Chapitre 3. Le sensible arbitraire
p. 73-122
Texte intégral
L’illusion de la couleur
1La question du regard est en jeu dès Perrault. Ces « proportions qui plaisent à la vue […] n’étant fondées que sur des observations à l’œil, toujours un peu incertaines », induisent le regard de celui qui les a conçues et les regards de ceux qui les contemplent, que ne peut ignorer le premier puisque l’un des buts de l’architecture est de plaire. Or il en est ainsi de tous les arts imitant la nature. Cette beauté qui doit plaire et saisir parcourt la querelle du dessin et du coloris à la fin du xviie siècle. Il ne s’agit pas ici d’en reprendre l’histoire1, mais de voir combien ses enjeux fondamentaux ont partie liée avec ceux des beautés arbitraires. Le coloris est une convention puisque la couleur, en ce qu’elle dépend de la lumière, des ombres et des reflets, n’est pas stable. On ne peut la dépeindre comme on représente une forme. L’artifice du coloris est ainsi l’essence de la beauté arbitraire d’un art au sujet duquel Roger de Piles affirme : « La peinture n’est faite que pour surprendre les yeux2. » Si l’on peut inscrire la pensée des partisans du dessin et du coloris dans un débat qui ne se conçoit pas en ces termes, c’est aussi parce que la « troisième espèce de beau » définie dans le dictionnaire de Trévoux est celui dit arbitraire ou artificiel.
2La querelle naît à l’Académie royale de peinture et de sculpture, après que Colbert a enjoint à ses membres de traiter de l’art de la peinture « d’une manière qui n’a jamais été pratiquée ailleurs », soit d’instruire les élèves en leur exposant « les ouvrages des plus savants peintres » et en leur faisant connaître « ce qui contribue le plus à la beauté et à la perfection de leurs tableaux3 ». Contrairement à ce que l’on dit en général de cette controverse, le débat ne s’est pas construit autour de Rubens, mais des peintres vénitiens du xvie siècle. Il est ainsi provoqué par une conférence sur un tableau de Titien ; six tableaux vénitiens en tout font l’objet de conférences, quand aucune n’aborde le peintre flamand ; enfin, le Dialogue sur le coloris publié par Roger de Piles, l’ardent partisan de la couleur, porte essentiellement sur Titien. Le 4 juin 1667, Philippe de Champaigne, professeur à l’Académie, consacre la deuxième conférence de l’Académie à La Mise au tombeau de Titien ; le 12 juin 1671, il choisit d’analyser pour la seconde fois un tableau du maître, considéré alors comme étant de sa main, La Vierge à l’Enfant avec sainte Agnès et saint Jean-Baptiste, qui vient d’entrer dans les collections royales (ill. 12)4.
« Le sujet de ce tableau, comme il se voit, est d’une Vierge assise qui tient le petit Jésus. Saint Jean-Baptiste semble faire avancer son agneau vers cette sainte qui est comme assise à terre, laquelle vraisemblablement est représentée pour sainte Agnès. Les nus de ces figures ont un air admirable, quoique le ciel soit clair et que le paysage ne soit pas brun. Cependant les carnations font un effet incomparable, et ont plus d’éclat que beaucoup de coloris qui sont avantagés par des fonds tout bruns, ce qui est un effet d’une possession extrême de cette belle manière de peindre que cet homme possédait au plus haut degré. Le petit Jésus est charmant. Cette jambe droite avance tout à fait bien, et il me semble que la tête de cette sainte, avec le petit Jésus, sont, à mon avis, les plus excellentes parties de ce rare tableau. Car il faut tomber d’accord qu’il ne se peut rien voir de plus tendrement fini et qui tient le plus du grand dans l’art de peindre, et il me semble que ce rare et savant coloriste a joint et ramassé dans son pinceau tout ce que l’on peut désirer pour bien peindre.
Ne faut-il pas avouer que ce paysage est extraordinairement beau ? Il est coloré et traité de la même force que les figures, sans affectation de le tenir brun pour les faire paraître en sorte qu’il semble que le clair et l’éclatant proche et derrière les carnations aient fait un pacte et un accord particulier avec ce savant imitateur de la nature pour ne se pas nuire les uns aux autres. Car l’on voit qu’il ne s’est pas soucié de faire tout ce que l’on fait d’ordinaire, de crainte de ne pas faire paraître les chairs. Pour lui, il ne s’en est pas mis en peine en bien des rencontres, comme il se voit par cette terrasse d’un jaune clair derrière la tête de la sainte, qui est une couleur qu’on évite d’ordinaire d’opposer aux carnations. Cependant vous voyez ici que cette rencontre, où il joint encore un troupeau de moutons, ne nuit nullement à l’éclat de la belle couleur de la tête de ladite sainte, ce qui est sans doute un effet de la grande et surdominante étude qu’il faisait de la diminution des couleurs, qu’il observait avec une pratique si juste qu’il rendait ses tableaux comme une seconde nature. L’on ne pourrait entreprendre de vouloir ôter cette surprenante qualité du charmant pinceau du Titien sans faire une grande injustice et se rendre méconnaissant d’un don qu’il a eu si particulièrement du Ciel que nul autre ne l’a égalé. Il faut avouer qu’il était né avec ce génie, et jamais les autres qui n’ont pas eu en partage ce beau don de la nature comme lui, nonobstant tous leurs efforts, ne l’ont pu égaler5. »
ill. 12 Titien, La Vierge à l’Enfant avec sainte Agnès et saint Jean-Baptiste, seconde moitié du xvie siècle, huile sur toile, 128 × 161 cm, Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. D 3744 (dépôt du musée du Louvre, 1946, inv. 744)

© Musée des Beaux-Arts de Dijon / François Jay, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/joconde/01370014297
3Le génie de Titien consacré par Philippe de Champaigne pour le coloris repose sur plusieurs critères de beautés arbitraires. La terrasse jaune placée derrière le visage blond de la sainte est l’un d’eux, qui enfreint les règles d’entente des couleurs juxtaposées, tout comme celui de refuser d’opposer teintes claires et sombres pour distinguer les figures du paysage dans lequel elles s’inscrivent. Cette analyse fine et sensible des beautés arbitraires du coloris prend sa source chez les théoriciens italiens de la couleur. Pour répondre aux Vies de Vasari qui condamnent la pratique des peintres vénitiens consistant à « peindre avec les seules couleurs sans dessin préparatoire » et à « dissimuler sous le charme des couleurs leur impuissance à dessiner », Lodovico Dolce publie à Venise en 1557 un Dialogue sur la peinture, intitulé l’Arétin. Au-delà du débat d’école opposant deux points de vue incarnés par le poète vénitien d’adoption l’Arétin et le grammairien toscan Fabrini, l’originalité du traité est d’introduire le coloris comme critère de jugement de la peinture. Dolce substitue en effet à la division albertienne – circumscriptio, compositio et receptio luminum –, adaptée des trois premières parties de la rhétorique antique selon Cicéron et Quintilien, une nouvelle tripartition autour de l’invention, du dessin et du coloris. L’emprunt de ce schéma lui permet de définir plus loin ce qu’il entend par coloris, distinct des couleurs, et d’ériger Titien en modèle absolu6.
« Qu’on ne croie pas que la force du coloris consiste dans le choix de belles couleurs, comme dans la belle laque, dans le bel azur, dans le beau vert et autres couleurs semblables, parce que celles-ci sont également belles sans qu’on les mette en œuvre7.
Il faut, à présent, que le mélange des couleurs soit nuancé et harmonieux de façon à ce qu’il imite la nature et n’offense pas les yeux. C’est le cas des lignes de contours, lesquelles doivent être estompées, parce qu’elles n’existent pas dans la nature ; c’est le cas aussi de la noirceur des ombres accentuées et discordantes. Et la difficulté majeure des couleurs réside dans l’imitation des chairs, et consiste dans la variété des teintes et de la douceur8. »
4Les termes italiens de color et colorito distinguent tout l’enjeu des couleurs pour elles-mêmes de leur agencement sur la surface peinte. Il s’agit de créer une harmonie parallèle à celle de la nature, afin de faire naître un « accord aimable », et de rendre le « tendre des chairs ». Dolce élabore ainsi la notion de morbidezza, cette idée de douceur, de mollesse et de suavité par laquelle le peintre parvient à faire osciller le spectateur entre les qualités visuelles et tactiles de la couleur. En réalité, « d’innombrables textes confirment que, face au disegno d’essence intellectuelle, la couleur représentait l’élément sensible et affectif9 ». Dans une conception magique de l’art, Lomazzo, le théoricien milanais aveugle, associe aux planètes les sept maîtres, dits gouverneurs de l’art, qui selon lui représentent chacun l’une des sept parties de la peinture. Titien, incarnant celle de la couleur, est lié à la lune, pour des raisons moins tirées de l’analyse absente de ses œuvres que de l’ouvrage philosophique d’Agrippa10. Dans le cadre du débat du paragone et en s’appuyant sur des critères philosophiques, Lomazzo définit la couleur comme une qualité distinctive de la peinture, fondement de la ressemblance à laquelle elle tend, lorsque le sculpteur ne peut imiter que la quantité. « Le peintre donc emploiera toute son étude pour devenir excellent coloriste, puisqu’en ce point consiste la dernière perfection de l’art11. »
5Titien acquiert le privilège de la couleur dans les traités de Dolce et de Lomazzo. En partie traduits et beaucoup lus en France, ils orientent la problématique du coloris et la question du vrai. Si la peinture de Raphaël et de Nicolas Poussin semble s’être imposée d’elle-même à l’Académie, la légitimité de Titien passe par ces textes. Dans chacune des six conférences consacrées à l’école vénitienne du xvie siècle, les peintres français tentent de déceler l’alchimie chromatique en jeu. Dès la première conférence sur un tableau de Titien, La Mise au tombeau, Philippe de Champaigne, qui s’est proposé de « remarquer de quelle sorte le Titien s’est conduit dans la distribution des couleurs et des lumières, en quoi on peut dire qu’il a excellé, et même surpassé les autres peintres », ne cesse d’observer et de démontrer tant la beauté des teintes que leur mystérieuse union (ill. 13)12.
« Il y a un de ces disciples dont le vêtement est d’une laque fort claire et fort vive, mais comme cet habit est retroussé, on en voit la doublure qui est de couleurs changeantes de vert et de rouge. […]
M. de Champaigne fit encore plusieurs remarques sur les autres parties de ce tableau, s’arrêtant à cette beauté de teintes qui paraît dans les carnations, à ces dispositions de couleurs si bien mises les unes auprès des autres dans les draperies, soit pour faire enfoncer les parties les plus reculées, soit pour faire avancer les plus proches, et encore pour produire cette douceur et cette union qui est si admirable dans les œuvres de ce peintre.
D’où l’on peut apprendre que, quand les couleurs sont bien traitées, le clair et le brun demeurent tantôt loin et tantôt proche, et que c’est la manière de disposer le sujet, les jours et les ombres, qui contribue encore à la force ou à l’affaiblissement des couleurs et qui sert beaucoup à faire fuir ou avancer les corps. […]
Mais surtout qu’on devait prendre garde comme ce peintre passe d’une couleur à une autre avec une douceur et une tendresse admirable, car entre cet habit vert et le manteau bleu de la Vierge, on voit le vêtement de la Madeleine qui est jaune, mais dont les bruns sont rompus et tiennent des différentes couleurs qui l’environnent, et ainsi une couleur ne tombe pas tout d’un coup du vert au bleu, ni du vert au jaune; car bien que la manche de la Madeleine soit d’un jaune fort vif et proche de l’habit vert de Nicodème, le Titien a bien su séparer ces deux couleurs en retroussant la manche de Nicodème contre le jaune, et faire que de l’ombre des unes l’on passe à l’ombre des autres, en sorte que les couleurs vives ne tranchent pas sur celles qui ont autant de vivacité ou qui sont aussi éclairées, observant toujours cette maxime qui lui a été particulière de faire de grandes masses de brun et de grandes masses de clair.
C’est encore pour conserver cette même harmonie de couleurs et cette belle union de teintes que saint Jean est vêtu d’un manteau rouge, relevé d’un peu de jaune sur les clairs. Car ainsi il s’accorde fort bien avec l’habit vert de Nicodème ; il s’unit agréablement à la robe de la Madeleine et ne s’éloigne pas du vêtement rouge de Joseph d’Arimathie, et de plus il sert à faire paraître davantage le bras du Christ qui passe par-dessus.
La robe bleue de la Vierge est même rompue dans les ombres avec un peu de rouge. Et l’on voit que toutes les extrémités des corps tiennent toujours quelque chose de ce qui leur sert de fond13. »
ill. 13 Titien, La Mise au tombeau, xvie siècle, huile sur toile, 148 × 212 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 749

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6Les couleurs rompues de demi-teintes et de reflets, les valeurs colorées des transitions diaprées, les modulations tonales dans les passages subtils entre les teintes et le ton secret qui unit les contrastes d’ombres et de lumières, sont autant de ressources pour construire la magie artificielle et arbitraire du coloris. La valeur symbolique des couleurs est occultée pour ne retenir que leur valeur expressive. Les catégories descriptives élaborées par Champaigne font de la surface peinte le lieu de l’œuvre. Son discours ne s’attache ni à la narration, ni à sa signification. Il témoigne d’une nouvelle acception de la forme sensible qu’est le tableau, entre surface de description et art de dépeindre. La couleur, en ce qu’elle est le visible dans la peinture et le visible de la peinture, opère le passage du lire au voir. Cette admiration sans réserve pour le coloris vénitien se fonde aussi sur l’harmonie mystérieuse entre les figures et la nature, ainsi que la poésie qui s’en dégage.
7Depuis Vasari, Titien est considéré comme un maître du paysage et cette idée n’est pas remise en cause au milieu du xviiie siècle. Ainsi, « personne ne s’est plus attaché à imiter la nature que Titien ; l’on pourrait dire qu’elle était jalouse de son pinceau […]. Ses paysages, par l’intelligence des couleurs, étonnent, trompent et ravisent tout le monde : ils ont fait dire que, par leur magie, ils appellent à eux le spectateur14 ». Dezallier d’Argenville loue avec le même enthousiasme les paysages de Jacopo Bassano et de Giorgione, qui « ne sont pas moins estimés et dont la touche égale le beau ton de couleur15 ». Sorte de parangon du paysage vénitien, La tempête offre ce lien mystérieux entre l’imagination et la nature, écrin de deux figures à l’histoire indicible, tout comme le nu déployé dans l’espace du paysage de la Vénus endormie de Dresde (ill. 14 et 15)16. La beauté de leur accord singulier dans la campagne vénitienne fait naître une poésie idyllique qui semble reconstruire l’harmonie du cosmos. Les allégories énigmatiques ou transparentes de Giorgione entraînent dans leur sillage les poesia de Titien, reposant sur la même idée de mise en scène poétique de figures dans des paysages. Les sujets all’antica que commande au peintre entre 1518 et 1525 Alphonse d’Este, duc de Ferrare, illustrent certes les récits d’Ovide et de Philostrate, mais ces trois tableaux destinés à orner son cabinet, soit sa pièce la plus personnelle, prodiguent un charme et une séduction qui doivent peu à leurs thèmes littéraires17. Après leur pillage par le cardinal Aldobrandini lors de la prise de Ferrare en 1598 et leur passage dans les collections Ludovisi, puis Barberini, ils sont exposés à Rome au xviie siècle et suscitent un enchantement coloriste qui inspire un véritable néovénitianisme18. La poésie de La bacchanale des Andriens est peut-être celle qui séduit le plus les peintres, opposant et mêlant carnations claires et foncées, chairs dénudées et draperies scintillantes, les effets vaporeux des frondaisons sombres et dorées sur un ciel outremer déchiré en son centre par les blancs striés d’or, d’argent et de rose d’un nuage et les voiles étincelantes d’un navire voguant dans le lointain de l’horizon. Surtout, au premier plan, le nu féminin allongé au visage renversé, dévoilant sa beauté pleine et charnelle, semble incarner l’acmé des qualités expressives de la couleur (ill. 16)19.
ill. 14 Giorgione da Castelfranco, La tempête, 1500-1510, huile sur toile, 82 × 73 cm, Venise, Galleria dell’Academia, inv. BEN-F-001903-0000

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ill. 15 Giorgione da Castelfranco, Vénus endormie, 1508-1510, huile sur toile, 108,5 × 175 cm, Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister, Staatliche Kunstsammlungen, inv. 185

© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Hans-Peter Klut, https://www.photo.rmn.fr/archive/09-501282-2C6NU0TAYP1V.html
ill. 16 Titien, La bacchanale des Andriens, 1523-1526, huile sur toile, 175 ×193 cm, Madrid, musée du Prado, inv. P000418

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8Les chairs dépeintes par Titien sont l’objet de tant de louanges parce qu’elles sont « vraies et vivantes » dans le souvenir de Lomazzo, « palpables » selon Dolce qui, décrivant la figure d’une jeune fille dans La bataille de Cadore, écrivait : « et il semble que cette jambe soit de véritable chair, et non de peinture20 ». Les carnations, dont peintres et théoriciens de l’âge moderne vantent la douceur et la beauté, renvoient à l’incarnat, cette couleur entre le rose et le rouge qui rappelle celle de la chair diaphane colorée par le passage du sang dans les veines. Avant la publication de son traité, Dolce évoquait déjà « ce coloris tellement de chair » dans une lettre adressée en 1553 à Alessandro Contarini, au sujet d’un tableau peint par Titien pour Philippe II d’Espagne représentant Vénus et Adonis21.
« Je vous jure, Monseigneur, qu’il n’existe pas d’homme aux sens assez endormis, pour ne pas se sentir réchauffer, attendrir et émouvoir [sic] dans tout son être. S’il est vrai qu’une statue de marbre peut, par sa beauté, bouleverser profondément un jeune homme, faut-il s’étonner que cette femme, qui est de chair et qui est la beauté en personne, à tel point qu’on croit la voir respirer, en fasse de même22 ? »
9Ce coloris quasi vivant et naturel donne au corps de Vénus sa grâce et sa sensualité. De l’alchimie du coloris naît l’émerveillement d’un corps sensible. La contemplation se double d’un sens tactile dans lequel la couleur apparaît comme la vertu charnelle du nu dépeint. La réussite du coloris se manifeste dans ses effets, qui déterminent en retour sa valeur. Voir, éprouver, ressentir et désirer sont désormais liés dans l’expérience de la métamorphose des couleurs en chairs. Le coloris, fort de « tout son pouvoir de trouble, d’aura, d’évanescence et d’apparition23 », parvient dans son ultime capacité à éveiller un désir chez le spectateur. Georges Didi-Huberman élabore la notion d’un coloris-chair ou caresse, par lequel le peintre insuffle autant vie et tendresse aux chairs, par l’incarnat sous-jacent à la peau, qu’un désir d’amour. Sans doute le rôle de tout coloris est-il alors d’excéder les propriétés intrinsèques des couleurs, de les transformer au nom d’une mimesis picturale. Félibien n’écrit-il pas que Titien « a toujours représenté la chair comme une véritable chair24 » ? Si le tableau cité par Dolce est celui conservé au musée du Prado, les nombreuses versions de ce sujet sorties de l’atelier de Titien montrent toutes les nuances auxquelles peut se prêter le coloris et le succès de l’effet provoqué (ill. 17)25. Ce faisant, l’expérience intime de contemplation devient doxa.
ill. 17 Titien, Vénus et Adonis, v. 1555-1560, huile sur toile, 162 × 198,5 cm, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 92.PA.42

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10Dans une lettre adressée au cardinal Farnèse le 20 septembre 1544, Giovanni della Cara confesse au sujet d’une Danaé commandée par Ottavio Farnèse à Rome : « Titien a presque terminé un nu qui risquerait d’éveiller le démon chez le cardinal San Silvestro. Le nu que Monseigneur a vu à Pesaro dans les appartements de Monsieur le duc d’Urbino [la Vénus d’Urbino], est une religieuse à côté d’elle26 » (ill. 18). Selon Jacqueline Lichtenstein, « le plaisir de la couleur est un plaisir de l’œil ; il l’est même au suprême degré. Mais, dans la mesure où il naît du spectacle de la chair, il s’exprime d’emblée sous la forme d’un désir de toucher qui jamais ne franchit la limite que l’ordre de la représentation lui impose. […] L’émotion soulevée par l’imitation réussie des chairs fait vaciller la perception entre la surprise et la caresse, donnant au regard une sensibilité en quelque sorte hallucinatoire : la vue devient alors comme un toucher27 ». Cependant, conférer aux couleurs peintes les qualités tactiles et sensuelles de chairs réelles, parvenir à rendre tangibles leur frémissement et leurs vicissitudes, entraîne un émerveillement qui n’est pas tant un désir de toucher qu’un désir de voir. Cette perfection de la peinture, selon les mots du temps, relève d’un artifice rare qui préoccupe peintres et théoriciens.
ill. 18 Titien, Danaé, 1545-1546, huile sur toile, 120 × 146 cm, Naples, musée de Capodimonte, inv. CSE-S-000416-9623

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La lumière arbitraire de la peinture
11Si l’alchimie du coloris est artificielle, l’imitation de la nature n’est pas arbitraire. Les coloristes qui recherchent le beau naturel ne sont donc pas arbitraires. Les règles pour la peinture et la sculpture diffèrent de celles de l’architecture. L’enjeu est le « vrai ». Titien, même s’il fait des fautes de dessin, est plus près de la nature. On peut passer sur des défauts au nom de grandes beautés arbitraires, ainsi que le soutient André Félibien en rapportant le jugement de Michel-Ange sur Titien : « et quand Michel-Ange admirait sa Danaé, et qu’il y souhaitait autant de grandeur de dessein qu’il y avait de beauté de couleurs, c’était pour voir un ouvrage achevé et un chef-d’œuvre de l’art qui n’a peut-être jamais été fait28 ».
12Abraham Bosse, le plus mathématicien des académiciens29, reprend en France dès 1649 l’idée de Dolce pour distinguer les différents coloris. Évoquant, dans ses Sentiments sur la distinction des diverses manières de peinture, les « formes très bizarres » dessinées par Bartholomaeus Spranger, Jacques Bellange et Hendrik Goltzius, il observe : « De même faisaient-ils au coloris, le composant souvent d’un tel variement [sic] de couleurs, que la carnation, tant en ses jours, teintes, demi-teintes, ombres et ombrages, et le grand nombre de réflexions [reflets] fortes représentaient plutôt à l’œil un coloris d’agate ou autres pierres de diverses couleurs, que de la chair30. » Sans doute le coloris brillant, satiné et translucide de la Danaé peinte par Hendrik Goltzius pouvait-il suggérer cette analogie pour un regard du temps (ill. 19)31. Plus loin, Bosse avoue au sujet d’Annibal Carrache : « Sa manière de peindre, laquelle est à mes yeux extrêmement franche, pleine et libre, faisant expression d’une chair ferme, mais non à la vérité si tendre, fraîche, vermeille et délicate que celle du Titien32. » Son éloge est tout entier voué aux « excellents ouvrages » de ce dernier, « dont le coloris est si beau, si vif et si frais, en un mot tellement de chair, qu’il est inimitable aux copistes. […] Sa manière de peindre […] touchée si à propos […] fait un effet merveilleux de loin. Il a eu un grand goût et génie aux paysages, encore qu’ils ne peuvent guère satisfaire, ceux qui n’ont pas les yeux ouverts à reconnaître ce qu’il y a de plus beau et extraordinaire33 ».
ill. 19 Hendrik Goltzius, Danaé, 1603, huile sur toile, 173,5 × 200 cm, Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, inv. M.84.191

© Los Angeles County Museum of Art, Gift of The Ahmanson Foundation, https://collections.lacma.org/node/249001 (domaine public)
13En ajoutant la distinction de l’arbitraire du génie dont on ne peut connaître ni la règle ni le secret, et auquel peuvent seuls accéder ceux qui en ressentent l’expression, Bosse énonce ce que Hegel définit plus tard comme le comble et l’idéal du coloris34. Selon Roger de Piles, « une belle intelligence de couleurs ne se trouve que dans un très petit nombre de tableaux35 ». Cette beauté énoncée comme parangon suggère a priori un jugement sans équivoque ; mais, pour être, elle doit être perceptible. La qualité immédiate de la beauté en peinture est d’appeler l’œil et sa manifestation doit être une surprise. Roger de Piles relate à cet égard la recherche de la beauté invisible des œuvres du plus grand modèle italien pour ses contemporains : Raphaël.
« C’est un fait qui passe pour constant, que de l’aveu de plusieurs personnes, on a vu souvent des gens d’esprit chercher Raphaël au milieu de Raphaël même, c’est-à-dire au milieu des salles du Vatican, où sont les plus belles choses de ce peintre ; et demander en même temps à ceux qui les conduisaient, qu’ils leur fissent voir des ouvrages de Raphaël, sans qu’ils donnassent aucune marque qu’ils en fussent frappés au premier coup d’œil, comme ils se l’étaient imaginés sur le bruit de la réputation de Raphaël. L’idée qu’ils avaient conçue des peintures de ce grand génie ne se trouvait pas remplie ; parce qu’ils la mesuraient à celle que naturellement on doit avoir d’une peinture parfaite. Ils ne pouvaient s’imaginer que l’imitation de la nature ne se fit pas sentir dans toute sa vigueur et dans toute sa perfection, à la vue des ouvrages d’un peintre si merveilleux. Ce qui fait bien voir que sans l’intelligence du clair-obscur, et de tout ce qui dépend du coloris, les autres parties de la peinture perdent beaucoup de leur mérite, au point même de perfection où Raphaël les a portées. Je puis donner ici un exemple assez récent du peu d’effet que produisent d’abord les ouvrages de Raphaël. [Suit le récit de la visite de M. de Valincourt] passant indifféremment à travers les salles, il ne s’apercevait pas qu’il avait devant les yeux ce qu’il cherchait avec tant d’empressement. […] Qu’eût-ce été si s’en retournant charmé à la vue de tant de belles choses, Raphaël l’avait d’abord appelé lui-même par l’effet des couleurs propres à chaque objet, soutenues d’un excellent clair-obscur36 ? »
14La beauté inhérente à l’œuvre serait ainsi la surface dépeinte qui lui appartient en propre face à l’ekphrasis. Comme en architecture, la beauté arbitraire du coloris repose sur des « exemples équivoques [qui] ne sont pas des règles tout à fait indispensables37 ». Comment comprendre d’où provient la beauté ? Sans doute en ne s’arrêtant pas à la surface, mais à l’exécution, à ce qui constitue réellement la profondeur d’une œuvre. Lorsque Roger de Piles enjoint aux peintres d’imiter la touche des grands maîtres à partir de leurs estampes et de leurs dessins, il donne la matière sur laquelle peut s’exercer une ingéniosité à acquérir le coloris de Titien (ill. 20 et 21)38.
« Ceux qui commencent à peindre le paysage apprendront d’abord plus en réfléchissant sur ses estampes et en les copiant qu’ils ne feraient d’après les tableaux. [Ce faisant, les jeunes peintres pourront acquérir] une habitude d’imiter la touche de ces grands maîtres […]. Et après avoir beaucoup étudié et copié à la plume et au crayon Titien et les Carrache, leurs estampes premièrement, puis leurs dessins, il faut tâcher d’imiter avec le pinceau, les touches que ces grands hommes ont le plus nettement spécifiées […]. Enfin, après avoir contracté de cette sorte quelque habitude d’après les bonnes manières, on pourra étudier d’après nature en la choisissant et en la rectifiant sur l’idée que ces grands maîtres en ont eue39. »
ill. 20 Titien, Étude d’arbres, xvie siècle, crayon et encre brune sur papier beige, 22 × 32 cm, inscription à l’encre brune : « Giorgione », New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 08.227.38

© The Metropolitan Museum of Art, Rogers Fund, 1908, https://metmuseum.org/art/collection/search/340882 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
ill. 21 Titien, Scène pastorale, v. 1565, crayon, encre brune, rehauts de gouache blanche, 19,5 × 30 cm, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 85.GG.98

© Digital image courtesy of the Getty’s Open Content Program, http://www.getty.edu/art/collection/objects/119
15Il s’agit, d’une certaine manière, d’essayer de rendre intelligible la beauté arbitraire avec laquelle les maîtres ont conçu dans leur esprit la nature en représentation. Cette conception du coloris, si elle culmine dans la touche apparente de Chardin, magnifiant dans l’exemple retenu les nuances de peau et de chair des prunes, la transparence de l’eau, l’éclat de reflets dans le verre d’une carafe et l’opaque d’un fond indéfini (ill. 22)40, ainsi que dans les commentaires de Diderot adressés à un lectorat confidentiel et tentant vainement de décrire ses tableaux, n’est cependant pas univoque. Elle demeure une beauté arbitraire, acceptée ou refusée, qui émeut ou ne touche pas. Par rapport au dessin d’essence intellectuelle qui permet d’inscrire la narration dans la représentation, l’ekphrasis dénonce la beauté qui s’adresse à la vue et aux sens. Elle est ainsi pour Poussin une beauté de masque et de déguisement, un « leurre pour les yeux » selon ses mots rapportés par Bellori41, certes après qu’il a lui aussi copié à Rome les Bacchanales de Titien, mais parvenant davantage à des chairs de marbre au regard de Roger de Piles. « Vous tombez donc d’accord, reprit Damon, qu’il n’a pas compris l’artifice qui est dans les tableaux du Titien. Non assurément, dit Pamphile, et la plus grande partie de ses ouvrages le font assez savoir42. »
ill. 22 Jean-Baptiste Chardin, Nature morte aux prunes, v. 1730, huile sur toile, 45 × 50 cm, New York, The Frick Collection, inv. 1945.1.152

© The Frick Collection, https://collections.frick.org/objects/75
16S’il importe selon Poussin de se méfier de ce qui fait effet de beauté, chaque artiste doit procéder à un essai, à une expérience de sa représentation. Il s’agit de renouer avec la connaissance des règles et l’observation minutieuse de la nature à une époque où l’on pense que l’on ne peut seul en déchiffrer la complexité. C’est la raison pour laquelle il ne faut cesser d’interroger la nature afin d’en comprendre et d’en dérober les effets secrets, à l’aide d’une mémoire emplie du souvenir des beautés arbitraires d’autres œuvres. Toute une école choisit d’affirmer la primauté des beautés arbitraires dont les diverses approches permettent de lier autour d’une notion l’ensemble des moyens mis en œuvre pour parvenir à une imitation renouvelée et vraie, pas nécessairement vraisemblable, de la nature, et les pensées sur l’enjeu du faire. Lorsque les beautés arbitraires semblent s’éloigner de la nature, elles révèlent en réalité la tension entre son observation et son interprétation par les artistes. Ainsi pour Charles Nicolas Cochin :
« Ce qui contribue le plus à l’effet de la couleur, c’est l’intelligence du clair-obscur, c’est-à-dire des effets de la lumière et du changement qu’elle apporte aux couleurs, par sa nature et par l’interposition de l’air entre les objets et le spectateur. À la rigueur, l’effet de la lumière n’a rien d’arbitraire ; dès qu’elle est une fois donnée, la manière dont elle éclaire, soit directement, soit de reflet, s’ensuit nécessairement de la première supposition. Dans les tableaux traités d’imagination, et où l’artiste n’a pu voir tous les objets qu’il peint réunis ensemble tels qu’il les représente, ces lois ne peuvent pas être observées avec autant d’exactitude que dans les ouvrages faits d’après la nature actuellement présente, et où l’on n’ajoute rien. Cependant, l’artiste inventeur doit avoir fait une provision de réflexions sur tous les effets de la lumière, qui le mette en état d’approcher assez de la vérité pour ne point blesser celui qui les connaît. Il est évident aussi qu’il faut avoir quelque connaissance de ces lois, pour apercevoir si elles sont observées. Il n’est pas difficile de voir si un tableau fait de l’effet, mais il l’est beaucoup de juger si cet effet est vrai et raisonné, et rien n’est plus ridicule aux yeux de l’artiste et du connaisseur éclairé que les effets faux par le moyen desquels on séduit si souvent le vulgaire43. »
17Dans cette conférence prononcée en 1758, le spectateur est selon Cochin incapable de connaître ou de juger de la correction des effets dépeints. L’ombre est privation de lumière. Les teintes et les reflets des ombres proviennent des rayons lumineux qui parviennent jusqu’à l’œil. Eux seuls permettent de les percevoir dans la nature. Or ils sont représentés en peinture par des couleurs matérielles. Les choix des lumières faits par le peintre sont donc arbitraires en fonction de l’effet qu’il veut rendre. Roger de Piles, par ses conseils de repoussoirs sombres aux ombres brunes, égrenés dans ses textes et les lectures qu’il en donne à l’Académie à partir de 1699, conduit les peintres à utiliser le même schéma pictural. Trente ans auparavant, le 9 février 1669, Sébastien Bourdon consacre à la lumière une conférence au cours de laquelle il examine les différents effets du soleil et leurs caractères particuliers selon les moments du jour44. Cette conférence, qui devient le modèle des discours du xviie siècle, fait l’objet de quatre relectures avant que Pierre Jean Mariette n’en livre le 10 mai 1752 une nouvelle version45. Celle-ci contient un passage absent du premier manuscrit donné par Guillet de Saint-Georges :
« Je dois présentement vous tracer un léger crayon des effets de la lumière dans ce premier instant du jour ; elle n’a pas encore acquis, à beaucoup près, toute sa vivacité et elle n’en met que plus de douceur dans tout ce qu’elle éclaire. Si je ne devais pas vous en parler, lorsque je traiterai l’article des couleurs, je vous ferais observer combien les objets gagnent à être ainsi éclairés. L’aurore, qui colore agréablement les extrémités de tous les corps, ne fait que commencer à dissiper les ténèbres de la nuit, et l’air continue à être chargé de vapeurs et d’un brouillard qui laisse les corps dans une espèce d’indécision, à proportion qu’ils s’éloignent de l’œil. Si, dans certains jours, les vapeurs sont moins denses, les objets seront plus distincts ; d’un autre côté, comme le soleil ne s’est pas encore montré, les ombres ne peuvent pas être fort sensibles. Tous les corps doivent participer de la fraîcheur de l’air et demeurer tous dans une espèce de demi-teinte. À l’égard du ciel, qui est la partie la plus caractérisante, il ne doit pas être chargé de beaucoup de nuages, et s’il y en a, ils ne seront lumineux que sur leurs bords. Le fond ou l’azur du ciel doit aussi tirer un peu sur l’obscur, observant dans les parties qui seront plus voisines de l’horizon, que cet azur prenne un ton plus clair, afin que le ciel fasse mieux la voûte, et parce que c’est de cet endroit que vient la lumière naissante ; elle y doit être rassemblée tout entière et le ciel s’y colorer d’un incarnat vermeil qui, s’étendant parallèlement à l’horizon, formera, jusqu’à une certaine élévation, des bandes alternativement dorées et alternativement argentines, qui diminueront de vivacité à proportion qu’elles s’éloigneront du point d’où part la lumière. Cette description n’est point à moi, c’est un tableau du Bassan qui me la fournit46. »
18Cité au prélude de la conférence comme un contre-exemple pour avoir toujours choisi l’aube du jour et mis « dans ses ouvrages une sorte d’uniformité qui déplaît », Jacopo Bassano devient l’argument d’une louange. Qu’elle appartienne ou non à Mariette empruntant la voix de Bourdon, l’auteur ne précise pas le tableau qui lui inspire cette description. Cela n’importe pas à son dessein. Dans cet exercice érudit qu’est pour un peintre la conférence, la peinture peut être le lieu d’exprimer une sensibilité, d’affirmer une appréciation particulière, d’exposer avec clarté un goût, de dire ce que l’on entend par peindre et imiter la nature. Dans la première attention qu’il avait portée aux effets de la lumière le 3 décembre 1667, Sébastien Bourdon s’était attaché à rendre compte de la représentation en tant que telle. L’analyse luministe qu’il avait livrée à l’Académie devant La guérison des aveugles de Nicolas Poussin, « ne trouvant rien dans ce tableau qui d’abord surprenne davantage les yeux que ces beaux effets de jour que le peintre a si doctement représentés », était restée au plus près de la surface de description, relevant le contraste merveilleux des échappées de lumière avec les demi-teintes et la largesse des ombres47. Elle s’apparentait à une leçon de peinture à demi avouée. Si l’on conseille aux jeunes artistes « de composer et de penser comme Poussin », on souhaite aussi que leurs tableaux soient plus vrais. Parallèlement à celle de Rome fondée en 1666, il est souvent question d’une Académie de France à Venise, qui aurait été une école de la couleur. En filigrane, la description de Bourdon ressemble à une justification de son travail de peintre, le traitement vénitien de la lumière dans ses tableaux après son voyage à Venise en 1637, puisque selon Proust, « en réalité, chaque lecteur est, quand il lit, son propre lecteur48 ».
19La description du tableau mystérieux de Bassano prend une autre ampleur. Sa lecture abstraite en l’absence de l’œuvre, contrairement à la pratique de prendre la parole devant un tableau du cabinet du roi apporté pour l’occasion, démontre l’incapacité du langage à faire apparaître une œuvre soustraite au regard. Si les mots peuvent dessiller les yeux devant l’œuvre, ils ne la remplacent pas. Si précis soient-ils, il reste toujours au cœur de l’œuvre un noyau d’illisibilité, qui la conduit à se dissoudre dans l’analyse qui voudrait l’éclairer. Le peintre et l’amateur le savent. L’auteur omet l’identification du tableau pour donner une portée plus vaste à son propos. Il ne s’agit plus de rendre raison de la peinture, mais d’évoquer une vision imaginaire nourrie du souvenir de tableaux, qui ont eux-mêmes empli la mémoire, pour contempler la nature. Ce n’est plus le spectacle du tableau que décrivent Bourdon ou Mariette, mais celui de la nature à partir d’un paysage peint, dans lequel l’argument de l’illusion ne joue aucun rôle.
20« Chacun admet que l’art doit imiter la nature, mais pour être traditionnelle la formule n’est pas plus limpide. Qu’est-ce, en effet, que cette nature qu’il convient d’imiter ? Quel sens donner à cette imitation ? L’unité d’un langage convenu ne parvient pas à masquer la grande diversité des réponses faites à ces deux questions49. » Sans doute, car la transposition à l’œuvre dans toute imitation repose sur une beauté arbitraire. L’un des plus beaux discours du xviiie siècle sur l’art du coloris montre comment conjurer cet arbitraire. Lues à l’Académie le 7 juin 1749, les Réflexions sur la manière d’étudier la couleur en comparant les objets entre eux de Jean-Baptiste Oudry rendent hommage aux leçons d’atelier de son maître Nicolas de Largillière, quelque quarante ans auparavant50. Il faut avant toute chose se déprendre d’une « pratique de pur préjugé » qu’est la copie littérale des codes de valeurs des maîtres, bannir ainsi les grandes masses brunes ou noires « sur le devant pour servir de repoussoir […], parce qu’il n’y a rien de plus contraire à l’effet de la nature ». L’enseignement de Largillière, à l’opposé de ce que préconisait Roger de Piles, implique de traduire le plus fidèlement les effets observés, non pas de les reconstruire. On ne saurait se contenter d’un raffinement autour de formules satisfaisantes et capables de faire leur effet, mais qui n’est pas celui du modèle naturel. Largillière ne remet pas en cause l’étude des maîtres, mais au prix d’une dialectique ininterrompue avec la nature.
« Oui, je voudrais, dès qu’un jeune homme commence à peindre, ayant un bon fonds de dessein et qu’il connût passablement la couleur, au sortir de copier un Titien, prît le naturel pour faire d’après un tableau dans la même intention. Cela le mènerait à chercher dans la nature les principes que ce grand maître a suivis pour la rendre si finement. Pensez-vous que celui qui parviendrait à bien saisir cette liaison ne pourrait pas être regardé comme étant dans le bon chemin ? Quand je dis un Titien, je dis un Paul Véronèse, un Giorgione, un Rubens, un Rembrandt, un Van Dyck, tous maîtres, en un mot, qu’on estime pour la couleur. […]
La vérité de la couleur ne se peut apprendre qu’en peignant tout d’après le naturel. Les maîtres qui n’ont pas voulu se donner cette peine sont souvent tombés dans le faux ; car ces effets justes, et qui sont si piquants, ne dépendent point de l’imagination. Il les faut voir, et encore avec un œil bien exercé, pour les rendre dans toute leur vérité. C’est cette fidèle imitation de chaque objet bien vu dans sa place qui, seule, fait ces peintres séduisants qui sont si rares. Accoutumez-vous donc de bonne heure à vous familiariser avec l’étude d’après nature. Elle vous offrira des secours et vous donnera des connaissances que vous ne trouverez jamais qu’en elle51. »
21Cette liaison entre l’art et la nature ne s’emprunte pas. Elle est une équivalence qui appartient en propre à chaque artiste. Chaque ton n’a pas la même valeur selon l’emploi que lui réserve un peintre et participe à chaque fois d’une nouvelle harmonie. Contre le coloris de manière et la nature déguisée qu’il donne à voir, il faut également déterminer la justesse de chaque ton auprès de valeurs proches, en joignant les objets que l’on veut dépeindre. « Si l’on pouvait les rassembler tous, l’effet en serait admirable. Et la comparaison des couleurs deviendrait si sensible, qu’ayant une fois posé la première couleur, les autres viendraient se placer comme d’elles-mêmes pour ainsi dire forcément. » Parmi les moyens de rendre les effets de la nature, la lumière représente l’enjeu de l’étude du coloris par comparaison. Il en est ainsi de tous les éléments qui entrent dans la composition d’un tableau et de leur rapport entre eux. « Si vous étudiez un fond de paysages […], considérez d’après le naturel l’effet que vos figures feront contre les arbres et contre les lointains ; vous y verrez des couleurs que l’on ne peut rendre par souvenir, parce que c’est la lumière qui donne le ton vrai à tous les plans en général et à tous les objets en particulier52. » La lumière, l’ultime beauté arbitraire de la peinture, ne se peint pas de mémoire. Elle ne peut être suppléée par la pratique, les réminiscences ou l’imagination, quand bien même celle-ci serait emplie de « mille et mille effets ». L’exergue des fonds des tableaux est là pour le rappeler.
L’artifice des fonds
22Quelle attention ont prêtée aux arrière-plans des tableaux les peintres et les hommes de lettres du xviiie siècle ? Dès les premières conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, il est question de clarté du fond qui ne convient pas à l’ombre d’un visage, de couleurs que l’on n’appose pas mais que la licence d’un génie a rendues admirables, de reflets de paysages auxquels s’unissent merveilleusement carnations et figures. Lorsque, le 6 avril 1669, Jean Nocret discourt sur le tableau de Raphaël, La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste, dite La Belle Jardinière, il considère en premier lieu le paysage et l’air qui le parcourt (ill. 23)53. « S’il a formé quelques petites nuées dans celui-ci, ce n’est seulement que pour enrichir la grande étendue qu’il pourrait avoir. Il a représenté sur son horizon plusieurs montagnes qui se vont éloignant et d’autres qui sont sur le devant. » Au sujet de la Vierge, il souligne que le peintre a fait son manteau d’un bleu couvert tant pour se détacher du paysage que pour conserver la belle carnation du petit Jésus auquel, « pour donner plus d’avantage, le manteau de la Vierge sert de fond d’un côté, et de l’autre une terrasse qui nous paraît assez brune pour détacher ces jours si bien observés54 ». Dans cette analyse, le fond désigne « le champ autour de la figure ». Il est à cet égard multiple, ne correspondant pas nécessairement à la partie la plus reculée du paysage. Chaque détail est pensé en fonction des fonds, telle « une manche jaune tirant sur le citron, assez éteinte de couleur pour ne pas se confondre au champ de derrière ». De même Louis de Boullogne remarque-t-il le 12 avril 1670 combien Titien a su, dans La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger, dite La Vierge au lapin, dépeindre un « paysage d’un soleil couchant pour détacher les figures, leur servir de fond et les rendre maîtresses » (ill. 24)55. Aussi, « pour détacher cette tête de dessus de fond, il a posé un petit voile fin et transparent d’une couleur jaunâtre56 ». On disserte ainsi de « la fréquente interaction des couleurs des figures et du fond ». Selon les occurrences les plus fréquentes du terme dans les conférences, l’enjeu de la pluralité des fonds est d’unir les figures aux fonds, de « ménager leurs contours en les mêlant avec le fond », afin de leur « faire faire un effet merveilleux » et, par cette « disposition », de faire en sorte que les éléments « reculent dans un lointain ».
ill. 23 Raphaël, La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste, dite La Belle Jardinière, 1507-1508, huile sur bois, 122 × 80 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 602

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec, https://www.photo.rmn.fr/archive/20-506107-2C6NU0AI3Z7UF.html
ill. 24 Titien, La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger, dite La Vierge au lapin, entre 1520 et 1530, huile sur toile, 71 × 87 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 743

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage, https://www.photo.rmn.fr/archive/12-586077-2C6NU0RB3EO1.html
23S’il faut donner des lointains à la peinture, les fonds semblent n’exister au regard que par la présence de motifs qu’ils font paraître, et leur raison d’être semble tenir au seul rapport tonal qu’ils entretiennent avec eux. À l’évidence, ils concourent aux beautés du tableau ; ils sont sans doute l’une d’elles, mais laquelle ? Face à l’enjeu d’une imitation vraie de la nature, appartiennent-ils à une beauté chimérique ou véritable ? Une double convenance, narrative et picturale, est en réalité à l’œuvre dans le regard porté sur les fonds des tableaux. Dans la conférence déjà étudiée du 12 juin 1671 sur La Vierge à l’Enfant avec sainte Agnès et saint Jean-Baptiste, Philippe de Champaigne note que Titien, en renonçant à l’artifice des fonds bruns, a traité avec la même force de reflets les différents plans du tableau et est ainsi parvenu à lier la blondeur d’un visage au fond jaune d’une terrasse. Dans les années 1700, Roger de Piles recommande, dans Sur la disposition des draperies, d’introduire d’autres plis pour remplir des vides qui se trouvent en quelques attitudes, ou pour accompagner les figures, ou pour leur servir de fond doux, et, dans De la disposition, d’unir par des liaisons de lumière, d’ombre et de couleurs les objets séparés à leur fond pour ne faire qu’une masse57. En 1747, dans De l’harmonie et de la couleur, le comte de Caylus affirme que la vérité des chairs et des étoffes, la beauté et la convenance des fonds concourent toutes au même objet : l’harmonie58. Selon les conseils de Nicolas de Largillière rapportés par Jean-Baptiste Oudry dans sa conférence du 7 juin 1749, l’étude des rapports des objets avec leur fond doit être la première attention des peintres. Que ces fonds soient privés de lumière ou non, on ne saurait les traiter en mettant « du clair et du brun par caprice ». Il ne faut jamais « peindre son objet sur un fond qui est encore inconnu », mais au contraire suivre « la voie qui vous est ouverte par le fond que vous voyez derrière le modèle ». Le vrai s’obtient à partir des fonds, « parce qu’ils sont dans la nature ». Ce sont eux qui permettent de « composer sur des principes sûrs et pris dans le vrai, dans les effets de la nature bien vus et bien compris, hors lesquels tout n’est qu’erreur et que vision59 ».
24Si le plus bel exemple de comparaison des teintes est celui de la couleur blanche, cité à propos de sa valeur relative selon la matière qui la porte, et au sein d’un même objet, un bouquet de fleurs blanches construit à partir des demi-teintes, des ombres et des reflets, et presque dépourvu de blanc pur, ce bouquet blanc doit être pensé sur un fond clair. « La belle et magnifique leçon que je reçus là », selon les mots d’Oudry, tient à la condamnation de l’artifice d’une beauté arbitraire, celui des fonds sombres dont ont usé les artistes. « Nous pouvons, je crois, mettre de ce nombre ceux qui dans une simple demi-figure, pour faire briller un haut de tête et faire valoir un coup de clair sur le front et sur le menton, couvrent tout le reste de leur tableau d’un noir général. Rembrandt, quand il donnait dans ces sortes d’effets, employait un art infini pour les autoriser à peu près, ou du moins en rachetait l’abus par de grandes beautés. » Les fonds noirs de Rembrandt sont exemptés en ce qu’ils demeurent la contrepartie parcimonieuse d’effets pris dans la nature. Le fond reste subordonné à la figure, comme on le relève déjà au xviie siècle. Jean Nocret ne le conçoit pas autrement, le 1er septembre 1668, dans sa conférence sur l’Allégorie dite d’Alphonse d’Avalos, marquis del Vasto, peinte par Titien (ill. 25)60. « Il faut considérer sa principale figure qui est cette belle dame […] et regarder qu’il a peint le fond fort brun pour avoir plus d’avantage et faire éclater cette merveilleuse carnation61. » La beauté arbitraire d’un fond sombre est admise pour servir d’écrin aux chairs, en ce sens que les fonds sont avant tout « des soutiens agréables et convenables », selon l’idée de Largillière au début du siècle.
ill. 25 Titien, Allégorie dite d’Alphonse d’Avalos, marquis del Vasto, v. 1530, huile sur toile, 121 × 107 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 754

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle, https://www.photo.rmn.fr/archive/09-537431-2C6NU039G4FW.html
25Ce faisant, les relectures des conférences des peintres les plus coloristes ne sont pas anodines. Mariette, dans ses Nouvelles versions des conférences de Bourdon sur la lumière, assure que « c’est du fond ou de l’azur du ciel » que viennent les lumières argentines ou dorées, les ombres et les reflets, qui permettent de « mettre une distance immense entre l’œil du spectateur et le fond du tableau62 ». En 1753, Dandré-Bardon rapporte combien Jean-Baptiste Van Loo faisait considérer à ses élèves « la beauté des fonds comme une partie essentielle d’où dépendent l’effet et la richesse d’un tableau63 ». Cochin, tant dans sa conférence Sur l’effet de la lumière prononcée le 2 juin 1753 que dans son Voyage d’Italie publié en 1758, insiste sur « l’intelligence peu commune » qui consiste à refléter les devants du tableau et à donner la plus grande force aux figures qui leur servent de fond, précisant : « C’est l’effet véritable de la nature ; mais peu de peintres l’ont connu, ou du moins il en est peu qui aient eu assez de courage pour le pratiquer64. » Il s’agit de mettre un terme à la convention des repoussoirs, qui a suscité maints débats à l’Académie. Pour le chevalier de Valory, dans sa Vie de Jean-François de Troy lue le 6 février 1762, l’intelligence des fonds requiert de ne « négliger l’étude ni de la nature, ni des temps, ni des lieux, ni des usages dans la composition de ses fonds, quoique beaucoup de grands maîtres les aient traités comme une partie absolument subordonnée65 ». En 1788, le dernier texte publié par l’Académie, la traduction par Antoine Renou du De arte graphica de Charles Alphonse Dufresnoy, contient parmi ses remarques une anecdote éloquente sur l’enjeu des fonds, que Renou tire des notes de Joshua Reynolds sur la traduction anglaise du même ouvrage.
« By mellowing skill thy ground at distance cast
Free as the air, and transient as its blast.
By a story told of Rubens, we have his authority for asserting, that to the effect of the picture the background is of the greatest consequence.
Rubens being desired to take under his instruction a young painter, the person who recommended him, in order to induce Rubens the more readily to take him, said, that he was already somewhat advanced in the art, and that he would be of immediate assistance in his backgrounds. Rubens smiled at his simplicity, and told him, that if the youth was capable of painting his backgrounds, he stood in no need of his instructions; that the regulation and management of them required the most comprehensive knowledge of the art. This, painters know to be no exaggerated account of a background, being fully apprised how much the effect of the picture depends upon it66. »
« Les fonds font ou défont les tableaux est un proverbe parmi les peintres. Rubens, ayant été prié de prendre un jeune homme pour élève, la personne qui le sollicitait cherchait à l’y engager, en disant que ce jeune homme était déjà avancé dans l’art, et qu’il pouvait lui être utile pour peindre les fonds. S’il est ainsi, répond en souriant Rubens, il n’a plus besoin de mes conseils. En effet, le fond détruit un tableau ou lui donne de la valeur67. »
26Ces lectures coloristes liées au souci de la nature et du vrai modifient la considération des fonds. L’enrichissement des analyses montre le renversement de la place des fonds dans le sentiment des œuvres et le rôle primordial qui leur est progressivement assigné. Ce désir d’énoncer la beauté d’un tableau en vertu de ses fonds est représentatif d’un nouvel imaginaire, nourri d’autres modèles. À la leçon vénitienne des fonds se noue celle des Pays-Bas. Parmi les éléments picturaux qui entrent dans la composition d’un tableau, les fonds sont les seuls définis par leur emplacement sur la surface de représentation. Tout en admettant que « ces jours demeurent derrière dans leur lieu naturel », Philippe de Champaigne soulignait, dans la conférence citée du 4 juin 1667, combien Titien avait su « relever l’éclat des lumières et en faire la plus grande beauté de son tableau ». La virtuosité des fonds dépeints par Philips Wouwerman, l’un des peintres dont les cotes sont les plus élevées au xviiie siècle, n’y est sans doute pas étrangère. Les ciels de ses tableaux, mêlant la lumière italienne aux sujets hollandais, témoignent de l’enjeu de puiser ailleurs des ressources picturales afin de magnifier les arrière-plans (ill. 26)68. Charles Nicolas Cochin, en donnant une Nouvelle version du Traité de peinture de Louis Galloche, illustre à nouveau en 1761 l’importance de ce modèle : « J’allais chez un ami possesseur d’un beau cabinet de tableaux, il avait entre autres deux excellents portraits de Van Dyck ; on sait combien ce grand peintre a réussi à traiter cette couleur. Sans perdre de temps, je me mis à faire une maquette de mon tableau d’après ce maître, qui m’instruisit autant pour les chairs et le fond, que pour les draperies noires, car il s’agit en tout des accords69 », ce que démontre le Portrait de Lucas van Uffel (ill. 27)70. La leçon hollandaise est double, puisqu’elle vaut à la fois pour les fonds noirs et pour ceux illuminés de clarté.
ill. 26 Philips Wouwerman, Au bord de la rivière, v. 1650, huile sur panneau, 42 × 53 cm, Londres, The Wallace Collection, inv. P226

© Bridgeman Images, https://wallacelive.wallacecollection.org:443/eMP/eMuseumPlus?service=ExternalInterface&module=collection&objectId=65160&viewType=detailView
ill. 27 Antoon van Dyck, Portrait de Lucas van Uffel, v. 1622, huile sur toile, 124,5 × 100,5 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 14.40.619

© The Metropolitan Museum of Art, Bequest of Benjamin Altman, 1913, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/436253 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
27En portant sur la manière de dépeindre les fonds et leur vraisemblance, ces débats trahissent de nouvelles préoccupations. Le rôle des fonds dans la lisibilité du sujet s’efface pour faire place aux fonds comme condition de la représentation, porteurs de sens et de qualités intrinsèques. Or, par le rapprochement des œuvres, on peut émettre à nouveau l’hypothèse selon laquelle la conception orientale de l’espace a peut-être un lien avec ce cheminement71. Certes, aucun texte au xviiie siècle ne revendique explicitement ce modèle à l’égard des fonds, mais les formes sensibles en rendent compte. Si les artistes européens connaissent l’artifice du fond noir pour faire paraître la beauté des chairs, ils l’utilisent rarement pour l’ensemble de l’arrière-plan. Tel qu’il apparaît dans le petit panneau de Watteau représentant un nu allongé, où il met en exergue la blancheur nacrée et diaphane du corps déployé sur les reflets satinés des linges blancs, il correspond au fragment d’un tableau, comme en témoignent les jambes coupées du modèle et la seconde figure du dessin préparatoire (ill. 28)72. Si tout le fond du tableau n’est pas noir, il ne s’agit pas de « jeter de la poudre aux yeux par des effets de lumière hasardés quoique impossibles73 », comme le déplore Largillière chez certains, mais d’une étude de blanc sur fond noir, à l’inverse du bouquet blanc sur fond clair qu’il fit peindre à son élève. L’alchimie arbitraire d’un fond noir peut plaire en dépit du fait qu’elle s’oppose par essence à la nature. Aux côtés des porcelaines exportées d’Asie, les laques et leur décor de poudres d’or et d’argent offrent aux artistes européens une manière singulière de faire jaillir du fond noir unique des éléments du paysage reportés sur le côté, comme dans ce bundai japonais, petite table à écrire au décor takamaki-e et hiramaki-e or et argent, mais plus encore l’idée saisissante de paysage sans lieu ni horizon, dont le fond indicible échappe à la représentation (ill. 29)74.
ill. 28 Antoine Watteau, Nu, 1713-1717, huile sur panneau, 15 × 17 cm, Pasadena, Norton Simon Museum, inv. F.1972.12.P

© The Norton Simon Foundation, https://www.nortonsimon.org/art/detail/F.1972.12.P
ill. 29 Bundai, petite table à écrire en laque, Japon, xviie siècle, décor takamaki-e et hiramaki-e or et argent, 63,5 × 36 × 12 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 2015.500.2.22

© The Metropolitan Museum of Art, Gift of Florence and Herbert Irving, 2015, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/40316 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
28Parmi les mises en œuvre orientales du paysage, ce rouleau de peinture sur soie consacré à un recueil de poèmes waka millénaires présente la version augmentée au xive siècle d’une anthologie de poésie, née d’une commande impériale au xiie siècle (ill. 30)75. Les poèmes sont retranscrits selon les conventions de l’écriture clairsemée (chirashi-gaki), dans laquelle chaque ligne verticale de calligraphie enchevêtre des caractères syllabiques japonais (kana) et des caractères chinois (kanji), et commence à une hauteur différente. La calligraphie est l’œuvre de Kojima Sōshin (1580 – vers 1656), la peinture du fond est exécutée par Ogata Sōken (1621-1687). Le texte poétique tracé au pinceau et à l’encre noire est lié à un fond peint selon une technique particulière qui permet à l’encre et aux pigments de fondre ensemble. Ce lavis d’encres colorées dépeint des bandes horizontales de brumes dorées, sur lesquelles flottent des bouquets de fleurs et de rochers. Cette apparente sous-peinture, représentant les fonds flottants et évanescents, figuratifs et abstraits, de l’œuvre calligraphique, a autant de valeur qu’elle.
ill. 30 Kojima Sōshin (calligraphie), Ogata Sōken (peinture), recueil de poèmes waka millénaires (détail), Japon, 1651, encre et couleur sur soie, 28,5 × 922,5 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 2018.853.14 (section 7)

© The Metropolitan Museum of Art, Mary and Cheney Cowles Collection, Gift of Mary and Cheney Cowles, 2018, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/816201 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
29En Orient, les fonds obéissent à la convention d’un espace qui s’étend selon d’autres critères, dépassent les limites du cadre et de la représentation. Le canon de la peinture chinoise énonce trois lointains ou distances : élevée, profonde et plate76. Dans la distance élevée, utilisée surtout pour les tableaux verticaux et les paysages de falaises escarpées, le spectateur se situant en bas regarde vers le haut. Shitao (1642-1707) la met en scène dans cette peinture où la partie inférieure blanche de la feuille conduit aux sommets des pics, là où les nuages blancs cessent de paraître blancs, faisant écho au poème qu’il a calligraphié, High on the mountain the beautiful colors are cold / Where flying white clouds cease to look white (ill. 31)77. Plus rare dans les paysages sans relief, elle détermine l’étendue verticale d’un lac clairsemé de vols d’oies sauvages et de silhouettes lointaines de crêtes, que contemple, vu de dos, un homme sur le pont dont le regard suggéré contredit la composition même du tableau (ill. 32)78.
ill. 31 Shitao, High on the mountain the beautiful colors are cold / Where flying white clouds cease to look white, tiré de Returning Home, album de douze feuilles, v. 1695, encre colorée et encre de Chine sur papier, chaque peinture : 16,5 × 10,5 cm ; feuille dépliée : 21 × 27 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1976.280a–n

© The Metropolitan Museum of Art, From the P. Y. and Kinmay W. Tang Family, Gift of Wen and Constance Fong, in honor of Mr. and Mrs. Douglas Dillon, 1976, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/49173 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
ill. 32 Shitao, Wild geese from the lake fly in pairs / When the veterans return from the old northern campaign, tiré de Wilderness Colors, album de douze feuilles, v. 1700, encre colorée et encre de Chine sur papier, 28 × 24 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1972.122a–l

© The Metropolitan Museum of Art, The Sackler Fund, 1972, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/49176 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
30Dans la distance profonde, la plus employée, le spectateur en hauteur bénéficie d’un point de vue plongeant et panoramique. En Occident, les fonds sont une profondeur contenue par la bordure qui ouvre l’espace au-delà du mur et du support du tableau. Soumis à la perspective linéaire, ils égrènent au sein de l’espace dépeint une succession de plans selon une ligne de fuite unique. La distance profonde de la peinture orientale s’apparente à la perspective aérienne ou cavalière, à l’œuvre dans ce paysage de Shitao (ill. 33)79. Le regard plonge en contrebas vers la rivière au creux de la vallée et la barque au bord de la berge, remonte de l’autre côté de l’eau vers la figure de l’homme au visage renversé, tourné vers les hauteurs des montagnes, avant de se perdre le long des rives dans les lointains indéfinis de ciel et de terre. Seuls les lavis dilués d’encre bleue marquent le troisième et dernier horizon des montagnes. La peinture chinoise repose sur l’art de ne pas tout montrer et sur l’impermanence des éléments entre proche-lointain et lointain-infini. Les fonds sont traduits par le non-peint désigné par un nuage, et par des liaisons différentes des plans, chaque rangée de montagne superposée constituant un horizon en soi, la plus éloignée étant enlacée par la brume-nuage. Dans cet autre exemple de distance profonde interprétée par Shitao, tiré de l’album Landscapes Painted during Leisure from Illness, l’un des rares à rassembler des peintures sans inscription de poèmes, la vue plongeante est encore plus accentuée pour imaginer le gouffre au fond duquel navigue l’homme solitaire. Sans loi de pesanteur, le cours de la rivière s’étire en hauteur au-dessus des roches, dans l’espace blanc d’un ciel sans horizon (ill. 34)80.
ill. 33 Shitao, Paysage, 1662-1707, encre colorée et encre de Chine sur papier, 21 × 28 cm, Londres, British Museum, inv. 1965.0724.0.11.7

© The Trustees of the British Museum, https://www.britishmuseum.org/collection/object/A_1965-0724-0-11-7
ill. 34 Shitao, Passant à travers les gorges, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness, album de dix feuilles, signé et daté 1701, encre colorée et encre de Chine sur papier, 24,5 × 19 cm, Princeton, Princeton University Art Museum, inv. y1967-2 f

© Princeton University Art Museum, collection Arthur M. Sackler / Art Resource NY / Scala, Florence, https://artmuseum.princeton.edu/collections/objects/30358
31Dans la distance plate, la vue fait face à un espace ouvert sans limite. Parmi les trois perspectives, elle est la seule où le spectateur dirige horizontalement son regard vers l’infini. Elle saisit l’immensité des paysages, comme celle dépeinte par Shitao d’une rivière sinueuse sur laquelle voguent trois sampans, au pied de deux monts opposant au mouvement leur immobilité majestueuse (ill. 35)81. Elle peut aussi déplacer l’attention d’un motif isolé, fonctionnant comme un fragment métonymique de la relation du un au tout – essentielle dans l’art chinois –, sur l’interaction qu’entretiennent entre eux les éléments. Dans ce paysage de falaises et de précipices, Shitao lie ainsi le rocher délimité par le trait du pinceau au premier plan à l’océan de montagnes aux contours flous qui lui succède (ill. 36)82. Parfois, à l’écart de tout discours biographique ou métaphorique, l’attention est concentrée sur l’absorption d’une figure, celle d’un penseur solitaire assis parmi les pics et les pins du mont Huang, et l’évocation d’un moment qui se suffit à lui-même (ill. 37)83. En son plus haut degré d’excellence, selon Guo Xi, artiste des Sung, « la peinture doit susciter, en celui qui la contemple, le désir de s’y trouver ; et l’impression du merveilleux qu’elle engendre la dépasse, la transcende84 ». Le mouvement d’éloignement qui régit la peinture occidentale est en Orient un mouvement circulaire qui revient et transforme la relation sujet/objet par le renversement de la perspective et du regard. Shitao redouble ce regard en dépeignant Deux amis sous la lune suspendus à leur vision à flanc de collines dans un écrin jaune85. Les minuscules figures esquissées sont l’unique élément stable du paysage chinois et la mise en abîme du spectateur, absorbé comme elles dans l’œuvre véritable. Les vides qui séparent les différents plans des tableaux correspondent à un espace incommensurable né de l’esprit ou du rêve. François Cheng évoque, au sujet de Shitao, « ce désir d’abolir les horizons, d’accéder coûte que coûte au lointain86 ». Selon les préceptes du peintre Wang Wei, nulle onde sur une eau lointaine, laquelle touche l’horizon des nuages, et nul rocher sur une montagne lointaine aux contours doux comme un sourcil. Il ne s’agit pas tant de reproduire les effets de la lumière que de la capter à sa source, et de dépeindre l’espace comme l’atmosphère dans laquelle baigne toute chose, visible et invisible.
ill. 35 Shitao, Paysage de montagnes, rivière et bateaux, 1662-1707, encre colorée et encre de Chine sur papier, 20 × 25 cm, Londres, British Museum, inv. 1965.0724.0.11.2

© The Trustees of the British Museum, https://www.britishmuseum.org/collection/object/A_1965-0724-0-11-2
ill. 36 Shitao, Falaises, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness, album de dix feuilles, signé et daté 1701, encre colorée et encre de Chine sur papier, 24,5 × 19 cm, Princeton, Princeton University Art Museum, inv. y1967-2 d

© Princeton University Art Museum, collection Arthur M. Sackler / Art Resource NY / Scala, Florence, https://artmuseum.princeton.edu/collections/objects/30444
ill. 37 Shitao, Mont Huang, parmi les pics et les pins, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness, album de dix feuilles, signé et daté 1701, encre colorée et encre de Chine sur papier, 24,5 × 19 cm, Princeton, Princeton University Art Museum, inv. y1967-2 a

© Princeton University Art Museum, collection Arthur M. Sackler / Art Resource NY / Scala, Florence, https://artmuseum.princeton.edu/collections/objects/30544
32Si l’on ignore quelles peintures précises sont parvenues en Europe à l’époque moderne, les objets exportés ont transmis cette conception de l’espace et des fonds. Parmi eux figuraient des œuvres japonaises exécutées dans la tradition du bouddhisme zen, tels ces paravents décorés par Kaihō Yūshō (1533-1615), où les nuances d’or du lavis font écrin aux motifs d’encre noire et rendent les manifestations atmosphériques évanescentes (ill. 38)87. Appartenant à l’école de peinture érudite et raffinée Kano, le triptyque de rouleaux suspendus peints sur soie par Kano Tan’yū (1602-1674) représente un Paysage au clair de lune éthéré dans lequel s’évanouissent successivement bateaux, montagnes et nuages (ill. 39)88. Le Vide comme signe bouleverse la perspective linéaire. La dichotomie Vide/Plein est une notion qui a cours dans la peinture en Occident, mais les rares mentions valent souvent pour ces vides qu’il faut combler et qu’on ne peut laisser à l’état d’une transparence. Or, ne pas peindre les fonds revient à marquer toute la mesure de leur importance. Si la signification de la notion orientale du Vide reste incomprise au siècle des Lumières, elle transforme l’intérêt sensible pour les fonds et modifie leur rôle au sein des tableaux. Elle prend inéluctablement part au développement du paysage en Occident. Certes, aucun artiste ne joue alors de la double perspective chinoise qui veut que le peintre puisse à la fois contempler le paysage et s’y mouvoir ; mais l’abolition des fonds, ou plus justement leur suspension dans l’espace oriental, ne pouvait qu’interroger un regard occidental essayant de saisir d’où naît cette beauté arbitraire. De la même manière que le plein provient du vide en Orient, l’œuvre se construit à partir des fonds dans l’acception la plus fine de la peinture en Occident, si l’on en croit les commentaires du temps. Deux modes de représentation aux conventions opposées se rencontrent pour parvenir à une même fin du point de vue des peintres : conférer à l’équivoque des fonds valeur de beauté insaisissable et essentielle, leur permettant de ressortir dès lors à une beauté universelle. Que la présence d’une autre picturalité venue d’Orient puisse modifier la place des fonds dans le sentiment des œuvres et le jugement de goût, l’abbé Du Bos n’en doutait pas. « Ainsi, tandis que les hommes découvriront des pays inconnus, et que les observateurs pourront leur en apporter de nouvelles richesses, il sera vrai de dire que la nature considérée dans les portefeuilles des peintres et des sculpteurs, ira toujours en se perfectionnant89. »
ill. 38a Kaihō Yūshō, Paysages, paravent de six feuilles, Japon, v. 1602, encre de Chine et lavis d’or sur papier, 176 × 377 cm, 176 × 64 cm chacune, Saint Louis, Saint Louis Art Museum, inv. 59:1962.1

© Saint Louis Art Museum, Friends Fund, https://www.slam.org/collection/objects/4863/ (domaine public)
ill. 38b Kaihō Yūshō, Paysages, paravent de six feuilles, Japon, v. 1602, encre de Chine et lavis d’or sur papier, 176 × 377 cm, 176 × 64 cm chacune, Saint Louis, Saint Louis Art Museum, 59:1962.2

© Saint Louis Art Museum, Friends Fund, https://www.slam.org/collection/objects/4864/ (domaine public)
ill. 39 Kano Tan’yū, Paysage au clair de lune, part d’un triptyque de rouleaux suspendus, Japon, après 1662, encre de Chine sur soie, 100,5 × 42,5 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1975.268.50

© The Metropolitan Museum of Art, The Harry G. C. Packard Collection of Asian Art, Gift of Harry G. C. Packard, and Purchase, Fletcher, Rogers, Harris Brisbane Dick, and Louis V. Bell Funds, Joseph Pulitzer Bequest, and The Annenberg Fund Inc. Gift, 1975, https://www.metmuseum.org/art/collection/search/45419 (domaine public, licence CC0 1.0 universel)
Notes de fin
1 Bernard Teyssèdre, Roger de Piles et les débats sur le coloris au siècle de Louis XIV, Paris, Bibliothèque des Arts, 1965 ; Thomas Puttfarken, Roger de Piles’ Theory of Art, New Haven, Yale University Press, 1985 ; Jennifer Montagu, « The Quarrel of Drawing and Colour in French Academy », dans Victoria V. Flemming et Sebastian Schütze (éd.), Ars Naturam Adiuvans. Festschrift für Matthias Winner, Mayence, P. von Zabern, 1996, p. 548-556 ; Michel Hochmann, « L’influence de l’Aretino de Lodovico Dolce sur la théorie de l’art en France au xviie siècle », dans Mélanges en hommage à Pierre Rosenberg. Peintures et dessins en France et en Italie, xviie-xviiie siècles, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 236-240 ; Rubens contre Poussin. La querelle du coloris dans la peinture française à la fin du xviie siècle, éd. Emmanuelle Delapierre et al., cat. exp. Arras, musée des Beaux-Arts ; Épinal, musée départemental d’art ancien et contemporain, 2004 ; Christian Michel, « Y a-t-il eu une querelle du rubénisme à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture ? », dans Michèle-Caroline Heck (éd.), Le Rubénisme en Europe aux xviie et xviiie siècles, actes du colloque, université Charles de Gaulle – Lille 3, 1er-2 avril 2004, Turnhout, Brepols, 2005, p. 159-171 ; Michel Hochmann, « Les analyses du coloris vénitien en France et en Italie au xviie siècle. Quelques comparaisons », et Milovan Stanić, « Aimer Rome et Paris comme Anvers et Venise ? La peinture vénitienne dans la querelle du coloris au xviie siècle », dans Michel Hochmann (éd.), Venise & Paris, 1500-1700. La peinture vénitienne de la Renaissance et sa réception en France, actes des colloques, Bordeaux et Caen, 24-25 février 2006 et 6 mai 2006, Genève, Droz, 2011, p. 163-176, 177-192.
2 Roger de Piles, Le dialogue sur le coloris, Paris, N. Langlois, 1673, p. 56.
3 André Félibien, préface aux Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture pendant l’année 1667, Paris, F. Leonard, 1668, non paginée.
4 Titien (Tiziano Vecellio, dit), La Vierge à l’Enfant avec sainte Agnès et saint Jean-Baptiste, huile sur toile, 128 × 161 cm, Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. 3744. Le tableau est décrit en 1648 par Ridolfi dans le cabinet du marquis Bevilacqua à Ferrare. Il est sans doute acheté par Thomas Howard, comte d’Arundel ; il fait ensuite partie des collections de Loménie de Brienne, puis de Jabach, avant d’être vendu en 1671 à Louis XIV. Il est déposé par le musée du Louvre (inv. 744) au musée des Beaux-Arts de Dijon en 1946.
5 Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Paris, Beaux-Arts de Paris, 2006, t. I, vol. 1, p. 406-407 [en ligne].
6 Lodovico Dolce, Dialogue sur la peinture, intitulé l’Arétin, Venise, G. Giolito de’ Ferrari, 1557 ; trad. française préfacée par Nicolas Vleughels, Florence, M. Nestenus et F. Moücke, 1735 ; éd. Paola Barocchi, Bari, 1960, t. I ; copie ayant appartenu à Coypel, Paris, Arsenal, ms. 8553 ; trad. française, éd. Laurianne Fallay d’Este, Paris, Klincksieck, 1996, p. 66, 82-83, 96.
7 Ibid., 1735, p. 223.
8 Ibid., 1996, p. 82.
9 Robert Klein, La forme et l’intelligible. Écrits sur la Renaissance et l’art moderne, Paris, Gallimard, 1970, p. 164.
10 Giovanni Paolo Lomazzo, Idea del Tempio della Pittura, Milan, per Paolo Gottardo Pontio, 1590 ; 2e éd., Bologne, Nell’Instituto delle Scienze, 1785 ; trad. française, éd. Robert Klein, Florence, Istituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, 1974, 2 vol.
11 Hilaire Pader, Traité de la proportion naturelle et artificielle des choses de Ian Pol Lomazzo, peintre milanois, traduit par Hilaire Pader (1re partie), trad. française du 1er livre du Trattato dell’arte de la pittura, scoltora et architettura diviso in sette libri. Ne’ quali si contiene tutta la teoria, e la prattica d’essa pittura, Milan, per Paolo Gottardo Pontio, 1584 ; Toulouse, A. Colomiez, 1649.
12 Titien, La Mise au tombeau, huile sur toile, 148 × 212 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 749.
13 Philippe de Champaigne : sur La Mise au tombeau de Titien, 4 juin 1667, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 123-126 pour les extraits cités.
14 Antoine Joseph Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres avec leur portrait gravé en taille douce, les indications de leurs principaux ouvrages. Quelques réflexions sur leur caractère et la manière de connaître les desseins des grands maîtres, Paris, de Bure l’aîné, 1745, 2 vol. ; 2e éd., 1752, 3 vol. ; éd. corrigée et définitive, 1762, 4 vol., t. 1, p. 204-205.
15 Ibid., p. 199.
16 Giorgione da Castelfranco, La tempête, 1500-1510, huile sur toile, 82 × 73 cm, Venise, Galleria dell’Academia, inv. BEN-F-001903-0000 ; id., Vénus endormie, 1508-1510, huile sur toile, 108,5 × 175 cm, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Gemäldegalerie Alte Meister, inv. 185.
17 Les tableaux ont été réunis lors de l’exposition Titian, éd. David Jaffé, cat. exp. Londres, National Gallery ; Madrid, musée national du Prado, 2003.
18 Francis Haskell, Patrons and Painters. A Study in the Relations between Italian Art and Society in the Age of the Baroque, Londres, Chatto and Windus, 1963 ; 2e éd., New Haven et Londres, Yale University Press, 1980 ; trad. française, Mécènes et peintres. L’art et la société au temps du baroque italien, Paris, Gallimard, 1991, p. 51, 314.
19 Titien, La bacchanale des Andriens, 1523-1526, huile sur toile, 175 × 193 cm, Madrid, musée du Prado, inv. P000418.
20 Dolce, Dialogue sur la peinture, intitulé l’Arétin (note 6), 1735, p. 297.
21 Titien, Vénus et Adonis, 1554, huile sur toile, 186 × 207 cm, Madrid, musée du Prado, inv. P000422.
22 Titian, Prince of Painters, éd. Susanna Biadene, cat. exp. Venise, Palazzo Ducale ; Washington, National Gallery of Art, 1990, p. 267.
23 Georges Didi-Huberman, La peinture incarnée, Paris, Minuit, 1985, p. 29. La lettre de Dolce est analysée p. 70-71.
24 André Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes avec la vie des architectes, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1666-1688 ; rééd., Paris, 1690 ; 1696 ; nlle éd. enrichie de l’Idée du peintre parfait, des Traitez de la miniature, des desseins, des estampes, de la connaissance des tableaux et du goût des nations, de la description des maisons de campagne de Pline et de celle des Invalides, Paris, Trévoux, 1725, 6 vol. ; fac-similé de la 1re éd., Genève, Minkoff, 1972, t. 3, Cinquième Entretien, p. 16.
25 Titien, Vénus et Adonis, v. 1555-1560, huile sur toile, 161,9 × 198,4 cm, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 92.PA.42 ; id., Vénus et Adonis, 1560, huile sur toile, 107 × 133 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 49.7.16.
26 Lettre citée dans cat. exp. Titian, Prince of Painters (note 22), p. 267. Titien, La Vénus d’Urbino, 1538, huile sur toile, 119 × 165 cm, Florence, Galerie des Offices, inv. CSE-S-000591-9589 ; id., Danaé, 1545-1546, huile sur toile, 120 × 146 cm, Naples, Museo Nazionale di Capodimonte, inv. CSE-S-000416-9623.
27 Jacqueline Lichtenstein, La couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, 1989, p. 181-182.
28 Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages (note 24), 1972, t. 3, Cinquième Entretien, p. 76.
29 Marianne Le Blanc, D’acide et d’encre. Abraham Bosse (1604 ?-1676) et son siècle en perspectives, Paris, cnrs, 2004.
30 Abraham Bosse, Sentiments sur la distinction des diverses manières de peinture, dessein et gravure, et des originaux d’avec leurs copies. Ensemble du choix des sujets, et des chemins pour arriver facilement et promptement à bien pourtraire, Paris, chez l’auteur, 1649, p. 29 ; rééd. Roger Armand Weigert, Paris, Hermann, 1964.
31 Hendrik Goltzius, Danaé, 1603, huile sur toile, 173 × 200 cm, Los Angeles County Museum of Art, inv. M.84.191.
32 Bosse, Sentiments sur la distinction (note 30), 1649, p. 32-33.
33 Ibid., p. 48-49.
34 « Or, ce qui est miracle est en même temps vérité. Ou plutôt idéal, au sens où Hegel l’emploie, dans l’Esthétique, c’est-à-dire en refusant de le penser autrement que dans son effet de vérité. L’incarnat, écrit Hegel, est “l’idéal pour ainsi dire” (das Ideale gleichsam), le “comble” (der Gipfel) du coloris, c’est-à-dire le comble de ce qui constitue “l’élément par excellence de la peinture”. » Didi-Huberman, La peinture incarnée (note 23), p. 27, note 33 : G.W.F. Hegel, 1835, t. VII, p. 80, 92.
35 Piles, Le dialogue sur le coloris (note 2), p. 54.
36 Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, J. Étienne, 1708, p. 12-15.
37 Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, contenant la signification et la définition des mots de l’une et de l’autre langue…, Paris, Boulevart-Crayonneux, 1771, p. 817.
38 Titien, Étude d’arbres, crayon et encre brune sur papier beige, 21,8 × 32 cm, inscription à l’encre brune : « Giorgione », New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 08.227.38 ; id., Scène pastorale, v. 1565, crayon, encre brune, rehauts de gouache blanche, 19,5 × 30 cm, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 85.GG.98.
39 Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, J. Étienne, 1708 ; 1766 ; 1791 ; fac-similé, Genève, Slatkine, 1969 ; rééd. avec préface de Jacques Thuillier, Paris, Gallimard, 1989, p. 118-119.
40 Jean-Baptiste Chardin, Nature morte aux prunes, v. 1730, huile sur toile, 45 × 50 cm, New York, The Frick Collection, inv. 1945.1.152.
41 « Des séductions de la couleur. Les couleurs en peinture sont semblables à des leurres qui persuadent les yeux, comme la beauté des vers en poésie. » Bellori, Vie de Poussin, dans Stefan Germer (éd.), Bellori, Félibien, Passeri, Sandrart. Vies de Poussin, Paris, Macula, 1994, p. 116.
42 Piles, Le dialogue sur le coloris (note 2), p. 54.
43 Charles Nicolas Cochin : De la connaissance des arts fondés sur le dessin, 4 novembre 1758, dans Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Paris, Beaux-Arts de Paris, 2015, t. VI, vol. 2, p. 37 [en ligne].
44 Sébastien Bourdon : Sur la lumière, 9 février 1669, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 293-304.
45 Pierre-Jean Mariette : nouvelles versions des conférences de Sébastien Bourdon sur la lumière et sur les proportions de la figure humaine expliquées sur l’antique, 10 mai 1752, dans Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Paris, Beaux-Arts de Paris, 2012, t. V, vol. 2, p. 706-717 [en ligne].
46 Ibid., p. 710-711.
47 Sébastien Bourdon : sur La guérison des aveugles de Poussin, 3 décembre 1667, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 175-195. Le tableau de Poussin est conservé au musée du Louvre, inv. 7281.
48 Marcel Proust, Le temps retrouvé, dans À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, 1927 ; 1966, vol. 2, p. 62.
49 Jean Ehrard, L’idée de nature en France dans la première moitié du xviiie siècle, Chambéry, Impr. réunies, 1963 ; Paris, A. Michel, Bibliothèque de l’Évolution de l’Humanité, 1994, p. 256.
50 Jean-Baptiste Oudry : Réflexions sur la manière d’étudier la couleur en comparant les objets entre eux, 7 juin 1749, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 45), t. V, vol. 1, p. 319-341. Cette conférence est analysée avant cette édition par Christian Michel, Charles-Nicolas Cochin et l’art des Lumières, Rome, Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 1993, p. 219-222, ainsi que par Anne Perrin Khelissa, « Observer la connaissance de la peinture. Jean-Baptiste Oudry, son enseignement académique et le Salon », dans Isabelle Pichet (éd.), Le Salon de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Archéologie d’une institution, actes du colloque, Québec, Musée national des beaux-arts et université Laval, 13-15 septembre 2012, Paris, Hermann, 2014, p. 195-217.
51 Oudry, Réflexions sur la manière d’étudier la couleur (note 50), t. V, vol. 1, p. 325, 328.
52 Ibid., p. 336.
53 Raphaël (Sanzio Raffaello, dit), La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste, dite La Belle Jardinière, huile sur bois, 122 × 80 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 602.
54 Jean Nocret : sur La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste, dite La Belle Jardinière de Raphaël, 6 avril 1669, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 313-314.
55 Titien (Vecellio Tiziano, dit), La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger, dite La Vierge au lapin, entre 1520 et 1530, huile sur toile, 71 × 87 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 743.
56 Louis de Boullogne : sur La Vierge à l’Enfant avec sainte Catherine et un berger, dite La Vierge au lapin de Titien, 12 avril 1670, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 361, 364.
57 Roger de Piles : Sur la disposition des draperies et De la disposition, dans Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Paris, Beaux-Arts de Paris, 2009, t. III, vol. 1, p. 104, 116 [en ligne].
58 Comte de Caylus : De l’harmonie et de la couleur, 4 novembre 1747, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 45), t. V, vol. 1, p. 75.
59 Oudry, Réflexions sur la manière d’étudier la couleur (note 50), t. V, vol. 1, p. 325-328.
60 Titien, Allégorie dite d’Alphonse d’Avalos, marquis del Vasto, huile sur toile, 121 × 107 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 754.
61 Jean Nocret : sur l’Allégorie dite d’Alphonse d’Avalos, marquis del Vasto de Titien, 1er septembre 1668, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 5), t. I, vol. 1, p. 258.
62 Mariette, nouvelles versions des conférences de Sébastien Bourdon (note 45), t. V, vol. 2, p. 712.
63 Michel François Dandré-Bardon : Vie de Jean-Baptiste Van Loo, 5 mai 1753, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 43), t. VI, vol. 1, p. 117.
64 Charles Nicolas Cochin : Sur l’effet de la lumière, 2 juin 1753, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 43), t. VI, vol. 1, p. 135, note 3 ; Charles Nicolas Cochin, Voyage d’Italie ou Recueil de notes sur les ouvrages de Peinture et de Sculpture qu’on voit dans les principales villes d’Italie, Paris, Ch. A. Jombert, 1756 ; 2e éd., 1758, 2 vol., t. II, p. 5, 21-22 ; 3e éd., 1767, 3 vol. Voir l’éd. de 1758 en fac-similé avec une introd. et des notes de Christian Michel, Rome, École française de Rome, 1991.
65 Chevalier de Valory : Vie de Jean-François de Troy, 6 février 1762, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 43), t. VI, vol. 2, p. 711.
66 Joshua Reynolds, The Art of Painting of Charles Alphonse Du Fresnoy Translated into English Verse by William Mason, With Annotations by Sir Joshua Reynolds, Londres, J. Todd, 1783, note XLII, vers 517, p. 100-101.
67 Antoine Renou : remarques au De arte graphica de Charles Alphonse Dufresnoy, 7 juin 1788, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 43), t. VI, vol. 3, p. 1253.
68 Philips Wouwerman, Au bord de la rivière, v. 1650, huile sur panneau, 42 × 53 cm, Londres, The Wallace Collection, inv. P226. Birgit Schumacher, Philips Wouwerman, 1619-1668. The Horse Painter of the Golden Age. Catalogue Raisonné of the Paintings, Doornspijk, Davaco, 2006, 2 vol.
69 Charles Nicolas Cochin : nouvelle version du Traité de peinture de Louis Galloche (deuxième partie), 7 novembre 1761, dans Lichtenstein/Michel (éd.), Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (note 43), t. VI, vol. 2, p. 683.
70 Antoon van Dyck, Portrait de Lucas van Uffel, v. 1622, huile sur toile, 124,5 × 100,5 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 14.40.619.
71 Isabelle Tillerot, Orient et ornement. L’espace à l’œuvre ou le lieu de la peinture, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme et Centre allemand d’histoire de l’art, coll. Passages 57, 2018 [en ligne].
72 Antoine Watteau, Nu, 1713-1717, huile sur panneau, 15 × 17 cm, Pasadena, Norton Simon Museum, inv. F.1972.12.P. Pour le dessin préparatoire, voir Antoine Watteau, Le remède, trois crayons, 23 × 37 cm, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, inv. 86.GB.594.
73 Oudry, Réflexions sur la manière d’étudier la couleur (note 50), t. V, vol. 1, p. 335.
74 Bundai, petite table à écrire en laque, Japon, xviie siècle, décor takamaki-e et hiramaki-e or et argent, 63,5 × 36 × 12 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 2015.500.2.22.
75 Poème waka, recueil de poèmes millénaires, Japon, 1651, calligraphie de Kojima Sōshin (1580 – v. 1656), peinture du fond par Ogata Sōken (1621-1687), New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 2018.853.14.
76 Susan Bush, The Chinese Literati on Painting: Su Shih (1037-1101) to Tung Ch’i-ch’ang (1555-1636), 2e éd., Hong Kong, Hong Kong University Press, 2012 ; Susan Bush et Christian Murck (éd.), Theories of the Arts in China, Princeton, Princeton University Press, 1983 ; Susan Bush et Hsio-yen Shih (éd.), Early Chinese Texts on Painting, Cambridge, Harvard-Yenching Institute pour Harvard University Press, 1985 ; François Cheng, Vide et plein. Le langage pictural chinois, Paris, Seuil, 1979 ; rééd., Points Essais, 1991 ; Souffle-Esprit. Textes théoriques chinois sur l’art pictural, Paris, Seuil, 1989.
77 Shitao (1642-1707), High on the mountain the beautiful colors are cold / Where flying white clouds cease to look white, tiré de Returning Home, album de douze feuilles, v. 1695, encre colorée et encre de Chine sur papier, chaque peinture : 15,5 × 10,5 cm ; feuille dépliée : 21 × 27 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1976.280a-n. Poème : « High on the mountain the beautiful colors are cold / Where flying white clouds cease to look white. The Daoist from Qingxiang, Ji » [山高秀色寒,白雲飛不白。清湘道人濟].
78 Shitao, Wild geese from the lake fly in pairs / When the veterans return from the old northern campaign, tiré de Wilderness Colors, album de douze feuilles, v. 1700, encre colorée et encre de Chine sur papier, 28 × 24 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1972.122a-l. Poème : « Wild geese from the lake fly in pairs / When the veterans return from the old northern campaign. » [Du Fu, 712-770].
79 Shitao, Paysage, 1662-1707, encre colorée et encre de Chine sur papier, 21 × 28 cm, Londres, British Museum, inv. 1965.0724.0.11.7.
80 Shitao, Passant à travers les gorges, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness, album de dix feuilles, signé et daté 1701, encre colorée et encre de Chine sur papier, 24,5 × 19 cm, Princeton University Art Museum, collection Arthur M. Sackler, inv. y1967-2 f.
81 Shitao, Paysage de montagnes, rivière et bateaux, 1662-1707, encre colorée et encre de Chine sur papier, 20 × 25 cm, Londres, British Museum, inv. 1965.0724.0.11.2.
82 Shitao, Falaises, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness (note 80), inv. y1967-2 d. Jonathan Hay, Shitao. Painting and Modernity in Early Qing China, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 217-219.
83 Shitao, Mont Huang, parmi les pics et les pins, tiré de Landscapes Painted during Leisure from Illness (note 80), inv. y1967-2 a. Hay, Shitao (note 82), p. 305-306.
84 Cité par Cheng, Vide et plein (note 76), 1991, p. 102.
85 Shitao, Deux amis sous la lune, 1695, 26 × 37,5 cm, Chengdu, musée du Sichuan, reprod. coul. dans François Cheng, Shitao, 1642-1707. La saveur du monde, Paris, Phébus, 1998, p. 120-121.
86 Cheng, Shitao (note 85), p. 152.
87 Kaihō Yūshō (1533-1615), Paysages, v. 1602, encre de Chine et lavis d’or sur papier, paravents de six feuilles, 176 × 377 cm, 176 × 64 cm chacune, Saint Louis Art Museum, inv. 59:1962.1 et 59:1962.2.
88 Kano Tan’yū (1602-1674), Paysage au clair de lune, après 1662, encre de Chine sur soie, 100,5 × 42,5 cm, part d’un triptyque de rouleaux suspendus, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 1975.268.50.
89 Jean-Baptiste Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, Paris, J. Mariette, 1719, vol. 1, section XXXIX, p. 374-375.
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