Vingt ans après Aucun témoin ne doit survivre
p. 29-44
Résumés
En 1999, Human Rights Watch (HRW) et la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) ont publié un compte-rendu détaillé du génocide au Rwanda, intitulé Aucun témoin ne doit survivre. Basé sur des entretiens et l’examen d’archives accomplis par une équipe de chercheurs et rédigé principalement par Alison Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre a rapidement été reconnu comme un apport décisif à la connaissance du génocide de 1994. Cependant, au cours des deux décennies suivantes, de nouvelles recherches ont permis de mieux comprendre la violence de 1994. Dans mon texte, j'évalue Aucun témoin ne doit survivre à la lumière des recherches menées depuis sa publication ; je me concentre en particulier sur deux défis majeurs de l'analyse. Premièrement, les recherches sur l'organisation du génocide ont induit une controverse sur son degré de planification préalablement au déclenchement. Deuxièmement, les recherches conduites au niveau local sur les motivations des participants contestent l’influence déterminante de l’idéologie sur le génocide. En outre, les recherches ont fourni de plus en plus de preuves et de détails sur la violence perpétrée par le Front patriotique rwandais. Je soutiens que, en dépit de ces apports, une grande partie de l’analyse présentée par Aucun témoin continue de tenir le coup, tout particulièrement en ce qui concerne le rôle des personnalités nationales dans la promotion du génocide au niveau local, l’impact de la dynamique des luttes de pouvoir locales sur la violence, enfin les schémas de violence, y compris l’effort après les premiers massacres pour impliquer une large partie de la population. Enfin, en tant que membre de l’équipe qui a effectué les recherches et participé à la rédaction de Aucun témoin ne doit survivre, je réfléchis à la valeur de ce type de travail rare qui engage les organisations des droits humains dans un projet de recherche universitaire.
In 1999, Human Rights Watch (HRW) and the International Federation for Human Rights (FIDH) published an extensive account of genocide in Rwanda, Leave None to Tell the Story. Based on interviews and archival work conducted by a team of researchers and written primarily by Alison Des Forges, Leave None to Tell was quickly recognized as the definitive account of the 1994 genocide. In the ensuing two decades, however, much additional research has added to our understanding of the 1994 violence. In this paper, I assess Leave None to Tell the Story in light of the research conducted since its publication, focusing in particular on two major challenges to the analysis. First, research into the organization of the genocide disputes the degree to which it was planned in advance. Second, micro-level research into the motivations of those who participated disputes the influence of ideology on the genocide. Third, research has provided increasing evidence and details of violence perpetrated by the RPF. I contend that despite these correctives, much of the analysis continues to hold up, such as the role of national figures in promoting genocide at the local level, the impact of the dynamics of local power struggles on the violence, and the patterns of violence, including the effort after the initial massacres to implicate a wide portion of the population. Finally, as a member of the team the researched and helped write Leave None to Tell, I reflect on the value of this rare sort of research project that engages human rights organizations in an academic research project.
Entrées d’index
Mots-clés : Rwanda, génocide, Human Rights Watch, Alison Des Forges, recherche au niveau local
Keywords : Rwanda, genocide, Human Rights Watch, Alison Des Forges, local-level research
Extrait
1Depuis 1990, le Rwanda a été secoué par un mouvement pro-démocratie et par l’initiative armée d’un groupement rebelle, mené par les membres exilés de la minorité ethnique des Tutsis1. Le gouvernement répondit à cette double pression qu’exerçaient la protestation et la guerre par l’offre de réformes politiques, tout en cherchant simultanément un regain de popularité parmi les membres de la majorité hutue en excitant des sentiments anti-tutsis. Nombre d’organisations rwandaises et internationales des droits humains documentèrent la répression qu’engagea le régime contre des journalistes et l’opposition politique, ainsi que les violentes attaques contre les Tutsis. En janvier 1993, Human Rights Watch (HRW) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) firent partie des organisations participant à l’envoi d’un groupe international de 10 experts qui enquêtèrent au Rwanda sur les atteintes aux droits humains. Ces experts publièrent un rapport dévastateur :
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