4.Recherches complémentaires
Comparative studies
p. 115‑128
Résumés
Certaines granges de la région ont laissé une documentation écrite d’une extrême richesse. Des établissements de Tontenant et Tarsul, dépendant de l’abbaye de Cîteaux, des inventaires détaillés ont été conservés ; de la grange Noire et de celle de Dragny, appartenant à l’abbaye Saint‑Jean‑le‑Grand d’Autun, sont parvenus jusqu’à nous des comptes de gestion annuels. Ils permettent de combler les lacunes de la documentation archéologique.
Quinze bâtiments à piles, repérés autour du site et étudiés, témoignent encore de l’organisation en élévation et de la diffusion d’un type d’architecture rurale rencontré dans deux édifices mis au jour à la grange du Mont.
The documentary evidence which has survived for some granges in the region is extremely rich. Detailed inventories exist for the settlements at Tontenant and Tarsul, which were tied to the abbey at Cîteaux. In the case of two granges, the « grange Noire » and Dragny, which were both tied to the abbey of Saint‑Jean‑le‑Grand at Autun, the annual accounts have survived. These documents have enabled gaps in the archaeological record to be filled in.
Fifteen pile‑built structures have been located and studied in the area around the site. They demonstrate the continued use of a type of architecture identified in two of the structures excavated at the « grange du Mont », and provide information on the aboveground aspect of these buildings.
Texte intégral
4.1. Portraits de granges
4.1.1. Introduction
1Autour du site de la grange du Mont, sur les territoires de 22 communes actuelles, 39 fermes isolées peuvent être aujourd’hui dénombrées1. D’après le Dictionnaire topographique de la Côte‑d’Or d’Auguste Roserot (1924), complété par des sondages réalisés dans la documentation écrite, 20 d’entre elles sont attestées avant l’an 1500. La recherche, étendue aux baillages d’Auxois et de Dijon2, confirme pleinement l’importance du phénomène, sa très large diffusion : à des desserrements du réseau ici et là correspondent ailleurs des concentrations plus fortes encore. Dans les limites de l’actuelle commune de La Bussière‑sur‑Ouche, 21 centres habités étaient recensés en 1552, constituant le domaine proche de l’abbaye3 ; autour de Cîteaux, 7 de ses anciennes granges forment aujourd’hui les écarts de la commune de Saint‑Nicolas4.
2Pour rendre compte du phénomène, le corpus documentaire est fort étendu, mais les données ne sont véritablement riches que pour les grands ensembles cisterciens. Pour les autres établissements, tels ceux recensés au voisinage de la grange du Mont, une « cherche des feux » ici, un « aveu et dénombrement » là, un « censier » pour l’un, un contrat d’amodiation pour l’autre n’en conservent souvent que la trace et l’une ou l’autre des caractéristiques. Ils appartiennent à l’évêché d’Autun, à l’abbaye Saint‑Jean‑le‑Grand de cette même cité, ou bien à différents écuyers et chevaliers ; ils sont exploités en faire‑valoir direct ou bien amodiés ; le seigneur y réside parfois, l’exploitant n’y demeure pas toujours ; ils sont toujours occupés, ou bien temporairement voire définitivement désertés ; une grange, un pourpris, un cheptel ou un achat de charrue apparaissent souvent isolément. La documentation, péniblement rassemblée car dispersée, difficilement analysable car lacunaire et partielle, montre l’importance du phénomène, la diversité des statuts, le foisonnement des situations, mais elle n’accorde pas la possibilté d’étudier chaque cas dans le détail, notamment dans ses aspects matériels.
3Ce n’est pas le lieu ici de développer les résultats d’une investigation nécessairement extensive. La présentation de l’appareil critique réclamerait déjà plus d’espace que cette publication archéologique n’en peut accorder. Pour éclairer et compléter les données recueillies sur la grange du Mont, on peut se reporter aux études publiées que l’on a évoquées en introduction ; certaines d’entre elles ont été attentives au cadre de vie et sont autant de points de référence et de comparaison. Nous voulons y ajouter quelques « portraits » inédits de granges ; ils sont certes inachevés, incomplets comme les autres, mais la densité des informations qu’ils renferment éclairent nombre d’aspects perdus sur la grange du Mont.
4.1.2. La gestion au quotidien d’un domaine
4L’abbaye Saint‑Jean‑le‑Grand d’Autun possède à proximité de Nolay une maison et la grange de Dragny ; au pied de la butte de Mont‑Saint‑Jean, elle détient la grange Noire de Marcilly. De leur gestion nous sont parvenus des comptes dont les plus anciens datent de 1380. Ils sont conservés aux archives départementales de Saône‑et‑Loire. Ils révèlent les activités quotidiennes dans une exploitation : achats et réparations d’outils, entretien des bâtiments, ainsi que les types de contrats –amodiation, cheptel ‑ liant l’exploitant au propriétaire (Masson 1935, Bossard‑Beck 1983).
4.1.2.1. Grange Noire, Marcilly‑sous‑Mont‑Saint‑Jean
51380 (H 1256)
f° 23
« [...] Item pour II poz de terre achetés à Saulieu et escuelles de bois pour les moisseniers, VI blans, le samedy avant l’Assomption Notre‑Dame. Le mardy suignant, pour un pot de terre [...]
« De la charette admenée à Mont Saint Juhan pour le doubte des gens d’armes, I gros. »
61399‑1400 (H 1527)
f°1
« [...] Item baillé à Guille Suitmet, chappuis, pour une journée faite le mardi avant la Saint Anthoine qui fit l’arche des beufs et asseiit la charote madame, pour ce VI blans.
« Item pour un bareaul en la porte de la grange noyre [...]
f° 1v°
« Item achesté à Mont Saint Juhan III ais pour faire ung huis en la petite estable empris la grange noyre, pour ce I gros.
« Item au chappuis pour faire les rouhes du chart et chaucer es rouhes, I gros.
« Item pour affuiter la serure de luis de la grange noyre [...] Il blancz.
[...]
f° 2 « Item acheté à Saulieu I jux pour les beufs madame, Il blans.
« Item à Guillaume mouraiche de Saulieu, mareschaut, pour ferrer toult à neuf les douhes jumants madame et pour plusieurs fers remis, IIII gros.
« Item pour la garde de XVI chiers de grosses bestes, III gros I blanc. [...]
f° 2v°
« au chappuis pour deux journées qui fit une charote, Il gros I blanc.
f° 3
« Item acheté à Saulieu de Huguenin Prenin de Saulieu [...] une pièce de fer pour changer le fer et le coutre de la charue madame, III gros I blanc.
« A Artaul de Saulieu, mareschault, pour appareiller ledit fer et ledit coutre, V blancs.
« Item acheté à Saulieu quatre rouhes de char et deux rouhes de charote, XIV gros.
« Item pour traire la lave de deux raims de la grange madame, IV gros.
« Item pour vingt piez de late, X blancs.
f° 3v°
« Pour renouer le coutre de la charrue qui estoit glissiez et pour appointer le fer de ladite charrue, I gros.
« Acheté à Saulieu un joux de beuf, Il blancs.
« Baillé à Chatel [cheptel] trois taureaulx, III blancs. »
71424 (H 1208)
f° 66v°
« C’est affermé Michelin Vernet et Jacote sa femme pour un an [...] pour le prix et somme de XII francs et de deux aunes de drapt gris ou blanc.
« Item ledit Michelin ameyne a l’ostel de Marcilly troisbuefs de poy rouge pour ayder à cultiver et faire le gaignage de l’ostel pour ce que ledit Michelin ha V jornaulx de froment a enfromencier par yver et doit apporter ledit Michelin le forage pour lesdits bœufs [...]. >>
81439 (H 1208)
f° 49v°
« [...] Le samedi avant la Saint Albin [...] Guille de La Combe et Girard Lambert, chacun pour la moitié et pour le tout [...] retiennent par admodiation pure [...] pour six ans [...] la grange de Marcilly près de Mont Sainct Juhan [...]. Avec toutes les choses appartenant à ladite grange et maison c’est assavoir prés, terres, corvées, tailles d’argent, costumes d’avesne et toutes aultres choses [...] excepté les dismes de ladite ville de Marcilly et une pièce de prey appelé Le Breuil que madame retient a elle comme est accostumé [...] pour (80) setiers de bief mesure de Mont Sainct Juhan, (48) setiers de froment, un setier de poys, un setier de fèves [...] et avec ce [...] est amodié ung bœuf tirant pour faire le gaignage de ladicte grange. Item trois vaiches deux veaulx et quatre taureaulx que lesdits grangiers nourriront les quatre taureaulx jusque tant qu’ils soyent beufs à point de mettre à charrue [...] à la fin dudit terme madame prendra la moitié du croit et lesdits grangiers l’autre moitié [...]. »
91439, 9 décembre (H 1208)
f° 10
« Furent menés dix sept chefs de bestes que beuf, vaiches, veaulx et toireal en la grange de Marcilly appartenant à madame de Saint Jehan au bourg d’Autun.
« Item deux grands beufs roiges.
« Item deux autres beufs gras, l’ung des beufs blanc et l’autre bouchart.
« Item ung autre beuf blanc bisot au museau.
« Item deux petits beufs noirs.
« Item ung toireal en la queue, blon au museau.
« Item ung autre toireal noir, en la queue.
« Item deux petits toireals blonds.
« Item une vaiche vealée d’ung petit veal femelle.
« Item une vaiche brune vealée d’un petit veal femelle.
« Item une vaiche blanche.
« [...] lesquelles bestes dessus dites ledit guillaume de La Combe a vandu et délivré à madame ladite abbesse pour le prix et somme de (57) francs... et plus deux porcs que madame a reçeus et lesquelles bestes ledit de La Combe prant en garde et les promet nourrir et garder ainsi que ovoit accoustumé. A soixante francs et demi. »
101439, 8 février (H 1208)
f° 11
« Guille de La Combe [...] tient à croit et à chetalx [...] une jument de poil gris pour le prix et somme de V francs de chatel [...]. »
111440, 20 mai (H 1208)
f° 11v°
« La somme de VIII frans trois sols baillée à Guille de La Combe pour couvrir la maison de Marcilly. »
4.1.2.2. Grange de Dragny‑Nolay
121387 (H 1256)
f° 17
« [...] Item achatez ung chevaul pour la charrete de madame [...] IX francs.
« Item ung cheval au pris de VII francs. »
131390, veille de la Sainte‑Catherine (H 1256)
f°7 v°
« Renaud Chadenay demorant en Dreigney tient à commande de madame six beufs trahens à charrue, c’est assavoir quatre buefs des quels les trois sont de poy grie roige et l’autre comme buchet et deux toirealx qui sont en l’aige de environ quatre ans, l’un rouge l’autre blandin, sous le chatel de (40) francs [...]
« Item tient en la garde ledit Renaud de madite dame V chiez de vaiches... une vaiche portant de poy grie roiche ensemble son suignant masle, un viaul masle de ceste année, une turie en laige de III ans de poy blondot et ung toraillon de poy buchet en l’aige de III ans de poy blondot et ung toraillon de poy buchet en l’aige de deux ans.
« Item tient ledit Renaud en garde de madame ung buef de poy blondin. »
141397 (H 1258)
f° 19
« A Jehan de Draigny pour chaulssier la charrete de Draigny le lundi avant la Sainct Valentin pour la portion de madite dame, V blancs.
f° 19v°
« Item pour la façon de fer de la charrue de Draigny pour la portion de madite dame, V blancs.
f° 20
« Item pour la façon de ladite charrue pour la portion de madite dame, III blancs.
f° 20v°
« Pour un verroul acheté pour la porte de Draigny, I gros.
f° 21 v°
« Pour fer et acier acheté audit jour de Michel Audot pour faire serpes, fessours, pioiches, coignées et autres besoignes, VI gros demi. »
151420 (H 1208)
f° 66
« Simon Maret a apporté de ses biens en notre dit hostel en Draigney [...] ung lit garni de coutre, ung huscerons, deux pelles blanches, ung chaulderon, une cognée, ung fessour, une serpe, ung cromaille »
161428, 15 janvier (H 1208)
f° 55
« Jehan de Dron alias Deschauley, Jehan de Chavanes [...] et Jehan son frère, prenant la granche de madame de Draigney pour tel que madame leur doit bailler douze beufs pour faire le gaignage et doyvent acheter du foing pour les diz beufs à la somme de dix francs desquels dix francs madite dame payera la moitié et prendra la moitié de tous les grains qui sont en ladicte granche [...] pour trois ans. »
171434, 1er avril (H 1208)
f° 8
« Gaulthier Joly de Draigny [...] confesse tenir par de madame l’abbesse [...] trois vaiches, deux torillons de deux ans et onze beufs tirans à la charrue sans chatel sans croys et sans moisons desdits beufs [...] et en ce n’est pas compté les vaiches qui lui ont esté baillées pour la somme de XV francs de chatel dont il est obligé et y sont comptés les beufs qui sont de beaul de l’admodiation de la grange. »
181438, 3 juin (H 1208)
f° 9
« Cauthier Joly de Draigney [...] tient par manière de garde sans croys sans chatel et sans moison [...] deux vaiches et deux thories d’ung an et demi tout sur poil rouge, deux thoireaulx l’un sur poil blanc et l’autre sur poil rouge en l’aige de trois ans [...]
« Item tient en chetel des religieuses quatre vaiches, deux gruez, deux roiges avec leurs suignantes toutes femails et sur poil gris, pour le prix et somme de XV francs monnoie courante [...]
f° 9v°
« Item tient en chetel [...], la quantité de IIII XX chiez de brebis layne portant pour le prix et somme de XV francs [...]. »
4.1.3. Le cadre de vie
19Les granges d’Ouges, de Tontenant et de Tarsul, dépendant de Cîteaux, ont fait l’objet d’inventaires à la fin du xive s. Le premier est partiel et a été quelque peu exploité par O. Martin‑Lorber (1957). Les deux autres en revanche, bien que connus et plus détaillés, n’ont guère attiré l’attention (Poloni 1981) ; ils énumèrent le contenu des bâtiments. Ils ne sont certes pas complets et présentent chacun des particularités : celui de Tontenant, avec les meubles et les ustensiles, mentionne des réserves de grains et des récoltes à recouvrer ; celui de Tarsul insiste sur l’huisserie. Ils révèlent en tout état de cause nombre d’éléments qui témoignent du cadre de vie des grangiers.
4.1.3.1. Grange de Tontenant, Pagny‑le‑Château : 1397 (Côte‑d’Or 11 h 1160)
20f° 224
« Inventoire fait en la grange de Tontenant par dom / Jehan de Sainte Sabine prieur de Cisteaux, dom Pierre / de Monteraniez et dom Martin de chamlipte prieur de / Cisteaux, encomancié le vendredy après la nativitey / nostre seigneur et feni le samedy ensuigvant l’an mil CCC IIIIxx et dix sept.
« Premièrement en la chappelle sont tonailles benoîte et le / suaire a mettre sur l’autel, ung vestemens garniz de / chasuble blanche de boncassin sangler, une abbe, / manuple, estoles et aussi courroie et un corporalx / et la bourse pour le mettre, un seal pour faire aigue / benoite, un psautier, I cierge de cire, une chenote / destain, ungne chapelle de plonc a faire rouse. Item / une grant mart a prestir pain sens covercle. Item poisson / a mettre vinaigre, ung seal de couivre à faire l’aigue benoite.
« Item en la chambre après la chappelle une arche à fiestre de foul, Il poissons à vin, une chasière, une tauble / six ais de chaigne, I tonnot, une saleure à char, deux / piaulx de taissons, une pial de biche a tout le poy.
« Item en la saule basse sont une mart a prestir pain / ung gellenier de bois III lis garnis de coutres et de cussins de plume et de coutres qui sont de grandes / et de petite valeur.
« Item en la cusine sont une soile et I soilot, I grant / pot de couivre tenant un soilot, Il petiz de couivre, / deux grans peelles blanches sens coues, une petite / peelle blanche, une quesse grasse, ung chauderon, une grille, une haste de fer sens pié, I trepier, Il / cromailes de fer, I mortier et le pestot, une arche / de foul de petite valeur, I buffot de bois, une coignie / sinc salignons de sal, III escuelles destain de petite / valeur, ung coutel à II manges, une bassoule d’arein / une lanterne de bois, Item sont dix huit lanceux de / deux toilles souffisans et deux de petite valeur / quantité nappes contenant environ quatre aines, III tourgeures / ensuigvant.
« Item XIIII vaiceaulx de moichotes desquelz il y a quatre / que l’on ne scet si elle sont Robert Laindné.
21f° 224v°
« Item VI boisseaux de pois, ung bichot de froment, V bichot / d’orge, seze bichoz d’avene, XIII bichoz de chenevey. / Item environ III bichoz de milot, tout à la mesure / de Seurre senz chanche.
« Item III trehue pourtans, VI pourcealx d’ung an, Huit / pourceaux de demy an, X laitans petiz et de petite / valeur qui sont estimez VII florins d’our.
« Item pour foin et pour fouraige tant escaux comme à / escourre, IX florins d’our.
« Item III jumens, I poulain de trois ans, III aultres / poulains d’ung an. Dez quelx II ung est maales, tout / presier XVIII florins d’our, ensamble ung bas et son bourrealx.
« Item en la chambre dom Regnault III pintes gravées destain / sans covercle, ung petit oroiller, une tauble et les tretelx / une archote plaite, ung gardemangier de verges, ung cuir / de biche courroiez en alemi et une chiere de bois.
« Item le bled qui est acourré du propre laboraige de Regnal / est estimez X bichoz mesure de Saint Juhan.
« Item sont a escouvré des tierces de Tontenant environ XVIII / bichoz desquelz dom Regnault doit avoir la moitié, soit IX bichoz.
« Item chenove qui est à filier par estimacion vault III florins / d’our ensamble quatre touches filiés.
« Item Micheloz garde IIII vaiceaulx de mochotes / qui sont par moitié entre luy et dom Regnalt.
« Item une charrue garnie de fer et de coutre de petite / valeur, deux chers de bois eng souffisant et une / chariote de petite valeur.
« Item audit lieu de Tontenant hait quatre oyes et apportaul / chiez Garnier le Vaicherot quatre oyes que tient à moitié. »
4.1.3.2. Grange de Tarsul, Izeure : 1397 (Côte‑d’Or 11 h 1160)
22f° 240
« Inventoire des choses baillées à Juhan Salomon de Longecourt / et à Nicholas sont frère, admodiateurs de la Grange de Tarsule / le VIIIe jour de février l’an mil IIIc IIIIxx et dix sept : premièrement / en la chapelle une pièce d’autel, une crois de bois, une paut / de bois, Il chandeliers de fers au mur, deux chanotes pour l’autel / l’une de couivre et l’autre de plonc, une viez arche, une viez / forme et ung siège de bois, pour l’hycerie de ladite chapelle / ferrée de deux painnelez et de deux gons de fert et une / sarrure de fert et le verroul et la clef. Item en la chambre / basse oui gisoit benoy estoient ung banc, une tauble / de bois, deux treteaulx, III huiseries toutes garnies de pommelles / de gons, de sarrures, de verroux et de clefs, tout de / fer. Item deux fenestres coulans portans leurs chaignes de / fer et clef. Item une arche ferrée très bien. Item au rofetteur / a une tauble de bois et deux trestaulx, une viez forme / III fenestres ou il a V pommelles et VIII gons tout / de fer, une huserie garnie de deux pannelles, Il gons / un verroul et une serrure de bois et une autre. Item au celler deux husseriez ou il a III pommelles et IV gons / et une sarrure de fer garnie de clef, de verroul et de velnelles. Item en la chambre de la chambrerie a deux chalis / de bois, une husserie, une pommelle de fer, Il gons et I / sarrure toute garnie de clef et d’autres choses. Item une / fenestre garnie de II pommelles, Il gons, ung trelliz de / fer. Item en la chambre au maistre prieur II huseriez garnies de / IIII pommelles de fer, IIII gons et II sarrures de fer / garnies de clef et de verroul. Item III fenestres ou il ay / en chascune une chenote de fer. Item une forme de bois. Item en la chambre qui est de costé la chambre / du maistre a II arches viez, une huserie ou il a / deux pommelles, Il gons. Item une petite maiz à pain / Item en la chambre de costé ladicte chambre qui regarde vers le puis a deux husseriez pardues a IIII pommelles, IIII gons et une serrure de fer tout garni / Item en la chambre des greniers dessus le reffetteur / une husserie pardue à deux pommelles et à deux / gons. Item en la chambre ou soloient gisir II boneois /
23f° 240v°
« a une husserie garnie de deux bandes de fer et de deux gons / et de une serrure de bois. Item en la chambre de la cusine / a une huserie ou il a deux pommelles, Il gons, une / serrure de fer garnie de clef et de verroul et une / fenestre ou il a II gons et deux verroillons tout / de fer. Item en la viez cusine une husserie, Il pommelles / deux gons et une serrure toute garnie de clef / Item en la scelerie a une husserie garnie de deux pommelles, une chaigne de fer et deux serrures de fer / toutes garnies de clef et de verroul. Item deux fenestres / ou il a IIII pommelles, IIII gons et deux verroilloz / Item en huserie des [?] a deux pommelles, Il gons et une sarrure / de fer toute garnie de clef. Item en la cusine a Il / husseriez es quelles a IIII pommelles, IIII gons et / une serrure de fer garnie de tout. Item ung grant / post de couivre appelez brotin. Item ung mortier / ung pestolt, une viez arche, une viez armorez / ung viez banc et une viez forme. Item en / la rourie a III husseriez ou il a V pommelles de fer / et VI gons et une petite serrure de fer garnie / Item en la fromagerie a II husseriez garnies de IIII pommelles, IIII gons et deux serrures de fer toutes / garnies. Item en une husserie qui est de costé la / fromagerie a deux gons et une serrure qui porte / son verroul. Item en la pourcherie a une husserie ou il a Il pommelles et deux gons de fer. Item / en la chambre dessus a une husserie ou il a une pommelle, Il gons et une verrelle. Item au grenier / a une husserie ou il a deux pommelles, Il gons et / une bonne serrure de fer toute neuve. Item en la / grange devers les buex a III husseries ou il a VII pommelles et VIII gons. Item en la porte qui est de costé la bouverie a III pommelles et IIII gons / et en huxerie de costé a II pommelles, Il gons / et ung verroul. Item en la grant porte qui est / devers la bergerie viez a III pommelles et VI gons / Item en la grant qui est de costé la nouvelle bergerie / a III pommelles et VI gons. Item en la grant porte qui est / de costé le grenier devers la cour na nullez pommelle, une sur tourealx. Item es II husseries / qui sont a III pommelles, IIII gons et / deux verroillez et une serrure de bois garnie de / son verroul et de clef. Item en la partie de la grange / où sont à présent les brebis a deux huxeriez ou il a / III pommelles et IIII gons. Item en la porte de la viez / bergerie a IIII pommelles et IIII gons et une husserie / qui est de costé II pommelles et II gons. Item en la dicte / bergerie a une husserie de costé ou il a II pommelles et I gond / Item en la vaicherie est en la porte a cinq pommelles et IIII gons / et en huxerie de costé a ung bon pivot de fer / Item en la fromagerie de costé la vaicherie a II pommelles / et II gons et une serrure bien garnie. Item au four / a une husserie qui se clouxt a taiceaulx et une / serrure de bois. Item une mait a prescir, III ais / pour metre faire le pain. Item une husserie au dit four / où il a II pommelles, Il gons et une serrure de bois / Item en la porte devant a deux pivotz de fer et / en husserie de costé ung pivot de fer.
« S’ensuit l’inventoire des choses baillées à monsieur Jaques / Bernard et à Jehan son frère, lesquelles demeurent / en la maison. Premièrement en la chambre empris la chappelle / ung banc neuf et viez, une arche et ung petit / bufet et ung autre petit banc. Item une tauble et deux / trestaulx. Item chieres ferries / au tour et une autre de petite valeur. Item deux / chaulis d’ais pour faire lit. Item en la chambre dessus / la cussine deux bans neux et ung viez. Item deux / taubles garnies de tresteaulx. Item deux arches / menuez sans sarrurez ne ferrement. Item en la grant salle deux archez vielez et un banc viez. Item au treul / XXII cuvez bonnes. Item trois belingez pour charoier / vendange. Item IX rondes dont II ung est effonciez / Item XXII grosses ais pour enfoncier cuvez. Item / tant en la court comme en la grange III sergez de cuves / neusves. Item en la cuisine II pestouez, I tenot, I / soillot, I bacin à quehue, I cromaille. Item au puis / une soille à traire eaul. Item ung list pour sier, III fers garnis de coultre, de cussin et de couverture. Item sept huseriez fermans à clef et à sarrure c’est assavoir / quatre de fer. Item III vaiches avec toute la paille I dudit hostel pour le pris de siz francs. Item une grant arche / à freste. Item douze douzeignez de grans cloiches pour / apparoiller les eurez de l’ostel. Item une coignié à / couper bois. Idem ung bondenal, une doloire et / trois anthoneurs d’escuelles à anches de fer »
4.2. Éléments d’architecture rurale
4.2.1. La nécessité d’une enquête sur le terrain
24Des bâtiments de la grange du Mont, les vestiges découverts n’évoquent que très imparfaitement l’élévation. De la toiture certes, la stratigraphie révèle les matériaux de couverture et les plans au sol signalent les dispositifs de soutènement : des fermes simples pour les bâtiments II et IV, des charpentes à piliers pour les bâtiments I et III. Mais le détail de ces agencements, la hauteur des murs aussi, ne peuvent être précisément évalués.
25D’autre part, les données historiques rassemblées restent à cet égard insuffisantes et quelque peu inadaptées ; les trop brèves descriptions rencontrées dans les textes, comme les rares représentations tardives des tibériades et le patrimoine architectural monastique conservé montrent d’autres réalités, proches peut‑être dans certains cas, mais aussi tronquées et toujours décalées dans le temps, l’espace ou la conformation sociale.
26Le bâti actuel, autour du site, peut alors apporter d’autres éléments, en y cherchant avec prudence des situations pouvant rappeler celles de la fouille. L’enquête sur le terrain s’est avérée d’autant plus nécessaire que dans la littérature ethnographique relative à l’architecture rurale, les dispositifs de charpente à piliers n’occupent pas, semble‑t‑il, une grande place. Ils figurent bien comme type dans l’ouvrage technique de F. Calamme (1983), et dans les monographies régionales du Corpus d’architecture rurale couvrant le centre‑est de la France, des exemples sont présentés pour le Nivernais (Guibal 1982) ; mais le volume Bourgogne, dans son chapitre sur l’Auxois comme dans les autres, n’en fait pas état (Bucaille, Lévi‑Strauss 1980).
27Faut‑il s’en étonner ? De telles constructions, à l’époque de leur érection, paraissent caractériser essentiellement, sinon exclusivement, les grands domaines nobiliaires et ecclésiastiques. Comment auraient‑elles pu être massivement diffusées dans un monde rural où, au Moyen Age comme par la suite, dominent en nombre les petites exploitations ? Celles‑ci auraient été bien incapables, si jamais elles en avaient eu le besoin, d’édifier et d’entretenir d’aussi vastes et coûteuses bâtisses. Tout suggère que ces dernières pour être présentes dans les campagnes, restent exceptionnelles. Il convenait toutefois de le vérifier. La prospection a porté sur une vingtaine de communes avoisinant le site ; tant les bourgs que les écarts ont été visités le plus systématiquement possible (fig. 82). L’échantillon rassemblé pourrait être élargi et mieux cerné dans ses aspects chronologiques et socio‑économiques, mais non sans difficultés assurément, et déjà les données collectées, bien que partielles, tronquées, modifiées, apportent quelques éléments de réponses.

● Fig. 82 – Granges à piles, aire de prospection. 1 ‑ Fontangy. 2 – La Motte‑Ternant. 3 ‑ Missery. 4 ‑ Charny. 5 ‑ Thorey/Charny. 6 ‑ Mont‑Saint‑Jean. 7 ‑ Blancey. 8 ‑ Soussey/Brionne. 9 ‑ Bellenot/Pouilly. 10 ‑ Chailly/Armançon. 11 ‑ Thoisy‑la‑Berchère. 12 ‑ Marcilly‑Ogny. 13 ‑ Beurey‑Beauguay. 14 ‑ Arconcey. 15 ‑ Allerey. 16 ‑ Clomot. 17 ‑ Châtellenot. 18 ‑ Thoisy‑le‑Désert. 19 ‑ Châteauneuf. 20 – La Bussière‑sur‑Ouche.
4.2.2. Fermes isolées et fermes de bourgs
28C’est bien sûr dans les fermes isolées, centres de gros domaines succédant directement aux « granges » seigneuriales de l’Ancien Régime, que l’on retrouve aujourd’hui le plan de la grange du Mont. Dans les écarts, le bâti est éclaté, organisé avec plus ou moins d’ordonnance autour d’une cour. Les bâtiments d’exploitation et l’habitation sont dissociés et s’individualisent dans un espace libre. Cet éclatement contribue à la formation de plusieurs pôles où chaque bâtiment a une fonction particulière, une activité propre, bien déterminée et complémentaire dans l’économie générale de l’exploitation. Toutes les circulations se font alors à travers la cour qui relie l’ensemble à la route par un passage ouvert.
29D’autres fermes, implantées aux limites des agglomérations, s’apparentent à ce type d’organisation spatiale. Au sein du village, en revanche, les exploitations agricoles sont d’un seul tenant : un seul bâtiment ou plusieurs, mitoyens par les pignons, s’étirent en longueur parallèlement à la route. Les ouvertures s’ouvrent généralement au gouttereau sur cette dernière. Dans l’espace villageois resserré, habitation et locaux d’exploitation se fondent sous le même toit, qu’il soit d’un seul tenant ou formé de rajouts de même hauteur.
30Cependant, l’essentiel des granges à piliers a été repéré dans les agglomérations. Il faut sans doute y voir d’abord l’effet d’un immobilisme en matière de patrimoine architectural plus grand dans les bourgs que dans les écarts. Dans ces derniers en effet, les mutations affectant le bâti sont considérables et s’accélèrent depuis quelques dizaines d’années. Si aujourd’hui le plan général, l’habitation et quelques annexes particulières telle la chapelle sont conservés tant bien que mal, les bâtiments d’exploitation anciens ont subi de profonds remaniements, voire de complets remplacements. Portes murées, murs surélevés, toits et charpentes refaits à neuf, emprises au sol rétrécies, mais aussi arasement total et érections d’auvents métalliques sont les réponses d’hier et d’aujourd’hui à l’évolution des techniques d’exploitation, aux difficultés de gestion d’un parc architectural vieillissant. En regard, les bourgs font preuve alors de conservatisme. Certes l’immobilisme n’est qu’apparent : les toitures sont aussi remplacées, l’organisation des volumes est remaniée mais les parties principales des édifices et, somme toute, leurs silhouettes sont davantage préservées.
31Cette conservation différentielle du bâti traditionnel entre les fermes isolées et les fermes de bourgs paraît traduire des différences socio‑économiques dans le mode de gestion. Dans les villages, les exploitations sont essentiellement familiales et même si leur taille peut être respectable, leurs possibilités d’investissement, par manque de capitaux libres, restent limitées ; les bâtiments sont alors plus souvent réparés que reconstruits. A la tête de grands terroirs, exploités industriellement par des fermiers entrepreneurs, les grosses fermes isolées bénéficient en revanche d’un volant d’investissement plus important, utilisé notamment dans le renouvellement des bâtiments d’exploitation.
4.2.3. Le recensement de quinze granges à piliers (fig. 83)
32Ainsi, sur les quinze granges à piliers recensées, deux seulement appartiennent au bâti d’exploitations isolées ; mais l’une n’est sans doute pas d’origine et l’autre fort mal conservée. A La Borde‑Lantillière sur la commune de Chailly, centre du domaine foncier d’un noble écuyer au xve s., la grange/bergerie est munie d’ouvertures au gouttereau et d’une charpente à trois fermes supportées chacune par deux piliers de bois. Elle ne fait visiblement pas partie de l’ensemble initial car elle est située hors du complexe construit autour de la cour comprenant l’habitation, le fournil et le lavoir, la chapelle et de nombreuses annexes d’exploitation ; elle en est un élément rapporté. La grange de la ferme de La Chaux, écart situé au confin occidental du territoire de La‑Bussière‑sur‑Ouche et ancienne « grange » de l’abbaye, présente encore une ferme à deux piles de bois entre les pignons et un portail au gouttereau. Elle a été visiblement raccourcie : de très nets arrachements sont visibles aux extrémités des murs ; elle est aujourd’hui désaffectée.

● Fig. 83 – Granges à piles, types reconnus. 1 ‑ Blancey5. 2 ‑ Mont‑Saint‑Jean. 3 ‑ Beurey‑Beauguay. 4 ‑ Châtellenot. 5 ‑ Allerey. 6 ‑ Châteauneuf. 7 ‑ Soussey/Brionne. 8 ‑ Chailly/Armançon (La Borde‑L.). 9 ‑ Thoisy‑le‑Désert. 10 ‑ Arconcey. 11 ‑ Clomot. 12 ‑ Missery. 13 ‑ La Bussière‑sur‑Ouche (La Chaux). Chiffre entouré d’un carré : dissymétrique ; chiffre en gras entouré d’un cercle : symétrique, portail au pignon ; chiffre en maigre entouré d’un cercle : symétrique, portail au gouttereau.
33Quatre autres de ces granges à piliers sont établies aux limites des bourgs (Allerey, Beurey‑Beaugay, Châtellenot, Mont‑Saint‑Jean) ; ce sont les plus grandes, elles sont indépendantes des autres édifices et s’ouvrent toutes au pignon. Deux d’entre elles portent encore un nom très significatif de leur état de dépendance seigneuriale : la Bouverie du Château à Mont‑Saint‑Jean, la grange de la Dîme à Allerey.
34Les neuf dernières, soit près des deux tiers de l’échantillon, sont situées dans les agglomérations. A l’exception de la grange à piliers recensée dans le bourg de Châteauneuf, qui rappelle plutôt le type précédent avec des issues au pignon et son isolement, elles se fondent dans le bâti des fermes auxquelles elles appartiennent, jouxtent sur le même alignement les autres corps de bâtiment et s’ouvrent au gouttereau ; elles sont ainsi complètement intégrées à des centres d’exploitation dont on ne peut reconstituer l’histoire mais qui paraissent n’avoir eu aucun rôle seigneurial. Ce type d’architecture se serait alors quelque peu diffusé dans le tissu social, à une époque malheureusement indéterminée. Il reste toutefois exceptionnel voire, marginal, en raison du niveau socio‑économique qu’il implique.
35Il ne réclame pas de connaissances techniques particulières ni très spécialisées, car il n’est somme toute qu’une variante du dispositif de la ferme à triangulation. Seulement, il nécessite plus de bois pour étendre les charpentes, plus de pierres pour les murs : non seulement pour les pignons mais aussi, dans certains cas, pour les gouttereaux afin de pouvoir y percer le large et haut portail charretier. La solution la plus économique est bien d’ouvrir ces vastes halles au pignon : aucune contrainte ne s’exerce alors sur la hauteur des gouttereaux qui peut rester minimale. Tel est l’agencement du bâtiment I de la grange du Mont et de quatre édifices analysés dans les environs (fig. 84). Mais quand, dans les bourgs comme dans les écarts, la position des édifices et des espaces de circulation dans l’organisation générale du bâti l’impose, les ouvertures se placent au gouttereau qui doit être alors suffisamment élevé. Dans la plupart des cas enregistrés, la silhouette de l’édifice n’est pas modifiée : les deux gouttereaux sont de même hauteur et la toiture reste symétrique, soutenue par des fermes reposant sur deux piliers.

● Fig. 84 – Granges à piliers. 1 ‑ Beurey‑Beauguay. 2 ‑ Allerey. 3 ‑ Châtellenot. 4 ‑ Mont‑Saint‑Jean. 5 et 6 ‑ Thoisy‑le‑Désert. 7 – Blancey II. 1 à 4 : charpente symétrique, ouverture au pignon ; 5‑6 : charpente symétrique, ouverture au gouttereau ; 7 : charpente dissymétrique, ouverture au gouttereau.
36Le bâtiment III de la grange du Mont montre une variante, enregistrée aussi dans deux bâtiments d’exploitation situés dans le village voisin de Blancey (fig. 85). Seul le gouttereau de façade est surélevé ; à l’intérieur, un seul alignement de piliers, décentré, est aménagé ; les deux rampants de la toiture sont d’inégale extension et accusent une nette dissymétrie. Ce dispositif, moins onéreux car il fait l’économie d’une élévation de gouttereau et d’un alignement de piliers, est peut‑être archaïque ou plus rarement utilisé ; il est en tout cas très minoritaire dans la zone étudiée.

● Fig. 85 – Granges à piles, charpentes, a ‑ Mont‑Saint‑Jean, la Bouverie du Château (d’après les relevés de terrain), b ‑ Blancey II (d’après les relevés de terrain), c – Blancey I (d’après clichés).
4.2.4. Les charpentes
4.2.4.1. La charpente à ferme simple
37Les toitures couramment rencontrées dans la région présentent deux rampants. Le système de charpente est constitué d’un triangle, formé par les arbalétriers venant s’assembler sur l’entrait, et dans lequel s’inscrivent un poinçon et deux contrefiches. C’est la ferme à triangulation, utilisée sans doute dans les bâtiments Il et IV de la grange du Mont, édifices sans étage dont les fonctions, habitation et bergerie, n’imposent aucune surélévation mais seulement un espace au sol dégagé. Le dispositif limite la largeur des édifices : en fonction de l’importance des bois disponibles et utilisés pour l’entrait qui doit franchir d’une seule volée l’écartement entre les murs gouttereaux sur lesquels il repose ; en fonction aussi du poids du matériau de la couverture. C’est ainsi que le bâtiment II, fort large, devait être essentiellement couvert de chaume. Dans la région, les bâtiments de près de 10 m de large d’un parement interne à l’autre ne sont pas rares ; ils présentent des entraits de 0,30 à 0,40 m de section, d’une longueur dépassant 11 m, grossièrement équarris dans un seul fût.
4.2.4.2. La charpente symétrique à piliers
38Des impératifs fonctionnels différents entraînent alors des modifications de ce modèle initial. Pour les granges et les remises, dont la grange du Mont présente des exemples (bâtiments I et III), l’espace au sol doit être très vaste et l’élévation doit être suffisante pour ménager un volume utile capable de contenir toute la récolte (foin, paille, grains), d’accueillir des espaces d’activités comme l’aire à battre, de favoriser la circulation et le stationnement des charrois. Les charpentes à piliers ou à colonnes apportent une réponse à ces contraintes, les supports intermédiaires permettant d’élargir l’espace au sol, d’élever le faîtage.
39Le type le plus répandu, à l’image du bâtiment I de la grange du Mont, présente deux alignements longitudinaux de piliers divisant l’espace interne en trois nefs. Le principe de base, la ferme à triangulation, est préservé bien que quelque peu modifié : l’entrait ne repose plus sur les murs, mais sur les piliers au‑dessus de la nef centrale ; des demi‑fermes prolongent le dispositif sur les bas‑côtés ; des jambettes relient entraits et arbalétriers, des aisseliers piliers et entraits (fig. 86). Situé au pignon, le portail charretier ouvre la nef centrale, la plus large et la plus haute ; il permet ainsi la circulation à l’intérieur et la distribution des nefs latérales en réduisant au maximum la gêne occasionnée par la présence des piles. Ouvert au gouttereau, le portail est généralement percé au centre, en correspondance avec l’espace séparant deux fermes. Des murs isolent parfois les bas‑côtés qui servent alors d’écurie, d’étable, dans les cas de distribution longitudinale.

● Fig. 86 – Granges à piles, charpentes (d’après clichés), a ‑ Thoisy‑le‑Désert. b ‑ Beurey‑Beauguay.
40Dans les exemples repérés, l’écartement d’un parement interne à l’autre entre les gouttereaux s’élève à 12 m, voire à 14 m ; la nef centrale présente une largeur de 4,70 à 6,20 m et des bas‑côtés de 3 à 4 m. Les fermes délimitent des travées ‑ au maximum trois dans nos exemples qui ont tous subi de grands remaniements ‑ profondes de 4 m en moyenne. Les poteaux de bois, d’une section de 0,30 à 0,40 m, s’élèvent sur 5 m de hauteur. Ces fûts grossièrement équarris reposent sur des bases de pierre fondées dans le sol de terre parfois empierré : elles sont constituées soit d’un seul moellon, soit d’un empilement de pierres taillées atteignant 1,40 m de hauteur dans la Bouverie du Château à Mont‑Saint‑Jean.
41L’ouverture centrale est une porte charretière, large de 3 à 4 m et haute de 3,50 à 4 m, présentant soit un linteau de bois accompagné généralement d’un arc ou d’un dispositif de décharge en bâtière, soit un arc en plein cintre ou en anse de panier clavé. Les deux lourds vantaux de bois pivotent, aux piédroits constitués de pierres de taille, dans des crapaudines de bois ou de pierre percées. Les issues latérales, de 1,20 à 2,20 m de large, montrent les mêmes types d’aménagements (fig. 87 et 88).

● Fig. 87 – Granges à piles, pignon de façade (d’après clichés), a ‑ Châtellenot. b ‑ Beurey‑Beauguay.

● Fig. 88 – Granges à piles, pignon de façade (d’après clichés), a ‑ Mont‑Saint‑Jean, la Beuverie du Château, b ‑ Allerey, grange de la Dîme.
42La pente des versants du toit oscille toujours autour de 45° ; la hauteur des pignons varie entre 8 et 11 m, celle des gouttereaux s’élève au moins à 2,50 m pour les édifices ouverts au pignon, au plus à 4,50 m pour les bâtiments ouverts au gouttereau.
43Les murs, comme ceux de la grange du Mont, sont constitués de deux parements de moellons grossièrement équarris, liés d’un mortier de terre posé en lits minces formant des assises régulières. Ils sont épais de 0,65 à 0,80 m. Pour augmenter la résistance aux poussées, les angles sont chaînés et des moellons placés en boutisse, formant des perçants prononcés sur les pignons, assurent la cohérence interne de la maçonnerie. Ces murs ne sont pas enduits, la bonne qualité du matériau ne nécessite pas de recouvrement. Le calcaire jurassique utilisé, partout présent et facile d’accès en Auxois, donne en effet des moellons très résistants à l’écrasement comme aux intempéries ; il se clive en minces lits réguliers qui facilitent la taille tant des pierres des murs que des laves des toitures.
4.2.4.3. La charpente dissymétrique à piliers
44Mais si l’ensemble évoque bien la situation rencontrée dans le bâtiment I de la grange du Mont, il ne peut rendre compte de l’agencement au sol du bâtiment III, caractérisé par des ouvertures au gouttereau et par un seul alignement de piliers décentré vers le mur de fond, délimitant alors deux nefs d’inégale extension et imposant une toiture dissymétrique. La reconstitution théorique de l’assemblage, développée en conclusion de l’analyse des vestiges mis au jour à la fouille, a trouvé confirmation dans deux exemples conservés au village de Blancey. Ils sont certes imparfaits : l’un des édifices est ouvert complètement sur deux côtés ; l’autre, mieux conservé, présente de petites ouvertures, d’au plus 2,20 m de large, placées sur le gouttereau le moins élevé. Leurs charpentes peuvent toutefois servir à évoquer la situation du bâtiment III de la grange du Mont. L’agencement n’est en fait qu’une variante du précédent dont il reprend, légèrement modifié, le principe de la ferme à triangulation ; il montre par ailleurs toutes les caractéristiques de maçonnerie précédemment décrites.
45Le faîtage est seulement reporté au milieu de la nef principale délimitée par les piliers et le mur de façade affecté alors de la même hauteur. Sur le bas‑côté, une demi‑ferme arme le bas du rampant le plus large. Le gouttereau surélevé pouvait ainsi accueillir, comme à la grange du Mont, le portail nécessaire à l’accès des charrois ; le volume ainsi dégagé facilitait manœuvres et rangement.
Notes de bas de page
1 Carte topographique IGN, Thoisy‑la‑Berchère 2923 ouest.
2 Enquête du Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévales (EHESS ‑ université de Lyon II), en voie d’achèvement.
3 ADCO, 12 H 22 : cité par Colombet (1976‑77 ; 289‑99).
4 Carte IGN, Seurre, XXXI‑24, 1‑2 ; voir Poloni 1981.
5 Enquête du Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévales (EHESS ‑ université de Lyon II), en voie d’achèvement.
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