légère carène au diamètre maximal de la panse, est presque inédit dans le corpus de la céramique régionale. Seul un fragment mis au jour dans le comblement du souterrain de Plémy/Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : no 4) pourrait être rapproché de cette forme. Le contexte, apparemment homogène, au cœur duquel il a été découvert a fourni une datation 14C de 550 + 105 av. J.‑C. On peut citer dans le cadre des comparaisons extrarégionales certaines formes de Champagne (Hatt, Roualet 1977 : pl. II, no 26, pl. IV, no 16) datées du Hallstatt final IIb et La Tène ancienne Ia, soit entre 500 et 450 av. J.‑C., ou encore certaines formes du sud‑ouest de la France tel le type H la de la nécropole d’Agde (Hérault) (Nickels et al. 1989) datée du vie s. av. J.‑C.
● Forme 4
47Couvert de suie sur la face externe, ce vase est un exemplaire unique sur la fouille du Boisanne. Son profil « en S » le rapproche en fait de formes plus tardives (forme 22, fig. 97). Toutefois, le décor « archaïque » qui orne l’épaulement et la lèvre, le fait que cette céramique soit représentée par des tessons volumineux mis au jour au cœur du contexte le plus ancien Nous l’a fait considérer comme une forme rare mais caractéristique de la phase Ia plus ancienne détectée sur le site. On peut signaler comme parallèle possible un vase découvert en prospection sur l’île Agot (Côtes‑d’Armor) (Giot 1980 : 111, no 1) attribué à la fin de l’âge du Bronze ou au début de l’âge du Fer.
● Forme 5
48Très simple, présente en seulement trois exemplaires sur le site, elle est constituée d’un volume tronconique au bord simplement arrondi. Ces vases, aux parois soigneusement lustrées, peuvent être comparés à une forme du cimetière de Corseul/Saint‑Uriac (Côtes‑d’Armor) (Bardel 1977 : no 4), attribuée à la fin du Hallstatt ou à La Tène ancienne.
● Forme 6
49Ces écuelles sont caractérisées par une forte carène à épaulement, un col presque cylindrique et une lèvre éversée et souvent effilée. Elles correspondent en fait à la version basse de la forme haute no 2. Le traitement de surface résulte là encore d’un polissage plus ou moins accentué qui peut, dans le meilleur des cas, présenter un aspect noir luisant. Les parallèles régionaux ne sont pas rares. On peut citer un vase du souterrain de Plémy/Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : no 3), pour lequel une analyse 14C a fourni une datation de 550 + 105 av. J.‑C. ; une forme du cimetière de Landeleau/Penfoul (Finistère) (Briard et al. 1984 : no 8), attribuée à la phase de transition du Hallstatt à La Tène, ainsi qu’une céramique du tumulus de Sérent/Boquidet (Morbihan) (Giot et al. 1979 : 232, no 14), datée par M. Clément (1981) de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C., peuvent également prendre place dans ces comparaisons.
● Forme 7
50Extrêmement proche de la précédente, elle n’en diffère que par la lèvre qui, légèrement éversée, prolonge ici le col et ne présente donc plus la brusque inflexion caractéristique des formes 2 et 6. Des parallèles extrêmement proches existent là encore, notamment un vase caréné mis au jour dans l’un des fossés de la fortification du Cap d’Erquy (Côtes‑d’Armor) (Giot, Briard 1969 : fig. 6, no 1), daté par 14C de 550 ±110 av. J.‑C. On peut également citer une céramique du cimetière de Landeleau/Penfoul (Finistère) (Briard et al. 1984 : no 13), datée de la phase de transition du Hallstatt à La Tène.
● Forme 8
51Ces coupes‑couvercles, aux lèvres épaissies et aplaties sur la face supérieure, ne sont présentes qu’à trois exemplaires sur le site. Les parallèles régionaux sont rares. Tout au plus peut‑on rattacher à ce type une lèvre découverte en prospection sur l’île Agot (Côtes‑d’Armor) (Giot 1980 : 110, no 13). Des céramiques analogues ont été mises au jour à Famechon, sur un site daté du Hallstatt moyen et final (Durvin, Brunaux 1983 : fig. 15, type 7) ainsi qu’à Verberie‑les‑Moulins (Oise), dans un contexte daté de La Tène la (Marquis, Brunaux 1975). Si l’on excepte la forme du pied, les types champenois (Hatt, Roualet 1977 : pl. II, no 21, pl. IV, no 6) datés du Hallstatt final IIb et de La Tène ancienne la, soit entre 500 et 450 av. J.‑C., sont également extrêmement proches. Citons enfin le vase no 1 341 de la tombe 52 du cimetière des Jogasses (Marne) (Hatt, Roualet 1981 : pl. XIII), pratiquement identique et daté du Hallstatt final IIb par les auteurs, soit entre 500 et 475 av. J.‑C.
● Forme 9
52Ce type diffère du type 6 essentiellement par la forme du col qui, tronconique, se referme progressivement vers l’embouchure. Il s’agit d’une forme rare, présente à un unique exemplaire sur le site. Les parallèles régionaux sont 1 à encore peu fréquents. Seule une céramique mise au jour dans le tumulus de Boquidet à Sérent (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XLIX, no 2), daté par l’auteur de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C., présente des analogies certaines.
● Forme 10
53Elle diffère de la précédente par la presque verticalité du profil du col, l’épaississement de la lèvre et le caractère globulaire de la panse. Il est difficile de trouver des parallèles régionaux ou extrarégionaux à cette forme fragmentaire qui, représentée par un unique exemplaire, est de toute façon peu représentative de l’ensemble.
● Forme 11
54La même remarque pourrait être faite pour cette forme. Toutefois, ce type de vase caractérisé par un changement d’inflexion de la paroi à hauteur de la carène est relativement fréquent en Champagne comme en Picardie durant La Tène ancienne la (Hatt, Roualet 1977 : pl. IV, no 4 ; Massy, Thirion 1980 : no 10), soit entre 475 et 450 av. J.‑C. Si la céramique du Boisanne dérive effectivement de tels types, il s’agit d’une imitation grossière, très mal modelée telle qu’en témoigne l’épaisseur inhabituelle de la paroi.

FIG. 89 – Céramiques de phase I ancienne.
YM del./MC

FIG. 90 – Dispersion des céramiques de phase I ancienne.
YM del./MC
● Lèvre 1
55Cette forme de lèvre, épaissie à l’extrémité et dont la face supérieure est aplatie, paraît extrêmement caractéristique de la forme 8. Les comparaisons typologiques sont par conséquent identiques, de même que la chronologie proposée.
● Décors 1
56Il est formé de motifs estampés disposés en bandes isolées ou en casiers délimités par des lignes incisées, très caractéristiques des premiers décors estampés armoricains. Les motifs des poinçons sont simples : cercles pointés ou non, croix de Saint‑André, triangles hachurés encore appelés « dents de loup ». Toutes ces caractéristiques rattachent ce type de décor au groupe 1 défini par F. Schwappach (1969) et daté de la fin du vie et du début du ve s. av. J.‑C.
● Décors 2
57Cette ornementation, extrêmement simple, a été réalisée par l’impression de l’extrémité d’une spatule en os ou en métal, voire d’une planchette de bois, dans la pâte encore malléable. Seule la carte de dispersion des tessons ainsi décorés nous a fait considérer ce type comme caractéristique de la phase initiale de l’établissement du Boisanne. En effet, nombre de décors analogues sont répertoriés au cœur de contextes d’époques plus tardives sur d’autres sites régionaux, tel le souterrain de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : no 33) qui a livré du mobilier daté de la fin du iie s. av. J.‑C. Cette remarque est également valable pour la plupart des décors décrits ci‑dessous, tous constitués d’incisions ou d’impressions extrêmement répandues à l’âge du Fer et simples à réaliser.
● Décors 3
58Il ne diffère du précédent que par le mode d’exécution, le doigt remplaçant ici l’outil pour la réalisation des impressions sur l’épaulement du vase.
● Décors 4
59Il ne s’est rencontré qu’une fois, à l’intérieur d’une coupe de forme 8. Il est constitué d’une ligne de petites cupules probablement réalisées à l’aide d’un poinçon.
● Décors 5
60Ici, l’ornementation de l’épaulement est constituée d’une succession d’incisions inclinées probablement réalisées à l’aide d’un couteau.
● Décor 6
61La seule différence avec le décor précédent réside dans l’orientation des incisions, qui sont ici verticales.
● Décors 7
62Connu par un unique exemplaire sur une céramique modelée de fort diamètre (pl. 19, 135.10), il est constitué d’une succession d’incisions sur un cordon d’argile rapporté à hauteur de l’épaulement de la céramique. L’allure archaïque de ce type d’ornement paraît caractéristique du Bronze final ou du premier âge du Fer. Des parallèles avec le site de Ouessant/Mez‑Notariou (Finistère) (Le Bihan, Robic 1990) rendent une attribution de cette céramique au viie ou au vie s. av. J.‑C. tout à fait plausible.
● Décors 8
63Caractérisé par une succession de chevrons incisés sur le sommet de la lèvre, il n’est connu que par un unique exemplaire sur le site du Boisanne. Nous ne connaissons pas de parallèles dans la région à l’âge du Fer.
● Décor 9
64Très simple, il est caractérisé par une série d’impressions régulièrement espacées sur le sommet de la lèvre et analogues à celles qu’effectuerait le bord d’une planchette de bois. Là encore, seule la dispersion des tessons ainsi ornés permet d’attribuer avec vraisemblance ce type de décor à la phase initiale de l’établissement du Boisanne.
65On remarquera que tous les tessons caractéristiques de cette phase, définie comme « I ancienne », sont groupés dans une petite partie du site (fig. 90) qui correspond aux fossés majeurs de la phase I définie à l’issue de l’analyse des structures (fig. 43). De plus, toutes les comparaisons régionales comme extrarégionales attribuent à l’ensemble céramique ainsi reconstitué une datation extrêmement cohérente et comprise entre le viie et la 1re moitié du ve s. av. J.‑C.
66Tout ceci montre, sans ambiguïté, qu’un important rejet de céramique a bien eu lieu dans ce fossé au plus tard dans le courant de la 1re moitié du ve s. av. J.‑C., à une phase située à la transition entre le premier et le second âge du Fer, et que quelques fragments font sans aucun doute référence au vie, voire au viie s. av. J.‑C.
Phase I. fig. 91, 92
67Les types réunis sur cette planche ne sont pas nécessairement plus tardifs que ceux de la fig. 89. Il nous a semblé simplement que la plupart d’entre eux avaient dû perdurer plus avant dans La Tène ancienne et que, par conséquent, leur dispersion sur le site reflétait certes les premiers instants de la vie de l’établissement mais aussi son activité sur un laps de temps relativement important après sa création. En conséquence, la phase ancienne définie précédemment doit être considérée comme un sous‑ensemble de la phase I, les tessons caractéristiques de ces deux périodes étant fréquemment mêlés dans les contextes concernés. Sa création n’est en fait qu’un artifice commode pour tenter de cerner le moment où les premiers rejets de céramique ont eu lieu sur le site du Boisanne.
● Forme 12
68Le profil externe de ces grands vases est caractérisé par une panse à courbure convexe surmontée d’un col droit ou à courbure légèrement concave. La carène est nettement plus mousse que celle des céramiques de la phase I ancienne. Le sommet de la lèvre est le plus souvent aplati, parfois orné d’incisions ou d’impressions digitées. Ces pots sont généralement assez grossièrement modelés et couverts de suie sur la face externe. Parmi le corpus des vases de ce type découverts lors de la fouille du Boisanne, on note quelques exemplaires ornés de décors « archaïques », tel le cordon incisé ici figuré, qui montrent à l’évidence que l’utilisation de telles céramiques a débuté dès la fondation de l’établissement pour se prolonger assez loin dans le temps. Ce phénomène explique probablement l’extrême abondance des poteries de ce type (45 exemplaires identifiés) qui ont été mises au jour lors de la fouille. Les parallèles régionaux ne sont pas très fréquents. On peut néanmoins citer une céramique découverte dans le comblement du souterrain de Concarneau/Lamphily (Finistère) (Giot et al. 1979 : 310, no 1), datée par une analyse 14C de 630 ± 110 av. J.‑C. Il est également tout à fait probable qu’une des urnes du cimetière du Moustoir‑Ac/Le Reste (Morbihan) (Clément 1981 : pl. LIV, no 2), datée de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C. par l’auteur et amputée de la lèvre, corresponde à une forme de ce type.
● Forme 13
69Elle correspond aux vases globulaires caractérisés par un haut col tronconique et une lèvre éversée ou épaissie. On notera que la seule forme typologiquement identifiable mise au jour dans le fossé de l’enclos funéraire appartient à cette catégorie. Les parallèles régionaux sont nombreux. On peut ainsi citer une urne du tumulus de Le Nignol à Carnac (Morbihan) (Giot et al. 1979 : 232, Clément 1981 : pl. XXXVII, no 1) datée de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C. selon M. Clément, du Hallstatt récent et final selon P.‑R. Giot. Plusieurs vases du tumulus de Boquidet à Sérent (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XLIII, no 2, pl. XLIV no 2, pl. XLVII no 1), de datation identique à celle de l’exemple précédent, correspondent également à cette forme. Des exemples extrarégionaux peuvent être trouvés principalement dans le sud‑ouest de la France, notamment dans les cimetières de la région de Tarbes (Mohen 1972 : 251‑252) où ils sont datés de la fin du vie et du début du ve s. av. J.‑C.
● Forme 14
70Ce type de coupe de forme hémisphérique, le plus souvent grossièrement modelée, est difficile à rattacher au corpus céramique défini par les publications régionales traitant de l’âge du Fer. Le faible nombre d’exemplaires retrouvés (5) montre de toute façon qu’il ne s’agit pas d’un type fréquent.
● Forme 15
71La principale différence avec la forme précédente réside dans l’allure générale, tronconique et largement éversée, de ces coupes. Le diamètre des vases est en outre fréquemment plus fort, avoisinant 25 à 30 cm. Les parallèles régionaux sont rares. Tout au plus peut‑on citer une céramique du tumulus de Coët‑a‑Tous à Carnac (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XLII no 1) datée par l’auteur de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C., ou un vase du souterrain de Kervéo à Plomelin, daté de La Tène ancienne (Giot et al. 1979 : 310, no 9). On peut par contre rapprocher ces coupes de nombreuses céramiques de Champagne et de Picardie (Lambot 1988 : fig. 4, 6) datées du Bronze final au début du second âge du Fer. Les indentations assez profondes qui ornent parfois le sommet de la lèvre, le fait que les formes ainsi « décorées » soient systématiquement enduites d’une substance noire analogue à la suie sur la face interne, nous font considérer ces coupes comme des braseros ou des luminaires, conformément à une hypothèse développée par B. Lambot (1988) pour les coupes à bords festonnés du Bassin parisien et du Nord de la France, à moins qu’il ne s’agisse de récipients destinés à couvrir les braises du foyer domestique.
● Forme 16
72Relativement proche de la forme 6 dessinée sur la fig. 89, elle en diffère par une carène plus mousse et la forme de sa lèvre qui prolonge la courbe d’un col très éversé. Les comparaisons régionales sont, à notre connaissance, inexistantes. Certaines écuelles de Picardie, notamment du site du Bois d’Ageux/Longueil‑Sainte‑Marie (Oise) daté du Hallstatt moyen et final (Jouve 1976), sont très proches, avec toutefois une carène plus vive.
● Forme 17
73Ces écuelles, caractérisées par une lèvre prolongeant la courbure du col et une carène vive, diffèrent des formes 6 et 7 par l’absence de double inflexion à l’épaulement. Une céramique de forme strictement identique a été mise au jour sur le cimetière des Jogasses en Champagne (Hatt, Roualet 1981 : pl. XXXII no 519) daté du Hallstatt final et La Tène ancienne. Les comparaisons régionales sont, à notre connaissance, inexistantes.
● Décors 10
74Composé de chevrons simples ou doubles incisés sur 1 épaulement des vases, ce décor, relativement rare sur le site, n’a été attribué à cette phase que dans la mesure où les formes sur lesquelles il a été identifié paraissent effectivement archaïques. En effet, la présence de vases ainsi ornés dans le souterrain de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : nos 39‑42) daté de la fin du iie s. av. J.‑C., montre que des décors aussi simples ont pu perdurer très tard dans le second âge du Fer.
● Décors 11
75Digité à la lèvre, ce décor est fréquent durant tout le premier âge du Fer et semble bien avoir perduré en Armorique au moins jusqu’à La Tène ancienne. Les comparaisons sont nombreuses. On peut citer un tesson du souterrain de Plémy/ Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : no 5) ainsi qu’une céramique mise au jour dans le souterrain de Concarneau/Lamphily (Finistère) (Giot et al. 1979 : 310, no 1).
● Décors 12
76La même remarque peut être faite pour cette succession d’incisions sur le sommet de la lèvre, que l’on retrouve dans le souterrain de Plomelin/Kervéo (Finistère) (Giot, Ducouret 1968 : nos 18, 19), dont le comblement est daté de La Tène ancienne, comme dans le souterrain de Kerien/Le Paou (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1978), datable de la fin de La Tène ancienne ou du début de La Tène moyenne. La dispersion des tessons ainsi ornés rend néanmoins l’attribution de ce type de décor à cette phase tout à fait vraisemblable, cette considération n’étant valable que pour le site du Boisanne.
● Fond 1
77L’attribution des types de fond à une chronologie même imprécise s’est avérée délicate. La morphologie de cette partie des céramiques est en effet apparemment moins sujette que d’autres aux évolutions esthétiques ou technologiques. Toutefois, il semble bien que les fonds surélevés de type 1, qui présentent parfois l’aspect de piédouches, soient, si l’on en juge par l’aire de dispersion des fragments concernés, caractéristiques de la phase I. On notera par ailleurs que de telles bases sont fréquentes sur les céramiques régionales de la fin du Hallstatt et du début de La Tène ancienne, notamment les urnes globulaires de forme 13 (Giot et al. 1979 : 232, nos 7, 8).

FIG. 91 – Céramiques de phase I.
YM del./MC

FIG. 92 – Dispersion des céramiques de phase I.
YM del./MC
● Fond 2
78L’attribution des fonds de type 2 à la phase I paraît bien validée par la dispersion des 19 exemplaires mis au jour sur le site. Ils sont caractérisés par le soulèvement du fond et la convexité de la face externe de la paroi, et proviennent pour la plupart de céramiques soigneusement lissées, parfois lustrées. De tels fonds sont en effet fréquemment rencontrés dans les souterrains les plus anciens, datés de la fin du Hall‑Statt et de La Tène ancienne, tels ceux de Plémy/Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : no 2) et de Plomelin/Kervéo (Finistère) (Giot, Ducouret 1968 : no 16, 17), ou encore les cimetières contemporains de Sérent/Boquidet (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XLIII, no 1, pl. XLVII, no 2) ou de Landeleau/Penfoul (Finistère) (Briard et al 1984 : n. 6).
● Fond 3
79Les remarques effectuées pour le type précédent peuvent s’appliquer également à cette forme, qui n’en diffère que par la planéité de la base. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il semble bien que des fonds aussi simples puissent constituer, sur le site du Boisanne, un indice chronologique.
● Lèvre 2
80Constituée d’un simple prolongement d’une paroi externe convexe qui s’arrondit à l’extrémité et se recourbe légèrement vers l’intérieur du vase, cette lèvre a une dispersion très limitée. La plupart des références qui pourraient être faites recoupent celles effectuées pour la forme 3 de la phase I ancienne.
● Lèvre 3
81La dispersion de ce type recouvre là encore de manière étroite celle des formes anciennes du corpus céramique du Boisanne. Il s’agit de lèvres assez longues, éversées, qui surmontent une carène en formant un profil « en S ». On notera comme parallèle possible la lèvre d’une urne du tumulus de Lan‑en‑Ilizien à Silfiac (Morbihan) (Clément 1981 : pl. L, no 1) datée de la fin du vie ou du ve s. av. J.‑C.
● Lèvre 4
82Cette lèvre à courbure externe convexe résulte simplement d’un aplatissement de l’extrémité de la paroi d’une coupe largement ouverte. Les parallèles régionaux sont, à notre connaissance, inexistants. Ceci s’explique par la méconnaissance générale des habitats de cette période.
● Lèvre 5
83Ce type de lèvre, éversée et dont l’effilement à l’extrémité forme un méplat sur la face interne de la céramique, est extrêmement fréquent en Bretagne dans les contextes de la fin du vie et du début du ve s. av. J.‑C. On peut citer comme parallèles des tessons mis au jour dans les souterrains de Plémy/Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : nos 3, 7) et de Plomelin/Kervéo (Finistère) (Giot, Ducouret 1968) et les nécropoles de Landeleau/Penfoul (Briard et al. 1984 : nos 3, 8), de Saint‑Jean‑Trolimon/Kerviltré (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. LXIX), de Carnac/Coët‑a‑Tous (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XXXIX, no 1, pl. XL, no 1), de Carnac/Le Nignol (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XXXVI, no 1, pl. XXXVII, nos 1, 2). Ces lèvres, extrêmement nombreuses sur le site (56 exemplaires), paraissent tellement caractéristiques d’une période chronologique de l’âge du Fer armoricain que l’on se demande si leur rattachement à la phase I ancienne, malgré la dispersion de deux fragments à une certaine distance du fossé majeur de l’enclos le plus ancien, ne serait pas plausible.
● Lèvre 6
84La différence avec le type précédent réside dans le fait que la lèvre prolonge ici un col tronconique qui se referme progressivement vers l’embouchure. Les références concernent non seulement les céramiques évoquées pour la forme 9, mais aussi certaines urnes globulaires proches de la forme 13, telles celles du cimetière de Boquidet à Sérent (Morbihan) (Clément 1981 : pl. XL III, no 2) daté de la fin du vie s. et du ve s. av. J.‑C.
● Lèvre 7
85L’unique différence avec les lèvres du type 5 réside dans l’absence d’amincissement de la lèvre vers l’extrémité. En conséquence, cette forme résulte simplement d’une brusque inflexion vers l’extérieur d’un tronc de cône qui s’évase progressivement vers l’embouchure. Les références concernent là encore la fin du Hallstatt et le début de La Tène.
● Lèvre 8
86Ce type de lèvre résulte de l’évasement, avec une nette inflexion, d’un col qui se refermait progressivement vers l’embouchure. L’extrémité est simplement arrondie, sans épaississement notable de la paroi. Les parallèles sont ceux effectués pour la forme 1.
● Lèvre 9
87Cette lèvre, à courbure externe légèrement convexe ou inexistante, a été aplatie à l’extrémité, formant une surface horizontale et provoquant un léger épaississement dû à l’écrasement de la paroi. On pourrait citer comme parallèles les tessons découverts en prospection à l’île Agot (Côtes‑d’Armor) (Giot 1980 : 108, no 32), dans le souterrain de Plémy/Le Frèche (Côtes‑d’Armor) (Gouletquer 1969 : no 5) ou encore dans celui de Concarneau/Lamphily (Finistère) (Giot, Lecerf 1971a : no 1) daté par une analyse 14C de 630 ±110 av. J.‑C.
● Lèvre 10
88Cette lèvre diffère du type précédemment évoqué par le fait que, surmontant un col tronconique qui se referme vers l’embouchure, elle résulte d’un écrasement de l’extrémité formant un méplat légèrement incliné vers l’intérieur du vase. On pourrait là encore citer une lèvre découverte sur l’île Agot (Côtes‑d’Armor) (Giot 1980 : 108, no 31) malheureusement hors de tout contexte chronologique.
89La dispersion de l’ensemble des tessons définis comme caractéristiques de cette phase I (fig. 92) affecte une superficie supérieure à celle des fragments attribués à la phase I ancienne. Si le fossé majeur de la phase A définie à l’issue de l’analyse des structures (fig. 43) a encore fourni l’essentiel des fragments, avec, et c’est nouveau, le comblement de la mare, on note néanmoins la présence d’éléments isolés dans les structures localisées à une dizaine de mètres de ces deux excavations, ainsi qu’à proximité immédiate des limites de l’enclos de phase I délimité par des petits fossés de type 3A (fig. 32).
90L’extension de faire définie par ces fragments de céramiques est vraisemblablement significative d’une occupation génératrice de rejets détritiques épars sur le sol, non plus limitée au petit enclos défini par le fossé très profond de phase I, mais étendue à l’enclos adjacent délimité par des petits talus plantés de haies et au voisinage de la mare. Les comparaisons chronologiques permettent de considérer que, si cette phase débute bien, comme la phase la, dès la 1re moitié du ve s. av. J.‑C., avec quelques éléments datables du vie, voire du viie s. av. J.‑C., elle se prolonge vraisemblablement au moins jusqu’à la fin du ve et peut‑être la 1re moitié du ive s. av. J.‑C.
Phase II ancienne. fig. 93, 94
91Les types, peu nombreux, recensés sur cette planche, correspondent tous à des céramiques soigneusement lustrées et souvent ornées, d’aspect plus « luxueux » que le corpus habituel des poteries retrouvées sur le site. En effet, il semble bien que les vases plus grossiers, la vaisselle « de cuisine » en quelque sorte, ne présentent pas de caractéristiques de forme ou de décor propres à cette phase particulière. De tels récipients doivent en fait se cacher parmi les formes « atypiques », trop ubiquistes pour pouvoir être rattachées à une chronologie précise, tels certains pots grossièrement modelés (pl. 34, 240.1 par exemple). La même remarque pourrait être faite pour les céramiques de la fig. 95, caractéristiques de la phase « II tardive ».
● Forme 18
92Ce type est relativement proche de la forme 6 dont il diffère toutefois par l’allure du col, vertical ou qui se referme légèrement vers l’embouchure. De plus, l’épaulement est nettement arrondi et prolonge la courbe de la panse sans réelle carène. Enfin, la lèvre de type 11 (cf. infra) présente toujours une cannelure ou plutôt une gorge, dont la largeur avoisine 10 mm, sur la face interne. Il s’agit là du début de l’apparition d’une caractéristique considérée comme spécifique à l’Armorique ou, plus exactement, au territoire de l’actuelle Bretagne. Le caractère incomplet des céramiques retrouvées au Boisanne nous a obligés à regrouper à la fois les formes basses, de type écuelle, et des fragments correspondant plus probablement à des formes hautes, analogues au vase du souterrain de Pendreff à Commana (Le Roux, Giot 1965 : fig. 3, no 2). En effet, les caractéristiques de ces céramiques restent strictement identiques jusque sous l’épaulement. Les parallèles sont nombreux. On peut notamment citer deux écuelles du souterrain de Pédernec/Trézéan (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1978 : pl. I, no 2, pl. II), attribuées à la fin du ive ou au tout début du iiie s. av. J.‑C. et dont le profil est presque superposable à celui des poteries du Boisanne. Les écuelles du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. IX, no 1, pl. X, no 2) constituent quant à elles un intermédiaire entre cette forme 18 et la forme 19 de la phase suivante. En effet, elles diffèrent du type ici étudié par la forme de la lèvre et le fait que le col tronconique, nettement moins développé, marque une transition avec le profil « en S » très accentué qui connaîtra un succès certain dans les phases plus tardives de la céramique armoricaine. On pourrait enfin signaler que de telles écuelles à haut col tronconique sont fréquentes en Champagne durant La Tène ancienne IIb et La Tène ancienne III, soit durant la seconde moitié du ive et la 1re moitié du iiie s. av. J.‑C. (Hatt, Roualet 1977 : pl. X, no 4, pl. XIII, no 5).
● Lèvre 11
93Ces lèvres ne diffèrent des types 5, 6 et 7 précédemment définis (fig. 91) que par la présence d’une large gorge sur la face interne. Les parallèles régionaux sont là encore très nombreux. On peut citer, hormis les références fournies pour la forme 18, plusieurs tessons des souterrains de Commana/Pendreff (Finistère) (Le Roux, Giot 1965 : fig. 5, no 3, fig. 7, nos 4, 5) datés de la fin du ive s. av. J.‑C., de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XIII, no 9, pl. XIV, nos 11, 12, pl. XV, no 14, pl. XVII, no 20), datables du début du iiie s. av. J.‑C., ou encore de Plomelin/Kervéo (Finistère) (Giot, Ducouret 1968 : nos 1‑6, 10, 12) datables du début de La Tène ancienne. Signalons également plusieurs lèvres du souterrain de Saint‑Connec/Bernouë (Côtes‑d’Armor), très proches typologiquement (Clément 1981 : pl. LXXVII, no 2, pl. LXXV, no 1, pl. LXXIX, no 3) et probablement datables de la 1re moitié du ive s. av. J.‑C.
● Décors 13
94Ces décors, qui devaient être autrefois somptueux, correspondent au « Metallstil » défini par F. Schwappach (1969 : 223, nos 56‑60) et attribué par l’auteur à une phase allant du début du ive s. jusqu’à la seconde moitié du ive s. av. J.‑C. Ces grands motifs curvilinéaires à base de palmettes et de grandes esses complexes étaient incisés sur des parois soigneusement lustrées puis avivés par le remplissage de certaines des surfaces ainsi délimitées à l’aide d’ocelles ou de tirets successifs estampés. Pour P.‑R. Giot, une telle ornementation se développe probablement au cours de la seconde moitié du ive s. av. J.‑C. (Giot 1989a).
● Décors 14
95Ce type de décor, très particulier, n’est connu qu’en cinq exemplaires sur le site. Il est également constitué de grands motifs incisés dans la pâte. Toutefois, et à la différence des décors de type 13, il n’est plus renforcé par le remplissage de certaines surfaces à l’aide de motifs estampés mais par l’emboutissement de certaines parties de la paroi soigneusement cernées par les traits incisés. Le soin avec lequel étaient effectués ces décors ainsi que le polissage des surfaces devaient permettre d’accentuer l’effet des céramiques ainsi ornées aux variations de la lumière.
96Les comparaisons régionales sont relativement rares. On peut citer une écuelle du souterrain de La Feuillée/Litiez (Finistère) (Giot, Lecerf 1971b : no 1), attribué par l’auteur à la seconde moitié du ive s. av. J.‑C. et pour lequel une analyse 14C a fourni la date de 270 ±110 av. J.‑C. Une écuelle de forme voisine, de surcroît peinte à l’hématite, a été mise au jour à Saint‑Vougay/Enez‑Vihan (Finistère) (Clément 1985 : d’après une information de M. Le Goffic) daté par l’auteur de la fin du ive s. av. J.‑C. On notera enfin que de tels décors existent ailleurs dans le monde celtique, par exemple à Bouqueval (Val‑d’Oise) (Guadagnin 1978).
97On ne note pas de différences notables entre la dispersion des fragments rattachés à cette phase (fig. 94) et celle des tessons de phase I (fig. 92). Il nous semble cependant que les caractéristiques typologiques ici évoquées sont typiques des productions du ive s., et donc globalement plus tardives que celles définies sur la fig. 91. On notera par ailleurs que certains de ces vases ont fort bien pu être utilisés sur le site au début de la phase suivante, dénommée « II tardive » et qui recouvre partiellement la phase ancienne. En effet, plusieurs contextes fouillés sur d’autres sites de la région ont livré des décors du type 13 en association avec des formes ou des décors correspondant aux types définis sur la fig. 95.

FIG. 93 – Céramiques de phase II ancienne.
YM del./MC

FIG. 94 – Dispersion des céramiques de phase II ancienne.
YM del./MC
Phase II tardive. fig. 95, 96
● Forme 19
98Ces écuelles, encore relativement profondes, présentent un profil « en S » fortement galbé qui n’a que peu à voir avec les profils carénés des exemplaires plus anciens (formes 6, 7, 16 et 18). Les parallèles régionaux sont nombreux. On peut citer les céramiques des souterrains de Saint‑Vougay/Enez‑Vihan (Finistère) (Clément 1985), daté de la fin du ive s. av. J.‑C., de Brélès/Kéralan (Finistère) (Sanquer et al. 1981 : no 8) daté entre 350 et 250 av. J.‑C., de Kerien/Le Paou (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1978 : nos 7‑11) et de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XII, no 7) daté de la fin de La Tène ancienne.
● Fond 4
99Ces fonds sont caractérisés par un ombilic extrêmement prononcé, au profil parfois complexe. Ils constituent la base de céramiques aux parois régulières et peu épaisses, souvent graphitées, qui appartiennent sans nul doute à la catégorie des poteries « luxueuses » réalisées par des artisans spécialisés. Les parallèles régionaux sont, à notre connaissance, inexistants. On peut par contre citer une céramique du cimetière de Tartigny (Oise) (Massy et al. 1986 : fig. 16, no 5) datée vers le milieu du iiie s. av. J.‑C.
● Lèvre 12
100Cette lèvre résulte simplement du prolongement d’une paroi à profil en S, arrondie à l’extrémité. Une gorge large d’environ 3 à 6 mm est systématiquement imprimée sur la face interne et relativement loin du bord de la céramique. Ce type étant extrêmement proche des deux formes suivantes, les comparaisons régionales seront effectuées de manière globale, à l’issue de la description de la lèvre 14.
● Lèvre 13
101Elle ne diffère du type précédent que par le léger épaississement noté à son extrémité, probablement dû à l’excédent de pâte repoussé lors de la création de la gorge. La cannelure est généralement proche de la lèvre et relativement étroite (environ 3 mm).
● Lèvre 14
102La différence avec les deux types précédents réside dans l’épaisseur du bourrelet qui affecte le sommet de la lèvre. Très marqué, il est souligné non seulement par la cannelure intérieure assez large qui orne la face interne, mais aussi par une nette inflexion de la face externe.
103Ces trois types de lèvres, aux différences typologiques minimes, trouvent de nombreuses comparaisons dans les contextes de l’âge du Fer fouillés dans la région. On citera, hormis les références fournies pour la forme 19, deux tessons du souterrain de La Feuillée/Litiez (Finistère) (Giot, Lecerf 1971b : nos 1,2), datés de la seconde moitié du ive s. av. J.‑C., une urne du cimetière de Lannilis/Pembrat‑Vihan (Finistère) (Giot et al. 1979 : 328, no 5) datée de la fin de La Tène ancienne et, éventuellement, le grand vase trouvé dans le souterrain de Pludual/Kermel (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1979 : 332, no 1), attribué au début de La Tène moyenne.
● Décor 15
104Ce type de décor en forme de rosace, estampé sur la face interne de certains fonds, est constitué de l’association de deux motifs élémentaires : un arc de cercle et une ligne parfaitement rectiligne, qui ont été effectués à l’aide du tranchant d’outils aussi simples qu’un ciseau et une gouge par exemple. Si les décors estampés sur les faces externes et internes des fonds ne sont pas rares sur les céramiques de l’Europe celtique (Schwappach 1969 : Abb. 2), une rosace de facture aussi simple n’a, à notre connaissance, aucun parallèle dans le corpus régional ou extrarégional.
● Décors 16
105Cette succession d’esses estampées (Schwappach 1969 : Abb. 1, nos 30‑33), qui orne une gorge localisée sur la face interne de la lèvre ou sur la face externe du fond, trouve en revanche de nombreux parallèles dans la région. F. Schwappach attribue les décors ainsi constitués (1969 : Abb. 5, nos 46, 47, 50, 53, 54) à une phase allant du début du ive jusqu’à la seconde moitié du ive s. av. J.‑C. On citera à titre d’exemples une céramique du souterrain de Brélès/Kéralan (Finistère) (Sanquer et al. 1981 : no 9), datée par M. Clément entre 350 et 250 av. J.‑C., plusieurs écuelles du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. IX, no 1, pl. X, nos 2, 4), daté de la fin de La Tène ancienne, ou encore un tesson du souterrain de Saint‑Connec/Bernouë (Côtes‑d’Armor) (Clément 1981 : pl. LXXIX, no 2), datable du ive s. av. J.‑C. On peut également citer un vase du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 12, no 1), daté de La Tène moyenne.
● Décors 17
106Très voisin du type précédent, ce décor est constitué d’une ou deux bandes ornementales situées à l’épaulement des écuelles de forme 19 et fréquemment encadrées de traits incisés. Les motifs élémentaires, des esses ou des arcs de petite taille, correspondent aux nos 18, 19, 30, 31, 32 et 33 du catalogue défini par F. Schwappach (1969 : Abb. 1). Attribués par lui au début de La Tène, de tels décors se retrouvent sur les céramiques du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 17, nos 6, 8, 9), datées de La Tène moyenne, et du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XI, no 5, pl. XIX, no 27) daté de la fin de La Tène ancienne. De telles bandes ornementales sont également signalées, en association avec des décors plus complexes, dans les souterrains de Brélès/Kéralan (Finistère) (Sanquer et al. 1981 : no 1) daté entre 350 et 250 av. J.‑C., et celui de Pédernec/Trézéan (Côtes‑d’Armor), attribué à la fin du ive ou au début du iiie s. av. J.‑C. (Giot et al. 1978 : pl. I, no 1).
107La dispersion des fragments rattachés à cette phase (fig. 96) est, malgré le faible nombre des exemplaires concernés (106), plus ample que celle des tessons de la phase I ancienne. On notera qu’un fond du type 4 et un décor du type 15 étaient scellés sous la terre d’un talus caractéristique d’une clôture de type 5 (fig. 29, stratigraphie no 2). En outre, l’abondance de telles céramiques dans le comblement de la mare tend à nous faire penser que cette structure a été remblayée durant cette phase. La taille des fragments, l’aspect non émoussé de leurs cassures, rendent en effet vraisemblable leur apport dans les terres rapportées. Il semble bien que les caractéristiques typologiques ici évoquées soient typiques, sur le site du Boisanne, des productions de la seconde moitié du ive et de la 1re moitié du iiie s. av. J.‑C. Globalement plus tardives que celles définies pour la phase II ancienne, elles ont dû toutefois coexister presque un demi‑siècle avec elles.

FIG. 95 – Céramiques de phase II tardive.
YM del./MC

FIG. 96 – Dispersion des céramiques de phase II tardive.
YM del./MC
Phase III. fig. 97, 98
108Le corpus défini pour la phase III présente un aspect fondamentalement différent de ceux des phases antérieures. De nouvelles formes, de nouveaux décors apparaissent. Il est tout à fait vraisemblable que ce bouleversement résulte de l’acquisition par les artisans de la maîtrise d’un outil nouveau : le tour de potier. Nombre des formes permises par cette technique perdureront, sans variation notable, assez tard dans le second âge du Fer. En conséquence, il a été nécessaire d’envisager une ampleur chronologique considérable pour cette phase III. Toutefois, afin de mieux cerner l’évolution de l’établissement, nous avons tenté de distinguer une phase III ancienne (fig. 99), qui réunit ce que nous considérons comme les céramiques caractéristiques du tout début de cette période. De même, la phase IV, globalement plus tardive, recouvre néanmoins partiellement la phase III ici définie.
● Forme 20
109Cette forme, extrêmement caractéristique de la céramique de la péninsule Armoricaine et du sud‑ouest des îles Britanniques, est celle des vases à deux anses, dont la paroi est parfois renfoncée vers l’intérieur lors du percement du trou. Nous avons tenté de distinguer les céramiques dont les anses étaient solidement fixées à la paroi à l’aide d’une cheville d’argile, fréquemment occultée par une boulette d’argile écrasée sur la face interne du vase, et les pots dont les anses sont simplement collées sur la panse. On remarquera qu’une fine cannelure orne le plus souvent la face interne de la lèvre. Les parallèles sont extrêmement nombreux. On peut citer un exemplaire chevillé du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXV, no 40) daté de la fin de La Tène ancienne, un vase et deux anses du souterrain de Plabennec/Kermoysan (Finistère) (Le Roux, Lecerf 1973 : nos 10, 22a, 22b) datés du début du iiie s. av. J.‑C. par l’auteur, ainsi qu’une céramique du Camp de Huelgoat/Arthus (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 6, no 86) qui était associée à du mobilier (amphore Dressel 1 et monnaie osisme) datable de la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. Ces quelques exemples, auxquels pourraient faire écho nombre d’autres, montrent que cette forme, élaborée vers le milieu du iiie s. av. J.‑C., a perduré jusqu’à la 1re moitié du ier s. av. J.‑C.

FIG. 97 – Céramiques de phase III.
YM del./MC

FIG. 98 – Dispersion des céramiques de phase III.
YM del./MC
● Forme 21
110Autre type classique de la céramique armoricaine, le gobelet tronconique a été retrouvé en relative abondance sur le site du Boisanne (29 exemplaires identifiés). La panse, plus souvent légèrement galbée que droite, se termine toujours par une lèvre arrondie soulignée d’un trait incisé (lèvre 20) ou par un bourrelet parfois multiplié (lèvre 15). Les parallèles se rencontrent aussi bien dans les contextes du tout début de La Tène moyenne (Giot et al. 1971 : pl. LII, no 8) que dans les milieux plus tardifs tels le site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 3, nos 7‑12, pl. 11, nos 8‑10, pl. 20, nos 6, 8, 10, 12, pl. 21, nos 1, 2). Là encore, tout indique que cette forme a été élaborée et codifiée lors de la généralisation de l’usage du tour à partir de prototypes plus anciens, tels la forme 15 ou certains vases tronconiques grossièrement modelés (Giot, Ducouret 1968 : no 13). On peut situer son apparition vers le milieu du iiie s., et sa disparition durant la 1re moitié du ier s. av. J.‑C.
● Forme 22
111Ce type de vase caractérisé par un fond plat, une panse légèrement galbée « en S », un épaulement assez haut et une lèvre éversée soulignée d’une cannelure interne, est extrêmement fréquent sur le site. La panse est presque toujours ornée de cannelures plus ou moins nombreuses, parfois assimilables à des stries multiples (décors 35 et 36, fig. 99). Les prototypes peuvent être recherchés dans les céramiques particulièrement soignées de la fin de La Tène ancienne, tels les vases de Saint‑Pol‑de‑Léon/Kernenez (Finistère) (Giot et al. 1979 : 328, no 1), et de Commana/Pendreff (Finistère) (Le Roux, Giot 1965 : fig. 5, no 3). La standardisation du type par l’usage généralisé du tour, qui va de pair avec la présence de gorges ou de stries sur la panse et de la fine cannelure à la lèvre, semble cependant pouvoir être décelée vers le début de La Tène moyenne. Datent en effet de cette époque les vases des souterrains de Saint‑Glen/Le Bourg (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. LI, no 4), ou de Saint‑Brieuc/Le Rocher‑Martin (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1970 : no 46). Ce type perdure, avec quelques variations au niveau de la lèvre, jusqu’au ier s. av. J.‑C., si l’on en juge par les exemplaires retrouvés en contexte avec des amphores vinaires Dressel Ia (Le Bihan et al. 1987 : pl. III, no 17, pl. V, no 1 par exemple) ; il évolue progressivement durant la première moitié de ce siècle vers des formes légèrement différentes (fig. 101, forme 28), notamment au niveau de la lèvre ou du décor de stries.
● Forme 23
112Il s’agit là encore d’une des figures les plus fréquentes dans le corpus caractéristique des céramiques armoricaines : une écuelle au profil « en S » très accentué, au fond légèrement soulevé et pourvu d’un anneau de support peu marqué. La lèvre, largement éversée, est ornée d’une cannelure relativement fine (1 à 2 mm) sur la face interne. Les parallèles régionaux sont innombrables. Les prototypes sont bien évidemment à rechercher dans les écuelles de forme 19. Il nous semble cependant que les formes dessinées sur cette planche ne trouvent de parallèles exacts que dans des contextes datables de la fin de La Tène moyenne et du début de La Tène finale, approximativement entre 200 et 100 av. J.‑C., avec probablement la perduration de quelques exemplaires dans la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. On peut en effet citer, parmi les contextes tardifs, le Camp de Penhars/Kercaradec (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 11, no 11), daté du début du ier s. av. J.‑C. On notera toutefois que la plupart des milieux apparemment « clos » à avoir livré une quantité importante de telles formes peuvent être attribués au iie s. av, J.‑C. On peut citer le souterrain de Plouvorn/Le Ruguéré (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. LVIII, nos 7 et 9), ceux de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : nos 1, 2) et de Concarneau/Stang‑Vihan (Finistère) (Le Roux 1967 : no 23), ou encore celui de Quessoy/Grohan (Côtes‑d’Armor) (Guyader 1969 : Bl, B2 et B30).
● Décor 18
113Ce type de décor est constitué d’un cordon large et mal dégagé de la panse qui résulte d’un léger épaississement de la paroi. De telles ornementations, facilitées par l’usage du tour, sont fréquentes tant durant La Tène moyenne qu’au cours de La Tène finale. Seules certaines caractéristiques techniques sur les cordons les plus élaborés nous ont permis de tenter une distinction entre certains types précoces et les formes plus tardives.
● Décor 19
114Cette association de deux cannelures espacées sur le sommet de l’épaule de certains vases, généralement pourvus d’une lèvre à fine cannelure interne, est plus une caractéristique technique qu’un réel décor. Il s’agit en fait de gorges réalisées lors du tournage de la céramique et destinées à guider le positionnement des anses sur les vases de forme 20. De plus, le fait que la gorge la plus importante soit localisée à la hauteur des perforations permet le plus souvent d’éviter le renfoncement de la face interne de la paroi lors du creusement du trou, qui s’adapte en fait au profil de la gorge. En conséquence, les comparaisons et les hypothèses quant à la chronologie d’une telle caractéristique typologique sont celles formulées pour la forme 20.
● Décors 20
115Ce type de décor, très simple, est constitué d’une fine incision localisée juste sous l’épaulement d’une écuelle carénée de forme 23 ou 24. Il s’agit là encore d’une caractéristique technique dans la mesure où ce trait limite deux traitements de surface différents entre la lèvre et le col, fréquemment lissés et graphités, et la panse, respectivement brute ou lissée. Le caractère ubiquiste de « décors » aussi élémentaires explicite leur datation très floue, entre le début de La Tène moyenne et la fin de La Tène finale, sur le site du Boisanne.
● Décors 21 à 34
116Nous avons regroupé pour l’analyse l’ensemble des décors lustrés réalisés à l’aide de l’extrémité mousse d’un outil en pierre, en os ou en bois dur lors du séchage des céramiques. L’extrême abondance des tessons ornés de cette manière (188 exemplaires) nous a pourtant encouragés à tenter une distinction entre les divers types, l’essentiel de l’information ainsi recueillie étant reporté sur les cartes de répartition annexées aux planches (fig. 98). En l’état actuel des connaissances sur la céramique armoricaine, et après l’étude de ce type de décor sur le site du Boisanne, il faut bien dire qu’aucune distinction chronologique nette ne peut être effectuée entre les divers motifs figurés.
117Les décors de stries rayonnantes, tant à l’intérieur des écuelles de forme 23 (21A, 22A, 25) qu’à l’extérieur des formes plus diverses (21B, 22B) sont très nombreux. Il en est de même pour les décors de croisillons (24, 26, 28) et, dans une moindre mesure, des décors de quartiers ornés de zigzags (23) ou simplement lustrés dans leur totalité (27). La catégorie 29 recense les décors de chevrons de tous types. Quant au no 30, il recouvre tous les décors complexes qui ornent la paroi externe de certains vases. Les motifs lustrés sur les faces externes ou internes des fonds d’écuelles se prolongent systématiquement par des stries rayonnantes sur les panses (21 ou 22), voire des quartiers ornés de zigzags (23) ou des croisillons lâches (24).
118Même si l’établissement du Boisanne est probablement le site à avoir fourni le plus grand nombre de tels décors, de nombreuses comparaisons peuvent être effectuées avec les céramiques de l’âge du Fer régional. On peut citer un vase décoré de croisillons découvert dans le souterrain de Plabennec/Kermoysan (Finistère) (Le Roux, Lecerf 1973 : no 16), attribué par l’auteur au début du iiie s. av. J.‑C., ou plusieurs tessons du souterrain de Quessoy/Grohan (Côtes‑d’Armor) (Guyader 1969 : B1, 1 031, B25, B35, B38 et 1 193) dont la datation, fournie par l’analyse 14C, (340 + 100 av. J.‑C.) n’est pas incompatible avec l’attribution vraisemblable du mobilier à La Tène moyenne. Parmi les contextes globalement plus tardifs, signalons les sites du Braden I (Le Bihan 1988 : 98, nos 1, 6, 7 ; Le Bihan 1984 : fig. 52, no 13) et du Braden II à Quimper (Finistère) (Le Bihan et al. 1987 : pl. I, no 1, pl. II, nos 1, 19, 21, pl. IV, no 21), datés des iie et ier s. av. J.‑C., ou encore celui de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989) daté de La Tène moyenne et, principalement, de La Tène finale. Remarquons également que la céramique qui contenait le dépôt monétaire de Trébry/La Ville Gourio (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1979 : p. 334, no 9), daté des environs de la Conquête, est orné d’un décor de type 21 A. Pour ce qui est des comparaisons extrarégionales relativement nombreuses, nous nous contenterons de citer certains vases de la nécropole de Tartigny (Oise) (Massy et al. 1986 : fig. 16, no 7, fig. 18, nos 1, 2, 4, fig. 20, nos 1, 2, 5, 6, fig. 21, no 13, fig. 23, no 24, fig. 25, nos 6, 7) datés du milieu du iiie s. av. J.‑C., ou encore les céramiques mises au jour sur le promontoire d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 218, no 508, 511, ill. 220, nos 1 844, 1 846, ill. 222, no512, 513, 602), considérées comme des importations d’Armorique datées de la 1re moitié du ier s. av. J.‑C.
119On peut donc considérer que de tels décors ornent les céramiques du milieu du iiie au milieu du ier s. av. J.‑C., avec quelques perdurations possibles jusqu’au règne d’Auguste, voire plus tard notamment pour les céramiques gallo‑romaines du Nord‑Finistère. De manière générale, il nous semble que les décors les plus tardifs sont, sur le site du Boisanne, extrêmement simples (stries multiples, croisillons, chevrons) et, souvent, mal réalisés. Les traits sont irréguliers, espacés de manière anarchique et se recouvrent fréquemment.
● Lèvre 15
120Ce type de lèvre, qui s’achève en bourrelets simples ou multiples, est apparemment caractéristique de certains gobelets tronconiques de type 21. Les comparaisons sont, par conséquent, celles formulées lors de l’analyse de cette forme.
● Lèvre 16
121Très proche de la lèvre 17, elle n’en diffère que par un léger ressaut de la face externe de l’extrémité, probablement dû au surplus de pâte repoussé lors de la réalisation de la cannelure interne. Les comparaisons ne peuvent être trouvées que dans les contextes où coexistent des lèvres du type 17, visiblement contemporaines. On citera simplement un tesson de l’habitat de Plérin/La Grève des Rosaires (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXVIII, no 1), daté du début de La Tène finale.
● Lèvre 17
122Ce type de lèvre largement éversée, qui surmonte le plus souvent des vases de forme 22 ou 23, est orné d’une fine cannelure (1 à 2 mm) sur la face interne. Il s’agit d’une des formes les plus fréquentes des rebords de vases de l’âge du Fer dans la péninsule Armoricaine. Les comparaisons régionales sont innombrables et recouvrent dans une large mesure celles effectuées pour la forme 23. On citera les contextes extrêmement représentatifs des souterrains de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : nos 1, 2, 16, 19, 33, 81, 82, 84), datables de La Tène moyenne, de Concarneau/Stang‑Vihan (Finistère) (Le Roux 1967 : nos 1, 23) et de Quessoy/Grohan (Côtes‑d’Armor) (Guyader 1969 : Bl, B3, B30, B31), de datations voisines, ou encore les habitats du Braden I et du Braden II à Quimper (Finistère) (Le Bihan 1984 ; 1988 ; Le Bihan et al. 1987), datés des iie et ier s. av. J.‑C. Ce type de lèvre, dérivé des formes 12 à 14 (fig. 95), a dû apparaître dès les années 250 av. J.‑C., être extrêmement fréquent durant le iie s. av. J.‑C. et disparaître progressivement à partir du début du ier s. av. J.‑C.
● Lèvre 18
123Cette lèvre à profil « en S » diffère du type précédent par l’absence de cannelure interne. Les comparaisons recouvrent largement celles évoquées pour la lèvre 17. Il est toutefois vraisemblable que cette forme perdure durant la majeure partie du ier s. av. J.‑C. si l’on en juge par les céramiques du Camp d’Arthus à Huelgoat (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 5, nos 4, 9, 13, 17, 19, 20, 58, 70) mises au jour en association avec des fragments d’amphores Dressel 1 et une monnaie osisme.
● Lèvre 19
124Ce type de lèvre à profil « en S » affadi est pratiquement vertical et s’arrondit à l’extrémité. Elle est fréquente sur les vases de forme 20. Assez ubiquiste, elle semble là encore concerner une assez large période allant du milieu du iiie au ier s. av. J.‑C.
● Fond 5
125Ce type de fond légèrement soulevé est pourvu d’un petit anneau de support nettement délimité par une cannelure sur la face externe. Il s’agit d’un type intermédiaire entre les fonds à peine esquissés par quelques incisions ou un léger bourrelet (types 7 et 8, fig. 99) et les réels pieds annulaires bien dégagés de la panse (types 11, 12 et 13, fig. 101) qui seront de règle à l’Époque gallo‑romaine. On peut citer à titre de comparaison une écuelle du cimetière de Guimiliau (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : 86‑87, no 21), datable du iie s. av. J.‑C., un tesson du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXIII, no 36), datable de la fin de La Tène ancienne ou du tout début de La Tène moyenne, la célèbre jatte peinte de Quimper/Parc‑ar‑Groas (Finistère) (Giot et al. 1979 : 335, no 11), probablement datable de La Tène moyenne (Giot 1989a), ainsi que plusieurs écuelles du souterrain de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Giot et al. 1968 : nos 3, 4, 6) de datation voisine. On retrouve là encore un type dont l’utilisation a dû débuter sur le site vers 250 av. J.‑C. pour se développer au cours du iie s. av. J.‑C. et disparaître au profit des pieds annulaires plus marqués, dès le début du ier s. av. J.‑C.
● Fond 6
126Ce fond plat est caractérisé par un épaississement net de la base provoqué par un bourrelet d’assise à section approximativement triangulaire. La jonction avec la partie inférieure de la panse, rectiligne, est marquée par une angulation nette, sans commune mesure avec l’inflexion qui caractérise nombre de fonds (par exemple les vases figurés à droite pour les formes 21 et 22). Il semble bien, si l’on en juge par la carte de répartition (fig. 98), que ce type soit, malgré quelques exemplaires mêlés au type précédent, plutôt situé quant à lui dans la phase tardive de la phase III, avec un début d’utilisation durant la 1re moitié du iie s. av. J.‑C., un large développement de celle‑ci vers la fin de ce siècle et la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. et enfin une disparition progressive du type après la Conquête. L’attribution chronologique d’une forme aussi simple paraît confirmée par les comparaisons régionales. Si l’on retrouve en effet des céramiques ayant des bases de ce type dans quelques contextes probablement datables de La Tène moyenne, tels Quessoy/Grohan (Côtes‑d’Armor) (Guyader 1969 : Al), avec toutefois un bourrelet aux angulations très mousses, la grosse majorité des fonds de ce type sont associés à des contextes de la 1re moitié du ier s. av. J.‑C., qui ont également livré des amphores de forme Dressel 1 a : le Camp de Huelgoat/Arthus (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 6, nos 63, 74) et Saint‑Malo/Alet (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët 1978 : D 9‑2, D 9‑4, EF 7, T 2‑105) par exemple ou, pour les contextes extrarégionaux, le Camp d’Avranche/Petit‑Celland (Manche) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 9, nos 43‑46, no 62) et le promontoire d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : no 527).
127La dispersion des fragments rattachés à cette phase III (fig. 98) marque une rupture extrêmement nette avec celle des tessons plus anciens. L’enclos initial et la mare, qui livraient jusqu’ici l’essentiel du mobilier datable, sont remplacés par les fossés localisés dans la partie sud du site, ou plutôt les terres de comblement de ces fossés rejetées lors de l’édification des palissades de type 6A (fig. 31). On notera également une concentration à l’emplacement où ont été découverts les fragments de statuettes. Quant à la chronologie d’une telle phase, elle semble bien pouvoir être située entre les années 250 et 50 av. J.‑C., le rejet de l’essentiel de ces formes sur le site du Boisanne pouvant vraisemblablement être rattaché au iie s. av. J.‑C.
Phase III ancienne. fig. 99, 100
128Cette phase réunit les caractéristiques typologiques qui nous ont semblé, de par leur dispersion sur le site ou les comparaisons avec les contextes de l’âge du Fer fouillés dans la région, pouvoir être rattachées aux céramiques les plus anciennes de la phase III. Il ne s’agit donc que d’un sous‑ensemble de cette phase plus globale, dont la constitution a pour objectif essentiel de percevoir l’évolution du site au cours de La Tène moyenne et de La Tène finale.

FIG. 99 – Céramiques de phase III ancienne.
YM del./MC

FIG. 100 – Dispersion des céramiques de phase III ancienne.
YM del./MC
● Forme 24
129Cette forme constitue un intermédiaire entre les écuelles de type 19 (fig. 95) et celles de type 23 (fig. 97). En effet, si la carène est bien marquée, comme dans les formes les plus tardives, l’extrémité de la lèvre, nettement moins éversée que celle de la forme 23, se situe approximativement à la verticale de l’épaulement comme pour les formes les plus anciennes. La cannelure interne est relativement fine (1 à 3 mm). Les parallèles régionaux, moins fréquents que pour la forme 23, existent néanmoins. On citera un tesson de l’habitat de Plérin/La Grève des Rosaires (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXVIII, no 1) daté par l’auteur du début de La Tène finale, une écuelle du souterrain de Plabennec/Kermoysan (Finistère) (Le Roux, Lecerf 1973 : no 9) daté du début du iiie s. av. J.‑C., et une céramique de l’habitat de Saint‑Donan (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XLVII, no 11) attribuée par P.‑R. Giot à La Tène moyenne, Les formes basses du souterrain du Ruguéré à Plouvorn constituent un intermédiaire avec un vase analogue au type 24 (Giot et al. 1971 : pl. LVIII, no 9), un autre au type 23 (pl. LVIII, no 8) et, enfin, un dernier proche des deux formes à la fois (pl. LVIII, no 7). Cet ensemble mobilier est attribué par P.‑R. Giot à La Tène moyenne.
● Forme 25
130Cet unique exemplaire a été attribué à la phase III ancienne sur la base de rares comparaisons typologiques. De plus, reconstituée à partir de tessons relativement importants et donc moins susceptibles de piégeages tardifs, cette forme a été mise au jour dans les remblais de calage d’une palissade qui semble bien avoir été établie pour la première fois au cours de cette phase. Si l’on excepte la large gorge qui orne le milieu de la panse, on peut trouver des éléments de comparaison dans le vase du tumulus de Prat/Tossen‑Kergourognon (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXXVI, no 1a), également orné de bandes peintes à l’hématite et de motifs de teinte gris‑noir sur fond rouge clair, daté de La Tène ancienne par P.‑R. Giot (Giot et al. 1979 : 317) du fait de l’association d’un caractère typologique tardif, la fine cannelure sur la face interne de la lèvre, et d’un motif « en équerre » considéré comme caractéristique du Hallstatt final. Un tesson du souterrain de Plouvorn/Le Ruguéré (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. LIII, no 1) pourrait bien provenir également d’une forme de ce type, la courbure très prononcée du sommet de la panse pouvant avoir été compensée, comme sur le vase du Boisanne, par un ressaut formant gorge. Ce vase, orné de bandes peintes et de ponctuations à l’hématite et au graphite, a été trouvé mêlé à du mobilier du début de La Tène moyenne. Signalons enfin une céramique également ornée de bandes peintes à l’hématite mise au jour sur le site de Paule/Saint‑Symphorien (Côtes‑d’Armor) (Le Potier, Arramond 1988 : vase no 238‑51‑52) en contexte avec des formes analogues à celles définies pour la phase III du site du Boisanne. En conséquence, nous sommes tentés d’attribuer ce vase à une période située approximativement entre 250 et 150 av. J.‑C., datation très large mais qui recouvre les incertitudes actuelles sur la chronologie des céramiques de l’âge du Fer en Armorique.
● Forme 26
131Ce type de coupe‑couvercle, très caractéristique et superbement ornée de bandes peintes à l’hématite, trouve son parallèle exact dans le tumulus de Prat/Tossen‑Kergourognon (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXXVII, no 1b), daté pour les raisons précédemment énoncées pour le vase ci‑dessus auquel il servait de couvercle, de La Tène ancienne. L’association avec un vase de forme voisine du type 25, constatée à Prat (Côtes‑d’Armor), nous conduit à proposer une datation voisine pour ces coupes, entre 250 et 150 av. J.‑C.
● Forme 27
132Représentée par 5 exemplaires fragmentaires sur le site du Boisanne, la forme de cette coupe à haut col a pu être restituée dans la mesure où elle constitue l’un des types fréquents de la céramique régionale. Le décor de cordons assez larges et la fine cannelure interne sur la face externe de la lèvre sont systématiques. Les parallèles sont nombreux dans l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ebihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 16, nos 9, 10, pl. 17) datée de La Tène moyenne. On citera également les céramiques de Quimper/Parc‑ar‑Groas (Finistère) (Giot et al. 1979 : 316), de Concarneau/Stang‑Vihan (Finistère) (Le Roux 1967 : fig. 4, no 28) ou de Quimper/Le Braden (Finistère) (Le Bihan 1984 : fig. 50, no 6), probablement datables de la 1re moitié du iie s. av. J.‑C.
● Décors 35
133L’attribution chronologique des décors de cannelures, faciles à réaliser dès lors que le tour du potier est employé, est relativement délicate. Ce n’est donc que sur des critères de dispersion que certains de ces décors ont été considérés comme caractéristiques de la phase III ancienne. Il est bien évident que ce rattachement à une période donnée n’est, en l’état actuel de nos connaissances sur la céramique régionale, suggéré que pour le site du Boisanne. Le type 35 est caractérisé par la présence de deux cannelures, assez larges et espacées d’environ 1 cm, et localisées au diamètre maximal de la panse.
● Décors 36
134Cette catégorie regroupe les différents types de décors de stries multiples incisées : les stries assez larges et disposées de manière régulière sur l’ensemble de la surface du vase (A), les stries serrées et groupées en bandes ornementales sur la paroi (B) et enfin les stries espacées de manière irrégulière sur tout ou partie de la paroi (C). Les cartes de répartition de ces trois catégories sont similaires, et témoignent vraisemblablement de leur stricte contemporanéité. Les parallèles sont extrêmement nombreux. On peut citer, parmi les contextes les plus anciens datés de La Tène moyenne, les souterrains de Saint‑Glen/Le Bourg (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. LI, nos 5‑7), de Saint‑Donan (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XLIII, no 2, pl. XLIV, no 7), de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : nos 19, 20, 38, 40, 69 et 70) et de Concarneau/ Stang‑Vihan (Finistère) (Le Roux 1967 : fig. 2, no 1, fig. 3, no 11, fig. 4, no 6) ou encore l’habitat de Plérin/La Grève des Rosaires (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXIX, nos 10, 21). Quelques contextes attribués à la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. présentent néanmoins des tessons ornés de cette manière, les stries multiples étant généralement très fines, serrées et régulièrement espacées car réalisées au tour rapide. On peut citer de nombreux vases du Camp de Huelgoat/Arthus (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 5, nos 2, 4, 12, 18, fig. 6, nos 57, 59) et du promontoire d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 220, nos 527, 589, 1 780). Toutefois, et malgré ces exemples tardifs, il semble bien que ce type de décor puisse être considéré comme caractéristique, sur le site du Boisanne, d’une période comprise entre les années 250 à 150 av. J.‑C. Cette datation, relativement ancienne, correspondrait par ailleurs avec l’irrégularité des stries fréquemment constatée et qui pourrait témoigner de l’usage d’un tour relativement lent ou mal maîtrisé.
● Décors 37
135Ce décor est constitué d’une simple cannelure fine et relativement profonde destinée à souligner la carène. De nombreux parallèles existent dans l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ebihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 12, nos 1, 6, 7, pl. 13, no 14, pl. 14, nos 3, 7, 8, pl. 15, nos 5, 7, pl. 16, no 3), datés de La Tène moyenne.
● Décors 38
136Ce type de cordon, large, diffère du décor 18 (fig. 97) par la présence de traits incisés le délimitant avec précision. Il devait le plus souvent orner des formes de type 171. Les parallèles peuvent là encore être trouvés dans l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/ Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 17, nos 5, 9).
● Décor 39
137Ce type réunit tous les décors peints à l’hématite, qui associent généralement des bandes horizontales à quelques motifs simples, délimités ou non par des traits incisés (pl. 4, 64.1 ; pl. 7, 84.18 ; pl. 14, 114b.8 ; pl. 18, 128.1 ; pl. 27, 136.1). Si les décors peints existent dès le premier âge du Fer, comme en témoignent par exemple les tessons du site de Ouessant/Mez‑Notariou (Finistère) (Le Bihan, Robic 1990), ils ne présentent jamais l’allure de bandes horizontales délimitées par des incisions, la réalisation de tels décors étant facilitée par l’usage du tour. Nous considérons en fait une telle ornementation peinte comme caractéristique de La Tène moyenne dans la péninsule Armoricaine, ce qui n’est pas en contradiction avec les comparaisons déjà formulées pour les formes 25 et 26. Il est cependant possible que les motifs bordés de traits incisés et formant des esses ou de grandes palmettes, qui sont généralement renforcées par la juxtaposition de surfaces peintes au graphite et à l’hématite, fassent en fait référence à La Tène ancienne, comme en témoigne un superbe fragment du souterrain de Saint‑Vougay/Enez‑Vihan (Finistère) (Clément 1985 : 289‑290, d’après une information de M. Le Goffic), daté par l’auteur de la fin du ive s. av. J.‑C.
● Décors 40
138Ce type correspond aux fonds ornés sur la face externe de stries multiples, et fait directement référence aux décors de type 36. Les comparaisons et la chronologie proposées sont par conséquent identiques.
● Lèvre 20
139Ce type de lèvre, soulignée sous l’extrémité arrondie d’une fine cannelure, correspond à des gobelets tronconiques de forme 21. Il semble bien, si l’on en juge par la carte de répartition (fig. 100), que ce détail typologique corresponde bien à la phase III ancienne définie pour le site du Boisanne. Les comparaisons ne contredisent pas une telle hypothèse. De telles lèvres sont en effet bien présentes dans plusieurs contextes de la fin du iiie ou du iie s. av. J.‑C. : les souterrains de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : no 8) et de Plouvorn/Le Ruguéré (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. LVI), ou encore l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ebihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 20, nos 8, 10, 12, pl. 21, nos 1, 2). On notera cependant que de tels rebords de gobelets existent également dans l’excavation B pratiquée sur ce dernier site et considérée comme homogène et plus tardive (Daire 1989 : pl. 3, no 9‑12 ; pl. 11, no 8‑10).
● Lèvre 21
140Ce type de lèvre, très proche des caractéristiques de la lèvre 17, n’en diffère que dans la mesure où elle est plus courte, moins éversée et nettement plus recourbée sur elle‑même. Elle se rapproche en cela des lèvres 12 ou 13 (fig. 95), malgré la finesse de la cannelure (1 à 2 mm) qui orne sa face interne. Là encore, la dispersion des lèvres de ce type semble bien valider une distinction typologique fondée sur des critères aussi faibles. Les comparaisons sont nombreuses avec les céramiques de l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 12, nos 5, 9, 10, pl. 13, nos 3, 6, 7, 16, pl. 14, nos 3, 4, 8, 10, 11, pl. 15, no 7...) attribuée à La Tène moyenne.
● Lèvre 22
141Ce type de lèvre, pratiquement droite et dont l’extrémité arrondie est ornée d’une fine cannelure interne, semble caractéristique des vases de forme 20 ou 25.
● Fond 7
142Ces fonds, légèrement soulevés, présentent une jonction avec la panse assez affadie mais soulignée par des incisions qui semblent délimiter un anneau de support. Les références régionales les plus anciennes concernent des céramiques de la fin de La Tène ancienne. On peut citer dans ce cadre les tessons du souterrain de Commana/Pendreff (Finistère) (Le Roux, Giot 1965 : no 4) ou le souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXI, nos 33, 34, pl. XXIII, no 36). La période de prédilection d’une telle forme est néanmoins La Tène moyenne, comme en témoignent les nombreux fragments des souterrains de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère) (Giot et al. 1968 : no 1) ou de Kerien/Le Paou (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1978 : nos 7, 30, 31, 36), ainsi que plusieurs fonds découverts dans l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 12, no 13, pl 15, no 8, pl. 16, no 5). Cette forme évoluera progressivement vers les fonds de type 5 précédemment décrits (fig. 97), où l’anneau de support est nettement dégagé de la paroi.
● Fond 8
143Ici, l’anneau de support n’apparaît en rien sur la face externe et résulte simplement d’un surcreusement de la base de la céramique. La répartition d’une telle caractéristique rend là encore, malgré le faible nombre des exemplaires retrouvés (8), son attribution à cette phase vraisemblable.
● Fond 9
144Ce type de fond, très caractéristique, est plat, orné d’un trait incisé sur la face externe et sert de support à un départ de panse galbé caractérisé par une face externe à courbure concave. Les parallèles que nous avons pu trouver vont de la fin de La Tène ancienne à la fin de La Tène moyenne. On peut citer les tessons du souterrain de Hénon/Le Blavet (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXIV, no 38), de Plouvorn/Le Ruguéré (Finistère) (Giot et al. 1971 : pl. LIV, no 2, pl. LXII, no 17) ou de l’excavation A du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 26, no 14).
● Fond 10
145Ce type correspond de toute évidence au tenon de préhension d’un couvercle de type 26. Les comparaisons et la chronologie proposée sont par conséquent identiques. On notera que les deux exemplaires retrouvés sont peints à l’hématite avec de plus, pour un exemplaire, une enduction de graphite sur la face supérieure.
146La dispersion des tessons que nous jugeons caractéristiques de la phase III ancienne (fig. 100) diffère quelque peu de celle établie pour les fragments datables de la phase III (fig. 98). Le fossé le plus à l’est du site est en effet largement sous‑représenté, ainsi que, dans une moindre mesure, l’espace situé le plus au nord et où, à une date plus tardive, ont été rejetés les fragments de statuettes. La chronologie que nous proposons pour l’ensemble des céramiques figurées sur cette planche correspondrait à une période comprise approximativement entre les années 250 et 150.
Phase IV. fig. 101, 102
147Cette phase réunit les récipients de facture protohistorique qui nous ont semblé être les plus tardifs sur le site du Boisanne. Dans la mesure où ce lot céramique peut être vraisemblablement attribué au ier s. av. J.‑C., il est bien évident que les vases les plus anciens dessinés sur cette planche ont sans nul doute coexisté avec les poteries les plus tardives dessinées sur la fig. 97. Il semble bien toutefois que l’on assiste là encore, vers le début du ier s. av. J.‑C., à une modification profonde du corpus des formes, probablement motivée par une maîtrise complète de l’usage du tour rapide utilisé cette fois de manière systématique dans les ateliers qui produisent l’essentiel des poteries.

FIG. 101 – Céramiques de phase IV.
YM del./MC

FIG. 102 – Dipersion des céramiques de phase IV.
YM del./MC
● Forme 28
148Ce type de vase dérive très certainement des pots à stries multiples de forme 22 (fig. 97). Il en diffère toutefois par une panse plus galbée et une lèvre plus petite et sans cannelure interne. Le décor de stries est ici limité à trois ou quatre incisions groupées et localisées sous le col (décor 44). Ces pots, dont les surfaces sont le plus souvent restées brutes de façonnage, montrent fréquemment les traces d’un montage au tour rapide. Les traces de suie sont fréquentes sur la face externe. On peut citer comme parallèles de nombreuses céramiques de l’excavation B du site de Saint‑Jacut‑de‑Ia‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 4, nos 3, 5, pl. 7, no 3, pl. 8, no 3), datables du ier s. av. J.‑C., ou quelques tessons du site d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 220, nos 522 et, malgré la présence d’une cannelure interne, 1 298). Notons enfin que des poteries de formes extrêmement proches ont été mises au jour sur le briquetage de Plouhinec/Mesperleuch (Finistère), en association avec un fragment de fibule de Nauheim (Gouletquer 1967 : fig. 8a, f), ou encore sur le sanctuaire probable de Mellac/Le Buzit (Morbihan), en association avec un dépôt monétaire approximativement contemporain de la Conquête, ainsi que des amphores vinaires de type Dressel 1 (Clément 1980 : fig. 8, no 2).
● Forme 29
149Ces écuelles sont caractérisées par une panse tronconique, une carène mousse, ornée d’une ou deux cannelures incisées et une petite lèvre éversée. Là encore, les traces du montage au tour rapide sont fréquemment conservées sur les surfaces exemptes de lissage. Parmi les nombreux parallèles possibles, citons un vase du souterrain de Plouguenast/Malabry (Côtes‑d’Armor), daté par une analyse 14C de 80 + 110 av. J.‑C. et qui pourrait être, si l’on en juge par la présence d’une fine cannelure sur la face interne de la lèvre, un des exemplaires les plus anciens de cette forme (Giot et al. 1978 : 45‑49). Mentionnons également les céramiques de Landeda/Île Guennoc (Finistère) (Daire 1987 : pl. 43, no 2), de Saint‑Malo/Alet (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët 1978 : nos D9‑4 et E5‑34c) de Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 220, no 1 994), ou encore de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 4, nos 1, 4 et 6, pl. 5, nos 1, 8, pl. 6, 7, no 1), toutes datables du ier s. av. J.‑C.
● Forme 30
150Ces écuelles diffèrent de la forme précédente par la présence d’un méplat sur la face externe de la carène et l’absence de cannelures à l’épaulement. Les parallèles sont relativement rares. On peut néanmoins citer une céramique de la nécropole de Kerné à Quiberon (Morbihan) (Daire 1987 : pl. 88, no 1), qui a livré par ailleurs des fragments d’amphores vinaires ainsi qu’un vase bobine en terra nigra datable de la fin du ier s. av. J.‑C., ou encore, malgré la présence d’un décor de cannelures, la forme proche d’Hengistbury‑Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 220, no 1 844), datée de la 1re moitié du ier s. av. J.‑C.
● Forme 31
151Ce type d’écuelle diffère des formes précédentes par la présence d’un col droit dont la jonction avec la panse est soulignée par un cordon. On peut citer à titre de comparaisons des céramiques du site de Quimper/Le Braden II (Finistère) (Le Bihan 1984 fig. 51, no 9 ; Le Bihan 1988 : 98, no 4) ou du promontoire d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 222, no 602), datables du ier s. av. J.‑C.
● Forme 32
152Cette catégorie regroupe un type de céramiques bien connu dans les phases les plus tardives des habitats de l’âge du Fer régional et identifié sous l’appellation de « céramiques fines à cordons », traduction du terme « black cordonned wares » employé depuis plus d’une dizaine d’années par les auteurs britanniques. Ces poteries, aux pâtes fines et sans dégraissant visible à l’œil nu, ont été de toute évidence montées au tour rapide. Les parois, minces, sont ornées de plusieurs cordons réguliers, peu épais mais nettement détachés de la panse et souvent délimités par des cannelures. Les surfaces sont toujours soigneusement lustrées et, le plus souvent, de couleur gris foncé ou noire. La lèvre, fine, est éversée. Parmi les nombreux parallèles possibles, signalons simplement les céramiques d’Alet à Saint‑Malo (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët 1978 : « céramiques noires fines ») associées à du mobilier (amphores, monnaies...) datable du ier s. av. J.‑C. et du début du ier s. ap. J.‑C., plusieurs tessons de l’oppidum du Petit Celland à Avranches (Manche) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 8, nos 1‑15) associés à 21 monnaies datées par l’auteur des environs de la guerre des Gaules, ainsi que les vases du site d’Hengistbury Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 218, no 501, 1 322, 3 058) attribués à la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. On notera également l’excavation B du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor), datable des phases finales de La Tène et qui a livré de telles céramiques en grand nombre (Daire 1989 : pl. 2, nos 1‑4, pl. 3, nos 1‑6).
● Forme 33
153Cette forme fait succéder à une panse à profil externe, probablement convexe, un col à profil concave orné de cordons. Il s’agit là encore d’un type bien connu au ier s. av. J.‑C. dans la péninsule Armoricaine. On peut citer comme parallèles les céramiques du Braden II à Quimper (Le Bihan et al. 1987 : pl. III, no 14), de Mellac/Le Buzit (Finistère) (Clément 1980 : fig. 8, nos 1, 3), ou encore de Quimper/Le Braden I (Finistère) (Le Bihan 1984 : fig. 30, 48, nos 4, 5 ; Daire 1987 : pl. 64, no 1).
● Forme 34
154Ce type de petit vase à lèvre courte, épaissie et soulignée d’une cannelure très peu marquée sur la face interne, est orné d’un cordon à l’épaulement. Signalons, à titre de comparaison, une céramique du site de Quimper/Le Braden I (Finistère) (Le Bihan 1984 : fig. 48, no 2), proche de cette forme du Boisanne, trop incomplète pour pouvoir être considérée comme réellement représentative.
● Forme 35
155Cette catégorie regroupe l’ensemble des formes basses et largement ouvertes, proches des assiettes et des coupes d’époque gallo‑romaine mais qui nous ont paru, d’après leurs caractéristiques techniques, devoir être incorporées dans les phases tardives des céramiques de facture protohistorique. Il est toutefois probable que les poteries figurées sur cette planche ont été fabriquées à une date postérieure à la Conquête, durant la seconde moitié du ier s. av. J.‑C. Nous citerons à titre de comparaisons plusieurs formes du site de Saint‑Malo/Alet (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët 1978 : E 5 87, D 9 4), mises au jour avec des amphores et des monnaies probablement antérieures au règne de Tibère.
● Forme 36
156Cette forme, très incomplète, ne peut être identifiée avec certitude à cette phase. Toutefois, la forme de la lèvre, les nombreuses traces de montage au tour rapide ainsi que l’allure du col, proche de celui de la forme 28, nous l’ont fait considérer comme tardive.
● Décors 41, 42 et 43
157Nous avons réuni les trois types de cordons dans la mesure où leurs différences, somme toute minimes, ne paraissent pas refléter de distinctions chronologiques. Les nos 41 et 42 correspondent à des bourrelets larges et localisés, pour le premier, à la carène, pour le second, immédiatement sous la lèvre. Seule leur position permet de les différencier du décor 18 (fig. 97), lui aussi peu prononcé et provoqué soit par un léger épaississement de la paroi, soit par une légère inflexion dans le profil de celle‑ci, comme pour la forme 34 par exemple. Quant aux cordons de type 43, ils sont bien plus fins et résultent du creusement de deux cannelures très proches, la pâte ainsi repoussée étant accumulée en un fin bourrelet ultérieurement régularisé. Le lissage de la surface a parfois fait disparaître toute trace des incisions latérales en les fondant dans une légère inflexion de la paroi.
158Il semble bien que, malgré une densité probablement plus forte dans les contextes les plus tardifs, les cordons commencent à apparaître dès la fin du iiie s. av. J.‑C. pour se développer jusqu’à la fin de La Tène et même au début de l’Époque romaine. La valeur chronologique de ces différents types est donc tout à fait relative. On notera à cet égard que dans le souterrain de Plouegat‑Moysan/Bellevue (Finistère), que nous attribuons pour notre part à La Tène moyenne, un vase est déjà orné d’un décor de type 43 parfaitement réalisé et généralement considéré comme très tardif (Giot et al. 1968 : no 14). Signalons également que les cordons sont fréquents sur les vases de la nécropole de Tartigny (Oise) attribuée au iiie s. av. J.‑C. (Massy et al. 1986).
● Décor 44
159Ce décor, qui orne uniquement des céramiques montées au tour, est constitué de 3 à 4 fines incisions régulières et groupées immédiatement sous la lèvre, à l’exclusion de toute autre bande décorative sur le reste du vase. Il diffère en cela des stries multiples du type 36B (fig. 99). Parmi les nombreuses comparaisons possibles, nous citerons l’excavation B du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 4, nos 3, 9, pl. 7, no 3, pl. 8, no 3), l’éperon barré de Saint‑Malo/Alet (Ille‑et‑Vilaine) (Langouët 1978 : D114), le Camp de Huelgoat/Arthus (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : no 2) ou encore le site d’Hengistbury‑Head dans le Dorset (Grande‑Bretagne) (Cunliffe 1987 : ill. 220, nos 198, 1 992, 1 998, 1 884, 1 298, 522). Ce type de décor, dont la détermination ne peut être effectuée que sur des tessons relativement importants afin de les différencier des stries multiples, nous paraît pouvoir être attribué au ier s. av. J.‑C.
● Décors 45
160Cette double cannelure qui orne le diamètre maximal de certains vases diffère du type 35 (fig. 99) par la proximité des deux gorges, qui sont en outre bien plus étroites. Les parallèles, nombreux, concernent apparemment le ier s. av. J.– C. On peut citer les céramiques du souterrain de Plouguenast/Malabry (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1978 : 45‑49) pour lequel une analyse 14C a fourni la date de 80 + 110 av. J.‑C., celles du cimetière de Quiberon/Port‑Bara (Morbihan) (Daire 1987 : pl. 93, no 1) ou de Landeda/Île Guennoc (Finistère) (Daire 1987 : pl. 43, no 2, pl 44, nos 3, 4, 6, pl. 45, no 3). Le petit pot qui contenait le dépôt monétaire de Carantec/lle Callot (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957 : fig. 24, no 23) daté des environs de la guerre des Gaules, est également orné d’un décor de ce type. Signalons enfin les nombreux exemples de l’excavation B de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Daire 1989 : pl. 4, no 6, pl. 5, no 8, pl. 7, no 1).
● Lèvre 23
161Ce type de lèvre est caractérisé par une inflexion très nette, proche de 90o à la jonction avec une panse qui se referme progressivement vers l’embouchure. La céramique est toujours parfaitement régulière, manifestement montée au tour rapide. On peut citer à titre de comparaison les tessons découverts sur l’île Agot à Saint‑Briac (Ille‑et‑Vilaine) associés à des fragments d’amphores vinaires Dressel 1 et un statère coriosolite de classe I (Daire 1987 : pl. 75, no 3), ou ceux de Landeda/Île Guennoc (Finistère) (Daire 1987 : pl. 44, no 5, pl. 45, no 4, pl. 42, nos 9, 11).
● Lèvre 24
162Cette lèvre éversée diffère du type 16 (fig. 97), largement épaissi à l’extrémité, par l’absence de cannelure interne. Des parallèles peuvent être faits avec des tessons de Landeda/Île Guennoc (Finistère) (Daire 1987 : pl. 4, pl. 42, nos 4, 7) ou de Quimper/Le Braden II (Finistère) (Le Bihan et al. 1987 : pl. I, nos 6, 5, 9, pl. II, nos 4, 7, 10, 11, pl. III, no 14, pl. IV, no 1), datables du ier s. av. J.‑C.
● Lèvre 25
163Cette lèvre, qui présente de multiples méplats, a manifestement été régularisée au tournassin lors du montage du vase au tour rapide. Elle correspond, malgré une pâte brune analogue aux céramiques de facture protohistorique dessinées sur cette planche, à un type qui se développera notablement à l’Époque gallo‑romaine (fig. 103, no 198.2 par exemple).
● Lèvre 26
164Cette lèvre, manifestement réalisée au tour rapide, se redresse à la verticale et s’achève par un large bourrelet arrondi. Un léger ressaut marque la jonction avec la panse. Seules la parfaite régularité de la courbure et les nombreuses stries de tournage nous ont fait attribuer ce tesson à la phase IV.
● Lèvres 27 à 29
165Ces trois lèvres, caractéristiques des coupes ou assiettes de forme 35, doivent dater, comme les deux types précédents, de la seconde moitié du ier s. av. J.‑C., voire du tout début de notre ère.
● Fond 11
166Ce fond est caractérisé par la présence d’un anneau de support bien dégagé de la paroi et dont les angles vifs ont été régularisés lors du tournage. Ces pieds annulaires seront ultérieurement la norme sur les terra nigra du ier s. ap. J.‑C.
● Fond 12
167Cette catégorie réunit les fonds munis d’un anneau de support élevé, relativement fin et soigneusement lustré. Ce type est très caractéristique des formes de type 32. Les comparaisons sont par conséquent identiques, ainsi que la datation proposée.
● Fond 13
168Ce type de fond légèrement soulevé est épaissi à la base et supporte une paroi à face externe convexe. La jonction avec la panse forme un angle aigu. Il s’agit là encore, malgré l’allure protohistorique des pâtes des tessons ici présentés, d’une caractéristique qui se retrouvera sur nombre de céramiques d’époque romaine.
169La dispersion des tessons que nous jugeons caractéristiques de la phase IV (fig. 102) est assez nettement différente de celle des fragments de la phase III (fig. 98). Seuls deux fossés, localisés dans la partie est de l’habitat, ont en effet livré de telles formes ou décors en quantité significative. Signalons également une concentration notable à l’emplacement du possible sanctuaire. La chronologie que nous proposons pour les vases figurés sur la fig. 101 couvre tout le ier s. av. J.‑C., avec une perduration probable de quelques exemplaires tardifs durant le règne d’Auguste.
Phase V : l’époque gallo‑romaine. fig. 103, 104
170Nous avons réuni pour l’établissement de la carte de répartition des tessons de cette phase céramique l’ensemble des vases, peu nombreux, dont la facture permettait de les attribuer sans nul doute à l’Époque gallo‑romaine. Pratiquement toutes les formes identifiables sont dessinées sur la fig. 103. Il s’agit non seulement des récipients tournés et caractérisés par une pâte grise et sonore, mais aussi de vases en terra nigra, en sigillée ou de cruches de couleur beige ou rouge.
171Les exemples dessinés proviennent de l’espace qui a livré des fragments de statuettes (199) ou de la carrière toute proche (198). Les tessons 199.35, 199.14, 31 et 32, 199.34, 199.63, 199.5, 198.1 et 199.7 correspondent tous à des types bien connus dans le corpus des terra nigra régionales (Menez 1985). Ils couvrent tout le ier s. ap. J.‑C. Les fragments 199.21 et 59, 198.2 et 199.66 sont caractéristiques des céramiques de production locale mises au jour en grand nombre sur la ville gallo‑romaine de Corseul (Côtes‑d’Armor), capitale de la cité des Coriosolites, distante d’une vingtaine de kilomètres du site du Boisanne. L’état actuel des connaissances sur la céramique commune régionale d’époque romaine ne permet pas de leur attribuer une datation précise.
172On notera la présence d’une coupelle en sigillée de forme Dragendorf 35‑36 ornée de feuilles d’eau (199.164) et celle d’un vase de forme Dragendorf 30 orné de guillochis (199.69). Une marmite tripode (199.6), enduite de mica doré et partiellement recouverte de suie, correspond à une forme fréquemment rencontrée dans le centre de la France. On notera enfin la présence d’une anse bifide en céramique blanchâtre (199.40), fragment probable d’une amphore de type Pascual 1.

FIG. 103 – Céramiques de phase V.
YM del./MC

FIG. 104 – Dispersion des céramiques de phase V
YM del./MC
173Tous ces éléments sont datables du ier s. et, éventuellement, du tout début du iie s. ap. J.‑C. Seul un petit fragment de sigillée moulée, très usé mais où l’on reconnaît les oves et la courbure d’une forme Dragendorf 37, pourrait être plus tardif, vraisemblablement du iie ou du iiie s. ap. J.‑C. Il a été mis au jour dans la carrière localisée dans la partie sud de l’établissement laténien. La dispersion de l’ensemble des tessons de cette phase concerne, pour l’essentiel, la zone où ont été mis au jour les fragments de statuettes et, dans une moindre mesure, les carrières localisées à la périphérie des fossés protohistoriques. Elle reflète tout à fait faire de répartition des fragments de tuiles, tegulae ou imbrices, mis au jour en quantité plus importante.
3.2.3.4 Phasage et critique de la méthode
174La chronologie proposée pour les diverses phases céramiques lors de l’analyse des planches typologiques est synthétisée sur la fig. 105. Il est bien évident que le corpus de vases utilisés sur le site n’a pas brusquement changé et que, si de nombreux rejets d’ordures ponctuels, localisés et ultérieurement non perturbés avaient pu être identifiés lors de la fouille, on aurait très certainement retrouvé les tessons d’une phase mêlés avec quelques fragments caractéristiques soit de la phase immédiatement antérieure, soit de celle immédiatement plus tardive. Cependant, si cette méthode tend à privilégier les ruptures, elle nous paraît néanmoins intéressante par plusieurs de ses caractéristiques.

FIG. 105 – Chronologie proposée pour les diverses phases céramiques.
YM del./MC
175Privilégiant le nombre des tessons par rapport à leur état de conservation, leur superficie ou leur caractère esthétique, elle évite à l’archéologue de se laisser influencer par la présence d’une ou plusieurs belles céramiques dans un fossé ou une fosse donnée, et de s’appuyer sur ces quelques éléments, les seuls dessinés et donc les seuls manipulables lors de la rédaction de la publication, pour fonder la chronologie de l’occupation. Elle oblige en fait le chercheur à tenir compte des petits tessons, souvent considérés comme des éléments erratiques non significatifs qui, relativement nombreux pour peu que l’on s’attache à les identifier par un examen de tous les fragments, viennent perturber les schémas chronologiques trop simplistes qui peuvent être faits sur des sites aussi arasés.
176Cette méthode permet également, tout en dissociant parfaitement ce qui revient à chaque intervenant, d’établir, malgré les nombreuses perturbations qui ont affecté la plupart des excavations, un réel « dialogue » entre les structures et le mobilier qu’elles ont livrés, La dispersion des types les plus caractéristiques et les mieux datés dans le corpus céramique régional permet d’appréhender, pour une époque donnée, la superficie sur laquelle des rejets d’ordures ont été effectués sur le site. À l’inverse, et par un choc en retour, si faire de dispersion d’une caractéristique jusqu’ici non détectée comme chronologiquement significative dans le corpus des formes armoricaines recouvre exactement cette surface, son attribution à la phase céramique considérée pour cette époque devient plausible sur le site du Boisanne. Notons enfin que l’obtention, pour les huit phases ou sous‑phases établies, de cartes de dispersion des critères typologiques‑permet d’ajouter aux quatre phases définies à l’issue de l’analyse des fossés (fig. 43) des documents indépendants et dont l’existence s’avérera fondamentale lors de l’élaboration de la synthèse, c’est‑à‑dire de la reconstitution de l’évolution de l’établissement du Boisanne (cf. infra § 4.4).
177Signalons enfin que le phasage céramique proposé est totalement réversible, ce qui n’est pas son moindre avantage. En effet, il est possible, et même souhaitable, de critiquer la validité de tel ou tel critère typologique, ou son appartenance à une phase donnée, ou encore la chronologie absolue que nous proposons pour sa période d’utilisation sur le site. Chaque carte de dispersion étant individualisée, et chaque critère étant précisément identifié et dessiné, tout chercheur peut remodeler à sa guise, sans être rebuté par le fastidieux travail que constitue la dissection d’un enregistrement informatisé, les planches que nous proposons, et confronter à ses propres notions en céramologie l’évolution de l’occupation sur le site, Nous espérons qu’il sera ainsi possible, dans les décennies à venir et lorsque nos connaissances sur les poteries de l’âge du Fer auront été modifiées par la fouille de milieux stratifiés datables par dendrochronologie par exemple, de reprendre les données du Boisanne et de modifier ou de préciser le calage chronologique que nous proposons pour l’histoire de cet établissement agricole.
3.2.4 Étude statistique de quelques critères
178Sans tenter d’exploiter l’ensemble des informations enregistrées lors de l’analyse des tessons du Boisanne, nous avons toutefois voulu, par quelques exemples, illustrer les potentialités que recèle un tel fichier informatisé.
179La première courbe que nous avons tracée (fig. 106) recense l’ensemble des diamètres à la lèvre, au nombre de 726, qui ont pu être mesurés. Il est bien évident que, dans le cas de vases modelés, l’estimation du diamètre à partir d’un fragment est délicate. Toutefois, il semble bien que le nombre élevé des mesures atténue l’impact de ce type d’erreur sur le résultat final. En effet, on observe une distribution pratiquement régulière, qui prend la forme d’une courbe de Gauss, autour d’une valeur médiane qui se situerait entre 17 et 21 cm. Il faut bien dire que l’apport d’une telle approche, évidente car directement issue des nombreuses mesures effectuées, est très limité. Son unique intérêt est de montrer, mieux que ne le feraient les planches céramiques (cf. infra) sur lesquelles les petits vases et les formes basses dont les profils, plus facilement restituables, sont systématiquement privilégiés, ce qui, parmi les céramiques, constitue la « norme » par la taille. Ainsi peut être mise en évidence la rareté des grands vases, d’un diamètre à la lèvre supérieur à 40 cm (2 exemplaires) et qui ont pu, plus que d’autres, servir de récipients pour le stockage des denrées alimentaires.

FIG. 106 – Histogramme des diamètres à la lèvre.
YM del./MC
180Une approche plus intéressante des informations recensées lors de l’étude des lèvres consiste à examiner un détail typologique particulier aux céramiques de l’ouest de la Gaule et du sud‑ouest des îles Britanniques : la cannelure qui orne fréquemment la face interne du rebord. Il est en effet de tradition de considérer que la largeur de ce détail typologique, qui apparaît à La Tène ancienne, décroît régulièrement pour disparaître à la fin de l’âge du Fer. Nous avons tenté de mettre en évidence ce phénomène de deux manières différentes.
181Une première planche (fig. 107) permet de retracer, par l’intermédiaire des cartes de dispersion de six classes de largeur, l’évolution spatiale déjà notée entre la phase II ancienne (fig. 94) et la phase III (fig. 98). Le caractère chronologique de la largeur de la cannelure paraît donc bien devoir s’appliquer aux céramiques du Boisanne.

FIG. 107 – Dispersion des céramiques en fonction de la largeur des cannelures internes à la lèvre.
YM del./MC
182Une deuxième planche (fig. 108) permet, à partir d’un corpus restreint aux fragments suffisamment caractéristiques (lèvres, formes, décors) pour pouvoir être rattachés à une phase donnée, d’établir des histogrammes recensant, pour cette phase, l’ensemble des largeurs de cannelures mesurées. On observe, de la phase II ancienne où apparaissent les premières céramiques à cannelures, à la phase IV où celles‑ci semblent disparaître, un net glissement des valeurs vers la gauche de l’axe des abscisses, et donc une nette diminution de la largeur des cannelures mesurées. Ce phénomène a été synthétisé sur une courbe (fig. 109) sur laquelle les moyennes arithmétiques (somme des largeurs de cannelure mesurées divisée par le nombre des mesures effectuées) ont été reportées phase par phase. On note, là encore, une nette décroissance des « largeurs moyennes » des cannelures au fil du temps.

FIG. 108 – Évolution, phase par phase, des largeurs de cannelures internes à la lèvre.
BRH del./AFAN d’ap. YM/MC

FIG. 109 – Évolution, phase par phase, de la moyenne arithmétique des largeurs de cannelures internes à la lèvre.
YM del./MC
183Nous n’avons pas tenté, comme cela a pu être fait sur d’autres sites (Daire 1985), de calculer le pourcentage de rebords à cannelure interne par rapport au nombre total de lèvres identifiées. En effet, une telle combinaison n’aurait de sens qu’époque par époque sur le site du Boisanne où l’occupation s’étend sur plus de cinq siècles. Or, plusieurs phases céramiques, notamment celles de La Tène ancienne, n’ont pu être identifiées que par les céramiques fines ou luxueuses, c’est‑à‑dire celles qui portent le plus souvent les cannelures internes. Il nous était en effet impossible, pour ces phases, de discerner la vaisselle de cuisine, vases de stockage ou de cuisson, dont les formes modelées étaient probablement trop ubiquistes pour être caractéristiques d’une période. Un pourcentage de cannelure, avoisinant probablement 100 % pour les phases céramiques II ancienne et II tardive, n’aurait eu aucun sens. Notons cependant qu’il semble bien, et le phénomène est visible sur la fig. 101, que le nombre des lèvres à cannelure interne diminue notablement à la phase IV sur le site du Boisanne, soit durant le ier s. av. J.‑C.
184Le troisième aspect sur lequel nous nous sommes attardés concerne les traitements de surfaces appliqués aux céramiques. Ceux‑ci peuvent en effet être de plusieurs types, le vase étant parfois laissé brut de modelage ou de tournage ou, ce qui est beaucoup plus fréquent, rapidement lissé et régularisé à l’aide de la main mouillée ou d’un chiffon humide par exemple. Certaines surfaces luisantes, que nous appelons lustrées, ne peuvent avoir été obtenues qu’à la suite d’un polissage soigneux des parois à l’aide d’un matériau résistant, pierre, os ou bois dur. On notera enfin, parmi les états de surface les plus remarquables, les enductions de graphite ou, bien plus rares, d’hématite qui ornent certains vases. Seuls les vases où ce type d’enduction, très connu en Bretagne et précisément décrit par P.‑R. Giot (Giot et al. 1979 : 314‑318), était discernable sans hésitation ont été pris en compte. On se reportera pour les formes céramiques concernées aux planches de la fin de ce volume où ce type d’enduction est schématisé par une trame particulière. La même remarque est également valable pour les états de surface cités ci‑dessous.
185Le simple lissage, qui concerne la plupart des céramiques du Boisanne, paraît fréquent à toutes les époques. Trop ubiquiste pour mériter une analyse plus approfondie, il ne sera pas retenu comme significatif. Les enductions d’hématite paraissent au contraire extrêmement caractéristiques, sur le site du Boisanne, de la phase III ancienne. Ne concernant qu’un nombre très limité de vases (5), elles ne méritent pas d’études statistiques.
186En conséquence, nous ne tenterons d’examiner que l’évolution au fil du temps des trois états de surface suivants : l’état brut, qui ne peut être observé que sur des surfaces non usées et laisse en général bien visibles les traces de montage du vase, empreintes de doigts ou stries de tournage ; le lustrage, qui permet d’obtenir des surfaces bien luisantes (en cas de doute sur la qualité du poli, le tesson était systématiquement enregistré comme simplement lissé), et enfin le graphitage, qui donne aux céramiques, lorsque l’état de conservation est satisfaisant, l’apparence de l’étain lustré. Seuls les tessons suffisamment préservés de l’usure due à l’utilisation ou l’érosion dans le sol, dont l’apparence permettait d’être sûr de l’état de surface originel, ont été enregistrés et utilisés pour les études statistiques. Comme pour les cannelures in ternes, nous avons tenté de mettre en évidence une évolution de ces traitements de surface au fil du temps de deux manières différentes.
187Une première planche (fig. 110 et 111) permet de visualiser la dispersion des tessons caractérisés par deux états de surface : le graphitage et le lustrage. On observera que la répartition des fragments lustrés reprend dans une large mesure celle des phases céramiques I et II, alors que celle des fragments graphités présente quant à elle des analogies certaines avec la dispersion des tessons de phase III, et plus précisément de phase III ancienne. Il semble donc bien que le graphitage constitue un traitement de la surface qui s’est développé, sur le site du Boisanne, plus tardivement que le lustrage.

FIG. 110 – Dispersion des tessons lustrés.
YM del./MC

FIG. 111 – Dispersion des tessons graphités.
YM del./MC
188Une deuxième figure (fig. 112) permet, à partir d’un corpus restreint cette fois aux fragments suffisamment caractéristiques pour pouvoir être rattachés à une phase donnée, d’établir des courbes recensant, pour chaque état de surface, les pourcentages des tessons ainsi traités, époque par époque. Malgré l’absence de prise en compte, pour les raisons énoncées ci‑dessus, des vases simplement lissés qui constituent la majorité des céramiques, il semble bien que l’on puisse observer une évolution chronologique des traitements de surface. En effet, le lustrage, prédominant pour toutes les « belles » céramiques jusqu’à la phase IIt, est progressivement remplacé, entre les phases IIt et IIIa, par le graphitage qui, relativement fréquent durant la seconde moitié du iiie et le iie s. av. J.‑C., disparaîtra progressivement durant le ier s. av. J.‑C.

FIG. 112 – Évolution en pourcentage des différents traitements de surface des céramiques.
YM del./MC
189Un autre phénomène intéressant que l’on peut noter est la forte proportion de vases aux surfaces laissées brutes qui semble caractériser la phase IV. Il s’agit, à notre avis, d’un effet secondaire de la généralisation du montage au tour rapide et de la parfaite maîtrise de cette technique par les artisans potiers qui fournissent alors la presque totalité des céramiques. En effet, nombre de poteries devaient être jusqu’ici lissées, ou même lustrées dans les phases les plus anciennes, simplement pour diminuer ou occulter l’irrégularité de leur forme, en les retouchant et les retravaillant pendant un laps de temps assez long. À l’inverse, le fait d’obtenir, grâce à cette nouvelle technique, une forme parfaitement régulière dès le montage du vase permet d’augmenter la rapidité d’exécution principalement en évitant les retouches ultérieures. L’aspect rugueux d’une surface brute ne semble pas en effet être un handicap pour l’utilisation de nombre de poteries, principalement des vases à cuire. Il est même recherché, notamment durant la phase IIIa, si l’on en juge par les nombreux « décors » de stries multiples qui ont pu avoir comme objet de faciliter la préhension, par adhérence, des vases.
190Un quatrième aspect des céramiques, qui méritait d’être évoqué, est celui des stries, caractéristiques d’un montage du vase au tour rapide, qui sont parfois visibles sur la face interne de certains récipients. Nous avons essayé, à partir d’un corpus céramique là encore restreint aux éléments suffisamment significatifs pour pouvoir être rattachés à une phase donnée, de quantifier l’évolution d’une telle caractéristique au fil du temps (fig. 113). On observe l’apparition de telles traces dès la phase IIIa, approximativement datée entre les années 250 et 150 av. J.‑C., ainsi qu’une nette augmentation en proportion de ces stries de tournage à la phase IV, durant le ier s. av. J.‑C. Nous insistons sur le fait qu’il s’agit de pourcentages effectués à partir des traces évidentes laissées par le tournage, qu’un simple lissage ou, mieux encore, un lustrage ou un graphitage des surfaces auraient fait disparaître.

FIG. 113 – Évolution en pourcentage des céramiques présentant des traces de montage au tour rapide.
YM del./MC
191Il est en effet vraisemblable que, dès la phase IIIa, une proportion nettement plus importante de céramique a effectivement été montée au tour rapide. Mais, soit pour masquer quelques irrégularités dues à une vitesse de rotation insuffisante ou à l’apprentissage d’une technique difficile à maîtriser, soit par simple souci d’esthétique ou d’une meilleure étanchéité, la plupart de ces céramiques sont soigneusement lissées. En conséquence, seul le critère d’une régularité parfaite de la céramique, difficile d’emploi car réalisable sans tour, pourrait être utilisé pour juger du développement de cette technique. La forte augmentation de la proportion des vases avec stries de tournage en phase IV reflète quant à elle plutôt un attachement moins grand au traitement de surface des vases tournés durant le ier s. av. J.‑C. Ce phénomène résulte peut‑être, comme nous l’avons évoqué ci‑dessus, d’une maîtrise accrue de cette technique qui permet d’obtenir des vases extrêmement réguliers dès la fin du montage. Notons enfin que la carte de dispersion des tessons présentant de tels critères (fig. 114) reflète assez bien celle des fragments de phase IV (fig. 102).

FIG. 114 – Dispersion des céramiques présentant des traces de tournage.
YM del./MC
192Le dernier aspect que nous avons souhaité traiter concerne, non la production, mais l’utilisation des céramiques. Nous avons déjà signalé, pour l’une des formes ouvertes de la phase ancienne (fig. 91, forme 15) la présence systématique, lorsqu’elle était ornée de profondes digitations à la lèvre (fig. 91, décor 11), d’un dépôt noirâtre analogue à de la suie couvrant exclusivement la face interne du vase (cf. supra). Le même phénomène constaté par B. Lambot sur les coupes à bords festonnés du Bassin parisien et du Nord de la France (1988) lui a fait interpréter ces récipients comme des braseros ou, plus probablement, des lampes. Pour les céramiques du Boisanne, nous suggérons également l’utilisation possible comme couvre‑feu.
193Nous avons tenté de comprendre, par le biais du fichier informatisé, une deuxième caractéristique constatée sur la paroi interne de certains vases (17 exemples identifiables) : des éclatements, un peu analogues à ceux provoqués par le gel sur certaines pierres, qui apparaissent sous la forme de cupules peu profondes exclusivement réparties sur la face interne des céramiques. Une première constatation qui a pu être faite sur les poteries ainsi caractérisées est qu’elles ne présentent jamais de traces de suie, ni sur la face interne, ni sur la face externe. Il ne s’agit donc pas de vases à cuire, pour lesquels l’hypothèse de chocs thermiques aurait pu être proposée. La deuxième constatation qui pourrait être faite concerne la répartition de ces traces sur la paroi. Il semble en effet que les éclatements, qui concernent tous des vases qui se referment vers l’embouchure et affectent tout le pourtour de la paroi, soient progressivement remplacés, dans la partie haute de la panse située immédiatement sous le col, par des traces tellement nombreuses que l’ensemble de l’épiderme apparaît comme « rongé » sur quelques millimètres d’épaisseur.
194Enfin, une troisième constatation concerne la forme des vases sur lesquels de telles traces ont été notées. Sur les 9 formes identifiables, 4 sont en effet des vases à anses (fig. 97, forme 20), 4 autres étant des céramiques ayant un diamètre à la lèvre nettement supérieur à la moyenne : respectivement 23, 25, 26 et 27 cm (voir par exemple la céramique 100 A.2, pl. 10).
195L’hypothèse que nous formulons est celle d’une attaque de la paroi des vases par le sel. Ce phénomène, constaté sur certains saloirs non grésés des xviie ou xviiie s., nous paraît en effet pouvoir expliquer les caractéristiques d’usure et d’éclatement sur la face interne de ces céramiques. De plus, elle paraît cohérente avec une observation formulée par M.‑Y. Daire à propos des vases à anses (Daire 1987 : 260). En effet, cet auteur a constaté une répartition de cette forme privilégiant le littoral de la péninsule Armoricaine. Se basant sur une utilisation possible des anses comme moyens de suspension, une interprétation comme récipients destinés au transport des marchandises par cabotage a été proposée. Elle paraît toutefois peu compatible avec les analyses effectuées par P.‑R. Giot, démontrant systématiquement le caractère local des argiles de ces vases, la diffusion étant en général restreinte à un rayon d’environ 20 km autour du lieu de production. En revanche, il paraîtrait logique qu’une forme utilisée notamment pour les salaisons soit plus fréquente sur la bande côtière, où l’approvisionnement en sel était largement facilité et probablement moins onéreux.
196Quoi qu’il en soit, nous avons demandé à D. Dufournier de tenter, par des analyses ou des expérimentations, de confirmer ou d’infirmer une telle hypothèse. Ces travaux, qui sont en cours au Laboratoire de céramologie médiévale de Caen, pourraient se révéler précieux dans le cadre d’une analyse de l’utilisation du sel dans les habitats protohistoriques. En effet, nous avons déjà pu observer des traces strictement analogues sur des grands vases provenant d’autres sites armoricains, par exemple sur une céramique provenant du souterrain de Pludual/Kermel (Côtes‑d’Armor) (Giot et al. 1971 : pl. XXXII, no 1). Notons cependant que, même si notre hypothèse est exacte, l’utilisation comme saloir ou comme récipient pour le transport du sel n’a pu affecter de cette manière que les poteries les plus fragiles, et suite à un contact prolongé ou répété entre l’argile cuite et le sel. L’absence de traces, comme il est de règle en archéologie, ne sera donc pas une preuve.
3.2.5 Les matériaux : étude pétro‑archéologique
3.2.5.1 Introduction
197L’étude pétro‑archéologique des poteries du site du Boisanne s’intégre dans une étude d’ensemble des poteries armoricaines, caractérisées par une très large proportion de la phase non plastique, formée de grains de roches issues du socle, par rapport à la phase argileuse. Les minéraux isolés et parfois les fragments de roches présents dans cette phase non plastique se prêtent bien à une étude minéralogique et pétrographique.
198Ces études pétro‑archéologiques sur les céramiques du site du Boisanne ont porté sur 30 échantillons prélevés parmi les milliers de tessons récoltés au cours des différentes campagnes de fouilles. En raison de l’abondance du matériel récolté, il ne saurait être question d’étudier de manière exhaustive l’ensemble du matériel. De ce fait, un certain nombre de critères ont été déterminés lors du choix des échantillons. Ce sont des critères chronologiques, afin de couvrir toutes les périodes d’occupation du site et de mettre en évidence une évolution dans le temps des origines des céramiques, des critères typologiques, afin de mettre en évidence des relations entre les formes et les matériaux utilisés.
199Ensuite, sur des échantillonnages de quelques centaines de tessons, on a effectué une étude macroscopique systématique afin de répartir les échantillons dans différentes catégories reconnues. Les 28 échantillons retenus et étudiés sur les 32 prélevés ont donc été choisis comme étant représentatifs des différentes variétés recueillies sur le site.
200L’étude macroscopique montre une grande variabilité de la dimension du dégraissant. Cela va d’un dégraissant fin constitué de petits grains (0,05 mm maximum) de minéraux isolés, permettant la fabrication de céramique très fine et de belle facture, à des dégraissants grossiers contenant des fragments de roche allant jusqu’à 10 mm, donnant des céramiques rugueuses si elles ne sont pas enduites.
201La couleur de la pâte, observée sur des sections sciées, est très variable et dépend des conditions d’oxydoréduction au cours de la cuisson. Les pâtes noires, peu abondantes parmi les échantillons étudiés, correspondent à des conditions réductrices et les pâtes rouges, les plus fréquentes, à des conditions restées oxydantes durant la cuisson. La couleur est en général homogène sur l’ensemble d’une section, mais quelques tessons présentent une zonation entre le cœur et la périphérie.
202Les surfaces des céramiques sont bien lissées et souvent lustrées. Certaines céramiques présentent des restes de graphitage aussi bien sur la surface externe qu’interne, en particulier des rebords. On observe également mais en quantité beaucoup plus faible des enduits à l’hématite : c’est le cas par exemple d’un magnifique couvercle (Plouër 2) (pl. 7, no 84.18) (la correspondance entre les numéros d’échantillons et les numéros de structures ou de tessons est reportée sur le tabl. ii).

TABL. II – Table de correspondance des échantillons étudiés.
3.2.5.2 Étude minéralogique par diffraction des RX
203Lors de ce choix, cinq catégories ont été reconnues dans l’ensemble du matériel étudié. Une étude des différents échantillons par diffraction des Rx sur un fragment de céramique finement broyé a permis de préciser la composition minéralogique des différents groupes (fig. 115).

FIG. 115 – Diffractogrammes de Rx.
HM del./AFAN
204Un ensemble, caractérisé par la présence d’amphiboles en quantité variable, de plagioclases et de quartz, est présent en faible pourcentage sur le site. Les trois diffractogrammes a, b, c sur la figure sont similaires sauf en ce qui concerne le quartz qui est peu abondant dans le diagramme a et beaucoup plus dans les diagrammes b, c. On pourrait y voir des sous‑ensembles différents que l’étude pétrographique permettra de bien séparer.
205Le deuxième ensemble rassemble la majorité des céramiques du site. Il est caractérisé par une grande abondance du quartz, constituant l’essentiel du dégraissant auquel s’ajoute en proportion variable des micas, des plagioclases et des feldspaths potassiques (fig. 115e, f, i). Les proportions de feldspaths peuvent dans cet ensemble être un critère de distinction de sous‑ensembles.
206Le troisième groupe (fig. 115d) est constitué de céramiques pour lesquelles le spectre de diffraction des Rx montre une abondance de quartz et de micas et dans lesquelles les feldspaths sont peu abondants.
207Les deux derniers ensembles sont tout à fait minoritaires. L’un (fig. 115g) correspond à un seul vase qui présente macroscopiquement des bulles dues à une surcuisson et ayant entraîné une fusion. Sur le diffractogramme de Rx, on n’observe plus que du quartz et quelques résidus de micas. L’autre (fig. 115h) présente les pics du quartz, des feldspaths et des micas mais il se distingue par la présence de chlorite.
3.2.5.3 Étude pétrographique
208L’étude pétrographique en lame mince montre l’effective hétérogénéité du dégraissant dans les échantillons et la faible orientation des éléments dans la matrice sauf pour le groupe de céramiques hypermicacées. La matrice, constituée de minéraux philliteux, présente des caractères optiques comme la teinte et le pléochroïsme faisant penser à un minéral voisin de la biotite.
Le premier ensemble
209Au sein du premier ensemble caractérisé par la présence d’amphiboles trois sous‑ensembles ont pu être reconnus.
● Groupe 1
210Il contient un dégraissant constitué essentiellement d’amphiboles automorphes vertes fortement pléochroïques auquel s’ajoutent en très faible quantité du quartz, des plagioclases et de rares feldspaths potassiques (fig. 116, no 4) (Plouër 1, 2, 8, 14, 31) Ce type de dégraissant provient de l’utilisation d’une amphibolite, roche présente en lits déformés dans les gneiss et micaschistes de cette zone. La source exacte de ces matériaux sera difficile à localiser en raison de l’homogénéité de ce type de roche.
● Groupe 2
211Il contient un dégraissant constitué en proportion égale d’amphiboles vertes pléochroïques et de plagioclases souvent altérés en épidote (Plouër 20). Les plagioclases se présentent dans les fragments de roche sous forme de lattes donnant à la roche une texture que l’on observe dans les granodiorites et les diorites quartziques. Le dégraissant contient également un peu de quartz. Ce type de roche est présent à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de la région et des études chimiques plus poussées en cours permettront peut‑être de localiser précisément la zone source de ce matériel.
● Groupe 3
212Celui‑ci est constitué par un dégraissant maintenant bien connu dans le massif Armoricain et qui a fait l’objet d’un article de synthèse (Morzadec 1991). Le dégraissant est constitué d’amphiboles incolores de la série actinote‑trémolite, de pyroxènes, ortho et clinopyroxanes, de plagioclases à composition andésine‑labrador et d’un peu de quartz (fig. 116, no 1, 2, 3) (Plouër 11, 24‑26). Ce dégraissant provient de l’utilisation des roches issues du gabbro de Trégomar et correspond à des échantillons appartenant à la phase finale d’occupation du site, correspondant à la phase IV définie par Y. Menez et datée du ier s. av. J.‑C. (fig. 101, forme 32).

FIG. 116 – Microphotographies de lames minces céramiques montrant l’aspect du dégraissant dans les différents ensembles de céramiques du site du Boisanne. 1 Plouër 26. LN, x 20 ; 2 Plouër 26, LN, x 20 ; 3 Plouër 25, LN, x 20 ; 4 Plouër 31, LN, x 20 ; 5 Plouër 30, LP, x 20 ; 6 Plouër 32, LP x 20.
cl. KM/AFAN
Le deuxième ensemble
213De loin le plus abondant, il est caractérisé par un dégraissant granito‑gneissique. Au sein de cet ensemble trois groupes ont pu être distingués.
● Groupe 1 (Plouër 16)
214Il contient un dégraissant gneissique avec du quartz plus ou moins déformé, et en faible quantité des micas, biotite et muscovite, des feldspaths et de la chlorite. Le caractère particulier de cette céramique se situe au niveau de la matrice dans laquelle on peut observer en abondance des diatomées caractéristiques des milieux d’eau douce. On peut donc dire que cette céramique a été fabriquée à partir d’une argile sédimentée prélevée dans un milieu calme, mare ou bordure de ruisseau, à laquelle le potier a rajouté un dégraissant gneissique d’origine locale. La présence de diatomées dans des céramiques reste un fait relativement rare dans le massif Armoricain jusqu’à présent.
● Groupe 2 (Plouër 6, 30)
215Il contient un dégraissant d’aspect plus granitique composé de quartz, de plagioclases et en moindre abondance de microcline et de micas, biotite et muscovite (fig. 116, no 5). Les plagioclases ont un aspect particulier, sains en bordure et altérés au cœur. Ce dégraissant ressemble beaucoup au dégraissant observé dans certaines céramiques du site de Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer/Les Ébihens (Côtes‑d’Armor) (Giot, Morzadec 1989). Des analyses chimiques plus poussées sont en cours et permettront peut‑être de prouver une origine commune à ces céramiques.
● Groupe 3 (Plouër 4, 7, 9, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 21, 27, 32)
216De loin le plus abondant, il contient un dégraissant gneissique d’origine locale. Sa composition minéralogique est homogène et constituée essentiellement de quartz, souvent en agrégats polycristallins très déformés ; on observe également en quantité faible des feldspaths, plagioclases et orthose, des micas, muscovite, et des fragments de chamotte (fig. 116, no 6 et 117, no 5 et 6). La dimension des fragments de gneiss ne permet pas d’avoir les associations minéralogiques complètes des gneiss, ce qui rend difficile dans le contexte géologique local (cf. Morzadec infra § 4.3.2) la localisation précise des matériaux utilisés. Ce groupe à base de dégraissant granito‑gneissique, correspond dans le massif Armoricain à la composition de la majorité des céramiques ; ce qui rend difficile dans l’état actuel des recherches toute localisation précise des sites de production mais rien Ne s’oppose à ce qu’ils soient assez proches.
Le troisième ensemble (Plouër 5)
217Celui‑ci, bien que contenant un dégraissant comparable à l’ensemble précédent, s’en distingue par la présence très abondante de muscovite donnant une poterie hypermicacée, plus fragile en raison de l’importante orientation des particules dans la matrice (fig. 117, no 1 et 2). Là encore, la faible quantité de minéraux symptomatiques ne permet pas une localisation précise de l’origine des matériaux. Il pourrait s’agir de micaschistes à muscovite.
Le quatrième ensemble (Plouër 3)
218Celui‑ci contient un dégraissant granitique ; en effet les fragments de roches montrant l’association quartz + plagioclases + feldspath potassique + micas ne sont pas déformés. Le dégraissant pourrait provenir de massifs granitiques situés au sud du site du Boisanne. Cet ensemble, bien que peu représenté, se distingue facilement des ensembles précédents.
Le cinquième ensemble
219Ce dernier ensemble est constitué par un seul vase (Plouër 28) présentant des caractères un peu particuliers. Cet échantillon montre macroscopiquement un aspect « bulleux », signe évident d’une surcuisson. Dans le dégraissant on n’observe plus que du quartz et quelques paillettes de muscovite fortement déstabilisées. La matrice contient de nombreuses inclusions totalement vitrifiées à contour plus ou moins arrondi et de nombreux vides de forme globuleuse dont la paroi est également vitrifiée (fig. 117, nos 3 et 4). L’état de cet échantillon ne permet en aucun cas de déterminer l’origine de ses matériaux constitutifs.

FIG. 117 – Microphotographies de lames minces céramiques montrant l’aspect du dégraissant dans les différents ensembles de céramiques du site du Boisanne. 1 Plouër 5, LN, x 20 ; 2 Plouër 5, LP, x 20 ; 3 Plouër 28, LN, x 20 ; 4 Plouër 28, LP, x 20 ; 5 Plouër 27, LP, x 20 ; 6 Plouër 21, LN, x 20.
cl. HM/AFAN
3.2.5.4 Conclusion
220À partir du tableau récapitulatif, sur le site du Boisanne, on peut noter que les céramiques ont été fabriquées avec des matériaux variés (tabl. iii). Il ne semble pas y avoir de relation entre la chronologie de l’occupation du site et la source des matériaux ayant servi à la fabrication de la céramique sauf pour la phase finale ou l’on voit l’apparition de céramiques provenant de la région de Trégomar près de Lamballe. Les informations apportées par les études pétro‑archéologiques sur les poteries du site du Boisanne permettent de dire que l’approvisionnement pour certains types très particuliers de poteries se faisait à des distances moyennes de 25 km. Mais pour la grande majorité des céramiques étudiées, rien Ne s’oppose à une origine proche des matériaux. Une étude plus poussée, en cours, sur les ensembles posant des problèmes quant à l’origine des matériaux pourrait permettre d’améliorer l’interprétation des relations existantes entre les différents sites de la région.

TABL. III – Tableau récapitulatif des matériaux utilisés sur le site du Boisanne. 1 amphibollte ; 2 dioritique ; 3 gabbroïque ; 4 à diatomées ; 5 type des Ébihens ; 6 gnelssique ; 7 hypermicacée ; 8 granitique ; 9 tesson surcuit.
3.2.6 Les importations
3.2.6.1 Les amphores
22181 fragments d’amphores ont été mis au jour sur le site du Boisanne. La plupart sont des fragments de panses sans particularités notables. Seuls 6 tessons sont suffisamment caractéristiques pour être attribués à un type précis.
● Fragment de lèvre 11.1 (pl. 1)
222Provient d’une carrière d’époque romaine. Pâte crème avec traces d’un engobe. Peut être attribué au type Dressel la.
● Tesson 84.20 (pl. 8)
223Provient quant à lui, comme la presque totalité des fragments suivants, d’un des fossés de l’établissement laténien. De pâte jaune‑orange, il possède la lèvre haute caractéristique des Dressel 1b.
● Fragment de col 84.24 (pl. 8)
224Provient du même fossé. Sa lèvre de section triangulaire surmonte une anse ovalaire. La pâte, de couleur rouge‑orange, montre un dégraissant sableux. Type Dressel la.
● Fragment de col 115.21 (pl. 17)
225Ce tesson est caractérisé par une cannelure à la jonction avec la panse. La pâte de cette petite amphore (10 à 11 cm de diamètre au col), très différente des précédentes, est très sonore, de couleur crème, et sans dégraissant visible à l’œil nu. Il s’agit vraisemblablement d’une amphore gréco‑italique du iie s. av. J.‑C.
● Deux anses à section ovalaires (non dessinées)
226Proviennent du même fossé. Elles sont caractéristiques d’une amphore Dressel la.
● Fragment d’anse 199.40 (pl. 30)
227Orné d’une profonde incision médiane, il a été découvert lors de la fouille d’un espace caractérisé par de nombreux fragments de statuettes. De pâte crème à dégraissant granuleux, il est caractéristique d’une amphore de type Pascual 1.
228La carte de dispersion des fragments d’amphores (fig. 118), relativement analogue à celle des céramiques de phase IV, en diffère néanmoins par une concentration limitée à proximité d’une porte dans la partie médiane du site. Signalons que tous les fragments mis au jour à cet emplacement étaient localisés dans les 10 à 20 cm de comblement sous le niveau de décapage, aucun tesson n’ayant été découvert plus profondément dans le fossé. Il peut s’agir de tessons piégés lors d’un remaniement de palissade ou, et cela est plus probable, par le tassement des sols environnants au‑dessus de la structure comblée.

FIG. 118 – Dispersion des fragments d’amphores.
YM del./MC
3.2.6.2 L’olpé en céramique ampuritaine
229Ce petit tesson (pl. 16, 115.17) a été trouvé, comme le fragment d’amphore gréco‑italique du iie s. av. J.‑C. (pl. 17, 115.21) et à l’inverse de la plupart des fragments d’amphores Dressel 1, dans un niveau profond du fossé localisé le plus à l’est du site. Il s’agit d’un fragment de panse de couleur grise. La face interne, brute, présente les nombreuses stries très fines et parallèles caractéristiques d’un montage du vase au tour rapide. La face externe porte un engobe de couleur légèrement plus foncée et lustrée. La pâte, très fine, ne comporte aucun dégraissant visible à l’œil nu.
230D’aspect très différent de toutes les céramiques laténiennes mises au jour dans la région, ce tesson ne ressemble également en rien aux poteries d’époque gallo‑romaine, locales ou importées, que nous avons pu observer dans la région. L’engobe gris lustré nous ayant fait penser aux prototypes toulousains des vases en terra nigra qui seront produits dans les régions de Saintes ou de Bordeaux dès le début du règne d’Auguste, nous avons expédié ce fragment à M. Vidal, conservateur au service régional de l’Archéologie du Midi‑Pyrénées, que nous tenons à remercier ici pour avoir bien voulu l’examiner et nous avoir fourni les références bibliographiques nécessaires. Contre toute attente, la forme comme l’aspect de ce tesson lui ont permis de l’identifier sans hésitation comme un fragment d’olpé en céramique grise ampuritaine. Les tessons de comparaison qu’il a bien voulu nous expédier nous ont d’ailleurs totalement convaincus de l’identification : on pourrait, malgré le millier de kilomètres qui sépare leur lieu de découverte du site du Boisanne, croire tous ces fragments issus du même vase.
231Ces petites olpés à anse de section circulaire, mises au jour à Nages (Gard) dans des niveaux datés attribués aux années 250‑170 av. J.‑C. (Py 1978 : Nages II anciens), sont pour Vieille‑Toulouse (Haute‑Garonne) un indice d’ancienneté caractéristique des niveaux datés de la 1re moitié du iie s. av. J.‑C., et peut‑être même plus précisément du deuxième quart de ce siècle (Vidal, Magnol 1983 : 24‑26).
232La présence de ce modeste tesson, associé à un fragment probable d’amphore gréco‑italique du iie s. av. J.‑C., met en évidence l’existence d’importations ayant vraisemblablement transité par la région de Toulouse dès la fin de La Tène moyenne, soit à une date relativement précoce pour la péninsule Armoricaine. Notons enfin que, à notre connaissance, il s’agit du premier fragment de céramique fine ibérique découvert au nord de la Loire.
3.2.7 Pesons et fusaïoles. fig. 119
233Huit fusaïoles et les fragments d’au moins trois pesons en argile cuite ont été mis au jour sur le site du Bot sanne. Seuls deux pesons, les mieux conservés, ont été dessinés. Ils illustrent, l’un par une perforation axiale (pl. 20, 135.14), l’autre par une perforation plus petite et transversale (pl. 20, 135.13), deux techniques de suspension courantes à l’âge du Fer. Signalons également la découverte à proximité immédiate de ces éléments d’un fragment de peson en pierre (cf. infra § 3.3.4). Conformément aux hypothèses communément admises, ces objets en argile cuite doivent constituer les ultimes restes d’un, ou de plusieurs, métiers à tisser.

FIG. 119 – Dispersion des pesons et fusaïoles.
YM del./MC
234Les fusaïoles ont le plus souvent une section biconvexe (pl. 4, 64.3 ; pl. 20, 135.12 ; pl. 23, 135.49, 135.51, 135.53, 135.54), le fragment 135.50 correspondant probablement à une moitié de fusaïole de ce type. En définitive, seul l’élément 135.52 (pl. 23) diffère nettement, par son profil, de cette série très classique sur les sites de l’âge du Fer où ces petites boulettes d’argile façonnées, cuites dans le foyer et destinées à lester les fuseaux, sont retrouvées en Nombre.
235On notera que la dispersion de ces éléments caractéristiques d’activités textiles, filage ou tissage, est groupée de manière étroite aux limites de l’enclos initial en forme de U ; seule une fusaïole (64.3) a été découverte dans les terres de comblement d’un trou de poteau qui est venu ultérieurement perturber le remblai de la mare. Une telle répartition n’est pas sans rappeler celle des céramiques de phase Ia (fig. 90) ou, pour le moins, celle de phase I (fig. 92), attribuée à la fin du premier âge du Fer. Il est donc possible que cette activité textile ne se soit manifestée que durant les premiers temps de la vie de l’établissement du Boisanne.
3.3 Le mobilier non céramique
3.3.1 Le métal
236Le mobilier métallique a été découvert pour la majeure partie dans la moitié nord du site (fig. 120) enfoui dans les excavations, fossés ou fosses, creusées dans le substrat. Les objets seront analysés élément par élément, les maigres considérations générales que peut évoquer ce matériel fragmentaire étant reportées en fin de chapitre.

FIG. 120 – Dispersion du mobilier métallique.
YM del./MC
● Objet de bronze O. no 1 (pl. 1)
237De petites dimensions, il a été mis au jour dans la terre végétale au cours du décapage et paraît complet. Cependant, le fait que l’axe autour duquel pivote l’ardillon soit constitué d’un fil de fer de faible diamètre peut permettre d’envisager la possibilité d’une boucle en fer sur laquelle aurait reposé l’ardillon et qui se serait détachée du fait de l’oxydation. Son extrémité en forme de pelte et le décor, constitué d’encoches concaves, devraient faciliter l’identification de cet objet, probablement gallo‑romain, mais pour lequel nous n’avons trouvé aucun parallèle exact.
●Trois éléments métalliques 61.31 (pl. 3)
238Deux de ces éléments, qui étaient encore soudés par l’oxydation lors de leur découverte, correspondent de toute évidence aux maillons d’une chaîne. Découverts dans le fond de la mare, ils témoignent, par l’usure de leurs extrémités, d’une longue utilisation. Leur longueur (entre 130 et 140 mm) pourrait être mise en parallèle avec certains éléments courts des derniers ceinturons métalliques datés du début du iie s. av. J.‑C., ou aux maillons trouvés sur le site éponyme de La Tène (Vouga, pl. VII), et qui étaient accompagnés d’anneaux.
● Fragment de fibule 81.32 (pl. 6)
239Ce petit fragment, non restauré, correspond, si l’on en juge par la radiographie, à une grande fibule classique de la phase dite de transition LTC1‑LTC2, soit la 1re moitié du iie s. av. J.‑C. Probablement analogue à celle mise au jour dans l’espace jonché de fragments de statuettes (pl. 34, 199 M 15), elle est caractérisée par un ressort à deux fois 3 spires et corde externe.
● Fragment de bracelet 84.2 (pl. 6)
240Constitué d’un simple fil de bronze de section circulaire, il pourrait fort bien Ne constituer que l’un des anneaux d’une armille, hypothèse qui paraît plus compatible avec la faible résistance mécanique qu’offre un tel élément s’il est isolé.
● Ensemble de pièces 102.1, 102.2, 102.3 (pl. 12)
241Trouvés regroupés sur le bord d’une fosse, ces éléments, visiblement liés et qui pourraient appartenir à une roue, sont très oxydés. La difficulté d’être sûr de l’épiderme rend très difficile toute identification, les sections comme les épaisseurs des lames étant très aléatoires. Nous suggérons cependant, pour l’élément no 1, l’hypothèse d’un renfort d’essieu, qui devrait cependant avoir une section adaptée, et en aucun cas biconvexe. Dans le même ordre d’idée, le fragment no 2 pourrait avoir été le renfort de joint d’une jante, destiné à attacher solidement entre elles les diverses pièces de bois formant le cercle. Quant à l’élément no 3, sa largeur pourrait convenir à un fragment de bandage de roue, si toutefois les sections biconvexes et variées ne sont effectivement dues qu’à la corrosion.
242Dans un tout autre ordre d’idée, on pourrait souligner les analogies qui pourraient être faites, tant pour les emmanchements que la largeur des lames, avec une faucille et une faux mises au jour sur le site de Larina (Isère) (Perrin 1990 : 75, no 259, 77, no 264). Quoi qu’il en soit, et si l’identification de ces trois fragments est rendue délicate du fait de leur état de conservation, on peut cependant être pratiquement sûr qu’il s’agit d’éléments tordus et déchiquetés provenant du démantèlement d’un seul et même objet.
● Elément en fer 114b.16 (pl. 15)
243Ce fragment est caractérisé par une forme générale en arc de cercle, d’une courbure proche de 30 cm de diamètre, et une section en U. Brisé aux deux extrémités, il pourrait correspondre, sous toutes réserves, à un renforcement, en partie basse ou haute, d’un baquet ou d’un seau en bois. La largeur de la gorge, proche de 10 mm, concorderait assez bien avec l’épaisseur des douves dont un tel élément serait venu recouvrir l’extrémité.
● Mors de cheval en fer 135a n o 24 (pl. 18)
244Il a été mis au jour, replié sur lui‑même, anneau contre anneau, à une profondeur de 70 cm sous le niveau de décapage, dans une section de fossé située à une distance d’environ 6 m d’une des entrées du sanctuaire. La présence d’un dépôt tardif en fosse au cœur des remblais de cette ancienne palissade est rendue probable par la présence, à proximité immédiate de cet objet, de l’unique tesson caractéristique de La Tène finale parmi l’imposante quantité de mobilier que recelait cette structure.
245Compte tenu de la très petite embouchure (85 mm), ce mors de filet a été fait pour un petit animal. Même pour les chevaux de cette époque (entre 1,15 m et 1,35 m au garrot), l’embouchure atteint ou dépasse fréquemment les 100 à 120 mm. Les anneaux jugaux sont en revanche de diamètre standard (85 mm). Quant à leurs saillies extérieures, pour être prises en compte, elles devraient être doubles, de part et d’autre de l’articulation avec le canon. Les exemples de cette forme de blocage de l’anneau jugal sont connus en Angleterre pour La Tène très finale (Stead 1979). En l’occurrence, si les anneaux ont pu ici coulisser après l’oxydation des éléments de blocage, la base très élargie et la section des ergots tendraient plutôt à assimiler ces excroissances à des phénomènes dus à la corrosion.
246Les deux maillons du canon brisé sont nettement plus petits que d’habitude (57 mm et 62 mm contre 80 à 95 en moyenne), mais ils sont également dissymétriques comme leurs homologues plus grands. Autre dissymétrie anormale est celle de l’échancrure observée à la fonction avec les anneaux jugaux. Une partie de cette usure anormale doit être due à la corrosion car, même lorsque l’on inverse l’utilisation du mors, l’érosion du métal se fait symétriquement dans le sens de traction des rênes. Enfin, le façonnage de ces maillons comprend entre les anneaux deux renflements qui viennent se placer sur la barre de l’animal. Leur absence relative indiquerait soit que la surface originelle n’est pas atteinte, soit qu’elle a disparu. On ne peut dire plus pour des objets qui sont encore semblables de nos jours.
● Fragment de fil de bronze 135.56 (pl. 23)
247Celui‑ci ne diffère que par sa section de l’élément 84.2 évoqué ci‑dessus. Il pourrait, là encore, s’agir d’une partie d’armilles.
● Petit élément non identifiable 135.84 (pl. 26)
248Il est constitué de l’association de deux tôles de bronze reliées par un rivet de fer. Toute interprétation est, de par la fragmentation de l’objet, impossible.
● Disque de bronze 135.85 (pl. 26)
249D’un diamètre proche de 35 mm, il est traversé par un rivet de fer. Toute interprétation est délicate. On peut cependant signaler que, comme pour les deux éléments précédents, une attribution à la phase I, définie pour la céramique et datée de la fin du premier âge du Fer, est, de par le contexte, vraisemblable.
● Long ruban de tôle de bronze 199 M1 (pl. 34)
250Long de 65 cm et replié de nombreuses fois sur lui‑même, il pourrait bien correspondre à un cerclage de seau en bois dont le diamètre se situerait au minimum autour de 20,7 cm. Les cerclages en bronze pour ce type de récipient sont fréquents à La Tène finale, notamment en Angleterre, et le diamètre correspond à peu près à celui de l’exemplaire de Tartigny (Oise). La largeur de la bande de bronze (13 mm) paraît relativement faible par rapport à celle des éléments les plus étroits d’un des seaux de Goeblingen‑Nospelt (Luxembourg) (Thill 1967). Le filet incisé qui orne la face externe correspond à un type de décor très simple et extrêmement fréquent sur certains de ces cerclages qui sont disposés en alternance sur les seaux avec des exemplaires généralement plus ornés.
251Quant au trou qui perfore l’exemplaire du Boisanne, il n’est en rien original et témoigne soit d’une fixation rivetée mise en place lors de l’assemblage originel de ce récipient, soit d’une réparation effectuée au cours de son utilisation.
252Ces seaux, systématiquement en bois d’if si l’on en juge par les exemplaires qui ont pu être analysés, sont interprétés, à la suite de plusieurs analyses de contextes funéraires, comme des récipients servant à effectuer le mélange de l’eau et du vin. S’ils sont connus à plus de 30 exemplaires en Gaule et en Grande‑Bretagne, l’exemplaire du Boisanne constituerait, si l’on en croit une carte de répartition établie par M. Vidal (1976), le premier exemplaire signalé en Armorique.
● Objet en fer 199 M14 (pl. 34)
253Brisé à ses deux extrémités, il est très incomplet. Il pourrait s’agir, sans certitude, d’un fragment de boucle d’une largeur légèrement inférieure à 6 cm.
● Fibule en fer 199 M 15 (pl. 34)
254A l’origine intacte, un coup de piochon malheureux lors de la fouille a pulvérisé l’une de ses extrémités et a rendu toute restitution de cette partie impossible. Elle correspond à un type classique de la phase dite de transition La Tène C1 – La Tène C2, soit le début du iie s. av. J.‑C. La perle qui orne le porte‑ardillon, généralement plus grande, a probablement été diminuée ici par la corrosion. Le ressort à 2 fois 3 spires et corde externe est caractéristique de cette phase de mutation. Le nombre de spires aura tendance à augmenter vers la fin du iie s. et la perle à disparaître en même temps que l’attache du pied sur l’arc se rapproche du ressort. La forme légèrement évoluée de cet objet le rapprocherait plutôt du milieu du iie s. av. J.‑C.
● Fragment de fibule enfer 199 M16 (pl. 34)
255Correspondant approximativement au type de Nauheim, il est caractérisé par un ressort à 2 fois 2 spires et corde interne et l’amorce d’un arc courbe, rubané et de section plate. L’ardillon, le porte‑ardillon et une partie de l’arc manquent. L’état de cet objet ne permet pas d’être absolument affirmatif quant à son identification. On peut toutefois le rapprocher de modèles de La Tène finale, soit une datation postérieure à la fin du iie s. av. J.‑C.
● Élément en fer 199 M17 (pl. 34)
256Long au minimum de 63 mm (son extrémité est brisée), cet élément est constitué d’une tige de section circulaire repliée sur elle‑même pour former à une extrémité, un anneau d’un diamètre de 29 mm, à l’autre, une barre épaisse de 5 mm et large de 9 mm sur laquelle a été soudée une plaque de fer ornée de deux filets. L’interprétation la plus plausible est celle d’une clavette d’essieu ou bien celle d’une attache en fer de seau en bois analogue à celles mises au jour dans le dépôt d’objets gaulois de Larina (Isère) (Perrin 1990).
● Élément en fer 199 M18 (pl. 34)
257L’état de celui‑ci, très lacunaire, ne permet pas là encore d’être affirmatif quant à son identification. Il s’agit apparemment d’un fragment de cylindre de fer d’un diamètre proche de 70 mm et épais d’environ 4 mm pour la partie la moins attaquée par l’érosion. Un trou d’un diamètre approximatif de 4 mm perfore la tôle de part en part. L’une des utilisations possibles serait celle d’une bande de renfort de moyeu.
258Tous les éléments évoqués ci‑dessus, fragmentaires et souvent tordus, sont de très petite taille et ont dû être perdus et enfouis de manière accidentelle, mêlés aux terres de comblement rejetées dans les excavations pratiquées sur le site. La rareté du mobilier métallique provient en effet très certainement des récupérations et refontes systématiques qui ont été de règle, jusqu’à la fin de la période laténienne, sur tous les sites d’habitat.
3.3.2 Le verre et le lignite. fig. 121
259L’unique élément de verre découvert lors de la fouille (pl. 6, 84.1) est un fragment de bracelet de type Haevernick 7d (1960). Constitué d’un double jonc de couleur ambre, il fournit un repère chronologique intéressant puisque les bracelets de forme ou de couleur semblable ont tous été mis au jour, tant à Nages (Gard) (Feugère, Py 1989) qu’à Manching (Gebhard 1989), dans des contextes datables de la seconde moitié du iie s. av. J.‑C. (150 à 115 av. J.‑C., pour être plus précis).

FIG. 121 – Dispersion du mobilier en lignite ou en verre.
260Les objets en lignite ou sapropélite, au nombre de 4, nous sont parvenus dans un état très altéré. La matière, de couleur gris foncé à brun foncé, était très fendillée et légèrement molle, « spongieuse », au moment de sa découverte, au point que l’une des pièces (pl. 8, 84.25) a été, un temps, considérée comme un fragment de vase en bois. Elle est actuellement scellée sous vide dans une enveloppe plastique contenant de l’eau formolée. Les autres fragments, séchés sous atmosphère contrôlée, ont néanmoins subi quelques rétractations et déformations qui ont accentué les fissures. Il semble bien que ce phénomène soit, à l’heure actuelle, stabilisé.
261L’élément le plus remarquable est sans aucun doute le morceau d’assiette, ou plutôt de coupelle, probablement réalisée au tour (pl. 8, 84.25). La forme est en effet, malgré les altérations subies, relativement régulière. Le diamètre (environ 140 mm), la profondeur (environ 16 mm) et la relative « richesse » du matériau rendent l’hypothèse d’un vase utilisé lors des repas peu vraisemblable. Nous n’avons trouvé aucun parallèle à ce récipient, même si des formes tournées de ce type sont connues à Hengistbury Head (Cunliffe 1987 : 164).
262Les autres fragments (pl. 15, 114.17 et 114.18 ; pl. 18, 128.6), bien plus classiques, correspondent à des bracelets de sections biconvexes et de diamètres internes proches de 7 cm. Retrouvés mêlés à du mobilier céramique datable, pour la majeure partie, de la phase III (entre 250 et 50 av. J.‑C.), ils témoignent d’un attrait pour ce type de parure qui, apparaissant en Armorique à la fin du viie et au vie s. av. J.‑C. (Sanquer et al. 1981 : 24), connaîtra une grande vogue au iie s. av. J.‑C. (Audouze, Buchsenschutz 1989 : 217).
YM del./MC
263L’origine du matériau est difficile à déterminer à partir d’analyses. Les gisements les plus proches sont situés sur la rive de la Manche, dans les falaises de Kimmeridge dans le Dorset (Grande‑Bretagne), qui constituent en l’état actuel de nos connaissances le lieu d’extraction le plus probable pour les éléments du Boisanne.
3.3.3 Le lithique
264La majeure partie des comblements des structures du Boisanne recelait, en quantité plus ou moins importante, des fragments de roche, principalement du gneiss local, souvent altérés. Rougis, parfois noircis au cœur, nombre d’entre eux avaient manifestement subi l’action du feu. Aucune carte de répartition, en poids ou en Nombre, de ces fragments de roche n’a pu être effectuée, cet aspect des comblements n’ayant pas été quantifié lors de la fouille. Malgré cette lacune dans les informations recueillies, on pourrait suggérer, pour tenter d’expliquer une telle masse de pierres rougies qui est par ailleurs un phénomène fréquemment rencontré sur presque tous les sites laténiens en Armorique, la destruction de foyers, ou de fours de cuissons analogues à la fosse 240 (fig. 74), ou encore le brûlis répété des herbes et des broussailles qui poussaient le long des talus de terre parementés de pierres.
265Hormis ces fragments de gneiss, on peut signaler, parmi les éléments les plus caractéristiques, 5 fragments de meules à grains. Deux d’entre elles (135.78 et 114.11, pl. 26 et 14) ont été taillés dans un matériau extrait d’un filon de grès rose allant d’Erquy à Fréhel (Côtes‑d’Armor), sur le littoral de la Manche. La dernière a en outre subi une réutilisation comme table de travail pour une activité de polissage ou d’affûtage. En effet, si l’usure de la face inférieure est caractéristique des meules à grain, la face supérieure et la partie sommitale des cinq faces latérales sont polies et témoignent d’un usage autre et répété.
266Deux autres fragments (135.79 et 135.80, pl. 25), constitués de granite, correspondent également à des meules de type néolithique, légèrement piquetées et dont la surface triturante, usée, présente toujours une légère convexité. Enfin, un dernier élément (93.11, pl. 9), également réalisé en granité, correspond à la partie inférieure, dormante, d’une meule à grain rotative. Mis au jour dans les terres de remblai du puits d’accès du souterrain, il témoigne de la mise en œuvre, probablement avant le milieu du iie s., d’une technique de mouture plus efficace sur le site du Boisanne. On notera que ces fragments de meules à grains, répartis en divers endroits sur le site (fig. 122) sont en Nombre assez faible si l’on en juge par le volume des terres fouillées. Bien des sites de la péninsule Armoricaine fouillés sur des superficies nettement inférieures en ont livré autant, sinon plus, par exemple les sites de Polvern à Hennebont (Morbihan) (Menez 1994), du Braden I à Quimper (Le Bihan 1984) ou de Goulvars à Quiberon (Hyvert 1990).

FIG. 122 – Dispersion des fragments de meules à grains.
YM del./MC
267On signalera également, parmi les éléments caractéristiques, un fragment de peson en granité (135.81, pl. 26) de couleur rose. Cet objet, d’un diamètre de 87 mm, est de forme si parfaite qu’elle suppose, malgré le contexte globalement ancien au cœur duquel elle a été mise au jour, l’usage du tour. Une perforation axiale de 5 mm de diamètre le traverse de part en part. La face externe est polie, y compris à l’extrémité conservée. L’allure très soignée ainsi que le caractère parfaitement équilibré de cet objet rendent l’hypothèse d’un peson de tisserand peu plausible. Celle d’un peson de balance ou de tout autre objet élaboré conviendrait mieux.
268De nombreux lissoirs ont été rencontrés lors de la fouille, la plupart en dolérite. L’exemplaire dessiné (135.82, pl. 26) est fragmentaire et en schiste gris‑vert. Parmi les quelques percuteurs que nous avons su identifier, le 135.83 (pl. 26) est le plus caractéristique. De section globalement ovalaire, il s’achève en deux extrémités planes qui portent les écrasements caractéristiques de la percussion. Quant aux roches ayant servi d’affutoirs, la plus originale (114.1, pl. 13) est sans conteste une petite hache polie d’époque néolithique. Réalisée en dolérite, elle porte de nombreuses stries caractéristiques d’une utilisation secondaire comme pierre à affûter.
269Signalons enfin, pour conclure ce rapide examen des objets lithiques recueillis lors de la fouille du Boisanne, sept petits galets de modules très voisins (forme ovalaire, longueur comprise entre 3 et 4 cm, diamètre proche de 2 à 3 cm) et constitués d’une roche dure (dolérite ou, plus rarement, quartz). Quatre d’entre eux ont été découverts dans la mare, les autres provenant de deux fossés (135 et 115) ou de l’espace où ont été rejetés les fragments de statuettes (199). La plupart de ces petits galets ont dû être ramassés sur les bords de la Rance, cette rivière recoupant de nombreux petits filons de dolérite tout au long de son tracé. Leur utilisation comme balles de fronde est des plus probable et expliquerait notamment leur perte accidentelle au fond de la mare. L’utilisation de la fronde par les Gaulois, attestée par les textes (César, De Bello Gallico, VII, 81), a pu être mise en évidence notamment sur l’oppidum présumé de Quimper/Kercaradec (Finistère) (Wheeler, Richardson 1957), où une véritable soute recelant de telles munitions a été mise au jour, ou encore, par exemple, sur le site de Brélès/Kéralan (Finistère) (Sanquer et al. 1981).
3.3.4 Le creuset de bronzier. pl. 27, 136.3
270Une petite coupelle modelée dans l’argile, de couleur blanchâtre, présente sur la face interne du bord deux petites gouttelettes de métal cuivreux, de teinte vert‑de‑gris. Il s’agit de toute évidence des restes d’un creuset de bronzier, unique témoignage d’une activité métallurgique sur le site si l’on excepte une scorie ferrugineuse. De telles traces, fréquemment rencontrées en quantités limitées sur les habitats du second âge du Fer de la péninsule Armoricaine, peuvent témoigner de la présence épisodique d’artisans itinérants. Il est en effet probable qu’une activité artisanale effectuée en permanence sur le site du Boisanne aurait laissé, malgré l’ampleur des phénomènes liés l’érosion, des traces plus conséquentes.
3.4 La faune
3.4.1 Préambule
271Deux cartes de répartition ont été réalisées à partir d’un comptage des restes osseux sondage par sondage. La première (fig. 123) ne tient compte que des ossements à proprement parler, les dents isolées étant exclues. On observe trois groupements significatifs : l’espace où ont été mises au jour les statuettes (199) au nord, une petite section de fossé (128) dans la partie médiane du site et enfin une autre section d’un fossé (115) qui constitue la limite est de l’établissement du Boisanne. On notera que ces sections, si elles correspondent dans une certaine mesure à des zones de plus forte densité en tessons de céramique (fig. 88), étaient également les seules à receler en quantité notable des coquilles qui, en diffusant du calcaire dans les terres de comblement, ont sans aucun doute lutté contre l’acidité caractéristique des sols du massif Armoricain et, plus particulièrement, du plateau du Boisanne.

FIG. 123 – Carte de répartition des ossements sans les dents isolées. 1 nombre de restes pour 10 m3 = 0 ; 2 0 < NR ≤ 50 ; 3 50 < NR ≤ 100 ; 4 100 < NR ; 5 non fouillé ; 6 numéro de structure.
YM del./MC
272En effet, une deuxième carte de répartition qui tient compte cette fois des dents isolées, parties du squelette plus résistantes à ce type de corrosion, témoigne d’une dispersion autrefois plus large des restes osseux (fig. 124). Et, encore, on a pu se rendre compte que, lorsque des dents étaient retrouvées lors de la fouille, on pouvait noter le plus souvent les traces ultimes et évanescentes de quelques coquilles presque complètement dissoutes par l’acidité. En conséquence, on peut estimer que seuls ont pu être à même de nous livrer, lors de la fouille, quelques ossements conservés, les contextes où à l’époque antique des ossements et des coquillages ont été simultanément rejetés. En effet, la dissolution des coquilles calcaires a permis, si elles étaient en Nombre suffisant, de contrebalancer l’acidité des sols jusqu’à nos jours.

FIG. 124 – Carte de répartition des ossements en tenant compte des dents isolées. 1 nombre de restes pour 10 m3 = 0 ; 2 0 < NR ≤ 25 ; 3 25 < NR ≤ 50 ; 4 50 < NR ; 5 non fouillé.
YM del./MC
273Le fait que presque tous les restes osseux ont été mis au jour dans les remblais disposés en calage des palissades tardives de type 6A (fig. 31) témoigne essentiellement d’une consommation des coquillages en relative abondance à l’époque de l’implantation de ces limites. Seul l’espace qui a livré les fragments de statuettes (199) diffère de ce schéma inhérent aux conditions de conservation propre au site. Pour cette raison, il a fait l’objet d’une étude séparée tant par la nature des restes que par leur attribution probable pour la majeure partie au ier s. ap. J.‑C.
3.4.2 Le matériel osseux
3.4.2.1 Orientations de l’étude
274La pauvreté en os des sites archéologiques de Bretagne est célèbre, l’acidité des sols ne permettant pas habituellement leur conservation. Le site du Boisanne est l’un des rares établissements du second âge du Fer à avoir livré des restes animaux qui nous permettent d’approcher les caractéristiques d’une faune d’habitat armoricaine. Malheureusement, l’acidité géologique a tout de même frappé le site qui nous a livré un matériel fort abîmé. Les dommages causés rendent l’identification des pièces difficile, parfois incertaine. Ainsi, l’étude de la morphologie des espèces et de la gestion des troupeaux étant trop délicate, nous avons dû renoncer aux analyses biométriques.
275L’ensemble de la faune de Plouër représente 1 371 ossements animaux provenant des différentes portions fouillées des fossés de l’habitat, et 30 % d’entre eux ont pu être identifiés. Ce pourcentage très correct indique une fragmentation assez faible, malgré les dommages naturels que le matériel a subis.
276L’approche zoologique nécessitant trop de réserves, nous avons orienté notre recherche sur l’aspect qualitatif du type de dépôt ; il s’agit de tenter de déterminer l’origine des activités qui ont précédé la dévolution des os dans les dépôts fouillés. Le but de ce type d’approche est de confirmer éventuellement les hypothèses archéologiques et d’identifier le cas échéant des lieux d’activités spécifiques, ou des dépôts relevant d’activités particulières dont les déchets sont rejetés à des endroits choisis. Nous utilisons donc les ossements animaux comme autant de témoins des activités dont ils sont issus. Ces activités rassembleraient au moins la boucherie, la consommation courante et l’artisanat de l’os qui laissent des déchets caractéristiques. Une application de ce type d’étude est détaillée dans notre récent article sur la faune de l’île des Ébihens à Saint‑Jacut‑de‑la‑Mer (Krausz 1989). Le matériel osseux a été étudié sous la forme de dix échantillons provenant de différentes portions des fossés, en plus des restes retrouvés épars dans une zone caractérisée par de nombreux fragments de statuettes (structure 199).
277Deux contraintes essentielles conditionnent nos interprétations et limitent de façon définitive les possibilités d’analyse sur le site : il s’agit en premier lieu du fait qu’aucun des échantillons étudiés ne provient d’un ensemble clos. Ceci implique que les ossements déposés dans les structures archéologiques peuvent donc se rapporter, comme les tessons de céramique, à un ou plusieurs rejets distants dans le temps ; malgré la plus forte probabilité d’un enfouissement, on ne peut jamais être certain qu’un fragment osseux a été déposé de manière strictement contemporaine avec les fragments qui l’environnent.
278Le deuxième problème se rapporte à la conservation différentielle : l’acidité des terres a privilégié les parties les plus résistantes des squelettes, en l’occurrence les éléments dentaires. Ces parties étant particulièrement abondantes sur le site, elles posent le problème de leur réalité au sein de l’échantillon. Quelle a pu être en effet l’origine des dépôts, la part réelle des éléments les mieux conservés par rapport à ceux qui le sont moins bien, ajoutés à ceux qui ne le sont plus ? Nous n’avons pas d’éléments pour mesurer ce phénomène. L’apparente prédominance des dents dans les décomptes doit donc être regardée avec beaucoup de prudence.
279À ces limites, ajoutons une autre remarque, celle de la petite taille de l’échantillon ; il faut reconnaître qu’avec moins de 1 500 fragments, la faune du Boisanne se compare difficilement à la plus moyenne des fosses dépotoirs de nos habitats de La Tène bien connus. Elle a cependant le mérite d’exister, et nous tenterons d’en dégager les composants essentiels.
3.4.2.2 Analyse par structure
280Nous proposons d’exposer ici le profil archéozoologique de chaque structure étudiée, suivi d’un bilan pour l’ensemble des échantillons. Nous insisterons sur les deux ensembles les plus riches du site, les portions fouillées des fossés 128 et 115. Les autres portions de fossés ont livré peu d’ossements, leur interprétation étant encore plus dépendante de la sélection naturelle (fig. 125).

FIG. 125 – Histogramme des nombres de restes par structure.
SK del./AFAN
281Signalons enfin, ces termes étant sans cesse utilisés lors de l’analyse des restes osseux, que :
– NR est le Nombre (total) des Restes, obtenu par simple addition de tous les restes ;
– le NMI est le Nombre Minimum d’individus, estimation issue d’un calcul ; la méthode que nous utilisons est celle du « NMI de fréquence » ;
– le NRE est le Nombre de Restes par Espèce ; contrairement au NR, le NRE exclut les ossements non identifiés et les pièces identifiées partiellement.
Le fossé 128
282NR = 510 ; identifiés = 266 soit 52 % du NR.
La faune est représentée par un spectre assez large puisqu’on a pu dénombrer huit espèces différentes. C’est le Bœuf qui domine avec 40 % du NMI et 41 % du NRE, puis vient le Porc (18 % du NMI et du NRE). On a ensuite dans les mêmes proportions en NRE les Caprinés et le Cerf (respectivement 6 % du NRE), le Cerf dominant cependant le NMI avec 9 %, contre 4 % pour les Caprinés (fig. 126). Le Chien est très bien représenté avec un NRE de 11 % mais un NMI de 4 % comme les Caprinés. On a ensuite quatre types d’espèces plus rares, les Oiseaux (5 % du NRE), le Cheval (5 % du NRE), un mammifère marin (1 % du NRE) et l’Homme (2 % du NRE).

FIG. 126 – Mandibule de bœuf dans le fossé 128.
cl. YM/MC
283Le Bœuf et le Porc sont les espèces dominantes de cet ensemble. Ils sont caractérisés par des parties anatomiques variées, provenant de divers segments du squelette. Il en est de même pour les autres espèces. Le Chien est surtout représenté par des métapodes, et le Cheval par deux fragments de maxillaire.
284Le mammifère marin n’a pu être identifié avec précision. Deux fragments ont été attribués à une vertèbre dorsale qui porte une trace de découpe, et à un fragment d’humérus (?). Les deux pièces appartiennent à une espèce de l’ordre des Cétacés, sous‑ordre des Odontocètes (mammifères marins à dents). Il s’agit d’un individu jeune et d’une taille qui se situe approximativement autour de 3 à 4 m de long (fig. 127, no 3). Nous remercions ici le professeur Robinot du Muséum d’histoire naturelle de Paris qui nous a donné tous les renseignements au sujet du mammifère marin de Plouër.

FIG. 127 – Ossements mis au jour sur le site, du haut vers le bas. 1 petit bœuf ; 2 cerf ; 3 mammifère marin.
cl. HP/MC

FIG. 128 – Ossements mis au jour sur le site, du haut vers le bas. 1 à 3 bœuf ; 4 chien ; 5 porc.
cl. HP/MC
285L’Homme est représenté par trois incisives pouvant appartenir au même individu. Les vestiges humains sont très communs sur les habitats de La Tène.
Le fossé 115
286NR = 261 ; identifiés = 148 soit 56 % du NR.
Comme pour le fossé 128, c’est le Bœuf qui domine ici avec 33 % en NMI et 50 % en NRE. Il est suivi du Porc, dont les proportions en NMI sont légèrement plus élevées que dans la structure précédente avec 21 % mais plus faibles en NRE avec 8 %. Toujours par rapport au fossé 128, les Caprinés sont plus nombreux avec 20 % en NMI et 18 % en NRE, et s’équilibrent avec les porcs. La présence du Cerf est moins remarquable et s’approche de celle du Chien ; ces deux espèces sont largement moins bien représentées que dans le fossé 128. Les restes de Cheval sont peu nombreux, et le mammifère marin atteint 13 % du NRE. Les différentes espèces reconnues dans le fossé 115 sont représentées par les parties anatomiques les plus diverses, sans qu’aucune prédominance ou déficience de l’une d’entre elles ait été remarquée.
287Le mammifère marin est caractérisé ici par deux fragments bilatéraux de rostre (maxillaire supérieur) (fig. 127, no 3) et 11 fragments de crâne. Ces 11 fragments semblent appartenir au même crâne, bien que les collages n’aient pu être effectués. Il fait de plus peu de doute que les fragments de crâne et le rostre appartiennent au même individu. Il est également probable, même si les preuves matérielles nous manquent, que les ossements de mammifère marin des fossés 128 et 115 puissent provenir d’un unique individu.
Le fossé 81
288NR = 109 ; identifiés = 4 soit 3 %.
L’échantillon de la partie fouillée du fossé 81 comprend 105 fragments de dents appartenant aux grands ruminants, et plus vraisemblablement plutôt au Bœuf. Vu l’excessive fragmentation, l’utilisation trop hasardeuse de l’identification et la difficulté d’un décompte, nous avons préféré renoncer à détailler cet ensemble. Cependant, parmi ces fragments de dents, on a pu déterminer avec certitude un fragment de mandibule droite et un fragment de mandibule gauche de bœuf, ainsi qu’un fragment de maxillaire supérieur appartenant à la même espèce ; enfin, une côte de petit ruminant. La compréhension de cet ensemble est limitée par les difficultés relatives à l’abondance des éléments dentaires, énoncées dans notre introduction.
Le fossé 100
289NR = 100 ; identifiés = 9 soit 9 %.
Comme le fossé 81, le fossé 100 est caractérisé par un grand nombre de fragments de dents de grands ruminants (91 fragments) qui rend l’identification très délicate. Malgré ces difficultés on remarque que le Bœuf est l’espèce la mieux représentée avec 50 % du NMI et 66 % du NRE. Viennent ensuite les Caprinés et le Cheval avec 25 % du NMI et 16 % du NRE, mais représentés par un os chacun. On notera l’absence totale du Porc.
Le fossé 84
290NR = 54 ; identifiés =13 soit 24 %.
Comme dans le cas du fossé 81, on a dans cette portion fouillée du fossé 84 une majorité de fragments de dents appartenant vraisemblablement aux « grands ruminants ». Malgré la faiblesse en Nombre de l’échantillon, on remarquera la prédominance du Bœuf (60 % en NMI et 60 % en NRE) qui se détache des autres espèces par la présence des restes de trois mandibules droites et d’au moins un maxillaire supérieur. Le Porc est représenté par une molaire (M3 lactéale), et les Caprinés par un humérus. Il faut encore ajouter un fragment d’astragale et un fragment de radius pouvant appartenir au Bœuf ou au Cerf.
Le fossé 114b
291NR = 48 ; identifiés = 19 soit 39 %.
Dans cette portion fouillée du fossé, deux espèces sont représentées, le Bœuf et le Porc avec un avantage pour la première (66 % du NMI et 53 % du NRE pour le Bœuf). Sur les huit fragments attribuables au Bœuf, trois concernent les dents, les autres les os longs et les bas de pattes. Pour le Porc, sur les sept fragments qui lui sont attribués, quatre sont des éléments dentaires, le reste se partageant entre un tibia, un humérus et un fragment de scapula. On notera la présence d’un fragment de mandibule de jeune bœuf.
L’intersection 81/100
292NR = 37 ; identifiés = 5 soit 13 %.
Ce petit échantillon se compose exclusivement de restes dentaires. Toutefois on peut distinguer quatre fragments de mandibule de Porc (NR = 1 mandibule) ainsi qu’une côte de « grand ruminant », et quatre fragments d’émail dentaire attribuables aux « grands ruminants ».
L’intersection 84/81
293NR = 17 ; identifiés =11 soit 64 %.
On a ici uniquement des restes dentaires. Parmi ces fragments, on reconnaît une mandibule de Bœuf représentée par deux fragments de corps mandibulaire et quatre dents isolées, ainsi que dix fragments d’émail dentaire non attribuables.
Le fossé 114
294NR = 9 ; identifiés = 4 soit 44 %.
Au sein de ce très petit échantillon, c’est encore le Bœuf qui domine, représenté par deux maxillaires gauches au minimum (deux M2 gauches supérieures). Il faut y ajouter une canine inférieure de porc mâle, et un radius de Capriné.
Le secteur de fouille 199
295Le petit ensemble d’ossements mis au jour lors de la fouille de ce secteur caractérisé par une forte densité de fragments de statuettes a fait l’objet d’une étude particulière, En effet, non seulement la nature même de la structure mais également les résultats obtenus le différencient nettement des restes animaux mis au jour lors de la fouille des fossés de l’habitat. L’échantillon est composé de 226 fragments osseux dont 30 (soit 13 %) ont pu être identifiés. Le pourcentage d’identification est très faible dans cette structure et relève d’une forte fragmentation, contrairement à ce qui a été observé en général dans les fossés.
296Le Porc domine les autres espèces avec 50 % du NMI et 41 % du NRE. Il est suivi du Bœuf (25 % du NMI et 37 % du NRE), puis des Caprinés (25 % du NMI et 20 % du NRE) dans des proportions assez proches. Il faut ajouter un oiseau représenté par un os non déterminé. Dans cet ensemble, on ne trouve que des espèces domestiques, largement dominées par l’animal de consommation de prédilection, le porc.
297Parmi les os identifiés on compte 5 os brûlés, répartis dans les trois catégories d’espèces présentées. Les ossements brûlés non identifiés sont au nombre de 17, et se composent pour au moins 6 d’entre eux de petits fragments de diaphyse d’os appartenant aux petites espèces (Caprinés plus probablement). L’ensemble de ces pièces brûlées intensivement (n = 22) représente 10 % du Nombre total des restes. Elles nous semblent pouvoir être attribuées à des rejets de foyer et de cuisine.
298Deux pièces portent des traces de dents de carnivores (vraisemblablement de chien), un métacarpe de Capriné et un fragment d’os long non identifié. Ils représentent 0,8 % du Nombre total des ossements, ce qui peut sembler faible, mais est suffisant cependant pour montrer que ces pièces (ou l’ensemble de l’échantillon ?) ont subi une action réductrice avant leur enfouissement. Soit les pièces ont été rongées sur place par des chiens, ce qui pourrait indiquer que la couche est restée à l’air libre suffisamment longtemps, soit elles proviennent d’un balayage (sélectif ?) de déchets en partie rongés par des chiens.
299Tout en n’étant pas identifiables, certains fragments sont attribuables à des catégories d’espèces, et nous permettent d’obtenir une donnée supplémentaire. L’attribution à une catégorie d’espèces est faite d’après la morphologie du fragment et plus généralement sur l’épaisseur de la paroi osseuse. Les catégories d’espèces que nous avons constituées sont les grands mammifères (GM) réunissant le Bœuf, le Cheval et le Cerf, et les petits mammifères (PM), les Caprinés, le Porc et le Chien. On a dénombré sur l’espace considéré 60 fragments (parmi les os non identifiés) qui peuvent être attribués aux GM pour 43 d’entre eux. À ceux‑là, ajoutons 3 esquilles de débitage, de petite taille et cependant très caractéristiques, provenant de pièces longues de GM. Elles attestent des activités de découpage. Aux PM ont été attribués 10 fragments de pièces longues et 4 esquilles de débitage. Ce sont de loin dans cette série les restes de GM qui sont les plus nombreux (76 % des restes attribuables).
300Si on effectue un comptage global par catégorie, en considérant l’ensemble des os identifiés en plus des fragments attribuables, on obtient 57 fragments pour les GM et 34 pour les PM. Vue la composition de la faune identifiée de la structure 199, on peut penser que les GM représentent globalement le Bœuf, et les PM le Porc et les Caprinés (les autres espèces s’excluent d’elles‑mêmes, bien que l’on ne puisse le certifier). D’après ces dénombrements, on aurait une prédominance du Bœuf dans cet ensemble (62 % représentant les os attribuables plus les restes identifiés). Sans pouvoir valablement expliquer ce fait, nous pensons que la prédominance du Bœuf n’est pas fortuite, et ne semble pas être due à la fragmentation ; en effet, la fragmentation est en général plus faible chez les grandes espèces que chez les petites, plus fragiles. Si une excessive fragmentation devait faire apparaître un déséquilibre au sein du Nombre de restes, ce serait plutôt en faveur des petites espèces, et non l’inverse, On a donc peut‑être ici l’image d’une réelle prédominance du Bœuf dans cette structure, qui contraste avec les comptages établis par le NRE à travers lesquels le porc dominait. Ce petit ensemble, malgré son faible nombre de pièces identifiées nous permet de proposer une interprétation du type de dépôt. En résumé, voici ses caractéristiques essentielles :
– la représentation exclusive d’espèces domestiques d’élevage courant et alimentaire : Bœuf, Porc, Caprinés ;
– l’absence d’animaux chassés et des espèces minoritaires d’habitat : Chien et Cheval ;
– les pièces anatomiques des trois espèces présentes sont assez variées ;
– la découpe et la fracturation des os est quasi systématique sur les pièces identifiées et sur une partie des os attribués à des catégories d’espèces ;
– présence de petits fragments (10 % du NR) brûlés intensivement.
301L’ensemble de ces caractères nous conduit à penser que le dépôt étudié provient de rejets de cuisine. Tous les critères de description s’accordent bien entre eux : les espèces présentes se rapportent uniquement à des animaux d’élevage de boucherie, leurs os ont été découpés et la consommation des viandes a laissé de nombreuses traces ; les petits fragments brûlés rappellent des vidanges de foyer. Cet ensemble, résultat d’un « balayage » de déchets de cuisine, serait resté à l’air libre suffisamment longtemps pour être en partie rongé par les chiens.
3.4.2.3 Synthèse
Limites de l’échantillon
302Le problème qui domine la faune de Plouër est celui de la conservation différentielle. Une véritable sélection naturelle des os s’est opérée avec le temps lors de l’enfouissement, et on doit s’interroger sur la valeur et la réalité des données. Cette question est posée en général sur tous les sites archéologiques, et les archéozoologues parviennent parfois à déceler la systématique de la conservation différentielle, qui, dans le cas d’une géologie moyenne, implique une sélection logique et presque « normale » de certains éléments, qui peut même être statistique et attendue. Au Boisanne, le problème se pose différemment, puisque les conditions de conservation sont extrêmes ; on se rend compte que pour un habitat de cette importance, peu de matériel osseux nous est parvenu en définitive. Une réelle et considérable sélection des objets s’est donc produite, sans que le phénomène puisse être mesuré. Dans ces conditions, pouvons‑nous appuyer une interprétation sur des données sélectives ?
303Une interprétation des données n’est possible que dans la mesure où on parvient à estimer la part des éléments disparus et à déterminer un certain nombre des causes de disparitions, ce qui est loin d’être notre cas. Aussi, nos interprétations ne devront pas dépasser le cadre des éléments recueillis sur le site, dans la mesure où ces éléments peuvent nous renseigner, de par leur nature, sur la fiabilité des décomptes qu’ils ont permis de constituer. Nous chercherons par conséquent des indications sur la valeur de nos données, à partir des données mêmes.
304Ainsi en premier lieu, les pourcentages d’identification calculés pour chaque structure livrent dans la plupart des cas un rapport satisfaisant, qui indique un état de conservation plutôt favorable. Ensuite, la variété des espèces représentées sur l’ensemble du site et dans la plupart des structures laisserait penser que la disparition de certaines espèces au cours de l’enfouissement est à écarter. Ce n’est donc pas sur la représentation des espèces que la conservation différentielle nous fait sentir ses effets. En revanche, les déséquilibres fréquemment observés sur la représentation des différentes pièces du squelette indiqueraient une sélection des parties anatomiques les plus fragiles, ceci autant pour les grandes que pour les petites espèces. On peut donc espérer que l’image donnée par la composition globale des espèces est proche de la réalité, alors qu’à l’inverse, la répartition des pièces anatomiques des squelettes est troublée par la conservation différentielle. L’étude des types de dépôts à travers la composition anatomique est donc exclue, ce type d’analyse étant basé sur des valeurs statistiques qui interdisent les sélections a priori.
305Les fossés 128, 115, 114b et 114 semblent pouvoir renvoyer une image relativement proche de la réalité du point de vue de la composition de la faune, à l’inverse des autres portions fouillées des fossés dans lesquelles seuls les restes dentaires sont parvenus jusqu’à nous ; ces structures seront donc écartées de l’interprétation générale, et les restes du sanctuaire seront traités à part.
Les espèces
306On remarque sur l’ensemble du site une liste d’espèces assez variées qui s’apparente dans sa composition et sa diversité à ce que l’on connaît des sites contemporains du Boisanne, sans absence notable d’une espèce en particulier (tabl. iv, fig. 129).

TABL. IV – Tableau général d’analyses ostéologiques.

FIG. 129 – Histogramme des nombres minimum d’individus et des nombres de restes par espèce pour le cheptel majoritaire.
SK del./AFAN
307Le Bœuf domine les autres animaux, tant en NMI qu’en NRE (entre 40 et 66 % du NMI et entre 37 et 66 % du NRE). Il semble composer l’essentiel des espèces consommées et constitue sans doute la base de l’élevage du site. Le Porc est représenté dans des proportions assez constantes (entre 18 et 33 % du NMI et 8 et 46 % du NRE). Sa fréquence approche d’une façon générale celle des Caprinés (entre 4 et 25 % du NMI et 6 et 25 % du NRE). Ces deux espèces, présentes dans presque tous les fossés, constituent elles aussi une des bases de l’alimentation carnée du Boisanne. On trouve ensuite des espèces apparaissant en minorité sur le site, et de façon habituelle sur les sites contemporains (fig. 130).

FIG. 130 – Histogramme des nombres minimum d’individus et des nombres de restes par espèce pour les animaux peu fréquents.
SK del./AFAN
308Le Cerf est présent dans les fossés 128 et 115 dans des proportions allant de 6 à 9 % en NMI, et de 3 à 6 % en NRE. Il est représenté par des os longs et des bas de pattes. Cette espèce, rare sur les sites d’habitat contemporains, est intéressante ici dans la mesure où elle dépasse en NMI et est équivalente en NRE à la part des Caprinés dans le fossé 128. On peut s’interroger ici sur la relative abondance de cette espèce, connue pour sa grande rareté dans les habitats de la fin de La Tène. À cela, on peut répondre que la part de la chasse dans la consommation diminue de façon manifeste depuis le Néolithique, et que la fin de l’âge du Fer marque le point culminant pour la protohistoire de la production d’animaux domestiques. L’élevage devient un système de production très efficace, se suffisant largement à lui‑même, sans que la chasse soit utile pour apporter un complément alimentaire peu indispensable.
309Ceci peut être valable au sein d’une économie proto‑urbaine, là où le phénomène est habituellement observé et mesuré, mais qu’en est‑il des rapports entre les animaux sauvages et le fonctionnement d’une économie rurale comme celle de la ferme du Boisanne ? Ce phénomène ne touche pas que le cerf ; en effet, c’est l’ensemble des espèces sauvages qui est rare sur les sites d’habitats, et, à travers cette rareté, c’est bien l’activité de chasse qui semble peu pratiquée.
310Il faut faire référence ici aux travaux d’A. Grant (Grant 1981) sur le sujet, qui s’interroge en effet sur la rareté du cerf dans les habitats de Grande‑Bretagne. Dans son analyse, elle suggère pour les sites sur lesquels les ossements de cerf sont plus fréquents, de rapporter la consommation de cette espèce à une déficience de l’agriculture (culture et élevage), qui peut être due à un environnement défavorable ; le cerf serait donc une nourriture d’appoint. Il peut également être recherché pour le sport (pratiqué un peu plus tard à l’époque gallo‑romaine), pour la matière première (les bois) ou chassé comme espèce nuisible.
311Le Chien est présent dans les fossés 128 et 115 avec un pourcentage en NRE qui dépasse celui des Caprinés. Dans ces deux fossés, il est mieux représenté que le Cerf. La consommation du chien sur le site du Boisanne n’a pas été mise en évidence, l’érosion ne permettant pas la lecture d’éventuelles traces de découpe. Le Cheval apparaît dans les fossés 128, 115 et 100, dans des proportions assez faibles, sauf dans le fossé 128 où sept pièces anatomiques le représentent. On dénombre les restes d’un homme dans le fossé 128, représenté par trois dents appartenant vraisemblablement à un même individu. C’est dans ce même fossé qu’on a pu recueillir les uniques os d’oiseaux du site (NMI = 2).
312Enfin, le mammifère marin des fossés 128 et 115 constitue l’espèce exceptionnelle du site (cf supra détails au chap. 2). Sa consommation ne fait aucun doute ; elle a été mise en évidence par les traces de découpe visibles sur la vertèbre dorsale du fossé 128. L’origine de sa présence sur le site peut se rapporter à la récupération d’un animal échoué sur une plage (ou une partie d’un individu), ou ayant remonté le cours de la Rance. Il s’agit de toute évidence d’un individu exceptionnel ; il nous semble difficile d’extrapoler et de supposer une activité régulière de chasse aux grands mammifères marins. Comme il a été dit plus haut, l’espèce n’a pu être déterminée précisément ; cependant la taille approximative de l’animal fait penser à un marsouin ou à un dauphin.
Conclusions
313En résumé, il faudra retenir de ces résultats généraux, la variété des espèces représentées sur le site, et surtout la prédominance du Bœuf. Il faut noter également qu’aucune différence fondamentale dans la composition des différents échantillons n’a été remarquée ; ceci confère donc au site une certaine unité du point de vue des dépôts animaux, et nous engage à considérer globalement l’ensemble des ossements.
314En ce qui concerne l’origine des dépôts, même si aucune analyse précise de la composition anatomique n’était envisageable, on peut affirmer que la consommation ne fait aucun doute. La diversité des pièces anatomiques (diversité relative, compte tenu de la conservation différentielle) rappelle les dépôts d’habitats typiques de la consommation courante, dans lesquels on retrouve des pièces émanant des différents segments des squelettes provenant eux‑mêmes des différentes opérations liées à la boucherie et à la consommation : sont présents dans les fossés du Boisanne aussi bien des restes de parties riches que de parties pauvres en viandes, sans que certains éléments n’en dominent d’autres (sauf les dents, pour des raisons que nous connaissons). Il apparaît donc que les fossés de l’établissement du Boisanne ont servi entre autres de dépotoirs domestiques aux activités entourant l’abattage, la découpe et la consommation des espèces élevées sur le site.
315La comparaison entre la faune retrouvée éparse sur le secteur qui a livré des statuettes (199) et celle des fossés de l’habitat est très limitée, d’autant que ces contextes sont probablement d’époques différentes. Ceci est dû en partie à la faiblesse du deuxième ensemble, mais aussi sans doute à une différence essentielle des types de dépôts. Nous pensons que l’ensemble osseux de la structure 199 est le résultat d’une activité limitée et spécifique (la cuisine) qui a dû s’exercer à proximité de la zone d’enfouissement. Il peut s’agir d’un dépôt intègre, résultant d’une accumulation rapide de déchets rapprochés dans le temps ; les dépôts des fossés sont le résultat d’une série d’activités dont les déchets ont été déposés, parfois perturbés sur un temps plus long ; on y distingue par ailleurs des déchets de préparation et des déchets de cuisine.
316Nous aurions souhaité pouvoir conclure cette étude sur des comparaisons. Malheureusement, la faune du Boisanne reste un ensemble isolé dans la région, et ne peut même pas être comparée à notre récente étude de la faune des Ébihens, cette dernière étant un dépôt trop particulier. Par rapport aux autres régions, un autre obstacle apparaît à la comparaison, celui du type de site ; en effet, la plupart des faunes traitées pour la période concerne des grands habitats, dont le fonctionnement économique est radicalement différent, à tous points de vue, de celui des fermes indigènes. De plus, les rapports détaillés sur les faunes provenant des habitats qui nous intéressent sont extrêmement rares. Nous ne pouvons citer que quelques maigres informations sur la Picardie, d’après les travaux de P. Méniel sur le site de Verberie (Blanchet et al. 1983) et une communication personnelle sur les faunes des fermes indigènes dans la vallée de l’Aisne par G. Auxiette. Dans ces sites, on trouve une majorité d’animaux domestiques, consommés, parmi lesquels le Bœuf domine en NMI et en NRE. Ceci s’oppose à ce qui est observé sur les grands sites d’habitat de la fin de La Tène, où le Porc domine largement les autres animaux.
317Sur les grands habitats gaulois, ceux pour lesquels on parle des débuts de l’urbanisation, la consommation du porc est générale (Levroux, Variscourt, Villeneuve‑Saint‑Germain, Feurs...). Les études de faunes provenant des fermes indigènes gauloises sont trop peu nombreuses pour nous permettre actuellement une telle généralisation. Cependant, en s’inspirant des informations succinctes sur la Picardie, on peut constater que, contrairement à la situation des villes, le porc ne domine pas les autres espèces dans les fermes indigènes ; le Bœuf semble prendre sa place.
318On aurait donc peut‑être une opposition villes‑campagnes, caractérisée par des orientations d’élevage radicalement différentes, conditionnées en premier lieu par les contraintes environnementales. Il semblerait en effet logique de trouver plutôt des élevages de bovins dans les fermes isolées, qui disposent d’un environnement adéquat. À l’inverse, dans les villes, le porc est l’animal de production idéal, qui ne nécessite aucune condition particulière d’élevage.
319Malgré le manque de comparaisons, on remarque que la faune du Boisanne diffère nettement de ce que l’on connaît des faunes d’habitat de La Tène, bien étudiées à ce jour. Dans une dimension plus large, il est possible qu’elle représente l’exemple d’un élevage et d’une production spécifiques, d’un type d’économie rurale avec un fonctionnement autarcique et/ou commercial, qui s’opposerait à un système économique urbain ; cette hypothèse devra trouver ses preuves à travers des études futures sur ce type de site.
3.4.3 Les coquillages
320Ainsi que nous l’avons indiqué précédemment, la répartition du millier de coquilles retrouvées reflétait très précisément celle des ossements conservés. Il s’agissait, pour la majeure partie, de restes de patelles et, dans une moindre mesure, de moules. Une fouille clandestine dans le dépôt majeur a empêché tout comptage précis par espèce. On peut toutefois noter que les coquilles des moules et des patelles, rarement mêlées, étaient emboîtées les unes dans les autres et formaient des rejets localisés et importants proches, pour le fossé 128, du m3. Il ne s’agit pas, de toute évidence, des restes d’une consommation quotidienne. Seuls un repas pantagruélique et localisé dans le temps ou une activité de conserve paraissent susceptibles de justifier la présence de tas aussi compacts et circonscrits. Les rejets quotidiens, bien plus modestes et dispersés dans les comblements, auront probablement été dissous par l’acidité des sols, la faible masse de l’apport en calcaire ne permettant pas de lutter efficacement pendant deux millénaires contre le phénomène. Signalons également que, hors ces deux types largement majoritaires, les coquillages suivants ont pu être identifiés à quelques exemplaires chacun : la coque, la palourde, l’huître et le bigorneau. La plupart des espèces citées ont pu être récoltées à marée basse sur les rives de la Rance, en contrebas du site.
3.5 Pollens, charbons de bois et graines
3.5.1 Pollens
321Parmi les 11 échantillons testés pour l’analyse pollinique, seuls 5 d’entre eux (fig. 131) ont livré des pollens et des spores en assez grand nombre pour donner lieu à un comptage fiable du spectre. Ils proviennent de :
– pal. 1 : structure 61, vase remplissant le fond de la mare (fig. 56, 131) ;
– pal. 2 : structure 100A, vase remplissant le fond d’un fossé de type 4 (fig. 20, 29, 131) ;
– pal. 3 : structure 114, vase remplissant le fond d’un fossé de type 5 (fig. 24, 131) ;
– pal. 4 : structure 1, fond de fossé de bordure de chemin (fig. 81, 131) ;
– pal. 5 : structure 170, fond du fossé qui délimitait l’enclos funéraire (fig. 76, 77, 131) ; il est vraisemblable que les derniers curages de ce fossé puissent être attribués à la fin du ve ou au ive s. av. J.‑C.

FIG. 131 – Localisation des prélèvements palynologiques.
YM del./MC
322Les cinq analyses polliniques montrent des milieux déboisés (fig. 132). Le taux de pollens arboréens varie effectivement de 12,5 à 16 %. De plus, dans tous les cas, la strate arboréenne est largement dominée par une espèce de petite taille, le Noisetier (Corylus avelland), classée parmi les arbustes. L’échantillon pal. 3 est, parmi les cinq étudiés, celui qui traduit le plus l’important déboisement des environs du site. Les Aulnes (Alnus sp.) sont toujours représentés.
323Les spores de Fougères atteignent des taux de 36 %. Il s’agit notamment de la Fougère aigle (Pteridium aquilinum), qui vient renforcer l’aspect ouvert et défriché de l’espace environnant et du Polypode vulgaire (Polypodium vulgare) systématiquement dominant, croissant plutôt au pied des constructions.

FIG. 132 – Diagramme palynologique.
BRH del./AFAN d’ap. DM/CNRS).
324La strate herbacée, dominante et variée, occupe de 49 à 68 % du spectre. Sa diversité taxonomique, tous échantillons confondus, atteint 21. Les Graminées sont toujours largement dominantes suivies par les Plantains, sauf dans l’échantillon pal. 3. Aux côtés des Plantains, se succèdent nombre de plantes rudérales : toute une variété de Composées, les Ombellifères, les Papillonacées, l’Oseille (Rumex sp.), les Rubiacées... C’est dans l’échantillon pal. 5 que les Herbacées sont les plus variées et les rudérales les plus nombreuses. Dans toutes les analyses, des pollens de Graminées type Céréale ont été observés. Il ne s’agit dans aucun cas de Seigle (Secaie cereale). Les taux sont variables et assez élevés dans les échantillons pal. 4 et pal. 5.
325Enfin les Ericacées représentées par les genres Erica et Calluna, ainsi que quelques Papillionacées sont autant d’indices de l’existence de la lande à quelques distances du site. Les Ericacées sont cependant nettement plus représentées dans les échantillons pal. 1 et pal. 2. L’échantillon pal. 1, prélevé dans la vase de la mare, renferme quelques plantes herbacées hygrophiles comme la Massette (Typha sp.), la Laiche ou le Scirpe (famille des Cypéracées) et le Potamot (Potamogeton sp.). Parmi les Fougères, quelques spores de Prêles (Equisetum sp.) ont été comptées. De plus, la strate arboréenne compte quelques Aulnes (Alnus sp.). Ceux‑ci témoignent d’une certaine humidité des sols, voire de la relative proximité de points d’eau. Signalons que les analyses sédimentologiques que nous avons effectuées sur cette structure confirment son caractère humide et révèlent l’existence d’une mare.
326Les échantillons renferment tous des Graminées type Céréale. Tandis que dans les échantillons 1, 2 et 3, situés au cœur de l’établissement, les taux de Céréales sont faibles (1 à 1,6 %), ceux‑ci deviennent plus nombreux dans les échantillons 4 et 5 (4,5 %), prélevés à une centaine de mètres de la ferme. Il est donc probable que les champs cultivés n’étaient pas à étroite proximité du site. Le palynologue belge B. Bastin a en effet démontré que la fréquence des pollens de céréales chutait considérablement avec l’éloignement de la zone cultivée.
3.5.2 Charbons de bois
327Les charbons de bois ont été prélevés dans cinq fossés (114b, 128b, 129, 135 et 174, fig. 133), deux fosses (200 et 221) et deux trous de poteaux (146 et 154). Seuls les échantillons 135, 114b et 128b correspondent vraisemblablement à des rejets identiques (rejets domestiques accumulés contre un talus et, dans un deuxième temps, rejetés en calage d’une palissade à poteaux jointifs). La diversité taxonomique atteinte parmi les charbons de bois étudiés sur ce site est importante et s’élève à 20. Dans quatre des cinq échantillons étudiés, le Chêne à feuillage caduc (Quercus sp.) est dominant.

FIG. 133 – Localisation des prélèvements anthracologiques.
YM del./MC
328Un trou de poteau (146) a été rempli par un sédiment noirâtre riche en charbons de bois. Dans l’échantillon récolté, 6 taxons ont été identifiés (tabl. v). Parmi eux, quatre sont révélateurs d’un biotope de lande. Un second trou de poteau (154) a livré un charbon de Pomoïdée Pyrus‑type dont la masse est de 0,75g. Le remplissage d’un fossé (135) a livré un lot important de charbons de bois. Ce dernier est riche de 16 taxons (tabl. vi).

TABL. V – Charbons du trou de poteau 146.

TABL. VI – Charbons du fossé 135.
32960 charbons de Chêne ont pu donner lieu à une observation dendrologique. Parmi eux, 42 présentaient des cernes rectilignes. Il est donc légitime de penser que ces charbons proviennent de bois de fort diamètre. Ces chênes ont une largeur moyenne de cernes (rectilignes) de l’ordre de 3 mm (fig. 134). Les cernes courbes ont une largeur moyenne de 1 à 2 mm. La forte épaisseur des cernes indique une croissance en milieu ouvert de ces arbres.

FIG. 134 – Largeur moyenne des cernes rectilignes des chênes.
BRH del./AFAN d’ap. DM
330Trois formations ligneuses peuvent être distinguées parmi ce premier lot de charbons de bois extrait des trous de poteaux 146 et 154, ainsi que du fossé 135 localisé à proximité :
– la lande et le taillis, ou plus probablement des haies, sont représentés à travers un cortège varié d’espèces héliophiles : genêt, ajonc et prunellier pour les landes, sorbier, noisetier, bouleau, érable champêtre, troëne, poirier, fusain d’Europe, voire chêne caducifolié de milieu ouvert pour les haies ;
– on distingue une forêt de bord de cours d’eau (rappelons que la Rance coule en contrebas du site) ; les essences ripicoles attestées sont le peuplier, l’aulne, le saule et le frêne ;
– enfin, on peut reconnaître une chênaie à charmes.
331Deux prélèvements effectués dans les terres de comblement de deux fossés (114b et 128b) ne semblent pas contredire, malgré la faiblesse de l’échantillon (tabl. vii, viii), cette vision de l’environnement.

TABL. VII – Charbons du fossé 114b.

TABL. VIII – Charbons du fossé 128b.
332A une centaine de mètres de l’établissement, deux prélèvements ont été effectués dans un fossé de bordure de chemin (129) et un fossé de limite de parcelle (174). Les milieux reflétés par l’analyse anthracologique sont identiques à ceux identifiés pour la phase la plus ancienne (tabl. ix, x).

TABL. IX – Charbons du fossé 174.

TABL. X – Charbons du fossé 129.
333Au nord de l’établissement, la fouille a mis en évidence un espace sur lequel ont été retrouvés de nombreux fragments de statuettes. Deux fosses, creusées à proximité d’un des édifices supposés, ont livré des charbons de bois qui, bien qu’en faibles quantités, méritaient d’être étudiés. Les deux échantillons présentent des résultats très opposés. Une fosse contenait du Sureau et de l’Aubépine (tabl. xi). L’autre fosse ne renfermait que des charbons de chêne à feuillage caduc correspondant à des branches et à des racines (tabl. xii). Il s’agit, sur ce site, du seul échantillon contenant des éléments de racines carbonisées. Signalons que Y. Menez a interprété deux fosses localisées non loin sur le site comme des excavations liées à l’arrachage d’arbres (fig. 63).

TABL. XI – Charbons de la fosse 221.

TABL. XII – Charbons de la fosse 200.
334D’intéressants enseignements phytoécologiques sont à tirer de l’étude du matériel anthracologique en s’appuyant sur les informations intrinsèques à chaque taxon et celles livrées par leur association. L’existence de la lande régressive est attestée sur le site. Contrairement à la palynologie, il est impossible d’évaluer par l’anthracologie l’évolution de l’importance prise par cette formation dans l’environnement. Les espèces que nous rapportons à la lande armoricaine peuvent également toutes former des haies plus ou moins larges autour de la ferme. Celles‑ci ont pu être utilisées pour parfaire l’étanchéité entre les enclos à bétail et les zones d’habitation. Une ripisylve devait longer la Rance. Les Gaulois en ont extrait du bois de combustion et de construction. L’Aulne, le Peuplier, le Saule, le Frêne, voire le Sureau sont les espèces ripicoles attestées dans les différents lots de charbons de bois. Enfin, une chênaie à charmes existait à une certaine distance du site car sa présence n’est pas détectée par les analyses polliniques. Quelques pieds de chêne ont fort bien pu participer à la formation de haies ci‑dessus évoquées. La largeur de leurs cernes indique en effet une croissance en milieu ouvert.
3.5.3 Graines
335Seul le prélèvement de cendres issu de la fosse 221 du site du Boisanne a fourni des graines (fig. 72, 135). L’échantillon de cinq litres, tamisé sous eau sur une colonne de tamis à mailles de 2 à 0,5 mm, a livré cinq graines carbonisées de Véronique à feuilles de lierre (Veronica hederifolia L.). Les dimensions (en millimètres) de quatre semences complètes carbonisées sont les suivantes : 2,7 x 2,1 ; 2,9 x 2,6 ; 2,6 x 2,2 ; 4,8 x 2,2. Herbacée pouvant atteindre 30 cm de hauteur, la Véronique à feuilles de lierre se rencontre sur les aires plutôt découvertes telles que les talus ou les cultures. Elle croît aussi dans les haies ou les friches. C’est un indicateur de sols riches en substances nutritives.
336Par ailleurs, neuf moulages d’empreintes apparentes sur les faces externes ou internes de tessons de poteries ont été effectués grâce à un élastomère silicone RTV 573 A. Chaque tesson est repéré par le numéro de structure accompagné, dans le cas où il a été dessiné, par son numéro propre d’identification.

FIG. 135 – Localisation des prélèvements carpologiques.
YM del./MC
⦁ Fragment de lèvre, non dessiné (st. 61)
337Une empreinte incomplète d’un caryopse décortiqué de céréale en position ventrale a été repérée sur la face externe de ce bord. De dimensions 5 x 2,7 mm, ses caractéristiques morphologiques le rapprochent d’un grain d’Orge vêtue (Hordeum vulgare).
⦁ Fragment de panse, non dessiné (st. 61)
338L’empreinte remarquée sur la face externe du tesson est peu lisible. Ses dimensions sont 4 x 1,8 mm. Il pourrait s’agir d’un épillet de Graminée.
⦁ Fragment de lèvre, non dessiné (st. 100)
339La face interne de ce bord laisse apparaître une empreinte de caryopse de céréale, en vue ventrale, longue de 7,2 mm et large de 2,3 mm. Le grain n’est pas emprisonné dans ses glumelles (balles). Il présente un sillon peu profond, des extrémités pointues et des côtés anguleux évoquant l’Orge vêtue (Hordeum vulgarè).
⦁ Fragment de lèvre, non dessiné (st. 135)
340Cette empreinte est fichée dans la lèvre sur le bord de la face interne. Tronquée, elle évoque cependant un caryopse dénudé de Céréale en vue ventrale (4,2 x 2,3 mm). Une des extrémités pointues rappelle un grain d’Orge (cf. Hordeum sp)–
⦁ Cinq fragments de panse recollés, non dessinés (st. 135)
341Une seule empreinte située sur la face externe de la poterie a été repérée. Il s’agit vraisemblablement d’un aiguillon épidermique (poil épidermique sclérifié) comme en portent certaines espèces de la famille des Rosacées. L’épine présente une base dilatée de section aplatie. L’extrémité apicale est progressivement acérée. Sa longueur est de 6,8 mm et la largeur à la base mesure 5,2 mm. Ce type d’organe pourrait appartenir à la tige d’un Eglantier (Rosa sp.) ou d’une Ronce (Rubus groupe fruticosu) par exemple.
⦁ Fragment de panse, non dessiné (st. 135)
342Il s’agit d’une empreinte de forme cylindrique (longueur = 4,7 mm et largeur = 1,6 mm) repérée sur la face interne du tesson près d’une fracture. L’organe auquel elle se rapporte est incomplet. Il pourrait correspondre à un fragment de tige d’Herbacée ou de rameau.
⦁ Fragment de panse, non dessiné (st. 135)
343Cette empreinte située sur la face externe du tesson correspond à un caryopse de céréale en vue ventrale. Le grain dénudé est néanmoins incomplet. Ses dimensions sont, en longueur et en largeur, 6,5 et 3,8 mm. Les côtés anguleux, la forme presque losangique et un sillon large caractérisent un grain d’Orge vêtue (Hordeum vudgare).
⦁ Fragment de panse, non dessiné (st. 166)
344L’empreinte apparaît sur la face externe du tesson. Elle est caractéristique d’un akène trigone de Polygonacée. Ses dimensions et l’aspect émoussé des angles la rapportent au Polygonum convolvulus (Renouée Liseron) (3,8 x 2,3 mm). Les valves fructifères sont absentes. Cette herbacée croît en adventice dans les cultures de céréales.
⦁ Fragment d’écuelle, dessiné (st. 199, no 74, pl. 30)
345L’empreinte se situe sur la face interne du tesson. Il s’agit d’un corps incomplet segmenté et aplati dorsoventralement d’Arthropode. Ses longueur et largeur sont (6,8 x 2,4 mm). La position ventrale de l’individu permet de compter 11 segments d’au moins 10 paires d’appendices locomoteurs fichés au centre des articles. On repère également un reste d’expansion latérale d’un tergite sur un des segments abdominaux. L’extrémité caudale du corps se termine en pointe et ne semble pas comporter de cerques. Ces observations font songer à un Crustacé terrestre du groupe des Cloportes.
346Cinq empreintes sur neuf se rapportent à des grains d’Orge dont la majorité correspond à la forme vêtue (Hordeum vulgare). Cette céréale est fréquemment attestée dans les niveaux de l’âge du Fer en France septentrionale. Il est intéressant de noter que tous les moulages montrent des grains dénudés. Or, les grains de l’Orge vêtue restent emprisonnés dans leurs glumelles même lorsqu’ils sont mûrs. On obtient des grains dénudés après un décorticage poussé (deux battages). Les grains d’Orge du Boisanne proviennent donc d’un lot de semences qui avaient été probablement préparées en vue de leur consommation par les occupants du lieu de production de ces céramiques.
347La majorité des empreintes (cinq sur neuf) se situent sur la face externe des tessons. Leur position variable ne semble pas traduire une quelconque fonction décoratrice. L’unique empreinte de ce qui pourrait être une tige fragmentée ne démontre pas l’utilisation de paille hachée comme liant éventuel de la pâte. Ces éléments, de caractère anecdotique, ont dû être fortuitement piégés dans la pâte crue des poteries en cours de fabrication. L’analyse de ces empreintes permet donc d’attester la culture de l’Orge vêtue (Hordeum vulgare) alors que les prélèvements de sédiment dans la fosse 221 ne recelaient aucune semence de plantes cultivées.
3.6 Sédimentologie et micromorphologie
3.6.1 Sédimentologie
348Les analyses sédimentologiques ont consisté, sur le site du Boisanne, en une étude granulométrique des différents remplissages orientée, à l’exception d’une fosse, sur une étude des fossés, destinée à confirmer ou infirmer les hypothèses formulées par l’archéologue sur le mode de fonctionnement de ces excavations. Elles ont consisté, pour les 9 échantillons prélevés (fig. 136), en un tamisage des sables et graviers et en une microgranulométrie des suspensions de particules fines en milieu aqueux à la pipette d’Andreasen modifiée par Monnier‑Bigot‑Marguerie.
349Les différents indices granulométriques utilisés sont définis ci‑dessous :
– G : graviers soit toutes particules de dimensions comprises entre 2 cm et 2 mm ;
– S : sables soit toutes particules de dimensions comprises entre 2 mm et 50μ ;
– L : limons soit toutes particules de dimensions comprises entre 50 et 2μ ;
– A : argiles soit toutes particules de dimensions inférieures à 2μ ;
– MED : médiane, dimension exprimée en microns des particules correspondant au pourcentage cumulatif de 50 % ;
– X : cet indice, mis au point par A. Rivière, apprécie la grosseur du sédiment (plus il est élevé, plus le sédiment est grossier) ;
– N : indice d’évolution de A. Rivière ; il reflète l’énergie de mise en place du sédiment (plus il est élevé, plus les conditions de dépôt ont été énergiques) ; il traduit aussi la pureté de la sédimentation (mélanges, remaniements secondaires).

FIG. 136 – Localisation des prélèvements sédimentologiques et micromorphologiques.
YM del./MC
350L’analyse, en composantes principales des résultats granulométriques, effectuée sur micro‑ordinateur de type PC grâce au logiciel Stratgraphics, permet de mieux cerner les affinités entre échantillons. Les six facteurs retenus pour ce traitement, et reflétant au mieux la distribution granulométrique, sont :
– les indices de grossièreté du sédiment X1, X4, X6, calculés dans les gammes dimensionnelles suivantes : X1 de omicron au grain le plus gros représentatif ; X4 du point d’inflexion haut de la courbe au point le plus gros représentatif ; X6 de omicron au point d’inflexion bas de la courbe ;
– les indices d’évolution du sédiment N1, N4 et N6, associés respectivement à X1, X4 et X6 et calculés dans les mêmes domaines granulométriques.
351Il convient de préciser ici que le site est installé sur un substrat constitué de gneiss (cf. infra § 4.3.2). L’altération de ce dernier (l’arène) compte pour une large part dans la constitution des sédiments superficiels. Les neuf échantillons analysés apparaissent sablo‑limoneux ou limono‑sableux. Ils ont tous une texture fine avec une médiane comprise entre 35 et 73μ, c’est‑à‑dire dans les limons grossiers ou sables fins.
352Les hypothèses archéologiques les concernant étaient les suivantes :
– sed. 1 : vase tapissant le fond d’une mare (structure 61, fig. 56) ;
– sed. 2 : boue tapissant le fond d’un fossé ouvert (structure 100, fig. 29, stratigraphie no 2) ;
– sed. 3 : boue tapissant le fond d’un fossé ouvert (structure 114, fig. 24, stratigraphie no 13) ;
– sed. 4 : boue tapissant le flanc d’un fossé ouvert (structure 128, fig. 24, stratigraphie no 32) ;
– sed. 5 : terres rejetées en calage d’une palissade à poteaux jointifs (structure 128, fig. 24, stratigraphie no 32) ;
– sed. 6 : boue tapissant le fond d’un fossé ouvert (structure 135, fig. 15, stratigraphie no 28) ;
– sed. 7 : boue tapissant le fond d’un fossé de bordure de chemin (structure 129, fig. 76) ;
– sed. 9 : boue tapissant le fond d’un fossé délimitant un enclos funéraire (structure 170, fig. 76) ;
– sed. 10 : boue tapissant la partie médiane d’un fossé délimitant un enclos funéraire (structure 170, fig. 77).
353Les résultats de l’analyse granulométrique (tabl. xiii) montrent une forte proportion de graviers dans les échantillons 6 et 9, le prélèvement 10 étant plus argileux. L’indice d’évolution N de A. Rivière, calculé sur l’ensemble du domaine granulométrique (des argiles aux graviers), indique pour sed. 1 une sédimentation en milieu calme, sans mélange et sans perturbation secondaire. L’observation des courbes granulométriques (fig. 137, 138) révèle la petite variation de pente vers 80/100μ qui reflète l’apport éolien d’origine périglaciaire largement répandu sur les sites bretons. Elle est également très révélatrice des conditions de dépôts.

TABL. XIII – Tableau des indices granulométriques calculés sur les sédiments.

FIG. 137 – Courbes granulométriques cumulatives.
BRH del./AFAN d’ap. AG

FIG. 138 – Courbes granulométriques cumulatives.
BRH del./AFAN d’ap. AG
354● Sed. 1 présente la courbe granulométrique régulière d’une arène granitique. Cependant, dans le domaine des argiles (cf. zone encadrée à gauche du graphique) un apport non négligeable en particules de 0,5 à 1μ se traduit par un sursaut de la courbe. Un tel phénomène n’est jamais constaté dans l’altération d’un granite.
355● Sed. 2, 3, 4, 6, 7, 9 et 10 présentent des courbes granulométriques très proches. Elles ont aussi l’allure générale d’arène granitique. Mais, dans ces trois cas, une inflexion de la courbe se dessine en son milieu (cf. zones encadrées) vers 40‑63μ soit dans le domaine des limons grossiers. De plus, comme pour sed. 1, mais à un moindre degré, un léger sursaut au début de la courbe signe la présence d’argiles fines pour les trois premiers échantillons (sed. 2 à 4).
356● Sed. 5 est l’exemple quasi parfait d’une granulométrie d’arène granitique. Il n’est à signaler aucun apport d’argiles fines ni de limons graviers.
357● Sed. 10 apparaît plus argileux que les échantillons 6, 7 et 9 (pente légèrement plus abrupte de la courbe 10 en bas à droite).
358L’analyse en composantes principales effectuée sur les quatre échantillons étudiés en 1989 (fig. 139) rapproche les sédiments 10 et 6, qui sont respectivement le remplissage supérieur de l’enclos funéraire et les boues tapissant le fossé de l’enclos de l’habitat primitif. Il est vraisemblable que ces sédiments se sont déposés dans des conditions extrêmement similaires.

FIG. 139 – Analyse en composantes principales.
BRH del./AFAN d’ap. AG
359Au regard des résultats d’analyses sédimcntologiques, la structure 61 apparaît bien être la trace d’une mare ayant fonctionné à l’âge du Fer au milieu de l’habitat du Boisanne. L’enrichissement anormal en fines particules argileuses est le reflet d’une sédimentation vaseuse au sein d’une eau calme, stagnante. Ce phénomène n’est pas très flagrant car l’apport sédimentaire latéral colluvial en arène granitique l’emporte sur le matériel alluvial. Aussi, on peut ajouter que cette mare devait être de faibles dimensions. Les dépôts de fond de grandes étendues d’eau ne sont pas influencés par les effondrements des berges !
360Les structures 100, 114, 129, 135 et 170 correspondent à des fossés qui sont demeurés ouverts. Ainsi s’expliquent les argiles et les limons rencontrés dans les sédiments récoltés au fond de ces cinq structures. Les argiles sont, comme dans le cas de la structure 61, des vases dues à une eau croupissante de fond de fossé. Les limons sont des dépôts apportés par le vent, des lœss pléistocènes qui peuvent avoir été érodés ailleurs et déposés ensuite dans ces structures en creux ouvertes.
361Les deux échantillons du fossé 128 ont des granulométries différentes. L’un, de base, est semblable au sédiment rencontré dans le fond des autres fossés. Il correspond à la phase où le fossé 128 était ouvert et recevait les pluies météoriques et les vents chargés de limons. L’autre, prélevé dans la partie haute du fossé, est une arène granitique sans apport. Sa granulométrie est celle d’une arène grattée non loin et redéposée aussitôt dans le fossé. À cette hauteur, la structure 128 n’est pas restée ouverte et n’a pas eu la fonction de fossé.
3.6.2 Micromorphologie
362La micromorphologie est une discipline introduite au Laboratoire d’anthropologie de l’université de Rennes I en 1988. Appliquée depuis à l’étude de nombreux sites armoricains, elle permet l’étude, sous le microscope, de sédiments meubles non perturbés et prélevés en blocs orientés. Ces derniers sont indurés dans une résine polyester autorisant la fabrication de lames minces d’environ 25 p d’épaisseur. Est alors rendue possible l’observation d’un certain nombre de caractères sédimentaires, pédologiques et anthropiques spécifiques du support naturel, du degré d’évolution de ce dernier et du type de perturbation anthropique qui l’affecte (Courty et al. 1987).
363Les résultats antérieurs, acquis en Europe du Nord‑Ouest et notamment en Angleterre, ont montré que, dès le Néolithique, la chênaie mixte atlantique est sérieusement entamée au profit de l’agriculture (Macphail, Scaife 1987). En même temps, le sol brun lessivé forestier amorce sa dégradation (Catt 1986). La Bretagne, elle, n’est pas épargnée par ces phénomènes et, avec les grands défrichements, les sols bruns acides font leur apparition. À l’âge du Bronze cette tendance quasi irréversible se confirme. À la Butte de Tiot (Brocéliande, Ille‑et‑Vilaine) par exemple, on note la forte activité fossile d’un type de microfaune caractéristique de sols plutôt acides. Plus tard, à l’âge du Fer, nombreux sont les sols fossiles qui, comme au Talhouët (Pluvigner, Morbihan) indiquent la même tendance : milieu ouvert, sol en voie de dégradation (Gebhardt, Marguerie 1993).
364Le site du Boisanne ne comporte pas de paléosol datable de l’âge du Fer et protégé par des structures archéologiques, mais un réseau complexe de fossés. Pourtant, le hasard a voulu la découverte d’un lambeau de sol ancien, peu épais, localisé à proximité immédiate de l’enclos funéraire, dans une petite dépression au sous‑sol plus argileux. Cette position topographique l’a préservé des agressions agricoles modernes (mic. 11, fig. 76, 136). Outre cette position de profil intacte, deux types de fossés ont fait l’objet d’une analyse micromorphologique.
365Dans le fossé 129, qui correspond à une bordure de chemin attribuée à l’âge du Fer, un premier échantillon (mic. 7, fig. 76, 136) a été prélevé dans le profil le plus à l’ouest, qui correspond à un remplissage limono‑sableux de la structure fragmentaire grumeleuse partagée en deux niveaux, de couleur brun‑jaune claire (10 YR 7/6 à 6/6) (les couleurs de sédiments sont décrites d’après l’édition japonaise du code des couleurs : la « Standard soil color charts »). Il y a quelques traces de vers de terre, et les racines sont peu nombreuses. La partie supérieure renferme quelques graviers et blocs (10 %). Plus à l’est, ce même fossé est plus homogène. Un deuxième prélèvement (mic. 8, fig. 76, 136) a été effectué dans ce sédiment de même structure que le profil décrit précédemment, toutefois légèrement plus sableux vers la base du fossé où l’on a de plus pu observer des lentilles plus rougeâtres et des galets brûlés.
366Dans le fossé 170, qui correspond à la limite d’un enclos funéraire, un échantillon (mic. 9, fig. 76, 136) a été prélevé dans ce remplissage caractérisé par un sédiment plus fin, de structure plus massive, de faible porosité dont la base contient une composante arénacée. À l’observation sous le microscope, le lambeau de sol (mic. 11) apparaît enrichi en argiles. Il s’agit du sommet de l’horizon d’accumulation (Horizon Bt) d’un sol brun lessivé. L’existence d’une érosion mécanique des horizons supérieurs organiques et lessivés est mise en évidence par le caractère incomplet de ce profil. On retrouvera d’ailleurs un fragment de ces horizons dans le fossé le plus récent.
367Le remplissage du fossé de l’enclos funéraire (mic. 9) est caractérisé par d’abondantes intercalations (accumulations argileuses à silteuses non liées aux vides du sol) et des revêtements d’argiles (argilanes). Plutôt grossières, et parfois litées, ces dernières tapissent certains vides du sol (fig. 140). Ces traits micromorphologiques annoncent un remaniement épisodique du fossé en condition très humide. Un curage de la structure va supprimer la végétation protectrice et déstabiliser le sédiment. Les eaux d’infiltration se chargent alors en particules grossières donnant aux argilanes (dépôt dans les vides, d’argiles fines ou grossières) leur aspect poussiéreux.

FIG. 140 – Fossé 170. Vue en lumière naturelle d’argilanes poussiérieux (A) déposés sur les parois des vides du sol (V). (F) fraction grossière. (M) fond matriciel.
AG/AFAN
368Quant au sédiment de remplissage du fossé de bordure de chemin (mic. 7 et mic. 8), il est riche en fragments d’argilanes limpides et anguleux, Ce caractère micromorphologique est lié au rôle drainant du fossé. En effet, l’eau chargée en argiles fines circule lentement à travers la porosité du sédiment stabilisé par la végétation. À saturation, les argiles se déposent dans la porosité, comme dans l’horizon d’accumulation d’un sol brun lessivé. Dans ce même fossé a été observé un fragment de sédiment plus fin, granulométriquement proche du lœss, et riche en accumulations d’argiles limpides. Il est attribué à une relique de l’horizon Bt du sol brun lessivé, développé sous forêt Atlantique, et qui fonctionnait dans nos régions avant les transformations paysagères apportées par l’homme. Peu avant le creusement de ce fossé, l’érosion avait déjà sérieusement entamé l’horizon profond du profil pédologique originel à cet endroit du site.
369Dans ces deux fossés, on trouve des phytolithes, squelettes siliceux de certaines plantes comme les herbacées. Observés en Nombre, ils indiquent un environnement plutôt ouvert. En conclusion, nous pouvons donc dire que, sur le site du Boisanne, à l’âge du Fer, le défrichement local de la forêt Atlantique est encore un phénomène récent. Le sol brun lessivé issu de cette déforestation est sérieusement entamé par l’érosion comme en témoignent les fragments retrouvés piégés dans le fossé quadrangulaire. Le lambeau de ce même sol préservé jusqu’à nos jours ne semble pas avoir été en proie à une acidification poussée. L’érosion aurait été plus rapide, encouragée par une mise en culture intensive. Cette étude vient étayer l’idée que le défrichement de la forêt originelle n’a pas affecté la Bretagne de façon brutale et rapide. Bien après le Néolithique elle a persisté localement, et ce, jusqu’à l’époque médiévale (Gebhardt 1988). Outre son intérêt régional pour la connaissance de l’évolution du terroir breton, cette étude nous apporte des données plus techniques sur le mode de fonctionnement des fossés et leur utilisation : l’un entretenu ouvert (structure 170, qui limitait l’enclos funéraire), l’autre servant à drainer le chemin de La Tène finale (fossé 129).
3.7 Analyse critique de l’échantillonnage
370La fouille des sites analogues à celui du Boisanne, où la totalité de l’information provient du comblement des excavations autrefois pratiquées dans le sol naturel, nécessite, de par l’absence de sol conservé, une prudence particulière dans l’analyse du mobilier recueilli, dont il est nécessaire d’évaluer la représentativité par rapport à la masse des objets qui ont autrefois transité sur le site. Une première sélection s’est effectuée au cours de l’histoire de l’établissement. Les hommes n’ont laissé sur le sol ou dans les excavations que les objets qu’ils ont perdus (en général de petits objets) ou qu’ils ont jetés, c’est‑à‑dire, de manière générale, les détritus domestiques. Pour être inhérent à toute fouille d’habitat, ce premier tri n’en est pas moins gênant, notamment pour l’évaluation du statut social du site, et ce, même si l’archéologue est habitué à reconstituer les techniques, la culture et la vie à partir de cet ensemble déjà tronqué.
371Il est bien évident que, dans la mesure où le niveau supérieur de la fouille se situe, de manière générale, à une distance d’environ 50 cm sous les sols protohistoriques, le mobilier autrefois présent dans ces terres archéologiques, et qui constitue le premier ensemble, a été en majeure partie détruit et dispersé par des siècles de labours et d’érosion mécanique ou chimique. En conséquence, il est probable que, sur la plupart de ces sites, le mobilier aujourd’hui conservé dans le sol n’est qu’une partie infime, probablement inférieure à 5 %, de ce qui a autrefois été rejeté ou perdu. Ce phénomène est encore accentué sur les sites bretons où, du fait de l’agressivité des sols, tous les matériaux organiques, et notamment les os, ont généralement été dissous.
372Enfin, l’ampleur de ces sites, qui avoisine le plus souvent l’hectare, met l’archéologue face à un dilemme :
– soit réaliser une fouille minutieuse, mais partielle des comblements des excavations, afin de recueillir, si possible, l’intégralité de l’information, ou pour le moins du mobilier qui est parvenu jusqu’à nous ; il est bien évident que, malgré la destruction des sols anciens, une telle méthode de fouille (à la truelle, suivie éventuellement d’un tamisage des déblais) est incompatible, le volume à fouiller nécessitant des moyens humains et financiers considérables, avec une étude exhaustive de l’habitat qui nécessiterait de nombreuses années et un budget de plusieurs dizaines de millions de francs ;
– soit réaliser un décapage exhaustif des terres perturbées permettant de mettre en évidence la totalité des structures archéologiques subsistantes ; puis s’orienter, en fonction des premières observations, vers une fouille de la presque totalité des comblement mais avec des méthodes (fouille à la truelle mais le plus souvent à la pelle et à la pioche, voire au tracto‑pelle...) plus expéditives et adaptées a priori à telle ou telle excavation, ou partie d’excavation.
373Dans les deux cas –fouille maximaliste mais ponctuelle, fouille rapide mais visant l’exhaustivité des structures– la part de l’information recueillie est probablement relativement faible par rapport à l’information conservée dans le sol. II faut donc toujours nous interroger sur le pourcentage possible de ces destructions, ou de ces tris successifs : dans quelle mesure l’échantillon récolté ou, plus précisément encore, l’échantillon étudié (les deux ensembles étant relativement proches pour la fouille du Boisanne) est‑il représentatif de ce qui existait au départ ? Et ce, pour chaque type de mobilier étudié, et selon l’optique dans laquelle il a été abordé (analyse des lèvres d’amphores pour tenter la datation d’un comblement, essai de quantification des amphores pour aborder le statut social du site...).
374Une telle attitude est particulièrement nécessaire lors de l’analyse de la chronologie de sites aussi détruits, où, le phénomène nous a frappé, l’occupation est très souvent restituée de manière discontinue. Cela a amené par exemple J.‑P. Millotte (1990) à s’étonner du fait que, sur les sites de Villeneuve d’Asq, « la majorité du matériel daterait soit de La Tène I, à la fin du ve s., et surtout de la fin de cette séquence et de La Tène II, dans la 1re moitié du iiie s. Les interruptions constatées dans le développement de l’habitat sont difficiles à expliquer ». En effet, le premier inconvénient de cette conservation différentielle du mobilier, y compris du mobilier céramique, est de donner une vision extrêmement fausse de la chronologie du site, voire de sa durée d’occupation. Si l’on ne considère que l’exemple du Boisanne, le caractère continu de la mise en place des différentes clôtures de l’établissement jusqu’à la fin de l’âge du Fer est, à s’en tenir à l’analyse des structures, évident (cf. chap. 2). Tous les nouveaux talus ou les nouvelles palissades ont tenu compte, au moment de leur mise en place, des anciennes limites définies pour les differents enclos qui constituaient la ferme.
375Or, si l’on s’en tient à une stricte analyse du mobilier, la discontinuité était, lors de la fouille, tout aussi évidente. Nous avons en effet, à l’origine, considéré que les seuls ensembles d’objets significatifs, exception faite du secteur où les statuettes ont été mises au jour, étaient au nombre de trois : les remblais rejetés en calage des palissades de l’enclos primitif en U (type 2, fig. 31), attribuables à la fin du premier âge du Fer ; ceux rejetés en calage des palissades des enclos plus tardifs (type 6A, fig. 31) attribuables à la fin de La Tène moyenne ou à La Tène finale ; et, dans une moindre mesure, le comblement de la mare (fig. 56), attribuable à la phase de transition entre La Tène ancienne et La Tène moyenne. Il est possible de se rendre compte de la validité apparente d’une interprétation aussi sommaire, établie à partir d’un a priori sur le caractère homogène des comblements, en feuilletant les planches (cf. infra) où sont recensés, structure par structure, les éléments mobiliers significatifs.
376Malgré une pondération de cette interprétation chronologique par un examen exhaustif et une analyse « maximaliste » du mobilier céramique (fig. 141), il est évident que cette discontinuité apparente dans les rejets de tessons demeure, notamment entre ceux attribués à la phase I et ceux de la phase III. Il est en outre probable qu’une connaissance accrue et plus précise de la chronologie des céramiques armoricaines accentuerait le phénomène, l’imprécision qui est aujourd’hui la règle dans ces datations ayant pour effet de lisser la courbe.

FIG. 141 – Répartition des tessons en fonction de la chronologie proposée pour les différentes phases. Histogramme et courbe interprétée.
YM del./MC
377Cette contradiction apparente entre la continuité d’occupation durant l’âge du Fer, ici prouvée par l’analyse des structures, et la discontinuité apparente des ensembles céramiques retrouvés, s’explique aisément par le fait que les tessons mis au jour, loin d’être représentatifs de la totalité de l’occupation du site, ne sont en fait susceptibles de nous signaler que les phases de rejet de fragments de céramiques dans les excavations, c’est‑à‑dire, pour l’essentiel, les moments où ces excavations ont été comblées. Il faudrait donc, pour que la continuité d’occupation soit évidente et l’établissement de la chronologie du site aisé, que des excavations aient été comblées de manière régulière lors de l’histoire de l’habitat avec, par exemple, le creusement d’un nouveau silo à grain et le comblement de l’ancien par des ordures tous les ans. Il est bien évident que de tels phénomènes sont rares. Les remaniements, notamment ceux des systèmes de clôture de ces fermes, qui livrent, en Bretagne, la quasi‑totalité du mobilier, ont dû être, comme pourront l’être plus tard les agrandissements successifs des villae romaines, des opérations d’envergure menées de manière relativement ponctuelle dans le temps, lorsque la main d’œuvre nécessaire était mobilisable.
378Une telle distorsion dans le mobilier retrouvé nous paraît extrêmement dangereuse lorsqu’est abordé, pour ces sites, le problème des diverses phases de l’occupation. En effet, si les habitants du Boisanne n’avaient pas eu l’heureuse idée d’installer une palissade à poteaux jointifs au cœur d’un ancien fossé dès la 1re moitié du ve s. av. J.‑C., nous aurions sans aucun doute constaté que la majeure partie du mobilier issu de l’habitat du Boisanne pouvait être attribuée à une période comprise entre les années 200 et 50 av. J.‑C., avec toutefois un petit ensemble de tessons issu de la mare et attribuable au iiie s. av. J.‑C. Cette analyse caricaturale correspond d’ailleurs très exactement aux premières synthèses que nous avions rédigées à l’issue de la fouille d’une superficie équivalant à environ 70 % du site (Menez, Le Potier 1988). Tous les éléments apparemment plus anciens, peu nombreux, avaient été considérés comme des tessons « erratiques », témoignant éventuellement d’une occupation ténue, par exemple sous forme d’épandages sur des champs cultivés, durant la fin du premier ou le début du second âge du Fer.
379Si maintenant, à l’issue d’une étude exhaustive du site et d’une analyse globale du mobilier, nous sommes sûrs de la continuité de l’occupation entre la première implantation d’une palissade au cœur d’un ancien fossé au cours de la 1re moitié du ve s. av. J.‑C., et de la mise en place d’une clôture analogue au cœur d’un autre fossé dans le courant de la 1re moitié du ier s. av. J.‑C. (fig. 141), qu’en est‑il de la durée de vie réelle de l’habitat (l’espace qui a livré les fragments de statuettes ayant de toute évidence fonctionné plus tardivement) ? Quelques éléments erratiques retrouvés dans les remblais les plus anciens et pouvant être probablement attribués au vie, voire au viie s. av. J.‑C., nous autorisent‑ils à repousser à une date aussi haute les origines de l’établissement, avec le creusement des premiers fossés et l’édification des premiers talus ? Si oui, il faudrait admettre, et nous serions tentés de le croire depuis la fouille du Boisanne, que 150 ans d’occupation n’ont fort bien pu ne laisser enfouis que quelques tessons sur des sites de ce type.
380De même, qu’en est‑il de la vie de l’habitat après la mise en place des ultimes palissades ? Si le remblai qui les calait à l’origine peut être attribué, avec quelque vraisemblance, à la 1re moitié du ier s. av. J.‑C., quelques remaniements plus tardifs auraient‑ils nécessairement laissé des traces ? Et quel temps mettent de telles clôtures à pourrir et devenir inutilisables ? Le flou règne là encore sur les phases ultimes de l’habitat.
381En définitive, l’imprécision dans la chronologie paraît bien devoir être la « tare » la plus commune aux études de tels sites qui, plus que d’autres, ne peuvent témoigner que de phénomènes très ponctuels, voire anecdotiques, de l’histoire des établissements dont ils portent les traces. Nous reviendrons bien évidemment sur cet aspect des choses lorsqu’il nous faudra, tant bien que mal, restituer l’évolution de la ferme du Boisanne (cf. infra § 4.4).
382La prise en compte de la distorsion entre l’échantillon prélevé et le mobilier qui a transité sur chaque établissement est également nécessaire lorsque sont abordées, de site à site, les notions de statut ou de hiérarchie sociale. En effet, si l’on estime que le vin est un produit de luxe durant le iie et probablement le ier s. av. J.‑C., une quantification des amphores découvertes lors des différentes fouilles d’habitat pondérée, par exemple, par le nombre de fragments de céramiques indigènes mises au jour, devrait permettre d’esquisser une hiérarchie entre « les pouvoirs d’achat » des différents établissements durant cette période. Or, pour qu’une telle quantification ait un sens, il faudrait, d’une part, que tous les habitats aient fourni des ensembles significatifs et comparables (c’est‑à‑dire que des excavations larges et profondes aient été comblées avec des matériaux détritiques précisément à la même période), d’autre part qu’il soit possible de rapporter les quantifications, établies sur les différents sites, uniquement aux céramiques indigènes contemporaines : chose aisée lorsque l’on dispose de milieux clos, voire stratifiés, mais qui devient bien plus délicate sur des établissements où la presque totalité des comblements a probablement été perturbée. La comparaison de site à site, notamment pour des objets dont la présence est susceptible d’être étroitement liée à une chronologie précise, est donc extrêmement difficile à manier pour des habitats aussi arasés.
383La plus grande prudence doit également guider les tentatives de différenciation sociale menées, non à partir d’éléments dont la datation est ciblée, mais à partir de fragments dont la taille est, sur les habitats, généralement modeste. Il en est ainsi par exemple du monnayage, rarement identifié sur ce type de site, mais, plus encore, des petits fragments de parure, voire d’armes en fer qui sont parfois mises au jour lorsqu’une fouille minutieuse est menée (par exemple sur une section de fossé du site de Paule/Saint‑Symphorien [Côtes‑d’Armor]).
384En effet, le métal ayant été presque systématiquement récupéré pour être reforgé ou refondu sur les divers habitats de l’âge du Fer, les rares éléments qui sont susceptibles d’être mis au jour sur les chantiers de ce type correspondent plus à des pertes qu’à des rejets volontaires. Il devrait s’agir plutôt d’objets suffisamment petits pour que leur disparition soit passée inaperçue, ou que leur recherche soit demeurée infructueuse, sauf dans le cas où la nature même du lieu où ils ont été découverts explique l’absence de possibilité de récupération (par exemple, les maillons de chaîne découverts dans le fond de la mare du Boisanne – le curage de cette structure pour les retrouver aurait été une dépense d’énergie bien trop forte pour le bénéfice supposé).
385Or, il est bien évident que le nombre des petits objets découverts lors d’une fouille est étroitement dépendant des conditions dans lesquelles l’opération a été menée. Un essai de quantification mené sur le site de Mount Farm à Dorchester (Grande‑Bretagne) (Lambrick 1984) a ainsi montré qu’un simple tamisage à sec des déblais d’une fouille manuelle permettait de récupérer 50 % de mobilier supplémentaire (en Nombre), le poids moyen de chaque tesson retrouvé lors de cette opération étant bien évidemment inférieur de moitié à ceux découverts lors de la fouille. Il est donc tout à fait vraisemblable que la plupart des petits objets (monnaies, perles, petits fragments de fibules ou d’armes en fer...) n’ont que fort peu de chances d’être découverts lors des fouilles telles qu’elles sont actuellement menées sur ces sites assez vastes, ce phénomène étant particulièrement vrai pour les métaux de teinte proche de celles des terres de comblement (fer et billon).
386Pour toutes ces raisons, le raisonnement archéologique, qui peut permettre d’aborder l’analyse de ces sites, ne peut reposer que sur les faits observés, et non sur les faits présumés absents, lesquels ne sont que très rarement significatifs. Ce type de prudence, qui guide généralement la plupart des études de sites, doit être particulièrement exacerbé dans le cas d’habitats aussi arasés.
Auteurs
AFAN ; CNRS, UMR 153,
Centre de recherches bretonnes et celtiques, CNRS, UPRESA 374 ; université de Bretagne occidentale.
Institut de restauration et de recherches archéologiques et paléométallurgiques (IRRAP). [AR]
AFAN ; CNRS, UMR 126‑6
Ingénieur de recherche, CNRS, UMR 153.
Chargée de recherche, CNRS, UMR 5608.
AFAN ; CNRS. UMR 153.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002