1 Antoine Dolcerocca et Gokhan Terzioglu, entretien avec Thomas Piketty, « Piketty Responds to Criticisms from the Left », Potemkin Review, 6 janvier 2015, document en ligne, consulté le 23 août 2019 : http://www.potemkinreview.org/pikettyinterview.html. Piketty renouvelle sa proposition dans le magazine Marianne : « Je pense que la France devrait s’engager dans un bras de fer avec l’Allemagne, avec à ses côtés l’Italie, la Grèce, peut-être l’Espagne [...] », dans « Il faut engager un bras de fer avec l’Allemagne », Marianne, no 947, 12-18 juin 2015, p. 25-28.
2 L’ouvrage de Henri Massis, Allemagne d’hier et d’après-demain, Paris, Éditions du Conquistador, 1949, illustre ce scepticisme français.
3 Je cite l’Esquisse d’après le tapuscrit conservé aux archives de la Hoover Foundation, ici p. 11. Le texte de 61 pages comporte en fin de document la date du « 27/VIII/45 ». Il contient des corrections manuscrites. J’ai présenté le tapuscrit à Victor Gourevitch qui avait étudié à Chicago dans les cours de Leo Strauss et qui, sur la suggestion de ce dernier, s’était rendu à Paris durant l’année universitaire 1950-1951 pour aider Alexandre Kojève à la traduction en anglais de son Introduction à la lecture de Hegel (la traduction de J.H. Nichols Jr. est parue seulement en 1980). Gourevitch considère les corrections manuscrites du tapuscrit comme étant vraisemblablement de Kojève lui-même : « I am quite confident that the inked-in corrections in this interesting typescript are in Kojève’s hand » (e-mail du 29 avril 2015). Selon les renseignements des archivistes de la Hoover Foundation, à Stanford, la provenance du tapuscrit est inconnue.
4 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 7.
5 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 55.
6 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 20.
7 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 22. Ici Kojève songeait peut-être davantage au calvinisme qu’au luthéranisme.
8 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 25.
9 Citation de l’article de Piet Tommissen (dir.), Schmittiana. Beiträge zu Leben und Werk Carl Schmitts, vol. 6, Berlin, Duncker & Humblot, 1998, p. 126-143, extrait p. 139. Cf. aussi Henning Ottmann, « Kojève und Carl Schmitt. Neue Nachrichten vom Ende der Geschichte und vom Ende der Staatenpolitik », Hegel-Jahrbuch, no 1, 2002, p. 176-182. Dans une lettre à Nicolaus Sombart, Schmitt fait le récit de la conférence de Dusseldorf. Il admirait « l’intelligence extraordinaire de Kojève » : « Pour ceux qui le comprenaient, il était tout simplement un génie. » Schmitt partageait avec Kojève cet intérêt pour les réflexions sur la géopolitique : la planète n’était pas encore un « espace de développement homogène », les « marchés » des États nationaux étaient devenus trop exigus. Il fallait réfléchir à de « nouvelles agglomérations ». Manifestement Kojève n’avait pas informé Schmitt de ses réflexions sur la formation d’une nouvelle « agglomération » qu’il avait déjà présentée en 1945 dans sa proposition de fonder un Empire latin. Carl Schmitt à Nicolaus Sombart, le 3 février 1957, dans Martin Tielke (dir.), Schmitt und Sombart. Der Briefwechsel von Carl Schmitt mit Nicolaus, Corina und Werner Sombart, Berlin, Duncker & Humblot, 2015, p. 96-100.
10 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 31-32.
11 Alexandre Kojève, Esquisse d’une doctrine de la politique française, Stanford, Hoover Institution Archives, 1945, p. 52.
12 Charles de Gaulle, « Déclarations au correspondant parisien du Times » (10 septembre 1945), dans id., Discours et messages. Pendant la guerre (juin 1940-janvier 1946), Paris, Plon, 1970, p. 617. De Gaulle s’exprima à nouveau sur ce problème quelques semaines plus tard seulement, dans un discours prononcé à Baden-Baden : « Cette Ruhr est à la fois un gage et un instrument. Un gage, car sans elle, l’Allemagne ne pourra se relever, et une fois de plus, nous menacer, nous attaquer et nous envahir. Un instrument, pour le relèvement de l’Europe occidentale et en particulier un instrument qui devra aider la France à devenir une grande puissance industrielle, mais qu’elle ne peut atteindre qu’au moyen de la contribution de ce bassin minier », dans Charles de Gaulle, « Allocution prononcée au Kurhaus à Baden-Baden, le 5 octobre 1945 », dans id., Lettres, notes et carnets (mai 1945-juin 1951), Paris, Plon, 1984, p. 96.
13 Francis Fukuyama a popularisé ces réflexions de Kojève dans les années 1990. Cf. à ce sujet Erik Willem de Vries, A Kojèvean Citizenship Model for the European Union, Ph.D. diss., Ottawa, Carleton University, 2002, document en ligne, consulté le 7 août 2019 : https://curve.carleton.ca/system/files/etd/818dd9ce-f095-4e1b-ba2c-f7b7bdce3efa/etd_pdf/5c50b9feb1505f9897795e4e2f8ea3a6/devries-akojeveancitizenshipmodelfortheeuropeanunion.pdf.
14 Cf. Pierre Bourdieu, « Le Nord et le Midi. Contribution à une analyse de l’effet Montesquieu », Actes de la recherche en sciences sociales, no 35, novembre 1980, p. 21-25, ici p. 24.
15 Le philosophe américain Stanley Rosen, qui le rencontra régulièrement à Paris dans les années 1960, disait de Kojève qu’il avait « something of a farceur, although hardly a café-philosopher » – tout en le considérant, à l’instar de Leo Strauss, comme le penseur le plus brillant de sa génération. Cf. Stanley Rosen, « Kojève’s Paris: A Memoir », dans Florence Lussy (dir.), Hommage à Alexandre Kojève. Actes de la « Journée A. Kojève » du 28 janvier 2003, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2007, p. 68-85. De même, Victor Gourevitch, qui avait connu comme étudiant Kojève dans les années 1950 à Paris, raconte : « At times I experienced in his presence an intellectual power and concentration I have otherwise experienced only in the presence of great works of mind », dans id., « Prefatory Note » à la correspondance entre Strauss et Kojève, dans Leo Strauss, On Tyranny, édition corrigée et augmentée par Victor Gourevitch et Michael S. Roth, Chicago, The University of Chicago Press, 2013, p. 220.
16 Voir son abondante correspondance entre 1932 et 1965 : « Strauss-Kojève-Correspondence », dans Leo Strauss, On Tyranny, édition corrigée et augmentée par Victor Gourevitch et Michael S. Roth, Chicago, The University of Chicago Press, 2013, p. 221-314. À ce sujet, voir également Allan Bloom sur ses « études » avec Kojève à Paris : « After the war he became a bureaucrat in the French Economic Ministry, where he was occupied with the Common Market and GATT, presiding as he said over the end of history. It was in his office there that I studied with him from 1953 to his death. He was always willing to close his door and talk philosophy... He was the most brilliant man I ever met », dans id., « Alexandre Kojève », Giants and Dwarfs. Essays 1960-1990, New York, Simon & Schuster, 1990, p. 268, note de bas de page.
17 À partir d’ici, je me réfère librement – exception faite des citations – à la biographie de Kojève par Dominique Auffret, Alexandre Kojève. La philosophie, l’État, la fin de l’Histoire, Paris, Grasset, 1990. À propos de l’accueil de Kojève en Allemagne, notamment dans l’entourage de Carl Schmitt, cf. Piet Tommissen, « Zweimal Kojève », dans id. (dir.), Schmittiana. Beiträge zu Leben und Werk Carl Schmitts, vol. 6, Berlin, Duncker & Humblot, 1998, p. 9-143.
18 Dominique Auffret, Alexandre Kojève. La philosophie, l’État, la fin de l’Histoire, Paris, Grasset, 1990, p. 268.
19 Cf. Robert Marjolin, Le Travail d’une vie. Mémoires 1911-1986, préface de Raymond Barre, Paris, Robert Laffont, 1986.
20 Stanley Rosen, « Kojève’s Paris: A Memoir », dans Florence Lussy (dir.), Hommage à Alexandre Kojève. Actes de la « Journée A. Kojève » du 28 janvier 2003, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2007, p. 79. Stanley Rosen rapporte que Kojève employait généralement « moi, Kojève » en parlant de lui-même.
21 D’après Marco Filoni, la succession de Kojève de la Bibliothèque nationale de France contient une « version provisoire » du texte de décembre 1944 intitulée Le Trident. Esquisse d’une doctrine de la politique française : l’Empire latin ainsi que la version finale du 27 août 1945. Seule la version de 1944, écrit Filoni, présente des corrections manuscrites qui ne sont pas de Kojève, mais de Georges Bataille dont on reconnaît l’écriture sur une page de notes jointe. D’ailleurs, le tapuscrit, daté du 27 août 1945, comporte aussi des corrections manuscrites. Marco Filoni, Le Philosophe du dimanche. La vie et la pensée d’Alexandre Kojève, traduit de l’italien par Gérald Larché, Paris, Gallimard, 2010, p. 264-268.
22 Bibliothèque nationale de France, p. 86.
23 Dominique Auffret, Alexandre Kojève. La philosophie, l’État, la fin de l’Histoire, Paris, Grasset, 1990, p. 403 rem. 1 et p. 421 rem. 2.
24 Jacques Soustelle, « Latinité et hispanité », La sentinelle, no 196, 26 août 1946, p. 1. « Il n’y a plus de Pyrénées » : Louis XIV aurait prononcé ces mots lorsqu’il accorda le trône d’Espagne à son petit-fils Philippe d’Anjou.
25 Georges Canguilhem, « Hegel en France », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, nos 28-29, 1948, p. 282-297, ici p. 294-295.