3. Céramologie des mégalithes de Brocéliande
p. 91‑103
Résumés
Au Néolithique, l’Hotié de Viviane et le Jardin aux Moines sont implantés dans un milieu semi‑boisé. A la même époque l’allée couverte de La Ville Bouquet montre un paysage très ouvert avec une intense activité humaine (pâturage, culture des céréales). Au Bronze ancien, les terrains sont plus déboisés et montrent une forte action anthropique.
Neolithic monuments were erected in a half deforested area. Outside the forest, cereal cultivation occured (Ploërmel). Anthropic action has been more important during the Bronze Age .
Texte intégral
3.1. Introduction
1Un programme d’analyses céramologiques a été mené dans le cadre des recherches faites sur les différents sites archéologiques de la forêt de Brocéliande concernés par le programme 1982‑1985. Les monuments mégalithiques abordés dans cette étude sont :
2– l’allée couverte de La Ville Bouquet, Ploërmel (Morbihan) ;
3– l’Hotié de Viviane, Paimpont (Ille‑et‑Vilaine) ;
4– le Jardin aux Moines, Néant‑sur‑Yvel (Morbihan) ;
5– le Tombeau des Géants, Campénéac (Morbihan) ;
6– le coffre de La Guette, Paimpont (Ille‑et‑Vilaine).
7Au cours des travaux de mise en valeur des monuments, des tessons de céramiques ont été découverts, en quantités variables suivant les sites, et étudiés dans les chapitres précédents. Un échantillonnage de cette céramique a fait l’objet d’une étude en laboratoire suivant les méthodes pétrographiques. Après un bref aperçu sur les techniques mises en œuvre, nous présentons, dans ce chapitre, les résultats de l’analyse et leurs incidences archéologiques.
3.2. Techniques et méthode d’étude
8Deux principales techniques d’analyse ont été utilisées afin de caractériser les pâtes céramiques : la microscopie en lumière polarisée et la diffractométrie X.
3.2.1. La microscopie en lumière polarisée
9L’examen des céramiques au microscope pétrographique se fait généralement au travers d’une section fine d’environ 25 à 30 μm d’épaisseur. Du fait des caractères propres aux céramiques (matériaux inhomogènes, poreux et friables), la fabrication des lames minces nécessite quelques précautions. Les fragments de poteries prélevés à la scie diamantée fine sont tout d’abord indurés. Le procédé utilisé est l’imprégnation au goutte‑à‑goutte sous vide par une matière plastique. Les échantillons polis puis collés sur une lame porte‑objet sont réduits à 1/10e de mm environ à la rectifieuse. Le polissage final fait sur touret permet d’atteindre l’épaisseur désirée. La section est enfin recouverte d’une lamelle à l’aide du baume du Canada.
10L’examen des pâtes au microscope polarisant permet de caractériser les deux principaux constituants des céramiques que sont la matrice argileuse et le dégraissant. La nature des minéraux ou des fragments lithiques, les associations minéralogiques, la forme des grains, leur taille, leur disposition sont autant de caractères qui peuvent être recueillis. C’est à partir de ces données et des observations macroscopiques que l’on entreprend l’interprétation archéologique.
3.2.2. La diffractométrie X
11La diffractométrie peut être faite indépendamment ou en complément de l’analyse en lame mince. Un petit fragment du tesson réduit sous forme de poudre est soumis à un rayonnement X monochromatique. L’enregistrement réalisé est la courbe de l’intensité des rayons X diffractés en fonction des angles de diffraction. Les pics observés sont caractéristiques des différentes espèces minérales présentes dans l’échantillon, ainsi que leur quantité. Pour une céramique, la nature du dégraissant, et éventuellement celle des minéraux argileux de la matrice ayant conservé une structure cristalline ou néoformés durant la cuisson, pourront être déterminées.
12C’est à partir des données microscopiques, diffractométriques et des observations macroscopiques que l’on peut entreprendre une interprétation archéologique.
13Les conclusions peuvent être d’ordre divers suivant les cas : préciser l’origine du ou des matériaux utilisés en regard avec les données géologiques régionales, faire des regroupements d’échantillons ayant probablement la même origine au sein de l’ensemble céramique étudié ou tirer des conclusions d’ordre technologique (ajout de dégraissant ou au contraire affinage de l’argile, enduction, montage, etc.)
3.2.3. Étude minéralogique et incidences archéologiques
14En général et sauf exception, la taille maximale des tessons est de l’ordre de 2 à 3 cm. Dans ce cas, aucune forme particulière de poterie pouvant se rattacher à une typologie connue n’est observée. C’est à partir de l’aspect général de la pièce qu’une attribution d’âge peut être faite avec tous les risques que cela comporte. Il est parfois difficile de situer chronologiquement certaines céramiques à partir des seules données stratigraphiques, en particulier lorsque les tessons proviennent de couches plus ou moins remaniées.
15Toutefois certains échantillons, de par leur position stratigraphique ou la forme des vases, leur décor, sont indubitablement néolithiques ou chalcolithiques. Ainsi deux tessons décorés, l’un provenant de La Ville Bouquet, l’autre du coffre de La Guette, présentent les caractères typiques des céramiques campaniformes. D’après l’aspect général des tessons d’âge indéterminé ou de matière incertaine, l’allure de la pâte (dégraissant, cohérence...) et en comparaison avec les tessons d’âge certain, il semble que la plupart des poteries dont proviennent les tessons peuvent être attribuées aux périodes allant du Néolithique à l’âge du Bronze. Pour d’autres échantillons, nous verrons que l’analyse microscopique approfondie en fonction des connaissances sur quelques productions armoricaines permet d’associer des poteries à des fabrications nettement plus récentes, c’est‑à‑dire médiévales.
3.2.4. Le contexte géologique
16La connaissance du contexte géologique local est primordiale pour ces études. Il a déjà été évoqué par B. Bigot pour l’ensemble de la région (fig. 62) et par nous‑même pour le site de La Ville Bouquet (fig. 44) pour lequel une série d’études céramologiques a été réalisée. La région de Ploërmel se situe en bordure du domaine centre armoricain. Le socle est constitué de formations briovériennes schistograywackeuses dans lesquelles sont intercalés de gros bancs de poudingue à galets de quartz (poudingue de Gourin). La morphologie du site de La Ville Bouquet est fortement conditionnée par la présence de ce poudingue. Les bancs orientés O‑NO/S‑SE, plus résistants à l’altération que les schistes, forment une ligne de crêtes de même orientation dominant la vallée du Ninian et la plaine briovérienne, ligne sur laquelle se trouve le site néolithique étudié.
17A ce propos, il est à noter que les blocs qui constituent le monument sont essentiellement en poudingue de Gourin. Plusieurs autres blocs de cette roche débités par l’érosion sont éparpillés aux alentours, sans compter les affleurements naturels. Les constructeurs du mégalithe ont trouvé la matière première sur place, ce qui suppose un transport très limité, tout au plus d’une centaine de mètres.
18A l’est et au sud‑est, on trouve les formations paléozoïques des synclinaux du sud de Rennes (schistes de Montfort, Grès armoricains et schistes d’Angers principalement). Un massif leucogranitique affleure à environ 5 km au SO de La Ville Bouquet. Les formations superficielles immédiates sont représentées par des sables et des alluvions modernes et anciennes.
3.3. L’allée couverte de la ville bouquet
3.3.1. Conditions de prélèvement
19Deux sondages ont été pratiqués : l’un dans le monument, il a fourni treize tessons provenant de six céramiques (notées LVB 1 à LVB 6). Le second a été fait à environ 200 m à l’O‑NO du mégalithe sur le site des Rochers en vue de la découverte éventuelle d’un niveau ancien d’occupation. Seul un tesson de poterie y a été trouvé à faible profondeur (échantillon LVB 7).
20Il est difficile de situer chronologiquement les céramiques dans le temps à partir des seules données stratigraphiques, la plupart des tessons ayant été trouvés dans des couches plus ou moins remaniées. De plus, le fait d’avoir comme base d’étude un sondage restreint ne permet d’avoir qu’une vision très limitée de la stratigraphie du site. Cependant sept tessons d’une même céramique étaient certainement en place, sous le dallage interne de l’allée couverte (échantillon LVB 2). L’aspect général de la pâte est en accord avec une fabrication datant du Néolithique.
21La taille maximale des tessons est de l’ordre de 2 à 3 cm (6 cm pour LVB 2). Aucune forme particulière de poterie pouvant se rattacher à une typologie connue n’est observée. Un seul tesson possède un décor (LVB 3) : il s’agit de cinq lignes parallèles imprimées à l’aide d’une cordelette, typiques des céramiques campaniformes.
22L’aspect général des cinq autres céramiques (texture, couleur, cohérence) permet de les séparer en deux grands groupes. Le premier est constitué des échantillons LVB 4, LVB 5 et LVB 6. De par leurs caractères et du fait de leur ressemblance avec l’échantillon LVB 2, ces céramiques peuvent être attribuées au Néolithique. Le second groupe est représenté par deux tessons beaucoup plus cohérents (LVB 1 et LVB 7, ce dernier provient du sondage éloigné). L’étude microscopique qui suit permet de les rattacher à une période plus récente, fort probablement médiévale.
3.3.2. Étude microscopique et incidences archéologiques
23L’étude porte sur l’analyse de sept lames minces correspondant à chacun des types de tessons. L’ordre dans lequel sont présentés les échantillons est chronologique, tout au moins au niveau des grands groupes déjà définis. L’interprétation archéologique est faite à partir de ces données. Elle concerne l’origine géographique des terres utilisées, le regroupement des céramiques, le choix des matériaux et l’aspect technologique (fig. 68).

● Fig. 68 ‑ Etude céramologique de La Ville Bouquet. – 1. VB 2 (néolithique). – 2. LVB 3 (campaniforme). – 3. LVB 4 (néolithique). – 4, 5, 6. LVB 1, LVB 7 (médiéval).
3.3.2.1. LVB 2 (sondage interne, couche sous dallage)
24Il s’agit d’une poterie assez grossière ayant subi un lissage sommaire sur sa face extérieure. La pâte est beige‑rougeâtre et présente une zone noire réduite dans sa partie interne. La matrice argileuse est constituée de minéraux phylliteux sans orientation particulière. Les vides sont relativement fréquents. Le dégraissant est abondant avec une majorité de gros grains (taille maximale 2,1 mm). Les minéraux essentiels du dégraissant sont le plagioclase, le plus important en volume, en moindres quantités le quartz et un feldspath potassique. Le plagioclase se présente sous forme de gros cristaux trapus, subautomorphes et fortement altérés (séricite, fig. 68, 1) ; il s’agit de la variété oligoclase (An 27). Occasionnellement, on rencontre des fragments lithiques composés de feldspath potassique, de plagioclase et de quartz. Ce dégraissant correspond à une minéralogie de type granodiorite. Notons cependant la prédominance du plagioclase.
25Une roche ayant une telle composition ne se rencontre pas dans l’environnement immédiat du site de La Ville Bouquet. Il faut descendre à quelques dizaines de kilomètres au sud pour rencontrer ce type de formation (exemple de l’axe granito‑gneissique de Moëlan‑Lanvaux). D’autres formations présentes dans le massif armoricain peuvent, par altération, fournir ce genre d’argile et ces dégraissants naturels. Les données disponibles ne permettent pas de cerner précisément l’origine des terres utilisées. Une analyse plus approfondie serait pour cela nécessaire.
26Quoi qu’il en soit, il s’agit d’argile primaire non sédimentaire du fait de la présence en grande quantité de cristaux de plagioclase.
3.3.2.2. LVB 4 (sondage interne)
27La terre qui a été utilisée est grossière. La surface du tesson est mate. Sa couleur extérieure est beige‑rouge, celle de l’intérieur beige plus clair. En section, on remarque qu’en fait la presque totalité de la pâte est noir foncé. Seules de fines franges colorées dont l’épaisseur est inférieure au millimètre bordent le tesson et lui donnent son aspect extérieur. Ceci traduit une cuisson dans des conditions fortement réductrices.
28Au microscope, la matrice d’abondance moyenne est isotrope. Les vides sont assez fréquents. Le dégraissant à grains anguleux est principalement formé de quartz, de plagioclase et de fragments lithiques. Ces fragments sont très caractéristiques ; en effet, ils sont constitués de schistes maclifères plus ou moins foliés avec en particulier des cristaux de chiastolite (minéral métamorphique, andalousite à inclusions charbonneuses, fig. 68). Ce caractère permet de situer précisément l’origine géographique de cette céramique. Cette roche très particulière affleure sur un domaine restreint ; il s’agit d’une étroite bande de terrain (500 m de large en moyenne) qui s’étend suivant un axe est‑ouest. Cette zone se situe au sud de l’allée couverte à une distance de 25 km.
3.3.2.3. LVB 5 (sondage interne), LVB 6 (sondage externe)
29Le premier tesson de petite taille (inférieure à 1 cm) présente comme l’échantillon précédent un noyau gris‑noir. La matrice est également isotrope, les vides sont peu abondants. Le dégraissant minéral bien représenté est formé de grains anguleux bien triés dans la fraction fine (taille moyenne 70 μm) avec de très gros éléments disséminés (taille maximale 3,5 mm). Le quartz en est le principal constituant, la muscovite est accessoire. Les minéraux accidentels sont l’épidote et la tourmaline.
30A quelques caractères près, le second tesson (LVB 6) est semblable au précédent. Il est constitué d’une pâte noir foncé, seule la bordure externe du tesson est beige clair sur une fine épaisseur. La matrice argileuse, qui ne présente aucune structure orientée, est isotrope en lumière polarisée. Les vides sont en abondance moyenne alors que le dégraissant occupe un volume important. Ce sont des grains anguleux, le plus souvent fins (taille moyenne 100 jum) avec toutefois de très gros cristaux de quartz déjà visibles en surface (taille maximale 2,2 mm). C’est ce minéral qui est l’élément essentiel du dégraissant. Il se présente soit en cristaux isolés soit en amas polycristallins. Son extinction est roulante. Les minéraux accessoires sont l’épidote (clinozoïsite), la muscovite, le plagioclase (An 25) et la biotite. Plus rarement on trouve de petits cristaux de tourmaline.
31Les deux tessons LVB 5 et 6 montrent donc de nombreux caractères macroscopiques et microscopiques communs. Au niveau actuel de l’analyse, les assemblages minéralogiques de ces deux céramiques ne présentent pas de caractères assez discriminants qui puissent permettre d’en fixer l’origine précise. Les terres utilisées proviennent de l’altération de roches à composition granitique comme il en existe au sud du site. L’origine de ces poteries est de toutes manières différente de celle de l’échantillon LVB 2.
3.3.2.4. LVB 3 (sondage interne)
32La céramique campaniforme se présente sous la forme d’un tesson beige‑rouge de 4 cm2 environ. Des tablettes de mica blanc apparaissent en surface. Le noyau, très développé, est de couleur noire compatible avec une cuisson à dominante réductrice. En section, les minéraux phylliteux de la matrice ainsi que les cristaux allongés de muscovite sont disposés suivant des directions aléatoires. Seules les tablettes de muscovite se trouvant sur la face extérieure se placent tangentiellement à cette surface ; la poterie a subi un lissage final, ceci avant décoration.
33Les minéraux dégraissants sont le quartz et la muscovite. Le quartz en grains mono‑ ou polycristallins ne présente pas d’extinction ondulante. La muscovite se trouve en grandes tablettes automorphes et en nombreux petits cristaux noyés dans la matrice. On peut observer en moindre quantité de la biotite brune très pléochroïque, des feldspaths : du plagioclase (oligoclase An 18) et du feldspath potassique. La composition d’un tel dégraissant correspond à celle d’un granite à deux micas à muscovite dominante du type leucogranite, dans ce cas peu ou pas déformé.
34Ce genre de formation est très bien représenté à proximité du site de La Ville Bouquet. Le massif leucogranitique de La Ville d’Air situé à environ 4 km au SO de l’allée couverte correspond parfaitement à la description du dégraissant qui vient d’être faite. Le potier a pu utiliser une argile d’altération de cette roche.
35Du point de vue technologique, les nombreux cristaux de muscovite contenus dans la pâte confèrent au matériau une bonne résistance aux chocs thermiques, faisant de cette argile une terre bien adaptée à la fabrication de céramiques.
3.3.2.5. LVB 1 (sondage interne), LVB 7 (sondage annexe)
36Ces deux tessons sont étudiés ensemble du fait qu’ils possèdent les mêmes caractéristiques. Il est cependant peu probable qu’ils appartiennent à la même céramique puisque trouvés dans des contextes différents à plus de 200 m l’un de l’autre.
37Dans les deux cas, il s’agit d’une poterie bien cuite sonnant clair. Elle est beige clair très légèrement grisée au centre de la section. Des spiculés d’éponges fossiles se voient très bien à la surface des tessons au binoculaire ou à la loupe (fig. 68, 4) ainsi que des paillettes de mica. Toujours au binoculaire et en lumière rasante on peut observer en surface du tesson LVB 7 de fines lignes parallèles ayant la même orientation sur les deux faces. Ceci résulte vraisemblablement des effets d’un tournage.
38Au microscope, la matrice apparaît isotrope. Les vides sont en faible quantité. Les grains de dégraissant sont abondants et se répartissent en deux classes granulométriques et minéralogiques distinctes. L’une fine (160 et 180 μm en moyenne) est formée en majorité de grains arrondis de quartz. La seconde classe, plus grossière (taille maximale 1 et 2 mm), est constituée de grains à dominante anguleuse et dont la minéralogie est plus variée. Il s’agit de quartz, de muscovite en grosses tablettes, de biotite très brune, d’un feldspath alcalin (microcline) légèrement altéré et de plagioclase assez frais (oligoclase An 27‑29) (fig. 68, 6). Quelques nodules de minéraux opaques et de chamotte sont également observés. Des sections transversales et longitudinales de spicules et de sclérites de spongiaires sont visibles au microscope (fig. 68, 5). Le canal axial des spicules est parfois rempli de minéraux phylitteux identiques à ceux de la matrice. Les spicules n’ont donc pas été ajoutées ; elles étaient déjà noyées dans la matrice au moment de la fabrication des céramiques.
39Contrairement à tous les autres échantillons, l’argile utilisée pour la confection de ces deux céramiques est sédimentaire. Elle provient d’un des rares petits bassins pliocènes bien connus dans le massif armoricain. Il s’agit d’argiles fossilifères très riches en spicules de spongiaires. La fraction fine à grains arrondis observée dans les pâtes trouve son origine dans cette argile. Par contre, le plagioclase, le microcline, les micas (muscovite et biotite) qui constituent en grande partie la fraction grossière du dégraissant n’existent pas dans l’argile à l’état naturel. Le ou les potiers ont donc rajouté ce dégraissant afin d’améliorer les qualités plastiques de l’argile pliocène.
40L’association d’argile à spicules et d’un dégraissant de nature granitique pour la fabrication des céramiques est caractéristique du site de Saint‑Jean‑la‑Poterie (Morbihan) (Giot, Querré 1986). C’est seulement dans cette région que l’on trouve un massif granitique à proximité d’argile pliocène. Les deux céramiques LVB 1 et 7 proviennent donc du site de Saint‑Jean‑la‑Poterie qui se situe à 40 km au SE du monument de La Ville Bouquet.
41Le maximum de production et de répartition des céramiques de Saint‑Jean‑la‑Poterie se situe dans le Moyen Age et le post‑médiéval. Les deux tessons de La Ville Bouquet datent probablement de ces périodes, ce qui est en accord avec le fait qu’elles sont très bien cuites.
3.3.3. Conclusions
42Les quatorze tessons recueillis à La Ville Bouquet peuvent être regroupés en cinq classes distinctes : trois classes datant du Néolithique, une classe du Chalcolithique (céramique campaniforme) et enfin une classe du Moyen Age (céramiques à spiculés). La fréquentation du site de La Ville Bouquet est donc assez étendue dans le temps. Les caractéristiques propres à chacun des tessons ont permis de se rendre compte de l’origine précise, ou moins précise suivant les cas, des céramiques. Les distances d’importation, qui ne semblent pas dépasser le cadre du massif armoricain, varient de 5 à 40 km au moins.
43Il apparaît qu’aucune des céramiques trouvées n’a été fabriquée sur le site même ou dans l’environnement immédiat. Soit il en existe mais elles n’ont pas été découvertes ou bien il faut plutôt penser que les terres d’altération du briovérien ne fournissaient pas de bons matériaux pour la confection des céramiques. Pour le Néolithique et le Chalcolithique, les potiers ont préféré choisir des terres issues de l’altération de roches granitiques ou métamorphiques. La présence dans les pâtes des minéraux de ces roches est particulièrement intéressante pour une bonne qualité plastique des argiles, ce qui les rend propres au modelage, ces minéraux se trouvant naturellement dans l’argile (argile primaire). De plus, la présence des cristaux de micas et de chiastolite dans les pâtes donne aux céramiques une haute résistance aux chocs thermiques. Ces terres ont été délibérément sélectionnées pour leurs qualités, sans doute d’une manière empirique liée à l’expérience des potiers.
44Dans le cas des poteries médiévales, l’argile utilisée est sédimentaire mais le potier a volontairement rajouté un dégraissant de nature granitique afin d’améliorer les qualités de l’argile pliocène.
45Pour les poteries les plus anciennes (Néolithique et Chalcolithique), la température de cuisson fut peu élevée dans des conditions à dominante réductrice. Les céramiques à spicules ont subi une cuisson beaucoup plus poussée, ceci dans une atmosphère plutôt oxydante.
3.4. L’Hotié de Viviane
46Huit échantillons ont été sélectionnés pour analyse en lame mince et diffractométrie (fig. 69 et 70).

● Fig. 69 – Etude céramologique de l’Hotié de Viviane. – 1 et 2. HV 1. – 3. HV 2. – 4 et 5. HV 4. – 6. HV 5a.

● Fig, 70 – Etude céramologique de l’Hotié de Viviane et La Guette. – 1. HV 5b. – 2 et 3. HV 6. – 4. HV 7. – 5. HV 8. – 6. La Guette.
3.4.1. HV 1 ET HV 2
47Les tessons, d’1 cm d’épaisseur, sont assez bien lissés à l’extérieur, plus irréguliers sur leur face interne. La pâte assez grossière est rougeâtre à brunâtre. Le dégraissant a une granulométrie très hétérogène, mêlant des grains plurimillimétriques à des grains moyens et petits (taille moyenne 200‑300 μm). Les particules ont des contours anguleux irréguliers.
48Le dégraissant est composé :
de feldspath potassique, en l’occurrence du microcline en cristaux perthitiques ;
de quartz présentant une extinction roulante marquée (la roche d’origine a subi de fortes contraintes tectoniques) ;
de plagioclase acide (variété oligoclase) ; les cristaux, assez altérés, sont parfois fracturés ;
de biotite brune avec de fines aiguilles épitactiques de rutile ;
d’un cortège de minéraux accessoires : apatite, zircon, rutile, minéraux opaques.
49Cette paragenèse est caractéristique de celle d’un granite à biotite. La terre utilisée pour la confection des vases est une argile primaire (non sédimentaire), peu évoluée du fait de la présence de plagioclase et de microcline. Elle a été utilisée telle quelle sans traitement important.
3.4.2. HV 3
50La pâte de cette poterie est très brune, structurée. Le dégraissant hétérogène est constitué principalement de quartz et en moindre proportion de moscovite. On décèle également la présence de quelques cristaux de plagioclase et de biotite. Le feldspath potassique (microcline) est rare, la tourmaline est accessoire. Les grains anguleux ne sont pas triés allant du gros de 2 mm jusqu’au plus fin (quelques μm).
51L’argile, plus mature que celle utilisée pour les céramiques HV 1 et HV 2, provient de l’altération d’un granite à deux micas. La cuisson de la pièce s’est déroulée en atmosphère fortement réductrice.
3.4.3. HV 4
52La pâte de ce tesson épais d’1 cm est relativement fine, bien que quelques grosses particules soient disséminées dans la matrice. De couleur brunâtre, elle est anisotrope et possède une texture maillée non orientée. Les éléments figurés sont : le plagioclase, des minéraux opaques, de la biotite, le quartz ainsi que quelques cristaux d’amphibole disséminés. Cette association minéralogique est celle d’une roche tonalitique.
3.4.4. HV 5
53Cette poterie possède une pâte anisotrope fortement structurée. Les fentes de retrait sont nombreuses. La pâte est zonée avec une couleur allant du brun clair au brun foncé de l’extérieur vers l’intérieur. Une telle répartition des teintes peut être due à une cuisson en atmosphère oxydante, l’ouverture du vase étant obturée soit par retournement sur le sol soit par superposition d’un autre pot. L’enceinte intérieure ainsi délimitée se trouve isolée, sans apport d’oxygène ; l’atmosphère est localement réductrice. La pâte est alors beaucoup plus foncée dans la zone interne.
54L’argile utilisée est grossière avec des fragments allant jusqu’à 5 mm de long. Les grains irréguliers sont anguleux. Le quartz et la biotite sont les principaux constituants du dégraissant. On observe également plusieurs fragments de roche qui associent le quartz, la biotite et la sillimanite. Cette roche métamorphique, du fait de sa structure et de sa minéralogie, est une migmatite. Des fragments de végétaux distillés au cours de la cuisson subsistent dans la pâte. Vu leur rareté, il n’est pas certain qu’ils aient été ajoutés volontairement.
3.4.5. HV 6
55La pâte est brun foncé, assez grossière (épaisseur : 7 à 8 mm). Une caractéristique marquante de ce tesson est d’être constitué d’une quantité très importante de mica blanc (muscovite). En lame mince et au microscope, les baguettes de muscovite forment un feutrage contournant les grosses particules formées de quartz, de feldspath potassique et de plagioclase. La taille de ces grains peut être importante, jusqu’à 0,5 cm de longueur, ce qui donne un aspect grossier à la pâte. Du fait de l’abondance des paillettes de mica, la matrice apparaît anisotrope. L’association quartz, plagioclase, feldspath alcalin, muscovite suppose une origine granitique. Néanmoins, la muscovite est largement dominante. Une roche qui par altération donne ce type d’argile peut être un micaschiste ou bien des enclaves ou passées surmicacées d’un granitoïde.
3.4.6. HV 7
56Ce tesson de 7 mm d’épaisseur est de couleur brune et possède une frange oxydée d’1 mm environ sur la partie externe. La terre utilisée se différencie de celle des autres échantillons par la granulométrie bimodale de son dégraissant. Le fond de la pâte, assez fin, est riche en petits grains de quartz bien triés en taille (moyenne 30 μm). De gros fragments de microcline perthitique sont répartis dans la masse (taille maximale : 4 mm). Il est probable que ces gros éléments ont été ajoutés intentionnellement dans l’argile trop grasse pour être travaillée de manière convenable. La matrice argileuse anisotrope présente une texture maillée. Cette variété d’argile peut correspondre à l’altération de schistes briovériens. On notera une fois de plus dans la composition l’empreinte des minéraux des granitoïdes.
3.4.7. HV 8
57Cet échantillon présente de fortes similitudes avec les tessons HV 1 et HV 2. La section d’1 cm d’épaisseur est rougeâtre à brun foncé vers l’extérieur. La pâte est grossière. La granulométrie est très hétérogène, des classes fines aux plus gros grains de 3 à 4 mm. De magnifiques fragments d’un granite à muscovite sont observés, associant le quartz, le microcline et la muscovite, plus rarement du plagioclase. On notera l’absence de biotite. Ce sont ces mêmes minéraux en grains monocristallins qui forment le reste de la charge. La matrice argileuse est isotrope.
58L’étude des huit tessons de l’Hotié de Viviane nous montre que l’on peut subdiviser cet ensemble en trois groupes. Le premier, le plus important en nombre, est formé de céramiques fabriquées à partir d’argiles plus ou moins évoluées, issues de l’altération du socle granitique. Le granite est soit à deux micas (HV 1, 2 et 3) soit à muscovite seule (HV 8). L’argile de l’échantillon HV 4 est une altérité de roche à composition tonalitique. Il constitue à lui seul un sous‑groupe.
59Des diffractogrammes X ont été effectués sur deux échantillons représentatifs de deux des groupes précédemment définis (granité et tonalite). Les pics principaux reflètent la composition minéralogique des dégraissants déjà observée au microscope (tableau I). Les pics des minéraux argileux faibles et inexistants ne permettent pas de préciser plus en détail la nature minéralogique de la matrice. Par contre, la comparaison des deux diagrammes montre bien la différence de composition entre les deux types de pâtes, tant au point de vue qualitatif que quantitatif (présence, nombre et amplitude des pics observés). Le second groupe est constitué des échantillons HV 5 et 6 dont l’argile est le résultat de la transformation de roches métamorphiques, soit respectivement une migmatite et un micaschiste. Le dernier groupe est représenté par un tesson unique, HV 7.

Tableau I – Origine du dégraissant des céramiques provenant des cinq sites de la forêt de Paimpont. – N. Néolithique. – B. Bronze. – C. Chaicolithique (campaniforme). – M. Médiévai à postmédiévai.
60Les minéraux du dégraissant ont été ajoutés à une argile d’altération vraisemblablement de formations briovériennes. Toutes les céramiques ont été confec tionnées à partir d’argiles primaires non sédimentaires, produit de la transformation du socle cristallin.
3.5. Le jardin aux moines
61Trois tessons découverts lors de la fouille de ce monument ont été étudiés en lame mince (fig. 71, 1, 2, 3).
3.5.1. JM 1
62La poterie dont provient ce tesson a été cuite en atmosphère réductrice puis en fin de cycle, en atmosphère oxydante. Ceci se manifeste par une zonation dans l’épaisseur de la pâte : l’âme est brun foncé, les deux bordures sont rougeâtres. Le dégraissant n’est pas classé en taille (mélange de grains fins, moyens et gros jusqu’à 2 mm). Les minéraux observés sont le quartz, le feldspath potassique et la muscovite. La biotite est rare, le plagioclase absent. De plus des fragments de spicules et de sclérites de spongiaires sont répartis dans la masse et en surface du tesson. La présence de ces microfossiles nous montre que la terre de base est une argile sédimentaire bien connue dans le massif armoricain ; il s’agit d’une formation pliocène. Les caractères pétrographiques sont voisins de ceux du site de La Ville Bouquet, LVB 1 et LVB 7. Ces deux derniers échantillons sont attribués aux ateliers de Saint‑Jean‑la‑Poterie ayant fonctionné du Moyen Age jusqu’à des périodes récentes. Cependant, pour le tesson JM 1, on remarquera l’absence de plagioclase et la faible proportion de biotite, minéraux toujours en quantités notables dans les céramiques de Saint‑Jean‑la‑Poterie. La céramique est assez grossière, aucune marque de tournage n’est visible sur le tesson. Il est donc possible que la poterie soit néolithique. De petits placages pliocènes sont fréquents sur l’ensemble du massif armoricain. Quand l’argile est naturellement associée à une arène granitique, elle constitue un matériau de choix pour confectionner de la céramique. De telles poteries ont été reconnues dans un contexte néolithique à l’allée couverte de Beaumont (fouille J.‑Y. Tinevez).
3.5.2. JM 2
63Bien que l’épaisseur de ce tesson soit importante (1,2 cm), la pâte rougeâtre est assez fine, pauvre en éléments grossiers (taille maximale 1,5 mm). Les fentes de retrait sont nombreuses étant donné le manque de dégraissant. L’argile malaxée sommairement contient encore de nombreux nodules d’argilite riches en muscovite. Le quartz est le second constituant majeur du dégraissant. Quelques cristaux de plagioclases et des fragments de micaschiste sont également observés.
3.5.3. JM 3
64La surface de ce tesson a été bien lissée. La teinte de la pâte brun clair est homogène sur l’épaisseur du tesson (e = 5 à 6 mm). Le dégraissant abondant est hétérogène du point de vue granulométrique. Les trois minéraux mis en évidence en lame mince sont le quartz en grains mono‑ ou polycristallins, la biotite en quantité importante, les cristaux bruns sont pléochroïques et contiennent des inclusions de rutile et de zircon, enfin du plagioclase (variété acide, oligoclase). Les grains sont anguleux, irréguliers, provenant directement de l’altération d’un granitoïde à composition tonalitique.
65Les trois céramiques du Jardin aux Moines sont chacune d’un genre particulier. Les deux échantillons JM 2 et JM 3 peuvent être classés respectivement dans les groupes 2 (roches métamorphiques) et 1 (granitoïde) de l’Hotié de Viviane. Le tesson JM 1, tout à fait typique, se classe quant à lui dans le groupe des céramiques faites à partir d’argile sédimentaire. Elle tend ainsi à s’apparenter aux poteries LVB 1 et LVB 7 de La Ville Bouquet.
3.6. Le tombeau des géants (fig. 71, 4, 5, 6)
3.6.1. TG 1
66Du fait de son aspect général, ce tesson tend à se rapprocher de l’échantillon JM 2 du Jardin aux Moines. La pâte rougeâtre est relativement fine avec des grains d’argilite noyés dans la matrice. La céramique est poreuse, les fentes de retrait sont nombreuses. Les grains de dégraissant sont des cristaux de biotite et des fragments de migmatite à quartz et biotite, ce qui tend à associer cette terre à l’échantillon n° 5 de l’Hotié de Viviane (HV 5). La pâte, non structurée, présente une texture maillée. Le lissage est sommaire. La cuisson s’est opérée sous atmosphère oxydante.

● Fig. 71 – Etude céramologique du Jardin aux Moines et du Tombeau des Géants. – 1. JM 1. – 2. JM 2. – 3. JM 3. – 4. TG 1. – 5. TG 2. – 6. TG 3.
3.6.2. TG 2
67Il s’agit d’un bord de poterie. La paroi, de 6 mm de large au plus, est recouverte d’un engobe de 300 à 500 μm d’épaisseur. Elle se reconnaît par sa couleur et ses teintes de polarisation, plus claire que la pâte brun rougeâtre. La particularité de cet engobe est qu’il contient des particules relativement grosses (jusqu’à 0,5 mm de long). Les principaux minéraux observés sont le quartz, de la muscovite et un feldspath potassique. Les minéraux opaques sont accessoires. La taille des grains est moyenne à petite. La pâte est structurée, l’orientation étant marquée par l’allongement des vides et des baguettes de muscovite. L’origine des terres utilisées reste délicate à préciser au stade actuel de l’analyse.
3.6.3. TG 3
68Ce tesson de 5 à 6 mm d’épaisseur est rougeâtre en surface. Une zonation apparaît en coupe. L’âme de la paroi est brune, les bordures brun clair. Une troisième frange très marquée, de couleur rouille, se situe à la limite des bords et longe les parois mais également les cassures anciennes. Elle est absente sur la cassure fraîche. L’existence de cette frange est donc due à l’évolution du tesson au cours de son séjour sous terre. Un phénomène d’oxydation s’est produit, la pâte étant particulièrement riche en fer. Les autres nuances de teinte sont quant à elles liées aux conditions de cuisson de la poterie, réductrices au début du cycle pour évoluer ensuite vers une atmosphère oxydante.
69La minéralogie du dégraissant est tout à fait originale par rapport aux autres poteries étudiées. Les minéraux essentiels sont d’une part le plagioclase d’une variété basique ; les gros grains piquetés (1,5 mm maximum) sont fortement altérés. D’autre part, une amphibole en petits cristaux répartis dans la pâte. Enfin de nombreux minéraux opaques en agrégats. Le quartz est très peu important en volume. Tous les grains ont des formes anguleuses irrégulières. Ce type d’argile, de composition caractéristique, provient de l’altération de roches vertes. Des productions à partir de ces terres sont bien connues en Bretagne, tout particulièrement durant l’âge du Fer (Giot, Querre 1986 ; Giot et al. 1986).
70Etant donné le contexte de découverte et l’aspect de la pâte, il semble que l’on peut attribuer ce tesson soit au Chalcolithique soit à l’âge du Bronze. De toute manière, la céramique a été importée vraisemblablement du nord du Massif armoricain, là où les formations de roches vertes sont les plus fréquentes et dont les altérations argileuses ont été abondamment utilisées pour fabriquer de la céramique pour ses bonnes qualités.
3.7. Le Coffre de la Guette
71Un unique tesson campaniforme a été mis au jour au cours de la fouille de ce monument. La surface du tesson, de belle facture, est très bien lissée. Une zonation délimitant trois bandes égales bien marquées est observée en coupe (e = 6 mm). La bande centrale est brun foncé, les bordures externe et interne sont rougeâtres. La pâte est très fine, le dégraissant est très peu visible à l’œil nu. La texture est maillée. Les petits grains du dégraissant sont très bien classés au point de vue granulométrique. De rares particules, de taille moyenne, sont disséminées dans la pâte. Le potier a fait subir à la terre un traitement préparatoire, sans doute par décantation, pour obtenir une telle finesse de pâte. Le quartz est le minéral essentiel, les accessoires sont la muscovite, les minéraux opaques. Quelques microfragments de migmatite associant la biotite, le quartz et des minéraux opaques sont également présents en très faibles quantités (fig. 70, 6).
3.8. Conclusions
72L’étude des vingt‑deux tessons provenant de cinq sites de la forêt de Brocéliande nous a permis de caractériser les pâtes céramiques. Deux grands types de résultats peuvent être dégagés. L’un concerne l’origine des poteries, l’autre la technologie de fabrication.
3.8.1. Origine des terres
73Les groupes pétrographiques des céramiques sont présentés de manière schématique dans le tableau I. Les tessons peuvent se classer en cinq groupes distincts suivant l’origine géologique des terres utilisées : altération de granitoïdes, de roches métamorphiques, de roches vertes, argile sédimentaire à spicules et un groupe moins bien défini à « quartz ± muscovite ± feldspath potassique ».
74On constate tout d’abord une grande diversité dans les types de matériaux mis en œuvre, ce qui pour les périodes néolithique, chalcolithique et de l’âge du Bronze est caractéristique de productions réduites voire familiales. L’analyse des échantillons 1 et 2 de La Ville Bouquet et les connaissances céramologiques que l’on a sur les productions armoricaines nous ont permis de leur retrouver d’une part leur origine précise, les ateliers de Saint‑Jean‑la‑Poterie situés à 40 km au SE du site, d’autre part leur âge, médiéval à post‑médiéval. Leur présence atteste une violation tardive du monument. En ce qui concerne les périodes pré‑ et protohistoriques, on observe une forte tendance à utiliser des argiles issues de l’altération de granitoïdes et de roches métamorphiques. Etant donnée la nature du substratum géologique des cinq sites, composé de schistes et de grès, pratiquement aucune de ces céramiques n’a été confectionnée sur place. Des doutes subsistent quant au dernier groupe défini (quartz ± muscovite ± feldspath potassique). Les distances de transport pour les deux premiers grands groupes varient de 3 km (échantillon LVB 3 de La Ville Bouquet), à plus de 30‑40 km pour d’autres poteries en particulier celles dont le dégraissant contient des fragments de roches métamorphiques (axe Moëlan‑Lanvaux au sud du Massif armoricain).
75Il en est de même en ce qui concerne la céramique TG 3 du Tombeau des Géants (argile d’altération de roches vertes). Cette poterie provient vraisemblablement du nord de la Bretagne (distance supérieure à 60 km), les roches amphibolitiques étant assez abondantes dans cette zone.
76L’origine des échantillons pré‑ ou protohistoriques faits à partir soit d’argile pliocène (TG 3), soit d’argile à quartz avec ou sans muscovite et feldspath (LVB 5 et 6, HV 7, TG 2) reste difficile à préciser. L’analyse chimique des pâtes et des analyses à la microsonde des minéraux permettraient sans doute de mieux cerner les zones d’origine possibles en fonction des données géologiques dont nous disposons. On remarquera enfin les origines distinctes des deux céramiques campaniformes.
3.8.2. Technologie
77La plupart des terres utilisées sont des argiles primaires n’ayant pratiquement pas été transportées (altération en place du socle). Les grains sont irréguliers, anguleux et très mal classés. Le dégraissant se trouvait naturellement dans la terre. Les pâtes de quatre échantillons ont par contre subi un traitement préparatoire. Les échantillons CG 1 (campaniforme) et HV 7 ont été produits à partir d’argiles décantées ; les grains sont bien triés et presque tous de petites tailles.
78Une seule poterie a été recouverte d’un engobe, il s’agit d’un tesson du Tombeau des Géants (TG 2).
79Les poteries récentes LVB 1 et 7 de La Ville Bouquet présentent des stries de tournage. Les autres céramiques n’ont pas été tournées. La petitesse des échantillons ne permet pas de connaître la manière dont les vases ont été montés (colombins, estampage ou autre). Le lissage est plus ou moins grossier suivant les cas. Il a été tout particulièrement soigné pour les céramiques campaniformes, même pour l’échantillon 3 de La Ville Bouquet qui pourtant contient de grosses particules. Ce tesson campaniforme LVB 3 est le seul à présenter un décor. Les cinq lignes ont été imprimées à l’aide d’une cordelette torsadée sur la pâte crue mais après lissage.
80Le degré de cuisson est assez bas pour l’ensemble des céramiques pré‑ et protohistoriques, beaucoup plus poussé dans le cas des vases médiévaux à postmédiévaux. Les conditions d’oxydo‑réduction au cours de la cuisson sont très variables d’un échantillon à l’autre : atmosphère réductrice, oxydante, réductrice puis oxydante ou réductrice partielle. Aucune poterie ne semble avoir été l’objet d’un traitement postcuisson (gravure, peinture, etc.).
81En conclusion, ce travail a permis de mettre en évidence diverses données archéologiques concernant le mobilier des monuments mégalithiques de la forêt de Paimpont, leur fréquentation, l’origine des céramiques, le choix des argiles et la technologie de fabrication des poteries. Malgré le nombre peu élevé des échantillons, l’étude des céramiques archéologiques par le biais des techniques pétrographiques s’est montrée une méthode particulièrement intéressante.
82Une analyse systématique de tous les tessons provenant des fouilles des cinq monuments serait sans aucun doute plus fructueuse. Etendue aux autres sites armoricains, elle donnerait de précieux éléments de référence pour des études plus approfondies sur les périodes préhistoriques et protohistoriques (échanges, courants culturels, évolution des techniques).
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