Plantes dépuratives et médecine traditionnelle en Haute-Provence
Approche de la nature, des fonctions et des images d’un « remède de champ » traditionnel en regard de la botanique, de l’histoire et de la pharmacie actuelle
p. 9-14
Texte intégral
1En répertoriant les mentions de propriétés des plantes médicinales recueillies auprès des informateurs haut-provençaux, la fréquence du mot « dépuratif » est apparue d’emblée, posant aussitôt question : que signifiait, ici, la prééminence d’un terme aussi bien banalisé de nos jours encore par les médias que décrié par les médecins, qui l’ont banni de leur vocabulaire ? A quels concepts thérapeutiques1, à quelles images de la maladie, du corps, renvoyait-il ? Y avait-il un enseignement à tirer de l’étude particulière des plantes qualifiées de dépuratives ?
2Il s’agissait bien d’une place prépondérante dans la thérapeutique locale : sur 203 mentions spontanées de propriétés (médecine vétérinaire comprise), 85, soit 41,87 %, concernent l’emploi dépuratif nommément désigné. De surcroît, pour beaucoup d’informateurs, cette qualification du remède suffit à désigner ses usages : les indications (c’est-à-dire les maladies qu’il sert à traiter) ne sont pas précisées. « Dépuratif » est alors une catégorie thérapeutique qui paraît englober tout à la fois la ou les maladie (s) et les modalités du traitement. La plante la plus citée à cet égard, la Germandrée Petit-Chêne, illustre parfaitement cette sorte de « fin en soi » du dépuratif : sur les 17 mentions qui s’y rapportent, 5 seulement précisent un emploi, dont 2 sur le mode de la redondance (« ça dépure le sang »).
3Il paraissait intéressant, en regard des nombreuses informations réunies par l’enquête, de tenter une approche de ce remède dépuratif qui tînt compte à la fois de l’interprétation traditionnelle et des appréciations savantes. Il semble, en effet, que, de nos jours, nul « champ thérapeutique » de la phytothérapie populaire ne se prête mieux à l’analyse des influences, au tri des spécificités, à l’interrogation sur les représentations sous-jacentes.
Ce travail s’est construit sur l’analyse de données souvent très fragmentaires, puisque l’enquête a surtout pris l’allure d’un simple sondage et que, de surcroît, la plupart des informateurs rencontrés ne conservent que des bribes du savoir traditionnel.
L’étude attentive de ce savoir impliquait donc, en premier lieu, de réunir des fragments un peu à la façon d’un puzzle. C’est l’objet des tableaux 7, 8 (en 5 parties), 9, 11 et 15 et plus spécialement de 7, 8 et 9. Le chapitre 2 et le chapitre 3 (3.1 et 3.2, en particulier) se réfèrent constamment aux données de ces tableaux, ce qui rend leur lecture malaisée. Par la suite, le décor de fond étant posé, le texte se construit plus librement.
La méthode d’interprétation adoptée consiste à laisser les données parler d’elles-mêmes et à développer le commentaire à mesure que des pistes nouvelles se dessinent. Ceci conduit progressivement à des paragraphes-monographies où le concept étudié s’approfondit chaque fois dans une direction nouvelle.
On peut donc aborder l’étude au niveau de ces diverses monographies, qui comportent chacune des conclusions qui leur sont propres, sans forcément se reporter au décryptage initial. Les références à celui-ci sont cependant fréquentes au long du texte et il est souhaitable d’en prendre connaissance avant toute lecture, tant pour la compréhension de la méthode d’analyse que pour une meilleure appréhension de base du sujet.
Le chapitre 1, qui ne figurait pas dans le rapport initial, tente une analyse sommaire du terrain étudié, de sa flore, de la société rencontrée et des modalités de son savoir. En ce qui concerne les gens, l’insuffisance des informations (je rappelle encore la destination surtout pharmacologique de l’enquête) n’autorise que des commentaires limités et appelle une recherche complémentaire.

1. Situation du terrain d’enquête (un ou plusieurs informateurs ont été rencontrés dans les communes citées)

2. Les premiers gradins du bassin de Forcalquier vus des hauteurs de Volx (04)
4Au premier plan, chênaie de Chênes verts sur calcaire compact. Au 2e plan, ultime garrigue à Chêne Kermès de la région (adret abrité). Dès la crête, les Chênes blancs de l’ubac apparaissent en ourlet ; ils constituent les bois du 3e plan, plus ou moins mêlés de Pins Sylvestre et, çà et là, de Pins d’Alep. Ces collines masquent la région de Mane-Forcalquier. Au fond, la montagne de Lure. En 24 km à vol d’oiseau on passe de l’étage méditerranéen aux pelouses d’allure subalpine.
Notes de bas de page
1 Marc Piault : « S’agit-il de thérapeutique et ne définit-on pas dès l’abord ici une saisie spécifique du corps liée à la pensée scientifique ? »
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