4. L’allée couverte de la Ville Bouquet à Ploërmel (Morbihan) : sondages et prospections 1985
p. 57‑66
Résumés
Le Jardin aux Moines, décrit au siècle dernier comme, une « chaussée » bordée de petits menhirs puis oublié, s’intègre dans une série locale de tertres funéraires allongés. Il est composé, dans sa partie septentrionale, de gros blocs de poudingue blanc provenant d’au moins 4 km. La suite du monument comprend des éléments de schiste rouge. Le tertre mesure 25 m de long sur 6 m de large avec deux séparations transversales. Le mobilier, assez pauvre, comprend des tessons néolithiques, des silex, des percuteurs. Deux petits vases du néolithique final ont été trouvés contre la paroi sud‑est où un amas de pierres semble être une grande tombelle. D’autres monuments semblables sont connus en Bretagne : Carnac, Le Quillio, Saint‑Just, Le Brétineau, etc. Cette variante originale du mégalithisme breton peut être d’origine nordique. Le Jardin aux Moines a été réutilisé à l’âge du Bronze : petit foyer daté de 2000 av. J.‑C. par le14C et associé à une pointe de flèche à pédoncule et ailerons.
The Jardin aux Moines was described in the late 19th century as a long barrow with lateral slabs. Other similar barrows are known in its neighbourhood. The Jardin aux Moines is built with pudding conglomerate stones coming from about 4 km and local red schist. The barrow is 25 m long and 6 m wide. The grave‑goods are poor : Late Neolithic sherds, flints, stones. Two Late Neolithic pots were found outside the barrow, close to the South‑East wall where an accumulation of stones –probably a grave– has been found. Other monuments such as this one are known in Brittany : Carnac, Le Quillio, Saint‑Just, Le Brétineau… The Jardin aux Moines has been reused in the Early Bronze Age, as shown by a small hearth dated from 2,000 BC by radiocarbon. Inside were flints such as a pedon‑culated arrow‑head.
Texte intégral
4.1. Historique
1La présence de monuments mégalithiques a été signalée très tôt sur la commune de Ploërmel. Dès 1825, le chanoine J. Mahé écrit de Ploërmel : « Si vous portez vos pas à Haut‑Bezon, n’oubliez pas de visiter un monument qui s’y trouve. Si comme on le dit c’est une Roche‑aux‑Fées, il est d’autant plus curieux que les antiquités de cette espèce ne sont pas des plus communes » (Mahé 1825). En 1847, M. Cayot‑Delandre est assez peu prolixe : « au village du Haut‑Bezon, se trouve un dolmen, c’est le seul monument druidique que je connaisse en cette commune » (Cayot‑Delandre 1847). En 1863, M. Rosenzweig est plus complet : « Au Haut‑Bezon, dolmen (C.D.). –A la Ville Bouquet, dolmen ruiné (Catal.)– Au nord de la métairie du Chêne, deux dolmens bouleversés (ibid.). » (Rosenzweig 1863). Les initiales C.D. correspondent à Cayot‑Delandre, la mention catal. appelle au catalogue des monuments historiques du Morbihan rédigé par les soins de la Société polymathique du Morbihan à Vannes, en 1856.
2Le dolmen de La Ville Bouquet fut répertorié dans les archives réunies par Z. Le Rouzic vers 1930 : « dolmen situé à 700 m au sud du village de la Ville‑Bouquet et situé à 300 m de la rivière le Ninian. C’est un “ dolmen à galerie ’’ ayant conservé la base de son tumulus allongé et comprenant encore 10 supports et trois tables de couverture. 2 supports et une table sont tombés vers l’intérieur. Il est orienté nord‑sud. Il mesure en tout 7,10 m. La chambre mesure 2,80 m de long sur 1,20 m de large, la “ galerie " 4,30 m de long sur 1 m de large, les supports ont une hauteur moyenne de 1,20 m. Les tables ont les dimensions suivantes : 2,10 m / 1,60 m et 0,80 / 1,20 m pour une épaisseur de 0,80 m. C’est un granite à gros grains pris sur place. »
3Cette description appelle plusieurs remarques. Tout d’abord le type du monument est mal déterminé puisque cette allée couverte est décrite comme « dolmen à galerie » et ensuite la matière du monument est inexacte puisqu’il ne s’agit pas de granite mais d’une des roches locales, le poudingue de Gourin. Les erreurs de détermination peuvent être dues, à l’époque, à l’état embroussaillé du monument. Il est cependant intéressant de noter que l’allure de l’allée couverte devait être sensiblement la même qu’aujourd’hui, avec une de ses dalles de couverture renversée.
4Le « dolmen » de La Ville Bouquet et les rochers voisins furent classés par le Décret du 27 octobre 1938, en ces termes : « Article premier – Sont classés parmi les Monuments Naturels et les Sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, les rochers de la Ville Bouquet, à Ploërmel (Morbihan) et leurs abords comprenant une zone circulaire de 20 m autour du dolmen et une bande de terrain de 30 m de largeur répartie par moitié suivant l’axe de l’éperon qui domine le chemin d’intérêt communal no 22, devant le PK 24, le tout pris sur la parcelle cadastrale no 1644, section Q. » La figuration de cette protection est assez curieuse puisqu’elle montre une zone allant du dolmen au chemin d’intérêt communal no 22 alors que l’axe de l’éperon rocheux va du dolmen en direction de la rivière le Ninian.
5Parmi les allées couvertes de Ploërmel, celle de La Ville Bouquet était la mieux connue. C’est un lieu de promenade privilégié, dans un bois situé sur une crête, véritable éperon naturel qui domine le confluent du Ninian et de l’Yvel. L’endroit est favorable à un habitat du fait de cette situation dominante et de la présence d’un affleurement de grès dur propice à des aménagements. Alors que les allées couvertes du Hino et du Haut Bezon étaient cachées par des broussailles et souvent à peine visibles, celle de La Ville Bouquet était demeurée accessible. C’est d’ailleurs la seule citée à Ploërmel dans l’inventaire des allées couvertes donné par J. L’Helgouach (1965 : no 82, fig. 115).
6A la suite de la campagne menée sur les mégalithes de la forêt de Brocéliande, il nous a semblé utile d’avoir un élément de comparaison, tant pour l’architecture que, surtout, pour les éléments d’environnement que pouvait fournir le vieux sol subsistant sous un tel monument, par rapport à celui de l’Hotié de Viviane. C’est pourquoi cette campagne de sondage et de prospection fut entreprise en juin 1985. Elle comprit le relevé topographique du monument, des analyses sédimentologiques, palynologiques et céramologiques. Un sondage fut mené sur le possible site d’habitat des Rochers de La Ville Bouquet de même qu’un relevé topographique de l’allée couverte du Hino.
4.2. Organisation des travaux
7Les travaux archéologiques ont été menés à La Ville Bouquet grâce à l’appui efficace de M. Paul Anselin, maire de Ploërmel, conseiller général et conseiller régional, qui mit à notre disposition une équipe de trois TUC (Patrice Dalinet, Pascal Nouvet et Christophe Jousso). Une autorisation de sondage nous fut délivrée par M. C.‑ T. Le Roux, directeur des Antiquités préhistoriques de Bretagne. Un crédit fut obtenu de la direction départementale de l’Equipement du Morbihan au titre de l’action « Périmètres sensibles », L’hébergement fut assuré à la station biologique de Paimpont dont nous remercions le directeur Paul Tréhen. Ont participé aux travaux J. Briard, responsable du chantier, B. Bigot, responsable des études sédimentologiques, J.‑R. Bourhis, ingénieur au CNRS, G. Larcher, responsable du groupe du Châtenay, D. Marguerie, responsable des études palynologiques, M. Moinerais du groupe du Châtenay, G. Querré, responsable des études céramologiques. Pour les prospections, M. Moureau, adjoint au Maire de Ploërmel, nous guida jusqu’au monument mégalithique du Haut Bezon et nous fit connaître un tumulus inédit à l’ouest de la route menant de La Ville Bouquet au village de Bezon.
8L’essentiel des travaux porta sur La Ville Bouquet et ses abords : débroussaillage du monument, relevé topographique et sondages pour réaliser les analyses sédimentologiques et palynologiques. Une recherche des éventuels sites d’habitats fut menée au long des rochers de La Ville Bouquet et un sondage réalisé à 200 m à l’est de l’allée couverte contre l’affleurement de poudingue de Gourin.
9La prospection menée en dehors de La Ville Bouquet permit de reconnaître et de lever le plan de l’allée couverte du Hino. L’ensemble mégalithique du Haut Bezon fut simplement reconnu. Quant aux deux dolmens du Chêne, autrefois signalés, nous n’en avons pas retrouvé trace. Il existe cependant bien un toponyme Le Chêne à la limite d’Augan. On peut, en l’état de l’enquête actuelle, hésiter entre une confusion avec la longue allée couverte du Haut Bezon et l’existence d’un quatrième ensemble mégalithique ploërmelais maintenant disparu.
10Les relevés de terrain furent effectués par l’équipe de fouilles, en particulier : B. Bigot, D. Marguerie et le relevé photographique par J. Briard. Toutes les analyses techniques d’après fouilles ont été réalisées au laboratoire d’anthropologie de l’université de Rennes I.
4.3. Structure de l’allée couverte
11L’allée couverte de La Ville Bouquet se situe sur la ligne de crête d’un affleurement de poudingue de Gourin (fig. 44). Ses dalles sont d’ailleurs composées de ce matériau à gros éléments dont de multiples blocs parsèment le voisinage. Le transport des constituants de l’allée couverte a donc été très limité, Le monument se situait autrefois dans la parcelle Q 1644. Actuellement, il fait partie de la parcelle n° 84 section YV du cadastre de Ploërmel rénové en 1977 (coordonnées Lambert, zone centrale 11, X : 243,85 ; Y : 335,05 ; Z : 66 m). Le site est enregistré à la direction des Antiquités préhistoriques de Bretagne sous le n° 56 3 23 165 001.

● Fig. 44 – Environnement géologique du site néolithique de La Ville Bouquet (56). D’après la carte géologique de la France au 1/80.000, feuille no 89, Vannes. – 1. Schistes graywackeux briovériens. – 2. Poudingue de Gourin. – 3. Formations paléozoïques (schistes de Montfort, Grès armoricains, schistes d’Angers). – 4. Formations superficielles (sables et alluvions). – 5. Leucogranite. – 6. Schistes micacés feldspathisés.
12Le site de La Ville Bouquet est un véritable éperon en bout de plateau, dominant la rivière le Ninian, juste à l’est de son confluent avec l’Yvel. Le Ninian se jette dans l’Oust à 3,5 km au sud. Le site apparaît donc comme un endroit de contrôle vers une des voies naturelles menant vers la côte sud de la Bretagne.
13Au moment des travaux, le monument était dans un petit bois de jeunes chênes et de pins dominants avec un sous‑bois de fougères, ronces, ajoncs et genêts (fig. 45). Le nombre des dalles composant l’allée couverte est sensiblement le même que celui donné par Z. Le Rouzic, soit dix dalles de chant et trois blocs de couverture, un en place, l’autre basculé à l’intérieur du monument et un possible troisième gisant par terre au nord de l’allée couverte.

● Fig. 45 – Vue de La Ville Bouquet prise de l’est lors du sondage de 1985.
14Le monument est orienté pratiquement nord‑sud. Il est ouvert au sud et probablement incomplet de ce côté. Il semble fermé au nord par une dalle de chevet.
15Le côté ouest est le mieux conservé et comprend cinq éléments en place dont les dimensions sont les suivantes (les hauteurs sont estimées en fonction du niveau actuel de dégagement ) :
16– W1 : 0,60 m à la base, 0,50 m au sommet, h : 1,10 m ;
17– W2 : 0,97 m à la base, 0,77 m au sommet, h : 1,10 m ;
18– W3 : 0,45 m à la base, 0,70 m au sommet (forme trapézoïdale), h : 1,20 m ;
19– W4 : 1,40 m à la base, 1,20 m au sommet irrégulier, h : 1,20 m;
20– W5 : 1,30 m à la base et au sommet, 1,30 m de haut.
21Elle est trapézoïdale, le sommet étant décalé vers le sud. Il reste un espace de 0,70 m entre W5 et la dalle de chevet du monument qui peut correspondre à une petite dalle W6 disparue.
22Le côté est est moins bien conservé :
23– E1 : 1,20 m à la base, 1,10 m au sommet pour 1,30 m de haut. Il faut noter que cette dalle latérale, qui est la première du côté est, ne supporte actuellement qu’une partie de la dalle de couverture encore en place. Il est probable qu’au moins un autre pilier la précédait du côté sud ;
24– E2 : 1,15 m à la base, 0,95 m au sommet, h : 1,20 m ;
25– E3 : c’est un petit bloc qui est basculé vers l’intérieur de l’allée couverte. Il mesure 1,10 m sur 0,90 m et a vraisemblablement été brisé. Devant E3 et E4 subsistent trois éléments lithiques qui sont sans nul doute des fragments d’une dalle brisée, soit de couverture soit un élément comblant l’actuel vide entre E2 et E3 (0,55 m) ;
26– E4 : 1,20 m à la base. Ce bloc est échancré à 0,75 m du sommet, ce qui réduit la largeur de la partie sommitale à 0,90 m. Sa hauteur totale est de 1,30 m environ.
27Au nord, l’allée couverte semble fermée par un bloc transversal assez irrégulier de section trapézoïdale (épaisseur 0,40 m côté est et 0,90 m côté ouest). Sa largeur à la base est de 1,30 m pour une hauteur de 1,20 m. Dans l’état actuel du monument, on ne peut dire si celui‑ci se terminait simplement par cette dalle ou s’il existait une cella terminale (fig. 46).

● Fig. 46 – La Ville Bouquet. Plan et élévations de l’allée couverte.
28La dalle de couverture encore en place du côté sud est un gros bloc de 2,20 m de long sur 1,70 m à 2 m de large et d’une épaisseur maximale de 0,75 m. Le bloc est légèrement incliné vers le sud. Il repose sur deux dalles du côté ouest (W1 et W2) et sur un seul élément (E1) du côté est où visiblement, comme nous l’avons déjà signalé, il manque un élément de paroi. On ne peut donc affirmer que l’état actuel du côté sud corresponde à l’entrée primitive du monument. La deuxième dalle encore présente a été stupidement basculée autrefois par des vandales ou des chercheurs de trésors à l’intérieur du monument où elle gît sur tranche, calée de travers entre E4, W5 et la dalle de chevet nord. Cette dalle mesure 2,20 m sur 1,50 m à 1,60 m. Son épaisseur maximale est de 0,55 m. Le troisième élément possible de couverture est un bloc déplacé à 0,50 m au nord de l’allée couverte. Il mesure 1,10 m sur 0,65 m et 0,60 m d’épaisseur. Il peut d’ailleurs s’agir aussi bien d’un élément de couverture que d’une des petites dalles latérales manquantes.
29En l’état actuel, le monument de La Ville Bouquet apparaît comme une chambre mégalithique de 6,50 m de long avec une largeur moyenne de 1,20 m.
30La hauteur des dalles est de l’ordre de 1,20 m. Malgré la disparition de quelques‑unes, il semble que ce soit un modèle classique d’allée couverte courte et non une sépulture à entrée latérale partiellement détruite. J. L’Helgouach l’avait d’ailleurs donné comme allée couverte dans sa liste des monuments de ce type. Son orientation nord‑sud est assez inusuelle mais on la retrouve à quelques degrés près pour deux monuments bretons : Liscuis à Laniscat (Côtes‑du‑Nord) et le Mougau à Commana (Finistère). L’orientation du monument est liée ici à la configuration générale du terrain.
4.4. Résultats des sondages
4.4.1. Sondage interne
31Le but essentiel de l’opération était de réaliser des sondages pour prélèvements palynologiques et sédimentologiques. L’un a été réalisé à l’intérieur du monument là où les couches paraissaient le moins remaniées par les multiples visiteurs qui grattèrent le monument. Il se situe contre la dalle de chevet nord, entre W5 et E4 (fig. 47).

● Fig. 47 – Ploërmel, La Ville Bouquet. Sondage interne dans l’allée couverte contre la dalle de chevet nord, entre les piliers latéraux W5 et E4. Vestiges du pavage remanié au centre. Position des tessons de poterie.
32Dans cette partie, des éléments de pavages ont été rencontrés, les uns sans doute encore en place dans l’angle nord‑ouest, contre W5, les autres ayant été quelque peu dérangés par les anciens grattages. Ce locus était d’autre part protégé par l’effondrement du pilier E3 vers l’intérieur de la chambre. Ce pavage se situait à environ 1,10 m à 1,20 m du sommet des dalles et doit correspondre au niveau archéologique. C’est entre ces pierres qu’ont été trouvés quelques vestiges céramiques dont l’étude détaillée est donnée dans le rapport de G. Querré (fig. 47, croix supérieure). C’est également sous cet amas de tessons qu’a été effectué le prélèvement d’échantillons pour analyse pathologique par D. Marguerie. Un autre tesson décoré a été recueilli dans ce sondage. C’est un fragment de poterie campaniforme (fig. 47, croix inférieure). Quelques tessons ont été également recueillis en surface dans une zone très perturbée au milieu de l’allée couverte entre les piliers latéraux entre E2 et W3. Ces tessons ont été immatriculés LVB 1 à LVB 6. Nous les évoquerons ici pour leur intérêt archéologique, renvoyant pour l’essentiel à l’étude très précise de G. Querré.
33LVB 1. Il s’agit d’un petit tesson peu épais à argile à spicules probablement de Saint‑Jean‑la‑Poterie. C’est une céramique médiévale ou post‑médiévale qui témoigne d’une vioiation ancienne du monument.
34LVB 2. Ce groupe de tessons a pu être en partie recollé (6 fragments) pour donner un élément de panse droite de 62 mm sur 41 mm, épais de 6 mm. L’extérieur est beige rougeâtre et l’intérieur présente une zone noire réduite avec petits encroûtements blanchâtres. Malgré la taille réduite de cet élément, on peut le ranger dans le cadre des poteries armoricaines du Néolithique final, style SOM, habituel aux allées couvertes bretonnes datables des environs de 2500 ans av. J.‑C.
35LVB 3. C’est un fragment de poterie campaniforme, de teinte beige‑rouge, de 23 mm sur 22 mm décoré de 5 lignes d’impressions de cordelettes (all‑over‑corded ou AOC des auteurs hollandais). Il était vraisemblablement du même type que le vase complet trouvé dans le dolmen coudé du Goërem à Gâvres (Morbihan). Cet intéressant document montre une utilisation de l’allée couverte jusqu’au Chalcolithique, vers 2000 ans av. J.‑C.
36LVB 4, LVB 5, LVB 6. Ce sont trois petits tessons, deux trouvés dans la zone médiane, un à l’extérieur contre E2. Ils ont été étudiés en détail par G. Querré également. Au point de vue archéologique, ils sont de type néolithique vraisemblablement final mais trop incomplets pour en dire plus. Notons toutefois qu’ils apparaissent différents dans leur épaisseur et leur couleur, bien que LVB 5 et LVB 6 aient été pétris dans la même argile de base, Ceci signifie qu’il y avait probablement au moins quatre vases néolithiques différents et un vase campaniforme dans l’allée couverte. Ils ont sans doute été pillés, détruits et dispersés dès l’époque médiévale. Les débris récents, pierre, verre, fer, attestent aussi que la zone centrale de l’allée couverte a été largement bouleversée au cours des époques modernes.
4.4.2. Sondage extérieur
37Autour de l’allée couverte un petit tertre d’entourage elliptique d’environ 3 m de largeur à partir des piliers se devinait malgré les perturbations, sa hauteur apparente était de 0,30 à 0,40 m. Un petit sondage extérieur côté E2 a montré que l’enlèvement d’éléments et le basculement de E3 avaient complètement bouleversé le tertre. En revanche, un sondage de 3 m de long et 1 m de large mené vers l’est à partir de W3 apermis de reconnaître la structure de ce tertre d’entourage (fig. 48). Il montait jusqu’aux deux‑tiers environ des piliers latéraux de l’allée couverte (à 0,40 m par exemple du sommet de W3), structure souvent classique dans ces monuments. Le décapage a permis de reconnaître un cairn assez lâche à petits éléments de poudingue assez irrégulier. Rien ne semble nettement appareillé, les pierres montant en légère pente vers le centre (0,20 m de dénivelée en 1 m). Une première couche de pierres au‑dessus d’un, apport plus terreux s’arrête à 2 m environ du monument. A cet endroit, un sondage plus profond a fait découvrir un deuxième niveau de pierres, situé 0,10 m plus bas, qui semble un recouvrement volontaire du vieux sol décapé. Ce lit de pierres inférieur s’arrête à 3 m de l’allée couverte et doit correspondre à la base ultime du tertre d’entourage. Un prélèvement pollinique a été effectué à la limite des deux zones de pierres décapées. Le bord de ce cairn semble avoir été régulier sans pierre de parement.

● Fig. 48 – La Ville Bouquet. Sondage extérieur montrant deux niveaux de pierres, celui du tumulus contre le monument et celui du vieux sol sous‑jacent.
38Le mobilier extérieur est pauvre. Il faut noter cependant un élément exceptionnel, c’est une petite lame de quartzite retouchée soigneusement des deux côtés latéraux, tranchante d’un côté (33 mm sur 15 mm) (fig. 19 : no 6). On peut la rapprocher des armatures de flèches tranchantes du Bassin parisien (culture SOM) signalées par G. Bailloud et dont certaines ont des longueurs tout à fait semblables (hypogée de Congy [Marne]).
39L’étude sédimentologique de B. Bigot est donnée en détail par la suite. Rappelons cependant qu’elle a montré que le matériel utilisé pour construire le tertre périphérique a été pris sur place (limon d’altération) et que le sous‑sol avait sans doute été décapé soigneusement sur environ 0,50 m pour y asseoir l’allée couverte. Il ne semble d’ailleurs pas avoir eu au centre du monument de véritable fosse creusée pour y planter les piliers latéraux. Ceux‑ci étaient montés sur le sous‑sol simplement décapé et calés par un apport artificiel.
4.4.3. Sondage extérieur près des rochers
40Une prospection largement extérieure a tenté de retrouver sur le site des vestiges d’habitats. En particulier un petit surplomb rocheux à 200 m au nord de l’allée couverte contre le massif de poudingue le plus élevé semblait favorable à un endroit d’habitat. Un sondage de 4 m s’est révélé relativement stérile, sans trace apparente de structures ; l’opération n’aura pas été infructueuse cependant puisqu’un autre fragment de poterie à argile à spiculés, semblable au premier exemplaire trouvé dans l’allée couverte, y a été recueilli. Là encore, le site a été fréquenté à une époque historique médiévale ou post‑médiévale. Il faut aussi noter qu’à l’été 1985, cette partie du bois a été victime d’un violent incendie. Le sol, alors très dénudé, n’a laissé voir aucune trace certaine de structure d’habitat. Cependant quelques longs blocs de pierre étalés sur la pente auraient pu autrefois être levés et intégrés dans un système défensif de ce bel éperon naturel.
4.5. Étude sédimentologique
41Trois prélèvements de terrain, réalisés lors de la campagne de sondage sur le monument de La Ville Bouquet en Ploërmel (Morbihan) en juin 1985, ont été analysés en granulométrie et microgranulométrie au laboratoire d’anthropologie de l’université de Rennes I par B. Bigot (fig. 49).

● Fig. 49 – La Ville Bouquet. Etude sédimentologique (B. Bigot).
4.5.1. Caractéristiques communes aux sédiments de la Ville Bouquet
42Les échantillons, dans l’ensemble limono‑sableux, sont tous très peu argileux et possèdent un rapport argile fine/argile grossière très faible. Ce caractère témoigne de sédiments pédologiquement très peu évolués, sinon quasi‑immatures (matériel très peu altéré). Les composantes limoneuses et graveleuses sont toujours bien exprimées, à l’opposé des fractions sableuses.
43Ces éléments démontrent le caractère très local des remplissages, dérivés de l’altération des schistes briovériens sous‑jacents.
4.5.2. Sondage extérieur ouest
44Dans la partie extérieure ouest du monument, un sondage nous a permis d’échantillonner à la base du cairn la matrice de celui‑ci (alt. –154 mm/0 chantier) (VB 3), puis, en dessous, l’horizon C d’altération en place (–178 mm/0 chantier) (VB 2).
45Les résultats sont éloquents : les deux courbes granulométriques (VB 2 et VB 3) se superposent tout à fait. A coup sûr, la matrice du cairn provient directement du limon d’altération local.
4.5.3. Sondage intérieur
46Le sédiment VB 1 (–210 mm/0 chantier), provenant de l’intérieur de l’allée couverte et prélevé tout au fond d’un sondage sous des couches manifestement chahutées, était resté en place.
47Comme les précédents, il tire son origine de l’horizon profond du sol environnant (mêmes ruptures granulométriques), mais diffère cependant par son classement affaibli. Il s’agit d’un « sédiment archéologique », c’est‑à‑dire d’une couche qui, déposée, ne fut pas immédiatement recouverte mais qui aurait plutôt subi quelques piétinements préhistoriques.
48En résumé, nous pouvons préciser que le profil d’altération est naturellement peu développé à La Ville Bouquet, qu’il a été cependant décapé par les Néolithiques, probablement sur une épaisseur peu considérable (moins de 0,50 m) pour y asseoir leur monument. Les sédiments formant la matrice du cairn ont été extraits aux abords immédiats du site.
4.6. L’allée couverte du Hino
49Grâce à l’équipe de TUC mise à notre disposition par monsieur P. Anselin, maire de Ploërmel, le plan de l’allée couverte du Hino a pu être levé, palliant ainsi une carence de la documentation archéologique. Il s’agit d’un très long monument qui a été lui aussi plus ou moins bouleversé autrefois, la route par exemple en a certainement coupé la partie orientale. Bien qu’incomplet, le monument mesure encore 11 m de long pour une largeur moyenne de 1 m, sans compter deux blocs supplémentaires qui gisent du côté ouest. Tous les éléments de cette belle allée couverte sont d’énormes blocs de poudingue de Gourin à gros éléments qui surprennent par leur aspect brut. Plusieurs filons sont présents à proximité immédiate du monument mais leur transport, vu leur massivité, a dû néanmoins demander un travail considérable.
50L’allée couverte se situe au bord du chemin menant du village du Hino au sud à celui de Montaigu au nord. Il faut noter que le village de Saint‑Maur, toponymie sous lequel le monument fut autrefois désigné, se trouve au sud du village du Hino, donc plus éloigné. Une carte postale du début du siècle représente cette allée couverte « de Saint‑Maur » (collection G. Larcher). Il faut noter au passage qu’à l’ouest du Hino la carte géologique mentionne un toponyme Le Chêne, encore une possible explication pour les fameux dolmens du Chêne autrefois signalés. Dans ce cas il pourrait s’agir d’une confusion avec Le Hino. L’allée couverte se situe à mi‑pente du coteau qui culmine à 85 m à quelques centaines de mètres au nord (coordonnées Lambert II, zone centrale, X : 248,90 ; Y : 339,06 ; Z : 65 m, parcelle n° 48 section ZB du cadastre rénové 1977 de Ploërmel) (fig. 50).

● Fig. 50 – Situation de l’allée couverte du Hino, Ploërmel (Morbihan).
51Le monument est situé dans une parcelle cultivée (blé en 1985) mais apparaît comme une enclave le plus souvent embroussaillée malgré les nettoyages épisodiques. Quelques arbres (chênes) qui poussaient en cet endroit ont été extirpés et brûlés en partie. Le reste du couvert végétal est composé de fougères, ronces et ajoncs. En 1985, le plan au sol de l’allée couverte a été dressé mais il n’a pas été possible d’effectuer les élévations des parois latérales, étant donné le temps qui nous restait pour cette campagne. Aucun sondage n’a été effectué non plus.
52L’allée couverte est orientée est‑ouest à une dizaine de grades près (89 gr N). Le côté est, ouvert (fig. 51 et 52), est le moins complet, au moins deux dalles de couverture manquent et l’une est basculée à l’intérieur. C’était sans nul doute de ce côté que se situait l’entrée. La partie occidentale est mieux conservée avec trois dalles de couverture en place, les piliers latéraux et la dalle de chevet.

● Fig. 51 – Le Hino. Plan de l’allée couverte.
B. Bigot, D. Marguerie

● Fig. 52 – Le Hino. Vue de l’allée couverte prise de l’est.
53Le côté nord est mieux conservé avec dix éléments. Nous donnons simplement les deux dimensions suivantes : longueur de la pierre vue à l’intérieur du monument, puis épaisseur. La massivité des pierres ainsi que les déplacements a pour résultat que cette épaisseur est parfois largement supérieure à la longueur que prend la pierre dans l’axe du monument en mètres :
N1 : 0,50/1,10 | N2 : 0,55/1 | N3 : 0,80/0,75 |
N4 : 0,92/0,52 | N5 : 1,20/1 | N6 : 1,12/0,88 |
N7 : 1,30/0,32 | N8 : 1,22/0,66 | N9 : 1,30/0,38 |
N10 : 0,50/0,34 |
54Le côté sud comprend huit éléments dont les dimensions sont les suivantes en mètres :
S1 : 0,83/0,40 | S2 : 1,14/0,70 | S3 : 1,50/0,66 |
S4 : 1,41/0,90 | S5 : 0,80/0,48 | S6 : 1,10/0,70 |
S7 : 1,34/1 | S8 : 1,40/0,70 |
55La dalle de chevet ouest mesure 2,15/0,60 m. Elle passe derrière N10 avec un petit espace de 5 à 10 cm et s’appuie sur S8 qui déborde derrière la dalle de chevet.
56Les quatre dalles de couverture ont les dimensions suivantes, en mètres, de l’est à l’ouest :
D1 : 2,20/1,25 (c’est la dalle tombée à l’intérieur) | |||
D2 : 2,30/2 | D3 : 2,40/1,30 | D4 : 2,20/1,30 |
57Il manque la dalle de couverture qui reposait sur la dalle de chevet ouest. Quelques blocs gisent autour du monument, vraisemblablement des débris des dalles de couverture. Nous ne pensons pas que les blocs gisant derrière la dalle de chevet puissent correspondre, par exemple, à une petite cella terminale comme il arrive souvent dans les allées couvertes. Le matériau dont est constitué l’allée couverte est trop grossier pour la construction de cet appendice en général bien appareillé. D’autre part, le petit tumulus qui entoure le monument semble mourir de ce côté en pente assez prononcée, ce qui est incompatible avec l’établissement d’une chambre extérieure complémentaire.
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