Le voyageur, l’électricité et le conducteur
p. 133-149
Texte intégral
1Nos recherches sur le métro parisien (Foot 1987a,b, 1991) étaient centrées non pas sur le travail ou les groupes professionnels, mais sur l’analyse sociologique de la production et de sa dynamique d’évolution, avec l’objectif de mettre en évidence les liens entre l’organisation de la production, au sens large, et la manière de produire du transport en tant qu’objet d’usage. C’est dans ce cadre que nous avons été amené à « rencontrer » un groupe professionnel fortement présent dans le système de production : les conducteurs. Par au moins trois dimensions, ils tendent à occuper, à dominer la scène productive et sociale :
- dans la structuration des rapports salariaux de la ratp, ce groupe occupe une position charnière dans l’établissement des classifications et des hiérarchies. Agents d’exécution, ils ont une parité de salaire avec le premier niveau de la maîtrise « concours ».
- leur forme de représentation salariale est établie sur un mode très particulier avec le Syndicat autonome traction (SAT), dont l’influence est encore dominante dans le groupe des conducteurs et au-delà par son existence même, depuis 1952, dans la structuration morcelée du syndicalisme à la RATP (Bègue 1984).
- ce groupe, malgré la « déqualification » du travail, avec la mise en place de nouveaux matériels roulants, du pilotage automatique (PA) et de formes plus contraignantes de régulation du mouvement des rames, occupe toujours une place centrale dans la production de transport, comme en témoignent les effets des grèves de conducteurs sur la production.
2La capacité des conducteurs à donner une image d’eux-mêmes, tant à l’intérieur de l’entreprise, avec le sat, qu’à l’extérieur, lors des grèves, et la focalisation sur ce groupe de la politique salariale de la ratp sont autant d’éléments qui, de fait, font obstacle à la compréhension des logiques sociales et techniques qui ont permis à ce groupe de se constituer. En particulier, la valorisation du rôle des conducteurs dans l’établissement des rapports de force, par eux-mêmes mais également par les autres agents, cadres compris, tend à donner de l’histoire du métro une image simplifiée, où un groupe serait parvenu, par sa propre dynamique, à imposer sa « loi » de développement au système d’ensemble. Tout se passe comme si, adossés à leur savoir-faire et à leur position centrale dans la production, les conducteurs avaient pu devenir « naturellement » un groupe hégémonique et structurant dans les rapports de production et de travail. La force de cette image est telle que peu de recherches l’ont remise en question.
3C’est par la prise en compte de la dimension collective et intercatégorielle de la production de transport, de sa structuration par la configuration technique des moyens et des normes de production, qu’a pu émerger une autre représentation des conducteurs et de leur travail.
La régulation de production et la dimension collective du travail
4Dans notre démarche, la définition du produit, en l’occurrence le transport, a été un préalable à l’analyse de la production. Dans le transport urbain, « l’objet » produit n’est pas un objet au sens courant de bien matériel, mais un déplacement de voyageurs, c’est-à-dire un bien qui est consommé dans le même temps où il est produit. L’absence de médiation temporelle entre la production et la consommation renvoie à une définition stricte des industries de service, où « ce qui est vendu, c’est le processus de travail lui-même, donc quelque chose qui n’est pas stockable » (Lipietz 1974 : 279). Dans le cas du métro, cette définition générale de la production de service où « il y a superposition de l’acte de production et de l’acte de consommation » (Barcet & Bonamy 1988 : 277) se complexifie par le fait que le voyageur s’intègre physiquement dans le système technique et social, qu’il fait partie à la fois de l’objet du travail des agents et du procès de production lui-même. Cette dualité du voyageur dans la production de transport, au niveau immédiat, là où peut être constatée la superposition de la consommation et de la production, est accentuée par la production de la norme de production, par la planification des horaires de transport, ainsi que par la conception des installations et des équipements. Cette gestion anticipée de la variabilité de la demande et la capacité effective de mettre en œuvre une offre correspondante sont centrales pour la qualité du rapport quotidien que le voyageur va entretenir avec, et dans, la production de transport.
5Si les problèmes de régulation de production sont actuellement au cœur de nombre de débats dans le monde industriel, avec les orientations vers une tension croissante des flux productifs, avec la gestion sans stock ou en « juste à temps » (Savy 1987 : 169), on peut dire que le métro aurait dû, depuis ses origines, intégrer cette donnée comme étant constitutive de la production et du travail des agents. La production ne peut être seulement quantitative (nombre de places offertes), mais doit intégrer la variabilité de la demande dans le temps, c’est-à-dire permettre que cette quantité soit offerte au moment de la demande. L’ensemble du travail doit aboutir à ce que les conducteurs et leurs rames parcourent la ligne de manière régulière et dans une coïncidence avec le temps de la demande. Que ce soit par l’action des conducteurs, celle des « régulateurs » du poste central ou encore celle des agents de terminus, tous participent non seulement à la possibilité d’une production de transport, mais encore tous sont liés les uns aux autres par leurs actes de travail. Qu’une rame vienne à tomber en panne au moment d’un départ ou en ligne, qu’une avarie survienne sur un appareil de voie ou qu’un voyageur déclenche l’arrêt d’urgence, le signal d’alarme, et tout l’ordonnancement prévu se trouve devoir être remanié. L’ensemble des agents de la ligne doit, instantanément et de façon plus ou moins importante, transformer son travail, prendre des mesures de régulation afin de minimiser les conséquences négatives de l’incident pour les voyageurs.
6Cette importance de la régulation semble aller de soi, être une caractéristique « naturelle » (Gressel 1990) de l’organisation du métro, et pourtant cela n’a pas toujours été le cas, comme en a témoigné le succès du slogan qui fait partie maintenant de l’histoire parisienne : « On ne nous transporte pas, on nous roule. » C’est à travers la régulation que peuvent être réfléchies les logiques sociales et techniques d’évolution du métro, en particulier sous l’angle des formes différenciées d’appréhension des conducteurs et des voyageurs, dans la régulation des flux du métro.
7Dans les années cinquante, les agents du métro sont organisés en deux filières : « Traction » et « Mouvement ». Le service Traction regroupe les conducteurs et les chefs de secteur. Le reste du personnel (les agents de station, les chefs de départ et de manœuvre, les chefs de train, les chefs de gare et les « régulateurs ») fait partie du Mouvement. La division du travail entre ces deux filières est, en apparence, assez claire, et les frontières bien établies. Schématiquement, on peut dire que les agents de la filière Traction s’occupent de la conduite, du respect des normes de sécurité (signaux, vitesse) et des dépannages du matériel roulant en ligne. Ceux du Mouvement contrôlent essentiellement les flux de voyageurs et des rames. Cette séparation passe par une différenciation entre un rapport « technique » au travail, pour les conducteurs, et un rapport au « service » des voyageurs, pour le personnel du Mouvement.
8En théorie, cette articulation entre les deux filières, basée sur la gestion d’un conflit croisé permanent, aurait peut-être pu fonctionner, mais, dans la situation des transports des années cinquante, toujours saturés et avec du matériel usé, le réseau métropolitain a privilégié la production de transport, de kilomètres-voiture, sur celui du déplacement des voyageurs. Tout se passe comme si ces années avaient été une période où, pour diverses raisons, tant du point de vue économique, par l’absence de financement des transports urbains, que socio-politique, avec la guerre froide et ses conséquences sur le mouvement syndical, le « système métro » avait éclaté sur la base de ses contradictions propres, des dynamiques centrifuges des différents groupes et, en particulier, des conducteurs et de la filière Traction. C’est sur ce groupe que portera d’abord l’analyse.
Le paradoxe du conducteur
9La référence obligée, pour parler des conducteurs, est le Sprague-Thomson. Bien que datant des années trente, ce matériel équipe les lignes du réseau pour plus de la moitié jusqu’au milieu des années soixante-dix.
10Le poste de conducteur se caractérise, sur ce type de matériel, par :
- la séparation de la traction et du freinage dans les commandes ;
- l’absence de compteur de vitesse ;
- la présence de courant haute tension dans la loge ;
- l’absence de système sécuritaire automatique, tant pour la vitesse que pour les signaux.
11La séparation des commandes de freinage et de traction est une marque technique importante qui formalise une certaine conception du travail et induit en retour les pratiques et surtout le cadre dans lequel les conducteurs peuvent les déployer. Elle permet au conducteur, dans la phase délicate du freinage, d’avoir les pratiques non réglementaires qui optimisent le matériel et le transport. Il pouvait, même si cela était plus délicat, inverser la traction sans passer par l’arrêt du train afin d’obtenir un arrêt plus rapide sans blocage des essieux. Le blocage des essieux dans la phase de freinage est une situation qu’il faut éviter, car non seulement le freinage devient moins efficace, mais cela provoque, en plus, des « plats en roues », qui sont une cause d’usure accélérée des rails et donc des roues des rames. Dans cette séparation des commandes de traction et de freinage qui permet l’usage simultané d’organes contradictoires, se matérialise une reconnaissance implicite de la professionnalité, qui réside dans la capacité de déroger aux règles dans un but considéré comme légitime par les supérieurs hiérarchiques.
12Cette pratique ne semble pas clandestine, car elle s’inscrit, de manière ouverte, à la fois dans un dispositif technique et dans les rapports hiérarchiques, même si elle n’est pas codifiée. Il semblerait que cette pratique soit « oubliée » quand la structuration des rapports hiérarchiques et/ou du système technique se transforme au point que la dérogation aux formes réglementaires du travail ne peut plus être l’objet d’une évaluation interne au groupe et à sa hiérarchie.
13Cette latitude de déroger aux règles, base d’une forme spécifique de professionnalité, se retrouve également dans l’organisation matérielle de la sécurité. Jusqu’aux années soixante-dix, il n’existe pas de système de sécurité automatique. Le conducteur est susceptible, à chaque instant, soit parce qu’il ne respecte pas un signal rouge, soit parce qu’il dépasse les vitesses limites, de mettre les voyageurs et lui-même en situation dangereuse. Au contraire de ce que dit R.H.Guerrand, l’accident survenu entre deux rames qui se tamponnèrent, le 31 avril 1931, qui causa « cent blessés ou contusionnés » et « attira l’attention sur la signalisation utilisée dans le métro », n’implique pas qu’il faille « un ensemble de défaillances étonnant » pour qu’un tel accident survienne. Le système de block n’assure pas une sécurité machinale et automatique, mais une signalisation de sécurité machinale et automatique (Guerrand 1961 : 121). Ce système de sécurité ne sera modifié qu’au cours du processus de modernisation de la fin des années soixante et il ne sera complètement achevé, au moins en ce qui concerne les franchissements de signaux fermés, qu’à partir des années quatre-vingts, avec l’introduction de la conduite manuelle contrôlée.
14De plus, le conducteur était lui-même, dans sa loge, exposé en permanence au danger à cause de la proximité d’un courant haute tension à 750 volts dans les « interrupteurs à couteaux ». Ce rapport au danger fait partie intégrante de sa vie quotidienne. L’intériorisation de ce danger est constitutive du rapport au travail et se concrétise, par exemple, dans le fait de ne pas couper le courant traction pour relever un frotteur coincé dans le rail d’alimentation.
15Certaines pratiques de travail des conducteurs induisent des comportements de défi, par exemple allumer sa cigarette sur l’arc électrique formé lors de l’abaissement de l’interrupteur à couteau des compresseurs (cette pratique est officiellement connue, puisque, au cours de la formation, on l’interdit). Cette connaissance du danger créé par l’environnement électrique et métallique de la loge se traduit également, pendant la formation, lorsqu’il est recommandé aux conducteurs de mettre une main dans la poche avant d’intervenir sur le tableau électrique afin d’éviter de se tenir « instinctivement » à une partie métallique et de devenir ainsi « conducteur ».
16La conception électrique et métallique de la loge matérialise des représentations du travail, mais aussi des travailleurs affectés à ce travail. Elle ne peut toutefois se réduire à l’imposition « volontaire » ou consciente d’un danger permanent comme base de l’exercice de la professionnalité. Cette loge est conçue progressivement après l’accident de Couronnes qui fit près de quatre-vingts morts, en 1903 ; suite à des court-circuits qui mirent le feu à la rame, la décision fut prise « d’isoler », avec du métal, la loge des voitures en bois. Mais c’est surtout l’échec, en 1906, des rames à commande pneumatique, qui présentaient notamment l’avantage de supprimer le courant à haute tension dans la loge, qui a conduit les dirigeants de la CMP à laisser ce problème de côté. Cet « oubli » de l’environnement électrique est d’autant plus troublant que des mesures apparemment aussi simples que la pose de carters de protection sur le tableau de fusibles ne furent pas revendiquées par le groupe des conducteurs.
17Les travaux de Christophe Dejours et de Damien Cru nous permettent de mieux comprendre ces phénomènes :
La psychopathologie du travail apporte ici une contribution décisive. Elle suggère en effet, que [...] la résistance ouvrière aux mesures de sécurité prescrites ainsi que les attitudes de mépris du danger ne sont que des parades. Tous ces comportements paradoxaux, loin d’être absurdes, s’articulent en des systèmes cohérents qui visent à contrôler la peur qu’engendrent les dangers du travail. Ce sont les « idéologies défensives de métier » (Cru & Dejours 1985 : 29).
18Tout se passe comme si les conducteurs, en se constituant comme groupe « autonome », légitime et structurant de l’ensemble des rapports salariaux institutionnels, acceptaient non seulement le danger électrique, mais également s’interdisaient de pouvoir le modifier, de toucher à une des bases de sa professionnalité. Il est paradoxal que les conducteurs, qui ont su établir un rapport de force en matière de salaire et de statut, valorisent le danger en le niant.
19L’uniforme du conducteur reflète pourtant l’importance de ce risque. Sur sa casquette, à visière isolante pour éviter qu’en s’approchant du tableau électrique, il ne s’électrocute, son numéro de matricule est enserré dans six foudres électriques, logo de la Traction.
20Cette symbolique de la foudre est constitutive du métro lui-même. Fulgence Bienvenue, premier maître d’œuvre du métro, « dont le rare prénom latin se rattachait prémonitoirement à la foudre », avait composé une sentence définissant son projet métropolitain : « Jovis erepto fulmine, per inferna vehitur Promethei genus » (par la foudre ravie à Jupiter, la race de Prométhée est transportée dans les profondeurs) (Guerrand 1986 : 41).
21Cette prégnance de l’électricité est telle que le Syndicat autonome traction va prendre le sigle de la traction pour l’incorporer dans son logo. Dans ce logo, le SAT s’interpose entre la foudre jupitérienne et une motrice Sprague-Thomson. Il concentre, de manière emblématique, les dimensions institutionnelle, technique et sociale des rapports de travail des conducteurs.
La prime d’économie de courant et la dérégulation des rames
22Ce rapport dominant à la conduite électrique est physiquement renforcé par l’absence de compteur de vitesse (alors que la majeure partie des règles de circulation implique de rouler à une vitesse déterminée) et par l’importance du compteur d’énergie dans le groupe des conducteurs et dans la filière Traction. On trouve là un argument supplémentaire à notre hypothèse de construction du groupe des conducteurs autour de la gestion de l’électricité en opposition avec la production de déplacement, car, à cette absence physique du compteur de vitesse au profit du seul compteur électrique, se surajoute une forme salariale qui est, en quelque sorte, sa forme de validation institutionnelle : la prime d’économie de courant.
23Dans le métro, celle-ci correspond, dans les années cinquante, à un peu plus de dix pour cent du salaire de base des conducteurs. Le calcul de la prime se fait à partir des relevés de compteurs de consommation de courant branchés sur une motrice de la rame. Le relevé des compteurs se fait par les conducteurs. Comme chaque rame en circulation est conduite par plusieurs conducteurs, la précision du relevé est inscrite dans l’autocontrôle de groupe autour de l’intérêt que chacun avait à ne pas laisser l’autre minorer sa consommation, minoration qui ne pouvait se faire qu’à son détriment. Au-delà des différences de salaire, relativement mineures, son importance se manifeste par les formes prises pour en rendre compte dans le groupe des conducteurs. En plus du relevé, au moment de la paie, la prime revient dans le groupe sous forme de relevé collectif qui, s’il n’est pas affiché, est consultable et consulté, et où peut se lire le classement, la hiérarchie électrique dans un groupe de conducteurs sur une ligne. Ces classements mensuels sont l’enjeu de défis entre les conducteurs. Battu par un collègue, un conducteur tentera de rivaliser avec lui le mois suivant dans la sphère de la consommation électrique, en laissant passer le moins de courant possible. La prime d’économie de courant inscrit dans le salaire le rapport dominant à l’utilisation de l’électricité que doit entretenir le conducteur.
24Cette prime d’économie de courant aurait, pour origine, la gestion de la surcharge de trafic par rapport aux capacités du matériel. Elle viserait à orienter les pratiques professionnelles de conduite vers une économie du matériel, incitant les conducteurs à ne pas « tirer sur le matériel » afin d’éviter les surchauffes des circuits électriques, causes d’usure prématurée et d’avarie en ligne. C’est parce qu’elle remplit une fonction d’optimisation du matériel qu’elle a pu jouer un rôle référentiel dans la professionnalité de conduite.
25L’importance des tours de main de conduite, spécifiques à chaque profil de ligne et à l’implantation de la signalisation, se reflète dans la prime. A travers elle, chaque conducteur peut comparer sa façon de manier le « manipulateur traction » avec celle de ses collègues. C’est en cela qu’elle joue un rôle important dans le mode de constitution de ce groupe. Dans les interviews de conducteurs effectués entre 1984 et 1987, la question des pratiques de conduite sur Sprague intervenait généralement par opposition à la « brutalité » du pilotage automatique. Au système plutôt binaire du pilotage automatique (soit en traction, soit en freinage) est opposée la conduite à trois temps : traction, freinage et course sur l’erre, à la fois plus économe en énergie et plus douce pour les voyageurs. La capacité de maîtrise de la course sur l’erre, supposant des capacités d’anticipation et une connaissance importante de la ligne, constitue la touche de qualité de la conduite.
26C’est dans cette « économie » électrique que se construit, pour une large part, l’identité professionnelle du conducteur. En permanence potentiellement dangereux pour lui et pour les autres, son travail consiste à ne jamais transformer le danger en accident.
27Les conducteurs, dans les années cinquante et soixante, mais également l’ensemble de la filière Traction, à la fois en raison de la saturation du réseau, de la situation de danger et de la structuration salariale et syndicale, tendent à devenir de plus en plus autonomes par rapport aux agents du Mouvement et, de manière plus générale, à l’ensemble des autres catégories.
La modernisation technique et la découverte du voyageur
28Cette structuration du groupe Traction n’est pas sans provoquer des oppositions d’intérêt avec la logique de régulation des rames que les agents du Mouvement doivent mettre en œuvre avec une reconnaissance institutionnelle moindre et peu de moyens de communication.
29Toutes les mesures de régulation sont dirigées du terminus, par le chef de départ. Celui-ci n’est pas en contact avec les conducteurs en ligne. Il doit passer par les chefs de station. Quand un conducteur prend du retard, il avertit le chef de station. Le chef de station prévient, à son tour, le chef de départ, qui estime alors la position des autres rames et communique aux chefs des stations concernées les mesures de régulation à faire appliquer aux conducteurs. Si l’estimation est mauvaise, toutes les procédures de régulation sont à recommencer. Avec un système de communication réduit, un matériel ancien, le réseau métro est impuissant à réguler les rames.
30Cette situation a fait reporter l’effort de régulation sur la « canalisation » des voyageurs. Cette logique d’exploitation se concrétise dans la conception matérielle des accès et des couloirs, mais également dans les formes de travail des agents de station. Une conception du voyageur comme une variable à maîtriser se développe au cours des années cinquante et soixante.
31Dans ces conditions de dégradation de la qualité du transport, la seule mesure prise au début des années soixante consista à choisir la circulation des rames sur pneumatique pour améliorer le trafic. Ce choix se révéla ne résoudre que peu de problèmes de régulation et de circulation des rames. Il symbolise, par contre, la survalorisation, par les concepteurs, de la conduite par rapport à la régulation, puisqu’un des atouts du pneu était d’améliorer les accélérations et les freinages, permettant ainsi l’augmentation de la vitesse commerciale.
32Une remise en cause radicale des modalités de fonctionnement du réseau apparaît et s’impose entre 1964 et 1967. Le choix du pneumatique comme facteur d’amélioration du transport est remis en cause. La dégradation, devenue inacceptable, du réseau et des transports urbains oblige à définir de nouvelles perspectives de modernisation. La ratp, après une longue période de blocage financier, retrouve sa place comme un des éléments importants de la vie parisienne. Mais cette longue période de mise à l’écart du développement de la région a eu des répercussions sur sa capacité à prévoir et mener la modernisation. Le manque de projets et les faibles salaires ont éloigné les ingénieurs de cette entreprise. Brutalement, pour mener à bien la modernisation du réseau existant et créer le rer, la ratp recrute près de quatre cents ingénieurs et cadres (Margairaz 1989). Nouvelle population de concepteurs, nouvelle direction, tout bouge et vite.
33Les techniques modernes, en particulier la cybernétique, entrent dans l’entreprise. Moins imprégnés par l’histoire du métro, les ingénieurs vont bouleverser de fond en comble les méthodes et les techniques d’exploitation. Ce désengagement à l’égard de l’histoire contribue à ce que soit dévolue à la technique le rôle de transformer le système d’ensemble. On ne peut s’empêcher de penser qu’une certaine fascination du progrès technique a présidé à la mise en place de la modernisation. Epoque de grands projets, le métro semble s’inscrire dans cette dynamique où tout brusquement était possible. D’emblée, il s’agit d’automatiser la conduite, de programmer la circulation, tant en ligne que dans la gare, la vente des billets et l’admission des voyageurs.
34En 1966, avant même qu’une expérimentation « grandeur nature » ne soit effectuée, la centralisation de tous les moyens d’action et de contrôle de la ligne par une seule personne semble déjà dépassée :
Il n’est pas interdit de penser que la commande centralisée que nous allons prochainement mettre en service pourrait constituer une étape appelant une automatisation ultérieure plus complète où un cerveau électronique viendrait finalement prendre en charge la quasi-totalité des actions encore laissées à l’initiative humaine (« La Modernisation ... » 1966 : 5).
35Mais très rapidement, une fois l’implantation du nouveau système réalisée, en juin 1967, les premières déconvenues apparaissent, en particulier en ce qui concerne le système de régulation.
36Pour résoudre les problèmes de circulation des rames, un poste de commande et de contrôle (pcc) de la ligne 1, avec un système de régulation automatique, est conçu. Son principe de fonctionnement est basé sur le regroupement de l’ensemble des informations et des moyens de communication. Toutes les indications horaires concernant la mobilité des rames sont recueillies par le calculateur du PCC et retransmises en ligne, après traitement informatique, dans des « horloges » en tête des quais. Les difficultés de mise au point du programme de régulation automatique, l’aspect peu lisible des indications renvoyées à l’équipe de train, la séparation entre la gare et le PCC, et l’indisponibilité fréquente des machines-départ ont été autant de facteurs qui n’ont pas permis de réaliser pleinement le projet initial. Toutefois, la centralisation des informations et des communications, avec la mise en place d’un suivi des rames et d’un téléphone haute fréquence reliant les conducteurs au PCC, ont amélioré considérablement l’exploitation du métro : en décembre 1967, le retard moyen en fin de la période d’affluence du soir n’était plus que de 5’25.
37Malgré ces progrès, la question de l’amélioration de la régulation des rames reste ouverte. La piste de la régulation automatique est abandonnée. Devant cet échec, en 1967 une recherche pour un autre type de régulation du mouvement des rames, basé sur le contrôle du temps de stationnement, est mis en chantier. Au cours de cette expérimentation, on se rend compte concrètement que l’augmentation du débit des rames passe principalement par le contrôle des temps d’arrêt en station, fonction remplie par le chef de train, agent du Mouvement.
38La méthode des départs affichés introduit une véritable révolution dans le rapport entre les rames et les voyageurs. Au système antérieur, où la non-régulation des rames implique la canalisation impérative des voyageurs, on substitue le contrôle des rames. Cette prise de conscience d’une inversion du principe de régulation ne s’est faite que progressivement. Au début, l’expérience s’accompagne d’une sophistication des formes de retenue des usagers par les portillons automatiques. Puis, finalement, les améliorations sont telles que l’on décide de ne plus les utiliser. Mais cette découverte n’a pas empêché l’installation, correspondant au projet initial, de nombreux portillons automatiques dans le métro. Entre 1955 et 1973, plus de 500 nouveaux portillons sont installés.
La fin de la centralité salariale du conducteur ?
39La mise en place de la régulation impérative, avec la généralisation du pilotage automatique, marque une rupture radicale dans la place des conducteurs dans la production de transport. Cette inversion radicale de l’objet de la régulation, des voyageurs aux rames, signe la fin de l’autonomie des conducteurs. Cette transformation technique du travail des conducteurs s’accompagne d’un processus de recomposition sociale de l’exploitation du métro.
40L’imposition, au travers des techniques et des principes (pilotage automatique et régulation impérative), d’un contrôle centralisé du mouvement des rames (PCC et régulateurs) entraîne la suppression du rapport à la consommation électrique. La prime d’économie de courant perd son caractère individuel et de différenciation des conducteurs. A un niveau plus général, une réforme majeure, la fusion des deux filières Traction et Mouvement, amorcée depuis 1966 au niveau des cadres supérieurs, aboutit au niveau de la maîtrise en 1970. Le groupe des conducteurs se voit confiné dans sa catégorie. Enfin, dernier élément, le rapport au danger électrique disparaît progressivement avec les nouveaux matériels fer, le MF 67, dont la loge est isolée du courant haute tension.
41Tous ces éléments de nature différente convergent pour que l’identité du conducteur disparaisse. Pourtant, même si l’on constate un affaiblissement du poids et du rôle du SAT, celui-ci reste un élément essentiel dans la représentation des conducteurs. Globalement, d’ailleurs, ce groupe a su préserver ses formes de différenciation salariale et a continué à améliorer ses conditions horaires, avec, par exemple, la diminution importante des services en deux fois.
42Le projet de modernisation, d’inspiration cybernétique, s’est présenté comme un projet globalisant visant à contourner les rapports de travail en ligne et à déplacer le point névralgique de la production vers un poste de commande central. Mais ce projet n’a pu se réaliser complètement, tant pour des raisons de coûts que par sa logique de conception. De fait, cela a abouti à laisser une place prépondérante dans la régulation quotidienne du transport au couple conflictuel qui est à l’origine de la constitution du SAT, conducteur/maîtrise de terminus. Tout se passe comme si la non-explicitation des échecs, des réussites et des découvertes au cours de la réalisation du projet avait entraîné une impossibilité de désigner les véritables enjeux techniques et sociaux que ce processus avait révélés. Et comme si un compromis implicite avait été passé entre la direction et les conducteurs pour taire ce processus. Dans une telle situation, où la technique devient indicible dans ce qu’elle matérialise d’échec du projet pour les concepteurs et de perte de substance de la professionnalité pour les conducteurs, il s’établit un type de « marché », dans lequel personne n’est dupe, qui consiste à préserver les apparences formelles de l’identité des conducteurs en contrepartie de leur acceptation de la version officielle de la modernisation et du progrès. C’est le conflit de 1971 qui va sceller ce pacte de fait.
43Cette grève de onze jours, en octobre 1971, introduisit une première rupture avec l’histoire du métro par le fait qu’elle est animée simultanément par la CGT et le SAT. Un de ses enjeux majeurs est la remise en cause des formes de parités salariales établies. En effet, avec la fusion des deux filières, les ex-agents de la maîtrise du Mouvement ont bénéficié d’une remise à niveau salarial qui, en 1970, avait suscité de nombreuses réactions de la part de la maîtrise Traction. La nouvelle grille de classifications et de salaires tendait à formaliser, par la fin de la parité salariale avec le premier niveau de la maîtrise concours, la perte de substance du conducteur. C’est sur ce point que s’est cristallisé le conflit et non pas sur une remise en cause de la modernisation. Celui-ci trace les limites de la déqualification salariale du conducteur.
L’inversion du danger
44Une recomposition de la professionnalité des conducteurs et de l’identité du groupe s’opère. En particulier, la suppression des chefs de train et la « reconversion » d’une partie d’entre eux en conducteurs a sensiblement transformé l’homogénéité de ce groupe. Dans le travail, les demandes du SAT pour préserver un espace pour la conduite manuelle ne trouvent pas un écho aussi important qu’il l’aurait souhaité. Malgré tout, cette période marque l’arrêt de l’extension du processus d’automatisation. Dans les années qui suivent le conflit, le SAT, mais également de manière informelle les conducteurs, s’opposeront au projet de service automatique en station, qui sera d’autant plus facilement abandonné qu’il n’était pas évident à mettre au point et ne permettait pas d’obtenir des gains de personnel.
45Mais dans les pratiques de travail, la professionnalité des conducteurs est mise en cause. Des signaux fermés sont franchis, surtout dans l’espace des terminus. Ces transgressions des règles de sécurité, la désaffection au travail sont interprétés comme autant de signes de la nécessité d’une transformation du rapport à la conduite, en particulier en ce qui concerne le pilotage automatique comme mode exclusif de conduite.
46Le SAT prendra appui sur ces éléments pour légitimer sa revendication d’abandon du pilotage automatique obligatoire et la mise en place d’une conduite manuelle contrôlée (CMC). Cette demande trouvera finalement un écho auprès des dirigeants, car certains déjà se posaient la question de la validité du pilotage automatique, dont le rôle pour l’amélioration de la régularité du déplacement des rames n’était pas complètement démontré. De plus, il n’avait pas permis de contourner la position centrale des conducteurs et entraînait des problèmes d’entretien.
47Finalement, à la fin des années soixante-dix, un projet de conduite manuelle est retenu qui ne contrôle que les franchissements intempestifs de signaux fermés et non les survitesses, comme l’un des projets l’avait envisagé. Véritable compromis social, il n’explicite pas véritablement ses enjeux, il ne fait que les matérialiser. La CMC commence à être implantée dans la première moitié des années quatre-vingts et fait l’objet d’un accord implicite entre les protagonistes du métro. Autour d’une note qui indique officiellement les conditions d’usage de la CMC et du PA (moins de deux minutes d’intervalle entre rames, conduite en PA ; entre deux et quatre minutes, libre choix ; au-delà de quatre minutes, conduite en CMC), une consigne officieuse circule pour ne pas sanctionner les conducteurs ne respectant pas la note de service, surtout ceux conduisant en CMC pendant les heures de pointe, à condition qu’ils effectuent correctement leur travail. L’objectif, de part et d’autre, est de laisser s’exprimer le mode réel de fonctionnement de la professionnalité des conducteurs. Le rapport à la conduite est désigné comme le point central de la légitimité des conducteurs.
48Mais cette approche, qui renvoie le travail soit à la qualification de l’agent, soit comme une forme de maintien de la vigilance et des pratiques, ne permet pas de comprendre les modes différenciés de rapport à la conduite exprimés concrètement lors de l’introduction de la CMC. Trop centrées sur le rapport homme/machine, les analyses qui en ont été tirées passent sous silence le fait que la conduite s’accomplit dans un espace qui intègre également des voyageurs, en particulier au moment de l’entrée en station, pendant l’arrêt et au départ du quai. Avec la CMC, ce n’est pas seulement la conduite en interstation qui est modifiée, mais également la place relative du conducteur et des usagers. Le conducteur acquiert une position centrale dans la loge, y compris pendant le service en station, car la CMC s’accompagne de l’installation de grands rétroviseurs permettant de surveiller la fermeture des portières. En fin de compte, la CMC correspond aussi à une demande d’éloignement, de médiation des voyageurs. Dans tous les cas, le choix de l’heure pour adopter un type de conduite, PA ou CMC, revient à prendre physiquement position, dans son travail, sur le point de vue que l’on veut ou peut avoir sur les voyageurs.
49Il semblerait que, dans les pratiques de conduite, le rapport entretenu entre la CMC et le PA corresponde beaucoup plus à la façon dont chaque conducteur assume le rapport entre la conduite et un nouveau « risque » que lui fait courir le voyageur, celui des suicides. Le suicide revient dans tous les interviews de conducteurs. Il est l’aboutissement ultime d’une somme d’appréhensions, de frayeurs et d’angoisses ressenties à chaque course. La croissance continue des suicides dans le métro depuis les années soixante-dix, le silence institutionnel autour de ce phénomène laissent le conducteur seul face à son angoisse et à sa « culpabilité », dont il ne peut se défaire aussi facilement que l’institution. Le conducteur est mis en situation d’assister (à) la mort de l’autre.
50Plus qu’un moyen de rompre l’ennui et la monotonie du travail ou d’avoir l’impression d’être utile, l’usage de la CMC ou du PA correspond à la manière dont les conducteurs vont tenter d’être actifs dans ce rapport aux voyageurs.
51Les conflits du 20 décembre 1985 et de Noël 1986 vont exprimer cette transformation du rapport aux usagers. Le 19 décembre 1985, un conducteur de la ligne A du RER est condamné par le tribunal d’instance de Meaux à six mois de prison avec sursis et trois mille francs d’amende suite à un accident ayant entraîné la mort d’un voyageur, en novembre 1984. Le 20 décembre, la grève prévue sur la ligne A du RER s’étend à la ligne B, puis, au cours de la matinée, à l’ensemble du réseau urbain, bloquant par surprise tout le monde le jour des départs en vacances. Grève sauvage, spontanée, qui ne se portera pas contre la décision du justice mais contre la position de la Direction, qui avait considéré que le conducteur était fautif et n’avait pas estimé devoir assumer sa défense. La solidarité forte de tous les conducteurs exprimait que le rapport à la mort d’un voyageur était une part constitutive de leur nouvelle professionnalité dont la Direction ne pouvait se dégager derrière le flou de la réglementation. La « note de commentaire » du 20 août 1985, donc postérieure à l’accident mortel de 1984, qui indiquait que le conducteur doit commander la fermeture des portes sans tenir compte des personnes qui tentent de monter ou de descendre après le déclenchement du vibreur, est suspendue. La RATP fera appel du jugement et se limitera, pour les sanctions internes, à la décision des prud’hommes. Pour clore le conflit, la RATP n’effectuera pas de retenue sur salaire pour les grévistes. Mais la situation reste inchangée, car on revient à la réglementation en vigueur au moment de l’accident, où il n’est plus dit qu’il faut « forcer » la fermeture des portières ; le flou demeure, car le conducteur doit, au moment du départ du quai, « exercer en même temps, dans la mesure du possible, une surveillance visuelle et auditive très attentive ».
52Le conflit de Noël 1986 (Foot 1987) va se dérouler de manière inédite quand à la période choisie pour le mener. C’est la première fois qu’une grève du métro est planifiée pendant les vacances de Noël. L’usager comme travailleur disparaît, c’est l’usager consommateur qui est visé exclusivement.
53Le maintien du SAT sur une longue période, alors que tout ce qui constituait le conducteur comme groupe a disparu, peut se comprendre du fait de l’émergence du voyageur sur la voie.
54La direction de la RATP et du métro n’a pas su exprimer non plus ce rapport dramatique autrement qu’à travers ses choix d’automatisation du métro. Longtemps débattu, le projet d’automatisation intégrale du mouvement des trains (AIMT) ou de métro sans conducteur est venu buter sur ce rapport au voyageur par la question de l’instauration d’une frontière étanche entre le quai et la voie. Outre les problèmes de pénétration intempestive sur la voie (jeunes, clochards et pickpockets), c’est aussi la question de l’accident et du suicide qui se trouve finalement posée et résolue par la mise en place de portes palières, comme dans le métro lillois du Val, dans le projet METEOR. Comment, en effet, assumer la responsabilité de la mort d’un voyageur, qu’il s’agisse d’un suicide ou d’un accident, si ce sont des automates qui en sont les acteurs ?
Vers plus de complexité
55Notre plus grande difficulté, lors de ce voyage dans le métropolitain, a été de nous prémunir de la très forte prégnance des images construites, tant du côté officiel sur la modernisation du métro que d’un point de vue plus officieux sur « l’imagerie » du métro.
56Le premier point d’appui, dans cette démarche, est la certitude que le travail et la production ne peuvent s’enfermer dans les lieux clos de leur réalisation, que l’on doit impérativement réintroduire l’objet même qui les anime, ici le transport de voyageurs, afin qu’une tension forte puisse être maintenue entre nos a priori théorique et méthodologique et le « terrain ». L’objet produit joue, en quelque sorte, le rôle du tiers qui permet que le face à face ne devienne pas un enfermement mais une dynamique (Durieux 1990 : 4).
57De plus, si nous ne sommes pas persuadé que les formes techniques (machines et système de gestion) et salariales (représentation syndicale et salariale) expriment les rapports sociaux, nous sommes, par contre, convaincu qu’elles ne doivent pas être contournées dans la recherche, mais être prises au sérieux comme des formes issues de processus sociaux qui apparaissent, à un moment donné, sous une forme dure, ne disant plus rien du social, mais réarticulant sans cesse les mémoires et les pratiques, pour reprendre une idée de Bruno Latour.
58C’est par la confrontation des formes et des mouvements, de l’apparent et de l’intime, de l’exotérique et de l’ésotérique (Lipietz 1983), que l’on peut tenter d’analyser les différentes régulations d’un système social qui parviennent à le reproduire tout en assumant sa transformation.
59En ce sens, nous partageons l’idée de Roland Barthes, mise en exergue par Christian Morel (1981) :
Que ce soit en sciences, en économie, en linguistique, en sociologie, la tâche actuelle est moins d’assurer des principes simples que de pouvoir décrire des enchevêtrements, des relais, des retours, des ajouts, des exceptions, des paradoxes, des ruses : tâche qui devient très vite combative, puisqu’elle s’attaque à une force désormais réactionnaire : la réduction.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le triangle du XIVe
Des nouveaux habitants dans un vieux quartier de Paris
Sabine Chalvon-Demersay
1984
Les fruits de la vigne
Représentations de l’environnement naturel en Languedoc
Christiane Amiel
1985
La foi des charbonniers
Les mineurs dans la Bataille du charbon 1945-1947
Evelyne Desbois, Yves Jeanneau et Bruno Mattéi
1986
L’herbe qui renouvelle
Un aspect de la médecine traditionnelle en Haute-Provence
Pierre Lieutaghi
1986
Ethnologies en miroir
La France et les pays de langue allemande
Isac Chiva et Utz Jeggle (dir.)
1987
Des sauvages en Occident
Les cultures tauromachiques en Camargue et en Andalousie
Frédéric Saumade
1994