1 Nous remercions Jérôme Denis et David Pontille pour leur lecture attentive de la première version de ce chapitre et leurs suggestions précieuses.
2 Nous reviendrons plus loin sur la définition de cette catégorie.
3 Source : Archives du comité technique du FNAEG. Rapport d’information sur les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, présenté par les députés Didier Paris et Pierre Morel-À-L’Huissier, le 17 octobre 2018.
4 Sur cette contestation, voir Vailly et Bouagga (2020).
5 Sur l’absence de débat public sur le caractère non codant des séquences ADN retenues par le législateur, voir le chapitre de Gaëlle Krikorian dans cet ouvrage.
6 Voir notamment Lynch et al. (2008). Une littérature abondante existe sur les rapports entre les experts (scientifiques) et les juges. Voir par exemple Jasanoff (1996) ; Leclerc (2005) ; Dumoulin (2007) ; Protais (2016).
7 Voir les travaux de Machado et Prainsack (2011) ; Kuhn, Schwarzenegger et Vuille (2018).
8 Le recours à des analyses ADN par la police et la justice préexiste au FNAEG. Cependant, sa création a rendu possible la comparaison systématique et en grand nombre de profils génétiques.
9 Comme les « faucheurs d’OGM » que nous avons cités, et ce d’autant que le refus de prélèvement de la part d’un individu visé par la loi est, depuis la loi de 2003, un délit différent du chef d’inculpation initial.
10 Lors d’une conférence publique organisée en mars 2018 à Paris dans le cadre du projet FiTeGe, une magistrate a soulevé la question de l’effacement du profil génétique d’un suspect une fois que l’instruction a conclu à son innocence. Pour qu’un tel effacement puisse avoir lieu, il faut en effet que l’autorité judiciaire, éventuellement à la demande de l’individu concerné, adresse une réquisition d’effacement au FNAEG, ce qu’elle ne fait que très rarement (selon les archives du comité technique du FNAEG, entre la mise en place du fichier et 2016, il y a eu moins de 1 200 suppressions de profils « individus »).
11 La CNIL (2018) a récemment appelé à « se réinterroger sur la proportionnalité du fichier » (i.e. proportionner la durée de conservation à la nature ou à la gravité des infractions).
12 Et ce d’autant que tous les profils enregistrés au fichier (y compris les profils des suspects) sont quotidiennement comparés aux profils analysés dans le cadre de procédures en cours.
13 Nous remercions les responsables du FNAEG et la Direction centrale de la police judiciaire de nous avoir donné accès à ces comptes rendus.
14 La « recherche en parentalité », technique venue des États-Unis dans les années 2010, consiste à comparer le profil d’une trace prélevée sur une scène de crime au profil d’un individu enregistré au fichier qui, n’étant pas lui-même l’auteur du crime, pourrait être génétiquement apparenté à ce dernier. Cette technique était initialement réservée à la recherche d’une personne disparue et à l’identification d’un cadavre inconnu. Depuis 2016, la loi française autorise le recours à cette technique indirecte d’identification de l’auteur d’un crime (article 706-56-1-1 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale). La recherche en parentalité a permis d’élucider l’affaire Kulik, qui a constitué un cas princeps d’utilisation de cette technique pour le FNAEG. Sur les questions juridiques soulevées par cette technique, voir l’article d’Anne Simon et Elsa Supiot dans cet ouvrage.
15 Ce sont les expressions utilisées par le comité technique.
16 C’est le terme des acteurs. Nous reviendrons plus longuement sur ce terme dans la troisième partie du chapitre.
17 Il s’agit des experts généticiens des laboratoires de la police technique et scientifique, ainsi que des laboratoires publics et privés agréés par la justice.
18 À la demande de la direction du FNAEG et de la Direction centrale de la police judiciaire, pour des raisons qui ont trait à la sécurité du personnel, nos publications respectent le strict anonymat des acteurs qui apparaissent dans les archives consultées et qui travaillaient sur les sites de notre enquête.
19 Rappelons que le terme « suspect » n’est pas, à proprement parler, une catégorie juridique.
20 Notons que ces suspects potentiels semblent ignorer les opérations dont ils font l’objet. De plus, même lorsqu’ils apprennent qu’ils peuvent adresser une demande d’effacement de leur profil auprès du procureur, peu d’entre eux vont jusqu’au bout de la procédure.
21 Le travail de transformation du droit pour le maintenir à l’identique a été superbement montré par Bruno Latour (2002) dans son ethnographie du Conseil d’État.
22 Rappelons que le FNAEG ne peut être utilisé que sur réquisition de l’autorité judiciaire dans le cadre d’une procédure pénale. Par ailleurs, seuls les opérateurs du FNAEG ont le droit de consulter, d’interroger et d’alimenter le fichier.
23 La frontière poreuse entre interprétation des textes et qualification juridique est largement documentée dans la littérature. On peut lire par exemple les travaux de Jean-Marc Weller (2007) sur le rôle des comités administratifs dans la qualification juridique des faits. Si son travail porte sur le droit administratif, nos observations sont proches des siennes.
24 Sur l’anticipation des suites juridiques des affaires par les experts, voir par exemple Juston (2018) ; Provost (2018).
25 C’est l’expression utilisée par les acteurs.
26 Ainsi de l’affaire dite du « pompier du Gard ». Le profil génétique du pompier, interpellé en 2004 au cours d’une bagarre avec un vigile du parking du Pont-du-Gard, a correspondu avec celui d’une trace prélevée sur le corps d’une adolescente qui avait été violée et tuée dix-sept ans auparavant.
27 Cette liste a été étendue au fil des années et comporte aujourd’hui 21 loci, dont certains facultatifs. L’extension de la liste des loci a une double finalité : (i) accroître la précision du profil génétique ; et (ii) harmoniser les pratiques des pays européens.
28 C’est l’expert qui est chargé de l’envoi des scellés biologiques au SCPPB : ce service ne peut que recevoir les scellés et veiller à leur conservation ; il ne peut ni les rouvrir, ni effectuer des opérations sur ces scellés ; par ailleurs, il doit les rendre aux greffes des juridictions si celles-ci le demandent.
29 Le coût d’une infrastructure, ainsi que sa répartition entre les acteurs impliqués, est une question classique. Ainsi, en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et instigateur de la loi sur la sécurité intérieure de 2003, convoque le comité de pilotage du FNAEG dans un seul objectif : répartir le coût des opérations relatives au FNAEG entre frais de justice, frais de police et frais de gendarmerie. Le comité de pilotage réunit les haut gradés du comité technique et des représentants des instances décisionnaires des trois ministères (Justice, Intérieur et Défense), et a pour mission de se prononcer sur les questions de nature politique que le comité technique ne peut trancher seul.
30 Une telle démonstration nécessite d’analyser les pratiques d’utilisation des caractéristiques génétiques dans les procédures judiciaires, travail colossal entrepris par une équipe de l’IFG-ISCRIMED (EA7301) de l’université de Lorraine auprès des juridictions de Meurthe-et-Moselle, que présente Julie Léonhard dans un chapitre de cet ouvrage.
31 On pourrait même dire que le comité est devenu le compagnon de route du FNAEG. Sur ce point, il est remarquable que le comité technique ait créé, en 2007, la « communauté FNAEG », composée d’une trentaine de personnes, dépositaire des textes qui régissent le fonctionnement du fichier et de la mémoire de ses transformations successives.