Transcription des signes
p. XIII-XV
Texte intégral
1La langue des signes1 ne possède pas encore d’écriture, si ce n’est différents systèmes fort lourds, réservés à une poignée de spécialistes. Pour citer les paroles des sourds sous leur forme originelle, on peut pallier cette absence au moyen de deux procédés. Le premier est le dessin, qui ne peut guère se concevoir que pour des signes isolés. Le second est la description : par exemple « entendant : la main droite en fourche effectue un mouvement de rotation près de l’oreille » (par convention, toutes mes descriptions supposent un locuteur droitier). Je n’ai recouru à ce procédé que lorsque la démonstration scientifique le rendait indispensable. On peut aussi renoncer à rendre compte de la forme des signes et se contenter d’une traduction littérale (dans cet ouvrage, les mots ou groupes de mots en majuscules correspondent à un signe unique tant qu’ils ne sont pas séparés par le symbole +). Cela implique que le lecteur soit informé de quelques difficultés. D’autres éléments que les signes manuels sont porteurs de sens : l’orientation du regard, l’expression faciale, la direction et l’intensité des mouvements. Ces données essentielles ne peuvent être toujours prises en considération dans les traductions littérales, qui s’en trouvent considérablement appauvries. D’autre part, les catégories grammaticales de la langue des signes ne recoupant pas celles du français, ces traductions littérales peuvent produire un effet petit-nègre qui ne devra évidemment pas être imputé à la langue elle-même – risque qu’il est d’autant plus nécessaire de signaler que, précisément, cette langue a souvent été accusée de n’être que du « mauvais français mis en gestes » ! Ce livre n’étant pas un ouvrage de linguistique, je me suis cependant permis, dans l’intérêt d’une lecture plus aisée, quelques écarts à des règles trop strictes, en conjuguant souvent des verbes qui ne présentent pas de variations morphologiques, ou en introduisant des accords alors que le genre grammatical n’existe pas et que le pluriel n’est pas toujours marqué. Il faut enfin signaler qu’il est rare que le sens d’un signe et celui de sa traduction littérale se recoupent exactement. Souvent, j’ai transcrit un signe par sa traduction la plus fréquente qui, selon le contexte, peut avoir un sens notablement différent. Les éléments qui n’apparaissent pas dans la traduction littérale sont réintroduits dans la traduction libre qui la suit presque toujours ; c’est pourquoi elles peuvent paraître parfois fort éloignées l’une de l’autre.
2Les différentes formes de la main, également appelées « configurations », ont reçu des noms conventionnels permettant de décrire les signes de manière économique. La figure 1 montre ceux, empruntés à Moody et al. (1986) mais modifiés en collaboration avec Françoise Bonnal, qui seront utilisés dans cet ouvrage. Certaines de ces configurations se retrouvent également dans l’alphabet manuel pour y coder des lettres (fig. 8) : pour ne prendre qu’un exemple, la forme dite « en fourche » peut, en épellation, avoir la valeur d’un V ; selon le contexte, elle pourra donc être désignée par l’une ou l’autre de ces étiquettes.
Sourds et entendants : convention typographique
3Dans les légendes des illustrations, les noms des personnes sourdes sont en petites capitales. Cette convention est commentée dans la partie « Invisibilité et séparation » du chapitre 4.

Fig. 1. Noms conventionnels de quelques configurations de la langue des signes française.
Notes de bas de page
1 C’est par commodité d’écriture que j’utilise le singulier. Ce sont en réalité des centaines de langues des signes qui sont utilisées sur la planète, et un nombre bien plus élevé de dialectes qui, en France, sont centrés sur les internats régionaux. Sauf indication contraire, les signes que je mentionnerai sont ceux du dialecte parisien qui se répand aujourd’hui sur tout le territoire national, recevant le nom conventionnel de « langue des signes française ». Cette appellation ne doit pas masquer la variabilité des parlers locaux : pour ne prendre qu’un exemple, le dialecte de l’ancien quartier des filles de l’institut de Chambéry, en cours de description, ne comprend guère que 20 % de signes compréhensibles par des sourds parisiens. Toutefois, les structures syntaxiques des différentes langues des signes sont très proches (voir le chapitre 11), ce qui rend acceptable l’emploi du singulier.
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Les sourds c’est comme ça
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