La controverse sur le langage commun de la collaboration interdisciplinaire : le modèle durable de La dialectique de la raison*
p. 249-267
Texte intégral
« Son but le plus éminent est la connaissance du présent1 »
1Dans le modèle inaugural et jusque-là inédit du matérialisme interdisciplinaire des années 1930, la critique de l’économie politique occupait le centre de la constellation de disciplines où elle jouait le rôle de « langage commun » dans l’effort de produire des diagnostics complexes du temps présent, ce qui peut être considéré comme la tâche première d’une Théorie critique de la société. Dans ce cadre, collaboration ne signifie pas consensus, ni même accord autour d’une position particulière, mais, essentiellement, dispute pour rendre plausible chaque diagnostic spécifique du temps présent. Ces disputes à l’intérieur du champ critique conduisent à des différends qui s’expriment aussi en termes d’explicitation de la base de ces controverses, c’est-à-dire en termes de discussion portant sur le langage commun de la collaboration lui-même, de la « théorie », un travail lui aussi toujours en cours et devant accompagner les nombreux changements de diagnostics.
2Dans le cadre du matérialisme interdisciplinaire, la critique de l’économie politique constituait à la fois un modèle et un terrain d’entente vers lequel les disciplines étaient orientées et, par conséquent, organisées en fonction des relations qu’elles entretenaient avec elle. Elle tenait alors de manière incontestée la place du « langage commun de la collaboration interdisciplinaire ». Selon la synthèse de Marcuse, « la critique marxiste de l’économie politique n’est pas une discipline unique, nul ne saurait l’ériger en discipline unique en opposition à l’intégration philosophique, quoi que ce dernier terme désigne2 ».
3Cette disposition mettant la critique de l’économie politique au cœur de la constellation interdisciplinaire s’est montrée efficace, même si elle est restée plutôt abstraite (ou justement de ce fait). Mais, en même temps, dès que les premiers diagnostics du temps présent ont été consolidés au milieu des années 1930, il est devenu progressivement clair pour plusieurs membres de ce projet collectif que ce cadre critique n’était plus capable de faire face aux nouvelles conditions historiques. En d’autres termes, la position jusque-là non disputée de la critique de l’économie politique en tant que « langage commun de la collaboration interdisciplinaire » est devenue de plus en plus problématique.
4S’il est courant d’interpréter l’essai de Horkheimer Théorie traditionnelle et théorie critique comme l’expression, en 1937, d’un bilan à la fois du moment historique et de l’expérience du matérialisme interdisciplinaire, on pourrait ajouter qu’il s’agit aussi du témoignage du jugement partagé par beaucoup de collaborateurs de ce projet selon lequel le marxisme aurait atteint sous beaucoup d’aspects ses limites en tant qu’instrument théorique de l’émancipation. Le texte de Horkheimer « Égoïsme et émancipation. Contribution à l’anthropologie de l’âge bourgeois », de 1936, témoigne déjà de cette intention de dépassement, d’Aufhebung, du marxisme vers un matérialisme d’un nouveau genre, celui justement d’une nouvelle « anthropologie3 ». Mais, si l’on veut en rester à la référence classique du texte de 1937, on peut y déceler au moins trois éléments de diagnostic du temps qui indiquent un épuisement du cadre marxiste en vue de la compréhension du présent comme de la collaboration interdisciplinaire.
5Premièrement, si, comme l’avait prévu Marx, le capitalisme sortait de sa phase concurrentielle pour entrer dans sa configuration monopoliste, ses tendances autodestructrices n’avaient pas été pour autant renforcées, annonçant sa fin proche. Au contraire de ce que les prévisions de Marx laissaient espérer, en dépit de la Révolution russe et de la crise économique de 1929, le capitalisme entrait renforcé dans sa nouvelle étape de développement.
6Deuxièmement, la classe ouvrière avait subi en son sein un processus de différentiation qui n’était pas celui qu’on était censé espérer à partir de l’interprétation alors dominante des écrits de Marx, à savoir, un pôle d’employés en contraste avec une large masse de dépossédés, mais plutôt une stratification beaucoup plus complexe. Alliée à d’autres mécanismes nouveaux d’intégration sociale de masse comme la radio et la propagande, une telle stratification du prolétariat posait des difficultés considérables tant pour l’organisation révolutionnaire de la classe que pour une union de la pensée et de l’action, de la théorie et de la pratique4.
7Troisièmement, l’ascension du fascisme et du nazisme avait montré non seulement que la capacité de résistance de la classe ouvrière à la domination capitaliste avait été surestimée, mais aussi que le processus de modernisation avait un potentiel régressif non négligeable qui avait besoin d’être intégré à la théorie, tâche à laquelle le marxisme ne paraissait pas capable de répondre de manière convaincante. Cette impuissance théorique s’accompagnait d’une impuissance pratique liée au fait que la réorganisation du mouvement ouvrier sous la répression autoritaire paraissait très improbable. Et finalement, cela tenait au fait que l’autoritarisme lui-même était parvenu à s’ancrer dans des institutions sociales profondes telles que la famille5.
8 Il y a certainement beaucoup d’autres éléments importants de divergence par rapport au diagnostic du temps présenté par Marx et au cadre théorique qui lui correspond. Mais si l’on examine ensemble ces trois éléments, la raison pour laquelle ces différences ont conduit à la conscience de la nécessité d’un changement de cadre théorique assez important devient déjà suffisamment claire : la stabilisation des éléments autodestructeurs du capitalisme s’unissait à de nouveaux mécanismes d’intégration des masses au système, lequel était à son tour renforcé par la brutale répression de tout mouvement de contestation. Si l’action transformatrice, si la praxis elle-même se trouve bloquée, il ne reste comme champ pratique, d’un point de vue critique, que celui de la théorie. C’est là aussi un des sens importants présents dans l’expression « Théorie critique ».
9Et pourtant, même si beaucoup de ces éléments représentaient une rupture par rapport au cadre établi par Marx, même si la nouvelle configuration historique indiquait la nécessité d’une révision des piliers du marxisme, l’essai de 1937 ne l’a non seulement pas accomplie mais il n’a pas même énoncé une telle tâche. C’est seulement La dialectique de la raison qui l’accomplira, retirant à la critique de l’économie politique son rôle de modèle pour le travail collectif interdisciplinaire et proposant un nouveau langage commun pour la collaboration, celui d’une « nouvelle anthropologie », bâtie sur une appropriation particulière, en termes de théorie sociale, de quelques thèses fondamentales de Freud.
10Dans les conditions historiques des années 1930, l’« union de la théorie et de la pratique » a, pour ainsi dire, été sublimée dans une nouvelle configuration de la Théorie critique selon laquelle même si la théorie doit nécessairement renvoyer à la pratique, elle est dès lors maintenue à une distance prudente de celle-ci. Et si ce renvoi nécessaire à la pratique ne relève que de l’orientation fondamentale de la Théorie critique vers l’émancipation, la nouvelle situation historique, les nouvelles conditions d’un possible ancrage social de l’émancipation, ont finalement exigé un mouvement théorique dont la conséquence a été la reformulation du modèle inaugural de Marx. Dans ce sens, « l’anthropologie de l’âge bourgeois » de 1936 est considérée ici comme une première ébauche de langage commun pour le travail interdisciplinaire qui prétendait dépasser le cadre marxiste. De telle sorte que, en dépit des différences manifestes que conserve « Égoïsme et émancipation » par rapport à La dialectique de la raison, celle-ci en est la continuation, au moins en ce qui concerne le projet de remplacer le modèle de la critique de l’économie politique.
11Le projet de La dialectique de la raison ainsi caractérisé implique, jusqu’à nos jours, pour la Théorie critique une nouveauté durable qui ne peut ni ne doit être négligée : les disputes autour de l’établissement d’un langage commun de la collaboration ont dès lors pris le pas sur les disputes portant sur la présentation du diagnostic du temps présent le plus aigu possible. C’est-à-dire qu’une fois perdue la référence générale commune au modèle de la critique de l’économie politique, les disputes théoriques internes au champ critique se sont concentrées sur l’établissement de la meilleure « théorie ». À partir de La dialectique de la raison, les propositions pour une collaboration interdisciplinaire commune ont commencé à précéder la véritable collaboration dans le champ de la théorie critique. Les propositions de nouveaux langages communs pour des travaux collectifs sont formulées, à partir de La dialectique de la raison, comme des moments qui inaugurent et qui fondent de nouveaux groupements de Théorie critique, de nouvelles lignes de recherche6. La Théorie critique elle-même est devenue l’arène d’incessantes batailles entre différentes propositions de « théories » prétendant être plus complètes et supérieures aux autres, un mouvement qui reflète dangereusement les disputes typiques des théories traditionnelles aussi bien que leur contrepartie en termes de rivalité académique.
12Le danger réside surtout en ceci que Marx n’a pas écrit une « théorie » économique ou sociale qui aurait l’intention de remplacer les théories d’Adam Smith ou de Ricardo, mais a produit une « critique de l’économie politique7 ». À partir de La dialectique de la raison, la primauté de la proposition des langages communs pour la collaboration sur la production des diagnostics du temps présent se traduit par une concurrence perpétuelle entre différentes propositions théoriques prétendant devenir le langage de la collaboration commune, laquelle néanmoins n’a jamais lieu de manière efficace en ces termes, parce que, entre autres choses, plus la concurrence est grande, plus les théories deviennent abstraites et plus il est difficile de faire de la recherche empirique sur leurs bases. Il s’ensuit également que le champ théorique critique semble scindé entre des recherches empiriques isolées ayant une intention critique et des théories abstraites visant à s’établir comme nouveaux paradigmes critiques8.
13Fait intéressant, les recherches empiriques dans le champ de la Théorie critique ont connu une expansion fulgurante de la publication de La dialectique de la raison au moins jusqu’à la mort d’Adorno en 1969, pour ne pas parler de maintes recherches d’intérêt menées à l’Institut de recherche sociale sous la direction de Ludwig von Friedeburg à partir du début des années 1970. Le nombre et la qualité de ces recherches est plutôt impressionnant. Et il est clair que cela n’a pas été autant exploité par une reconstruction intellectuelle que le travail des années 1930. Le manque de travaux abordant le remarquable champ de recherche empirique de cette période9 ne permet pas de voir clairement le sens profond de l’abandon de l’ancien modèle de la critique de l’économie politique.
14Plus symptomatique encore, cette lacune de la réflexion obscurcit le fait que la dispute autour du diagnostic le plus complexe du temps présent s’est poursuivie dans le champ critique à travers de multiples recherches empiriques et systématisations théoriques sans qu’il ait été nécessaire de remplacer explicitement l’ancien modèle de la critique de l’économie politique par un nouveau, ni d’établir préalablement un nouveau « langage commun de la collaboration » devant être nécessairement partagé par celles et ceux qui étaient engagés dans la recherche. Ce qui revient à dire que la véritable influence et importance de La dialectique de la raison – comme celle de toute production dans le champ critique – demeure celle de son diagnostic du temps présent plutôt que de la « théorie » qu’elle avance pour surmonter le cadre marxiste à l’intérieur de la Théorie critique10.
15 Remonter aux origines de cet état de choses qui persiste jusqu’à aujourd’hui exige de revenir à La dialectique de la raison et à l’« anthropologie » particulière qu’elle entend formuler11. En guise de première approche pour caractériser ce projet, on peut prendre comme point de départ un ensemble de notes de travail d’Adorno datant de 1941 intitulées « Notes pour une nouvelle anthropologie » (« Notizen zur neuen Anthropologie ») et le passage suivant en particulier :
« La nouvelle anthropologie, c’est-à-dire la théorie du nouveau type d’homme en cours de construction sous les conditions du capitalisme monopoliste d’État, est en franche opposition à la psychologie. La psychologie fait de l’individuel son concept central. En nombre de lieux de décision, ce concept a été neutralisé ou pour le moins évidé. Il appartient au libéralisme et à un monde qui tourne entre les pôles de la liberté et de la concurrence. Aucun des deux n’existant plus, les représentants de ce nouveau type ne sont plus des individus, car les unités, continuités et substantialités de l’individuel ont été dissoutes12. »
16Dans ce passage, les éléments de diagnostic du temps présent sont manifestes, évidents, et doivent certainement beaucoup aux analyses de Friedrich Pollock menées à la même période. En même temps, ils restent fréquemment à l’arrière-plan, laissant la place à des éléments « théoriques » plus saillants. C’est pourquoi il paraît si important à la fois d’éclairer la nature de cette « théorie » sous un nouveau jour et d’insister sur le fait que la fécondité et la postérité de La dialectique de la raison sont plutôt dues au diagnostic du temps qu’elle énonce qu’à la revendication de s’établir comme « langage commun de la collaboration » à la place du marxisme. C’est seulement après ce travail préliminaire qu’on pourra revenir aux éléments de diagnostic de l’ouvrage.
17C’est pourquoi il est tout d’abord crucial de revenir ici sur les raisons pour lesquelles La dialectique de la raison a été dans le champ critique le premier travail majeur à remettre en cause les bases du modèle du « matérialisme interdisciplinaire » des années 1930. Ce qui exige en retour de revenir sur un passage de l’« Avant-propos » du livre, bien connu de celles et de ceux qui s’occupent de la Théorie critique :
« Même si nous avions constaté que dans l’activité scientifique moderne la rançon des grandes inventions était une ruine progressive de la formation théorique, nous pensions du moins pouvoir suivre cette activité en nous contentant de critiquer ou de donner suite aux doctrines spécialisées. Sur le plan thématique, nous pensions nous en tenir aux disciplines traditionnelles, à la sociologie, la psychologie, et l’épistémologie13. »
18Il convient d’insister sur le fait que cela ne signifie pas l’abandon du matérialisme interdisciplinaire ni de l’interdisciplinarité en tant que tels, mais représente plutôt une nouvelle manière de comprendre et de pratiquer l’interdisciplinarité et le matérialisme. Le nouveau diagnostic du temps présent qui ressort de l’expérience des années 1930 et le bilan théorique du modèle du matérialisme interdisciplinaire sont bien connus14. Cependant, La dialectique de la raison n’est généralement pas interprétée comme une relance du projet du travail interdisciplinaire sur de nouvelles bases, mais plutôt comme un abandon de l’interdisciplinarité dans son sens plus emphatique, au profit d’une sorte de « rephilosophisation » de la Théorie critique.
19C’est à la fin de leur « préface » que Horkheimer et Adorno se réfèrent de la façon suivante à une « anthropologie » qu’on trouverait caractérisée dans la dernière section de La dialectique de la raison, intitulée « Notes et esquisses » :
« La dernière partie de ce livre contient des notes et esquisses qui appartiennent en partie au cercle de pensée des essais qui les précèdent, sans toutefois trouver leur place parmi eux, et, en partie, tentent de circonscrire des problèmes devant être traités dans un travail futur, la plupart étant liés à une anthropologie15. »
20Malgré cette référence à un « travail futur », il est clair que cette « anthropologie » est présente et même en partie déjà développée dans l’ouvrage.
21Avec cette nouvelle approche, cette « nouvelle anthropologie », Horkheimer et Adorno entendaient présenter un modèle interdisciplinaire où aucune discipline ne serait centrale et où la collaboration entre disciplines deviendrait possible à travers la référence à un « langage commun », à une sorte d’« espace de traduction » que toutes partageraient. Ce langage commun n’était pas censé être compris comme une « discipline » (pas même comme une « nouvelle » discipline), mais comme un environnement de collaboration partagé.
22Mais pour bien comprendre ce caractère de la « nouvelle anthropologie », pour bien caractériser la manière dont elle propose une pratique interdisciplinaire nouvelle, il faut se tourner vers la théorie freudienne, comprise comme sa source principale16. L’accent mis sur le nouveau projet interdisciplinaire fondé sur une anthropologie d’origine freudienne a comme premier effet de disloquer les problématiques posées par d’autres approches du livre qui s’attachent la plupart du temps à l’évaluation de ses thèses en termes de cohérence interne et de compatibilité avec ses objectifs critiques, soit pour le défendre, soit pour l’attaquer. Pour ne donner qu’un seul exemple de la spécificité de l’interprétation que l’on propose ici, la manière de présenter le modèle critique de La dialectique de la raison que nous adoptons ne s’occupe pas d’objections comme celle d’une supposée « contradiction performative » qui caractériserait une sorte de « paralysie » de la critique. Dans la perspective retenue ici, cela signifierait passer à côté de l’essentiel17. En même temps, si le présent essai est réussi, ne fût-ce qu’en partie, on peut espérer mettre en lumière une nouvelle façon de comprendre l’unité critique de La dialectique de la raison.
23Ces mouvements concomitants visant à proposer un nouveau cadre interprétatif aussi bien de l’unité critique de l’œuvre que de son projet interdisciplinaire ne reviennent toutefois pas du tout à présenter une défense du livre et de ses thèses principales. Au contraire, le propos est plutôt ici de montrer comment s’est déroulée cette tentative de formuler un langage commun de la collaboration interdisciplinaire à la place de la critique de l’économie politique de manière à éclairer autrement la postérité de la Théorie critique, en indiquant son caractère durable comme modèle de dispute théorique au sein de ce champ intellectuel.
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24Dans leur « Avant-propos », en référence à l’exposé général de la première partie, « Le concept d’“Aufklärung” », Horkheimer et Adorno écrivent : « Grosso modo, la section critique de la première étude se laisse réduire à deux thèses : le mythe lui-même est déjà Aufklärung et l’Aufklärung se retourne en mythologie » (p. 18 / p. 21). Pour ce qui est de la seconde thèse (« et l’Aufklärung se retourne en mythologie »), l’explication a déjà été présentée plus ou moins deux pages auparavant. Et cette explication contient l’élément pris ici comme point de départ de la présentation de l’argument :
« Dans ces fragments, nous pensons contribuer à cette compréhension, dans la mesure où nous montrons que la cause de cette régression de l’Aufklärung dans la mythologie ne doit pas être tant cherchée dans des mythologies nationalistes, païennes et d’autres mythologies modernes spécialement conçues en vue d’une telle régression, mais dans l’Aufklärung elle-même, quand elle est paralysée par la crainte (Furcht) que lui inspire la vérité. De ce point de vue les deux concepts ne doivent pas seulement être entendus comme des concepts historiques et culturels (geistesgeschichtlich), mais aussi comme des concepts réels. » (p. 16 / p. 19)
25Ce qui retient ici au plus haut point l’attention est le terme de « crainte » (Furcht), qui apparaît également dans l’explication de la première thèse, au tout début de la « première étude », « Le concept d’“Aufklärung” » :
« De tout temps, l’Aufklärung, au sens le plus large de la pensée en progrès, a eu pour but de libérer les hommes de la crainte (Furcht) et de les rendre souverains. Mais la terre entièrement “éclairée” resplendit sous le signe des calamités triomphant partout. Le programme de l’Aufklärung était le désenchantement du monde. » (p. 22 / p. 25)
26De son côté, la « crainte » (Furcht18) n’est compréhensible qu’en scrutant sa contrepartie nécessaire, l’« angoisse » (Angst), bien que la constellation à laquelle ces deux termes appartiennent, celle de l’« effroi » (Schrecken), qui inclut également la « mimésis », l’« horreur » (Grauen), et le « danger » (Gefahr), soit beaucoup plus large.
27Bien comprendre la position occupée par la « constellation de l’effroi » dans l’ouvrage peut offrir une nouvelle clé pour saisir l’unité critique de La dialectique de la raison, dans la mesure où cela permet également à un nouvel arrangement interdisciplinaire de surgir. Cette hypothèse peut même être étendue pour prendre en compte le principe stylistique du livre : avec leurs constructions « choquantes » (au sens des essais de Benjamin sur Baudelaire), si elliptiques et péremptoires, Horkheimer et Adorno auraient mimétisé la crainte qui a fait du mythe l’Aufklärung et transformé l’Aufklärung en mythe19.
28La dialectique du comportement mimétique et de la conservation de soi se développe de telle sorte qu’elle expulse la mimésis hors du champ de la raison. Or, dans La dialectique de la raison, cette expulsion intervient essentiellement sous la forme d’une appropriation de la notion freudienne de « refoulement » (Verdrängung20), qui élève la conservation de soi au rang de principe exclusif dans la détermination du champ de la raison.
29 Pour autant, la constellation qu’il faut examiner est développée dans la « première étude » du livre à partir de cette affirmation : « L’horreur (Grauen) mythique de l’Aufklärung favorise le mythe » (p. 45 / 52). Au niveau purement naturel de son existence, l’espèce se retrouve face à un « danger absolu » (absolute Gefahr). Même s’il passe déjà par la médiation du comportement mimétique, ce « danger » ne peut être évité ; voilà également pourquoi il se présente comme « effroi » (Schrecken). Selon le texte :
« Pour la civilisation, l’existence purement naturelle, animale aussi bien que végétative, constituait le danger absolu. Les uns après les autres, les modes de comportement (Verhaltensweisen) mimétiques, mythiques et métaphysiques furent considérés comme des époques dépassées, toute rechute en eux étant saisie par l’effroi (Schreckeri) que le soi (Selbsf) redevienne cette simple nature à laquelle il s’était dérobé (entfremdet) à travers un effort indicible et qui, justement de ce fait, instillait une horreur (Grauen) indicible dans le soi. » (p. 47 / p. 54)
30L’« effroi » (Schrecken) est le véritable moteur de la dialectique de l’’Aufklärung. C’est l’effroi de la régression au « soi simplement naturel » qui pousse vers la prochaine « figure », vers la prochaine « époque ». C’est ce que Horkheimer et Adorno écrivent à la section V des « Éléments de l’antisémitisme » :
« Mais la constellation dans laquelle l’égalité (Gleichheit) se produit – l’identité immédiate de la mimésis comme l’identité médiatisée de la synthèse –, l’égalisation (Angleichung) à la chose dans le cours aveugle de la vie, tout comme l’équation (Vergleichung) du réifié dans la formation conceptuelle de la science, cette constellation reste celle de l’effroi (Schreckeri). » (p. 189 sq. / p. 211)
31La dialectique en jeu ici – qui aboutit à une double domination de la nature, à la fois interne et externe – commence par l’« angoisse » (Angst) face à la nature menaçante et essentiellement méconnue. Selon la dialectique de l’effroi, le caractère inéluctable de la domination intériorise cette angoisse sous la forme de la détermination de l’objet dangereux pour tenter de le neutraliser. Le « succès » de cette neutralisation est objectivé en « crainte » (Furcht). La présence de cette dernière montre les traces et marques laissées par l’intériorisation de la nature menaçante à chacun des trois stades (mimétique, mythique et métaphysique), raison pour laquelle il est encore possible de développer une dialectique de l’Aufklärung : parce que la neutralisation des dangers menaçants n’est qu’apparemment sans restes. Ces restes, cicatrices, blessures et traces qui ne disparaissent jamais complètement, ces marques douloureuses de la dialectique de l’effroi, sont ce que Horkheimer et Adorno appellent « crainte ».
32Vus dans la perspective d’une nouvelle anthropologie, certains éléments freudiens peuvent être décisifs pour reconstruire ce nouveau modèle critique21. Freud a été le premier à circonscrire tous les termes présents dans la « constellation de l’effroi », en particulier dans Au-delà du principe de plaisir (1920). La référence à ce livre n’a ici rien d’accidentel, puisque, pour ne donner qu’un exemple, il est au cœur de l’ensemble des notes de travail prises par Adorno en 1941, « Notes pour une nouvelle anthropologie » (« Notizen zur neuen Anthropologie »), dont on peut citer le passage suivant :
« Freud lui-même représente les processus pulsionnels (Triebprozesse) comme une espèce d’échange d’équivalents. Mais les systèmes d’échanges de pulsions proposés par Freud ne sont plus valables dès que le moi n’a plus le pouvoir de disposer de la plupart des pulsions qui lui sont subordonnées. Quand des sujets collectifs se forment, toute l’économie des pulsions est supplantée, et le mécanisme de plaisir avec elle. Freud l’a anticipé dans ses travaux plus avancés, en particulier dans Au-delà du principe de plaisir, mais il n’en a pas tiré les conséquences22. »
33Dans Au-delà du principe de plaisir, Freud lui-même a brièvement présenté les termes présents dans la « constellation de l’effroi » de la manière suivante :
« Effroi (Schrecken), crainte (Furcht), angoisse (Angst) sont utilisés à tort comme des expressions synonymes ; ils se laissent bien distinguer dans leur relation au danger (Gefahr). Angoisse désigne un certain état tel que l’attente du danger et la préparation à celui-ci, fût-il inconnu ; la crainte réclame un objet déterminé qu’on craint ; l’effroi, pour sa part, dénomme l’état dans lequel on tombe quand on court un danger sans y être préparé, mettant l’accent sur le facteur de surprise23. »
34Et voici la présentation bien connue de l’angoisse dans Inhibition, symptôme et angoisse :
« L’angoisse a une relation indiscutable avec l’attente ; elle est angoisse devant quelque chose. S’y attache un caractère d’indétermination et d’absence d’objet ; l’usage correct de la langue va jusqu’à corriger son nom, Angst, lorsqu’elle a trouvé un objet, et la remplace alors par Furcht, la crainte24. »
35Il n’empêche que Freud n’a pas toujours utilisé ces termes selon un schéma conceptuel précis ou de manière uniforme dans son travail. Mais Horkheimer et Adorno ne l’ont jamais fait non plus25. Cela ne signifie pas non plus que la simple référence à la source freudienne suffise à résoudre toutes les questions qu’elle suscite, ni qu’elle puisse permettre de dépasser les difficultés propres à la version spécifique de ce cadre freudien reformulé dans les termes de la philosophie de l’histoire spécifique que Horkheimer et Adorno ont développée dans La dialectique de la raison. Mais il semble raisonnable d’affirmer que ce sont les termes du problème en question et qu’il faut les prendre comme point de départ nécessaire si l’on entend reconstruire l’unité critique de La dialectique de la raison.
36Prenons par exemple un passage d’Inhibition, symptôme et angoisse dans lequel Freud distingue crainte « réelle » et « névrotique », et relie cette dernière à un « danger de pulsion » (il faut insister sur « pulsion », malgré la traduction plus commune de « danger instinctuel ») :
« Le danger réel est un danger que nous connaissons. L’angoisse à base réelle est l’angoisse devant cet objet connu. L’angoisse névrotique est une angoisse devant un danger que nous ne connaissons pas. Il faut donc d’abord rechercher et identifier le danger causant la névrose. L’analyse nous a montré que c’est un danger de pulsion. Si nous portons à la conscience ce danger, inconnu du moi, nous effaçons la différence entre l’angoisse à base réelle et l’angoisse névrotique, et nous pouvons traiter celle-ci comme celle-là26. »
37Pour Horkheimer et Adorno, la principale difficulté réside dans l’acte de « porter à la conscience » cette « angoisse primitive » puisque, selon leur diagnostic du temps présent, il s’agit d’un effort objectivement bloqué par une forme d’organisation sociale où le « refoulement » est déjà une « seconde nature » et fonctionne comme la logique propre d’une domination sans clivage. Car « l’Aufklärung est l’angoisse mythique devenue radicale » (p. 33).
38Reconnaître ces différences et ces conflits entre les formulations de Freud et celles de La dialectique de la raison ne va pas du tout à l’encontre de la référence interne et nécessaire que ces dernières font à Freud. Bien au contraire, cela confirme que l’unité critique du livre est à rechercher dans l’appropriation particulière de la théorie freudienne dans les termes d’une nouvelle anthropologie27. En outre, c’est la « constellation de l’effroi » qui permet de comprendre l’appropriation d’autres éléments structurels importants comme le « désenchantement » ou la « rationalisation » transhistorique de Weber, avec sa conception multidimensionnelle de la rationalité, ou la notion de « réification » de Lukács, pensée par celui-ci en termes de critique et de dépassement des catégories wébériennes. C’est ce qui permet en outre de comprendre plus rigoureusement le concept même de rationalité qui sous-tend l’entreprise de Horkheimer et Adorno. L’interaction brutale des pulsions dans la théorie de Freud peut être interprétée en termes sociohistoriques de telle sorte qu’elle devient, dans l’appropriation de Horkheimer et Adorno, la principale explication de l’inéluctabilité de la domination sous l’emprise de la raison instrumentale : « L’essence de l’Aufklärung est l’alternative aussi inéluctable que la domination » (p. 48 / p. 55). La « raison » n’est pas comprise comme coupée de la mimésis, ni le contraire : dans l’interaction brutale des pulsions, la raison est l’imposition incontestable de la « mimésis de la mort » aux dépens de la « mimésis de la vie ». Pour Horkheimer et Adorno, « la ratio qui refoule la mimésis n’est pas sa simple contrepartie. Elle est elle-même mimésis : mimésis de la mort » (p. 70 / p. 81). Et la « mimésis de la mort », c’est justement la production de l’égalité universelle de l’échange et du concept. Contrairement au modèle anthropologique des écrits du jeune Marx, celui de La dialectique de la raison remonte encore plus loin qu’au « travail », de telle manière que celui-ci apparaît comme étant lui-même déjà réifié28.
39C’est dans cette structure que le fascisme, par exemple, se présente en tant que cette même « mimésis de la mort » caractérisant le refoulement de la mimésis par la raison :
« La signification des emblèmes fascistes, de la discipline rituelle, des uniformes et de tout l’appareil qui semble irrationnel à première vue est de favoriser un comportement mimétique. Les symboles savamment imaginés propres à tout mouvement contre-révolutionnaire, les têtes de mort et les déguisements, les roulements de tambour barbares, la répétition monotone de paroles et de gestes sont autant d’imitations organisées de pratiques magiques, la mimésis de la mimésis. » (p. 193 / p. 214)
40C’est maintenant « tout l’appareil » qui peut être expliqué sous le jour nouveau de la transformation des thèses freudiennes, seule manière de dévoiler sa nature « censément irrationnelle ». Ni l’économie politique, ni la sociologie, ni même l’histoire ou la psychologie en tant que disciplines considérées isolément, ne sauraient révéler la nature profonde du fascisme. Seule la « nouvelle anthropologie » le peut. Et elle devrait également permettre à toutes les connaissances disciplinaires de se rassembler et orienter les recherches disciplinaires spécifiques de chacune29.
41Le moment serait venu de multiplier les exemples montrant comment la structure de la « nouvelle anthropologie » a de fait été mobilisée par Horkheimer et Adorno pour analyser les divers phénomènes sociaux abordés dans La dialectique de la raison, ou encore comment ce modèle critique a été repris ou mis à la base de nombreuses recherches empiriques des années 1940 et 1950, sans qu’il ait été explicité pour autant. Mais cela exigerait des développements qui dépasseraient de loin les limites et les buts de cet article. De toute façon, il relève de l’argument présenté ici que des analyses aussi connues que celles de l’industrie culturelle et du fascisme se révèlent être des cas exemplaires des potentialités analytiques du cadre théorique avancé par la « nouvelle anthropologie » et peuvent être considérées sous un autre jour lorsqu’elles sont interprétées dans un tel cadre. Cependant, au-delà de la présentation de cette « nouvelle anthropologie » en tant que clé de l’unité critique de La dialectique de la raison et du sens ultime du nouveau projet interdisciplinaire dont elle est la base, il importe surtout de souligner ses conséquences pour la postérité de la Théorie critique. Au lieu d’avoir réalisé sa prétention de dépasser le marxisme comme référence fondamentale et d’avoir réussi à établir un « nouveau langage de la collaboration interdisciplinaire » partagé par l’ensemble du champ théorico-critique, l’ouvrage a finalement marqué profondément sa postérité par son diagnostic du temps présent. Curieusement, toutefois, la prétention inaugurée par La dialectique de la raison de présenter la « théorie » la plus adéquate du point de vue de l’émancipation, c’est-à-dire, la prétention à établir un « nouveau langage de la collaboration interdisciplinaire » s’est installée durablement dans le champ critique, presque comme une évidence30.
42Or, ce qu’il y a de décisif dans La dialectique de la raison, ce qui marque jusqu’à aujourd’hui sa fécondité et sa rupture par rapport au projet du matérialisme interdisciplinaire, c’est son diagnostic du temps présent, fortement influencé par les analyses du « capitalisme d’État » de Friedrich Pollock. Que Horkheimer et Adorno n’aient pas accepté la position de Pollock dans son ensemble est ce qui fait encore aujourd’hui la force et l’intérêt du livre. Le nouvel ordre social qu’ils voyaient poindre à l’horizon historique impliquait que l’économie politique ne pourrait plus, à elle seule, servir de base pour la production d’un nouveau diagnostic du temps présent.
43Même s’ils étaient en partie d’accord avec l’idée, avancée par Pollock, d’une nouvelle « primauté du politique sur l’économique dans des conditions non socialistes », ils semblent souscrire, dans La dialectique de la raison, à une variante de la « forme autoritaire » qu’ils appellent le « monde administré31 », plutôt qu’à l’une des deux « formes » de « capitalisme d’État » énoncées théoriquement par Pollock (l’une « autoritaire », l’autre « démocratique »). Cette variation essentielle dans le diagnostic de La dialectique de la raison a pour conséquence l’idée qu’il n’existe plus de centre unique de production de la rationalité sociale dans sa totalité, même si le tout de la société est dominé par une telle rationalité unique et exclusive. La primauté du politique ne signifiait pas une primauté de la planification étatique, au contraire de ce que Pollock soutenait avec son idée de capitalisme d’État.
44Bien que l’on puisse réduire et comprendre cette impressionnante innovation théorique dans les termes d’une « nouvelle anthropologie », ce n’est pas dans ce cadre qu’elle a influencé le plus profondément la postérité des travaux dans le champ critique – sauf peut-être l’exception déjà mentionnée du Marcuse d’Éros et civilisation. Ce qui veut dire aussi que le lieu permettant aujourd’hui un travail collaboratif dans le champ critique ne pourrait être trouvé qu’en reconstruisant un champ commun aux disputes sur les différents diagnostics du temps présent, sans que l’on se voie pour autant obligé d’accepter préalablement une « théorie » comme base commune de la collaboration. C’est justement cette lutte préalable pour la « meilleure théorie » qui bloque la discussion ouverte sur ce qui est la tâche première du travail interdisciplinaire dans le champ critique : la production des diagnostics les plus complexes possible sur l’époque.
45Cela ne veut pas du tout dire que les disputes théoriques sur les fondements de la recherche dans les différentes disciplines soient négligeables ou moins importantes. Bien au contraire, on a là affaire à une des dimensions les plus importantes de la pratique critique. Il convient toutefois de bien distinguer les deux tâches et leurs logiques respectives si l’on ne veut pas risquer de faire périr l’une au bénéfice de l’autre, la collaboration interdisciplinaire au nom de la dispute pour la meilleure version de la « théorie ». Et, surtout, on risque de faire passer au second plan ce qui est le « but le plus éminent » de la Théorie critique, « la connaissance du présent », la production des diagnostics les plus complexes possible sur l’époque. C’est un des dangers réels que La dialectique de la raison a introduits de manière durable dans le champ critique.
Notes de bas de page
1 « Notre but est bien plutôt déterminé par la conviction que la doctrine et la méthode de Marx apportent enfin la méthode correcte pour la connaissance de la société et de l’histoire. Cette méthode est, dans son essence la plus intime, historique. Il va par conséquent de soi qu’il faut continuellement l’appliquer à elle-même, et c’est là un des points essentiels de ces essais. Mais cela implique en même temps une prise de position effective et portant sur le contenu des problèmes actuels, puisque, par suite de cette conception de la méthode marxiste, son but le plus éminent est la connaissance du présent. » (Georg Lukács, Histoire et conscience de classe : essais de dialectique marxiste, trad. fr. par Kostas Axelos et Jacqueline Bois, Paris, Minuit, 1960, p. 11)
2 « Theory and politics : A discussion with Herbert Marcuse, Jürgen Habermas, Heinz Lubasz and Telman Spengler », Telos, 38, hiver 1978, p. 124-153, ici p. 128. Marcuse réagissait à une citation faite par Habermas du livre que Helmut Dubiel était alors sur le point de publier, Wissenschafisorganisation und politische Erfahrung Studien zur frühen Kritischen Theorie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1978.
3 Sur ce point, il ne sera pas possible ici de suivre les pistes que l’on retrouve dans les écrits de Horkheimer datant des années 1920 et 1930, mettant en jeu le projet d’une « anthropologie de l’ère bourgeoise ». Sur l’importance centrale de cet essai pour les débuts de la Théorie critique et ses répercussions sur le travail de l’Institut, voir John Abromeit, Max Horkheimer and the Foundations of the Frankfurt School, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, chap. vii, en particulier p. 261-282.
4 Voir à ce propos les analyses de Friedrich Pollock du début des années 1930 (Stadien des Kapitalismus, Munich, Beck, 1975).
5 Une grande partie de ces éléments relèvent des analyses présentes dans les études sur « Autorité et famille », dont une sorte d’introduction générale a été publiée en 1936 par Horkheimer sous ce titre. Le matériau de la recherche menée par Erich Fromm a été organisé et publié par Wolfgang Bonß en 1980 (Erich Fromm, Arbeiter und Angestellte am Vorabend des Dritten Reichs : Eine sozialpsychologische Untersuchung, éd. par Wolfgang Bonß, Stuttgart, Deutsche Verlagsanstalt, 1980).
6 Selon une logique que Habermas a décrite dans les termes suivants : « Aujourd’hui encore, notre état d’esprit demeure celui qu’engendrèrent les jeunes hégéliens en prenant leurs distances, tant vis-à-vis de Hegel que de la philosophie en général. C’est depuis lors qu’a cours cette surenchère continue où chacun abat sur l’autre son va-tout et qui nous permet d’ignorer que nous soyons restés des contemporains des jeunes hégéliens » (Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, trad. fr. par Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Paris, Gallimard, 1988, p. 64). Dans l’argument présenté ici, Habermas lui-même n’échappe pas au mouvement qu’il décrit, à la « surenchère continue », aux « gestes triomphants de dépassement mutuel ».
7 Ou, comme le dit Horkheimer dans un protocole de discussion du 13 octobre 1939 : « À quel point la théorie dialectique est-elle encore de la “théorie” ? Si nous disons théorie, c’est déjà faux. La théorie, c’est de la déduction à partir de principes fixes. Dans toute l’Amérique, on comprend toujours la théorie économique, et en général la théorie dialectico-matérialiste ainsi : on déduit de l’économique. Tout cela a quelque chose de fétichiste... » (Le laboratoire de la dialectique de la raison. Discussions, notes et fragments inédits, trad. fr. par Julia Christ et Katia Genel, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013, p. 93).
8 Cette primauté de la « théorie » se retrouve sans peine dans des propositions aussi différentes que la dialectique négative d’Adorno, la théorie de l’agir communicationnel de Habermas, ou la théorie de la reconnaissance de Honneth. Même des ouvrages explicitement consacrés à la tâche du diagnostic du temps présent – par exemple, Raison et légitimité de Habermas ou, plus récemment, Das Recht der Freiheit de Honneth – sont marqués par l’intention préalable de faire valoir des positions théoriques plutôt que de s’engager effectivement dans des disputes autour des diagnostics du temps disponibles, vers la production du diagnostic le plus complexe possible.
9 Le programme de recherche présenté dans la contribution d’Olivier Voirol dans ce volume constitue une exception remarquable à cet état de choses.
10 Dans ses brèves remarques conclusives, Katia Genel (Autorité et émancipation : Horkheimer et la Théorie critique, Paris, Payot, 2013, p. 430) paraît suivre une direction semblable, quoiqu’elle privilégie d’autres aspects que celui du changement de la conception du travail interdisciplinaire. Katia Genel parle d’« une voie d’analyse constante et développée parallèlement à l’approche socio-psychologique dès le milieu des années 1930 : l’analyse anthropologique contenant une critique de l’individu et de ses transformations dans la transition du libéralisme à l’autoritarisme ». Elle explique encore l’« approche socio-psychologique » dans les termes suivants : « Nous appelons cette voie “socio-psychologique”, en traduisant sozialpsychologisch, plutôt que “psycho-sociologique” pour distinguer la méthode utilisée par les théoriciens critiques (fondée sur une certaine intégration de la psychanalyse dans la théorie de la société) de la psychologie sociale comme discipline académique, et du “psycho-sociologique” où le facteur psychologique tend à primer ». Nous croyons aussi que John Abromeit s’approche d’une reconstruction de ce type, quoique le bilan qu’il dresse de ce mouvement ne soit pas positif dans la mesure où il éloigne plutôt Horkheimer de son matérialisme des années 1930, ce qui fait que La dialectique de la raison représente un mouvement vers l’abstraction, vers la perte de la teneur historique qui caractérise un travail comme « Égoïsme et émancipation » (voir en particulier l’« Épilogue », in John Abromeit, Max Horkheimer and the Foundations of the Frankfurt School, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 425-432).
11 Il ne sera malheureusement pas possible ici d’établir un dialogue avec la contribution de Christoph Menke à ce volume (notamment sa toute première partie), qui porte sur quelques-uns des traits décisifs de cette « anthropologie ».
12 Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, Briefwechsel, vol. II : 1938-1944, éd. par Christoph Gödde et Henri Lonitz, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2004, p. 453. Dans des « Notes et esquisses de la Dialectique de la raison », datées de 1939/1940 et 1942, Horkheimer a écrit dans le sens de ce projet formulé par Adorno, soulignant aussi bien l’importance du « règne du monopole » que les convergences et les différences de la « nouvelle anthropologie » par rapport à Marx : « La pensée dialectique ne peut absolument pas être indifférente à l’égard de la forme spécifique de déshumanisation qui s’accomplit au sein de l’homme sous le règne du monopole. Elle perpétue et prolonge la réification qui appartient de manière essentielle au capitalisme. La doctrine selon laquelle l’homme s’est transformé en appendice de la machine doit être différenciée en fonction des conditions actuelles, elle doit être prolongée et appliquée aux questions historiques » (Le laboratoire de la Dialectique de la raison. Discussions, notes et fragments inédits, trad. fr. par Julia Christ et Katia Genel, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013, p. 161).
13 Max Horkheimer, Theodor W. Adorno, La dialectique de la Raison. Fragments philosophiques, trad. fr. par Éliane Kaufholz, Paris, Gallimard, 1974, p. 13. Voir l’original : Max Horkheimer, Theodor Adorno, Dialektik der Aufklärung, in Max Horkheimer, Gesammelte Schriften, vol. V, éd. par Alfred Schmidt et Gunzelin Schmid Noerr, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1987, p. 16. Dans la suite de cet article toutes les pages données entre parenthèses directement dans le texte renvoient à ces deux éditions, la page de l’édition française étant toujours donnée en premier. Toutes les traductions ont été modifiées.
14 Sur ce sujet, voir, par exemple, Helmut Dubiel, Wissenschaflsorganisation und politische Erfahrung. Studien zur frühen Kritischen Theorie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1978, et Wolfgang Bonß, « The program of interdisciplinary research and the beginnings of critical theory », in Wolfgang Bonß, Seyla Benhabib, John McCole (dir.), On Max Horkheimer : New Perspectives, Cambridge (Mass.), Massaschussets Institute of Technology Press, 1993. Plus récemment, John Abromeit, Max Horkheimer and the Foundations of the Frankfurt School, Cambridge, Cambidge University Press, 2011.
15 Dans la version de 1969, cette « anthropologie » est qualifiée en outre de « dialectique » (p. 20 / p. 23).
16 Cette primauté accordée à la théorie freudienne sur d’autres sources importantes – par exemple Schopenhauer ou Nietzsche – constitue une hypothèse supplémentaire qui ne pourra pas être approfondie ici : de nombreux éléments majeurs devraient être interprétés en tenant compte de cette « nouvelle anthropologie » qui surgit essentiellement d’une appropriation de constellations conceptuelles freudiennes. Même si son but et son cheminement diffèrent, Katia Genel (Autorité et émancipation : Horkheimer et la Théorie critique, Paris, Payot, 2013, en particulier p. 155-164) fait également ressortir l’importance d’une telle anthropologie fondée sur des motifs psychanalytiques radicalement transformés. Une version antérieure de l’appropriation freudienne d’Adorno et Horkheimer développée ici se trouve dans la thèse d’inara Luisa Marin : « Narcissisme et reconnaissance : les aléas de la psychanalyse dans la Théorie critique », thèse de doctorat, Paris, université Denis Diderot-Paris VII, soutenue le 12 février 2009.
17 La référence classique est ici Habermas et son objection d’une « contradiction performative » dans laquelle Horkheimer et Adorno se seraient fourvoyés : « Horkheimer et Adorno choisissent une autre voie [que Nietzsche et Foucault] en attisant et en refusant de résoudre la contradiction performative d’une critique de l’idéologie qui renchérit sur elle-même, contradiction qu’ils renoncent à vouloir surmonter par la théorie » (Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la. modernité, trad. fr. par Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Paris, Gallimard, 1988, p. 153).
18 Aussi importante que soit cette référence (et elle l’est), nous n’entrerons pas dans la version hégélienne de cette notion, particulièrement dans le contexte de la Phénoménologie de l’esprit.
19 Cette hypothèse pourrait également aider à expliquer par exemple la fameuse affirmation, elle-même d’une violence linguistique difficilement traduisible : « Seule une pensée qui se fait violence à elle-même a la dureté nécessaire pour briser les mythes. » (p. 22 / p. 26)
20 Comme dans la « Digression I » : « La ratio qui refoule la mimésis n’est pas sa simple contrepartie. Elle est elle-même mimésis : mimésis de la mort. » (p. 70 / p. 81) Nous proposons ci-après une interprétation possible de la mimésis en termes de « pulsion » (Trieb), en nous efforçant d’expliquer comment Horkheimer et Adorno arrivent à une formule comme celle de « mimésis de la mort ».
21 Dans La dialectique de la raison, on constate la primauté de certains écrits freudiens, ce qui peut s’expliquer aussi comme une sorte de solution de compromis entre Horkheimer et Adorno, compte tenu de leurs désaccords sur de nombreux aspects, en particulier sur Schopenhauer. Voir, par exemple, le protocole de discussion du 3 octobre 1946 (in Max Horkheimer, Gesammelte Schriften, éd. par Alfred Schmidt et Gunzelin Schmid Noerr, vol. XII, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1985, p. 594-597). C’est dans ce contexte qu’un livre comme Au-delà du principe de plaisir devient central, par exemple. Une telle solution de compromis peut également avoir entraîné l’acceptation par Horkheimer de la formulation d’Adorno selon laquelle « la coïncidence authentique de la théorie marxiste et de la psychanalyse ne réside pas dans des analogies comme celle de l’infrastructure et de la superstructure avec le Moi et le Ça, mais dans le caractère fétichiste des marchandises et dans le caractère fétichiste des êtres humains » (Lettre d’Adorno à Erich Fromm du 16 novembre 1937, in Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, Briefwechsel, vol. I : 1927-1937, éd. par Christoph Gödde et Henri Lonitz, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2003, p. 540). Sur ce point, voir l’argumentation éclairante de Katia Genel, Autorité et émancipation : Horkheimer et la Théorie critique, Paris, Payot, 2013, en particulier p. 152.
22 Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, Briefwechsel, vol. II : 1938-1944, éd. par Christoph Gödde et Henri Lonitz, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2004, p. 454. Ce n’est certainement pas par hasard non plus qu’Au-delà du principe de plaisir soit le texte freudien de référence des développements théoriques de la troisième partie de l’essai de Benjamin « Sur quelques thèmes baudelairiens » (Walter Benjamin, Œuvres, trad.fr. par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, t. III, Paris, Gallimard, 2000, p. 336 sq. ; Walter Benjamin, Gesammelte Schriften, vol. 1.2, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1972, p. 612 sq.).
23 Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir, trad. collective, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 10 ; Sigmund Freud, Gesammelte Werke, vol. XIII, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1999, p. 10. Il nous est impossible, ici, de suivre la piste ouverte par Franz Leopold Neumann dans son article « The concept of political freedom » (Columbia Law Review, 53 [7], novembre 1953), où l’on peut trouver son hypothèse selon laquelle la théorie politique n’a que peu exploité les potentiels de cette notion d’« angoisse ». Neumann lui-même n’a pas pu l’explorer, en raison de sa mort peu après la publication de ce texte. Il semble néanmoins que Neumann ait eu l’intention de présenter un cadre explicatif alternatif, même si l’environnement conceptuel paraît très semblable à celui de La dialectique de la raison. Dans ce contexte on ne doit pas oublier que Marcuse a poursuivi cette piste – à sa manière – à la même époque, ce qui est visible dans Éros et civilisation, par exemple.
24 Sigmund Freud, Inhibition, symptôme et angoisse (« Compléments à propos de l’angoisse »), trad. fr. par Olivier Mannoni, Paris, Payot & Rivages, 2014, p. 217 ; Sigmund Freud, « Hemmung, Symptom und Angst » (« Addendum B »), in Gesammelte Werke, vol. XIV, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1991, p. 197 sq.
25 Comme on peut le lire dans le Vocabulaire de la psychanalyse de Jean Laplanche et Jean-Baptiste Pontalis : « Dans l’ensemble, la signification du terme d’effroi (Furcht) n’a pas varié chez Freud. On notera seulement qu’après Au-delà du principe de plaisir, le terme tend à être moins employé. L’opposition que Freud avait tenté d’établir entre les deux termes d’angoisse (Angst) et d’effroi (Furcht) va se retrouver, mais sous la forme de différentiations à l’intérieur de la notion d’angoisse, notamment dans l’opposition entre une angoisse qui survient “automatiquement” dans une situation traumatique, et le signal d’angoisse qui implique une attitude d’attente active (Erwartung) et protège contre le développement de l’angoisse. » (Paris, Presses universitaires de France, 1992, p. 129) Traduit dans les termes de l’argument développé ici, cela signifie que Horkheimer et Adorno se seraient plutôt appuyés sur le Freud d’Au-delà du principe de plaisir que sur ses écrits postérieurs pour construire la « constellation de l’effroi » spécifique qui caractérise plus généralement La dialectique de la raison.
26 Sigmund Freud, « Hemmung, Symptom und Angst », in Gesammelte Werke, vol. XIV, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1991, p. 198 (en français : Sigmund Freud, Inhibition, symptôme et angoisse [ « Compléments à propos de l’angoisse »], trad. fr. par Olivier Mannoni, Paris, Payot & Rivages, 2014, p. 218 sq.).
27 Les notes, écrits préparatoires et protocoles de discussions de La dialectique de la raison constituent, dans leur ensemble, un témoignage vivant de cette procédure de dévoilement du caractère positiviste de la psychanalyse, ainsi que de son potentiel pour une appropriation par la théorie critique de la société (Max Horkheimer, Gesammelte Schriften, vol. XII, éd. par Alfred Schmidt et Gunzelin Schmid Noerr, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1985). Voir, en particulier, les débats de 1939, par exemple le passage suivant des notes de Gretel Adorno visant à présenter l’hypothèse de Horkheimer selon laquelle l’analyse est centrale pour comprendre la psychologie et sa fonction sociale : « Dès le début, l’analyse a eu pour fonction de s’imposer à l’hystérique, en ce qu’elle la réconcilie avec l’existant, avec le “besoin vital” que Freud hypostasie. L’analyse sert à l’uniformisation des hommes. Si le sorcier est le précurseur de l’hystérique, la forme ancienne de l’analyse n’est donc pas simplement la confession, comme il l’aimerait, mais, en vérité, l’Inquisition. La psychologie a été inventée pour contraindre les hommes à continuer d’avancer. La découverte de l’individuel, à son origine, est identique au fait de l’enchaîner. Il s’agira d’identifier l’analyse au positivisme. L’invention de l’individuel est déjà un moyen d’oppression » (p. 442 sq.). Ici, une fois de plus, la marque de « l’effroi » est présente dans la référence au « besoin vital ». Parce que, en réalité, Freud n’utilise pas le mot « Lebensnot », mais « ananké » (écrit en caractères grecs). Et « ananké », c’est « la loi implacable de la nature », qui est source de « danger réel » (Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir, trad. collective, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 44 ; Sigmund, Freud, Gesammelte Werke, vol. XIII, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1999, p. 47. Voir également Sigmund Freud, Totem et tabou, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 115 ; Sigmund Freud, Gesammelte Werke, vol. IX, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1986, p. 114).
28 « Plutôt que le moulage [Anschmiegung] organique sur l’autre, plutôt que le comportement [Verhalten] mimétique authentique, la civilisation a mis en avant, dans sa phase magique, la manipulation organisée de la mimésis, et, finalement, dans sa phase historique, la praxis rationnelle, le travail. La mimésis incontrôlée est mise hors la loi. » (p. 189 / p. 210)
29 C’est en ce sens que je comprends aussi les analyses que fait Katia Genel des écrits sociologiques d’Adorno, « notamment ceux qui appartiennent à la constellation des Études sur la personnalité autoritaire » (Katia Genel, Autorité et émancipation : Horkheimer et la Théorie critique, Paris, Payot, 2013, p. 308 sq.). Plus précisément : « Adorno interroge la susceptibilité au fascisme dans les conditions démocratiques en mettant l’accent sur “l’aspect psychologique de l’analyse de la propagande”, plutôt que sur “le contenu objectif de cette propagande” ; mais il s’agit d’une voie d’accès psychologique aux problèmes économiques, politiques et sociologiques, et non d’un réductionnisme psychologique comme cela a pu lui être reproché » (ibid., p. 308 ; les citations proviennent du texte d’Adorno « Antisémitisme et propagande fasciste »).
30 On peut penser ici au Habermas des « sciences reconstructives » du tout début des années 1970, jusqu’au Honneth des « paradoxes du capitalisme », programme de recherche qu’il a formulé après être devenu directeur de l’Institut de recherche sociale en 2001.
31 Sur ce point, voir Marcos Nobre, « Staatskapitalismus gestern und heure », Zeitschrift für kritische Theorie, 17, 2003. L’expression « primauté du politique sur l’économique dans des conditions non socialistes » provient d’un autre texte remarquable de Helmut Dubiel, son « Introduction » au recueil d’articles de Friedrich Pollock qu’il a édité (Stadien des Kapitalismus, Munich, Beck, 1975).
Notes de fin
* Une partie de l’argumentation, relevant de l’analyse de La dialectique de la Raison en tant que « nouvelle anthropologie », a été développée en collaboration avec Inara Luisa Marin. Une version approfondissant cet aspect du présent texte est parue dans Illusio (14-15, 2014) sous le titre « Une nouvelle anthropologie. Vers une lecture psychanalytique de l’unité critique de La dialectique de la Raison ». Les traductions ont été systématiquement révisées par l’auteur.
Auteur
Professeur de philosophie à l’Universidade Estadual de Campinas (UNICAMP), chercheur au Centro Brasileiro de Análise e Planejamento au Brésil. Il est l’auteur de A dialética negativa de Theodor W. Adorno. A ontologia do estado falso, São Paulo, Iluminuras, 1998 et de Curso livre de teoria crítica, Campinas, Papirus, 2008.
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