Chapitre 4. Application des méthodes de relevé à la réalisation du fac‑simile de la grotte de Lascaux
p. 107‑114
Texte intégral
1Malgré le caractère particulier de cette entreprise, davantage tournée vers un but touristique que scientifique, il nous a paru intéressant cependant de relater brièvement l’évolution et l’application des techniques de copie aussi bien des parois de l’espace hypogé que des fresques paléolithiques, techniques élaborées pour la plupart de manière spécifique à cet exercice.
2La mise en œuvre de ce projet reposant en grande partie sur l’utilisation de documents d’origine photographique, ce chantier fut pour nous un véritable laboratoire qui nous a permis, au cours des années 1981 à 1983, de mettre à l’épreuve nos connaissances, voire d’affiner notre expérience en ce domaine.
4.1. Origine du projet
3Par mesure préventive, la Conservation des bâtiments de France d’Aquitaine sollicita de l’Institut géographique national une mission de relevé stéréo‑photogrammétrique de la totalité des zones ornées de la grotte de Lascaux. Celle‑ci fut effective en 1967 puis en 1969. Ce n’est que peu de temps après la phase initiale de cette opération préliminaire que les autorités responsables songèrent à la réalisation d’une copie grandeur nature d’une partie de ce sanctuaire paléolithique, projet dont la finalité tendait à pallier le préjudice engendré par la fermeture au public de la grotte originale. Chaque année, en effet, près de cent mille visiteurs parcouraient les différents secteurs de cette cavité, à raison quelquefois de mille huit cents personnes par jour.
4En 1972, la société civile alors propriétaire de la grotte de Lascaux se porta acquéreur du projet. Les fonds nécessaires au financement d’une telle réalisation eurent en partie pour origine la vente de l’original à l’Etat. L’amorce d’une carrière, localisée à 200 m en contrebas de l’entrée de la cavité originale, fut le lieu choisi pour concrétiser le programme envisagé après étude des conditions de la propagation dans le sol des vibrations, étude menée à la demande de la Commission de la grotte de Lascaux par P. Vidal, J. Vouvé et J. Marsal. L’origine de cette opération était de rechercher l’impact, sur la cavité naturelle et les témoins anthropiques pariétaux, aussi bien des travaux de terrassement imputables à l’agrandissement du site d’implantation que de la circulation routière à proximité immédiate du site classé, qu’un tel complexe allait entraîner.
5Une tranche de travaux prit alors corps dès les premiers mois qui suivirent cette décision. Seuls le diverticule Axial et la salle des Taureaux, secteurs les plus représentatifs de ce monument et totalement dépourvus de gravure, devaient être reproduits, mais quelques années plus tard cette même société, à la suite de difficultés d’origines diverses, suspendait les travaux.
6En mars 1980 elle abandonnait ses droits de reproduction au département de la Dordogne et la maîtrise d’ouvrage était confiée à la Régie départementale du tourisme sous la responsabilité de D. Debaye. L’activité longtemps interrompue devait reprendre. Chargée de la mise en œuvre, l’équipe constituée impliqua des compétences diverses et regroupa des personnes émanant d’horizons différents, Hi See Lee et M. Peytral (peintres), P. Weber, B. Augst, Y. Banchelin et S. Moro (sculpteurs), R. Sanson et nous‑même.
4.2. Mise en place du volume
7Une structure en béton, occultée par une couche de terre arable, servit d’enveloppe protectrice à la copie proprement dite. A l’intérieur de ce bâtiment fut édifiée une coque, elle aussi en béton, d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, épousant avec une bonne approximation les volumes internes de l’original.
8Cet espace fut créé à partir des courbes de niveau définies par l’I.G.N. (fig. 108). Tous les vingt centimètres par rapport à l’axe longitudinal de l’espace à reproduire, un modèle en fer carré, s’assimilant au profil de la galerie, était juxtaposé au précédent, réalisant ainsi sous cette forme filaire un véritable squelette de la cavité. Sur cette armature métallique on fixa ensuite une triple couche de grillage dont le rôle fut d’assurer un support adéquat au béton appliqué par projection et capable de résister aux chocs et aux frottements (fig. 109),

● Fig. 108 – Relevé photogrammétrique de la Licorne, salle des Taureaux, grotte de Lascaux.
Document I.G.N.

● Fig. 109 ‑ Au premier plan, armature métallique et coque en béton de la salle des Taureaux, puis amorce du secteur en cours d’achèvement du diverticule Axial.
9Notre intervention fut effective à toutes les phases de l’opération consécutive à la mise en place de la structure métallique de la salle des Taureaux, c’est‑à‑dire au cours du modelage de la paroi, du positionnement des éléments picturaux (sujets animaliers et signes) ou des accidents de paroi (écailles, concrétions.,.), de la lecture des documents photographiques et du contrôle colorimétrique des zones hors fresques (voûtes et banquettes).
10Ces différentes étapes nécessitèrent, pour le transfert de l’information graphique, la réalisation de près de huit cents clichés et copies (contretypes, masques...) noir et blanc et couleur.
11Les travaux de relevés photographiques, spécifiques à chaque stade de la démarche, se sont échelonnés sur quinze mois, à raison d’une séance d’une heure et demie par semaine, ceci afin de respecter le protocole lié à la conservation des œuvres pariétales paléolithiques, protocole établi en 1963 par la Commission pour la sauvegarde des peintures préhistoriques de la grotte de Lascaux.
4.3. Modelage des parois
12L’armature métallique et son habillage en béton achevés, la mise en place du relief s’opéra en deux temps, recherche et matérialisation de points remarquables de la paroi puis modelage de celle‑ci.
13Deux mille cinq cents points environ furent sélectionnés en fonction de l’intérêt que chacun d’eux apportait dans le repérage : altérations de surface, lignes particulières de tracés anthropiques, reliefs caractéristiques. Des tirages noir et blanc, de grandes dimensions (60 x 80 cm) et embrassant chacun une dizaine de mètres carrés de la paroi originale, servirent de support d’informations. Une fois le choix arrêté pour chaque zone, les points repérés sur ces agrandissements puis numérotés furent décodés par les bureaux d’étude de l’I.G.N. et restitués sous forme de coordonnées cartésiennes (X.Y.Z.), en relation avec une station de référence identique dans les deux espaces considérés, original et fac‑similé.
14Pour permettre ensuite la projection de ces points sur la paroi de la copie, un appareil de mesure fut conçu dans ce dessein par R. Sanson. Leurs positions respectives furent déterminées par déplacement sur rails, et selon trois directions orthogonales entre elles, d’un index dont l’extrémité matérialisait les sites recherchés. L’intervalle entre chaque point, rapporté sur un plan subparallèle à la paroi, oscillait autour de vingt centimètres. Dans l’intrados de la voûte en béton des repères métalliques furent fixés à l’emplacement exact des points cotés, leur extrémité distale se substituant temporairement à l’interface potentielle de la paroi. Le volume initial de cet espace était volontairement plus grand de quelques centimètres, afin de permettre une correction du relief par apport et non par enlèvement de matière, démarche qui aurait conduit à la destruction de l’armature métallique sous‑jacente. L’espace entre le support initial en béton et l’extrémité du repère métallique fut donc comblé. Le relief ainsi ramené à une plus juste valeur, restait à mettre en place ce que l’on pourrait nommer le macro‑relief, écailles, efflorescences de calcite, fissures, cupules…
15Afin de serrer au plus près la réalité volumétrique de la roche encaissante révélée par l’original, puis de prendre en compte sa granulation et son rendu, on opta pour la stéréophotographie comme véhicule d’information (fig. 110). De nombreuses tentatives (maquettes à l’échelle 1/10e, modelage exécuté à proximité immédiate de la plage originale à reproduire...) échouèrent car mal adaptées à un travail réalisé dans une semi‑obscurité, conditions d’intervention rencontrées dans la grotte originale. L’intérêt que présentent les stéréogrammes réside dans le fait que leur observation binoculaire fournit une image spatiale donnant une impression quasi parfaite du relief, dans le champ de l’objet considéré. Ils facilitent notablement l’identification des détails des formes visualisées, de leur structure superficielle et des matériaux qui la constituent. La surface couverte par chaque stéréogramme ne dépassait pas un mètre carré pour les zones fresques et quatre mètres. carrés pour les voûtes et les banquettes. Nous avons estimé qu’il était nécessaire de doubler les prises de vues noir et blanc et couleur, pour une éventuelle intervention de cette technique au cours d’une application ultérieure.

● Fig. 110 – Stéréogramme d’un des éléments du panneau aux Petits Cerfs, salle des Taureaux, grotte de Lascaux.
16Afin d’allier la rapidité d’action au sein de l’original, démarche dictée par des contraintes conservatoires, à la fiabilité des résultats, un matériel spécifique dut être élaboré. Il consistait en une platine rigide, fixée sur un trépied robuste. Sur cette embase nous pouvions déplacer l’appareil de prise de vues d’une quinzaine de centimètres, parallèlement à la paroi. Pour chaque couple stéréophotographique, nous avons conservé toujours le même écartement et la même distance de prise de vues. Ils autorisèrent une légère exagération du relief, particularité qui offrait une meilleure appréciation des détails morphologiques même les plus ténus. L’exploitation des données iconographiques ainsi obtenues s’effectua à l’aide, d’une part, de projections facilitant la visualisation sur écrans plats des zones à modeler et, d’autre part, de stéréoscopes à miroirs restituant une vision correcte des volumes.
17Pour mémoire, il est intéressant de préciser que la quantité d’informations contenue dans un stéréogramme de format initial 6 x 6 cm dépasse 3 x 107 pixels. Ce chiffre doit être rapproché de celui donné par un croquis exécuté à main levée, comme il a été quelquefois entrepris. Celui‑ci n’excède pas 3 000 pixels, soit un rapport de 1/10 000, en supposant bien entendu les dessins strictement conformes à la réalité. Cependant, en pratique, cette valeur doit être notablement abaissée si l’on tient compte des difficultés rencontrées au cours du travail d’enregistrement des données par ces moyens traditionnels de relevé à vue :
faible éclairement autorisé, 3 à 7 lux ; un éclairement optimal doit, en principe, excéder 500 lux ;
température de couleur du matériel d’éclairage nettement trop faible, 1 900 K ; une observation normale nécessite une lampe de type lumière du jour équilibrée à 6 500 K pour une détermination correcte des teintes ;
temps d’adaptation à l’obscurité relative compris entre 1/4 h et 1/2 h, pour acquérir un rendement optimal de l’œil ; cet intervalle de temps est à rapprocher du délai imparti quotidiennement sur le site original, à savoir 1 h ; cet effet diminue, en principe, notablement les temps d’exécution ;
éloignement de l’observateur par rapport au sujet à relever ; la distance entre la paroi et l’œil de l’artiste s’est avérée, dans la plupart des cas, supérieure à 2 m.
18Ces quelques remarques inhérentes à l’optique physiologique et aux conditions d’observation concernent aussi bien l’analyse morphologique de l’objet à étudier que la détermination de ses composantes colorimétriques.
4.4. Positionnement des motifs pariétaux
19Afin d’améliorer la méthode de reproduction des œuvres préhistoriques, nous avons une nouvelle fois fait intervenir la photographie pour le positionnement des éléments pariétaux, anthropiques ou naturels, stade d’élaboration de la copie qui, avant notre intervention s’effectuait à vue. Le procédé repose sur le principe du retour inverse de la lumière. Il consiste à enregistrer photographiquement l’image d’une fraction de la paroi de l’original et de la projeter ensuite sur la surface correspondante en béton du fac‑similé. L’emploi d’objectifs de distances focales identiques aussi bien à la prise de vues qu’à la projection est indispensable. Pour mener à bien cette phase de la reproduction deux conditions étaient nécessaires et suffisantes, la présence sur les surfaces considérées de points de repère positionnés avec une grande précision et une fidélité maximale du relief reproduit. La méthodologie appliquée au relevé morphologique des parois de la salle des Taureaux et le soin extrême que les sculpteurs ont apporté à la mise en place des volumes contribuèrent à répondre favorablement à nos aspirations.
20Une seconde couverture photographique de l’intégralité de l’espace considéré fut donc nécessaire. Une série de clichés, soit vingt unités au total, suffit pour enregistrer la totalité des zones fresques. La topographie particulière de la salle des Taureaux simplifia les opérations de relevé et de projection ultérieure. Cet espace, en effet, s’apparente à un hémicycle dont les parois en encorbellement conviennent parfaitement, à partir d’un site unique, à l’observation et à la prise de vues de la quasi‑totalité des représentations pariétales. La configuration des lieux dicta le choix de l’emplacement, localisé à quelques centimètres par rapport au sol, afin que l’appareil photographique, en pivotant sur deux axes, l’un horizontal, l’autre vertical, puisse enregistrer la majorité des motifs pariétaux.
21Pour retrouver les axes et les points équivalents au sein du fac‑similé, nous nous sommes servi des données topographiques définies par l’I.G.N. La restitution nécessita un appareil de projection monté sur un chariot mobile, se déplaçant dans les trois directions. Il facilitait le mouvement et permit la recherche de l’angle d’incidence favorable. Une tête de trépied photographique assura une correcte inclinaison de l’appareil de projection par rapport au plan horizontal (fig. 111). Chaque unité photographique couvrait une surface sensiblement égale à 4 m2. Leur réglage optimal, pour une superposition parfaite de la plage vierge et du décor à venir, s’établit autour de trois points. Ces derniers, volontairement très éloignés les uns des autres dans le champ de la fenêtre projetée afin d’accroître la précision, ont été sélectionnés pour chaque unité en fonction de l’intérêt particulier qu’ils présentaient, détails anatomiques des animaux, point de concours de deux lignes, rupture d’homogénéité de la roche, mouchetures...

● Fig. 111 – Matériel de positionnement des motifs pariétaux.
22Un semis de quatre mille points, matérialisés à ce stade de l’opération par l’extrémité des tiges métalliques venant à affleurement et étiquetés, autorisa une sélection optimale.
23Le transfert de l’information graphique par photographie apporte des avantages peu contestables par rapport aux méthodes traditionnelles de relevé à vue :
quantité d’informations très élevée ; l’opération avait pour but non seulement le positionnement des vestiges anthropiques, figuratifs ou signes, mais aussi celui des accidents naturels de la paroi, des plages différemment colorées et des multiples détails aussi ténus et aussi diffus qu’ils soient qui, minutieusement reproduits, donnent l’illusion de l’authenticité et contribuent à accroître la qualité de la copie ;
rapidité d’action ; une seule séance d’une heure suffit pour relever l’ensemble des plages ornées de la salle des Taureaux ;
suppression du pré‑positionnement à vue ; il avait pour conséquence la création de tracés parasites, impossibles à éliminer totalement dans l’éventualité d’un repentir ; ces esquisses sous‑jacentes, maintes fois reprises, altéraient la lecture finale de l’image par variation à la baisse de l’albédo du support ;
fiabilité des résultats obtenus ; trois points arbitrairement sélectionnés et rigoureusement positionnés ont suffi à faire coïncider l’intégralité du document projeté avec le relief déjà en place ; pour contrôler l’exacte superposition, les autres points, une centaine en moyenne dans chaque panneau traité, permettaient d’accroître la probabilité de réussite.
4.5. Lecture des documents photographiques
24Parallèlement aux travaux de positionnement des fresques, nous nous sommes proposé d’améliorer sensiblement la lecture des documents photographiques mis à la disposition des artistes.
25Lorsque l’on observe attentivement une œuvre pariétale monochromatique, on se rend compte rapidement que la répartition des pigments est loin d’être uniforme. Des valeurs très denses côtoient et s’opposent à d’autres beaucoup plus atténuées. La profondeur d’un noir, par exemple, est fonction de la quantité de matière qui compose la plage, le point ou le trait. Une forte concentration de matière colorante donnera un noir très dense et, à l’inverse, une faible concentration restituera seulement l’illusion d’un gris agissant ainsi à la manière d’une trame. La répartition des pigments est en grande partie un fait humain et, d’une manière moindre, un fait naturel. Les pigments peuvent, dans certains cas et sous certaines contraintes, migrer à la surface de la roche encaissante mais aussi à travers les couches carbonatées, ceci en fonction de la nature du support et des matériaux l’oblitérant, de sa porosité, de sa nature cristalline, du ruissellement de surface et des phénomènes de capillarité. Les modifications engendrées par ces contraintes ont pour particularité de créer un liseré très léger autour des masses importantes de pigments, conférant aux peintures un enveloppé qui contribue à l’extraordinaire rendu de ces représentations.
26Il était intéressant de tenter de retrouver, du moins dans les zones susceptibles de présenter de telles particularités (poitrail du troisième taureau, équidé localisé entre le premier et le deuxième taureau, tête du quatrième taureau...), l’impact initial de l’outil préhistorique et de mettre en évidence son évolution au cours du temps. La démarche résidait dans l’exploration quantitative et qualitative des densités des plages sélectionnées qu’elles soient échelonnées, dégradées ou confuses. Ceci impliquait une différenciation fine des valeurs, donc une résolution des images en isodensités. Plusieurs valeurs chromatiques caractéristiques ont été définies puis traduites de manière plus explicite par la méthode des équidensités colorées. Une série de manipulations en laboratoire nous a permis d’établir de véritables cartes des variations densitométriques des motifs pariétaux (fig. 112).

● Fig. 112 – Poitrail du troisième taureau. Equidensités mettant en évidence le liséré cernant les masses importantes de pigments. L’appareil de projection monté sur un chariot mobile peut être déplacé dans un plan horizontal X-Y.
4.6. Analyse colorimétrique des zones hors fresques
27Si la détermination chromatique des peintures pariétales a été laissée à la sensibilité de l’artiste, nous avons une nouvelle fois fait appel à la photographie pour rechercher les caractéristiques colorimétriques des matériaux des zones hors fresques et dans un même temps procéder à un repérage des différentes plages colorées. L’aire matérialisée par les voûtes et les banquettes correspondait à des zones de pénombre dans la grotte originale ; aucune lumière directe émanant d’un quelconque matériel d’éclairage ne frappait ces parties de la cavité. En outre, il n’était pas concevable, toujours pour des raisons de conservation, d’introduire une source de lumière étalonnée à 5 000 K et suffisamment puissante pour déterminer avec précision et de manière comparative la couleur à la fois de la roche encaissante, de la calcite et des dépôts présents sur les corniches ou dans les anfractuosités.
28Quatre emplacements représentatifs des caractéristiques chromatiques dominantes de leur environnement immédiat furent sélectionnés, un à la voûte, un autre au pied de la paroi à l’aplomb du deuxième taureau, les deux derniers sur la banquette de droite. Les différentes prises de vues s’effectuèrent dans des conditions identiques, avec un éclairage propre à une analyse colorimétrique optimale. Le champ enregistré était jalonné de gammes de gris pour une correction ultérieure des variations potentielles relative au développement. Les films initialement étalonnés furent traités sur une chaîne couleur mise en œuvre pour la circonstance afin de limiter les écarts de traitement qui peuvent altérer notablement les mesures successives. En outre, on s’efforça de regrouper sur une même bande de film l’enregistrement, à la fois des différentes plages concernées de l’espace original et de la série d’échantillons de matières colorées préparée antérieurement. Ces derniers, teintés de façon à retrouver avec une grande probabilité les tons à reproduire, ou du moins s’en rapprocher au maximum, se présentaient sous la forme d’un damier de quarante‑neuf cases. Leur texture et leur granularité s’apparentaient à celles des plages originales.
29Deux méthodes bien distinctes permettent l’analyse colorimétrique d’un objet, l’une subjective car liée à notre aptitude à différencier et apprécier visuellement des couleurs, l’autre, plus objective, faisant appel à la mesure physique. Nous avons successivement usé des deux opportunités.
30L’évaluation quantitative et qualitative correcte d’une couleur estimée par l’œil ne peut être que comparative, car si celui‑ci est particulièrement sensible, il est incapable de mémoriser. Ne pouvant attribuer une valeur exacte à une couleur, tant en ce qui concerne sa luminosité, sa teinte que sa saturation, nous nous sommes donc astreint à n’apprécier celle‑ci que par comparaison avec des valeurs connues, à savoir les échantillons sélectionnés préalablement. Les gammes de gris étalons enregistrées simultanément permirent d’identifier puis de supprimer toute dominante pouvant éventuellement altérer l’image aussi bien des échantillons que des plages originales. Pour l’observation des clichés nous avons choisi un illuminant représentatif de la lumière du jour, équilibré à 6 500 K. Notons cependant que l’appréciation des couleurs sous de telles conditions est maximale car l’observation in situ des surfaces traitées est réalisée sous une lumière dont la température de couleur n’excède pas 2 200 K, caractéristique réduisant notablement le pouvoir d’évaluation.
31Afin de contrôler les résultats obtenus par la méthode visuelle et de quantifier les éventuels écarts chromatiques, nous avons usé de la mesure physique.
32La représentation géométrique des écarts de couleurs d’objets subordonnés à une excitation primaire identique peut très synthétiquement être traduite à partir d’un triangle équilatéral (fig. 113). Nous avons attribué à chacun de ses pôles une des trois couleurs fondamentales, rouge, vert et bleu, le centre de gravité matérialisant le blanc, la surface et l’orientation des triangles inscrits traduisant la couleur à déterminer. Chaque enregistrement photographique était analysé à l’aide d’un densitomètre à transmission de type Macbeth, sous les trois filtres de sélection, Wratten nos 92‑93‑94, représentatifs des trois couleurs fondamentales ou primaires. Les valeurs obtenues furent reportées ensuite sur les médianes du triangle équilatéral de base. Afin de faciliter les calculs, les données étaient enregistrées sur un micro‑ordinateur qui apportait simultanément les corrections imputables aux légères variations liées aux traitements des émulsions. Cet instrument permettait en outre de visualiser à tout moment les résultats sous leur forme graphique. Aux diagrammes triangulaires étaient associés des histogrammes rapportant les phénomènes identiques mais dans une fourchette plus étroite et donc plus précise.

● Fig. 113 – Diagramme triangulaire et histogramme des couleurs.
33Cette reproduction grandeur nature d’un espace hypogé paléolithique revêt un caractère unique, induit davantage par la configuration interne du site qu’il fallait restituer que par le thème abordé. La morphologie pariétale, au caractère très tourmenté, très irrégulier, aussi bien à l’échelle macroscopique que réelle, incita à l’innovation dans les procédés d’enregistrement ou les lectures des données, et dans la construction même de l’œuvre. Cette technicité, aux facettes multiples, acquise au fil du temps et sous des contraintes renouvelées à chaque instant, s’est notablement affirmée et affinée lors de la reproduction, quelques années plus tard, de la scène du Puits de Lascaux. Elle confère à l’équipe actuelle une spécialisation qu’il serait judicieux d’entretenir et d’étendre à d’autres réalisations, afin que d’une part ce fac‑similé ne soit pas considéré comme une œuvre expérimentale et unique, et que, d’autre part, cela favorise l’action relative à la protection des grottes et des abris préhistoriques ornés qui devraient être ouverts, semble‑t‑il, essentiellement aux personnes motivées.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mottes castrales en Provence
Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002