5. Mégalithes de Brocéliande et de Guer‑Coëtquidan : découvertes et révisions 1975‑1985
p. 67‑78
Résumés
L’allée couverte de La Ville Bouquet est un court monument incomplet de 6,50 m de long et 1,20 m de large. Il est situé sur un éperon rocheux dominant la vallée du Ninian. Les sondages de 1985 ont reconnu un pavage avec quelques vestiges céramiques : Néolithique final et Campaniforme. A l’extérieur subsistent les vestiges d’un petit cairn de calage. Des traces d’occupation médiévale ont été retrouvées. D’autres monuments de Ploërmel ont été étudiés (Le Hino) ou répertoriés (Le Haut‑Bezon).
The Ville Bouquet gallery‑grave is a short incomplete megalith, 6.50 m long and 1.20 m wide. It is situated on a sandstone crest above the Ninian valley. In 1985 trenches have shown paving stones and pottery (Late Neolithic and Beaker). Outside, a small cairn was identified. In the neighbourhood, medieval sherds have also been found, probably from a small hill‑settlement. Other gallery‑graves have been studied (Le Hino) or identified (Le Haut‑Bezon) in Ploërmel.
Texte intégral
5.1. Introduction
1Les fouilles de la forêt de Brocéliande ont été l’occasion d’opérations de sauvetage secondaires et d’une révision des mégalithes de la région. Mais à cette action on peut ajouter celles d’autres équipes comme celle du Dr R. Molac (Molac, Cahierre 1978) en liaison avec la direction des Antiquités de Bretagne. Nous les évoquerons pour montrer la richesse et la variété du mégalithisme de Bretagne intérieure. A côté des monuments classiques, allées couvertes ou dolmens de type angevin, on s’aperçoit maintenant de l’existence de petits coffres très intéressants, les uns liés à la civilisation des Tumulus, les autres affirmant la présence jusqu’ici méconnue en Bretagne de sépultures closes chalcolithiques liées à la civilisation campaniforme. Le coffre de La Guette en Paimpont en donne un bon exemple que l’on peut rapprocher des toutes dernières découvertes inédites de Ph. Gouézin dans les landes de Lanvaux. Il s’agit, le plus souvent, de petits coffres mégalithiques aisément destructibles et qui n’ont pu être conservés qu’en secteurs forestiers. A côté des sépultures les renseignements concernant l’habitat restent restreints. Le seul élément présentable reste l’enclos de Tréhorenteuc, en dehors d’habitats dispersés révélés par quelques ramassages d’éclats de silex de type néolithique, comme par exemple dans les rares parcelles cultivées en clairière à l’ouest de l’Hotié de Viviane, en contrebas de la crête schisteuse de la lande de Ranco.
5.2. Les coffres de la Guette et de Roh Du
2C’est à un chercheur de la station biologique de Paimpont, M. Cabaret que l’on doit la découverte du coffre mégalithique inédit de La Guette qu’il a mentionné dans son mémoire de maîtrise des sciences et technique (Cabaret 1982) avec un premier plan sommaire. Un dégagement de ce coffre, dont le pavage de fond avait été ramené en surface par les racines d’un chêne, a permis d’en dresser le plan déjà publié par ailleurs dans un ouvrage de synthèse sur les tumulus armoricains (Briard 1984). Le monument se trouve au‑dessus du village de La Guette, commune de Paimpont, dans la parcelle 95 AZ dite du Puits des Grands Rochers, à l’altitude de 180 (coordonnées Lambert II, 2344‑257,5). C’est un taillis de chênes sessiles avec quelques pins, en contrebas d’un affleurement de schistes rouges cambriens auquel les matériaux nécessaires à la construction du coffre ont été empruntés. Il est la propriété de M.‑J. de Clerville que nous remercions.
3Le coffre a vraisemblablement été fouillé autrefois. Il en manque la couverture qui pouvait être composée soit d’une dalle disparue, soit d’un système en encorbellement de petites pierres. Le monument est orienté à 30 gr N. Il est de forme sensiblement rectangulaire avec des parois irrégulières. Au nord se trouve une série de petites dalles plus ou moins effondrées qui devaient former une paroi appareillée. A l’ouest se dresse la plus belle dalle de schiste de 1,65 m de long, 0,30 m d’épaisseur et 0,80 m de hauteur apparente, penchée vers l’intérieur. Au sud, des plaquettes empilées peuvent correspondre à un muret détruit. Deux dalles composaient l’essentiel de la paroi est mais elles ont été enfoncées par la croissance d’un chêne qui les a repoussées vers l’intérieur. Un décapage superficiel extérieur a permis de retrouver un petit cairn grossièrement appareillé, de 3,50 m maximum de diamètre, composé de petites dalles de schiste (fig. 53).

● Fig. 53 – Coffre campaniforme de La Guette, Paimpont (Ille‑et‑Vilaine).
4Un possible pavage a pu exister à l’intérieur du coffre mais il a été détruit aussi bien par les fouilles anciennes que par les racines du chêne situé à l’est du monument. Le dégagement des quelques pierres du centre a permis de recueillir quelques tessons indiscutablement de type campaniforme par leur pâte rouge assez fine et par le décor à la roulette que porte l’un d’eux (fig. 19, no 4). Il est intéressant de noter la présence en haute Bretagne d’une tombe individuelle à mobilier campaniforme dont les exemples sont rarissimes. On ne pouvait jusqu’ici que signaler les tombelles proches de l’allée couverte de la Maison‑es‑Feins à Tressé (Ille‑et‑Vilaine), qui ont fourni des tessons campaniformes (Collum 1938) et peut‑être le coffre d’un des tumulus de Kerbernard à Pluguffan (Finistère) (Briard 1984 : 264). D’autres tombes sont connues dans le secteur de Brocéliande, outre le Tombeau des Géants déjà évoqué, de même que les deux tumulus éventrés anciennement aux landes de Tiot, dont une série de petites tombelles les unes entre le Tombeau des Géants et l’Hotié de Viviane, les autres sur le plciteau surmontant à l’ouest le Val sans Retour à Tréhorenteuc‑Paimpont.
5Dans les landes de Lanvaux, à une quarantaine de kilomètres au sud de Brocéliande, les prospections de Ph. Gouézin (Gouézin 1986, 1988) ont permis de recenser de nombreux mégalithes et d’opérer un précieux travail de sauvetage à l’occasion des travaux forestiers intensifs dus en partie aux dégâts de l’ouragan de 1987. Dans la forêt de Floranges un groupe de trois coffres mégalithiques a été découvert par P. Naas en 1984 et l’un d’eux a fait l’objet d’une fouille de sauvetage de Ph. Gouézin qui nous a aimablement autorisés à utiliser ces documents inédits pour comparaison avec le coffre de La Guette. Le coffre du Roh Du (La Roche Noire) est le B du trio des coffres de cet ensemble situé sur la commune de La Chapelle‑Neuve (Morbihan) (Cadastre AK no 50). Il se présentait dans un petit tertre surmonté d’un gros chêne, soit la même situation qu’à La Guette. De plus, ici aussi, seules les dalles de chant subsistaient, la couverture ayant disparu. Le coffre est composé de deux dalles de chant côté nord et sud, le côté ouest présente une dalle en biais, dérangée par le chêne et les interventions humaines, qui surmontait une assise en pierres sèches. Le côté est perturbé laissait voir quelques pierres plates, peut‑être les restes d’un muret assurant la fermeture du coffre. La chambre, orientée est‑ouest, mesure en tout 1,80 m sur 0,80 m (fig. 54). Au fond de la tombe le mobilier funéraire reposait sur une dalle de fond en granite. Il comprend les tessons de deux vases campaniformes dont l’un décoré dans le style maritime. On note aussi une céramique de l’âge du Bronze à décor digité. A l’âge du Fer le monument a été réutilisé et revisité également au Moyen Age.

● Fig. 54 – A. Coffres A et B du Roh Du, La Chapelle Blanche. D’après Gouézin. – B. Allée couverte de Kerallan. D’après Lecornec. – C. Coffre et campaniforme du Roh Du B. D’après Gouézin (1988).
6Le coffre B de Roh Du est donc très proche de celui de La Guette par sa structure et son mobilier campaniforme. Il confirme la présence, aux environs de 2000 ans av. J.‑C., de sépultures chalcolithiques individuelles à campaniforme, dans le Morbihan intérieur et en forêt de Brocéliande. A La Chapelle‑Neuve les deux autres tombelles A et C de Roh Du sont également des petits coffres à trois éléments mégalithiques complétés d’une partie murée correspondant à la fermeture de la sépulture. Il faut noter que le coffre A possède une dalle de couverture en granite, ce qui donne une solution pour les autres coffres dont la couverture avait disparu. A Saint‑Jean‑Brévelay, également dans les landes de Lanvaux, la sépulture de Kerallant montre une construction en coffre avec campaniforme. Mais là il s’agit d’un dolmen à couloir réutilisé (L’Helgouach 1965) qui a fait l’objet d’une destruction récente et d’un sauvetage de J. Lecornec qui a permis de sauvegarder la dalle gravée de ce monument (hache emmanchée) actuellement déposée au musée de Bretagne à Rennes (L’Helgouach et alii 1970).
5.3. Le coffre de la Ville Costard, Augan
7En juillet 1975, près du village de La Ville Costard à Augan (Morbihan), au sud‑ouest du camp de Coëtquidan, des engins de terrassement détruisaient un petit monument en dalles. Grâce au Dr R. Molac une fouille de sauvetage fut menée par M. Le Goffic. Le monument se trouve en plein village, à proximité de l’ancien four à pain. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été vidé autrefois avant sa remise au jour moderne quelque peu brutale. Malgré cela M. Le Goffic a pu dresser le plan d’un coffre rectangulaire (fig. 55). Les parois longitudinales sont des dalles de schiste ardoisier de 1 à 1,50 m de longueur probable, hautes de 0,45 m. Elles ont été tronquées du côté sud par les engins de terrassement qui ont également détruit la paroi transversale sud. La paroi transversale nord est conservée jusqu’à mi‑hauteur. C’est un muret de petits éléments de dallettes en schiste ardoisier, large de 64 cm. Le fond de la tombe est constitué de schiste briovérien altéré appelé « cosse » en pays gallo. Malgré sa destruction partielle ce coffre appartient sans aucun doute à la série des petites sépultures de l’âge du Bronze trouvées soit isolément soit en cimetières complexes comme ceux étudiés par Y. Lecerf dans la région de Saint‑Goazec (Finistère) (Lecerf 1980). Quant au mobilier retrouvé par M. Le Goffic, il ne fait que confirmer une violation aux siècles derniers : poteries modernes, peigne à carder en fer et deux ardoises perforées épaisses, éléments de toits ou de contrepoids. Il est intéressant d’avoir un plan de ce type de monument qui fut sans doute assez bien représenté dans la région. Le marquis de Bellevue note en effet, dès 1913, que de nombreux tumulus ou tombelles ont existé autrefois sur les landes de Coëtquidan. Certains ont été fouillés au siècle dernier. Les uns sont sans doute du Bronze ancien mais d’autres tombelles doivent dater du Bronze final, notamment au Bois du Loup où l’on trouva au siècle dernier des petites haches à douille armoricaines du type de Maure (5 cm) datables de 700 ans av. J.‑C. Mais dès 1913, Bellevue note que ce secteur a été ravagé par les tirs d’obus du camp militaire. On aurait signalé la découverte en 1820 et 1899 d’ossements calcinés, de charbons et de haches en bronze de petit format, sans doute une confusion avec le dépôt de haches à douille armoricaines trouvé autrefois à Augan, matériel qui ne se trouve jamais dans des sépultures.

● Fig. 55 – Petit coffre de La Ville Costard à Augan (Morbihan).
D’après Le Goffic (1988).
8Le coffre de La Ville Costard témoigne donc de l’existence de coffres classiques de l’âge du Bronze dans cette région de haute Bretagne. On peut rappeler à ce propos la découverte récente des Buttes de Tiot, près du Tombeau des Géants. L’un de ces tumulus montre un petit coffre central en dalles de schiste.
5.4. Allées couvertes de Brocéliande
9Toute une série d’allées couvertes a existé autour de la forêt de Brocéliande. Le célèbre Tombeau de Merlin, dont il ne reste plus que trois pierres autour d’un tronc de houx, fut autrefois une allée couverte dont la longueur devait atteindre une quinzaine de mètres. La cupidité de son propriétaire, chercheur de trésor, amena sa destruction.
10En effet il existait autrefois au village des Landelles deux beaux monuments mégalithiques dis tants à peu près d’une « portée de fusil », estimation très approximative. En 1793 un agent national les bouleversa pour y retrouver des trésors. M. Poignand, érudit de Montfort, publia ces renseignements en 1820. Il semble bien à l’origine de l’attribution des mégalithes aux héros arthuriens. Il écrit en effet : « […] j’ai cru reconnaître le Tombeau de Merlin et celui de son épouse, proches de l’abbaye de Talhoët, au bord de la forêt de Brécilien. Ils ont été abattus depuis environ 20 ans par le peuple pour y chercher des trésors mais les débris se voient encore sur le lieu dans un endroit appelé les Landais » (les Landelles aujourd’hui). A partir de cette date le mégalithe fut effectivement reconnu comme Tombeau de Merlin, et les érudits celtiques s’y succédèrent, de Blanchard de la Musse et Hersart de la Villemarqué aux honorables membres des sociétés arthuriennes d’aujourd’hui.
11Félix Bellamy rapporte l’ignoble dégradation du monument par son cupide propriétaire. Il avait cependant pu prendre une précieuse photographie qui est bien celle d’une allée couverte encore longue, en 1889, de 10 m et orientée nord‑ouest/sud‑est. Elle comprenait six grosses pierres debout, une côté nord, quatre côté sud et la dalle de chevet côté est. Deux tables de couverture gisaient au milieu, l’une en biais, l’autre à plat. La hauteur des pierres variait de 0,90 m à 1,50 m et leur largeur de 1,25 m à 1,60 m. En 1892, retournant sur place, Bellamy ne vit qu’un monument saccagé avec pierres renversées et excavation centrale pour chercher l’hypothétique trésor. En 1894, le crime était achevé et les pierres rejetées en tas telles qu’on les voit de nos jours, moins quelques dalles extirpées ou cassées à la masse.
12L’allée couverte dite des Brousses Noires ou Tombeau des Anglais a eu plus de chance. Bien que certaines de ses dalles aient été renversées, elle montre encore une chambre allongée d’une dizaine de mètres. Elle pourrait correspondre à un certain Tombeau de Viviane autrefois signalé par les auteurs du xixe s.
13Toujours sur la commune de Paimpont, B. Mounier a retrouvé les ruines d’une allée couverte près du village de Lorgeril situé à 3 km au sud‑ouest du bourg. Il n’en reste que la dalle de chevet au nord. C’est un bloc de schiste de 1,20 m de large à la base et haut de 1,25 m ; ce monument devait être orienté nord‑sud. A 6 m du chevet se trouvent trois pierres, vestiges de la paroi occidentale, et à 7 m gît une autre dalle de 2,65 m sur 1 m, probable pilier ou élément de couverture. Une énorme excavation centrale témoigne de l’acharnement des chercheurs de trésors contre ce monument intéressant par sa position isolée dans la partie méridionale de la forêt.
14Un autre monument inédit se trouve sur la commune de Concoret (Morbihan), près du village du Rocher, à 2 km au nord‑ouest du bourg (fïg. 56). Il a été complètement abattu par les carriers et les dalles gisent à plat sur le sol. Une douzaine de blocs en poudingue subsistent de ce qui devait être une allée couverte. Le monument devait être aligné nord‑sud. On peut reconnaître une partie de la paroi est où quatre piliers sont restés couchés sur place et cinq blocs de couverture probables. Trois autres sont plus incertains quant à leur position (fig. 57). Un bloc semble montrer à la base un évidement circulaire (W5). C’est peut‑être une dalle échancrée, élément de séparation avec chatière, de l’allée couverte. La longueur minimale de l’allée couverte (ou sépulture à entrée latérale) était de l’ordre de 15 m. Une fois de plus on ne peut que regretter que ces monuments aient été livrés au vandalisme du xixe s.

● Fig. 56 – Plan de situation des monuments du Rocher. – 1. Allée couverte. – 2. Rochers à cupules.

● Fig. 57 – Allée couverte ruinée du Rocher à Concoret (Morbihan).
15A quelques centaines de mètres de l’allée couverte du Rocher se trouvent des affleurements gréseux au sommet des landes du Renihal. G. Larcher y a reconnu plusieurs groupes de petites cupules. Il en existe plusieurs séries dans la région, à Campénéac, vers La Ville Aubert. Certains monuments mégalithiques en montrent des exemples. Si celles de l’Hotié de Viviane à Paimpont sont difficiles à démêler d’éléments naturels, celles de la couverture de l’allée couverte du Clos‑Boscher à Monteneuf (Morbihan) sont indiscutables (Molac, Cahierre 1978).
5.5. L’enclos de Tréhorenteuc
16L’abondance des monuments funéraires en forêt de Brocéliande n’est pas équilibrée par une série correspondante d’enclos, d’habitats ou de structures agraires. Les prospections ont livré çà et là quelques vestiges lithiques témoignant d’une fréquentation des sites à l’époque préhistorique. Nous avons vu aussi que la grande abondance des meules, lissoirs, poteries et silex à l’Hotié de Viviane pouvait correspondre à l’existence d’un petit habitat de hauteur préexistant au monument. Mais il est certain que la prospection n’est pas toujours facile dans les secteurs en lande touffue de certaines zones de la forêt. Autour de la forêt de nombreux gisements gallo‑romains ont été reconnus à Tréhorenteuc ou Néant‑sur‑Yvel. Ils ne semblent pas succéder à des habitats plus anciens.
17C’est sur la commune de Tréhorenteuc que nous avons reconnu les vestiges d’un enclos protohistorique. Il se situe au bord du chemin départemental no 54 allant de Tréhorenteuc à Néant‑sur‑Yvel à 1 km à l’ouest du bourg. C’est un élément d’enclos circulaire, bien conservé dans les parcelles 627, 628 et 629, en lande, et qui a été détruit par les cultures dans les parcelles suivantes. Il reste environ 300 m d’un élément pouvant avoir eu un diamètre de l’ordre de 200 à 300 m. A cet endroit le schiste affleure, ne laissant qu’une maigre couche végétale où poussent les ajoncs et les genêts. Il est donc illusoire d’y retrouver une couche archéologique en place. Le talus est composé de petits blocs de schiste rouge et de poudingue blanc d’une hauteur dépassant rarement 0,80 m (fig. 58). Les dalles sont reliées par un talus de terre avec petites pierres, de l’ordre de 0,50 m de hauteur. Malheureusement cette structure est détruite épisodiquement par des vandales qui viennent enlever les blocs de quartz ou poudingue blanc pour en agrémenter leurs jardins. Le talus de Tréhorenteuc se rapproche de certaines structures de l’âge du Bronze étudiées en Grande‑Bretagne dans la région de Dartmoor par A. Fleming ou dans les Cheviots par C. Burgess. Ce sont le plus souvent des enclos à bétail ou des fields Systems avec vestiges de cabanes circulaires associées. A Tréhorenteuc seul subsiste cet élément d’enclos circulaire. Toutefois, les prospections menées dans la même région ont permis de reconnaître de nombreux talus où des éléments archaïques à petites dalles étaient inclus dans les structures modernes. On peut donc supposer qu’il y avait dans cette vallée tout un système de structures agraires en place, en contrebas de la crête schisteuse où se situent les monuments funéraires de la Butte aux Tombes ou du Jardin aux Moines. Il était naturel que les habitats s’établissent au niveau des zones basses au sol plus riche et présentant des points d’eau.

● Fig. 58 – Talus protohistorique de Tréhorenteuc (Morbihan). – Q. Quartz. – S. Schiste. – G. Grès.
5.6. Allées couvertes du pays de Guer
18En contrepoint des monuments mégalithiques de la forêt de Brocéliande, il est intéressant de signaler rapidement l’extraordinaire richesse mégalithique du territoire de Guer, au sud de la région de Paimpont et Coëtquidan. Ce patrimoine longtemps méconnu, quasiment absent des anciens inventaires, a été remis en lumière grâce à diverses actions locales dont celle de l’Association des amis des monuments civils et religieux qu’anime le Dr R. Molac. De nombreux plans de monuments ont été levés dont nous présentons ici une petite sélection pour comparaison avec ceux de Brocéliande et de la région de Ploërmel que nous avons étudiés (fig. 59 et 60). Les monuments de la région de Guer comprennent une douzaine de menhirs et trois alignements (Coëplan en Guer, Les Pierres Droites à Monteneuf et La Minardais en Carentoir).

● Fig. 59 – Allées couvertes du Morbihan intérieur. – 1. La Niche à Gobineau, Augan. – 2. La Voltais, Monteneuf. – 3. Le Lobo, Caro. – 4. Le Grand Village, Caro. D’après Molac et Cahierre.

● Fig. 60 – Allées couvertes du Morbihan intérieur. – 1. La Coudraie, Augan. – 2. Saint‑Méen, La Chapelle Caro. – 3. Brambiay, Campénéac. – 4. La Ville Boscher, Guer. – 5. Le Clos Boscher, Monteneuf. D’après Molac et Cahierre.
19Les sépultures mégalithiques sont essentiellement des allées couvertes, mais on peut rappeler la présence de deux dolmens de type angevin dans la région, bien connus depuis les travaux de J. L’Helgouach (1965) : Les Tablettes de Cournon et La Ville au Voyer à La Chapelle Caro. Le Dr Molac signale également une sépulture à entrée latérale de 25 m de long au Grand Village en Caro.
20Les allées couvertes sont les plus nombreuses. Elles ont fait l’objet d’une prospection récente non seulement de l’association de Guer et du Dr Molac mais de celle du Moulin du Châtenay et de certaines municipalités. On doit en particulier rendre hommage au maire de Monteneuf, M. M. Orhan, qui s’attache à la protection de ce patrimoine en faisant passer sous territoire communal le maximum de ces monuments. Les services officiels appuient bien sûr cette action et sont intervenus à diverses reprises. En particulier à la suite d’une fouille clandestine, l’allée couverte de La Grée Basse à Monteneuf a fait l’objet d’une exploration minutieuse de C.‑T. Le Roux, Y. Lecerf et M. Le Goffic (Molac, Cahierre 1978). Une céramique de type SOM a été recueillie. Un vase assez haut à boutons rappelle certaines poteries du Centre‑Ouest, des haches polies en dolérite de Plussulien, des lames et flèches tranchantes, des pendeloques en quartz ou galets comparables à ceux de l’Hotié de Viviane, bref un matériel du Néolithique final armoricain classique complète cet ensemble.
21Les autres allées couvertes se répartissent entre les communes de Caro (Le Closier, Le Lobo, Le Grand Village), de Monteneuf (Le Clos Boscher, La Côte, La Grée Basse, La Voltais), d’Augan (La Niche à Gobineau ou Niche du Diable), de Campénéac (Bramblay et La Coudraie), de La Chapelle Caro (Saint‑Méen), de Saint Laurent (Bois de Beaumont). Cette liste n’est pas définitive car les prospections récentes viennent de faire découvrir d’autres possibles monuments qu’il reste à débroussailler.
22Cet inventaire sommaire montre toute la richesse mégalithique de la haute Bretagne intérieure. On note l’absence de monuments funéraires en tertres allongés du type Jardin aux Moines ou Butte aux Tombes, absence originelle ou résultant d’une destruction sélective. Il semble cependant que des tertres avec entourage de gros blocs auraient subsisté malgré les labours, comme les allées couvertes ou les alignements. La sélection de monuments du type allée couverte paraît donc liée à l’existence de populations pratiquant ce genre de sépulture de préférence. On sait que souvent ces constructeurs étaient des agriculteurs attachés aux bons sols. Il est normal de les retrouver sur ces territoires au sud des massifs forestiers actuels. La question sera reprise plus loin à la lumière des analyses polliniques de D. Marguerie.
5.7. Les dolmens de type angevin
23Sur le territoire de la commune de La Chapelle Caro se trouve une sépulture mégalithique dénommée La Maison Trouvée ou Maison Trouée ou encore La Ville au Voyer, du nom du village voisin. La légende rapporte que la Maison Trouvée était le repère d’êtres surnaturels, qu’on appelait les Folliards, qui avaient la détestable habitude de se substituer aux nouveaux‑nés dans leur berceau même. Heureusement il existait un remède souverain pour les renvoyer à La Maison Trouvée : il suffisait de jeter neuf belles pommes rouges dans un chaudron d’eau bouillante et le sort était conjuré.
24La Maison Trouvée comprend un court vestibule composé de deux petites dalles de chaque côté de l’entrée étroite avec deux piliers dont l’un porte une feuillure sans doute pour l’aménagement d’une porte amovible. La chambre est unique, de 4,30 m de long et 2 m de large. Elle est couverte par une seule table de couverture en grès malheureusement fendue par le gel. Les parois latérales sont composées de petites dalles dont certaines sont effondrées à l’intérieur (fig. 61, no 1). Le monument est inclus dans un grand tertre elliptique avec de nombreux blocs de quartz. Il n’est pas impossible qu’un entourage de blocs ait clos le monument, mais le bouleversement partiel du tertre ne permet pas d’être affirmatif. J. L’Helgouach (1965) avait classé ce monument dans la série des dolmens angevins à portique reconnus en Anjou principalement par le Dr M. Gruet. La Ville au Voyer en possède la grande chambre avec énorme dalle de couverture et le vestibule préliminaire séparé de la chambre par une porte. Il ne manque que le portique. Ces monuments sont relativement rares en Bretagne bien que le plus beau d’entre‑eux se trouve en Ille‑et‑Vilaine, La Roche aux Fées à Essé.

● Fig. 61 – Dolmens du type Loire. – 1. La Ville au Voyer, La Chapelle Caro (Morbihan), D’après L’Helgouach (1965). – 2. Les Tablettes de Cournon (Morbihan). D’après Marsille (1933).
25Toutefois La Ville au Voyer n’est pas complètement isolée au milieu des nombreuses allées couvertes du secteur. A une vingtaine de kilomètres au sud‑est se trouve le dolmen des Tablettes de Cournon à Cournon (Morbihan) qui est aussi du type angevin. Il a fait l’objet d’une étude de L. Marsille en 1933 à la suite d’une restauration quelque peu discutable, notamment par la pose d’affreux piliers de soutènement en béton. Ce monument, de 5 m de long et 2,70 m de large, possédait encore deux grandes tables de couverture. Il est probable qu’il avait aussi un vestibule, malheureusement bouleversé. La chambre est séparée par des cloisons transversales côté sud, cloisonnement qui est typique de cette famille de monuments (fig. 61, no 2).
26Au sud de La Ville au Voyer, les landes de Lanvaux montrent une richesse mégalithique remise en lumière par les travaux de prospection de Ph. Gouézin (Gouézin 1986). Dans cette région au moins trois monuments pourraient se rattacher au groupe des dolmens angevins. Le dolmen des Follets en Saint‑Gravé (Morbihan) possède une énorme chambre de 3,50 m sur 2,30 m avec deux dalles de couverture. Elle est partiellement effondrée. Deux autres dolmens, en partie ruinés, se trouvent dans la forêt de Coëby à Trédion (Morbihan). Le premier a trois énormes supports pour une chambre de 3 m sur 4 m avec un pilier interne à l’intérieur de la chambre. Le second a également une grande chambre avec à l’entrée deux piliers semblant dessiner l’amorce d’un couloir ou d’un vestibule. Du fait de son délabrement partiel, l’attribution de type Loire est moins nette qu’à La Ville au Voyer ou à Cournon.
27Ces dolmens Loire, au sud du groupe des allées couvertes de la région de Brocéliande‑Coëtquidan, montrent la richesse et la variété du mégalithisme de haute Bretagne. Ils peuvent témoigner d’un choix varié des types de sépultures par les Néolithiques et peut‑être même de l’existence de communautés différentes vivant en juxtaposition. La parenté avec les monuments de la Loire peut signifier des contacts culturels sinon économiques, confirmés par la présence de quelques outils en silex pressigniens récoltés dans la région (le Tombeau des Géants et le Tombeau de Merlin).
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