1 Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, JORF, 30 juillet 1994, p. 11 056, et loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, JORF, 30 juillet 1994, p. 11 060.
2 Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, JORF, 8 juin 1998, n° 139, p. 9 255.
3 M.-C. Cabal (député), La valeur scientifique de l’utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire, rapport, 7 juin 2001, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
4 La preuve ADN a renforcé l’idée que « le juriste disposerait aujourd’hui d’instruments qui lui permettraient de passer de la vraisemblance à la vérité scientifique, et de la vérité scientifique à la vérité judiciaire, accédant ainsi à l’illusion confortable de la certitude » (Canivet 2000).
5 Cf. infra.
6 Cette inscription figure sur l'étendard vert représenté sur La Bataille de Marciano, une fresque de Giorgio Vasari, jeune protégé de Léonard de Vinci, qui se trouve au Palazzo Vecchio de Florence.
7 Parmi les 2 439 décisions de justice ainsi obtenues, une attention particulière a été portée sur les affaires, délictuelles ou criminelles, dans lesquelles l’auteur potentiel de l’infraction n’a pas été identifié au début de l’enquête : « Si l'étude du contentieux correctionnel apparaît indispensable au traitement quantitatif de la pratique quotidienne, l’analyse des affaires criminelles nous semble essentielle pour approfondir certaines interrogations, comme la question de l'impact de l'ADN sur l'action et/ou sur l'inaction de l'ensemble des acteurs de la procédure pénale ou de la valeur probante de l’ADN. Il s’agit également de pouvoir mesurer les écarts susceptibles d’exister entre le contentieux correctionnel (le “quotidien”) et le contentieux criminel (le “sensationnel”) » (Py 2017 : 14).
8 Le point de départ temporel de la recherche correspond à l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (JORF, 19 mars 2003, p. 4 761) qui a modifié le Code de procédure pénale pour préciser dans quelles conditions les prélèvements nécessaires à la détermination des empreintes génétiques peuvent être effectués afin de faciliter l'identification des auteurs de certaines infractions.
9 La procédure de recueil et d’exploitation est juridiquement organisée par le Code de procédure pénale, toutefois sa dimension pratique est principalement encadrée par une circulaire de 2001 : circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces, « Mise en place du Fichier national automatisé des empreintes génétiques et du Service central de préservation des prélèvements biologiques », CRIM 2001-15 E6/20-07-2001.
10 Cet article se situe dans le chapitre relatif au jugement des délits, mais la jurisprudence de la chambre criminelle en a forgé un principe général de droit.
11 Bien que la procédure pénale soit presque dépourvue de grands principes normatifs en matière probatoire, des principes généraux ont émergé via la jurisprudence nationale, les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et les décisions du Conseil constitutionnel. Il existe ainsi tout de même une théorie générale de la preuve en matière pénale qui non seulement garantit une bonne administration de la justice, mais qui est sanctionnée en cas de non-respect par la nullité des actes de procédure. C’est d’autant plus d’actualité que le Conseil constitutionnel vient de le rappeler une nouvelle fois il y a peu dans une affaire tristement célèbre, l’affaire dite « du petit Grégory », à propos de la garde à vue des mineurs (Cons. constit., 16 novembre 2018, décision n° 2018-744 DC).
12 CPP, art. 12 : « La police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre. »
13 Pour le Conseil constitutionnel, il ne doit s’agir que d’« un prélèvement n'impliquant aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comportera donc aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des intéressés » : Cons. constit., 13 mars 2003, décision n° 2003-467 DC.
14 Art. 16-3, Code civil : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne, ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »
15 Voir le chapitre de Joëlle Vailly publié dans cet ouvrage à ce sujet, p. 87.
16 CPP, art. 706-54 et suivants.
17 « La recherche de la vérité et le caractère peu invasif du prélèvement ont pu être invoqués pour légitimer […] le recours à la contrainte. » (Girault 2010 : 224).
18 « Tout individu, à l’occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueurs, sang, poussière […]. Une fois passés au crible d’examens de plus en plus sophistiqués, ces indices parlent et livrent le récit du crime avant de permettre au lecteur-enquêteur de déchiffrer la signature de l’auteur-coupable » (Durupt 2000 : 23).
19 E. Locard a fondé la même année le premier laboratoire de police scientifique au monde.
20 Salive, sang, sperme, urine, ongles, poils, cheveux, traces de contact, etc.
21 Néanmoins si l’ADN est résistant, il n’est pas sans failles. Trois facteurs principaux peuvent précipiter sa détérioration : l’humidité, la chaleur et la lumière. Notons également qu’il est impossible de savoir à quelle date une trace ADN a été déposée. Sa résistance permet de découvrir des traces des années après son dépôt ; trouver les éléments génétiques d’une personne sur les lieux d’une infraction ne veut donc pas forcément dire que celle-ci est l’auteur des faits infractionnels, ni même qu’elle est liée aux faits (elle peut ainsi avoir été présente sur les lieux des années avant la commission de l’infraction).
22 En outre, toutes les traces ne pourront pas être analysées faute de moyens financiers. Voir Py (2017 : 37 et suiv.).
23 La célèbre affaire dite du « Fantôme de Heilbronn » en constitue un parfait manifeste. Il s’agit d’une série de crimes et délits perpétrés entre 1993 et 2008 et liés entre eux par des analyses ADN suggérant à chaque fois l'implication d'une même femme. Cette mystérieuse femme, surnommée par les médias « la tueuse en série fantôme », était recherchée pour la commission de trente-deux crimes et délits en Europe en seize ans. Son existence, suggérée par les rapports d’analyses ADN, a conduit les services de police français, allemands et autrichiens à investir d’importantes sommes pour la retrouver. En réalité, il a été prouvé que l'ADN litigieux provenait de la contamination par une employée du matériel de prélèvement au cours de sa fabrication.
24 En effet, une scène de crime peut rapidement être dégradée, il est donc important d’agir au plus vite. Voir Durupt (2000).
25 Circulaire du 29 novembre 2013 relative à la lutte contre les cambriolages et autres vols : « Dans un souci partagé de bonne gestion des finances publiques, au regard du coût financier et de la charge de travail que représente l’analyse des prélèvements réalisés, les services enquêteurs devront être sensibilisés à la nécessité de ne prélever que les traces dont ils estiment qu’elles seront susceptibles d’une exploitation utile. »
26 Ceux-ci ont la réputation d’être plus rapides. Voir Py (2017 : 34-35).
27 Notamment le caractère criminel ou délictuel de l’affaire.
28 CPP, art. 427.
29 Dans le cadre de notre étude, 99 affaires ont fait l’objet d’une instruction ; 2 340 affaires ont fait l’objet d’une simple enquête sans instruction.
30 « Nous avons étudié, dans le cadre de nos travaux, une affaire dans laquelle la preuve ADN a été utilisée aux fins d’identifier une victime dont le corps n’était pas reconnaissable du fait des actes qu’elle avait subis » (Py 2017 : 46). Dans cette affaire, il a été procédé à une analyse de l’ADN de la victime comparé à celui de l’un de ses parents. Ainsi a pu être confirmée l’identité de la victime non reconnaissable du fait de la torture et des actes de barbarie qu’elle a subis.
31 Voir le chapitre de Gaëlle Krikorian publié dans cet ouvrage au sujet de cette notion.
32 Le nombre de loci pris en compte a augmenté au cours du temps. L’étude effectuée dans le cadre de la Mission Droit et Justice retenait un nombre de 12 loci, mais d’autres auteurs estiment aujourd’hui que 21 seraient nécessaires.
33 « En pareille hypothèse, la recherche d’identification du protagoniste n’est que de moindre effet au regard de son intérêt dans l’investigation. Si l’analyse ainsi menée permet de confirmer la présence de l’intéressé sur les lieux de l’infraction, elle n’aura pas permis d’identifier un protagoniste encore inconnu. Ici, puisque son ADN a été prélevé sur sa personne, l’individu est nécessairement à la disposition des enquêteurs et donc connu. L’analyse ADN a donc, dans ce cas, été utilisée à d’autres fins que celle d’identification d’un protagoniste inconnu. Au plus, la diligence entreprise aura permis de confirmer l’implication d’un individu déjà identifié » (Py 2017 : 47).
34 Trois résultats sont alors possibles avec des degrés différents d’utilité de l’ADN : 1) l’échantillon recueilli correspond à un autre déjà fiché et pour lequel l’identité du sujet est enregistrée (l’ADN permet l’identification d’un protagoniste inconnu) ; 2) l’échantillon recueilli correspond à une trace enregistrée dans le FNAEG mais pour laquelle l’identité du sujet demeure inconnue (l’ADN alimente la fiche d’un protagoniste qu’il faudra encore identifier pour l’appréhender) ; 3) l’échantillon recueilli ne correspond à aucune trace déjà fichée (pas d’intérêt immédiat pour l’affaire et une fiche nouvelle est simplement créée au FNAEG).
35 Deux situations se rencontrent : soit la preuve ADN peut permettre d’établir la réalité des faits (il s’agit par exemple des affaires de viols où un individu nie avoir eu des relations sexuelles avec la victime ; le fait d’avoir ou de ne pas avoir trouvé de traces ADN appartenant au suspect est un élément d’investigation important), soit la preuve ADN alimente, même de manière surabondante parfois, le faisceau d’indices en confirmant la matérialité des actes (c’est notamment vrai pour les infractions sexuelles afin de permettre d’anticiper les éventuels changements de propos du suspect).
36 « Dans le cadre de notre étude, il a pu être constaté 79 affaires donnant réellement lieu à un prélèvement (47 en matière délictuelle et 32 en matière criminelle), sans qu’il ne soit possible de déterminer dans quel but il a été décidé (aux seules fins du fichage) » (Py 2017 : 54).
37 Il s’agit de la traduction littérale de l’expression « beyond reasonnable doubt », qui exprime dans les systèmes de common law l’idée que nous connaissons également en droit français au travers de l’adage In dubio pro reo. L’intime conviction doit l’emporter sur le doute sans pour autant l’exclure à tout prix.
38 Dans le rapport 2012 de la Cour de cassation, il est rappelé que « le bénéfice du doute est la conséquence opérationnelle de l’impossibilité, pour qui en a la charge, d’apporter la preuve de l’élément matériel ou de l’élément moral de l’infraction et d’emporter ainsi la conviction du juge répressif. L’innocence n’est plus seulement présomption, mais devient vérité judiciaire. Puisque la preuve n’est pas faite de la culpabilité, la preuve est réputée faite de l’innocence ».
39 Il faut préciser que la motivation des arrêts de la cour d’assises est obligatoire depuis la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Désormais, une « feuille de motivation », annexée à la feuille des questions, énonce les « principales raisons qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ». Il ne s’agit toutefois que d’un listing des preuves à charge ayant convaincu les juges et le jury, ainsi le raisonnement probatoire et le lien entre les éléments de preuve ne sont toujours pas expliqués, ce qui a donné lieu à des recours devant la CEDH (CEDH, 10 janvier 2013, Agnelet c/ France, n° 61198/08 ; CEDH, 10 janvier 2013, Legillon c/ France, n° 53406/10), qui confirme la conformité de cette « obligation minimale » au regard de l’article 6, § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme (droit à un procès équitable).
40 Dans l’imaginaire collectif, la preuve ADN, lorsqu’elle est scientifiquement indiscutable, ne pourrait avoir qu’une seule conséquence : l’ADN de telle personne a été trouvé sur l’arme du crime, c’est donc cette personne qui a commis l’infraction.
41 « Si le nombre d’affaires dans lesquelles l’ADN a permis d’identifier un suspect ou de confirmer la présence sur les lieux d’une personne suspectée est relativement faible (sur 319 affaires délictuelles, l’ADN n’a permis l’identification de l’auteur que dans 13 affaires), les hypothèses dans lesquelles elle constitue simplement un indice supplémentaire (sans lien avec l’identification d’un suspect) sont rares (sur 319 affaires correctionnelles, une seule présente l’hypothèse dans laquelle la preuve ADN est un élément significatif du jugement) » (Py 2017 : 59).
42 Seule une hypothèse permet éventuellement de déduire le viol à partir de la présence de l’ADN du mis en cause dans le vagin ou l’anus de la victime : lorsque l’ADN d’un majeur est trouvé dans le vagin ou l’anus d’un(e) mineur(e) de moins de 15 ans. Si cela ne peut suffire à caractériser le viol, puisqu’il faut que tous les éléments soient établis (violence, contrainte ou surprise ne peuvent être présumées du seul fait de l’âge de la victime), les relations sexuelles avec un(e) mineur(e) de 15 ans constituent tout de même une atteinte sexuelle incriminée à l’article 227-25 du Code pénal.
43 « […] s’opère alors une sorte de renversement de la charge de la preuve » (Blanc 2005 : 271).