4.3 Répartition des figurines en terre cuite trouvées en Belgique
p. 228‑239
Texte intégral
Abréviations
1Gent : Universiteit Gent, Seminarie voor Archeologie (SAG) Gent.
2Blljoke : Blljoke, Museum voor Oudheden, Gent. Namur : Musée archéologique, Namur.
3Tubize : Musée communal de la Porte, Tubize.
4Kortrijk : Museum voor Oudheden en Sierkunst, Kortrijk.
5Tongeren : Provinciaal Gallo‑Romeins Museum, Tongeren.
6Luxembourg : Musée de l’Etat, Luxembourg, Grand‑Duché de Luxembourg.
7Aalst : Stedeli/k Museum oud Hospitaal, Aalst.
8La Belgique se situe sur la tangente des différentes aires de production, l’Allier et la région Rhin‑Moselle, chacune avec ses particularités typologiques et techniques.
4.3.1 En fonction des types
9L’influence des régions de production en Belgique s’explique quand on étudie les caltes de répartition des différents groupes technologiques. Notre catalogue comprend presque autant de statuettes de la tradition du Rhin‑Moselle que de la tradition de l’Allier1. Cette situation unique nous oblige à appliquer une autre classification que la typologie acceptée pour les figurines de la Gaule centrale. Par exemple la description de la Vénus I, « la déesse est debout ; elle tient une mèche de cheveux ; une draperie passe sur son poignet »2, est valable pour les trois statuettes des nos 2, 4 et 6 de la fig. 98 qui représentent trois traditions de production différentes. Du point de vue de notre thématique, c’est‑à‑dire la confrontation des statuettes du Centre à celles du Rhin et de la Moselle et l’étude de leur répartition géographique, cette polyvalence serait cause de toutes sortes de confusions. C’est pourquoi nous avons choisi une classification fondée sur des arguments technologiques autant que typologiques.

FIG. 98 – Belgique, les Vénus : 1 Liberchies « Bon Villers »–Tubize LIB. BV. 90.0005 ; 2 Harelbeke‑Kortrijk VB 85 ; 3 Harelbeke–Kortrijk VB 76 ; 4 Tongeren « Hasselsestraat »–Tongeren 2023 ; 5 Martelange « Baulicht »–Luxembourg M 61 ; 6 Harelbeke–Kortrijk VB 74.
10Les caractéristiques les plus significatives des figurines de Rhin‑Moselle sont, d’un côté, les bulles sur la surface dues à l’usage de moules en plâtre3 et, de l’autre côté, les finitions de la suture et du bord inférieur du socle (fig. 100, 18). Plusieurs détails effacés par ce lissage ont été fortement retouchés au couteau avant la cuisson. Ainsi il est possible d’attribuer la majorité des figurines à une des deux traditions de production. D’autres qualités importantes sont particulières à chaque sujet. Nous les avons décrites brièvement.

FIG. 100 – Belgique, les chevaux et cavaliers : 13 Harelbeke – Kortrijk VB 152 ; 14 Asse « Kalkoven » – Aalst MS 45 ; 15 Asse « Kalkoven » – Aalst MS 48 ; 16 Asse « Kalkoven » – Aalst MS 58 ; 17 Asse « Kalkoven » – Biljoke ; 18 Taviers « Terre aux pierres » – Namur pas d’inv. ; 19 Asse « Kalkoven » – Aalst MS 51.
Vénus
Description
Allier
11Le socle hémisphérique est moulé séparément. Le corps est creux de la tête jusqu’aux genoux. Un trou d’évent est percé dans la partie postérieure entre la main et la fesse gauche.
12– Plissé souple : fig. 101, 20. La statuette fig. 98, 1 provient de Liberchies. La pâte est noire. On a mis un engobe blanc sur les deux faces de la draperie. Le potier avait clairement l’intention de faire contraster la peau noire avec la draperie blanche.

FIG. 101 – Belgique, déesses provenant de sanctuaires et de fosses rituelles : 20 Hofstade – Gent 142.290 ; 21 Hofstade – Gent 142.296 ; 22 Hofstade – Gent 142.297 ; 23 Hofstade – Gent 142.292 ; 24 Hofstade – Gent 142.291 ; 25 Hofstade – Gent 142.298 ; 26 Hofstade – Gent 142.163 ; 27 Hofstade – Gent 142.294.
13– Plissé parallèle : fig. 98, 6 ; fig. 101, 21‑22. Quelques fragments de Harelbeke ne font pas partie du groupe technologique précité. Ils illustrent un style géométrique surtout dans la coiffure et dans la draperie. Le corps de la Vénus est creux de la tête jusqu’aux pieds. L’examen microscopique de la pâte argileuse montre de grandes inclusions, souvent oblongues. La surface est rugueuse. Les fragments sont très proches d’une Vénus provenant de Saint‑Bonnet/Yzeure, datée des règnes de Domitien‑Trajan4. L’atelier de Saint‑Bonnet se distingue par son style géométrique et par sa technique.
14– Plissé et coiffure géométrique : fig. 98, 2‑3.
Rhin‑Moselle
15Les statuettes, moulées d’une seule pièce, sont complètement creuses de la tête jusqu’au socle. Le trou d’évent manque car la figurine est ouverte en dessous. L’attitude est souvent statique, sans mouvement dans la hanche.
16Les membres sont très lourds.
– socle hémisphérique : fig. 98, 4.
– socle angulaire : fig. 98, 5.
– Avec un aigle et un enfant.
– Dans un édicule.
Répartition géographique
17La concentration des statuettes s’est faite dans le bassin de l’Escaut (Harelbeke : 99 fragments, Velzeke : 12 fragments), tandis que le nombre des Vénus dans le bassin de la Meuse est peu considérable. Les produits de l’Allier se situent presque sans exception dans le bassin de l’Escaut. Seuls 4 exemplaires rhénans ont pénétré cette région (fig. 103, a).

FIG. 103 – Belgique : carte de répartition des types de figurines. a Vénus provenant de l’Allier ; Vénus provenant de la région Rhin‑Moselle ; b Minerve provenant de l’Allier ; Minerve provenant de la région Rhin‑Moselle ; c Fortune provenant de la région Rhin‑Moselle ; d déesse‑nourrice provenant de l’Allier ; déesse‑nourrice provenant de la région Rhin‑Moselle ; e déesse avec chien provenant de la région Rhin‑Moselle ; f cheval provenant de l’Allier ; cheval provenant de la région Rhin‑Moselle ; habitations. Sites : 1 Arnay ; 2 Arlon ; 3 Asse ; 4 Bléharies (Brunehaut) ; 5 Blicquy (Leuze‑en‑Hainaut) ; 6 Bovigny ; 7 Braives ; 8 Clavier ; 9 Destelbergen ; 10 Durbuy ; 11 Elewijt (Zemst) ; 12 Fauvilliers ; 13 Flamièrge ; 14 Flobecq ; 15 Gors‑Opleeuw (Borgloon) ; 16 Grobbendonk ; 17 Harelbeke ; 18 Hatrival (Saint‑Hubert) ; 19 Hoeselt ; 20 Hofstade (Aalst) ; 21 Huissignies (Chièvres) ; 22 Kerkhove (Avelgem) ; 23 Kester (Gooik) ; 24 Kontich ; 25 Liberchies (Pont‑à‑Celles) ; 26 Liège ; 27 Longlier (Neufchâteau) ; 28 Martelange ; 29 Messancy ; 30 Mont (Houffalize) ; 31 Mortsel ; 32 Neerharen ; 33 Ostende ; 34 Ortho (La‑Roche‑en‑Ardenne) ; 35 Oudenburg ; 36 Rekem (Lanaken) ; 37 Remagne (Libramont‑Chevigny) ; 38 Rognée (Walcourt) ; 39 Rumst ; 40 Saint‑Mard (Virton) ; 41 Sainte‑Marie‑sur‑Semois (Etalie) ; 42 Stembert (Verviers) ; 43 Strée (Beaumont) ; 44 Taviers (Eggezée) ; 45 Theux ; 46 Tongeren ; 47 Tourinnes‑Saint‑Lambert (Walhain) ; 48 Tournai ; 49 Velzeke (Zottengem) ; 50 Villers‑devant‑Orval (Florenville) ; 51 Waasmunster ; 52 Wervik.
Minerve
Description
Allier
18Il n’y a que deux groupes de Minerve provenant de l’Allier. Il s’agit d’une déesse debout sur un socle rectangulaire (Rouvier‑Jeanlin : type IDA). Les ressemblances avec la Vénus anadyomène sont nombreuses : les mèches de la coiffure tombant sur les épaules, la main droite dirigée vers la mèche droite, le bras gauche allongé le long du corps (fig. 99, 9). La seconde tient une patère de la main droite (Rouvier‑Jeanlin : type IBA).

FIG. 99 – Belgique, les Minerves et les nourrices : 7 Tongeren « Z.w.‑begraafplaats‑Tongeren 676 ; 8 Martelange « Baulicht‑Luxembourg M 113 ; 9 Harelbeke‑Kortrijk VB 118 ; 10 Harelbeke–Kortrijk VB 102 ; 11 Martelange « Baulicht »‑Luxembourg M 232 ; 12 Tongeren « Hasselsestraat »‑Tongeren 1028.
Rhin‑Moselle
19La typologie est plus variée :
– Minerve assise : la main droite est posée sur le genou, la main gauche, sur un bouclier rond, placé lui‑même le long du côté gauche du siège ; souvent elles ont la tête de Méduse sur la poitrine (fig. 99, 12) ;
– Minerve debout, les deux bras allongés le long du corps ou la main droite est pliée sur la poitrine.
Répartition géographique
20Les lieux de trouvailles des statuettes de Minerve se trouvent principalement dans le bassin de la Meuse. Les exemplaires de l’Allier ont été trouvés dans le bassin de l’Escaut et à Virton (fig. 103, b).
Fortune
Description
21Les statuettes de Fortune trouvées en Belgique ont, sans exception, été fabriquées dans la région de Rhin‑Moselle.
22– Fortune assise, les deux mains au niveau des genoux. La main droite tient un fruit ou une patère, ou est posée sur un gouvernail. Le bras gauche tient toujours la corne d’abondance. La déesse est habillée d’une. tunique et d’un manteau, d’une tunique seulement, ou d’un manteau à capuchon (fig. 99, 8).
23– Fortune debout sur un socle cylindrique à profil concave ou sur un socle anguleux. La main droite repose sur le gouvernail. Le bras gauche tient la corne d’abondance5 (fig. 99, 7).
Répartition géographique
24Toutes les représentations proviennent de Rhin‑Moselle. La concentration se situe dans le bassin de la Meuse (fig. 103, c).
Déesse‑nourrice
Description
Allier
25Déesse‑nourrice assise dans un fauteuil d’osier, allaitant un ou deux enfants. Le socle est fermé par une plaque d’argile. Un trou d’évent est donc nécessaire. On trouve deux techniques de tressage : le tressage horizontal (les brins d’osier sont disposés horizontalement sur des tiges verticales [fig. 99, 10]) ; le tressage vertical (fig. 101, 23).
Rhin‑Moselle
26La déesse se tient toujours debout avec un enfant dans les bras. Nous avons retrouvé des représentations identiques avec la déesse tenant des fruits au lieu de l’enfant.
Répartition géographique
27Les figurines des déesses‑nourrices sont concentrées dans le bassin de l’Escaut. Dans cette région les statuettes proviennent de l’Allier, à l’exception d’une seule pièce (fig. 103, d). Un exemplaire provenant de Voiton porte la signature de pistillvs.
Déesse assise avec un chien
Description
28La déesse au chien est un produit de la région de Rhin‑Moselle. Des variantes dont le chien est remplacé par des fruits ou des patères ont été produites également. La carte nous montre seulement les représentations avec chien.
29– La déesse est vêtue d’une robe et d’un manteau avec deux plis croisés sur la poitrine (fig. 99, 11).
30– La déesse tient un épi de blé de la main droite. Le dossier du siège est rond ou rectangulaire. Ces statuettes sont produites dans les ateliers mosellans.
31– La déesse est vêtue et coiffée comme les déesses‑noUl’rices de la Gaule centrale. Le fauteuil en osier a un dossier ajouré. L’enfant est remplacé par un chien6 (fig. 99, 10).
Répartition géographique
32Les statuettes sont concentrées dans le bassin de la Meuse et presqu’absentes du bassin de l’Escaut7 (fig. 103, e).
Chevaux
Description
Allier
33Les jambes, la queue et le socle plat sont modelés séparément du corps. Souvent les chevaux font partie d’un attelage. Dans trois cas ils sont accompagnés d’un soldat. On peut distinguer des groupes différents.
34– Le grand cheval au cou droit. Il porte 2 courroies autour du cou auxquelles est ajouté un ornement. Les yeux sont grands, les oreilles, levées. Un trou d’évent est percé dans l’oreille ou dans le ventre.
35– Le grand cheval au poitrail bombé, souvent avec 3 courroies (fig. 100, 13 : un soldat y est attaché).
36– Le cheval longiligne au ventre plat. Les oreilles sont petites et ovales. Les jambes sont collées des deux côtés du corps. Il s’agit d’étalons (fig. 100, 17 : le cheval fait partie d’un attelage).
37– Le cheval longiligne au ventre bombé. Les jambes plates et longues sont collées en dessous du corps.
38– Le petit cheval. Il a le dos creux et le ventre bombé. Il s’agit à nouveau d’étalons (fig. 100, 16).
39– Le cheval fruste, souvent avec un soldat (fig. 100, 14‑15). Il s’agit de statuettes dans la tradition du Centre‑Gaule, mais de qualité médiocre. La pâte, gris brun avec des décolorations roses, est très rugueuse et contient de grandes inclusions anguleuses se détachant clairement sur la pâte argileuse. Les décolorations roses donnent parfois l’impression de traces de peinture à la surface8.
Rhin‑Moselle
40Les jambes, la queue et le corps sont pressés ensemble dans les valves des moules. Les statuettes sont toujours isolées. On distingue deux techniques pour assurer la stabilité.
41– Les jambes sont liées à l’avant et à l’arrière. Il porte deux courroies autour du cou auxquelles on a ajouté des petites étoiles et des lunules. Sur la poitrine figure un ornement ressemblant aux ornements du grand cheval au cou droit de l’Allier. Le trou d’évent manque, bien que la figurine soit fermée totalement. La suture est fortement retouchée au couteau (fig. 100, 18).
42– Les jambes ne sont pas liées. La stabilité est assurée par un raccord longitudinal, ajouté après le moulage, entre les jambes de devant et les jambes de derrière. Pour finir on a percé le raccord d’un trou circulaire (fig. 100, 19).
Répartition géographique
43Les chevaux se concentrent pour la plupart dans une région limitée au bassin de l’Escaut. Presque toutes ces figurines proviennent du centre de la Gaule. Les trois chevaux trouvés dans le bassin de la Meuse sont de provenance rhénane (fig. 103, f).
44La frontière entre les sources d’influence des grands centres de production se situe entre le bassin de l’Escaut et le bassin de la Meuse : la région sud‑est de la Belgique est plus ou moins réservée aux produits de la Moselle. De plus on peut élargir ces zones vers les pays limitrophes : l’Angleterre, les Pays‑Bas et le Luxembourg. Cette division en plusieurs zones n’est pas seulement une question de commerce ; la diversité culturelle joue également un rôle important. Dans le bassin de l’Escaut les représentations de Vénus, de déesses‑nourrices et de chevaux sont fort demandées. Par contre, dans le bassin de la Meuse les figurines de la Fortune, de Minerve et les déesses avec chien ou fruit, sont plus nombreuses. D’une Notre , c’est le reflet de la situation économique parce que les peuples du bassin de l’Escaut étaient obligés d’accepter le répertoire des négociants du centre de la Gaule car ces derniers occupaient à cette époque et dans cette région une position économique dominante. D’autre part, la diffusion géographique des chevaux nous montre que la demande locale est également déterminante pour le choix des sujets. Malgré l’abondance des chevaux de l’Allier, nous avons trouvé aussi des fragments de chevaux rhénans dans les mêmes fosses à Asse, ce qui nous prouve que les centres de production ont été sensibles aux pratiques locales existant dans certaines régions.
45En ce qui concerne les représentations anthropomorphes, on peut se demander quelle est la signification des différents attributs des déesses. Il est frappant de constater combien Minerve est liée à Vénus. Elle porte la même coiffure et prend l’attitude d’une anadyomène. Un rapport existe également entre la déesse‑nourrice et la déesse au chien : à Liberchies la déesse au chien (fig. 102) est assise dans un fauteuil d’osier et elle est coiffée comme les nourrices. Le chien peut être remplacé sans problème par des patères ou par des fruits. Sans doute s’agit‑il de représentations universelles créées dans les centres de production afin de satisfaire un vaste marché de divinités régionales, dont l’existence est prouvée par les nombreuses inscriptions sur des pierres votives dédiées aux matres en Gaule centrale et aux matronae en Germanie inférieure, divinités qui sont pourvues des mêmes attributs que les figurines en terre cuite.

FIG. 102 – Liberchies : statuette de déesse au petit chien, inv. LPG 7801035 (pror gemiiviacor)
dessin M. Jeanlin
46Leur caractère commun de déesses protectrices et salutaires est interprété de façon originale dans les différents ateliers de potiers et exprimé à l’aide d’attributs divers, qui sont tous des signes de fertilité et de protection.
4.3.2 En fonction des lieux de trouvaille
Les habitats
47Les trouvailles dans les agglomérations sont proportionnellement réparties sur toute la Belgique (fig. 104, a). Elles sont datées d’avant la fin du iiie s., car la majorité de ces sites ont été abandonnés à cette époque.

FIG. 104 – Belgique : répartition des figurines en fonction des structures : a habitations ; b temples, fosses rituelles ; c tombes, fosses rituelles non funéraires. Sites : 1 Arnay ; 2 Arlon ; 3 Asse ; 4 Bléharies (Brunehaut) ; 5 Blicquy (Leuze‑en‑Hainaut) ; 6 Bovigny ; 7 Braives ; 8 Clavier ; 9 Destelbergen ; 10 Durbuy ; 11 Elewijt (Zemst) ; 12 Fauvilliers ; 13 Flamièrge ; 14 Flobecq ; 15 Gors‑Opleeuw (Borgloon) ; 16 Grobbendonk ; 17 Harelbeke ; 18 Hatrival (Saint‑Hubert) ; 19 Hoeselt ; 20 Hofstade (Aalst) ; 21 Huissignies (Chièvres) ; 22 Kerkhove (Avelgem) ; 23 Kester (GooikL ; 24 Kontich ; 25 Liberchies (Pont‑à‑Celles) ; 26 Liège ; 27 Longlier (Neufchâteau) ; 28 Martelange ; 29. Messancy ; 30 Mont (Houffalize} ; 31 Mortsel ; 32 Neerharen ; 33 Ostende ; 34 Ortho (La‑Roche‑en‑Ardenne) ; 35 Oudenburg ; 36 Rekem (Lanaken) ; 37 Remagne (Libramont‑Chevigny) ; 38 Rognée (Walcourt) ; 39 Rumst ; 40 Saint‑Mard (Virton) ; 41 Sainte‑Marie‑sur‑Semois (Etalie) ; 42 Stembert (Verviers) ; 43 Strée (Beaumont) ; 44 Taviers (Eggezée) ; 45 Theux ; 46 Tongeren ; 47 Tourinnes‑Saint‑Lambert (Walhain) ; 48 Tournai ; 49 Velzeke (Zottengem) ; 50 Villers‑devant‑Orval (Florenville) ; 51 Waasmunster ; 52 Wervik.
Les nécropoles
48De nouveau se manifeste l’opposition entre le bassin de l’Escaut et le bassin de la Meuse. La concentration des trouvailles dans les cimetières est plus grande dans le sud et dans l’est que dans le nord (fig. 104, b). Il s’agit exclusivement de tombes à incinération avec ou sans urne. Souvent ce sont les tombes les plus riches du cimetière qui contiennent des statuettes.
49L’opinion que les statuettes en terre cuite par opposition aux bronzes appartiennent aux gens communs nous paraît donc manquer de nuances. Les statuettes en terre cuite ont sûrement fait l’objet de rites funéraires ; elles ont souvent été brisées intentionnellement et brûlées sur le bûcher. En général les tombes sont datées du troisième quart du ier s. (par ex. à Rognée)9 jusqu’au milieu du iiie s.
50Une trouvaille remarquable a été faite à Longlier « Respelt », un sauvetage de 198310. Il s’agit d’un petit cimetière d’une vingtaine de tombes à incinération du iie s. A proximité des tombes se trouvaient deux fosses peu profondes, oblongues, contenant seulement de la céramique commune. Dans une troisième fosse, ronde, de 20 m2 et d’une profondeur maximale de 50 cm, on a trouvé environ 300 petits fragments provenant de statuettes. Nous avons examiné cette trouvaille minutieusement. La quantité de têtes et de fragments reconnaissables et l’étude de la pâte argileuse nous indiquent qu’il s’agit au moins de 21 statuettes, provenant au moins de trois ateliers différents. La restauration n’a pas fourni une seule pièce complète. Les fragments ont des cassures anciennes et usées. Certains d’entre eux portent des traces d’un outil dentelé. Sur quelques pièces très massives la surface et creusée très profondément. Le fait que beaucoup de ces fragments portent les traces d’un seul outil nous prouve que les statuettes ont été brisées intentionnellement et en une seule occasion. Quelques fragments montrent aussi des traces de feu. Une autre trouvaille de statuettes dont le caractère fragmentaire est remarquable se situe à Ortho, également dans la province de Luxembourg. Le contexte archéologique est perdu, mais l’apparence et la composition du matériel sont semblables à celles de Longlier‑Respelt.
51On voit que la fonction des statuettes en terre cuite dans le bassin de la Meuse est avant tout funéraire, et que les rites funéraires sont très particuliers surtout en Ardenne luxembourgeoise.
Les temples et les fosses rituelles
52Pour trois cas nous avons constaté une relation directe entre les statuettes et le sanctuaire : à Grobbendonk, à Kontich et à Hofstade (fig. 104, c). Contrairement à la diffusion des trouvailles funéraires, la majorité de ces trouvailles se situe en Flandre, dans le bassin de l’Escaut.
53A Hofstade, l’une des deux fosses contenant des statuettes est datée par la stratigraphie avant le milieu du iie s.11. La fosse était coupée par les fondations d’un temple en pierre. On y a trouvé des éléments architectoniques brûlés et 8 fragments de statuettes féminines. Ou il s’agit du dépotoir d’une construction antérieure, ou plus probablement d’une fosse rituelle. Le nombre de statuettes provenant des ateliers du centre de la Gaule et celles des ateliers rhénans et mosellans est identique :
– Allier : fig. 101, 20 : Vénus (Rouvier, type n) ; fig. 101, 21 : Vénus (Rouvier, type D ; fig. 101, 22 : Vénus (Rouvier, type 1) ; fig. 101, 23 : nounice (Rouvier, type D.
Rhin‑Moselle : fig. 101, 24 : Cybèle attribué à Seruandus (deux statuettes du même groupe trouvées à Cologne12 sont signées servandvs)13 ; fig. 101, 25 : déesse avec patère et quenouille très semblable aux statuettes de déesse avec bague et coffret à bijoux, signé servandvs 14 ; fig. 101, 26 : fragment de draperie ; fig. 101, 27 : socle rectangulaire d’une déesse assise, provenant d’un atelier mosellan, ce qui prouve que les ateliers de la Moselle ont produit déjà avant le milieu du iie s.
54Les autres trouvailles dans des fosses se situent en agglomération. Bien qu’on n’ait pas trouvé de traces de sanctuaires, une interprétation comme fosses rituelles est évidente d’après ce qu’elles contiennent. Vers 1875 on a découvert dans le uicus d’Asse un nombre important de statuettes de chevaux, dont nous avons retrouvé aujourd’hui environ 200 fragments15. Récemment, une nouvelle fouille a révélé au même endroit une grande fosse homogène contenant presqu’exclusivement des fragments de chevaux en nombre aussi important qu’en 1875. La composition typologique des deux trouvailles est identique. Un autre site qui n’a révélé que des chevaux se trouve à Elewijt16. Au moins 8 exemplaires ont été trouvés dans des fosses groupées sur le site. Ces fosses sont datées par la stratigraphie entre le milieu du Ier et le milieu du iie s.
55Un dépôt important fut découve1t en 1967 à Harelbeke, à l’occasion de travaux publics17. On y a sauvé 180 fragments de statuettes et 400 fragments de petits gobelets noirs. Malgré la destruction par les machines, on a pu constater que le matériel provenait d’une grande fosse rectangulaire. Des fouilles au même endroit, en 1969, ont mis au jour d’autres fosses et des traces de construction en bois. A cette occasion, on a trouvé encore d’autres statuettes et gobelets. On a découve1t des gobelets semblables dans les temples de Velzeke, Hofstade et Liberchies et dans les tombes du ier s. et du début du iie s. dans le cimetière de Blicquy (Leuze‑en‑Hainaut)18. Bien que la plupart des figurines proviennent de Gaule centrale, quelques‑unes sont de provenance rhénane.
56Au début du xxe s. on a trouvé à Tongeren au moins 63 statuettes rhénanes, pêle‑mêle au fond d’une fosse à une profondeur de 2 m19. Beaucoup d’entre elles étaient encore complètes, d’autres ne pouvaient pas être restaurées. Elles avaient été cassées avant d’être jetées dans la fosse. Le lieu de la trouvaille est situé exactement en face de l’entrée du temple au nord de la ville. La typologie des objets tongrois ressemble d’une manière frappante à celle des statuettes de Bingen en Allemagne, trouvées en 1895‑1896 dans des circonstances identiques20. Les statuettes de Tongeren datent de la première moitié du iie s.21.
4.3.3 Conclusions
57L’ensemble de ces observations nous mène aux conclusions suivantes : la majorité des statuettes a été trouvée dans un contexte religieux dont le caractère est très régional ; nous pouvons les considérer comme des objets votifs, dédiés presqu’immédiatement après leur fabrication et leur distribution. Le dépôt de Tongeren dans le nord‑est de la Belgique contient exclusivement des objets rhénans, mais les fosses du bassin de l’Escaut, par contre, nous livrent principalement des statuettes de l’Allier. Toutes ces trouvailles sont datées d’avant le milieu du iie s. Il est cependant impossible de montrer que l’importation des produits de l’Allier fut antérieure à l’arrivée des statuettes rhénanes, d’autant plus que tous les dépôts du bassin de l’Escaut contiennent une faible proportion de fragments rhénans.
Bibliographie
Bibliographie
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Bequet 1895 : BEQUET (M.). — Nos Fouilles, 1891‑1894. Annales de la Société archéologique de Namur, 21, 1895, p. 81 et 75‑85.
De Laet 1942.
De Laet 1952 : DE LAET (S.‑J.). — Le Fanum de Hofstade‑les‑Alost et le culte de la déesse gauloise de la fécondité. 1952, p. 45‑46 (Latomus, 11).
Despriet 1974.
Gratia 1984 : GRATIA (H.). — Sauvetage à Longlier‑Respelt. (Archaelogia Belgica, 258, conspectus 1983), Brussel, 1984, p. 52‑54.
Lehner 1903.
Meex 1973 : MEEX (F.) et MERTENS (J.). — Een Gallo‑romeinse tempel te Velzeke (Zottegem). (Archaelogia Belgica, 142), Brussel, 1973.
Mertens 1951.
Ristow 1972‑73 : RISTOW (G.). — Denkmaler Hellenistischer Mysterrienkulte in Kolner Museumbesistz. Kult der Gottermutter und des Attis. Kalner Jahrbuch für Vor ‑und Frühgeschichte, 13, 1972‑73, p. 116‑120, taf. 48‑54.
Römer am Rhein 1967 : RÖMER AM RHEIN. — Ausstellung des Romisch‑Germanischen Museums Köln, Kunsthalle Köln, 15. April bis 30. Juni 1967.
Rouvier‑Jeanlin 1972.
Schauerte 1985.
Van Boekel 1987.
Van De Weerd 1932 : 227‑301, pl. I‑IV.
Vertet et al. 1980 : p. 231‑257.
Werner 1982‑85 : WERNER (G.‑P.). — Liberchies‑Bon‑Villers : deux figurines en terre cuite, matrones gallo‑romaines. Documents et rapports de la Société royale d’Archéologie et de Paléontologie de Charleroi, 59, 1982‑85, p. 119‑127.
Notes de bas de page
1 Jusqu’à ce jour nous avons répertorié quelque 800 statuettes provenant de 65 lieux de trouvaille. Mon mémoire de licence inédit (De Beenhouwer 1986) contient 754 statuettes. Une publication complète paraîtra dans les Acta archaelogica lovaniensa, monographiae.
2 Rouvier‑Jeanlin 1972 : 91.
3 Quand on ajoute de l’eau au plâtre, de petites bulles d’air restent prisonnières dans le mélange obtenu et utilisé pour fabriquer les moules. Une fois remplies d’argile, ces petites cavités produisent des granulations sur la surface des statuettes. Des moules en argile existent aussi dans la région mosellane, mais ils ne sont pas nombreux. (Schauerte 1985 : no 157, p. 159 taf. 17,5, Bad Bertrich ; no 676‑678, p. 275‑276, taf. 81,1, 5, Bad Bertrich ; no 763, p. 293, taf. 92, l, Sarre‑Union).
4 Vertet 1980 : 235, planche l, D.
5 L’Abondance de Tongeren (fig. 99, 7) a été fabriquée à Kèiln. Elle est identique à un fragment de Melick (Pays‑Bas), signé vindex (Van Boekel 1983 : no 631, p. 334). Ce potier a travaillé à Kèiln au début du iie s. Des statuettes semblables ont été produites à Toulon‑sur‑Allier, où on a trouvé des moules signés tiberivs (Rouvier‑Jeanlin 1972 : nos 428 et 429). Malgré la créativité des coroplathes dans les deux régions, ils se sont copiés l’un l’autre, ou ils ont copié le même modèle. Cette enquête qui montre l’importance des données technologiques, concerne encore d’autres statuettes comme les bustes d’enfants chauves. En examinant la pâte argileuse de ces statuettes, nous avons constaté qu’ils ont été produits dans les trois régions : la Gaule centrale (Autun), la région rhénane (Kèiln) et la Moselle (Trier).
6 Werner 1982‑85.
7 D’autres figurines rhénanes connaissent la même diffusion géographique : la déesse à la couronne murale, la déesse au sceptre ou bâton et la déesse au chapeau ubien (matrona).
8 Les chevaux de ce type ont été retrouvés à Harelbeke, Asse et Nijmegen (Van Boekel 1986 : 760‑763, no 247‑248). G. Van Boekel attribue les exemplaires de Nijmegen à un atelier de Gaule centrale, probablement Yzeure/Saint‑Bonnet. A notre avis ces figurines se sont inspirées sans doute des statuettes de l’Allier, mais il s’agit de copies frustes, dont la pâte argileuse se distingue clairement de la pâte fine de l’Allier et de la pâte des statuettes de Saint‑Bonnet décrite plus haut (§ 1.9). La trouvaille de Harelbeke a livré d’autres statuettes faites de cette pâte particulière, parmi lesquelles des tireurs d’épine, une déesse assise et des pigeons. Il est remarquable que les exemples de l’Allier dont elles sont inspirées aient été trouvées dans la même fosse.
9 Bequet 1985.
10 Gratia 1984.
11 De Laet 1952.
12 Ristow 1972‑73 : 116 taf. 48, 1‑2.
13 Par ces inscriptions, Seruandus nous a livré les dates de 164 et 169 ap. J.‑C. (Lehner 1903 : 188, 189, fig. 1 ; Van Boekel 1983 : 206‑210). La trouvaille de Hofstade nous montre que l’atelier de Seruandus a produit déjà des figurines avant le milieu du iie s. En outre elle montre que les statuettes votives ont été utilisées immédiatement après le processus de fabrication et de distribution et que celle‑ci se déroulait rapidement. Cette observation est très importante pour la datation des statuettes trouvées dans un contexte votif.
14 Rèimer am Rhein 1967 : taf. 113, cat. E 163 ; Schauerte 1985 : 303‑304, taf. 97, 4‑6, ; taf. 98, 1‑3. Schauerte n’accepte pas l’attribution à Seruandus pour des raisons stylistiques : le plissé du côté antérieur paraît trop naturel. Il date la figurine du deuxième tiers du iie s.
15 De Laet 1942.
16 Mertens 1951.
17 Despriet 1973.
18 Meex 1973.
19 Van De Weerd 1932.
20 Behrens 1915 : 102‑103, taf. 2.
21 La datation est fondée par des arguments iconographiques comme l’évolution des coiffures et des arguments technologiques comme la comparaison des générations de moulage.
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