Chapitre 2 Dax
p. 81‑125
Résumés
L’enceinte de Dax a été construite à l’emplacement de la ville du Haut‑Empire, ce qui la distingue fortement des remparts des autres chefs‑lieux de la Novempopulanie ; elle enfermait la plus grande partie de l’agglomération antérieure. Les remparts de Dax devraient être en principe bien connus, puisque de très grands secteurs en subsistaient encore au milieu du xixe s. De fait, le tracé est bien assuré par les plans anciens et les vestiges qui ont survécu ; dans la construction du rempart on doit noter l’extrême rareté des remplois, à la différence de Bordeaux et de Périgueux. Des obscurités demeurent dans les détails, en particulier en ce qui concerne les portes. Datation : seconde moitié du ive s.?
The defences of Dax were constructed on the same site as the early roman town, a point that distinguishes it from the ramparts of other civitas capitals of Novempopulania. They enclose the largest part of the early agglomeration. The ramparts of Dax should be on principal well known, for large sections still existed during and up until the middle of the 19th century. As a result, its position is well known and attested on early town plans and elements have survived; in the construction of the rampart one should note that reused building material is rare, by contrast with Bordeaux and Périgueux. It is only in detail that elements remain unclear, in particular that concerning the gates. Dating: second half of the 4th century.
Texte intégral
1avec la collaboration de Marie-Christine MÉLENDEZ
2.1 L’implantation : topographie du chef‑lieu des Aquenses sous le Haut‑Empire
2N.B.
3La liste des plans numérotés cités dans le texte se trouve en fin de chapitre.
2.1.1 Le site de Dax : le passage de l’Adour
4Il est probable que le site de Dax a été choisi pour y implanter une agglomération avant tout en raison des conditions favorables qu’il offrait pour le passage du fleuve. L’Adour a un cours très sinueux, et il développe ses méandres dans une vallée alluvionnaire très large, bordée de terrasses d’alluvions anciennes déposées durant les différentes glaciations. Entre ces terrasses et le fleuve s’étend dans la vallée inondable du moyen et du bas Adour une zone de marécages à la végétation souvent luxuriante ou « barthes », qui rendent partout difficile le franchissement du fleuve, particulièrement en période de crue. Aujourd’hui les barthes ont été aménagées, protégées des crues par des levées de terre, converties à l’agriculture.
5Mais à l’époque qui nous occupe, les barthes étaient un obstacle considérable pour le passage du fleuve pendant une grande partie de l’année. En certains points, un étranglement de la vallée inondable permettait une reprise plus rapide des communications ; précisément, la barthe est large de 2 à 3 km en amont et en aval de Dax, alors qu’elle se rétrécit aujourd’hui notablement, jusqu’à 100 à 150 m de largeur à l’endroit où s’est élevée l’agglomération. L’intérêt du point de passage vient en outre du débit modéré du fleuve ; en aval, au‑delà de Port‑de‑Lanne, il est augmenté de celui des gaves pyrénéens.
6Il est cependant certain qu’au début de l’époque romaine la largeur de la barthe était sensiblement plus grande. Sur le site de Dax, la rive droite s’élève d’une quinzaine de mètres au‑dessus de l’étiage, ce qui l’isole d’éventuelles inondations. Au contraire, la terrasse alluviale de la rive gauche descend en pente douce vers l’Adour et de nombreuses sources d’eau chaude jaillissent de son sol, dont la plus importante est celle de la Néhe qui jaillit à 64 °C. Dans sa partie la plus septentrionale, cette terrasse pouvait être noyée par les inondations ; précisément, à l’occasion des fouilles de l’Îlot central, on a noté des traces d’inondation, datables du ier s. de notre ère, dans une fosse explorée à quelque 300 m de la rive de l’Adour ; les habitations gallo‑romaines de cette époque se trouvaient immédiatement en retrait de cette zone inondable. La largeur de la barthe a été réduite ici par de très importants travaux urbanistiques effectués à l’époque automne pour remblayer les abords de la source de la Néhe et aménager celle‑ci ; ils ont modifié la topographie initiale du site et lui ont donné à peu près sa configuration actuelle. On a donc amélioré au cours de l’époque romaine le passage du fleuve en rétrécissant sa vallée inondable qui, dès l’origine, était plus étroite sur le site de Dax qu’en amont ou en aval ; mais il n’est cependant pas possible de retrouver les traces d’un gué éventuel au ier s. av. J.‑C., car l’Adour a été endigué et dragué très régulièrement pour éliminer les sables des Landes charriés par la Midouse et les matériaux des rives de l’Adour éboulés dans les méandres. On peut de toute manière envisager le passage par bac. En somme, le site de Dax est à l’évidence un excellent point de passage de l’Adour en raison de la faible dénivellation entre les rives et le lit du fleuve et de l’étroitesse relative des barthes ; sur la rive droite, la terrasse alluviale offrait un sol suffisamment stable pour y implanter une agglomération (fig. 48).

FIG. 48 – Le sol de Dax. 1 Graviers, sables, vases, tourbes. 2 Graviers, sables, limons, argiles. 3 Graviers et sables.
LM et MCM del, d’ap. la Carte géologique de la France au 1/50 000, XIV‑43, dressée par G. Le Pochat et C. Thibault, BRGM, 1977
7Par ailleurs, le nom même de la ville invite à supposer que la présence de sources d’eau chaude, avant tout celle de la Néhe, et des boues alluvionnaires de l’Adour aux vertus curatives, a joué aussi un rôle dans les origines de l’agglomération, puisque l’on voit, par exemple, Pline l’Ancien recommander l’illutation (Hist. Nat., XXXI, 6 ; 32). Mais il nous paraît que la topographie du site et les conditions naturelles qui privilégiaient ici le franchissement de l’Adour ont dû jouer un rôle déterminant dans l’implantation d’Aquae Tarbellicae.
2.1.2 Une fondation augustéenne
8La ville du Haut‑Empire apparaît aujourd’hui, après une série d’importantes fouilles archéologiques (Watier 1982), comme une fondation de l’époque augustéenne.
9La tradition érudite pensait volontiers que la ville romaine avait succédé à une agglomération indigène née autour d’un sanctuaire greffé sur la fontaine de la Néhe, « nom dans lequel on a justement reconnu celui d’une divinité celtique guérisseuse et tutélaire, proche des Mères Mallinehae ou Ve‑suniahenae de Cologne et de sa région » (Bost 1983 : 86), ou de la Nehalennia nordique à laquelle une abondante littérature a été consacrée, notamment à l’occasion de la découverte du sanctuaire de Colijnsplaat (Pays‑Bas) en 1970 (mais cf. déjà Taillebois 1887 : 153‑156, et Jullian 1901 : 211). Bien que les stations protohistoriques soient rares dans les environs immédiats, l’importance attribuée (sans doute à juste titre) aux sources thermales a fait imaginer une sorte de cité lacustre protohistorique (Jullian 1901 : 211‑ 214) construite, en raison des terrains marécageux des abords de l’Adour, sur des pilotis que les archéologues ont rencontré en divers endroits, notamment près de la cathédrale (Portier 1881 : 142‑144) ou, au nord‑est, dans les anciens marais de Saint‑Pierre (Watier et al. 1986 : 365 no 100)1.
10Rien n’est venu à date récente conforter cette hypothèse ancienne. Sur le site même de Dax, la seule découverte éventuellement attribuable à l’époque protohistorique (âge du Bronze ?) paraît être une tombe renfermant un squelette portant des bracelets de bronze (Watier et al. 1986 : 147 no 35). Tout concourt aujourd’hui à fixer la naissance de l’agglomération aux alentours du changement d’ère, et à y voir une conséquence du remodelage des pays aquitains du sud de la Garonne par Auguste. Alors aurait été créée la cité de Dax, dont le nom exprimerait bien le caractère artificiel, puisqu’elle fut désignée à travers toute l’Antiquité par le toponyme du chef‑lieu et non par un ethnique, de même que ses habitants, les cives aquenses ; Dax devint ainsi, au début de l’Empire, la capitale d’une vaste circonscription réunissant des peuples nombreux et divers, dont les Tarbelles n’auraient formé que le plus important, finissant par adjoindre leur ethnique au toponyme (Bost, Fabre 1983 : 33 sq.) ; Ptolémée, II, 7, 8 (Müller) nomme la ville Udata Au‑gousta = Aquae Augustae, mais il en fait le chef‑lieu des Tarbelles : « Au‑dessous [des Bituriges Vivisques], jusqu’à la chaîne des Pyrénées, les Tarbelles et leur ville, Les Eaux Augustes. » Cette prédominance des Tarbelles explique le glissement au toponyme double Aquae Tarbellicae : Aquis Tere‑bellicis dans Itin. Ant., 455 (Miller), Tarbellis Aquis dans Ausone, III, 6 (éd. Schenkl) ; cependant, comme dans les inscriptions du Haut‑Empire (CIL, XIII, 608, 609a, 920), la désignation par le toponyme seul s’impose au Bas‑Empire (Not. Gall., XIV, 3, et sources postérieures). Cette interprétation du nom de la cité corrobore tout à fait les données de l’archéologie. C’est alors que le site apparaît en un point privilégié de passage du fleuve, sans qu’on puisse être assuré que ce dernier était franchi par un pont, en même temps qu’un important carrefour routier (fig. 49) ; il paraît probable que la littérature ancienne a confondu le pont aqueduc antique en briques et pierres qui franchissait l’Adour et le pont routier en pierres édifié au xive s. (Watier et al. 1986 : 51 sq. no 13 et 544 no 154) : le réseau routier est connu essentiellement par l’Itinéraire d’Antonin, en raison de la disparition du segment occidental de la Table de Peu‑tinger et de l’extrême rareté des bornes routières ; pour la Novempopulanie occidentale et centrale, on ne connaît que CIL, XIII, 8894 et le fragment CLL, XIII, 8893, de Dax (Lot 1953 : 361 ; Bost 1983 : 90 sq. ; Bost, Boyrie‑Fénié 1988 : 13‑19).

FIG. 49 – Les liaisons de Dax au Bas‑Empire. A Voies passant par Dax. B Autres voies. C Chef‑lieu de cité. D Station routière. E Autres agglomérations. I Vers Saintes. II Vers Périgueux. III, IV Vers Toulouse. V Vers Saint‑Bertrand. VI Vers Saragosse. VII Vers Pampelune. VIII Vers Oyarço.
La toponymie est celle qui est attestée au ive s. ou, par défaut, celle de l’Itinéraire d’Antonin.
– Chefs‑lieux : Burdigala (Bordeaux), Boios (? Lamothe), Cossio Vasatum (Bazas), Elusa (Eauze), Atura (Aire), Turba (Tarbes), Beneharnum (Lescar), llluro (Oloron), Aquae (Dax).
– Stations routières : 1 Blavia (Blaye). 2 Varatedo (Vayres). 3 Corterate (Coutras). 4 Losa (Losa, commune de Sanguinet). 5 Segosa (? Ponteux‑les Forges). 6 Mosconum (? vers Mixe). 7 Salomagus (Salles). 8 Telonnum (? vers Liposthey). 9 Coequosa (? Sindères). 10 Sirione (vers Pujols). 11 Tres Arbores (Les Trois Chênes, commune de Goualade). 12 Osciveio (? Escinjot). 13 Scittio (Sos).
Les toponymes modernes sont donnés ou proposés par J. Moreau (1983) ou par J.‑P. Bost (1985).
LM del. d’ap. K. Miller, Itineraria Romana, carte 33
11Les grands chantiers de fouilles de sauvetage organisés depuis une vingtaine d’années ont commencé à donner quelque consistance à la ville romaine (Watier et al. 1986 : 467‑471).
2.1.3 Le premier noyau urbain
12On a quelque raison de le fixer en bordure de la zone marécageuse, à l’abri des caprices de l’Adour, sur la terrasse sableuse qui forme le sol de la moitié méridionale de ce qui sera plus tard la ville remparée, c’est‑à‑dire autour de la cathédrale ; la limite nord de cette terrasse passe très exactement entre la rue du Mirailh et la rue Saint‑Vincent ; elle partage l’Ilot central en deux moitiés, et le complexe monumental d’époque antonine (ci‑dessous) s’est élevé au nord, sur le domaine de l’ancienne barthe. Quelques vestiges de cette agglomération du ier s. dont l’extension, encore imprécise, paraît fort limitée, ont été reconnus rue Saint‑Vincent en 1978 (Watier et al. 1986 : 227 no 54) et surtout lors des fouilles des Halles centrales en 1981‑1982 (Dupuis, Fincker 1982 : 77‑80 ; Watier et al. 1986 : 238 no 57) ; ils sont caractérisés par des sols de terre battue, des murs d’argile crue, des foyers. Les constructions ne semblent pas remonter ici au‑delà des années 40/50, d’après la céramique sigillée. Quelques restes de canalisations attribuables au ier s. ont aussi été reconnus dans l’Ilot central, à proximité immédiate de l’ensemble monumental du iie s. ; elles ont été détruites ou arasées lors de l’implantation de celui‑ci.
2.1.4 L’agglomération d’époque antonine : étendue
13C’est, à l’heure actuelle, essentiellement à l’époque antonine que l’on doit rapporter les restes du réseau de voirie repérés et l’équipement monumental de Dax romaine (fig. 50). Le iie s. est marqué d’abord par une extension notable de l’agglomération vers le nord, en direction de l’Adour, par l’assainissement de terrains marécageux au moyen de l’apport d’un important remblai maintenu par un puissant mur batardeau traversé de conduits de drainage ; ce mur, de direction est‑ouest, passe sous le débouché des rues Cazade et des Pénitents sur la place de la Fontaine‑chaude (Watier et al. 1986 : 56‑57 nos 16, 29, 40, 41, 47) ainsi qu’au milieu de terrains aménagés et bâtis au IIe s. ; il mesure 4 m de largeur au sommet, 6 m à la profondeur de 3 m. Il règne encore des imprécisions sur son tracé exact entre les points reconnus, en particulier à ses deux extrémités. Dans cette région, au moins une partie des constructions fut établie sur pilotis. On peut envisager qu’à proximité de l’Adour des digues isolaient le nouveau secteur urbanisé de la barthe qui le bordait à l’ouest comme à l’est.

FIG. 50 – Plan de la ville de Dax sous le Haut‑Empire. – Structures en place : 1 constructions indéterminées, 2 mosaïques, 3 canalisations, 4 sépultures.
– Mobilier (éléments isolés) : 5 pièces d’architecture, 6 céramique, objets divers, 7 monnaies, 8 voie antique.
LM et MCM del./B‑III
14Il est difficile de délimiter l’espace couvert par la ville antonine. Il est vraisemblable qu’au nord, aux abords de l’Adour, les terrains très marécageux ont entravé son extension et, on l’a dit, rien n’atteste qu’un pont ait franchi le fleuve dans l’Antiquité. En était‑il de même à l’est de la limite occupée plus tard par le rempart du Bas‑Empire, dans la zone voisine du fleuve ? De ce côté, à une cinquantaine de mètres à l’est du rempart, une ligne d’occupation est dessinée par des découvertes anciennes qui comprenaient des mosaïques, notamment à l’angle de l’avenue Georges‑Clemenceau et du cours Maréchal‑Joffre et non loin de l’angle sud‑est du rempart (Watier et al. 1986 : 377 n° 103 ; 387 no 106 ; éventuellement 369‑371 nos 101 et 102) ; rien n’indique qu’il faille attribuer ces mosaïques ou les substructions qui les accompagnaient au Haut‑Empire plutôt qu’à une époque plus tardive (en particulier nos 103 et 106). C. Balmelle (1987 : 61) propose de dater du ive s. les pavements mis au jour aux nos 101, 103 et 106 ; le fragment mentionné au no 106 n’était pas en place (Watier et al. 1986 : 387 no 106). Plus rien n’apparaît à l’est de cette ligne.
15Du côté méridional, la limite extrême de la ville est donnée par une nécropole à incinérations, d’extension incertaine, reconnue aux abords de la rive orientale de l’avenue Victor‑Hugo, entre les rues Labadie et Joseph‑Darqué (Watier et al. 1986 : 391‑395 no 107) ; cependant l’expression « nécropole urbaine » (Watier), à partir de quelques indications bien vagues sur des sépultures clairsemées, peut faire illusion. En fait, sauf à la jonction des cours Galliéni et Joffre, aucun indice d’habitat n’a été relevé au sud du cours Galliéni.
16Au sud‑ouest, un important champ funéraire a été exploré à diverses reprises autour de l’église Saint‑Vincent‑de‑Xaintes (Watier et al. 1986 : 395‑399 no 108) : mais il ne semble pas avoir été en usage avant le Bas‑Empire et, de toute manière, il est peu probable qu’il faille reporter aussi loin dans cette direction les limites de la ville ouverte ; en effet, entre le rempart et l’église Saint‑Vincent, la construction de beaucoup de maisons date d’une époque où la société de Borda était très active sur le plan de l’archéologie locale : or aucune découverte n’a été signalée dans tout ce secteur à moins de 100 m du rempart ; d’autre part, place Hector‑Serres, des observations récentes montrent que l’on se trouvait, selon toute vraisemblance, déjà hors de l’agglomération (Watier et al. 1986 : 405 no 110). Du côté occidental on a identifié, en marge du centre urbain, des fours de potiers (Watier et al. 1986 : 412 no 112 ; en réalité, il n’est certain ni qu’il s’agisse bien de fours, ni qu’ils doivent bien être attribués à l’Antiquité), et peut‑être un atelier de marbrier (Watier et al. 1986 : 410 no 111).
17Les aménageurs du ier s. semblent avoir eu, comme souvent, d’ambitieux projets : les arpenteurs ont alors étendu le maillage orthogonal du cadastre urbain dans une large zone qui englobe à l’est une partie du faubourg Saint‑Pierre, atteint à l’ouest la voie ferrée (fig. 81) et qui, au sud, devait atteindre la rue Joseph‑Darqué : c’est la structure verte reconnue par P. Garmy et M. Guy (infra, chap. 5). En réalité, en l’état actuel des données archéologiques, il ne semble pas qu’au maximum de son extension l’agglomération ait dépassé les cours des Maréchaux Foch, Galliéni et Joffre et le cours Saint‑Pierre. Somme toute, on est fondé à croire qu’aux iie et iiie s. la ville d’Aquae ne débordait guère le périmètre qui fut plus tard enfermé dans l’enceinte, soit peut‑être, au maximum, une vingtaine d’hectares.
2.1.5 Équipement monumental
18Ce sont principalement les fouilles entreprises près de la Fontaine chaude en 1976, dans l’Ilot central en 1978‑1979, sous les Halles centrales en 1981 et 1982, qui ont permis de donner les premières informations véritables sur l’urbanisme de Dax gallo‑romain, et d’interpréter des découvertes plus anciennes (Watier, Gauthier 1977 ; Watier 1979). La vocation thermale, et sans doute religieuse, de la fontaine est bien assurée depuis le iie s. par un grand bassin, des canalisations et par la présence, qu’attestent diverses explorations et observations du xixe s., d’un établissement thermal dans les parages (Watier et al. 1986 : 77 no 19 ; 87 no 21 ; 111 no 26).
19Au cœur de ce qui sera la ville close du Bas‑Empire, entre les rues du Mirailh, Cazade et de Borda, dans un vaste secteur jusque‑là inoccupé, les fouilles de l’Ilot central ont mis au jour la partie occidentale du podium massif d’un temple entouré d’une vaste esplanade à deux niveaux, ensemble construit dans le premier tiers ou la première moitié du iie s. (Watier et al. 1986 : 183 no 44 et fig. 97)2. On rattache aussi au Haut‑Empire d’importantes substructions, de fonction indéterminée, mises au jour en 1965 à l’ouest de l’Îlot central (Watier et al. 1986 : 209 no 50) ; à l’est, la découverte d’un pavement en grandes dalles de pierre de Bidache et de nombreux fragments de marbre appartenant notamment à des colonnes ont fait émettre l’hypothèse d’une place publique (le forum ? Watier et al. 1986 : 159 no 38). À l’emplacement des Halles centrales, où les implantations antérieures étaient modestes, a succédé, vers le milieu du iie s., un groupe de bâtiments dont l’un était un vaste hangar d’abord pavé de graviers et, dans la suite, de grandes dalles de pierre de Bidache (Dupuis, Fincker 1982 ; Gauthier 1983). C’est au cours de la fouille de cet ensemble qu’en 1982, la fouille d’un remblai stérile amena la découverte d’un lot exceptionnel d’objets de bronze principalement liés au culte de Mercure, mis à l’abri à basse époque par un païen fervent… ou stockés par un récupérateur pour une refonte ultérieure (Santrot, Derion in Merlet, Watier 1988).
20Au nord, c’est encore à l’époque antonine que des briques estampillées permettent de fixer la construction de l’aqueduc issu de la colline de Saint‑Paul, sur la rive droite ; il devait franchir l’Adour par un ouvrage d’art (Watier et al. 1986 : 541 no 154). Enfin, la configuration de certaines parcelles dessinant un hémicycle sur le cadastre de 1825 a fait conjecturer de longue date l’existence d’un théâtre antique au sud‑ouest de la ville remparée, sans que jusqu’à ce jour les observations archéologiques aient pu donner quelque fondement réel à cette présomption (Watier et al. 1986 : 401 no 109).
2.1.6 Voirie
21Bien que le réseau en soit encore très mal connu, des données significatives ont cependant été recueillies à date récente sur la voirie postérieure au ier s. : on a mis au jour un decumanus bordant au nord le temple de l’Ilot central, à peu près à l’emplacement de la rue du Mirailh (Watier 1987 : 25) ; il se prolongeait éventuellement sous la rue du Palais, puis jusqu’à la porte Julia (ci‑dessous) et, au‑delà, par la route qui menait à Toulouse ; on présume que la rue des Fusillés (ancienne rue Maior, plus tard rue Large) occupe approximativement l’emplacement d’un ancien cardo (Watier et al. 1986 : 161, 185 sq., 374). On définit ainsi la trame d’un réseau de voirie orthogonal (encore passablement hypothétique) qui pouvait ici se développer librement en dehors de tout obstacle topographique, et qui est suggéré par le tracé d’ensemble des rues de la vieille ville.
2.2 L’histoire récente du rempart, les destructions du xixe s.
2.2.1 Jusqu’au milieu du xixe s.
22Jusqu’en 1850, la plus grande partie du rempart du Bas‑Empire était conservée, ce qu’en 1901 rappelle Camille Jullian : « Dax était la cité de France, il y a cinquante ans, où l’on pouvait le mieux se rendre compte de ce qu’était une ville au temps de Constantin et de Julien. A la voir surgir, complètement isolée et fermée, du milieu des prairies de l’Adour, on avait l’impression exacte d’une cité du ive s. » (Jullian 1901 : 217.)
23Toutefois, jusqu’au milieu du xixe s., les atteintes à l’intégrité du monument antique avaient été nombreuses, encore qu’il soit impossible d’en dresser un bilan détaillé : réparations consécutives aux sièges de la ville, aménagements divers, comme celui de la porte Saint‑Pierre au XIe s. ou de la porte Saint‑Vincent, ajout ou suppression de certaines tours ; réfection générale du mur, construction du bastion Sainte‑Marguerite et ornementation des portes à la fin du xvie s. ; autre réfection à l’époque de la Fronde (Lot 1953 : 122 ; Vergès 1977 ; Watier et al. 1986 : 38 no 8 ; voir aussi Dompnier de Sauviac 1869 : 31 sq. ; Dufourcet et al. 1890 : I, 41 sq.). De multiples interventions ponctuelles ont dû en outre être le fait de l’armée, puisque Dax est restée une place forte jusqu’en 1850, date où les remparts cessèrent de relever de cette administration (Vergès 1977 : 391‑393). Il n’est pas possible de dresser un état des faces nord et ouest les plus atteintes ; même à l’est, les détériorations ne devaient pas manquer ; on apprend, par exemple, que l’autel CIL, XIII, 410 a été exhumé des fondations du rempart oriental en 1843 (Taillebois 1881 : 220), nous ne savons en quelles circonstances, mais plus de dix ans avant les campagnes officielles de démolition.
24À cette époque, c’était sans aucun doute la partie méridionale de l’enceinte qui était la mieux conservée, comme en témoignent divers documents ; à suivre Arcisse de Gaumont, à l’exception du château médiéval et du massif carré de la porte Dauphine, l’enceinte gallo‑romaine était intacte au moment où commencèrent les grands travaux de démolition, comme il l’écrit environ un an après le début de ceux‑ci dans le plaidoyer pour le sauvetage des remparts de Dax qu’est son Rapport verbal (1856 : 584). Il est indéniable cependant que d’importantes réfections, masquant l’état antique, avaient été faites dans la muraille sur les faces septentrionale et occidentale. En effet, Gaumont (1856 : 572) met en cause « les réparations inintelligentes du Génie militaire », mais il relève surtout l’idée baroque qu’a eue cette administration de crépir la face externe de la moitié des murs (1856 : 584 sq.). Il nous semble qu’à l’époque de la visite d’Arcisse de Gaumont, l’état antique apparent était bien conservé à l’exception de la partie centrale sur la face méridionale, y compris les deux tours d’angle, et dans certaines parties de la face orientale : place des Salines, section au nord du cours Julia‑Augusta (porte et bains Saint‑Pierre). R. Pottier a noté au moins une importante réfection ancienne sur la face occidentale, entre la rue Saint‑Vincent et la rue d’Eyrose (1881 : 151). Les plans anciens montrent que dans la muraille nord, à l’est du château, l’état antique devait être très détérioré jusqu’aux abords de l’angle nord‑est. Dans cette partie « le mur n’est plus romain, mais bien refait avec toutes sortes de matériaux », remarquent Dufourcet, Taillebois et Camiade (Dufourcet et al. 1890 : I, 34 n. 1).
2.2.2 La démolition du rempart dans la seconde moitié du xixe s.
25Du Dacquois André de La Serre, en 1568, à Camille Jullian, en 1901, le rempart du Bas‑Empire constitue l’élément caractéristique de la parure de la ville pour les historiens de Dax. Le premier a vanté « la ceinture de muraille, qui est aussi belle, forte et bien flanquée qu’autre qu’on trouve » (La Serre 1883 : 504). Ecrivant au moment où la destruction des remparts était encore d’actualité, le second stigmatise cet « acte de vandalisme historique et de maladresse municipale » qui témoigne, d’après lui, de l’imprudence sans égale des gens de Dax, car « la vieille enceinte, habilement mise en lumière, eût pu un jour amener à la ville autant de visiteurs que ses eaux chaudes attirent de rhumatisants » (Jullian 1901 : 217). À l’oppose, H. Serres a donné une image peu amène de la ville dont il avait été le maire, enfermée dans son enceinte vétuste, « caveau au sol humide et gluant » pendant la saison hivernale (BSBorda 1883 : 265), sans doute pour justifier la démolition de la muraille.
26La décision de démolir les remparts a été prise par les municipalités qui se sont succédé à la tête de la ville sous le Second Empire (Vergès 1977) : en 1850, on décide de commencer la démolition par le secteur du sud‑ouest, de la porte Dauphine (à l’extrémité de la rue de l’Evêché) à la porte Saint‑Vincent. Les démolitions ne commencèrent qu’en 1855 (Drouyn 1856 : 212‑214). Les destructions ont commencé en 1855, mais nous ne connaissons pas le détail de leur progression ; elles furent pour une part laissées à la charge des particuliers riverains, ce qui fut au moins le cas pour la face occidentale. Le plan no 12 montre qu’en 1867, le rempart oriental n’avait pas encore été abattu (fig. 74) ; de fait, la destruction a continué longtemps après la chute de Napoléon III ; en 1872, on réalise la percée de la porte Julia ; en 1873, la démolition de la partie orientale de la courtine méridionale battait son plein3 ; une partie de la courtine occidentale subsistait encore en 1878 ou 1879 (Portier 1881 : 148). L’angle nord‑est a été démoli avec le château en 1890‑1891 ; en 1907 le conseil municipal de Dax projetait encore de faire démolir la section de la place des Salines (Blanchet 1907 : 189)
2.2.3 Vestiges apparents actuellement fig. 51
27Les vestiges de l’enceinte ont été classés parmi les Monuments historiques par arrêté du 12 juillet 1886.

FIG. 51 – Vestiges apparents, plus ou moins fortement restaurés, du rempart du Bas‑Empire.
SF et NP del. d’ap. Gallia, 41,1983 : 460, fig. 18/ChH
Promenade des Remparts (partie nord‑est de l’enceinte)
28Le mur subsiste sur 300 m de longueur, couronné par un parapet moderne de 50 cm de largeur ; le côté intérieur a été colmaté jusqu’au sommet de la courtine par des remblais accumulés lors de grands terrassements ordonnés en 1522‑1523 par Haubardin de Luxembourg pour renforcer les murailles. Entre le boulevard des Sports et la première tour au sud de la tour d’angle, sur la face orientale, le côté extérieur est lui‑même à moitié enterré, et la maçonnerie antique est invisible sur le parement. Entre cette première tour de l’est et le cours Julia‑Augusta, le rempart ferme à l’ouest le terrain des bains Saint‑Pierre. Du côté de l’intérieur (place de la Course), il est de même comblé jusqu’au sommet, sauf dans la tour située immédiatement au nord du cours Julia‑Augusta. Du côté de l’extérieur, il domine d’environ 9 m au maximum les bains Saint‑Pierre ; ici, de larges plages du parement antique peuvent être conservées sous un épais manteau de végétation parasitaire qui ne dégage qu’une partie du saillant de la seule tour subsistant dans ce terrain (fig. 52a) ; de même le parement, largement refait depuis l’Antiquité, apparaît vers le nord de ce terrain.

FIG. 52a – Vue des remparts dans le terrain des bains de Saint‑Pierre.
cl. CRIAq
Place des Salines
29Le mur subsiste sur 55 m de longueur, avec une tour à chaque extrémité. Le parement extérieur avait été pour une large part refait autrefois (avant 1850 ?) en pierres plates de Bidache, de taille irrégulière (fig. 52b). Dans les endroits détériorés, de grandes plages ont été restaurées à l’antique, avec arases de briques, par l’administration des Beaux‑Arts, sans doute depuis le début du xxe s. Le côté intérieur de la ville est ici remblayé jusqu’au sommet de la courtine ; la tour du nord, non entretenue, envahie de végétation, est cependant largement dégagée des habitations.

FIG. 52b – Photographie de l’état actuel du rempart oriental, place des Salines. Vue prise du nord, avril 1988.
cl. LM/B‑III
Entre la rue d’Eyrose et le fond de l’impasse
30j. ‑b. grateloup
31Tour très restaurée, recrépite, au nord de la rue d’Eyrose ; une section d’une trentaine de mètres de la courtine, très détériorée, est intégrée aux habitations de part et d’autre de cette tour, et sans doute d’autres fragments jusqu’à l’impasse J.‑B.‑Grateloup ; la courtine a servi ici de soutènement ou de limite aux maisons et aux jardins qui ouvrent à l’opposé sur la rue Neuve. On ne voit plus aujourd’hui qu’une plage de parement sur environ 5 m de longueur, plus ou moins fortement restaurée, en partie envahie par la végétation, au fond de la cour du Crédit commercial de France (cadastre 1974, AD 60).
32Les vestiges actuels du rempart, les réfections dont les parties apparentes ont été l’objet aux xixe et xxe s., le manque d’entretien, rendent peu perceptible le mode de construction antique dans les parties conservées. Mais celles‑ci constituent des repères topographiques.
2.3 Le périmètre du rempart
2.3.1 Dimensions
33L’enceinte de Dax a la forme d’un quadrilatère irrégulier dont les longs côtés, orientés du nord au sud, sont légèrement bombés. Raimond Pottier donne les dimensions suivantes (Pottier 1881 : 147) :
– périmètre total : 1 465 m ;
– côté nord : 330 m ;
– côté sud : 280 m ;
– côté ouest : 410 m ;
– côté est : 445 m.
34Les chiffres donnés par Pottier ne doivent pas correspondre tout à fait à la réalité mais résulter de la combinaison de plans anciens, souvent approximatifs (y compris le cadastre de 1825). D’après les éléments en place et le report des données anciennes sur le cadastre actuel de la ville, on aboutirait à un périmètre intérieur voisin de 1 425 m. Les côtés ont alors approximativement les dimensions suivantes :
– côté nord : 327 m ;
– côté sud : 272 m ;
– côté ouest : 390 m ;
– côté est : 436 m.
35L’enceinte enfermait 12,60 ha (Lot 1953 : 122 et n. 166).
2.3.2 Le tracé
36L’enceinte de Dax est comme accrochée à l’Adour au point choisi dès l’origine au nord‑ouest de la ville pour le passage du fleuve. Son tracé est donné par des plans anciens, certains précieux pour l’ensemble (plans nos3, 6, 7, 8 : fig. 69 à 72), les autres pour divers détails ; ces plans ne correspondent aucunement à l’état antique pour l’angle nord‑ouest, occupé par le château fort attesté depuis le xie s. et démoli en 1890‑1893 (Watier et al. 1986 : 33 n° 7) ; mais le plan du château est connu, et des observations utiles pour les vestiges du rempart romain ont été faites au moment de la démolition de la forteresse. C’est dans ces parages que l’aqueduc romain pénétrait dans l’agglomération du Haut‑Empire ; mais nous verrons qu’il devait être hors d’usage au moment où l’on construisit l’enceinte, et il est vraisemblable qu’il n’a joué aucun rôle dans son implantation et son tracé.
37Le tracé du rempart est certain de l’entrée de la Promenade des Remparts (au pont sur l’Adour) jusqu’à la rue Saint‑Pierre ; il est d’ailleurs jalonné sur ce parcours par d’importants vestiges en place. Pour le reste, on ne peut évaluer ce que les démolisseurs ont éventuellement laissé subsister en sous‑sol, sauf par de nouveaux contrôles archéologiques, car on n’a aucun renseignement détaillé sur la manière dont furent conduites les démolitions.
38Sauf, éventuellement, en fondation, plus aucun vestige ne subsiste de l’enceinte entre les rues Saint‑Pierre et Saint‑Vincent, c’est‑à‑dire dans toute la partie méridionale. Au sud‑ouest, entre la place Roger‑Ducos et la rue de l’Evêché, il a été détruit jusqu’à la base des fondations, comme l’ont montré les fouilles des Halles en 1981 (Dupuis, Fincker 1982 : 77‑80) et la construction du parking de la cathédrale en 1977. On ne possède aucune donnée à l’est de la rue de l’Evêché, à l’emplacement du Jardin public.
39Sur la face orientale, au sud de la rue Saint‑Pierre, il semble que doivent subsister quelques vestiges des fondations, puisque l’on a mention, en 1927, du creusement d’une tranchée longeant les vieux murs de défense, dont les fondations semblent avoir été alors mises au jour sur la rive occidentale de la place du Chanoine‑Bordes (Watier et al. 1986 : 383 n° 105). Une observation de Dompnier de Sauviac laisse présumer que les démolisseurs du troisième quart du xixe s. ont la plupart du temps détruit le rempart jusqu’aux fondations (Dompnier de Sauviac 1873 : 72).
40Sur la face occidentale, le tracé est fondé sur les limites parcellaires entre la rue Saint‑Vincent et la rue d’Eyrose, sans que l’on puisse savoir si des traces de la muraille sont conservées dans le sol ; sur le plan de 1825, le parcellaire suit approximativement la rive orientale de la rue qui, depuis le xviie s.4, longe l’enceinte à l’intérieur de la ville ; ce parcellaire n’a pas subi de modifications sensibles jusqu’à l’époque actuelle. Plus au nord, le rempart est conservé en élévation jusqu’au fond de l’impasse J.‑B.‑Grateloup.
41Dans l’angle nord‑ouest, le cours de Verdun occupe l’emplacement des anciens fossés qui séparaient le château de la ville. Le tracé du rempart est restitué ici hypothétiquement à partir des anciens plans du château et des indications données lors de sa destruction (Watier et al. 1986 : 19 n° 2).
2.4 La construction du rempart
42La démolition du rempart n’a fait l’objet d’aucune surveillance systématique. Faites principalement par Dompnier et Pottier, les observations ont été peu nombreuses, intermittentes, et l’on ne connaît pas toujours le point du rempart sur lequel elles ont porté.
2.4.1 Les matériaux
2.4.1.1 Les carrières
43Des observations diverses, dues notamment à Dompnier de Sauviac, ont permis d’établir que les carrières régionales de Bidache, Pouillon, ont fourni des matériaux qui pouvaient être acheminés par voie d’eau, de même sans doute que celles de Montfort‑en‑Chalosse et de Sainte‑Marie‑de‑Gosse. Mais on a d’abord fait appel aux carrières de Tercis et d’Angoumé, de part et d’autre de l’Adour en aval de Dax ; il est probable, mais non certain que celles de Saint‑Pandelon, immédiatement au sud de la ville, aient été exploitées. Ces différentes carrières ont fourni soit les pierres non calibrées du blocage, soit les moellons réguliers formant le petit appareil des parements, soit des blocs de grand appareil pour les fondations. Dans les fondations avaient été jetés, au moins dans certains secteurs, de gros cailloux d’ophite en vrac venant du Tue d’Eauze (ci‑dessous, d’après Dompnier de Sauviac).
2.4.1.2 Les matériaux de remploi dans les fondations
44Comme on le verra, les fondations de l’enceinte comportaient de grands blocs de calcaire, à propos desquels se pose la question du remploi de matériaux provenant de monuments antérieurs. Les fouilles de l’Ilot central ont montré qu’à Dax, comme dans l’ensemble des villes des Trois Gaules, le gros œuvre des monuments publics (sauf pour certains d’entre eux, comme les arcs commémoratifs) était, sous le Haut‑Empire, construit en blocage parementé de lits réguliers de moellons de petit appareil ; le grand appareil intervenait seulement pour certaines structures, comme les stylobates et les encadrements des ouvertures, ou encore pour tout ce qui concernait le décor d’architecture5. Certes, on a noté que, dans le soutènement du temple d’époque antonine de l’Ilot central, des blocs de grand appareil avaient été déchaussés ; mais leur récupération n’avait pas été systématique (Watier 1979 : 246 ; 1981 : 33 sq.) : rien ne peut assurer que les blocs manquants furent remployés dans le rempart (l’hypothèse ne peut être exclue, naturellement) ; aucun témoin de la démolition de la muraille au xixe s. n’indique que de tels blocs y aient été remployés.
45Par ailleurs, les érudits du siècle dernier, notamment Dompnier de Sauviac (1873 : 72), mentionnent la présence de débris concassés d’anciennes constructions intégrés au blocage interne de la muraille. On peut constater en tout cas que les fragments de blocs sculptés qui ont été recueillis sont d’une extrême rareté. A notre avis, il ne faut pas mettre en cause avant tout le vandalisme des destructeurs du rempart dans la seconde moitié du xixe s., mais la rareté même des remplois de blocs du Haut‑Empire dans la muraille du Bas‑Empire. En effet, sous le Second Empire, la cession à la ville des « médailles, statues, fragments d’architecture et autres objets d’art ou d’antiquité » faisait partie des obligations des démolisseurs dans les contrats qui les liaient à la ville (Vergès 1977 : 403). On notera ailleurs l’attention portée à la découverte de certains matériaux de remplois, comme ceux de la poterne de la courtine méridionale (Watier et al. 1986 : 25 no 4).
46Nous voyons une preuve de cette rareté des matériaux de remploi dans le faible nombre des documents épigraphiques provenant de Dax ; nous ne relevons dans le Corpus que huit inscriptions, toutes en marbre ; quatre appartiennent à l’épigraphie funéraire (l’une d’elles, CIL, XIII, 416, est perdue et ses dimensions sont inconnues). Parmi ces textes, deux seulement sont gravés sur des pierres que leurs dimensions font approcher du grand appareil : CIL, XIII, 410 et 415 ; mais cette dernière est très mutilée ; les autres sont de faibles dimensions, et plusieurs blocs inscrits ont été retrouvés à l’état de moellons informes ou de fragments ; leur provenance est diverse. Nous résumons les données qu’elles fournissent dans le tableau II.

TABL. II – Les inscriptions antiques découvertes dans les remparts de Dax.
47On voit que le remploi dans la muraille n’est assuré que pour trois de ces pierres (les deux premières et la quatrième). Quelles qu’aient été les conditions dans lesquelles furent démolis les remparts, une récolte aussi maigre de fragments aussi informes est significative, eu égard à l’extrême intérêt qui a généralement été attaché aux témoignages épigraphiques. On en dira tout autant des quelques fragments de sculpture en marbre conservés au musée de Borda, ou encore des blocs à décor d’architecture, inexistants. Trois fragments de sculpture sont notables (tabl. III).

TABL. III – Sculptures antiques découvertes dans les remparts de Dax.
48Au total, il ne nous semble donc guère faire de doute qu’à la différence des enceintes du nord de la Garonne, le remploi de blocs démontés de monuments de la ville du Haut‑Empire pour construire les fondations du rempart de Dax a été très occasionnel, en quelque sorte accidentel.
2.4.1.3 Les matériaux de remploi dans l’élévation
49Il s’agit de tuiles et de briques dont certaines portaient des estampilles, usage qui a disparu au Bas‑Empire ; les cachets sont répertoriés au Corpus :
– CIL, XIII, 12636 : ANTM ou AVT. M. ; ligature des trois premières lettres ; point avant le M sur la seconde ; cette estampille n’est connue qu’à Dax ;
– CIL, XIII, 12857 (Dompnier de Sauviac 1873 : 73) : L.P. ; un autre exemplaire à Sarrebourg (12858) ;
– CIL, XIII, 12862 : L S C ; cette estampille n’est connue qu’à Dax, sur une brique en quart de rond (Pottier 1883 : XLIV).
2.4.2 Fondations et soubassement
2.4.2.1 Données de Dompnier de Sauviac
50On doit à Dompnier de Sauviac, un des partisans les plus convaincus de la nécessité d’abattre les remparts de Dax (Vergès 1977 : 397), la seule description du soubassement de l’enceinte, à l’époque de la démolition :
51« On avait déjà remarqué que les remparts gallo‑romains étaient habituellement assis sur le sol superficiel, sans excavations préalables pour fonder la construction. Les murailles de Dax sont établies d’après ce système, et les murs reposent sur une couche de galets d’un mètre environ d’épaisseur, placés eux‑mêmes dans les endroits marécageux sur une couche de 0,30 m de bois qu’on a retirés à l’état de putréfaction ou de lignite. Ces galets ont été reconnus pour du basalte du Pouy d’Eauze ou de Saint‑Pandelon. Au‑dessus des galets sont placés des libages, énormes quartiers de pierre douce, venus de Montfort ou de Pouillon. » (Dompnier de Sauviac 1873 : 72.)
52Cette indication sur des blocs de grand appareil en calcaire tendre a suggéré qu’il s’agissait de remplois ; bien que cela ne puisse être absolument exclu, il faut souligner que l’auteur ne fait aucune mention de blocs retaillés, moulurés, sculptés ou inscrits.
2.4.2.2 Critique de ces données
53Dompnier de Sauviac donne à ces observations un caractère général, et il ne précise pas en quels points il a pu les faire. Or il ne semble pas que la fondation ait été la même partout : en effet, la structure décrite par Dompnier de Sauviac n’est évoquée ni au nord‑ouest de l’enceinte dont la base fut atteinte en 1814 quand on abattit la porte Notre‑Dame, ou en 1890‑1891 lors de la démolition du château, ni vers le sud de la face orientale quand en 1927 on remit au jour sur quelques mètres les fondations place du Chanoine‑Borde (d’après J. Thoré, Cahier manuscrit, 1814, cité par Watier et al. 1986 : 67 no 15 ; 33 no 7 ; Dufourcet 1932 : 59 ; Watier et al. 1986 : 384 no 105).
54Le lit de bois a dû être constaté sur les faces nord et nord‑est du rempart, mais aucune précision n’est donnée sur la disposition de ses éléments, sur leur calibre et leurs dimensions. Ne doit‑on pas supposer que dans les secteurs particulièrement marécageux, cette couche de bois, platelage ou grillage, reposait sur des pieux battus, comme à Bordeaux ou à Saintes, pour assurer un soutènement efficace ?
55De même, l’auteur donne la provenance des galets6, mais il ne fournit aucune précision sur leur mise en œuvre ; il n’est pas question de la tranchée dont le creusement avait été nécessaire pour édifier cette épaisse couche de pierres arrondies et non calibrées, et cette remarque vaudrait davantage encore pour la couche de bois sous‑jacente. Dans sa phrase introductive, il faut cependant comprendre que les constructeurs de la muraille n’ont pas cherché à asseoir celle‑ci sur la roche, située à une trop grande profondeur, mais qu’ils ont dû se contenter d’atteindre à travers les couches d’occupation du Haut‑Empire, et d’entamer le sol superficiel naturel, auquel ils se sont arrêtés.
56De même encore, Dompnier de Sauviac ne nous apprend pas quelle était la hauteur du niveau de gros blocs que les architectes ont jugé indispensable pour asseoir les fondations. Il ne nous dit rien de la taille de ces blocs, et rien n’autorise à penser que les libages dont il parle étaient constitués de blocs de grand appareil quadrangulaire ; notre impression est qu’il s’agissait plutôt de blocs non équarris, bruts d’extraction. Nous ne savons pas non plus s’il y avait éventuellement plusieurs assises, si les blocs étaient posés à sec (ce qui est probable), comme dans les fondations du rempart de Bayonne, ou liés au mortier, comme dans le cas de l’entourage de la poterne de la courtine sud, s’ils étaient ou non enterrés par rapport au niveau du sol antique. Il faut noter l’emploi de gros blocs de pierre non équarris dans les fondations du rempart de Bayonne (Blay de Gaïx 1899 : 19 ; Gauthier 1977 : 472). Enfin, la largeur de ces fondations, qui pouvait être supérieure à celle du mur en élévation, n’est pas précisée.
57Malgré ses lacunes et les précautions, voire la méfiance, avec lesquelles on doit le lire, le témoignage de Dompnier de Sauviac est très précieux, puisqu’il est unique, et il a été repris par tous les auteurs qui se sont intéressés aux remparts de Dax. C’est encore lui qui fournit les données les plus précises sur l’élévation.
2.4.3 Élévation
2.4.3.1 Données de Dompnier de Sauviac
58Selon R. Portier (1881 : 148), les courtines avaient (partout ?) une épaisseur de 4,25 à 4,50 m à la base et 4 m au sommet ; cet amincissement peut être expliqué par un léger retrait du mur au niveau de chaque groupe de trois assises de briques dans sa moitié inférieure ; ce talutage a été noté par Arcisse de Gaumont (1856 : 574). Comme on peut le voir encore aujourd’hui, les parements du mur étaient dressés en opus mixtum de moellons et de briques ou de tuiles enfermant un blocage de moellons tout venant dans un bain de mortier. Dompnier de Sauviac donne la description suivante du parement des murs :
59« Le petit appareil régulier se montre au‑dessus [de la fondation en grand appareil], formant parement extérieur d’après la règle qui suit :
5 bandes de petits cubes et 3 rangs de briques au‑dessus pour les première, seconde, troisième et quatrième assises
6 bandes de cubes et 3 rangs de briques pour la 5e
7 bandes de cubes et 3 rangs de briques pour la 6e
8 bandes de cubes et 3 rangs de briques pour la 7e
9 bandes de cubes et 3 rangs de briques pour la 8e
10 bandes de cubes et 3 rangs de briques pour la 9e
60« C’est ce qui constitue l’opus quadratum. On ne peut dire, au juste, la hauteur qu’avaient primitivement les murailles ; mais nous pensons que cette combinaison allait jusqu’à 12 assises inclusivement, ce qui aurait donné à la hauteur primitive 12 mètres environ. C’est à tort qu’on a écrit que les bandes ont telle ou telle hauteur, puisque cette hauteur augmente de la base au sommet ; celle de cinq rangs de cubes mesure 0,68 m. Ces cubes sont en pierre de Bidache, en grand nombre, et en pierre tendre de Sainte‑Marie [Sainte‑Marie‑de‑Gosse], Celle de Montfort ne forma jamais parement ; elle n’est employée que comme libage ou dans le blocage intérieur. Les châssis de briques qui maintiennent le niveau des assises, en contribuant à l’aspect grandiose des murailles, varient par leur forme, leur grandeur et leur manipulation […]
61« On suppose qu’après avoir élevé de quelques mètres le parement extérieur et le mur intérieur, non parementé, épais de quelques centimètres seulement, on remplissait le milieu d’un bain de mortier où l’on jetait pêle‑mêle les moellons destinés à cette construction : moellons de Tercis, d’Angoumé, de Montfort, accompagnés de tous les débris d’anciennes constructions dont il a été déjà parlé. Ce procédé avait pour résultat d’abréger le travail sans en compromettre la solidité. Malgré quelques petites cavernes, le mortier adhère tellement au moellon qu’il fait corps avec lui […] « Le même appareil se prolonge le long des tours et des courtines avec la même régularité géométrique. » (Dompnier de Sauviac 1873 : 72 sq.)
62Les données fournies par Dompnier corrigent parfois celles qui sont fournies par Gaumont (1856), c’est pourquoi il insiste notamment sur les intervalles variables entre les lits de briques. Cette description peut être confrontée avec plusieurs documents figurés.
2.4.3.2 Autres documents
63Même s’il ne le dit pas expressément, il ressort de la description de Dompnier de Sauviac que les assises de briques ou de tuiles ne traversaient pas la masse du mur, mais qu’elles étaient selon l’usage limitées au parement ; la fig. 79 le montre d’ailleurs bien dans la coupe d’une tour, comme aujourd’hui encore la coupe du mur dans la tour nord de la place des Salines. On ne prendra certes pas pour argent comptant le rythme des assises du parement donné par notre auteur. On possède sur ce point des données pour‑la face méridionale.
64● Un dessin fourni par Gaumont pour la tour de Diharce, à l’angle sud‑est, donne au moins 8 rangs de moellons pour la section inférieure (première) du parement, 5 pour la deuxième, la troisième et la quatrième, 6 pour la cinquième, 7 pour la sixième, la septième et la huitième et peut‑être aussi pour la neuvième ; ces rangées, régulièrement séparées par trois lits de briques ou de tuiles, se poursuivent sur le départ de la courtine orientale (fig. 58) (Gaumont 1856 : 576).
65● Un dessin fourni par le même auteur pour la poterne de la courtine méridionale est complété par un dessin de Pottier (fig. 64 et 65) ; en bas, on compte à gauche (à l’ouest) de la poterne 8 rangs de moellons au‑dessous des 3 rangs de briques, et 10 à droite sur l’avancée de la tour dont la base ressort davantage du sol en pente ; il manque donc ici une arase de 3 rangs de briques. Les deux dessins donnent ensuite 5 rangs de moellons pour des assises qui correspondent aux troisième et quatrième de la tour de Diharce (dont la base est davantage dégagée du sol environnant). Pour la cinquième, Gaumont donne 6 rangs à gauche (à l’ouest) de la poterne, 7 à droite, où 2 rangs de briques sont localement remplacés par 1 rang de moellons, tandis que Pottier donne 7 rangs de moellons à gauche comme à droite. Nos préférences vont à la première représentation dont le rythme est confirmé par les documents suivants qui concernent le même secteur.
66● Une photographie de la partie occidentale de la face sud (fig. 53a et b), depuis la tour d’angle, prise vers 1860‑ 1865, complète parfaitement le dessin donné par Gaumont de la tour de Diharce. On voit ici 10 rangs de moellons réguliers pour la section inférieure, puis, comme dans la tour de Diharce, 5 pour les seconde, troisième et quatrième, 6 pour la cinquième, 7 pour les sixième, septième et huitième, le sommet de la muraille étant alors couvert de végétation parasitaire.
67● Deux photographies prises par R. Pottier en 1873 de la courtine sud (parement extérieur), à l’est de la rue de l’Evêché au moment de la démolition de cette partie de l’enceinte (fig. 54 et 55) ; ces deux photographies représentent, à une distance et sous un angle légèrement différents, la même section de muraille, apparemment entre deux tours. La première assise de moellons est enterrée dans le sol et il en est de même pour une partie de la seconde ; on compte 5 rangs de moellons pour la troisième et la quatrième, 6 pour la cinquième, 7 pour la sixième et la septième ; le nombre de rangs de moellons est indistinct pour la huitième.
68Tous les documents qui précèdent démontrent la parfaite unité de la construction de la courtine méridionale et des deux tours d’angle qui la limitaient.
69● Un dessin de Ch. Roach Smith représentant la base de la muraille près de la porte Saint‑Vincent (fig. 56) : 6 rangs de moellons dépassent du sol et ils sont surmontés de 2 (et non 3) lits de briques ; puis vient une assise de 5 rangs de moellons, surmontée de 2 lits de briques, puis une assise de 7 rangs de moellons surmontée de 3 lits de briques (Roach Smith 1857‑1861 : 239).
70● Vestiges actuels ; il est impossible de décider si les restaurations intégrales de l’état antique dans le parement de la place des Salines sont conformes au rythme antique, qui serait ici assez sensiblement différent de celui de la courtine méridionale : la partie inférieure est enterrée, puis viennent (tour sud), coupées par des lits de 3 rangs de briques, 3 assises de 5 rangs de moellons (qui doivent correspondre à l’état antique), mais ensuite, successivement 8, 6, 7, 6 et 6 rangs, séparés par 3 assises de briques, dont la disposition doit comporter une large part d’arbitraire (fig. 57). L’état antique est apparent sur une partie du saillant de la tour des bains de Saint‑Pierre ; au‑dessus de la base talutée de la tour, largement refaite, on a 2 assises de 5 rangs de moellons, puis une de 6, puis une de 7 ; toute la partie supérieure a été ici crépie au xixe s.

FIG. 53 – Photographie du rempart méridional, partie occidentale. La vue est prise du sud‑ouest, vers 1860‑1865, avant la démolition, a Tirage du cliché original, exposé à la mairie de Dax. b Cliché retouché
extrait de Dufourcet et al. 1890 : pl. h.t.

FIG. 54 – Le rempart méridional, partie orientale. Photographie prise depuis le sud‑ouest en 1873, pendant la démolition.
R. Pottier (conservée au musée des Antiquités nationales de Saint‑Germain‑en‑Laye, Album des Landes

FIG. 55 – Le rempart méridional, partie orientale. Photographie prise depuis le sud‑ouest, sous un angle différent de la précédente, en 1873, pendant la démolition.
R. Pottier (conservée au musée des Antiquités nationales de Saint‑
Germain‑en‑Laye, Album des Landes).

FIG. 56 – Une ouverture dans l’enceinte près de la porte Saint‑Vincent.
extrait de Roach Smith 1857‑ 1861 : 239

FIG. 57 – L’appareil du rempart, place des Salines.
cl. LM/B‑III
71Ces documents montrent la part d’interprétation ou d’approximation que comporte le texte de Dompnier de Sauviac. Les variations que l’on pouvait observer localement (par exemple dans les parages d’une ouverture) n’empêchaient pas la belle régularité de l’ensemble, assurée au moins pour la courtine méridionale, où elle est en outre bien suggérée par un croquis de Léo Drouyn (fig. 58). Ils permettent de donner une idée de la hauteur de la courtine.

FIG. 58 – Le rempart méridional, angle sud‑ouest, dessin de Léo Drouyn.
extrait de Caumont 1856 : 575
2.5 Hauteur de la courtine
72La base du calcul est fournie :
– par Gaumont (1856 : 574 ; repris par Pottier) qui a mesuré 68 à 69 cm pour les assises de 5 rangs de moellons7 et par son dessin de la tour de Diharce (fig. 59) ; ce dernier permet en effet d’établir que le sommet de la courtine, au niveau du chemin de ronde, atteignait au moins la hauteur conservée de cette tour, puisqu’on ne discerne dans celle‑ci aucune ouverture sur l’extérieur (Johnson 1983a : 33‑35 et fig. 13), pas plus d’ailleurs que dans les documents photographiques ;
– par la mesure que l’on peut effectuer aujourd’hui d’assises de moellons dans les tours 2 et 4 de la face orientale (fig. 78) : on trouve environ 70 cm pour 6 rangs de moellons ; on comptera environ 20 cm pour les 3 arases de briques qui séparent chaque assise de moellons ;
– surtout, par la hauteur subsistante de la tour 3 de la face orientale, sur le terrain des bains de Saint‑Pierre qui est au niveau du sol antique, comme on peut l’observer à la base de la tour ; la hauteur actuelle de celle‑ci, compte non tenu du parapet moderne qui la couronne, est de 9,20 m, ce que donne aussi approximativement un calcul théorique effectué à partir du dessin de la tour de Diharce.

FIG. 59 – La tour de Diharce (angle sud‑est).
Dessin de A. de Caumont. extrait de Caumont 1856 : 576
73Les tours et la courtine ont été arasées à un niveau uniforme, et l’on doit penser que ce niveau est très proche de celui du chemin de ronde, puisque, pour démanteler la forteresse, il avait évidemment suffi d’abattre le parapet et les créneaux qui couronnaient les courtines. La hauteur de la courtine devait donc être à Dax voisine de 9,20 m, éventuellement un peu supérieure à cette dimension, et la hauteur au sommet des créneaux voisine de 11,20 m, chiffres qui semblent légèrement inférieurs à ceux qui ont été établis pour d’autres enceintes de la Gaule (Johnson 1983 a : 34 ; Butler 1959 : 25‑50 ; Wood, Mabire 1983 : 33) ; cependant, comme A. Blanchet (1907 : 257) l’a d’ailleurs déjà fait remarquer, la hauteur des remparts de Dax est très proche de celle que Grégoire de Tours (Histoire des Francs, III, 19) attribue à Dijon : « Le mur [de l’enceinte] a été édifié en pierres de taille (de quadris lapidibus) jusqu’à une hauteur de vingt pieds et au‑dessus en petit appareil (a minuta lapide) ; il a trente pieds de hauteur, une largeur de quinze pieds. »
2.6 Portes et poternes
2.6.1 Les portes
2.6.1.1 Au nord‑ouest, la porte de l’Adour
74Nous dénommerons ainsi la porte antique qui a été reconnue de longue date et détruite lors de la démolition du château en 1890‑1891. Un plan du château en 1808 (plan no 5, fig. 60) permet d’éclairer les indications qui nous sont données dans le dernier tiers du xixe s. par les érudits dacquois : « Le mur actuel du château, en face du quai [en 1873 ; il s’agit du mur nord], n’est pas assis sur les fondations gallo‑romaines ; un couloir intérieur le sépare de la muraille d’enceinte. Quand on a descendu deux marches, à partir du massif ordinaire de la tour d’angle, on distingue sur la muraille ancienne une magnifique porte contemporaine des remparts et surmontée d’une archivolte. Ses proportions lui donnent le caractère d’une porte principale et non d’une poterne » (Dompnier de Sauviac 1873 : 75 ; Watier et al. 1986 : 19 n° 2). Cette porte, camouflée du côté de l’Adour par le rempart médiéval (fig. 61), avait été murée, sans doute au cours du Moyen Age ; elle était située entre deux tours de l’enceinte du château dont les fondations étaient romaines (Dufourcet et al. 1890 : 34 ; Watier et al. 1986 : fig. 23), comme on l’a constaté en 1890, mais comme Léo Drouyn l’avait déjà bien indiqué sur le plan no 10 (fig. 62). Elle était « identiquement semblable à la porte Julia » (Dufourcet 1891 : LXXXVI)8. Cette porte s’ouvrait sur le passage – pont ou bac – qui permettait de franchir l’Adour.

FIG. 60 (plan no 5) – Plan du château et d’une partie de la ville de Dax, relatif au nouvel emplacement à donner au grand pont de cette place (en 1808). ADL, R 64 (2).
cl. ADL

FIG. 61 – La face nord du château de Dax avant sa démolition. Photographie exposée à la mairie de Dax.
cl. CRIAq

FIG. 62 (plan no 10) – Plan de l’enceinte gallo‑romaine de Dax. Plan schématique dessiné par Léo Drouyn.
extrait de Caumont 1856 : 585
2.6.1.2 À l’est, la porte Julia
75La porte Julia était située à l’extrémité orientale d’une voie décumane « tracée au iie s. pour desservir le nouveau quartier monumental » (Watier et al. 1986 : 21 no 3), celui du grand temple édifié au centre de la ville, et au départ de la route qui conduisait à Toulouse, par Lescar, dont le tracé est emprunté approximativement par la rue des Jardins. Murée à une époque imprécise, détruite en 1872, elle a été brièvement décrite par Gaumont, puis par Pottier, qui en ont laissé deux croquis semblables, mais non identiques (fig. 63 et 64) (Caumont 1856 : 578 sq. ; Pottier 1881 : 148 sq.)9. Celui de Pottier paraît bien traduire deux états de l’ouverture : l’arc en plein cintre de l’ouverture primitive a été dans la suite comblé par une maçonnerie pour céder la place à un arc très surbaissé. L’encadrement de la porte romaine était entièrement réalisé en grand appareil de blocs calcaires ; les impostes moulurées suggèrent qu’éventuellement des moulures simples, effacées par le temps, soulignaient aussi les montants et l’archivolte (cannelures de pilastres sur les montants, fasces sur l’archivolte). La largeur de l’ouverture était de 4,50 m (Pottier 1881 : 149) ; sa hauteur nous est inconnue. Elle était encadrée par deux tours dont l’emplacement est bien indiqué sur les plans no 6 et no 7 (fig. 69 et 70). Rien n’indique un autre dispositif architectural que ces tours pour défendre cette entrée ; il en était de même sans doute pour les autres.

FIG. 63 – La porte Julia, porte du rempart oriental.
Dessin de A. de Caumont (extrait de Caumont 1856 : 579
FIG. 64 – La porte Julia, porte du rempart oriental démolie en 1872. Dessin exécuté le 14 août 1873, « d’après un croquis fait avant sa démolition », par R. Pottier, adressé « A Messieurs les membres du Congrès de l’Association française, tenu à Lyon » (conservé au musée des Antiquités nationales de Saint‑Germain‑en‑Laye, Album des Landes).
2.6.1.3 À l’ouest, la porte Saint‑Vincent
76Cette porte s’ouvrait à l’extrémité de la rue Saint‑Vincent, et débouchait sur la route menant à Bayonne. D’après A. de La Serre (1568/1883 : 505) c’était, dans la seconde moitié du xvie s. la seule porte antique qui restât encore ouverte ; elle avait été détruite récemment lors du passage d’A. de Gaumont (1856 : 580), mais quelques années plus tard, des vestiges du grand appareil de l’encadrement du côté sud se voyaient encore d’après Dompnier de Sauviac (1873 : 74). Sa construction était apparemment tout à fait semblable à celle de la porte Julia (Watier et al. 1986 : 28 no 5). Près de cette porte, Ch. Roach Smith a dessiné une sorte de meutrière dont l’ouverture au nu extérieur du mur mesurait environ 40 cm de hauteur et 2,80 m de largeur ; la base était à moins d’un mètre du sol (vers 1860) ; l’encadrement était composé de grandes dalles plates (ép. 15 cm env.) ou de briques dont le rendu est différent de celui des lits du mur environnant ; au‑dessus des dalles supérieures se trouve un arc de décharge en briques, au tympan garni de briques. s. Johnson qui reproduit ce dessin (1983 : 109 et fig. 41) se demande quel pouvait être l’objet d’une telle structure, et si elle n’était pas liée au drainage, ou encore au service des ballistes. Mais en raison de la forme de cet ouvrage et de l’aspect des matériaux, nous sommes d’avis qu’il doit s’agir plutôt d’un aménagement postérieur à l’Antiquité, et même au Moyen Âge.
2.6.1.4 Porte méridionale ?
77On ne possède aucune mention d’une porte antique sur cette face de l’enceinte ; on en suppose l’existence à la place de la porte Dauphine, ouverte en 1781 à l’extrémité de la rue de l’Evêché (prolongement de la rue Cazade) et au départ de la route vers l’Espagne par Saint‑Jean‑le‑Vieux. Les plans les plus anciens (depuis le début du xviie s.) montrent cet emplacement occupé par un massif de maçonnerie carré qui a pu, a‑t‑on pensé, remplacer une porte antique et les deux tours qui la flanquaient10. On a aussi renforcé l’hypothèse de cette porte par les traces d’une nécropole antique reconnue au sud du rempart, dans les parages de l’avenue Victor‑Hugo qui fait suite à la rue de l’Evêché. Les traces de cette nécropole sont en réalité assez minces ; elle aurait été en usage sous le Haut‑Empire, mais aussi à basse époque : on signale en effet une inhumation dans un coffre en tuiles à rebords (Watier et al. 1986 : 391 no 107). Nous réexaminerons cette question en étudiant les tours de la courtine méridionale.
2.6.2 Les poternes
2.6.2.1 Courtine méridionale
78A. Dompnier de Sauviac (1873 : 75) écrit au sujet des poternes qu’il y en avait au moins 3 sur chaque face, une flanquant chaque tour d’angle…, « d’après ce que nous avons pu observer », ce qui nous paraît de la plus haute fantaisie. Arcisse de Gaumont et Léo Drouyn indiquent l’emplacement d’une poterne entre les deux premières tours qui subsistaient à l’est de la porte Dauphine (fig. 62 : plan no 10, entre les lettres H et Q) (Watier et al. 1986 : 26), et Gaumont en donne un dessin qui la montre accolée à la plus orientale de ces deux tours (fig. 65), tandis qu’un dessin de la même poterne nous est fourni par Raimond Pottier (fig. 66)11. L’ouverture mesurait environ 1 m de largeur et 1,80 m de hauteur, selon Ch. Roach Smith, et son cadre était constitué de blocs de grand appareil dont la hauteur allait de 65 à 70 cm, la longueur de l’un d’eux (à gauche sous le linteau) atteignait environ 1,70 m. La poterne était couronnée par un linteau massif de 60 cm de hauteur et de près de 2 m de longueur, comportant une entaille à gauche pour former l’encadrement de l’ouverture. Comme pour les portes, ces matériaux étaient des blocs de calcaire dont rien ne permet de dire qu’il s’agissait de remplois12. Le linteau était surmonté d’un arc de décharge étroit, axé sur l’ouverture, fait de claveaux de pierre séparés par des briques ; cet arc était garni de moellons de petit appareil et fermé à la base par une plate‑bande en légère bâtière, composée de claveaux de pierre et de briques alternant.

FIG. 65 – Une poterne du rempart méridional. Dessin de A. de Caumont.
extrait de Caumont 1856 : 581

FIG. 66 – Une poterne du rempart méridional. Dessin fait le 14 août 1873 par R. Pottier, qui la situe par erreur dans le rempart occidental (conservé au musée des Antiquités nationales de Saint‑Germain‑en‑Laye, Album des Landes).
2.6.2.2 Courtine occidentale
79Dompnier de Sauviac prétend qu’une porte, que nous interprétons comme une poterne éventuelle (en raison de la proximité de la porte de l’Adour) s’ouvrait dans le prolongement de la rue de la Fontaine‑chaude, tout près de la tour d’angle. Nous ignorons si cette présomption est établie sur quelque observation archéologique de cet auteur, mais l’affirmation ne semble pas sans fondement : André de La Serre a figuré une poterne précisément entre la tour Mirande et la première tour du rempart occidental (Dompnier de Sauviac 1873 : 74 ; La Serre in Watier et al. 1986 : fig. 1). Cette poterne se trouvait immédiatement au nord de la tour poudrière (première tour suivant la tour Mirande), alors que depuis le Moyen Age la porte du Pont se trouvait immédiatement au sud de l’ancienne poudrière (Watier et al. 1986 : 29 n° 6)13 et R. Pottier donne une indication que l’on peut suivre sur une poterne ouvrant dans la courtine ouest, semblable à celle de la courtine méridionale : « Une autre porte, qui existe encore dans la courtine ouest, devait par ses dimensions correspondre à un simple passage ; le montant et le linteau en sont formés d’énormes pierres. » (Pottier 1881 : 149.)
2.6.2.3 Courtine septentrionale
80R. Pottier place une poterne dans la courtine septentrionale, entre la tour d’angle nord‑est et celle qui la précède du côté de l’ouest. Son emplacement serait indiqué par la maçonnerie qui l’obturait, différente de la maçonnerie environnante, et par quelques pierres de grand appareil insérées dans le mur comme celles d’un montant, vestiges de son encadrement. Elle se trouverait donc à peu près dans le prolongement de la rue des Fusillés (Dufourcet et al. 1890 : 34, n. 1, d’après R. Pottier). L’hypothèse doit cependant être acceptée avec quelque scepticisme, puisque la poterne ouvrirait ici vraisemblablement sur des marais.
Les tours
81Les érudits se sont généralement inspirés des vues d’André de La Serre qui imaginait l’enceinte de sa ville natale comme un rectangle parfaitement régulier (La Serre 1568/1883 ; Watier et al. 1986 : fig. 1). Ainsi lit‑on en 1890 que le mur était défendu par 46 tours, 1 à chaque angle, 2 flanquant chacune des portes (au nombre de 4), et en outre 8 sur chacune des faces nord et sud, 9 sur chacune des faces est et ouest (Dufourcet et al. 1890 : 40 ; Jullian 1901 : 218 et n. 5, qui se réfère à tort à Pottier). Sur cette question, faisons à nouveau le bilan documentaire.
2.7.1 Bilan documentaire
2.7.1.1 Plans anciens de Dax
82Reportons‑nous aux plans anciens dressés avec quelque rigueur et dont la liste est donnée à la fin de ce chapitre.
83● Plan no 1 (1668)
844 tours d’angle, et en outre :
– N. : 2 tours discernables au nord ; des ondulations de la courtine pourraient être interprétées comme des vestiges de tours (1 vers le centre, 2 en façade du château) ;
– O. : 9 tours, assez espacées, sauf immédiatement au nord de la porte Saint‑Vincent ;
– S. : 6 tours, symétriquement réparties de part et d’autre du massif carré de la porte Dauphine ;
– E. : 12 tours, en outre, une à l’emplacement de la porte Saint‑Pierre ?
Total : 36 tours, dont 33 certaines (fig. 67).

FIG. 67 – (plan no 1) Plan de Dax et de ses fortifications, d’après un dessin trouvé au château. Plan dressé en 1668.
extrait de Dufourcet et al. 1890 : pl. V h.t.
85● Plan no 2 (1770 ; face ouest)
2 tours d’angle, et :
– O. : 9 tours intermédiaires (fig 68).
La répartition des tours est identique sur cette face à celle du plan précédent.

FIG. 68 – (plan n° 2) Fortifications de Dax, plan du front de la Porte Saint‑Vincent et des maisons qui confrontent avec le chemin de ronde (en 1770). ADL, E, suppl. 2, DD3 (40)
cl. ADL
86● Plan no 3 (1806)
L’angle nord‑ouest, occupé par le château, est nettement distingué.
3 tours d’angle, et en outre :
– N. : 9 tours à l’est du château, tours pleines, de dimensions variables, disposées à intervalles irréguliers ;
– O. : 9 tours au sud du bastion Sainte‑Marguerite, 5 assez espacées (espaces réguliers) au nord, 4 plus resserrées au sud ;
– S. : 7 tours, 4 à l’ouest et 3 à l’est de la porte Dauphine ;
– E. : 13 tours, y compris 1 tour qui se devine sous la porte Saint‑Pierre.
Elles sont très resserrées au centre de la face.Total : 41 tours et en outre, le château ; près du château, on note un décrochement de la courtine qui a été repris dans le schéma de Léo Drouyn (fig. 62).
87● Plan no 6 (1825)
Absence de l’angle nord‑ouest, occupé par le château médiéval. 3 tours d’angle, et en outre :
– N. : 9 tours à l’est du château ;
– O. : 10 tours au sud du château ;
– s. : 6 tours, 4 très rapprochées à l’ouest de la porte Dauphine, 2 seulement à l’est, une a été apparemment oubliée à l’ouest de la tour de Diharce ;
– E. : 13 tours (une tour est restituée au crayon immédiatement au nord de la porte Saint‑Pierre). Ces tours sont très rapprochées entre la porte Saint‑Pierre et la porte Julia.
Sur la face nord, régularisation des espacements des tours de l’est, deux batteries de 3 tours à l’ouest. A ce détail près, la disposition des tours, comme leur forme, sont dans l’ensemble copiées sur le plan no 3.
Total : 41 tours (fig. 69).

FIG. 69 – (plan no 6) Dax, Atlas cadastral de 1825, section A, 2e feuille, échelle 1/1 250. AMD (cl. LM/B‑III).
88● Plan no 7 (1840)
L’angle nord‑ouest, occupé par le château, est nettement distingué du reste du tracé.
3 tours d’angle, et en outre :
– N. : 2 tours près de l’angle nord‑est ; entre le château et la première de ces tours, 9 contreforts dont la position est voisine de celle qui est donnée aux tours dans le plan n° 3 ;
– O. : 8 tours au sud du château, 6 sont régulièrement espacées entre le château et la porte Saint‑Vincent ; cette porte est flanquée de 2 tours très rapprochées ; une seule tour entre cette porte et la tour d’angle sud‑ouest ; le contour des tours de la partie sud‑ouest est épaissi ;
– s. : 6 tours, 3 de part et d’autre du bastion carré de la porte Dauphine ; les deux tours les plus à l’ouest sont plus rapprochées, et l’intervalle entre les tours est ensuite le même, comme sur le plan n° 4 ;
– E. : 12 tours ; 1 a visiblement disparu entre les 2e et 3e à partir de la tour d’angle nord‑est ; 4 sont régulièrement espacées au sud de la rue des Barnabites ; au nord de cette rue, 7 tours très rapprochées.
Total : 31 tours (le château étant exclu ; fig 70).

FIG. 70 – (plan no 7) Plan de Dax en 1840. Dessin rehaussé d’aquarelle conservé au musée de Borda.
cl. CRIAq
89● Plan no 8 (1841)
Ce plan concerne le pourtour nord de l’enceinte entre la rue des Barnabites à l’est et la rue d’Eyrose à l’ouest.
Les dispositions sont les mêmes que sur le plan no 7.
La courtine dessine deux angles très obtus, l’un au niveau de la 3e tour au sud de la tour Mirande, l’autre à l’extrémité de la rue d’Eyrose (fig. 72).
90● Plan no 10 (1856)
4 tours d’angle, et en outre :
– N. : 9 tours ; à noter les deux tours encadrant la porte du château (= porte de l’Adour) ;
– O. : 12 tours ; vers le nord, le décrochement montre que les données de ce plan viennent du plan n° 3 ;
– s. : 7 tours ;
– E. : 12 tours.
Total : 44 tours (fig. 62). Ce plan schématique n’est qu’une reprise du plan n° 3, avec interprétation du château.
91● Plan no 11 (2e moitié du xixe s.)
Entre la porte Saint‑Pierre et la porte Julia : 9 tours ; mêmes dispositions que dans le plan no 8 (fig. 72 et 73)
D’une manière générale, ces plans traduisent d’abord la meilleure conservation de la muraille, au moins depuis le milieu du xviie s. environ, sur les faces orientale et méridionale. On est étonné du peu de fiabilité que paraît présenter le plan cadastral de 1825 (no 6), surtout pour les tours du nord et de l’ouest, par rapport aux plans nos 2 et 7 qui sont certainement plus crédibles (fig. 71).

FIG. 71 – Dessins comparés du rempart sur les plans anciens de Dax. a Plan no 3. b Plan no 6 (cf. fig. 69). c Plan no 7 (cf. fig. 70).
SF et NP del./ChH

FIG. 72 – (plan no 8)
Ville de Dax, moitié nord, plan d’alignement, 11 janvier 1841. Signé De Poyusan, maire. AMD.
cl. CRIAq

FIG. 73 – (plan no 11) Plan du quartier Saint‑Pierre, emplacement de l’ancien couvent des Cordeliers visible (2e moitié du XIXe s.). ADL R 64 (7).
cl. ADL

FIG. 74 – (plan no 12) Projet d’une salle de spectacle sur une partie de l’ancien couvent des Cordeliers (1867). ADL 2 0 638, plan 1659 (cl. ADL).
2.7.1.2 Autres documents
92● Face nord
Elle est figurée sur une vue cavalière de 161214, qui montre qu’aucune tour de l’enceinte antique ne subsistait vers le centre de cette face, à l’est du château (fig. 75) ; en avançant vers l’angle nord‑est, on retrouvait 3 tours semi‑circulaires, avant la tour d’angle. Dans la partie centrale de la face nord, l’enceinte était soutenue par un alignement de 8 contreforts dont le sommet affleurait celui de la muraille. Il est probable que sur les plans nos 3 et 6 (fig. 69 et 71) les 8 ou 9 tours dessinées à l’est du château sont une interprétation de ces contreforts (cf. aussi Portier 1881 : 148). Pour cette face, il semble que l’on doive se fier avant tout au plan de 1840 (plan no 7, fig. 70).
93● Face est
Sur la face orientale, la même vue cavalière représente seulement 4 tours régulièrement espacées au nord d’une avancée qui doit être celle de la porte Saint‑Pierre. Il faut sans doute les identifier avec les 4 premières tours après la tour d’angle nord‑est, les tours suivantes étant dissimulées par le retour vers l’ouest de la courtine.
94● Face sud
Nous sommes, en principe, assez bien documentés sur la face méridionale. Mais une différence notable intervient ensuite entre un dessin de Léo Drouyn (fig. 58) et la photographie de 1860‑1865 que nous avons examinée ci‑dessus (fig. 53) sur le nombre de tours entre la tour d’angle sud‑ouest et la rue de l’Evêché : 4 tours chez Caumont, comme sur le plan n° 6 (fig. 69), qui l’a sans doute inspiré lors de la mise au net de son dessin, mais 3 sur la photographie et sur les plans no 7 (fig. 70) et no 9 (fig. 77, et sans doute sur le plan no 4, fig. 76). Les tours étaient bien ici au nombre de 3, comme le montrent la position, sur le dessin comme sur la photographie, du bastion carré de la porte Dauphine (indiqué clairement en A sur le dessin de Drouyn) et celle d’une habitation moderne en avant du rempart. Au‑delà de la porte Dauphine, les deux photographies de Pottier (fig. 54 et 55) n’apportent pas sur le nombre des tours de renseignements nouveaux par rapport aux plans.

FIG. 75 – Vue de Dax et de Saint‑Paul. Dessin à la plume fait en 1612 par J. de Viert. BN Vx, 23, fos 294‑295.
extrait de Dufourcet et al. 1890 : pl. h.t.

FIG. 76 – (plan no 4) Plan de la Partie de la ville de Dax qui comprend la cathédrale, le ci‑devant Palais Episcopal et ses abords et une partie des Remparts (an XIII). ADL, 11 V 1.
cl. ADL

FIG. 77 – (plan no 9) Plan de la cathédrale et de ses abords. Plan supplémentaire au plan d’alignement de la ville de Dax, dressé le 5 septembre 1855, signé Sanguinet. ADL, 70 V 107 (12).
cl. ADL
2.7.2 Les tours gallo‑romaines fig. 78
95Les différences entre les plans créent des difficultés d’interprétation auxquelles doit être ajouté le fait qu’il n’était pas toujours aisé pour les érudits d’autrefois de déterminer si une tour était gallo‑romaine ou si elle était un ajout postérieur, en raison notamment du programme de crépissage que poursuivait entre le Premier et le Second Empire le Génie militaire. On tiendra que les tours suivantes appartiennent à l’enceinte du Bas‑Empire.

FIG. 78 – L’enceinte de Dax, situation des tours.
LM del./B‑III
2.7.2.1 Les tours d’angle
96● Au nord‑ouest, la tour Mirande : on. n’en possède aucune description, mais tous les érudits l’ont tenue pour antique, au moins dans sa base, notamment lors de la démolition du château à la fin du xixes.
● Au nord‑est, la tour de Cutt’hiets, ou de Cuchets, ou Cruchets (Dufourcet et al. 1890 : 32 et n. 1).
● Au sud‑est, la tour de Diharce (fig. 59 ; Gaumont 1856 : 576).
● La tour du sud‑ouest (fig. 58 ; Gaumont 1856 : 575).
2.7.2.2 Les deux tours flanquant chacune des portes
97● Porte de l’Adour
Affirmée de longue date, l’antiquité des deux tours qui encadraient la porte de l’Adour a été confirmée lors de la démolition du château fort (Dufourcet et al. 1890 : 34).
98● Porte Julia
Sur la droite des dessins de Caumont et de Portier (fig. 63 et 64) figure une tour qui n’a pas son symétrique à gauche, comme semble bien le montrer le dessin de Pottier, soit que la porte ne fût pas au centre de la courtine séparant les deux tours, soit qu’une des deux tours ait disparu. Les plans nos 6 et 7 (fig. 69, 70 et 71) permettent cependant de placer la porte entre deux tours rapprochées, que la fig. 64 ferait situer à une distance d’au moins 11 m l’une de l’autre (environ 20 m d’axe en axe), le départ de la tour nord étant à 3,30 m environ de l’encadrement de la porte.
99● Porte Saint‑Vincent
On retrouve de même ici deux tours très rapprochées que l’on peut tenir pour romaines. Sur le plan no 6 (mais peut‑on s’y fier pour un détail de ce genre ?), le passage entre les deux tours se fait au ras de la tour du nord (fig. 69), suggérant la même dissymétrie que pour la porte Julia.
100● Porte Dauphine
Sans aucune donnée, nous allons reprendre cette question en étudiant le problème général des tours des courtines.
2.7.2.3 Les tours des courtines (en dehors des tours d’angle)
101● Face septentrionale
On est amené à conclure que, dans l’Antiquité, la face septentrionale de l’enceinte était largement dégarnie de tours, parce qu’elle donnait sur l’Adour ou sur les marais qui rendaient inutiles l’utilisation des ballistes. On avait donc : à l’est de la tour Mirande, les deux tours gardant la porte de l’Adour, éventuellement une autre tour à l’angle dessiné par le rempart à l’endroit où il abandonne la rive de l’Adour ; à 150 m de là, une autre tour, là où le mur dessine un léger changement de direction : elle est récente dans son état actuel, mais elle doit reprendre l’implantation ancienne, indiquée notamment sur le plan n° 7 ; 39 m la séparent (d’axe en axe) de la tour voisine, elle‑même distante de 25 m du centre de la tour de Cuchets. On admettra qu’au Moyen Âge ou au début des Temps modernes, neuf contreforts de plan carré (fig. 75) ou demi‑circulaire (plan no 7, fig. 70) vinrent renforcer la courtine dans sa partie centrale, car aucune nécessité architecturale ou stratégique ne justifierait ici, pour l’Antiquité, la présence de tours pleines, dont Pottier est d’ailleurs le seul à parler ; au contraire, nous lisons ailleurs : « Les contreforts n’existent plus, mais, malgré le recrépissage des murs, on reconnaît encore la place qu’ils ont occupée, qui est plus blanche que le reste du rempart » (Dufourcet et al. 1890 : 116 ; 1893 : 100) ; c’est bien la preuve que ces contreforts n’étaient pas ancrés dans le mur, mais plaqués sur lui.
102● Face occidentale
Les plans dessinent 6 tours (tours 2 à 7) régulièrement espacées de 38 à 39 m (d’axe en axe) entre le cours de Verdun et la rue Saint‑Vincent. Cet espacement est celui que l’on retrouve au nord et au sud de la tour du château qui fait suite à la tour Mirande ; on croira donc que cette tour avait des fondations antiques. De part et d’autre de la porte Saint‑Vincent, deux tours (tours 7 et 8) doivent être distantes d’une vingtaine de mètres d’axe en axe. Dans la partie méridionale, les plans ne concordent pas ; le plan no 7 (fig. 70) ne situe ici qu’une seule tour (tour 9 ; comme sur le Plan du Génie [vers 1600] ; voir Watier et al. 1986 : fig. 2), que le plan no 9 (fig. 77) sépare d’environ 40 m de la tour d’angle ; sur ce même plan, aucune tour ne figure au nord de la tour 9 sur un peu moins de 50 m de longueur, jusqu’à l’orée de la rue Saint‑Vincent. Il nous paraît peu vraisemblable de loger une tour supplémentaire entre les tours 8 et 9, distantes de 50 m d’axe en axe.
103● Face méridionale
C’est celle où les données semblent les plus sûres (fig. 53, 70, 71, 76 et 77). Sur les plans no 7 (fig. 70) et no 9 (fig. 77), l’intervalle entre la tour d’angle sud‑ouest, la tour qui fait suite (tour 1), puis la tour 2, peut être estimé à 30,50 m environ d’axe en axe. L’intervalle d’axe en axe entre les tours 2 et 3 est de 38 m ; cette augmentation de l’intervalle est très sensible sur la fig. 53. En se fondant sur le plan n° 7 (fig. 70), l’intervalle entre les tours 5, 6, 7 est de 36 à 37 m, distance qui sépare aussi la dernière de la tour de Diharce. Il reste alors environ 73 m entre les tours 3 et 5. Dans l’hypothèse d’une porte méridionale au débouché de la rue de l’Evêché, il faudrait admettre la présence de deux tours flanquant cette porte entre les tours 3 et 5 et les loger, avec cette porte, dans les quelque 38 à 40 m qui séparent la tour 3 de la reprise de la courtine à l’est de la rue, avant la tour 5. Il semble bien difficile de le supposer puisque les tours flanquant les portes devaient être séparées de 15 à 20 m d’axe en axe, comme nous l’avons vu pour la porte Julia. Ceci nous conduit à supprimer l’éventualité d’une porte méridionale ; on le fera d’autant plus volontiers que l’on est, comme on l’a vu, assuré de la présence d’une poterne entre les tours 5 et 6, à une cinquantaine de mètres de l’axe constitué par la rue de l’Evêché. On est donc tenté de restituer une tour 4 entre les tours 3 et 5, à l’emplacement de l’ancien bastion carré de la porte Dauphine. Sur les plans anciens (depuis 1600), ce grand bastion colmatait certainement depuis une époque indéterminée une brèche dans l’enceinte ; elle remplaçait à notre avis une ancienne tour semi‑circulaire (la tour 4) ; il n’est pas exclu que des restes des fondations des ouvrages successifs demeurent en place. C’est immédiatement à gauche (à l’ouest) de cette tour que fut ouverte, en 1781, la porte du Cassourat, puis porte Dauphine (fig. 71) (Watier et al. 1986 : 39, no 9). On reconnaît cependant qu’il était tentant de placer une porte au terme du prolongement méridional de la rue Cazade, qui pourrait être le cardo principal du Bas‑Empire, comme sous le Haut‑Empire.
104● Face orientale
Dans la partie nord, on restitue sans difficulté quatre tours antiques (tours 1 à 4) entre la tour de Cachets et le cours Julia‑Augusta ; le plan no 8 (fig. 72) restitue en effet, entre les tours 1 et 3, une tour dessinée sur la vue de 1612 et dont la trace devait encore apparaître en 1841 sur la courtine ; de la tour de Cuchets à la tour 3, l’espacement des tours d’axe en axe est alors d’environ 39 m ; par contre, les tours 3 et 4 ne sont distantes d’axe en axe que de 26 à 27 m, peut‑être en raison de l’angle prononcé que dessine le rempart à l’emplacement de la tour 4.
105D’autre part, entre la place des Salines, où deux tours sont conservées (tours 10 et 11), et la tour de Diharce, les plans (notamment le plan no 7, fig. 70) nous assurent de la présence de 4 tours (tours 10 à 13) espacées d’environ 39 m d’axe en axe.
106Reste donc la section entre la rue des Barnabites et le cours Julia‑Augusta, qui fait problème. Tous les plans nous invitent à loger dans cet espace cinq tours (tours 5 à 9) ; nous savons qu’une tour, et probablement deux (d’après les plans ; tours 7 et 8), flanquaient la porte Julia située, comme nous l’avons vu, approximativement dans l’alignement des rues du Palais et des Jardins. L’espacement des tours intermédiaires entre les tours 4 et 9 était d’environ 25 m d’axe en axe (20 m env. entre les tours 7 et 8).
2.7.2.4 Conclusion
107On comptera, outre les 4 tours d’angle :
– face septentrionale : 5 tours, situées à l’est et à l’ouest ; porte de l’Adour ;
– face occidentale : 9 tours ; porte Saint‑Vincent ;
– face méridionale : 7 tours ;
– face orientale : 13 tours ? porte Julia.
Total : 38 tours.
108Entre les tours, l’espacement de beaucoup le plus fréquent est approximativement de 39 m d’axe en axe ; on l’a noté ailleurs et expliqué par l’efficacité recherchée pour les engins de défense, les ballistes (Blanchet 1907 : 264 ; Johnson 1983a : 34 sq. ; Wood 1983 : 33). Un espacement plus étroit est attendu pour l’encadrement des portes, mais il est d’interprétation plus difficile pour certaines tours des faces nord (tour précédant la tour de Cuchets) et sud (tour d’angle sud‑ouest et tours 1 et 2), et de même pour le secteur central de la face orientale.
2.7.3 La construction des tours antiques
2.7.3.1 Forme
109Nous n’avons aucun témoignage sur les fondations des tours ; nous supposons donc que, comme ailleurs, elles sont constituées des mêmes matériaux que le reste du rempart, comme leurs superstructures. Le fruit de leur base ressort bien sur la fig. 53 ou sur la tour conservée des bains de Saint‑Pierre, et les mesures données doivent tenir compte de ce détail d’architecture.
110Sur tous les plans anciens, un double trait continu dessine la courtine et le contour des tours ; celles‑ci ressortent d’environ une demi‑circonférence du nu du mur15, et de trois quarts pour les tours d’angle. Ces représentations, conformes à l’état du monument depuis le xviie s., ou conventionnelles, ne traduisent pas l’état antique.
2.7.3.2 Diamètre extérieur
111Le diamètre extérieur des tours paraît être à peu près constant ; il peut être mesuré sur la face orientale, an haut des tours 1 et 3 (8,70/8,80 m) ou près de la base de la tour 10 (10,34 m à la base du talus) et 11 (9,85 m vers le sommet du talus). Mais d’une part il est difficile d’apprécier le niveau d’enterrement de la tour 11, et d’autre part les sévères réfections dont ces deux tours ont été l’objet donnent un caractère relatif aux mesures. On rapprochera ces mesures de l’uniformité d’ensemble des représentations des tours fournies par les plans anciens pour proposer que le diamètre extérieur des tours alignées le long des courtines était généralement proche de 8,80 m au voisinage du sommet.
112Selon Arcisse de Gaumont, certaines avaient un plus grand diamètre que d’autres (Gaumont 1856 : 577) ; il s’agit des tours d’angle : on peut en juger par le diamètre de la tour de Cuchets, dont les restaurations peuvent avoir à peu près respecté le diamètre antique ; il atteint aujourd’hui 11,15/11,20 m, on en est assuré aussi par le dessin de la tour de Diharce, et par la photographie de la fig. 5316.
2.7.3.3 Structure
113Les tours de la courtine n’avaient aucune saillie à l’intérieur de l’enceinte : on en jugera aujourd’hui par les vestiges des tours 4 et 10 de la face orientale qui, ne jouant aucun rôle particulier, peuvent être prises comme modèles. Ces deux tours sont actuellement creuses au‑dessous du niveau du chemin de ronde, et de plan circulaire à l’intérieur. Elles ont un haut soubassement plein en blocage cimenté qui, pour la tour 10, doit avoir actuellement une hauteur voisine de 4 m (seul un nettoyage de l’intérieur de la tour pourrait permettre de l’évaluer). Au‑dessus, le mur de la tour 4 a aujourd’hui une épaisseur de 1,50 m (montants de la porte et saillie de la tour hors de la courtine), ce qui est aussi la largeur de l’ouverture d’accès (postérieur à l’Antiquité dans son état actuel) depuis l’intérieur de la ville, dont on ne voit ni la base, ni le sommet. Ce même blocage apparaît bien à la base de la tour 5 de la face méridionale sur les photographies prises par R. Pottier au moment de la démolition de cette tour (fig. 54 et 55).
114Ces données sont complétées avant tout par Arcisse de Caumont :
« On avait, avant mon arrivée, commencé la destruction d’une tour ; cette tour avait été éventrée, pour me servir d’une expression un peu triviale, mais juste et présentait, vue de l’extérieur de la place, l’aspect que voici. La partie basse de la tour est en maçonnerie pleine (blocage à bain de mortier), mais à une certaine hauteur elle devient creuse, et l’on voit encore intacte comme le montre mon dessin, l’ouverture par laquelle on y entrait de l’intérieur de la ville. Cette ouverture a son archivolte formée alternativement de pierres cunéiformes et de deux briques accolées. » (fig. 79)

FIG. 79 – Une tour de l’enceinte en cours de démolition.
Dessin de A. de Caumont (extrait de Caumont 1856 : 578)
115L’intérêt de ces remarques vient d’abord de ce qu’il s’agit là d’une tour quelconque de l’enceinte, à l’exception des tours d’angle17. Bien que Caumont ne donne aucune mesure, on peut y reporter, pensons‑nous, celles que nous avons prises dans la tour 4 de la face orientale (ouverture et mur), ce qui donne les proportions suivantes : la tour dessillée mesure près de 10,50 m de diamètre extérieur à la base du talus (comme les tours 3 et 10 de la face orientale). Le soubassement en blocage mesure environ 3,10 m de hauteur au‑dessus du sol (en 1856). Par contre, les proportions de la porte semblent un peu forcées, car elle aurait ici environ 1,80 m de largeur et 5,50 m de hauteur.
116C’est avec raison que Dompnier de Sauviac (suivi par Blanchet) a généralisé le dessin de Caumont à toutes les tours de Dax.
« Les tours sont remplies de maçonnerie, d’après le système de blocage, jusqu’à 3 mètres au‑dessus du sol ; à partir de ce massif, qui devait singulièrement en renforcer la base, elles sont creuses jusqu’au sommet. Une porte de 3 mètres de haut, ouvrant du côté de la ville, permettait d’y entrer à cheval […] » (Dompnier de Sauviac 1873 : 73.)
117Doit‑on imaginer, longeant la courtine à l’intérieur de l’enceinte, un remblai taluté sur lequel courait un chemin de ronde à la hauteur de la base des entrées des tours en s’interrompant aux portes de la ville ? Partout aujourd’hui, aux endroits où subsiste l’enceinte antique, le côté intérieur est profondément remblayé ; mais une telle éventualité n’a pas été évoquée à l’époque et au lendemain du Second Empire, lors de la démolition de la courtine méridionale. On pense généralement que l’épaisseur du mur pouvait dispenser de ce doublage interne en terre qui aurait été trop encombrant à l’intérieur des cités remparées où l’espace était mesuré (Johnson 1983a : 37). Néanmoins on imagine mal un autre mode d’accès commode aux ouvertures de ces tours proches les unes des autres. Ou alors il faut plutôt croire que, comme à Bayonne, le seuil d’accès des tours représentait le niveau de circulation pour l’ensemble du castrum, exhaussé par rapport à l’extérieur, mais l’absence de données sur le nivellement ne permet pas d’aller ici plus loin que l’hypothèse (Blay de Gaïx 1899 : 17 sq.).
118En élévation, on pourra restituer au‑dessus de la courtine un étage percé de trois ouvertures ; certaines tours avaient deux étages au‑dessus du sommet du mur. Selon Johnson (1983a : 34 et fig. 13), les ouvertures des tours permettaient aux engins de guerre (les ballistes) de balayer dans toutes les directions en avant de la courtine.
2.8 Les fossés
119L’enceinte antique de Dax était‑elle entourée de fossés, éventuellement remplis d’eau ? La présence de l’Adour, les terrains marécageux du nord et du nord‑est, la topographie comme les plans anciens le suggèrent, sans permettre d’affirmer que le pied de l’enceinte baignait dans l’eau détournée du fleuve dès l’Antiquité. Dès le xvies., les plans anciens de Dax nous montrent la ville entourée d’un large fossé rempli d’eau, d’une quarantaine de mètres de largeur ; le bord de ce fossé opposé au rempart est aujourd’hui suivi par les cours Foch, Galliéni, Joffre et Saint‑Pierre ; il est probable que l’importance du plan d’eau devait varier suivant les saisons et les caprices de l’Adour, et l’on voit qu’il était interrompu à l’issue des portes Saint‑Pierre et Saint‑Vincent.
120Qu’en était‑il dans l’Antiquité ? On sait que dans la capitale, le mur d’Aurélien n’avait pas été pourvu de fossés, puisque c’est seulement en 312 que l’empereur Maxence se préoccupa de les aménager pour améliorer la défense de la ville, comme nous l’apprend le Chronographe de 554 : « fossatum aperuit, sed non perfecit » (Chronica Minora, I, [Mommsen], Berlin, 1892 : 148) ; le fossé ne fut achevé que lors de la reconquête byzantine de l’Italie, par Bélisaire, en 536 (Homo 1904 : 276) ; rien n’assure que l’exemple de Rome ait été suivi dans les Gaules18, et nous n’avons aujourd’hui aucune preuve que de tels aménagements aient été entrepris à Dax au Bas‑Empire ; le mur massif, garni de tours nombreuses devait à lui seul assurer la protection de la ville.
2.9 Les remparts et la ville close
121Signe de la puissance et du prestige de l’agglomération nouvelle, le rempart a modifié profondément le paysage urbain (fig. 80) ; on sera plus sensible à cette transformation à Dax, où les documents iconographiques ont perpétué jusqu’à une époque toute récente l’image de la place‑forte de l’Antiquité tardive. Cependant il est bien difficile de pénétrer dans la ville close, de savoir ce qui s’y passait, de connaître son organisation matérielle, malgré l’apport des fouilles récentes.

FIG. 80 – Plan de la ville de Dax au Bas‑Empire. 1 Constructions. 2 Mosaïques. 3 Monnaies. 4 Voies.
AB del. d’ap. LM et MCM
2.9.1 Restaurations ou réaménagements au ive s.
122Ces fouilles témoignent de la fragilité du brillant essor monumental de l’époque antonine. Dans l’Ilot central, le grand temple édifié au iie s. semble avoir subi de graves dommages, accompagnés d’un incendie partiel, à un moment imprécis de la fin du iiie s. et être resté à l’abandon pendant la majeure partie du ives. (Watier 1979 : 251 ; 1986 : 186). De même, les aménagements apportés au iie s. à la fontaine de la Néhe, avant tout un vaste bassin, n’ont pas été entretenus depuis le cours du iiie s. ; le bassin n’a plus été curé et il a même servi de dépotoir au ive s. (Watier, Gauthier 1977 : 315 sq. ; Watier et al. 1986 : 96). Le délabrement des monuments publics du Haut‑Empire dans ces deux secteurs laisse penser que l’aqueduc qui amenait les eaux de la rive droite devait être hors d’usage et en ruines à la même époque.
123Il semble que dans le dernier tiers du ive s. les deux sites de la fontaine et de l’Ilot central aient connu de profonds réaménagements. Le bassin de la fontaine a été réhabilité au moyen de matériaux de remploi ; la ruine du sanctuaire central est, au contraire, parachevée par l’arasement du temple dont l’emplacement fut coupé par une rue nouvelle : on en a suivi sur 11 m le pavement en dalles de pierre de Bidache remployées et fortement usées (Watier 1987 : 21 et pl. 5) ; la datation est donnée par les céramiques et les monnaies du Bas‑Empire que contenait le remblai sur lequel étaient posées les dalles de la voie ; elle était bordée d’un portique. Son tracé est à peu près emprunté aujourd’hui par la rue Cazade. Plus anciennement, des vestiges attribuables à une date imprécise du Bas‑Empire ont été exhumés sur le côté méridional de la cathédrale. On mit au jour une abside et des murs « en petit appareil régulier, coupé de rangées de briques, rappelant les parements encore visibles de nos remparts » (Dufourcet 1887 : 61 ; Watier et al. 1986 : 241 no 58).
2.9.2 Mosaïques du ive s. et habitat privé
124C’est au ive s. que C. Balmelle attribue les restes de mosaïques découverts à Dax aussi bien dans la ville remparée qu’à l’est de l’enceinte, à une cinquantaine de mètres de celle‑ci (Balmelle 1987 : 57‑61). Les habitations auxquelles appartenaient ces pavements étaient donc actives au ive s. ; mais à quel moment de ce siècle ? La question se pose en particulier pour les bâtiments qui s’élevaient le long du cours du Maréchal‑Joffre, à une cinquantaine de mètres à l’est du mur d’enceinte. Leur maintien peut‑il être envisagé si près du rempart, après la construction de celui‑ci ? Il semble en tout cas exclu dans l’hypothèse –improbable, on l’a dit– d’un large fossé bordant l’enceinte. Par ailleurs, on a noté que les restes antiques découverts à l’angle sud‑est du cours du Maréchal‑Joffre (Watier et al. 1986 : no 106) n’étaient probablement pas en place, mais qu’ils provenaient de remblais. Par ailleurs, y a‑t‑il corrélation entre les réaménagements de la Fontaine chaude ou de l’Ilot central et la rénovation et l’extension d’un habitat privé du ive s., reconnu au sud de l’Ilot central (Watier et al. 1986 : 226) ?
2.9.3 La voirie du Bas‑Empire
125La voirie du Bas‑Empire est attestée d’abord par la rue de direction nord‑sud que nous venons de signaler au centre de la ville, à peu près à l’emplacement de la rue Cazade. À la même époque, donc dans le dernier tiers du ive s. (ou au début du ve s.), l’ancien decumanus (rue du Mirailh – rue du Palais) a été fortement rechargé (Watier et al. 1986 : 186).
126A ces deux axes importants de la voirie, les ouvertures reconnues dans la muraille permettent d’ajouter d’autres éléments ; on rappellera ici ce qu’écrit Ausone à propos de Bordeaux, où, vers la fin du ive s. « des portes répondent en droite ligne aux carrefours » (tum respondentes directa. in compita portas, dans l’Ordo urbium nobilium, XIV, 144) : il est naturel que l’organisation de la voirie soit liée à celle des issues principales. La porte Julia confirme l’activité du decumanus dont elle était l’issue. La porte de l’Adour devait s’ouvrir au terme d’une voie cardinale dont le tracé pouvait être voisin de celui de la rue des Carmes sous laquelle on a mis au jour un égout (Watier et al. 1986 : 205 no 49 ; 185), et qui paraît avoir été pavée en dalles de Bidache (Watier et al. 1986 : 209 no 50). Les deux cardines empruntés par les rues Cazade et des Carmes étaient issus, au sud, d’une voie décumane débouchant à la porte Saint‑Vincent. Les portes Julia et Saint‑Vincent offrent l’image classique des issues opposées décalées dans le maillage orthogonal de la voirie.
127Les trois portes autorisent la restitution des rues principales de la ville close ; elles sont empruntées aujourd’hui, au moins partiellement, par :
– les rues du Mirailh et du Palais, d’une part et, d’autre part, les rues Saint‑Vincent et Saint‑Pierre, pour les voies décumanes ;
– la rue Cazade et la rue des Carmes pour les voies cardinales ; cette rue dont l’orientation est particulière, de même que le secteur occidental, appartiennent à la structure bleue reconnue par P. Garmy et M. Guy (voir infra, chap. 5).
128Il faut donc noter la permanence de ce réseau des rues principales de la ville close jusqu’à nos jours, dans le cadre immuable imposé par le rempart. Par suite, on peut sans doute lui rattacher, comme on l’a d’ailleurs déjà fait pour le Haut‑Empire, la rue des Fusillés.
129Il est plus difficile de mettre les poternes en relation avec la voirie. Sauf pour la poterne de la courtine méridionale, leur emplacement est d’ailleurs moins assuré. Leur étroitesse n’en faisait pas les débouchés de voies majeures. On ne peut manquer néanmoins de mettre en relation la poterne méridionale avec la rue des Fusillés (ancienne rue Large) qui nous est connue d’abord sous le nom de via maior (Dufourcet et al. 1890 : 84), ce qui peut faire supposer qu’elle fut la rue principale de Dax à un moment de son histoire (Jullian 1901 : 220 n. 1).
130Par ailleurs, le tracé suivi par le rempart a‑t‑il été guidé localement par des rues existantes ? En 1981‑1982, les fouilles des Halles centrales, au sud‑ouest du castrum, ont mis au jour une rue large de 5 à 6 m, recouverte de dalles en pierre de Bidache ; cette rue n’a pu être datée avec précision ; son état initial semble remonter au Haut‑Empire ; mais les archéologues ont suggéré que le rempart avait suivi à cet endroit la direction de cette voie qui le longeait (Dupuis 1982 : 70‑72). Cette interprétation n’est pas donnée sans réserves par X. Dupuis : en effet, la rue desservait des bâtiments qui ont été totalement arasés pour construire le rempart. D’autre part, d’après le plan fourni, la rue (dégagée sur une dizaine de mètres) semble avoir une direction assez franchement nord‑sud, alors que le rempart suit une direction oblique par rapport à celle de la rue. Au demeurant, s’agit‑il d’une rue, ou bien d’une aire de circulation (ou d’une cour) entre des bâtiments, comme le laisse entendre X. Dupuis (1982 : 80) ?
2.9.4 Les portes de l’enceinte et les liaisons de Dax
131Les trois portes assurées ouvraient sur des routes qui reprenaient les itinéraires antérieurs. Le tracé exact de ces routes est encore peu sûr, mais elles étaient jalonnées, à la sortie de Dax, par des établissements de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Âge qui confirment des directions d’ensemble (fig. 81).

FIG. 81 – Le site de Dax dans l’Antiquité tardive. 1 Objets divers. 2 Mosaïque. 3 Sépultures, sarcophages. 4 Monnaies isolées.
AB del. d’ap. LM et MCM/ChH
132Issue de la porte Julia, la route la plus assurée est celle qui conduisait vers Aire et Toulouse, ou bien vers Saint‑Bertrand‑de‑Comminges ; à 1 km environ à l’est‑sud‑est de l’enceinte, elle passait au large d’une construction qui comprenait une mosaïque du ive s. ; ce pavement a été découvert à la jonction du cours Clemenceau et du boulevard Yves‑du‑Manoir (Balmelle 1987 : 62 ; Watier et al. 1986 : 381 n° 104). Un autre établissement était proche d’une voie majeure, à laquelle donnait accès la porte Saint‑Vincent, celle qui conduisait vers Bayonne (Lapurdum) ou vers le col d’Ibaneta, Pampelune et la grande route du nord de la péninsule Ibérique : c’est, à l’ouest, celui de Saint‑Vincent‑de‑Xaintes où l’on a exhumé le plus ancien sanctuaire chrétien de Dax, environné d’une vaste nécropole ; les vestiges archéologiques conservés, comme les textes, ne remontent pas, à vrai dire, au‑delà de la fin du ve s. ou du début du vie. L’incertitude des rapports archéologiques de la seconde moitié du xixe s. époque des découvertes, est flagrante (Watier et al. 1986 : 395 no 108 ; Balmelle 1987 : 62‑ 65 et pl. XXIII) ; l’existence, à cet endroit (au sud de l’église) d’une nécropole remontant au Haut‑Empire, est des moins assurées. Au nord, une fois le fleuve franchi depuis la porte de l’Adour, l’assiette de la route vers Bordeaux est encore imprécise. La tradition érudite fixe l’assiette de cette route rue Georges‑Chaulet (Watier et al. 1986 : 513 no 146) ; au nord‑ouest, probablement au sud de l’église de Saint‑Paul‑les‑Dax, on a reconnu autrefois la présence de sarcophages ; deux d’entre eux, en marbre des Pyrénées, ont été conservés ; ils sont l’indice de l’existence d’un sanctuaire paléochrétien proche de cette route (Watier et al. 1986 : 545 sq.). Au nord‑est de Saint‑Paul, la voie, bien reconnue, est jalonnée par le trésor de Gourbera, découvert récemment (Garmy 1987‑1988 : 127).
2.9.5 Conclusion : rempart et ville du Bas‑Empire
133Dans l’état actuel des recherches on peut dégager quelques grands caractères de la nouvelle agglomération.
134L’organisation du réseau des rues reprend celle du Haut‑Empire : elle conserve les mêmes orientations majeures et le réseau est plus dense, en raison de l’arasement du grand temple de l’Ilot central ; elle détermine la situation des portes de la ville. Les rues du Bas‑Empire semblent être caractérisées par un dallage en pierres de Bidache en forme de polygones irréguliers, épaisses de 10 à 15 cm.
135Le renouveau des aménagements (même médiocres) de la fontaine de la Néhe contraste avec la condamnation radicale du temple de l’Ilot central que l’on peut considérer sans risques, en raison de sa situation et de son architecture, comme un monument très caractéristique, et peut‑être le plus important, de la métropole des Tarbelles sous le Haut‑Empire. Son arasement est donc très évocateur de l’évolution des valeurs dans ce milieu provincial. Fondamentalement, le style de la vie urbaine, malgré les remparts, malgré cette destruction du temple, ne paraît pas transformé si l’on en juge par l’utilisation nouvelle de la fontaine, le dispositif du réseau de la voirie, les témoignages sur l’habitat domestique.
136D’une manière générale, la médiocrité que l’on a constatée dans les constructions publiques (fontaine, rues) et privées (habitat du sud de l’Îlot central) datables du ive s. contraste avec la qualité de la construction, la solidité, la beauté du rempart qui enclôt la ville. Ne peut‑on expliquer l’une par l’autre ? Ne doit‑on pas considérer l’organisation nouvelle de l’agglomération comme subordonnée et sans doute postérieure à l’édification du rempart ?
2.10 Datation
2.10.1 Témoignages archéologiques dans la ville close
137Le rempart est, au moins dans certaines sections, bâti sur des constructions du Haut‑Empire arasées. Deux cas sont assurés, l’un au sud‑est, place du Chanoine‑Bordes (Watier et al. 1986 : 61 n° 14), l’autre au sud‑est, sous les Halles centrales (Dupuis 1982 : 80). Ils suggèrent deux hypothèses contraires : ou bien les concepteurs de la fortification ont sanctionné la ruine d’une partie de la ville, donc un certain rétrécissement urbain. Ou bien ils ont ordonné de raser des constructions qui sortaient du périmètre assigné au rempart.
138Les ruines en question ne sont pas datées, mais la vraisemblance plaide en faveur de la première hypothèse, car elle explique mieux les irrégularités du tracé de l’enceinte, et elle est confortée par les fouilles de la Fontaine chaude et de l’Ilot central. A la Fontaine chaude, les réfections du ive s. tardif suivent une longue période de décrépitude ; de même, le temple de l’Îlot central semble avoir été longtemps à l’abandon avant d’être abattu et nivelé. Depuis une époque encore tout à fait imprécise (au cours ou vers la fin du iiie s.?), on a donc d’importants indices de la ruine de la splendeur antonine, dont les responsables du tracé du rempart auraient tiré les conséquences. Il faut rappeler que le rétrécissement urbain a été fort limité, mais l’important est ici que l’on possède pour l’Îlot central des indications chronologiques précises pour les transformations du Bas‑Empire : le remblai qui recouvrait les fondations arasées contenait de nombreuses monnaies du dernier tiers du iiie s. et de la première moitié du ive (Watier 1981 : 33), ce qui donne un terminus post quem pour l’établissement du cardo de la rue Cazade.
2.10.2 Témoignages tirés de la construction du rempart
2.10.2.1 Fragment d’un milliaire
139Il s’agit d’abord de la rareté des matériaux de remploi dans la maçonnerie du rempart. Peut‑être leur abondance était‑elle relative, eu égard à l’étroitesse de la ville du Haut‑Empire. Mais on doit sans doute interpréter cette rareté comme un indice des délais entre la décrépitude de la ville et la construction de l’enceinte. Les blocs de grand appareil provenant de tombeaux ou de monuments publics avaient, entre‑temps, trouvé un autre usage. Relevée de longue date (Jullian 1901 : 216), en dépit des affirmations des érudits dacquois (Taillebois 1881 ; Dufourcet et al. 1890 : 44), cette indigence des matériaux de remploi confère aux remparts de Dax, par rapport à ceux de nombre de villes du nord de la Garonne, une grande originalité qui doit tenir à la date tardive que nous attribuons à leur construction.
140Parmi les quelques blocs de remploi, le plus tardif est un moellon tiré d’une colonne itinéraire dédiée, d’après la paléographie, à un empereur de la seconde moitié du iiie s. ou de début du ive. On adoptera cette fourchette chronologique large, ou bien on se ralliera à une date très précise, le règne de Victorin (aut. 269‑aut. 271), en restituant dans le texte fort mutilé soit [in] VIC [to], soit VIC [torino] (CIL, XIII, 8893) ; ce témoignage n’a donc qu’une valeur très relative.
2.10.2.2 La monnaie de Magnence
141En suivant la destruction du rempart en 1872, Raimond Pottier recueillit une monnaie de bronze de Magnence, « d’une admirable conservation » (ce qui peut être l’indice d’une courte durée de circulation), noyée « dans le mortier entre deux assises de briques » du parement (Pottier 1881 : 145). La valeur de cette découverte pour la datation de l’enceinte a été fort contestée, mais c’est, nous semble‑t‑il, sans raison ; en effet, si l’on peut tenir Pottier pour un piètre historien, on peut ajouter foi à tel détail qu’il a directement observé, comme nous l’avons constaté par exemple pour la porte Julia ; puisqu’il affirme que cette monnaie a été extraite d’une partie non réparée de l’enceinte, nous ne voyons pas pourquoi l’on proposerait, sans preuve aucune, qu’elle provient d’une réfection, comme le suggère Blanchet (1907 : 315). C. Jullian (1901 : 215) n’a pas voulu rejeter formellement le témoignage fourni par Pottier.
142Cette monnaie, qui ne fournit qu’un terminus post quem, constituerait en réalité un témoignage très fragile s’il demeurait aussi isolé qu’il l’était vers la fin du xixe s. Mais il rejoint tout à fait les indices que l’on a recueillis récemment dans la ville close, et que conforte la structure même des remparts de Dax.
2.10.3 Une création de la seconde moitié du ive s.
143La singularité des remparts de Dax, d’une part au sein des enceintes de la Novempopulanie, d’autre part au regard de celles des cités des deux Aquitaines, trouve son explication quand on envisage sa construction dans la seconde moitié et peut‑être plus particulièrement dans le troisième quart du ive s. Même si notre documentation est fort indigente, elle laisse penser que son édification ne fut pas une œuvre de très longue haleine, et l’on a, pour affermir cette impression, des données précises sur l’uniformité de la construction de la courtine, des tours et de leur espacement, des portes et des poternes, la seule section faisant véritablement problème – mais c’est faute de renseignements – étant la partie centrale de la face orientale.
144Stephen Johnson pense que les particularités architecturales de l’enceinte de Dax, notamment le faible écart entre les tours, la rapprochent de celles de Bayonne et du Nord‑Est espagnol ; il propose d’expliquer la construction de ce groupe de forteresses par la politique impériale qui aurait établi une chaîne de villes fortes aux caractères communs, Braga, Lugo, Astorga, Leon, Bayonne et Dax en liaison avec la politique minière de Rome dans la péninsule Ibérique dans le troisième quart du iiie s. : aux abords des Pyrénées, Bayonne et Dax protégeaient le transit du métal (Johnson 1983a : 30 ; 1983b : 74).
145Mais le plan de l’enceinte de Dax, notamment l’intervalle entre les tours, n’en font pas un cas particulier dans les enceintes de la Gaule. D’autre part, l’historien de la Galice romaine, Alain Tranoy (1981 : 400, 409‑412), se garde de mettre en relation avec la politique minière la construction des enceintes de cette région pour lesquelles, au demeurant, aucune datation certaine ne peut être actuellement proposée. Il est en outre assuré aujourd’hui que les mines de la péninsule ont connu un déclin définitif depuis le début du iiie s. (Domergue 1990 : 215‑224). Il nous semble que les indices archéologiques recueillis dans la ville de Dax et dans son rempart orientent plutôt vers les règnes de Constance II ou de Valentinien Ier.
146Or la création d’une place‑forte à Dax s’inscrirait parfaitement dans la politique impériale de ce temps dans cette région. Comme autrefois, la ville verrouillait l’itinéraire occidental qui menait des Gaules à la péninsule Ibérique, mais, à cette époque, son rôle de relais a dû être singulièrement valorisé par la promotion de Bordeaux à la tête du vicariat du diocèse méridional, vers le milieu du ive s. (Chastagnol 1970 : 288) ; cette promotion serait due à la constitution de la grande préfecture du prétoire qui regroupa les diocèses de Gaule, de Bretagne, d’Espagne, depuis la fin du règne de Constantin le Grand ou sous celui de Constance ; le nouveau chef‑lieu diocésain était beaucoup mieux placé que l’ancien, Vienne, pour assurer le relais entre Trèves, capitale de la préfecture et, bientôt, à nouveau résidence impériale, et la péninsule Ibérique. On explique assez bien alors la renaissance de Dax, enlisée depuis plusieurs décennies dans une grave décrépitude. Au sein des villes de la Novempopulanie, cette affirmation du rôle de Dax serait matérialisée par l’édification de ses remparts ; la Notice des Gaules montre qu’alors le chef‑lieu imposa définitivement son nom à la cité, au point que l’ethnique des Tarbelles disparut.
Plans anciens
147Les plans mentionnés ici sont classés par ordre chronologique.
1481 – Plan de Dax et de ses fortifications d’après un dessin trouvé au château en 1869 (plan daté des années 1665‑1671), publié par G. Camiade dans Dufourcet et al. 1890 : pl. V (cf. fig. 67).
1492 – Fortifications de Dax, plan du front de la Porte Saint‑Vincent et des maisons qui confrontent avec le chemin de ronde (en 1770), ADL, E, suppl. 2, DD 3 (40) (cf. fig. 68).
1503 – Plan géométrique de la Ville de Dax et de ses environs, levé en exécution de l’Arrêté de M. le Préfet du 1er Germinal an XII, terminé (en) 1806 par M. Lobgeois, ingénieur géomètre en chef dans le pays des Landes, échelle de 1 à 1000.
1514 – Plan de la Partie de la ville de Dax qui comprend la cathédrale, le ci‑devant Palais Episcopal et ses abords et une partie des Remparts (an XIII), ADL, 11V 1 (cf. fig. 76).
1525 – Plan du château et d’une partie de la ville de Dax, relatif au nouvel emplacement à donner au grand pont de cette place (en 1808), ADL, R 64 (2) (cf. fig. 60).
1536 – Atlas cadastral de 1825, section A, 2e feuille, échelle 1/1 250. AMD (cf. fig. 69).
1547 – Dax en 1840, plan dessiné au trait et rehaussé à l’aquarelle (66 x 57 cm), musée de Borda, Dax (cf. fig. 70).
1558 – Ville de Dax, moitié nord, plan d’alignement, 11 janvier 1841, signé De Poyusan, maire de la ville de Dax. AMD (cf. fig. 72).
1569 – Plan de la cathédrale et de ses abords. Plan supplémentaire au plan d’alignement de la ville de Dax, dressé le 5 septembre 1855, signé Sanguinet. ADL, 70 V 107 (12) (cf. fig. 77).
15710 – Plan de l’enceinte gallo‑romaine de Dax, plan schématique, dessin de Léo Drouyn (Gaumont 1856 : 585) (cf. fig. 62).
15811 – Plan du quartier Saint‑Pierre, emplacement de l’ancien couvent des Cordeliers visible (2e moitié du XIXe s.), ADL, R 64 (7) (cf. fig. 73).
15912 – Projet d’une salle de spectacle sur une partie de l’ancien couvent des Cordeliers (1867), ADL, 2 0 638, plan 1659 (cf. fig. 74).
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Abréviations
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Notes de bas de page
1 Du côté oriental, ces anciens marais ont été repris par le large fossé de la ville, depuis le braou de Saint‑Pierre, en bordure de l’Adour, jusqu’à l’angle sud‑est de la ville remparée ; voir les cartes anciennes : BLANCHET (A.). — Congr. arch. de France, Dax‑Bayonne. 1888, XXIV (seconde moitié du xviie s.) ; sur un plan ancien de Dax daté de 1840 (plan no 7), ce fossé occupe une zone d’une cinquantaine de mètres de largeur le long du rempart oriental.
2 Dimensions du podium : 15 x 31 m à la base de la fondation ; largeur (nord‑sud) du péribole : 25 m hors tout. Plan général des fouilles par J. Schreyeck, Service d’architecture antique (Pau), dans Watier 1979 : 232‑233 ; et aussi Watier 1987, et nombreuses pl. On a mis au jour dans la partie occidentale de la fouille une grande partie d’un puissant mur de soutènement du péribole du temple ; sur les côtés nord et ouest, la face interne de ce mur était renforcée par des contreforts demi‑cylindriques.
3 R. Pottier a été le témoin de la démolition de cette partie et il en a pris des clichés (fig. 54 et 55) mais, pour la description, il reprend généralement les termes de Caumont (1856) ; de même, le dernier maire du Second Empire, Hector Serres, retiré de la vie politique après 1870, a fixé sur la toile, par nostalgie et parce qu’il avait sans doute quelques remords des destructions opérées sous son administration, des images du rempart méridional (photographie d’une intéressante peinture à l’huile de la courtine méridionale pendant la démolition de la tour d’angle du sud‑ouest in Vergès 1877 : 406).
4 C’est à cette époque en effet que l’on restitua la voie intérieure longeant le rempart : le gouverneur militaire de Dax, Haubardin de Luxembourg, fit abattre en 1622‑1623 les constructions qui s’appuyaient aux murailles ; cependant, le plan de 1825 montre que sur la face occidentale, cette voie était la plupart du temps réduite à un étroit couloir, ou même inexistante, ce que confirme tout à fait le plan no 7 ; en effet, en 1770 chaque riverain put demander l’autorisation de « prendre possession de la partie des remparts en arrière de sa maison », suivant une directive du duc de Choiseul citée par Vergès (1977 : 392).
5 Nous ne considérons pas comme des remplois dans le rempart les restes exhumés en 1927 place du Chanoine‑Bordes : une statuette en bronze de Minerve, une tête (julio‑claudienne) en calcaire dur, une autre (des iie‑iiie s.) en marbre « au milieu de deux colonnes en pierre de plus d’un mètre de hauteur et de débris de chapiteaux et de corniches en pierre dure ou en marbre, le tout très malheureusement brisé » (Dufourcet 1932 : 60 sq.), car la relation mentionne expressément que les travaux exécutés alors ont consisté en « une tranchée longeant les vieux murs de défense ». Il s’agirait donc de vestiges de constructions plus anciennes recouvertes par le rempart. CIL, XIII, 417, fragment d’une plaque funéraire en marbre aujourd’hui perdue, a été découvert, semble‑t‑il, sous la fondation d’un mur tout proche du rempart, perpendiculaire à celui‑ci (J. Thoré, Cahier manuscrit, 1814, cité par Watier et al. 1986 : 67, no 15).
6 Ces « galets » résultent de l’altération, en surface, de l’ophite du Tuc d’Eauze. Ce sont de grosses masses très arrondies de pierre dure ; pour donner une idée, il en a été trouvé dans les fouilles de l’Ilot central, de 30 à 40 cm de longueur.
7 Mais à la tour située au nord du cours Julia‑Augusta, comme dans la tour suivante (celle des bains Saint‑Pierre), les assises de 6 rangs de moellons ne mesurent que 70‑72 cm.
8 – Dans la même séance de la Société de Borda, E. Taillebois offre à la Société de la part de M. Lartigau, ingénieur‑voyer de Dax, le plan dessiné par lui de cette porte.
9 A. de Caumont indique que le caractère sommaire de son croquis est dû aux enduits récents –en 1856– recouvrant l’ouverture ; R. Pottier a pu observer la porte à loisir avant sa démolition. C’est la face extérieure de la porte qui est représentée. Le dessin de Pottier a l’intérêt de montrer le couronnement de la voûte par une clef passante et de corriger le claveau sommier de droite dessiné par Caumont : il ne soutient plus l’arc surbaissé et indique bien son adjonction plus tardive.
10 Les traces de fondations antiques n’ont pas été signalées (notamment par R. Pottier) à propos des interventions dans le rempart à l’est de la rue de l’Évêché ; mais nous ignorons si des travaux de réaménagement furent opérés dans ce secteur lors de la démolition des remparts, puisque la porte Dauphine avait été ouverte en 1781 (Watier et al. 1986 : 40, no 9).
11 C’est par erreur que R. Pottier a indiqué qu’il s’agissait de la courtine ouest dans la légende du dessin qui figure dans l’Album du musée des Antiquités nationales (fig. 66) ; erreur reprise dans Dufourcet et al. 1890 : 36. Il nous paraît à peu près certain qu’il n’a fait d’ailleurs que copier le dessin de Caumont.
12 Il faut considérer comme sans valeur l’affirmation de Dompnier de Sauviac (1873 : 75), pour qui cet encadrement était formé de blocs de marbre. R. Pottier (1881 : 149), qui a dû assister à sa démolition en 1874, écrit que les blocs de grand appareil « étaient reliés, outre le mortier, par de forts tenons en fer » (Pottier n’a pas repris l’information de Dompnier de Sauviac concernant l’emploi du marbre). Il faut se référer surtout ici à la brève description d’A. de Caumont (1856 : 580).
13 Le dessin de La Serre entraînerait davantage l’adhésion que la seule affirmation de Dompnier, s’il n’était pas, par ailleurs, entaché d’inexactitudes manifestes. La légende d’un dessin de Pottier cite par erreur une poterne du mur occidental (fig. 66).
14 Dessin à la plume de Jean du Viert (BN, Estampes), reproduit et commenté dans Dufourcet et al. 1893 : 93‑139 et Watier et al. 1986 : fig. 3 ; bien plus crédible qu’une autre vue cavalière qui, en 1707, présente elle aussi la face nord au premier plan (Watier et al. 1986 : fig. 6), avec les contreforts nettement dessinés.
15 Tours 1 et 3 de la face orientale, au sommet, diamètre extérieur : 8,80 m ; saillie : 4,70 m ; tour 3, à la base, diamètre : 9,85 m (vers la base du talus) ; saillie : 4,80/4,85 m.
16 Pour Dompnier de Sauviac (1873 : 73 sq.), les tours d’angle paraissent plus grosses parce qu’elles sont davantage détachées de la courtine. Mais la tendance constante de cet auteur à généraliser, simplifier, combler ses lacunes par des affirmations incontrôlables, donne peu de poids à cette indication. Les plans anciens ne font guère de différence entre les tours d’angle et les autres, mais des questions d’échelle de représentation entrent ici en cause.
17 Il ne s’agit pas en effet d’une tour d’angle. Il ressort de Caumont (1856 : 576) que les tours d’angle du sud‑est (tour de Diharce) et du sud‑ouest étaient intactes lors de son passage. Le château occupait alors l’angle nord‑ouest de l’enceinte, et il ne sera démoli qu’en 1890‑1891. Il ne peut s’agir non plus de la tour du nord‑est, ou tour de Cuohets, qui n’a jamais été démolie, bien que l’on trouve cette indication à plusieurs reprises, toujours en légende du dessin de Caumont (Dufourcet et al. 1890 : 32, n. 1, d’après Roach Smith ; Blanchet 1907 : 263, n. 4). On note cependant les hésitations de Caumont (1856 : 577) : « Je n’affirmerais pas que toutes les tours fussent creuses et continssent une chambre ; mais j’ai acquis la preuve qu’il en était ainsi pour quelques unes, probablement pour celles qui avaient le plus grand diamètre » ; cette dernière observation ne vaudrait que pour les tours d’angle, alors que nous venons de voir que ce n’est pas de l’une d’entre elles que Caumont a pu observer l’intérieur. Il faut se souvenir que lors de son passage, l’intérieur et la face du côté de la ville de toutes les tours étaient colmatés, comme le montrent tous les plans anciens.
18 Le fossé était pourtant un élément essentiel des fortifications romaines traditionnelles. Les exemples anglais montrent que de nombreuses villes de la Bretagne fortifiées au iie s. étaient encore entourées d’un fossé profond ; à des époques variées du ive s., de puissantes tours furent ajoutées aux anciennes courtines, les anciens fossés comblés et remplacés par des fossés beaucoup plus larges (15 à 20 m) ; mais le cas des villes bretonnes semble particulier ; on y a souvent conservé au Bas‑Empire le système de défense ancien, avec des courtines de faible épaisseur (voir Johnson 1980 : 96 et fig. 8. ; et, en général, sur cette question mal connue, surtout dans l’Occident méditerranéen, voir Baatz 1983 : 136‑140).
Auteurs
Louis MAURIN Professeur à l’université Michel‑de‑Montaigne/Bordeaux III.
† Brigitte WATIER ITA au Centre de recherche interdisciplinaire d’archéologie analytique ; décédée le 25 novembre 1988.
Marie‑Christine MÉLENDEZ Professeur d’histoire‑géographie.
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Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002