1. Géologie et mégalithes en Brocéliande et Ploërmelais
p. 81‑83
Texte intégral
1.1. Introduction
1La région de Brocéliande située à l’ouest de Rennes appartient géologiquement au secteur occidental des synclinaux paléozoïques de Bretagne centrale dont elle forme la terminaison occidentale à peine plissée, reposant en discordance sur le socle précambrien (Briovérien). Topographiquement, les séries s’individualisent nettement : le Briovérien, plus sensible aux phénomènes d’érosion, forme une plaine juste entaillée par des vallons, au milieu de laquelle ressortent les plateaux paléozoïques. Les séries briovériennes comprennent plusieurs unités stratigraphiques à dominante schisteuse avec toutefois des horizons originaux tels que le poudingue de Gourin qui, résistant, arme quelques crêtes de terrain. Le paléozoïque comprend essentiellement dans ce secteur géographique deux formations bien développées : Schistes pourprés et Grès armoricain. Après avoir décrit les formations géologiques rencontrées, nous tenterons d’analyser l’implantation mégalithique dans la région vis‑à‑vis de la topographie et de la géologie.
1.2. La géologie (fig. 62)
1.2.1. Le briovérien
2On y distingue trois formations :
les phyllades de Saint‑Lo. Schistes argileux très plissés, tendres, de couleur gris verdâtre à bleuâtre s’altérant facilement en rouge ou blanc. Ils alternent avec des lits de graywackes ;
les schistes et poudingues de Gourin. Schistes argileux grisâtres qui alternent parfois avec des quartzites sombres en petits lits, des graywackes vertes, des quartzophyllades et des poudingues (avec également des bancs ardoisiers et des niveaux de calcaire). Les poudingues se présentent en lits intercalés de 1,50 à 2 m d’épaisseur et affleurent fréquemment dans la région, par bandes continues sur plusieurs kilomètres parfois. Ils sont à pâte schisto‑gréseuse souvent cohérente. Les petits galets bien calibrés et très roulés qui les constituent sont en grande majorité en quartz blanc filonien ;
les dalles vertes de Néant comprennent des schistes bleu‑vert parfois ardoisiers, des quartzophyllades ou encore des grès calcareux. La schistosité y est très marquée.

● Fig. 62 – Géologie de la région de Brocéliande et du Ploërmelais. D’après Le Roux. – a. Briovérien indifférencié. – b. Poudingue de Gourin. – c. Schistes pourprés. – d. Grès armoricain. – e. Autres formations paléozoïques.
1.2.2. Les formations d’âge paléozoïque
3Les schistes et poudingues pourprés de Monfort d’âge cambrien sont discordants sur les formations briovériennes. Deux divisions principales existent :
les poudingues de Monfort à la base ne sont pas toujours bien représentés. Ils sont très durcis et leur composition est, contrairement aux poudingues de Gourin, très variable d’un affleurement à un autre. Les galets, inégalement roulés, proviennent des roches locales préexistantes ;
les Schistes pourprés, au sommet, se présentent en grandes dalles à surface inégale, bosselée. Leurs clivages verticaux très marqués effacent les joints de stratification presque horizontaux. La lithologie des Schistes pourprés est assez monotone, seulement interrompue en quelques niveaux par des schistes et grès verts ou même par des poudingues.
4Ces schistes rouges affleurent à la périphérie des plateaux paléozoïques ou dans les vallées encaissées qui l’entaillent. Les paysages qu’ils engendrent sont des plus pittoresques (fig. 63). Ces massifs schisteux forment de véritables barrières à l’horizon des plaines briovériennes. La lande a colonisé ces hauteurs, mais parfois les rochers aux contours découpés dépassent, souvent à la faveur d’accidents tectoniques. On comprend que ces paysages mystérieux et grandioses, tout empreints d’une insigne couleur pourpre, aient favorisé la légende dans cette partie de Bretagne. Ces schistes ont toujours été recherchés pour les constructions, depuis l’époque des mégalithes jusqu’aux temps actuels.

● Fig. 63 – Vue d’un affleurement de schistes rouges cambriens en forêt de Brocéliande.
5Le Grès armoricain est une masse de grès quartzeux uniforme très dur et cohérent, disposée en gros bancs réguliers, épais de plusieurs centaines de mètres. Ils sont bleuâtres en profondeur mais blanchissent par oxydation à l’air libre. Actuellement, le grès armoricain est largement exploité. Il affleure sur la majeure partie du plateau de Paimpont.
6Au sud du secteur, le synclinal de Réminiac se continue par les schistes d’Angers (ardoisiers), puis par différentes formations d’âge ordovicien constituées de niveaux gréseux tendres, de schistes ardoisiers et de grès psammitiques.
1.2.3. Les formations d’âge post‑paléozoïque
7A côté de Paimpont, on rencontre un placage d’argile d’âge Eocène où sont largement développées des croûtes ferrugineuses et gréseuses formées par altération (sidérolithique) qui constituent le minerai de fer exploité autrefois dans les célèbres forges de Paimpont.
1.3. L’implantation géographique des mégalithes
8Les archéologues ont coutume de préciser que les cartes de répartition des mégalithes peuvent aussi bien refléter l’intensité des prospections ou être biaisées par des destructions préférentielles, notamment dans les zones agricoles. Notre étude sera donc à nuancer en tenant compte de ces phénomènes.
9Nous avons reporté sur un fond topographique les mégalithes connus de la région (fig. 64). Les conditions d’observation ne permettent pas toujours de classer aisément certains monuments répertoriés. De plus, la plupart de ceux‑ci ne sont pas fouillés et il est délicat d’évaluer leur âge. On rencontre essentiellement des menhirs isolés ou en alignement, des allées couvertes, des dolmens, des tertres et des tombelles.
10Ces types de mégalithes semblent se répartir différentiellement. Ainsi, on rencontre essentiellement :
11– au nord de Brocéliande, entre Concoret et Saint‑Malon‑sur‑Mel, des menhirs et allées couvertes ;
12– à l’ouest, autour de Tréhorenteuc, des tertres et des tombelles ;
13– au sud, de Ploërmel à Monteneuf, des allées couvertes et des menhirs.

● Fig. 64 – Implantation des monuments mégalithiques de Brocéliande et du Ploërmelais par rapport à la topographie.
14En Brocéliande et autour de Monteneuf, les monuments ne sont construits pratiquement qu’avec des dalles de schistes rouges, mais le poudingue de Gourin est parfois utilisé comme au Jardin aux Moines. Il est remarquable de noter que le grès armoricain, si abondant en Brocéliande, n’a jamais été utilisé. Dans le Ploërmelais, les monuments sont construits en poudingue et en quartz. Le granite qui affleure en limite de la zone étudiée n’a pas été prisé des constructeurs de mégalithes de Brocéliande.
15La topographie de détail ne dicte pas impérativement l’emplacement des mégalithes que l’on rencontre souvent en bord de promontoire, sur des replats de pente mais parfois aussi en contrebas des hauteurs. Notons encore que l’exposition des sites ne semble pas avoir été choisie.
16Mais si l’on compare globalement la présence de mégalithes, quels qu’ils soient, à la topographie d’ensemble, on constate une frappante répartition autour des hauteurs du massif de Brocéliande vers 100‑150 m d’altitude. Il ne doit pas s’agir d’une coïncidence car les destructions éventuelles n’ont pas dû jouer à ce point entre la forêt et la lande. D’autre part, les conditions d’observation différentes en forêt ne suffisent pas à expliquer cette répartition spéciale.
17Autour de Monteneuf, les édifices mégalithiques couvrent indifféremment toutes les hauteurs de la crête topographique. Vers Ploërmel, les constructions d’apparence moins nombreuses, semblent se répartir aux flancs des collines.
18D’une manière générale, les monuments sont situés entre 60 et 200 m d’altitude, et 75 % d’entre eux entre 90 et 140 m alors que l’aire géographique qui correspond à cette dernière fourchette ne représente que 25 % de la surface couverte. Les conservations différentielles des mégalithes n’expliquent probablement pas à elles seules cette disproportion.
19La topographie et la géologie sont bien sûr intimement liées, mais on peut renouveler la comparaison avec les contours géologiques. On est encore surpris de voir que, autant en Brocéliande que dans le synclinal de Réminiac, aucun monument n’est implanté sur le grès armoricain qui affleure pourtant largement. 80 % des constructions sont situées précisément sur les affleurements de Schistes pourprés qui ne couvrent que 15 % de l’aire géographique étudiée (résultats plus saisissants encore que ceux donnés pour la topographie). Les quelques monuments où le poudingue de Gourin est utilisé gisent sur les bancs de poudingue même, comme à La Ville Bouquet, ou sur le schiste rouge comme au Jardin aux Moines.
20Rien ne prouve que les dalles pourprées aient été transportées en amont des affleurements comme c’est le cas parfois pour le poudingue de Gourin dont le transport est attesté sur un kilomètre au Jardin aux Moines. Le transport maximal attesté pour le schiste rouge ne dépasse pas 500 m.
21La répartition des mégalithes dans la région ne tient donc pas du hasard. Dépend‑elle de la topographie ou de la géologie ? Il ressort des pourcentages annoncés que c’est la géologie qui a déterminé le plus l’implantation. La disposition topographique n’en est‑elle qu’un corollaire ou a‑t‑elle aussi été souhaitée ? Cette deuxième hypothèse semble très probable si l’on tient compte du fait que la plupart des mégalithes en Schistes rouges se situent dans les zones les moins élevées des affleurements schisteux, soit dans des situations proches des plaines qu’elles dominent généralement.
22Les constructeurs mégalithiques, tant ceux du Néolithique que ceux de l’âge du Bronze, avaient également leurs traditions dans le choix des sites, traditions d’autant plus constantes en Brocéliande que le matériau de prédilection se trouvait en des zones idéales, élevées, dominantes mais cependant proches des plaines fertiles.
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