2.1. L’occupation Villeneuve‑Saint‑Germain sur le site de Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis (Oise)
2.1 Villeneuve‑Saint‑Germain occupation at the site of Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis (Oise)
p. 26‑40
Résumés
Le site de La Butte de Rhuis II à Longueil‑Sainte‑Marie (Oise) a livré deux fosses datées de la deuxième phase du Villeneuve‑Saint‑Germain. L’excellente conservation de la céramique autorise une étude détaillée des techniques de fabrication et de décoration des récipients. Au sein de l’industrie lithique, on distingue deux productions réalisées sur des silex différents et conduites selon des schémas techniques radicalement distincts. Les types d’outils diffèrent selon la nature des produits qui leur servent de supports et, en conséquence, selon le matériau. L’étude de ce site complète nos informations sur le Néolithique ancien de la moyenne vallée de l’Oise.
The site of La Butte de Rhuis II at Longueil‑Sainte‑Marie (Oise) has revealed two pits dating from the second stage of the V.S.G. period. The excellent state of preservation of the ceramic allows a detailed study of the fabrication and decoration techniques. Amongst the artifacts of the lithic industry, we can distinguish two different types of production according to the nature of the flints and the technical approaches which are undoubtedly distinct. The types of tools differ according to the nature of their mounts, and subsequently, to the material used. The study of this site adds to our knowledge of the Ancient Neolithic of the mid‑valley of the river Oise.
Texte intégral
1Dans le cadre d’un programme mis en place par le Centre de recherche archéologique de la vallée de l’Oise, toutes les carrières de granulats situées entre Compiègne et Pont‑Sainte‑Maxence font l’objet d’une surveillance archéologique régulière. Un décapage d’une superficie totale d’environ 6 000 m2 réalisé à Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis II (fig. 9) a permis la mise au jour de deux fosses Villeneuve‑Saint‑Germain et d’une trentaine d’autres structures attribuées au premier âge du Fer. La poursuite des décapages, sur une superficie de 1,5 ha a permis de constater l’extension de l’occupation protohistorique. En revanche, les deux structures néolithiques demeurent isolées. Le site se trouve sur une légère éminence de sables alluviaux qui domine la plaine alluviale de l’Oise. Le cours actuel de la rivière se trouve à 400 m au sud du sommet de cette butte. A une cinquantaine de mètres au nord du site, une tranchée effectuée lors des décapages a recoupé un chenal fossile qu’une dépression dans le paysage avait permis de repérer en surface. L’étude environnementale a été confiée à J.‑F. Pastre (université Pierre‑et‑Marie‑Curie) pour la géologie, P. Gadiolet (université de Lyon III) pour la sédimentologie et à C. Leroyer (Centre national de Préhistoire) pour la palynologie. Les données de ces études ont fait l’objet d’un premier article publié dans le cadre du rapport d’activité annuel du programme de la vallée de l’Oise (Prodéo et al. 1990). Elles ne seront donc pas reprises ici. Il en est de même pour l’analyse complète de la faune réalisée par R.‑M. Arbogast, de l’étude de l’industrie osseuse (5 poinçons, 2 dents de Sanglier) et de la parure (22 fragments de bracelets en schiste). Aussi, après un bref rappel concernant le descriptif des deux fosses, l’objet du présent article est l’exposé détaillé du matériel céramique et lithique, tant du point de vue typologique que technologique.

FIG. 9 – Localisation du site et des autres sites rubanés et post‑rubanés de la moyenne vallée de l’Oise. 1 Trosly‑Breuil/Les Obeaux ; 2 Compiègne ; 3 La Croix‑Saint‑Ouen/La Prairie ; 4 Longueil‑Sainte‑Marie/Le Champ des Morts ; 5 Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis ; 6 Verberie/ Les Brouillards ; 7 Pontpoint/Moru ; 8 Pontpoint/Le Joncoy ; 9 Pont‑Sainte‑Maxence/Le Grand Bosquet ; 10 Verneuil‑en‑Halatte/Le Colombier ; 11 Villers‑sous‑Saint‑Leu/Le Martray.
2.1.1 Les structures néolithiques
2Les deux fosses se présentent sous forme de deux traces noires allongées, aux formes irrégulières. Elles sont orientées selon un axe est‑ouest. Des remontages entre du matériel céramique et lithique provenant des deux fosses attestent leur contemporanéité.
La fosse 1
3Fig. 10, no 1
4La stratigraphie de la fosse 1 s’établit comme suit :
– couche 1 : la première étape de comblement de cette structure est constituée de paquets sableux jaunes, correspondant probablement à un premier effondrement des parois ;
– couche 2 : la deuxième couche est constituée d’un sédiment argilo‑sableux brun foncé, contenant d’abondants fragments de torchis brûlé et un peu de mobilier archéologique ;
– couche 3 : la couche 2 est recouverte d’une couche sableuse, de couleur brun clair, recelant un peu de mobilier archéologique ;
– couche 4 : c’est dans cette couche noire, argileuse et très charbonneuse que fut recueillie la majeure partie du mobilier archéologique ;
– couche 5 : le reste de la fosse est comblé d’un sédiment sableux très noir ne contenant que très peu de vestiges.
5La dissymétrie de la stratigraphie de cette fosse est remarquable : les couches 2, 3 et 4 accusent un pendage prononcé nord‑sud.

FIG. 10 - Stratigraphie des fosses : 1 fosse 1 ; 2 fosse 7.
La fosse 7
6Fig. 10, no 2
7Sa stratigraphie est plus simple que celle de la fosse 1, dans la mesure où il n’existe pas d’équivalent aux couches 2 et 4 dans son remplissage. En revanche, les couches 1, 3 et 5 présentent les mêmes caractéristiques que dans l’autre fosse. Comme dans la fosse 1, on peut observer une dissymétrie dans la stratigraphie de cette structure. La couche 3, contenant la plus grande partie du mobilier, présente un pendage sud‑nord assez marqué. Les deux fosses sont distantes de neuf mètres. Bien qu’aucun trou de poteau n’ait été mis au jour, il est possible que cet intervalle ait été occupé par une maison dont ces structures constitueraient les fosses latérales de construction. Leur orientation et leur stratigraphie dissymétrique en sont des indices supplémentaires (Coudart 1982).
2.1.2 Étude de la céramique
Terminologie
8La terminologie utilisée pour l’étude de l’ensemble céramique livré par le site de Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis II est fondée sur les travaux de H. Balfet (Balfet et al. 1989). Elle s’organise de la manière suivante (abréviations : D = diamètre, O = ouverture, H = hauteur, m = minimum, M = maximum) :
9– A. formes ouvertes (FO) : DO = DM :
A.1. Bol : 5 cm ˂DO˂ 18 cm et 1,5 x H ˂DO˂ 2,5 x H ;
A. 1.1 Micro‑bol (M.‑Bol) : DO ˂5 cm ;
A.1.2. Bassin : DO≥ 24 cm ;
A.2. gobelet (Gob.) : DO 1,5 x H ;
A.2.1. tasse : présence d’une anse ;
A. 2.2. micro‑gobelet (M.‑Gob.) : DO˂7 cm ;
10– B. formes fermées (FF) : DO <DM :
B.1. pot : H ˂22 cm et Dm ≽ 0,5 x DM et DO ˂H˂ 2 x DO et Dm ˂3/4 x DM ;
B. 1.1. pot à bord rentrant (PBR) : Dm = DO ;
B. 1.2. pot à bord droit (PBD) : Dm = DO et présence d’un Dm sous DO ;
B. 1.3. pot à bord évasé (PBE) : DO≥ Dm et DO ˂DM ;
B.1.4. jarre : 2 x DO ˂H ˂3 x DO et Dm≥ 3/4 x DM ;
B.2. bouteille (Bout.) : Dm ˂0,5 x DM.
11Les abréviations entre parenthèses sont utilisées dans l’approche descriptive ci‑après.
Étude céramique
12Des recollages inter‑fosses, autant sur le matériel céramique que sur l’industrie lithique, assurent la contemporanéité absolue des deux fosses : c’est pourquoi une étude globale des vestiges nous a paru opportune. Le décompte des individus céramiques s’élève à environ 110 dont 70 sont dessinables (20 individus ne sont pas figurés).
Les formes
1370 individus dessinables.
Formes fermées
1453 individus (16 individus non figurés). 1 PBD (fig. 13, no 5) ; 19 PBR (fig. 12, no 2 ; fig. 13, nos 2, 4, 6 ; fig. 14, nos 3 à 5 ; fig. 15, nos 1 et 2 ; fig. 16, no 1 ; fig. 17, nos 3, 7, 8, 12 ; fig. 18, no 2 ; 4 ind. non figurés); 7 PBE (fig. 13, nos 1, 3; fig. 17, nos 9, 11 et 14 ; 2 individus non figurés) ; 19 pots indéterminés (fig. 16, nos 2 à 5 ; fig. 17, nos 2, 4, 13 et 18 ; fig. 18, no 1 ; 10 individus non figurés) ; 5 bouteilles (fig. 11 ; fig. 17, no 1) ; 2 jarres (fig. 12, nos 1 et 3).
Formes ouvertes
155 individus (2 individus non figurés). 2 bassins (fig. 17, no 5 ; 1 individu non figuré) ; 1 bol (non figuré) ; 1 micro‑bol (fig. 14, no 2) ; 1 micro‑gobelet (fig. 14, no 1).
Formes indéterminées
1612 individus dont 2 non figurés (fig. 16, no 6 ; fig. 17, nos 6, 10, 15 à 17, 19 à 21).

FIG. 11 – Formes de type bouteille.

FIG. 12 – 1 et 3 jarres ; 2 pots à bords rentrants.

FIG. 13 – 1 et 3 pots à bord évasé ; 2, 4 et 6 pots à bord rentrant ; 5 pot à bord droit.

FIG. 14 – 1 micro‑gobelet ; 2 micro‑bol ; 3 à 5 pots à bord rentrant.

FIG. 15 – Pots à bord rentrant.
Les décors
Décors plastiques
177 individus dont 1 non figuré : 1 pot indéterminé (non figuré) : boutons sur la panse ; 1 PBR (fig. 13, no 4) : boutons sur la panse ; 1 forme indéterminée (fig. 17, no 21) : bouton sur la panse ; 1 bouteille (fig. 11, no 1) : boutons jumelés sous le bord, 1 PBR (fig. 14, no 3) : boutons jumelés sous le bord ; 1 forme indéterminée (fig. 17, no 10) : boutons jumelés sous le bord ; 1 forme indéterminée (fig. 17, no 17) : cordons en V au‑dessus des anses.
Décors modelés
183 individus dont 1 non figuré : 1 forme indéterminée (fig. 17, no 19) : cordon modelé en spirale ; 1 micro‑gobelet (fig. 14, no 1) : série de boutons sur la panse de manière couvrante ; 1 pot indéterminé (non figuré) : boutons jumelés verticalement sur la panse.
Décors imprimés
1914 individus dont 3 non figurés : 1 jarre (fig. 12, no 1) : impressions irrégulièrement espacées réalisées avec une baguette à section sub‑triangulaire sous le bord ; 1 bassin (non figuré) : idem ; 1 forme indéterminée (fig. 17, no 20) : impressions digitées en V au‑dessus des anses ; 1 forme indéterminée (fig. 17, no 10) : impressions digitées en V au‑dessus des anses et atteignant un bouton sous le bord ; 3 formes indéterminées (fig. 17, nos 15 et 16) ; 1 individu non figuré : une bande d’impressions au doigt sous le bord ; 1 PBE (non figuré) : impressions à l’ongle formant un bord encoché ; 1 PBR (fig. 15, no 2) : impressions pivotantes au peigne à trois dents formant un décor complexe, ce décor est constitué d’une part de triangles orientés pointe en haut sous le bord du vase et d’autre part de panneaux remplis de bandes horizontales ; 1 pot indéterminé (fig. 16, no 3) : impressions séparées au peigne à quatre dents formant des triangles pointe en haut sous le bord, soulignés d’une bande selon la même technique ; 1 forme indéterminée (fig. 16, no 6) : quatre bandes horizontales d’impressions séparées au peigne à quatre dents ; 1 forme indéterminée (fig. 16, nos 4 et 5) : bandes horizontales d’impressions séparées au peigne à quatre dents, le peigne a été alternativement imprimé horizontalement et verticalement., cette technique donne un effet de damier au décor ; 1 PBR (fig. 15, no 1) : décor complexe réalisé selon la technique de l’impression pivotante au peigne à cinq dents et composé de triangles pointes en haut sous le bord, de bandes horizontales sous les anses et de bandes curvilignes, ce décor s’organise autour des anses ; 1 PBR (fig. 16, no 1) : impressions pivotantes au peigne à huit dents, décor complexe consistant en plusieurs panneaux où l’on trouve les anses et des petites bandes s’organisant autour de celles‑ci, les panneaux sont accrochés à deux bandes horizontales qui soulignent une bande de triangles.

FIG. 16 – 1 pot à bord rentrant ; 2 à 5 pots indéterminé 6 forme indéterminée.

FIG. 17 – 1 bouteille ; 2, 4, 13, 18 pots indéterminés ; 3, 7, 8, 12 pots à bord rentrant ; 5 bassin ; 6, 10, 15 à 17 et 19 à 21 formes indéterminées ; 9 pot à bord droit ; 11 et 14 pots à bord évasé.
Décors incisés
203 individus : 1 PBR (fig. 16, no 1) : triangles pointe en bas remplis de hachures orthogonales ; 2 pots indéterminés (fig. 16, nos 2 et 3) : bord encoché.
Les dégraissants
21L’examen des 110 individus de la série de La Butte de Rhuis a permis de reconnaître 5 types de dégraissants. Le dégraissant le plus fréquent est le sable plus ou moins fin que l’on retrouve sur 53 individus. La coquille arrive ensuite, par ordre de représentation, avec 45 individus. Puis on compte 7 individus dégraissés à l’os, 3 dégraissés à la chamotte et 2 dégraissés à l’aide de silex pilés.
Les éléments de préhension
22Fig. 18
23Les 31 éléments de préhension mis au jour dans les fosses de La Butte de Rhuis II ont une longueur comprise entre 24 et 65 mm, pour une largeur variant entre 8 et 24 mm.

FIG. 18 – Les éléments de préhension. 1 pot indéterminé : 2 pot à bord rentrant.
Étude technologique de la céramique
24La conservation exceptionnelle du mobilier a permis d’observer des traces de fabrication sur la plupart des tessons mis au jour. Il s’agit soit de traces de lissage sur la face interne ou externe, soit de la marque des raccords de colombins, visible sur la partie interne. Bien que la quasi‑totalité des tessons se prête à de telles observations, c’est sur les formes complètes qu’elles sont les plus intéressantes car elles permettent de reconstituer l’enchaînement des gestes de l’artisan potier. En effet, il est possible de reconstituer une partie de la chaîne opératoire de la fabrication de la céramique, en étudiant l’organisation des traces et leur position par rapport aux décors. Parmi les 20 formes complètes disponibles, 11 ont autorisé une telle étude. Huit sont des formes sub‑sphériques, dont deux portent un décor au peigne et deux autres un décor plastique. Les trois autres formes sont de type bouteille.
Les traces sur les bouteilles
25Fig. 19, nos 1 et 2
26Le lissage effectué sur les bouteilles n’est que très sommaire sur les parois extérieures, sauf autour des éléments de préhension où il peut s’expliquer par la nécessité de souder cet élément au corps du vase. En revanche, le lissage des faces internes est très soigné. Il a probablement été effectué avec un lissoir large en os ou en pierre. Les traces décrivent des bandes sub‑horizontales au niveau de la panse et du col et des bandes sub‑horizontales au niveau de l’étranglement. Dans un cas, un coup de lissoir donné sur la lèvre a provoqué un léger bourrelet rentrant.

FIG. 19 – Observations technologiques sur la céramique.
27Certains tessons portent sur leur face interne, des dépôts calcaires peut‑être liés à l’évaporation de l’eau. Si la fonction de ce type de vase est en rapport avec le stockage ou le transport de l’eau, la destination d’un lissage soigné sur la face interne pourrait être de diminuer la porosité de la céramique.
Les traces sur les formes sub‑sphériques
28Fig. 19, nos 3 à 10
29Les traces sur les formes sub‑sphériques non ornées ont pu être observées dans quatre cas. Dans trois cas, elles consistent en une série de bandes en arc de cercle partant du fond du vase et remontant vers le col (fig. 19, nos 4, 5, 7), dans un cas, ces bandes sont horizontales (fig. 19, no 3). L’instrument utilisé est plus fin que pour les bouteilles. Sur deux individus, un lissage interne a pu être observé (fig. 19, nos 3, 5). Sur une des formes, un bourrelet rentrant, visible sur la lèvre est le résultat d’un coup de lissoir.
30Dans le cas des formes portant un décor plastique, les mêmes traces en arc de cercle sont visibles sur la paroi des vases. Un examen plus rapproché permet de remarquer que les traces de lissage passent sous les boutons rapportés. Dans les deux cas observés, l’application des boutons a été pratiquée après le lissage de la céramique (fig. 19, nos 6, 8). Dans un cas, un bourrelet dirigé vers l’extérieur a été occasionné par un coup de lissoir sur la lèvre.
31Deux des trois formes complètes, décorées d’impressions au peigne ont pu faire l’objet d’observations. Dans le cas du vase dont le décor s’organise en panneaux, on peut tout d’abord remarquer que la réalisation du décor de triangles incisés sous le bord a été pratiquée dans la pâte relativement fraîche, comme en témoigne la profondeur des incisions, tandis que les bandes au peigne ont été faites dans une pâte nettement plus sèche. Sur toute la surface observée, les traces de lissage s’organisent entre les bandes de décor (fig. 19, no 10). Il en est de même pour l’autre forme décorée au peigne (fig. 19, no 9). On peut donc en conclure, pour les formes observées ainsi que pour les autres tessons isolés décorés au peigne, que la céramique a d’abord été décorée, puis finement lissée. Sur un corpus aussi faible, de telles observations peuvent paraître anecdotiques. Une telle démarche ne constitue alors qu’un exercice méthodologique. Cependant, dans le cas d’un corpus plus important, on pourrait envisager de suivre la même démarche dans plusieurs buts. La première étape consisterait à tenter de recenser toutes les traces susceptibles d’être interprétées comme des manies de potier, dans le but de reconnaître la main de certains artisans. Une telle démarche a déjà été suivie avec succès par P. Pétrequin dans son étude de la céramique des niveaux du Bronze final de la grotte des Planches‑près‑Arbois (Pétrequin et al. 1985) et de la céramique du site néolithique final de Chalain 2C (Pétrequin 1989). Le coup de lissoir donné sur la lèvre, la manière de lisser l’intérieur d’un vase, de sceller une anse, de réaliser tel ou tel type de décor sont autant de ces « caractères discrets » qui pourraient permettre d’individualiser des artisans. Des tests expérimentaux et des observations ethnographiques devraient permettre de contrôler la valeur individualisatrice de ces caractères.
Datation
32L’importance relative du corpus céramique permet de tenter une attribution chronologique fine. Elle se fonde sur la définition que C. Constantin propose pour le Villeneuve‑Saint‑Germain (Constantin 1985, 1986 ; Constantin, Demoule 1982). On remarque en premier lieu, l’absence totale des décors en « arêtes de poisson », abondants dans la phase ancienne du Villeneuve‑Saint‑Germain. La technique décorative la plus représentée dans ce corpus est la technique de l’impression au peigne, soit pivotante, soit séparée. Des peignes à 3, 4, 5 et 8 dents ont été utilisés. C’est dans la deuxième phase de la périodisation interne du Villeneuve‑Saint‑Germain que cette technique est la mieux représentée. On sait par ailleurs qu’au cours de l’évolution du Villeneuve‑Saint‑Germain, il existe une tendance à l’augmentation du nombre de dente sur les peignes. Les cordons en V partant des anses et allant vers le bord ne sont représentés que par trois tessons isolés. Deux utilisent la technique du pincement à l’ongle, le dernier est matérialisé par un cordon rapporté. Enfin, les impressions au poinçon de gros diamètre sont absentes. L’absence de décors en arêtes de poissons, l’abondance des impressions au peigne, la rareté des cordons en V reliant une anse au bord et l’absence des impressions au gros poinçon permettent d’attribuer les fosses du site de Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis à la deuxième phase du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain.
2.1.3 L’industrie lithique
33Les deux fosses contenaient environ 30 kg de silex se répartissant en près de 3 000 produits. Presque 80 % des vestiges (en poids et en nombre) proviennent de la fosse 1. Dans les deux structures, la répartition spatiale et stratigraphique du matériel lithique suit celle des autres témoins. Des raccords ont été effectués entre des produits provenant des deux ensembles. Ils établissent la contemporanéité des deux fosses mais ne permettent pas d’affirmer que leurs comblements ont été simultanés. La composition du matériel lithique des deux fosses est pratiquement identique. Comme les deux structures sont contemporaines, une étude globale de l’industrie nous a paru justifiée.
La matière première
34Le classement du matériel selon des critères visuels macrocospiques permet de distinguer deux grands types de matériaux. Un silex d’origine secondaire et de provenance sans doute locale a fourni 90 % des produits. Un léger voile de patine blanche s’est développé sur la plupart des pièces et masque leur couleur naturelle qui varie du bleu foncé au gris soutenu. Ce silex devait se présenter à l’origine sous forme de galets globuleux de taille réduite, dont la plus grande dimension n’excédait sans doute jamais 15 cm. Ces blocs contiennent parfois de petites cavités et souvent des fissures provoquées par le gel qui ont gravement compromis la qualité du débitage. Ces galets ont un cortex peu épais ; certains ont un aspect franchement « roulé », la plupart sont seulement « lavés » et portent encore souvent de petits résidus crayeux. Signalons que cet aspect est tout à fait compatible avec l’hypothèse d’un transport alluvial ; cela n’exclut pas non plus une origine dans des dépôts de pente. Quoi qu’il en soit, et si l’on en juge aussi d’après l’aspect patiné de toutes les surfaces de cassures naturelles, il paraît certain que ce matériau a été ramassé en position géologique remaniée. L’étude de l’économie du débitage nous conduit à penser que ce silex a été rapporté des environs immédiats du site. A quelques centaines de mètres en effet, dans des bancs de graviers de la nappe weichselienne découverts par le cours de l’Oise post‑glaciaire, les Néolithiques avaient à leur disposition des blocs de qualité médiocre mais dont la quantité jamais épuisée pouvait satisfaire les besoins d’une production dispendieuse (cf. infra). Il restera à confirmer ces hypothèses par des prospections systématiques. Le reste du matériel (environ 10 %) a été débité dans un silex brun portant une patine très développée. Le cortex visible sur quelques pièces est assez épais et très crayeux. Les remontages ne sont pas assez complets pour nous fournir des indications sur la forme originelle des blocs. Ce matériau au grain parfois très épais mais très homogène présente une bonne aptitude à la taille. Il s’agit d’un silex d’origine tertiaire qui provient sans doute des bancs du Bartonien moyen, dont les affleurements les plus proches ont été repérés sur le plateau du Valois, à environ une dizaine de kilomètres. Les deux types de silex ont subi un traitement radicalement différent aussi bien lors du débitage que lors du façonnage des produits en outils.
L’économie du débitage
Le traitement du silex secondaire
35On a retrouvé dans les deux fosses environ 2 700 produits en silex secondaire (81 % proviennent de la fosse 1). L’étude descriptive du matériel a permis de distinguer deux modes distincts de ce silex. Les remontages qui ont pu être réalisés ont confirmé ce diagnostic (fig. 20). La quasi‑totalité des produits en silex secondaire a été extraite au percuteur dur suivant un schéma non laminaire. Ces éclats mesurent entre 4 et 6 cm de longueur pour 3 à 4 cm de largeur et présentent souvent des surfaces corticales (62 %). 64 % d’entre eux portent des talons lisses très larges, 26 % des talons corticaux et 10 % des talons dièdres ou facettés, qui ne sont jamais intentionnels, mais le résultat fortuit de l’intersection de plusieurs enlèvements. Les débris sont très nombreux (29 % au total). Ils résultent d’accidents provoqués par les nombreuses fissures naturelles des blocs et par le mode de débitage. Les quelques remontages qui ont pu être réalisés à partir de ces produits permettent de reconstituer des schémas opératoires extrêmement simplifiés (fig. 21). Souvent comme en témoigne le nombre des talons corticaux, le tailleur a frappé sur des surfaces brutes. Dans quelques cas, lorsque l’angulation n’était pas favorable, un plan de frappe a été sommairement aménagé par un seul enlèvement. Le plan de frappe n’a apparemment pas été entretenu au cours du débitage : les corniches n’ont pas été abrasées régulièrement, ce qui a contraint en général le tailleur à taper loin du bord et à sacrifier de la matière première. Aucun témoin d’aménagement de crête n’a été retrouvé ; seules les convexités naturelles ont été mises à contribution pour conduire le débitage. Lorsque sont apparus des problèmes de convexité ou d’angulation, la solution qui a été retenue dans la plupart des cas a consisté à choisir d’autres directions de débitage. Dans leur état d’exhaustion, les nucléus qui résultent de ce mode de débitage présentent toujours des négatifs d’enlèvements multidirectionnels. Certaines pièces portent des points d’impact répétés à des endroits où l’angulation n’était pas favorable.
36Fréquemment, les surfaces de débitage ont été défigurées par des réfléchissements successifs. Ces marques d’acharnement témoignent bien souvent d’un défaut d’attention ou de prévision. La finalité de cette production reste difficile à saisir. Apparemment, la sélection des blocs n’a pas été très rigoureuse si l’on en juge d’après leur qualité très inégale. Les mauvais blocs ont été aussi débités alors que certains offraient des signes apparents de leurs défauts. Il semble que ce soit la quantité et la rapidité d’exécution qui aient été recherchées plutôt que la standardisation des produits. Il faut noter que cette production est totalement distincte de la production laminaire, tant par sa finalité que par l’absence totale de certains procédés (entretien des angulations et des convexités, aménagements du point d’impact par abrasion etc.) qui font partie des ressources techniques usuelles du tailleur de lames. Plus encore, il semble que le concept de prédétermination lui‑même soit étranger à ce schéma opératoire. Il est probable que le but de cette production ait été de constituer à moindre frais un stock important de produits de modules très variés, dans lequel on pouvait prélever des pièces pour les utiliser brutes ou en faire des supports d’outils.

FIG. 20 – Nature du débitage par type de matière première, a silex secondaire ; b silex tertiaire.

FIG. 21 – Remontages. 1 sur silex tertiaire ; 2 sur silex secondaire
37Par ailleurs, on notera que plusieurs nucléus à éclats ont pu avoir une fonction secondaire : un certain nombre ont été peut‑être façonnés en polyèdres (cf. infra), d’autres ont été utilisés comme « percuteurs ». Quelques rares pièces (61 soit 2 % de la production totale) peuvent être considérées comme des produits laminaires (fig. 22, nos 4 à 6). Les pièces définies comme telles le sont par leur module mais surtout par des caractéristiques techniques (préparation du talon, régularité des nervures...), qui prouvent l’intentionnalité de l’extraction laminaire et sa récurrence. En général, à l’exception de quelques pièces dont l’allongement est anecdotique, les critères dimensionnels et techniques se recouvrent lorsque l’on est réellement dans un schéma d’exploitation laminaire. Les deux fosses ont fourni en outre trois nucléus à lames ‑ dont un a été utilisé ensuite comme percuteur ‑ et de très rares éclats pouvant être interprétés comme des sous‑produits d’une séquence de réduction laminaire.

FIG. 22 – Production laminaire. 1 à 3 en silex tertiaire ; 4 à 6 en silex secondaire.
38Les produits laminaires sont en général assez courts (moyenne = 48,30 mm ; coefficient de variation = 0,30) et étroits (moyenne = 17,73 mm ; coefficient de variation = 0,28). Ce sont surtout des produits de plein débitage assez réguliers (fig. 22, nos 4 à 6). La plupart des talons (80 %) sont lisses et presque toujours abrasés ; ils sont fréquemment étroits (26 % peuvent être considérés comme des talons punctiformes). Dans certains cas, on constate un esquillement du bord de plan de frappe qui dégage la zone du point d’impact. La morphologie des talons et les caractéristiques des faces inférieures (bulbes diffus, lèvres saillantes) laissent penser que ces produits ont été extraits à la percussion tendre, sans doute la plupart du temps directe.
39L’échantillon comporte une lame sous crête assez longue, probablement détachée au début du débitage. Deux autres pièces plus courtes portent des crêtes partielles à un versant, aménagées en cours du débitage. Sur un nucléus, enfin, une crête latérale partielle a été installée en fin d’exploitation, sans doute pour restaurer le cintrage de la surface laminaire. L’usage des crêtes dans les phases de mise en forme et de réaménagement est donc attesté mais il n’est pas systématique. Pour préparer un des nucléus, l’artisan s’est contenté de dégager un plan de frappe et il a profité ensuite des convexités naturelles sans les aménager (fig. 23). Le débitage a dû s’interrompre très vite en raison d’un mauvais carénage ; le bloc, pourtant de bonne qualité, a été abandonné alors qu’il présentait encore un bon potentiel laminaire, à condition de sacrifier de la matière première. Un certain défaut de prévision apparaît aussi sur un deuxième bloc, où l’aménagement d’une crête grossière avait presque totalement défiguré la surface laminaire avant que le tailleur n’eût extrait un produit convenable sur l’un des flancs (fig. 24). Dans l’un et l’autre cas, aucun souci d’économie de la matière première n’apparaît ; il semble qu’un certain opportunisme ait surtout prévalu.

FIG. 23 – Nucléus à lames en silex secondaire.

FIG. 24 – Nucléus à lame en silex secondaire réutilisé en percuteur.
Le traitement du silex tertiaire
40Les deux fosses ont fourni 285 produits en silex tertiaire (79 % du matériel provient de la fosse 1). La plupart de ces produits sont les témoins d’une exploitation laminaire. Aucun nucléus à lames en silex tertiaire n’a été retrouvé mais on peut estimer que plusieurs blocs ont été exploités. On trouve 144 lames ou fragments de lames au sens strict et 116 éclats qui peuvent être considérés comme les déchets de cette production. Ces derniers sont surtout abondants dans la fosse 1 où ils représentent 48 % du matériel tertiaire. Ce sont essentiellement des produits de préparation ou de réaménagement, rarement corticaux, la plupart du temps détachés au percuteur tendre. Parmi eux il y a peu d’éclats de réfection de plans de frappe, mais un certain nombre de produits d’aménagement de crêtes. De toute évidence, toutes les étapes de la chaîne opératoire sont présentes, mais dans des proportions inégales. La faiblesse du nombre des raccords qui ont pu être réalisés, malgré des essais systématiques, plaide aussi en faveur d’une assez forte hétérogénéité de l’échantillon.
41Les lames sont assez longues (moyenne = 60 mm ; coefficient de variation = 0,30 mm) et larges (moyenne = 20 mm ; coefficient de variation = 0,24 mm). Ce sont pour la plupart des produits réguliers, de faible courbure qui présentent souvent deux nervures et qui portent peu de cortex (fig. 22, nos 1 à 3). A l’exception de huit lames sous crête, ces produits sont caractéristiques du plein débitage. Ils paraissent tous avoir été détachés au percuteur tendre. 62 % des talons sont lisses, la plupart du temps larges et peu épais et souvent légèrement concaves. Dans l’ensemble, les talons abrasés sont très nombreux (52 %). Cette technique a surtout été utilisée pour réduire le surplomb formé par la corniche et apparemment pas pour dégager le point de percussion. Beaucoup de lames portent un bulbe bien développé et relativement court. Un certain nombre de critères nous conduisent donc à penser que l’emploi de la percussion indirecte a pu être fréquent. Cela n’exclut pas néanmoins le recours à la percussion directe pour certaines lames dont les talons dièdres ou facettés possèdent des arêtes proéminentes, peu propices à l’usage du punch. Bien que beaucoup de produits soient très réguliers, aucune évidence d’emploi de la pression n’a pu être constatée.
42L’absence de nucléus et la faiblesse des remontages rendent difficile la reconstitution des chaînes opératoires. Sur certains produits toutefois, on peut en lire quelques étapes. Des crêtes soignées à deux versants ont été utilisées pour la mise en forme. Des enlèvements détachés à partir des flancs ont permis de restaurer les surfaces laminaires. Il semble que d’un bout à l’autre de l’exploitation, toutes les opérations de mise en forme, de débitage proprement dit et de réaménagement aient été soigneusement contrôlées.
43Un autre mode de débitage est attesté sur le silex tertiaire. Un gros éclat épais de forme semi‑circulaire (11 cm/11 cm/4 cm) extrait au percuteur dur a été débité dans un plan perpendiculaire à celui de son détachement (fig. 21, no 1). Le matériau étant très caractéristique, nous avons pu en effectuer un remontage presque exhaustif. 21 éclats provenant de la fosse 1 ont pu être raccordés et laissent subsister quelques vides impossibles à combler. Aucune mise en forme préalable n’a été réalisée : la face inférieure brute de l’éclat a servi de plan de frappe et les surfaces de débitage ont été installées aux dépens des convexités naturelles de la face supérieure. Les éclats ont été détachés au percuteur dur en quatre rangs périphériques successifs de sens alternés. L’angle formé par la rencontre des deux faces de l’éclat‑nucléus est très aigu mais le tailleur ne l’a jamais corrigé par abrasion. Il a préféré porter le coup loin du bord, quitte à sacrifier de la matière en emportant des talons très épais. Le débitage s’est interrompu quand il ne restait de l’éclat‑nucléus que la zone du bulbe qui n’offrait plus de convexités satisfaisantes. Nous ignorons si ce nucléus est le sous‑produit d’un débitage laminaire comme c’est le cas pour certains éclats d’entame repris en nucléus dans l’Omalien de la place Saint‑Lambert (Cahen 1984 : 179). Dans notre cas, à la différence de ce qui s’est passé à Liège, l’exploitation s’est faite selon un schéma strictement non laminaire. Comme c’est le cas pour la production d’éclats en silex secondaire, ce sont sans doute des exigences de quantité et de rapidité plutôt que de qualité qui ont orienté le débitage. Parmi les éclats que nous avons retrouvés aucun n’a été transformé ; on ne peut exclure toutefois qu’ils aient été utilisés bruts. On peut avancer prudemment l’hypothèse que les vides existant dans le remontage correspondent à des éclats (environ une dizaine) qui auraient été prélevés et peut‑être abandonnés sur leur lieu éventuel d’utilisation ou rejetés ailleurs. Il reste à savoir si ce débitage unique pour les deux fosses n’est pas purement occasionnel et en fin de compte anecdotique.
L’outillage
44La distribution de l’industrie lithique par fosse suit la répartition générale du matériel archéologique (tabl. i). Les deux tiers de l’outillage sont concentrés dans la fosse 1 ; cette inégalité ne se modifie pas en fonction du type de support ou d’outil, ce qui semble indiquer qu’il n’y a pas de zone spécialisée de rejet.

TABL. I – Répartition de l’outillage par fosse et par type de support.
45L’échantillon étudié est composé de 178 outils dont la moitié est réalisée sur lame. Si ce nombre reste peu important et ne constitue pas une base statistique suffisante, plusieurs remarques significatives peuvent être faites dès à présent à propos de cet outillage. L’opposition très nette dans le choix de la matière première et du type de support pour réaliser l’outillage est une des caractéristiques de cette série. Le silex tertiaire a été presque exclusivement choisi pour la réalisation des outils sur lame alors que le silex secondaire a été majoritairement utilisé pour exécuter l’outillage sur éclat (tabl. ii). Ceci semble confirmer que la production d’éclats en silex tertiaire est occasionnelle, générée par la production laminaire, et que quelques éclats sont choisis ponctuellement pour être transformés. Par ailleurs, il existe une exclusion assez forte entre le type d’outil et le type de support (tabl. iii) : 95 % des burins, les armatures, troncatures et luisants sont réalisés sur lame alors que les grattoirs, par exemple, sont le plus souvent sur éclat.

TABL. II – Répartition de l’outillage par type de silex et par type de support.

TABL III – Répartition des mêmes types d’outils par type de support.
L’outillage sur lame
46tabl. iv
47L’industrie sur lame est dominée par la présence du burin. Ceux‑ci sont réalisés, la plupart du temps, sur des lames de plein débitage, sinon sur des lames sous crête (fig. 25, nos 1 à 5). Différents types sont représentés ; sur cassure ou troncature, simple, double ou multiple. La longueur moyenne de ces outils est de 4 cm ; compte tenu des multiples reprises et réaménagement et de l’aspect très abîmé des angles, on peut penser qu’ils ont été utilisés jusqu’à épuisement.

TABL. IV – Outillage sur lame.

FIG. 25 – Outillage sur lame : silex secondaire ; 6, 9, 13 ; silex tertiaire autres ; 1 à 5 burins ; 6 à 9 troncatures ; 10, 11 grattoirs ; 12 perçoir ; 13 lame denticulée ; 14, 15 armatures de faucille à luisant ; 16 armature de flèche.
48Les lames retravaillées présentent des retouches marginales qui semblent devoir être interprétées plutôt comme de la retouche d’utilisation (fig. 25, no 13). Les troncatures sont rectilignes ou légèrement concaves mais ne débordent jamais sur les côtés des lames. Celles faites sur du silex tertiaire sont toujours réalisées sur des lames de plein débitage (fig. 25, nos 6 à 9). Les deux armatures de faucille sont sur un support laminaire large (2,5 cm) et portent un lustré couvrant (fig. 25, nos 14, 15). Sur l’un des perçoirs, dont la pointe est malheureusement cassée, une retouche soignée et développée sur la moitié de la pièce a provoqué un rétrécissement régulier (fig. 25, no 12). La seule armature de flèche existante est de type danubien (fig. 25, no 16). Elle présente une base légèrement concave à retouche inverse.
L’outillage sur éclat
49tabl. v
50La production d’éclats a été faite sans aucune prédétermination et n’est orientée vers aucune schématisation des types de produits. Aussi, il n’est pas possible de discerner de critère de sélection des supports pour la confection des outils sur éclats. Les éclats sont de petites dimensions (L toujours inférieure à 6 cm) et souvent épais. Excepté pour quelques grattoirs, la retouche n’est jamais soignée. Les éclats retouchés présentent une retouche fine et marginale qui, à l’instar des lames retouchées, semblent être de la retouche d’utilisation. Les denticulés (fig. 26, nos 6 à 9) ont des denticulations généralement bien individualisées. L’existence des polyèdres posent un problème de détermination et de sélection dans cet ensemble ; en effet, ils sont réalisés sur blocs ou nucléus, comportent des enlèvements multidirectionnels et présentent des formes globuleuses. Cependant, compte tenu de la matière première et de la technologie du débitage dans ce silex, il est souvent difficile d’établir une limite nette entre ce qui est considéré comme nucléus et ce qui est classé comme polyèdre. Le partage a été fait sur l’existence de retouches fines sur les bords (fig. 26, no 10).

TABL.V – Outillage sur éclat.

FIG. 26 – Outillage sur éclat : silex tertiaire no 3 ; silex secondaire autres ; 1 à 3 grattoirs ; 4 perçoir ; 5 burin ; 6 à 9 denticulés ; 10 polyèdre.
Comparaisons
51Les résultats de cette étude doivent être considérés avec prudence car la représentativité de l’échantillon fourni par les deux fosses reste faible, sachant combien les assemblages lithiques peuvent varier d’une fosse à l’autre dans un habitat du Néolithique ancien. Toutefois, on peut d’ores et déjà reconnaître plusieurs tendances qui permettent de rapprocher cette série d’ensembles étudiés dans d’autres sites Villeneuve‑Saint‑Germain. Sur la majorité des sites, Echilleuses (Loiret) (Simonin 1988), Jablines (Seine‑et‑Marne) (Bostyn et al. 1991) ; Montereau (Seine‑et‑Marne) (Tarrête 1970), Courcelles‑sur‑Viosne (Val‑d’Oise) (Degros et al. 1984), Rungis (Val‑de‑Marne) (F. Bostyn, étude en cours inédite) et La Croix‑Saint‑Ouen (Oise), autre site Villeneuve‑Saint‑Germain proche, dont l’étude débute à peine, on a constaté l’usage de deux matières premières inégalement représentées. On y trouve un silex d’origine tertiaire, de bonne qualité, mais souvent en faible quantité, excepté sur le site de Jablines, et un silex d’origine secondaire, de moins bonne qualité mais en grande quantité. Le silex tertiaire a été choisi préférentiellement pour y réaliser une production laminaire de très bonne qualité. Cette production très soignée présente des caractères assez constants (abondance des talons lisses, abrasion fréquente des corniches, faible arcure des produits) qui permettent de suggérer l’hypothèse d’un emploi fréquent de la percussion tendre indirecte. A Longueil comme à Jablines, il n’existe pas d’évidence d’emploi de la pression. Sur tous les sites, cette production de lames s’accompagne d’une fabrication d’éclats en grande quantité. Celle‑ci est caractérisée par une absence totale de prédétermination. Elle semble destinée à satisfaire des besoins quotidiens voire très ponctuels. L’outillage qui en résulte montre une forte dichotomie entre les outils sur lame, confectionnés majoritairement sur silex tertiaire, et les outils sur éclats ou sur blocs réalisés la plupart du temps sur silex secondaire. Typologiquement, la catégorie des burins domine largement l’outillage sur lame (39,6 % de l’outillage sur lame à Jablines par exemple), alors que les grattoirs et les éclats retouchés constituent une part très importante de l’outillage sur éclat.
2.1.4 Conclusion
52Malgré plusieurs découvertes récentes attribuables au groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain, le site de Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis II demeure le seul représentant de sa deuxième phase. Au regard des autres séries mises au jour, notamment sur les sites de La Croix‑Saint‑Ouen, La Prairie ou Longueil‑Sainte‑Marie/La Butte de Rhuis III (attribués à la phase III), cet échantillon peut être considéré comme représentatif.
53Si la série s’insère aisément dans la chronologie proposée par C. Constantin pour le Bassin parisien (Constantin 1985), on distingue toutefois quelques particularités qui pourraient être interprétées comme typiques de ce secteur géographique. L’utilisation du modelage pour la réalisation de cordons en spirale ou de boutons ne trouve pas de comparaisons dans les autres séries. La phase II du groupe de Villeneuve‑Saint‑Germain semble également marquée, dans la vallée de l’Oise, par l’apparition des techniques de l’impression à la baguette et de l’impression pivotante au peigne. Une autre différence avec les chronologies admises dans le Bassin parisien réside dans la discrétion du décor de pincements en V au‑dessus des anses. Un site récemment découvert à Longueil‑Sainte‑Marie/Les Gros Grès III semble en première approche contemporain de La Butte de Rhuis II. L’étude de la série livrée par ce site permettra de vérifier ces hypothèses. A l’instar de l’étude de la céramique, les analyses de l’économie du débitage lithique et de l’ensemble faunique permettent d’établir une parenté avec les sites voisins de la vallée de l’Aisne et les autres sites du Bassin parisien. L’étude de ce site s’intègre dans une problématique plus vaste d’étude sur l’évolution des premiers peuplements sédentaires de la moyenne vallée de l’Oise (du RRBP au Cerny). Une réflexion globale servira de base à la construction d’un premier schéma évolutif des groupes culturels du Néolithique ancien dans la région. La mise en évidence de caractères originaux, propres à la vallée de l’Oise, contribue à la définition d’un faciès local. Il peut être comparé aux autres régions du Bassin parisien et ainsi contribuer à mieux cerner la nature des relations qu’elles entretiennent. La multiplication des prélèvements dans les milieux anthropisés ou non permettra de replacer l’évolution du Néolithique ancien local dans son contexte environnemental.
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