4. L’évolution mégalithique, l’après mégalithisme en Brocéliande et l’âge du bronze
p. 105‑120
Résumés
Un programme d’analyses céramologiques a compris les monuments de Brocéliande. Ce travail a permis de reconnaître l’origine des matières premières utilisées : altération de granités, roches métamorphiques, roches vertes, argiles à spicules. Le degré de cuisson des céramiques est assez bas pour les époques protohistoriques, plus élevé pour les vases médiévaux.
The ceramological study shows the origin of the raw materials : weathered granits, metamorphic formations and sponge‑spicula clays in the case of the medieval pottery.
Texte intégral
4.1. Introduction
1Les campagnes de fouilles menées en forêt de Brocéliande sur trois monuments originaux et la révision des mégalithes dans ce secteur de haute Bretagne ont permis d’apporter une contribution à la connaissance du Néolithique de l’Armorique intérieure. Les diverses analyses techniques réalisées sur les vieux sols ou les mobiliers ont apporté des enseignements inédits sur l’environnement préhistorique et permis d’avoir une notion moins simpliste que le mythe légendaire de la « grande forêt armoricaine » que des générations avaient entretenu. Ce n’est là qu’un programme ponctuel dont on peut cependant tirer quelques conclusions, mais l’action se poursuit en divers secteurs actuellement, notamment par des inventaires complets et des interventions de fouilles comme celle de l’allée couverte de Beaumont à Saint‑Laurent‑sur‑Oust par J.‑Y. Tinevez. On peut dresser un premier bilan de l’évolution des mégalithes et faire le point sur leur environnement. De plus, l’abondance relative des dépôts de l’âge du Bronze permet de suivre la marche de l’implantation humaine, mieux connue cependant aux marges de la forêt actuelle que dans le secteur forestier.
4.2 Les groupes mégalithiques (tableau II)
4.2.1. Les tertres néolithiques
2Le groupe des tertres néolithiques de Néant‑sur‑Yvel/Tréhorenteuc apparaît comme un ensemble original aux confins occidentaux du massif forestier de Brocéliande. Il révèle une concentration de monuments de même type dans une aire restreinte et l’attachement probable d’une ethnie très localisée à ce mode de sépulture. Ces tertres montrent une conservation très inégale et des structures diversifiées : cloisons internes en pierres au Jardin aux Moines, masse essentiellement de terre avec possibles petites structures internes à la Butte aux Tombes, petit alignement de blocs sur le tertre allongé de la route de Tréhorenteuc, grand cairn de pierres à la Butte Ronde, qui est peut‑être d’un type différent des véritables tertres allongés.

Tableau II. Les groupes mégalithiques.
3Le Jardin aux Moines, avec son trapèze mésolithique du type de Téviec, donne une précieuse indication sur la fréquentation de la forêt aux environs de 5 000 ans av. J.‑C. Pièce unique jusqu’ici, on ne saurait en tirer des conclusions très générales mais on peut noter, dès cette époque, la possibilité de relations avec le littoral morbihannais. Le Jardin aux Moines est bien sûr plus tardif et on peut raisonnablement évoquer sa construction aux environs de 3 500‑3 000 ans av. J.‑C. pour sa partie la plus ancienne. Son utilisation vers 2 500 av. J.‑C. est estimée à partir des poteries du Néolithique final placées contre son secteur septentrional possédant une possible aire funéraire avec un petit cairn circulaire. L’affinité structurale du monument avec les sépultures mégalithiques à entrée latérale comme celle de Saint‑Quay‑Perros plaide aussi pour une telle estimation chronologique. On a déjà noté les relations architecturales avec les tertres de la région de Carnac ou de Loire‑Atlantique (Le Brétineau) et celles plus lointaines avec les tertres semblables du nord de l’Europe avec lesquels le monument du Quillio, dans les Côtes‑du‑Nord, est un fragile relai.
4.2.2. Les allées couvertes et sépultures à entrée latérale
4Ce sont peut‑être les monuments qui furent les plus nombreux tant en Brocéliande que dans les régions du Ploërmelais et de Guer‑Coëtquidan. Sans en établir un inventaire exhaustif qui reste à poursuivre, nous en avons présenté un volant respectable qui montre la variété de ces monuments, mais aussi hélas leur état quasi général de destruction partielle ou de délabrement. En forêt de Brocéliande, plusieurs monuments de ce type, inédits, ont été répertoriés et d’autres reconstitués grâce à l’analyse de textes anciens. C’est ainsi que l’on peut affirmer que le Tombeau de Merlin était bien une allée couverte, à proximité d’une autre allée couverte, celle des Brousses Noires ou Tombeau des Anglais partiellement ruinée elle aussi. Malgré leur mise à mal par les chercheurs de trésor ou les carriers, les allées couvertes inédites du Rocher à Concoret ou de Lorgeril à Paimpont indiquent la présence de monuments aux parties périphériques du massif forestier. Elles sont absentes des zones d’altitude de la haute forêt, comme le précise l’étude de B. Bigot sur la répartition topographique des monuments mégalithiques (fig. 63). Le mobilier des allées couvertes, trop tôt détruites en forêt de Brocéliande, est inconnu. Cependant celui de quelques allées couvertes plus au sud, fouillées récemment comme La Grée‑Neuve à Monteneuf ou celle de Beaumont à Saint‑Laurent‑sur‑Oust, comprend des poteries du Néolithique final, SOM, Kérugou, Quessoy, associées à des haches en dolérite de Plussulien et des lames et pointes de flèche tranchantes. Le Campaniforme apparaît en fin d’utilisation dans le sondage de La Ville Bouquet à Ploërmel. Rappelons qu’auprès de ces allées couvertes du sud de Brocéliande apparaissent quelques intrusions en provenance de Touraine avec les dolmens de type Loire de la Maison Trouée à La Chapelle‑Caro et des Tablettes de Cournon à Cournon.
4.2.3. Les coffres mégalithiques
5L’Hotié de Viviane est un grand coffre mégalithique fermé avec cependant une possibilité de porte à mi‑hauteur à son extrémité orientale. Il possède un magnifique cairn appareillé. Ce monument original n’a guère de parallèle en Bretagne que celui de Lost‑er‑Len à Grand‑Champ (Morbihan). Dans le centre‑ouest ou le sud de la France existent aussi des « caissons » mégalithiques, mais leur réalisation en grandes dalles de calcaire en fait cependant des familles architecturales différentes. L’Hotié de Viviane révèle un matériel classique du Néolithique final comme celui des allées couvertes. On notera, par rapport aux allées couvertes de Brocéliande, sa position en hauteur au‑dessus du Val sans Retour. Il représente probablement la sépulture collective d’un groupe humain ayant eu ses activités sur la partie du massif schisteux la plus élevée.
6Le petit coffre de La Guette à Paimpont appartient à une série jusque‑là mal connue de petites sépultures individuelles fermées, à mobilier campaniforme. Si les exemples en étaient rares en Bretagne, les toutes nouvelles découvertes de Ph, Gouézin, avec les trois coffres de Roh Du dans les landes de Lanvaux, confirment que ces petites tombes individuelles étaient assez fréquentes dans l’intérieur. Plus que d’autres monuments elles ont probablement été rapidement détruites dans les zones cultivées.
4.2.4. Menhirs, alignements, enclos
7Les menhirs et alignements de la forêt de Brocéliande n’ont pas fait l’objet de sondages ou de fouilles récents à l’exception du cas particulier du menhir couché associé au Tombeau des Géants. Cependant, le groupe du Châtenay a mis en valeur certains monuments comme la Pierre Drette à Paimpont. On doit aussi noter un inventaire partiel de P. Henry dans le cadre d’un travail de maîtrise (Henry 1971). Une des observations récentes après débroussaillage est de constater que souvent, là où un seul menhir avait été signalé, il s’agissait en réalité d’un véritable alignement. A la Pierre Drette à Paimpont, le menhir principal en schiste, haut de 2,70 m, est ainsi associé à trois autres blocs couchés. Son orientation nord‑sud est fréquente en forêt de Paimpont. A peu de distance de la Pierre Drette, le menhir de la Prise de Comper, haut de 1,81 m, semblait isolé. L’examen de ses environs immédiats a permis de découvrir une série de blocs, les uns orientés nord‑sud, les autres naturels. C’est encore un petit alignement aménagé ici dans un filon naturel. En bordure orientale de la forêt, le menhir de La Ville Guichais, ou Roche Trébulente, à Saint‑Malon‑sur‑Mel est lui aussi associé à deux autres blocs couchés et une petite dalle de schiste dressée. Ainsi se confirme la présence de petits alignements, beaucoup plus nombreux que prévu, témoignant au Néolithique de la vivacité des cultes astronomiques sous forme d’une multitude de petites files de menhirs.
8Au sud de la forêt de Paimpont, menhirs et alignements souvent en quartz blanc sont également fréquents. On doit à M. J. Orhan le dégagement récent de l’ensemble remarquable des Pierres Droites à Monteneuf (Morbihan) formé de deux files perpendiculaires. Elles ont été explorées et dérangées autrefois mais la campagne de fouille menée en 1988 par Y. Lecerf permettra de mieux le connaître.
9D’autres petits alignements sont connus dans ce secteur du Morbihan, comme ceux du bois de Coëplan à Guer ou de La Minardais à Carantoir. A Monteneuf il faut signaler aussi le curieux menhir de La Verrerie taillé en véritable lame de sabre qui, par sa morphologie en grande dalle, ne déparerait pas la série des menhirs‑idoles du Morbihan destinés à recouvrir les chambres des dolmens comme cela a été prouvé récemment à Locmariaquer (fig. 23). Sans aller jusqu’à un inventaire exhaustif, signalons aussi les menhirs de quartz blanc de Monterrein, en secteur où des talus montrent des rangées de petites dalles dressées, possibles restes d’enclos protohistoriques analogues à celui de Tréhorenteuc.
10Si certains blocs couchés sont des menhirs abattus comme celui proche de l’allée couverte de Saint‑Méen à La Chapelle‑Caro, d’autres sont plus difficiles à interpréter comme la Pierre des Hindrés à Paimpont, alias le Tombeau de la Duchesse d’Angoulême, où les Trois Grosses Dalles de Trébran à Concoret, alignement atypique ou succession de trois tombes en fosses sous dalles, curieusement orientées nord‑sud comme la majorité des alignements de la région. Enfin, un exemple plus conjectural encore est la « déesse‑mère » en schiste retirée d’un marais à La Bouessière à Caro (Morbihan). Elle se distingue des déesses‑mères néolithiques bretonnes, comme celles du Trévoux ou de Guidel, par l’absence de seins et sa curieuse tête arrondie. Elle n’a rien de la facture des « têtes celtiques » de l’âge du Fer et s’éloigne aussi des idoles médiévales du style Babouin‑Babouine des landes de Lanvaux. Redressée dans la cour de la ferme de La Bouessière, elle attend qu’une autre découverte similaire avec contexte précise son état civil...
4.3. Échanges et économie néolithiques
11Le monde néolithique de la forêt de Brocéliande et des régions voisines est très diversifié. Il faut nuancer cette notion de « grande forêt originelle » puisque les analyses polliniques de D. Marguerie nous suggèrent plutôt un sous‑bois à frênes et noisetiers dominants avec des phases de déforestation qui s’accentueront au fur et à mesure de l’implantation humaine.
12Le monde mégalithique de Brocéliande ne vit pas en autarcie mais montre une diversité interne correspondant peut‑être à des groupes locaux différents, les uns ensevelissant leurs morts sous des tertres allongés, les autres préférant les grands coffres mégalithiques en haute forêt, et les derniers utilisant les allées couvertes en usage général au Néolithique final armoricain. Chaque variété de mégalithe implique des relations particulières : avec le Morbihan et l’Europe du Nord pour les tertres, avec l’Armorique intérieure et le Bassin de Paris pour les allées couvertes (fig. 72).

● Fig. 72 – Affinités culturelles des mégalithes de Brocéliande et du Ploërmelais‑région de Guer.
13Mais c’est l’étude du mobilier lithique qui montre l’existence de relations diversifiées (fig. 73). Le manque de matériel propre à la taille implique l’importation de silex provenant des côtes du Morbihan et peut‑être des Côtes‑du‑Nord et, à la fin de la période, de silex jaune importé de Touraine. Le gros matériel, percuteurs, marteaux, était fabriqué sur place avec le quartz, quelques meules sont en poudingue local mais on doit apporter d’environ 40 km un complément de meules en granite provenant des plus proches régions granito‑gneissiques situées dans le nord du Morbihan. Si les lissoirs sont en schiste, l’essentiel des haches polies sont en dolérite et certaines même, comme à l’Hotié de Viviane, proviennent du gisement de dolérite A de Sélédin à Plussulien (Côtes‑du‑Nord). L’identification a été précisée par l’examen pétrographique de C.‑T. Le Roux sur les haches de l’Hotié de Viviane.

● Fig. 73 – Quelques relations économiques du Néolithique de Brocéliande et du Ploërmelais‑région de Guer.
14La céramique suggère aussi une variété d’échanges. La typologie classique suggère, pour les « pots de fleurs », des influences SOM du Bassin parisien, l’importation de céramiques de Kérugou du sud de la Bretagne à l’allée couverte de Beaumont à Saint‑Laurent‑sur‑Oust, et même des influences du Néolithique du Centre‑Ouest pour le vase à petits tétons de La Grée‑Basse à Monteneuf.
15Un apport précieux a été donné par les séries d’analyses céramologiques inaugurées depuis une dizaine d’années à l’instigation de P.‑R. Giot. Les déterminations de G. Querre sur les céramiques de Brocéliande et du Ploërmelais ont révélé une diversité et une quête sans cesse renouvelée des gisements d’argile et de dégraissant utilisés pour la confection des céramiques. A La Ville Bouquet à Ploërmel une poterie néolithique contient un dégraissant granitique dont les composants sont bien connus à 10 km de l’allée couverte, une autre poterie est à schiste maclifère dont le plus proche gisement est à 25 km, alors que les campaniformes ont découvert une argile granitique beaucoup plus proche dont le gisement est à 4 km. A l’Hotié de Viviane, le dégraissant granito‑gneissique de certaines poteries néolithiques vient au moins de 30 km vers le secteur des landes de Lanvaux. Ceci explique aussi les relations mégalithiques tissées entre le groupe de Brocéliande et celui des landes de Lanvaux. Les zones d’argile ne sont pas recherchées uniquement vers le Morbihan mais un peu plus tard, au début du Bronze ancien, les constructeurs du Tombeau des Géants utiliseront les argiles à amphibole (roche verte) dont des filons sont bien connus dans les Côtes‑du‑Nord. Ces argiles à spicules des bassins sédimentaires ont également été recherchées. Celle de Saint‑Jean‑la‑Poterie a été reconnue pour les céramiques médiévales en réutilisation de l’allée couverte de La Ville Bouquet (détermination G. Querré). Un tesson du Jardin aux Moines est également à spicules mais semble, par sa texture, également d’époque historique. Par contre, P.‑R. Giot nous a indiqué que des poteries à spicules étaient connues pour des céramiques néolithiques de haute Bretagne, à La Croix Saint Pierre à Saint‑Just (Ille‑et‑Vilaine) et à Beaumont à Saint‑Vincent‑sur‑Oust. Il est vrai que ces monuments ne sont qu’à quelques kilomètres de gisements d’argiles à spiculés.
16Si les échanges concernant le matériel lithique et céramique commencent à se préciser, ceux relatifs aux matières périssables, ossements en particulier, manquent cruellement. Nous n’avons aucune donnée sur l’élevage ou la chasse qui devaient jouer un rôle primordial dans l’économie. La pêche aussi devait être pratiquée en cette région où les rivières à truites et à saumons sont encore productives malgré la pollution, sans compter les étangs à carpes ou brochets creusés pour la pisciculture dès le Moyen Age. Malheureusement aucun document antérieur ne prouve l’établissement de pêcheries par des barrages de vallons.
17L’analyse palynologique apporte cependant d’utiles enseignements. Elle montre que l’homme s’est établi dans une zone semi‑boisée à frênes et noisetiers dominants vers 3500‑3000 ans av. J.‑C. Les Néolithiques ont défriché à la même époque l’Hotié de Viviane et le Jardin aux Moines dont les diagrammes polliniques sont très proches. La déforestation, qui atteint 48 % et 55 %, laisse supposer la création de clairières pour des habitats suggérés par la présence de quelques silex dans des parcelles aujourd’hui cultivées en contrebas de l’Hotié de Viviane.
18Cette déforestation s’accentuera au Chalcolithique et à l’âge du Bronze puisque la végétation arbustive n’atteindra que 37 et 38 % au Tombeau des Géants et aux Buttes de Tiot. On peut supposer que certaines zones défrichées pouvaient servir à l’élevage et pourquoi pas celui des porcs nourris à la glandée, comme dans certaines forêts occupées à la période préhistorique comme à Haguenau en Alsace. La présence de chêne caduque est attestée dans les monuments mégalithiques de Brocéliande par D. Marguerie. Au Jardin aux Moines, le foyer chalcolithique est composé de charbons de bois de chêne caduque alors que l’environnement immédiat est de frênes et noisetiers. Ceci laisse supposer que le bois a été apporté d’un autre secteur forestier.
19Aucun pollen de céréales n’a été recueilli en forêt de Brocéliande dans les vieux sols néolithiques et de l’âge du Bronze. Pourtant, l’abondance de fragments de meules en poudingue et en granite à l’Hotiéde Viviane montre l’importance des céréales dans l’alimentation. Le blé était‑il importé de régions voisines proches ? Un indice est encore fourni à ce propos par D. Marguerie puisque l’on a retrouvé des pollens de céréales à La Ville Bouquet à Ploërmel et au coffre chalcolithique de Roh Du dans les landes de Lanvaux (fig. 66 et 67). Très hypothétiquement les zones de Brocéliande auraient plutôt été consacrées à l’élevage et la chasse, celles, voisines, des allées couvertes plus au sud étant utilisées plus volontiers pour l’agriculture. Ce schéma correspond un peu à la situation actuelle, le déterminisme géologique expliquant une telle permanence,
4.4. Le changement culturel : chalcolithique et bronze ancien
20Le début du second millénaire voit une mutation majeure de la protohistoire européenne dont les témoins se retrouvent jusque dans des groupes régionaux apparemment les plus isolés. L’Armorique intérieure n’échappe pas à cette règle. La nouvelle mode de l’inhumation individuelle s’y implante, les monuments mégalithiques subissent des transformations et des réutilisations notables et de nouveaux groupes culturels comme les campaniformes font leur apparition. Leur poterie se retrouve en utilisation terminale des allées couvertes (La Ville Bouquet) mais aussi, fait nouveau en Bretagne, dans de petites sépultures individuelles en coffres (La Guette, Roh Du) qui pourraient être la marque d’un nouvel apport ethnique.
21Les monuments mégalithiques sont réutilisés comme au Jardin aux Moines où un foyer (incinération ?) comprend des pointes de flèche à pédoncule central en accord avec la datation radiocarbone de 3 580 ± 90 B.P.
22L’âge du Bronze armoricain est caractérisé par la civilisation des Tumulus et ses tombes à pointes de flèche armoricaines. Aucun élément de ce type n’est connu en Brocéliande, le plus proche grand tumulus étant celui de Saint‑Fiacre en Melrand (Morbihan). Mais comme à Saint‑Just (Ille‑et‑Vilaine), on a réutilisé les monuments mégalithiques et en particulier les alignements pour y construire des tombeaux individuels analogues à ceux de la civilisation des Tumulus armoricains. Nous avons longuement évoqué ce phénomène avec la grande sépulture du Tombeau des Géants à Campénéac et sa possible interprétation comme réutilisation d’un alignement préexistant (fig. 22). Des tumulus classiques avec coffre central ont également été construits comme ceux des Buttes de Tiot, de même que de petits coffres à parois maçonnées comme celui de La Ville Costard à Augan (Morbihan). Quant aux multiples petites tombelles repérées aux alentours du Tombeau des Géants, de l’Hotié de Viviane ou à l’entrée occidentale du Val sans Retour, leur chronologie exacte ne saurait être précisée à l’heure actuelle, bien que ce type de structure soit plus fréquent en Armorique au Bronze final et au Hallstatt.
23L’âge du Bronze a montré un changement culturel important par l’apparition des sépultures individuelles mais aussi la destruction de certains monuments astronomiques néolithiques comme les alignements, Sans accuser les ethnies de l’âge du Bronze d’avoir été de farouches iconoclastes, on peut s’interroger sur la destruction générale des alignements de la région, et en particulier de celui des Pierres Droites à Monteneuf dont la mise à terre ne serait pas due uniquement aux chercheurs de trésor mais peut‑être, comme à Saint‑Just et au Tombeau des Géants, aux protohistoriques.
24Le Chalcolithique et l’âge du Bronze correspondent à une mutation technologique concernant essentiellement le développement de la métallurgie. Celui‑ci ne se fait que tardivement en région de Brocéliande‑Ploërmel. Aucun élément métallique n’est à l’heure actuelle connu associé aux campaniformes des allées couvertes ou des coffres. Quelques haches plates sont signalées çà et là. L’une est en récupération dans le dépôt du Bronze final de Plélan‑le‑Grand, dont nous reparlerons (142/33/60 mm). D’autres sont des découvertes isolées comme celle de Maxent (Ille‑et‑Vilaine) dont l’analyse a révélé un cuivre arsénié (65/50/30 mm), celle de Clio ou Le Clayo à Caro (Morbihan) conservée au British Muséum à Londres (105/35/65 mm) ou la petite « hache celtique en cuivre » signalée par l’abbé Guillot en 1867 à la Société d’archéologie d’Ille‑et‑Vilaine. On peut aussi rappeler la découverte, en 1901, de deux haches plates dans les landes de Lanvaux à Pluherlin, peut‑être en liaison avec les coffres campaniformes de cette région.
4.5. Les dépôts du bronze moyen
25Le véritable démarrage d’une industrie du bronze se place au Bronze moyen. Peut‑être la découverte des gisements stannifères de la région du Roc‑Saint‑André/La Villeder n’y est‑elle pas étrangère. Les haches à rebords et les éléments du groupe de Tréboul se retrouvent en marge de la forêt de Brocéliande, tant au nord qu’au sud.
26La commune de Gaël a vu la découverte de trois dépôts de l’âge du Bronze, dont deux du Bronze moyen (Briard, Bourhis 1973). Le dépôt du Boriga à 3 km à l’est/sud‑est du bourg a été découvert vers 1970 par M. M. Quernez. Il comprenait quatre haches à rebords déposées à plat les unes à côté des autres dans une fosse rectangulaire creusée dans le sous‑sol briovérien, très marécageux à cet endroit. Ce sont des haches à forts rebords, typiques du groupe de Tréboul, dont les longueurs varient de 110 à 150 mm pour une largeur au tranchant de 45 à 55 mm (fig. 74). Du fait de leur dépôt en milieu humide (dépôt votif de marais ?) les haches sont assez corrodées mais on peut distinguer un martelage des bavures du moule et des rebords. Le métal reste sain sous la couche superficielle de corrosion. Les analyses de J. Bourhis dénotent une très grande homogénéïté des compositions, suggérant une coulée homogène des quatre haches (87,6 à 88,2 % de cuivre, 10,3 à 11 % d’étain, 0,25 à 0,50 % de plomb, 0,50 à 0,80 % d’arsenic, 0,10 à 0,15 % de nickel). Cette composition est classique pour les objets du Bronze moyen armoricain du groupe de Tréboul que l’on peut situer vers 1 400 et 1 300 ans av. J.‑C.

● Fig. 74 – Le dépôt du Boriga à Gaël (Ille‑et‑Vilaine). Haches à rebords du type de Tréboul.
27Toujours à Gaël, le dépôt de La Ville Roux, manoir situé à 2,5 km à l’O/S‑O du bourg de Gaël, fut découvert vers 1902. Il fut dispersé et trois haches subsistant de ce dépôt ont pu être acquises pour le laboratoire d’anthropologie de l’université de Rennes I (ex collection Harscouët de Kéravel). Il s’agit d’une hache à rebords et de deux haches à talon. La hache à rebords est très longiligne (167 mm) et dénote une influence des ateliers médocains. Les deux haches à talon sont de type breton avec profil sinueux et tranchant très étroit. L’une est à décor en nervure médiane, l’autre à fin décor en trident dédoublé (fig. 75). Seule la hache à rebords a été analysée par J.‑R. Maréchal. C’est un bronze à 13,83 % d’étain et 0,125 % de plomb avec arsenic et nickel. Cette forte augmentation de l’étain est classique pour les haches à talon de la fin du Bronze moyen armoricain, vers 1300‑1100 av. J.‑C.

● Fig. 75 – Le dépôt de La Ville Roux à Gaël (Ille‑et‑Vilaine). Hache à rebords et haches à talon.
28Au groupe de Tréboul se rattachent des découvertes récentes encore inédites. A Bel Air à Mernel, canton de Maure‑de‑Bretagne (llle‑et Vilaine), une belle pointe de lance décorée a été découverte lors d’un labour en 1977. Elle est typique du groupe de Tréboul avec un décor en chevrons pointillés sur la douille (fig, 76, 2). Elle peut se ranger dans la série des pointes de lance décorées cérémonielles, bien que moins grande que d’autres exemplaires des Côtes‑du‑Nord comme celui de Ploubazlanec (fig. 76, 1). Un petit dépôt, dispersé par les labours, a été récolté à Bécihan à Monteneuf (Morbihan). En 1974, le Dr Molac signala deux haches à rebords et une pointe de lance décorée, malheureusement brisée lors des labours (fig. 76, 3) Une seconde pointe de lance a été retrouvée en 1988 par M. Houeix. Ces éléments montrent une pénétration vers la Bretagne intérieure du groupe finistérien de Tréboul. Le cheminement possible à partir du sud Finistère pourrait être marqué par les dépôts de pointes de lance et de haches à rebords recueillis précédemment au sud des landes de Lanvaux à Monteneuf et Meucon. La quête de nouveaux gisements stannifères en Bretagne intérieure pourrait être une des raisons de cette diffusion. L’analyse des haches à rebords de Monteneuf par J. Bourhis a donné des bronzes à 10,3 et 9,5 % d’étain et arsenic notable (1 %). La pointe de lance, plus corrodée, a une composition à 60 % Cu, 20,9 % Sn et 2 % As sans doute due à cette altération.

● Fig. 76 – Pointes de lance décorées du groupe de Tréboul. – 1. Ploubazlanec (Côtes‑du Nord). – 2. Mernel (Ille‑et‑Vilaine). – 3. Bécihan, Monteneuf (Morbihan).
29Un autre dépôt composite comprend des éléments du Bronze moyen. C’est celui de Plélan‑le‑Grand (Ille‑et‑Vilaine) découvert vers 1892 et acquis par P. Du Châtellier qui en donna une description sommaire dans la Revue archéologique de 1892. Il était composé de « 4,5 kilos de culots de fonte, 1 hache plate (?), 3 haches à ailerons et 8 fragments, 2 poignards à soie, 2 poignées de lames d’épées, 4 masselottes, un “ intéressant morceau de plaque ” et des débris divers ». Une partie de ce dépôt est conservée au Musée des antiquités nationales à Saint‑Germain‑en‑Laye. L’essentiel du dépôt de Plélan est du Bronze final mais la hache plate déjà évoquée et deux haches à rebords à large tranchant sont du type Suisse de Morges, une hache à talon à large tranchant et décor en écusson et un bracelet décoré de type britanno‑normand. S’agit‑il de rajouts de collection comme il arrive souvent pour les récoltes du XIXe s. ? Les haches du type de Morges, les seules qui seraient connues en Bretagne, semblent plus que douteuses quant à leur origine armoricaine. La hache à écusson (fig. 77) pourrait être une importation normande. Le bracelet massif décoré (fig. 77) appartient à une série bien connue dans le Morbihan (Bignan, Josselin) mais aussi en Ille‑et‑Vilaine (Guipry, Teillay, Domalain, etc.). Son origine locale semble possible sans qu’elle soit absolument plélandaise. Ce serait un lien entre les découvertes morbihannaises et celles d’Ille‑et‑Vilaine.

● Fig. 77 – Hache à talon et bracelet du type de Bignan.
Plélan‑le‑Grand (IIle‑et‑Vilaine) (?).
4.6. Des dépôts du bronze final
30La partie Bronze final du dépôt de Plélan‑le‑Grand semble authentique par la description de P. du Châtellier en 1892 et l’inventaire de la collection P. du Châtellier que réalisa en 1905 l’abbé Milon au château familial de Kernuz où elle était alors déposée. C’est un ensemble classique du groupe de l’épée à langue de carpe du Bronze final III. Il comprenait trois haches à ailerons et huit fragments du type à ailerons subterminaux (fig. 78, 2), deux poignards à soie (fig. 78, 3) et les débris de plusieurs épées à renflement central. Des débris d’épées ont été martelés pour fabriquer des racloirs à bélière, on en connaît deux fragments (fig. 78, 6). Un beau marteau à douille avec grosse nervure médiane a été récemment publié (Briard 1984 : 163, fig. 13) et un second fragment (fig. 78, 4), issu de ce même gisement, confirme l’importance du travail de la dinanderie à l’âge du Bronze final. Celle‑ci se compose aussi de remarquables objets décorés réalisés au moule. Le dépôt de Plélan en présente un exemple remarquable avec un fragment de plaque épaisse (4‑5 mm) ornée de cercles concentriques (fig. 78, 7). De telles plaques pouvaient orner les objets cultuels ou les chars de parade. La bijouterie est représentée par une série de bracelets décorés et aussi par une vingtaine de perles creuses en anneau ou en tonnelet d’un type fréquent dans les dépôts du Bronze final III. Celui de la Prairie de Mauves à Nantes en donne un bon échantillonnage comparatif. Parmi les autres objets de Plélan, une petite rouelle en plomb nous semble postérieure au Bronze final III. Enfin la petite hache à douille armoricaine du type de Couville (fig. 78, 8) fait partie des haches prémonétaires de l’extrême Bronze final, vers 700 av. J.‑C. et pourrait provenir d’une découverte antérieure de Plélan‑le‑Grand. En effet l’archéologue G. Bizeul fit don, en 1849, d’un « matar » (ancien nom des haches à douille armoricaines) trouvé à cette époque « avec beaucoup d’autres à Plélan ».

● Fig. 78 – Plélan‑le‑Grand. Bronze final. – 1. Collier de perles en bronze. – 2. Hache à ailerons. – 3. Poignard. – 4. Marteau à douille. – 5. Hache à douille. – 6. Racloir en bronze. – 7. Plaque en bronze. – 8. Hache à douille.
31Les haches à douille armoricaines sont abondantes dans la périphérie de Brocéliande. Le troisième dépôt de Gaël, celui du Fieux, village situé au nord du bourg de Gaël, découvert lors des travaux de chemin de fer en 1881, comprenait 63 haches du type de Couville, de 7 à 8 cm, dont 42 furent acquises pour le musée de Bretagne à Rennes et 8 pour le Musée des antiquités nationales. Ces haches plombeuses sont assez abîmées. Elles conservent souvent leur matrice d’argile à l’intérieur. Les décors sont rares, limités le plus souvent à une barre horizontale sous le bourrelet de la douille (fig. 79).

● Fig. 79 – Haches à douille armoricaines du type de Couville. Dépôt du Fieux, Gaël (Ille‑et‑Vilaine).
32Les haches du type de Couville sont spécifiques des ateliers de haute Bretagne et du Cotentin. Mais la région au sud de Brocéliande est aussi celle où furent fabriquées ces haches miniatures de 5 cm de long pour lesquelles j’ai proposé, en 1965, le nom de type de Maure, d’après le dépôt de La Couture à Maure‑de‑Bretagne découvert en 1862 et qui était composé de quelque 4 000 haches de ce type. Au xixe s., du fait de leur dispersion dans toute l’Europe des musées et des antiquaires, des haches de ce type furent signalées comme provenant de Pologne ou d’Ukraine, extrapolation abusive ! Un autre dépôt avec 200 petites haches du type de Maure fut découvert au mamelon de Quénédan ou Bois du Loup à Augan (Morbihan), vers 1820, près de tombelles. Quelques rescapées en sont conservées au musée de la Société polymathique à Vannes. C’est donc une fabrication locale qui a cependant quelques variantes en Normandie avec les haches du type de Saint‑James (Manche) également très petites (5 cm) mais à tranchant plus évasé. Cette variante a atteint le nord de l’Ille‑et‑Vilaine à Saint‑Marcan. Les haches à douille armoricaines témoignent d’une activité métallurgique importante en marge de Brocéliande vers 700 av. J.‑C. Mais on ne connaît guère les habitats et les sépultures de cette époque bien que certaines tombelles, comme celles voisines du dépôt d’Augan, puissent dater de cette période. Curieusement, alors que les gisements de fer sont abondants en cette région, aucune exploitation ou aucun site de l’âge du Fer n’est connu en forêt. Mais il faut dire que de nombreux ouvrages en terre du secteur forestier n’ont jamais été sérieusement étudiés. Ceux de la forêt de La Guerche, révisés récemment par J.‑C. Meuret, pourraient se rattacher en partie aux civilisations de l’âge du Fer. Par contre l’exploitation du fer fut en pleine activité dès le Haut Moyen Age.
33Un objet exceptionnel de l’âge du Fer de Brocéliande est la tasse en or de Paimpont. Elle aurait été découverte en 1880 par un bûcheron à la lisière de la forêt de Paimpont puis acquise par le collectionneur manceau J. Chappée. Un siècle plus tard elle est présentée au Musée des antiquités nationales dans la prestigieuse vitrine des ors de l’âge du Bronze. La tasse mesure 115 mm de largeur, 50 mm de haut et pèse 132,75 g. Elle est en or jaune à 5 % d’argent et traces de cuivre (analyse Dr Hartmann à Stuttgart) (Joffroy 1974). La tasse est à fond ombiliqué. Le rebord éversé plat porte un anneau plat pivotant autour de son rivet. Dans cet anneau plat sont passés deux anneaux circulaires en or à composition différente de la tasse (5 % d’argent). Sous le rebord court une frise d’oiseaux aquatiques à tête allongée dont le contour est souligné de pointillés (fig. 80). Le corps de la tasse est orné de cercles concentriques obtenus au moulage, disposés en deux rangées. Dans un premier temps on a pu rapprocher le gobelet de Paimpont des autres tasses de l’âge du Bronze découvertes en France à Rongères (Allier) et Villeneuve‑Saint‑Vistre (Marne). Cependant la tasse de Paimpont en diffère par son poids plus élevé et son décor moulé et non obtenu par estampage, comme pour les vases du groupe de Rongères. De plus le décor d’oiseaux aquatiques est celui que l’on trouve à l’extrême Bronze final de l’Europe centrale et du Nord. Le dépôt de tasses en or de Mariesmunde Mose Kirchspiel Ronninge, Fionie au Danemark, est associé à un grand chaudron en bronze où l’on retrouve le même style d’oiseaux aquatiques soulignés de pointillés (Thrane 1975). Le thème des oiseaux aquatiques se retrouve sur des chaudrons de Hongrie comme les deux exemplaires de la cachette de Mezökövesd, du Bronze final (fig. 81). C. Eluère (Eluère 1982) a donné des comparaisons de vases en or plus anciens provenant aussi d’Europe centrale. La tasse à deux anses de Magyarebenye, lourde comme celle de Paimpont (132 g), est ornée au fond de 5 cercles concentriques. Deux des tasses hongroises en or de Komitat Bihar ont le même profil et le rebord guilloché de la tasse de Paimpont, mais le décor d’oiseaux aquatiques typiques du bronze final manque. Que vient faire cette tasse, objet de prestige, symbole de pouvoir ou instrument de culte, en cette forêt de Paimpont ? Une légère suspicion pèse sur les conditions de découverte. Elle n’est pas étonnante quand on sait les dissimulations fréquentes auxquelles sont soumises les découvertes en métal précieux. Y a‑t‑il un lien possible avec la fabrication intense des haches‑monnaies style Maure qui a dû se produire à la même époque ? Le mystère demeure en cette forêt aux sortilèges. Peut‑être peut‑on évoquer la mémoire collective qui rappelle que c’est avec une tasse en or que l’on déclenchait les orages en répandant de l’eau sur le perron de la Fontaine de Barenton… Ultime souvenir d’un culte protohistorique, pourquoi pas ?

● Fig. 80 – La tasse en or de Paimpont. Age du Fer.

● Fig. 81 – Chaudrons à décor d’oiseaux. – 1. Mariesmunde Mose (Danemark). – 2 et 3. Mezökövesd (Hongrie). D’après Thrane et Patay.
4.7. Dalles et rochers à cupules
34Difficile à dater avec précision, souvent à peine évoqué, le problème des cupules préhistoriques mérite qu’on s’y attarde un peu d’autant plus que plusieurs découvertes récentes ont montré son importance en forêt de Brocéliande et dans les régions voisines. Les schistes se prêtent bien à la confection de petites cupules circulaires le plus souvent effectuées par rotation d’une roche dure, silex ou quartz, ou d’un instrument métallique aux périodes les plus récentes. Parfois, dans les Schistes pourprés associés aux poudingues, il peut y avoir doute ou ambiguïté sur certaines cavités qui peuvent aussi bien être des creux naturels dus à la perte d’un petit galet du poudingue que par le creusement de main d’homme. Le cas le plus éloquent est celui d’une des dalles de chant ouest (W3) de l’Hotié de Viviane, à Paimpont, qui porte aussi du côté externe quelques excavations érodées par le temps et dont on ne peut affirmer avec certitude qu’elles soient de véritables cupules.
35Plusieurs allées couvertes de la région de Monteneuf‑Guer‑Coëtquidan portent d’indiscutables cupules gravées. Le plus bel exemple est celui de l’allée couverte du Clos‑Boscher à Monteneuf dont deux dalles portent un réseau dense de cupules relevé par R. Molac et R. Cahierre (Molac, Cahierre 1978). Une petite dalle de 2,20 m de long pour 1,35 m de large environ porte une cinquantaine de cupules apparemment en désordre. Deux sont de taille plus importante et deux autres sont réunies « en haltère ». La seconde dalle gravée, plus importante, de 2,80 m de long sur 2 m de large, porte également une cinquantaine de cupules dont une grosse marginale et des séries vaguement agencées en files irrégulières (fig. 82). Les cupules sont fréquentes sur les dalles de dolmens et d’allées couvertes, particulièrement dans le Finistère où de beaux exemples en sont fournis par les dolmens compartimentés du Souc’h à Plouhinec et de l’allée couverte de Kermorvan au Conquet. Souvent gravées à l’extérieur du monument elles peuvent être aussi bien néolithiques que plus récentes. Des dalles de l’âge du Bronze portent des cupules. La commune de Berrien, dans les monts d’Arrée, connaît aussi des séries de coffres avec des dalles gravées à l’intérieur de la tombe et qui datent indiscutablement de l’âge du Bronze, comme celles de Trédudon‑Le‑Moine (Briard 1984 : fig. 107). Une des plus belles figurations avec agencement cruciforme des groupes de cupules est celle de la dalle de Saint‑Ouarno à Langoëlan (Morbihan) découverte en 1970 (Le Roux 1971). Elle recouvrait une petite fosse avec poteries de l’âge du Bronze et peut‑être une perle en ambre.

● Fig. 82 – Cupules de l’allée couverte du Clos Boscher à Monteneuf. D’après Molac et Cahierre (1978).
36Une autre belle dalle à cupules, provenant vraisemblablement d’une tombe de l’âge du Bronze, nous fut signalée en 1986 lors des fouilles du tumulus de Saint‑Sauveur. Elle provient du Tréhou (Finistère) et a pu être sauvée par M. Le Goffic, archéologue départemental. Elle montre un registre plus varié avec cupules associées à des « marelles », des « haltères » et des signes en U (Le Goffic 1988). Ces exemples prouvent la relative fréquence de ces figurations de l’âge du Bronze alors que l’on avait souvent hésité entre cette période et des christianisations, notamment pour celles de Loire‑Atlantique du Méniscoul à Pénestin et de Branru à La Turballe à proximité, chose quand même remarquable, d’un gisement d’étain. Enfin en ce domaine on ne peut que regretter la disparition de la Roche Méha à Pleucadeuc, que L. Marsille décrivit comme recouverte de cercles concentriques comme ceux fréquents à l’âge du Bronze britannique (Argyll, Northumberland).
37Les rochers avec cupules sont fréquents en région de Brocéliande et n’ont été remarqués que tout récemment. G. Larcher a repéré la série de petites cupules gravées sur les affleurements de la lande du Renihal, à quelques centaines de mètres à l’est de l’allée couverte du Rocher à Concoret. Ce sont des cupules de petit diamètre (2 à 3 cm), irrégulièrement dispersées. Une autre série se trouve sur les rochers de La Ville Aubert, route de Paimpont à Campénéac. Ce sont de grandes cupules profondes dont l’âge est difficile à préciser. On peut remarquer qu’une grande croix a été édifiée au sommet de l’affleurement, peut‑être en remplacement d’un lieu de culte traditionnel remontant loin dans le temps.
38Aux issues orientales de la forêt de Paimpont en allant vers Saint‑Malon‑sur‑Mel, M. Houeix a repéré à 500 m de l’étang des Marettes, après le carrefour de l’allée de Cadiou et de la D 71, des cupules intéressantes par leur groupement en deux séries : une au sud avec petits trous dans la roche de 2 à 3 cm et une autre à une cinquantaine de mètres plus au nord avec des cupules plus grandes de 5 à 6 cm de diamètre. L’interprétation en est difficile, réalisation par deux « artistes » différents ou à des époques différentes... D’autres groupes existent encore au nord‑ouest de Brocéliande, M. Houeix en a repéré une série au bord septentrional de l’étang de Plomelin. On doit toujours être prudent dans l’interprétation protohistorique de ces figurations mais on ne saurait les négliger. Elles ont d’ailleurs fait l’objet de récentes recherches dans d’autres régions. En particulier G. Jumel (Jumel 1983) a relevé les séries de cupules de Guipry‑Messac, liées ici à la Vilaine et sans doute au culte des eaux.
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