Partie 2. Catalogue des sites étudiés
p. 181-437
Texte intégral
1Avertissement
La date de rédaction ou de mise à jour de chaque notice par les auteurs est indiquée entre crochets droits [ ] après l’appel ". bibliographie ".
Aegerten
Berne, Suisse
2R. FELLMANN
3Il s’agit de deux installations pratiquement identiques (fig. 173), dans le secteur du village d’Aegerten (Aegerten/ Isel et Aegerten / Église de Bürglen – Kirche Bürglen), section de Nidau (alt. 432 m, carte nationale 1 126).

FIG. 173
Aegerten. Les deux fortins tardifs (ouest : Isel ; est : Église de Bürglen), de part et d’autre des anciens bras de la Zihl (Bacher et al. 1990, fig. 41).
4Les deux fortins, jumeaux et contemporains, se situaient à l’origine de chaque côté d’un bras (aujourd’hui asséché) de la Zihl, à 125 m de distance l’un de l’autre. Ils ont dû assurer la sécurité du franchissement du cours d’eau à cet endroit.
Aegerten / Isel : le site a été découvert en 1983-84 lors de la construction de l’adduction d’une station d’épuration des eaux. Des recherches complémentaires ont eu lieu en 1985.
Aegerten / Église de Bürglen : fouille de sauvetage en été 1987 à la suite de l’assainissement de l’église de Bürglen.
5Les deux dispositifs correspondent tout à fait aux installations connues du limes Valentinien sur le Rhin supérieur de Mumpf et Sisseln (canton d’Argovie). Il s’agit de constructions avec une aile centrale rectangulaire divisée en trois, dotée respectivement sur les deux petits côtés d’une tour semi-circulaire légèrement elliptique et saillante. Les épaisseurs des murs sont de l’ordre de 2,65 m, la longueur des édifices d’environ 60 m, la largeur de la partie centrale d’environ 22 m.
6Les deux installations reposent sur des fondations de pilotis. Dans le cas du site d’Aegerten, église de Bürglen, les cavités destinées à recevoir la trame des madriers étaient particulièrement bien visibles dans la maçonnerie.
7Le début de la construction est bien daté grâce à l’étude dendrochronologique des pieux en chêne du système de fondation :
Aegerten/Église de Bürglen : 368 ap. J.-C.
Aegerten/Isel : 369 ap. J.-C.
8bibliographie [2004]
Bacher et al. 1990 ; Fellmann 1992, 338.
9Alésia → Alise-Sainte-Reine
10Alet → Saint-Malo
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois
Alisia (alésia)
Côte-d’Or, France
11M. REDDÉ
12Le site d’Alésia, oppidum des Mandubiens, a été identifié par Napoléon III avec le Mont Auxois, à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Montbard (Côte-d’Or). L’empereur avait décidé d’y pratiquer des fouilles de grande envergure qui se déroulèrent de 1861 à 1865, mettant en évidence l’essentiel du dispositif césarien. Le toponyme moderne (Alise-Sainte-Reine), une longue inscription en langue gauloise attestant que le lieu, dans l’Antiquité, s’appelait ALISIIA (CIL XIII, 2880), des tessères en plomb portant le nom des ALI(SIENSES) sont autant d’indices à l’appui d’une identification souvent contestée, mais que la photographie aérienne et les fouilles récentes ont pleinement confirmée (fig. 174).

FIG. 174
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Plan général du site.
dessin M. Reddé.
13La topographie du siège autant que le dispositif romain sont décrits par César (BG VII).
14“69- La place d’Alésia proprement dite était au sommet d’une colline escarpée, en sorte qu’elle apparaissait comme inexpugnable autrement que par un blocus. Le pied de cette colline était baigné de deux côtés par deux cours d’eau. En avant de cette place, une plaine s’étendait sur une longueur d’environ trois mille pas. De tous les autres côtés, des hauteurs peu distantes de la place et de même altitude l’entouraient. Au pied du rempart, la partie de la hauteur qui regardait le soleil levant avait été entièrement occupée par des troupes gauloises, qui avaient établi devant elles un fossé et une barricade de pierres sèches haute de six pieds. Les travaux d’investissement que les Romains entreprenaient se développaient sur un périmètre de dix mille pas. Les camps avaient été installés aux endroits favorables, ainsi que vingt-trois fortins ; dans ces fortins, des postes de garde étaient détachés pendant le jour, pour empêcher une sortie soudaine des assiégés ; pendant la nuit ces mêmes fortins étaient tenus par des veilleurs et de fortes garnisons (...) 72- Renseigné par des déserteurs et des prisonniers, César entreprit différents retranchements que voici. Il traça un fossé de vingt pieds, à parois verticales, en sorte que le fond de ce fossé avait une largeur égale à la distance séparant les deux bords. Il établit tous les autres retranchements à quatre cents pieds en arrière de ce fossé ; voici quel était son dessein : parce qu’il lui avait fallu embrasser un si vaste espace et qu’il était difficile de garnir de soldats toute la ligne d’investissement, il empêcherait ainsi les ennemis d’agir par surprise, soit de nuit dans un assaut massif des retranchements, soit de jour en lançant des traits contre nos hommes affectés aux travaux de fortification. Ayant laissé cet intervalle, il traça deux fossés larges de quinze pieds et de même profondeur ; il remplit le fossé intérieur, dans les secteurs qui étaient en plaine et en contrebas, avec de l’eau dérivée de la rivière. En arrière de ces fossés, il éleva un rempart de terre et de bois haut de douze pieds. Il y ajouta un parapet et des merlons, avec de grandes branches fourchues qui dépassaient à la jonction des panneaux du parapet et du terrassement, pour ralentir l’escalade ennemie, et il ceintura tout l’ouvrage de tours, qui étaient distantes les unes des autres de quatre-vingts pieds. 73- Il fallait en même temps chercher des matériaux, assurer les approvisionnements en blé, et travailler à des fortifications si considérables, alors que nos effectifs étaient diminués des troupes qui allaient en corvée assez loin des camps ; et de temps à autre, les Gaulois essayaient d’attaquer nos ouvrages et de faire une sortie très violente hors de la place par plusieurs portes. Aussi César pensa-t-il qu’il fallait encore renforcer ces ouvrages, afin de pouvoir défendre les retranchements avec moins de soldats. On coupa donc des troncs d’arbres ou des branches très robustes dont les extrémités furent écorcées et taillées en pointe ; puis on traçait des fossés continus profonds de cinq pieds. On y enfonçait ces fourches et on les reliait entre elles par le bas, pour qu’il fût impossible de les arracher ; les branches seules dépassaient. Il y en avait cinq rangées, reliées entre elles et entremêlées ; ceux qui pénétraient dans cette zone s’empalaient aux palis très acérés. On les nommait “cippes”. En avant on creusait, en rangées obliques et formant quinconce, des trous profonds de trois pieds, qui se rétrécissaient peu à peu vers le bas. On y enfonçait des pieux lisses gros comme la cuisse, dont le haut avait été taillé en pointe et durci au feu ; ils ne dépassaient le sol que de quatre doigts ; de plus, pour en assurer la solidité et la fixité, on foulait de la terre au fond de chaque trou sur une hauteur d’un pied ; le reste était recouvert de branchages et de broussailles pour dissimuler le piège. On fit huit rangs de ces sortes de défenses, distants les uns des autres de trois pieds. On appelait cela “lis” d’après la ressemblance avec la fleur. En avant, des piquets longs d’un pied auxquels des crochets de fer étaient fixés étaient entièrement enfouis dans la terre ; on en plantait partout, à peu de distance les uns des autres ; on les nommait “aiguillons”. 74- Quand ces travaux furent achevés, César, en suivant un tracé aussi favorable que possible d’après la nature du terrain, fit, sur quatorze mille pas de tour, des fortifications semblables aux premières, mais tournées en sens contraire, face à un ennemi venant de l’extérieur, pour que même des forces nombreuses, s’il lui arrivait de s’éloigner, ne pussent encercler les garnisons des ouvrages ; pour ne pas être contraint de quitter dangereusement le camp, il ordonne à tous de rassembler du fourrage et du blé pour trente jours..
15Ce texte présente les travaux césariens comme un système défensif uniforme, appliqué à l’ensemble du dispositif militaire romain. Les fouilles menées de 1991 à 1997, tout en permettant d’identifier chacun des types de structures décrits par César, ont révélé une réalité nettement plus complexe, variable de place en place.
Les lignes
La contrevallation
16La ligne intérieure, appelée contrevallation depuis Napoléon III, a été étudiée dans la plaine des Laumes (fig. 175 et 176) et au pied du mont Réa, ainsi que dans la vallée de l’Oze, au nord de l’oppidum. On rencontre plusieurs dispositifs différents (fig. 177).

FIG. 175
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Fouilles de la contrevallation dans la plaine des Laume (Reddé & Schnurbein 2001, pl. h.t. 11).

FIG. 176
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Plan des fouilles dans la plaine des Laumes (Reddé & Schnurbein 2001, pl. h.t. 10).

FIG. 177
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Différents systèmes défensifs romains autour d’Alésia (Reddé & Schnurbein 2001, fig. 296-297).
17Dans la plaine des Laumes, le système défensif s’étend sur environ 26 m au-delà du rempart ; on reconnaît successivement, de l’extérieur des défenses romaines vers l’intérieur : un fossé dont le fond est le plus souvent plat, mais parfois en V, probablement mis en eau, large, selon les cas, de 5 à 7 m ; un fossé en V, large de 3 à 5 m ; un grand glacis d’environ 14 m, défendu par six lignes de pièges disposés en quinconce, puis par deux lignes continues qui précèdent un troisième fossé large de 2,50 à 4 m. Les pièges en quinconce, disposés selon des intervalles d’environ 1,20 m, se présentent sous la forme de petites poches de graviers, larges et profondes de 20-30 cm, au centre desquelles on reconnaît à plusieurs reprises la trace d’une tige ligneuse (4-5 cm) (fig. 178). Par analogie avec le texte de César, on identifie ces obstacles avec les stimuli, piquets de bois longs d’un pied dans lesquels on enfonçait une pointe de fer. Les deux lignes devant le fossé 3 se présentent tantôt sous la forme de petites poches de gravier, servant de calage à une tige de bois, tantôt sous la forme de tranchées continues. En se référant au texte de César, et par analogie avec d’autres systèmes défensifs mis en évidence devant Alésia (infra), on identifie ces derniers pièges à des cippi. Le troisième type de pièges (lilia) que décrit La Guerre des Gaules n’apparaît pas à cet endroit du dispositif romain.

FIG. 178
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Stimulus de la contrevallation des Laumes (Reddé & Schnurbein 2001, fig. 173).
18Le rempart (agger) qui suivait le fossé 3 était constitué de mottes de gazon, dont les fouilles ont retrouvé plusieurs éléments effondrés dans le fossé. La largeur peut être estimée à environ 5 m. Le rempart était jalonné par des tours de bois d’environ 3 x 3 m (fig. 179). Assez fréquemment, les poteaux avant sont moins profondément ancrés que les poteaux arrière ; ils peuvent même être absents dans certains cas. En outre, les poteaux antérieurs sont implantés à 2,5-3 m du bord du fossé 3. Ces deux observations permettent de conclure que le front du rempart était construit avec un fruit d’environ 30°, et que les boisements antérieurs, ancrés dans le cœur même du rempart, n’avaient pas besoin d’être aussi solidement fondés que ceux de l’arrière. L’espace qui sépare les tours est, à cet endroit, d’environ 15 m (soit 50 pieds). À plusieurs reprises, une structure fossoyée dans l’axe des poteaux arrière apparaît au milieu de l’intervalle entre deux tours successives : on doit y reconnaître probablement le départ d’un escalier (ascensus).

FIG. 179
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Reconstitution de la contrevallation des Laumes.
Aquarelle C. et J.-P. Adam.
19Aucune porte vers l’extérieur n’a été clairement identifiée. Toutefois, l’une des tours (XVI, 3) était suivie vers l’est, à une distance de 5,25 m, de deux autres poteaux. Ceux-ci portaient peut-être une plate-forme, déterminant ainsi l’emplacement possible d’une sortie. Cette interprétation n’est pas toutefois assurée.
20Au pied du mont Réa, le système est tout différent. Le système défensif ne comporte que deux fossés, séparés l’un de l’autre par un glacis d’environ 7,50 m. Le fossé extérieur à fond plat, large d’environ 4 m, semble avoir été mis en eau. Le glacis était parsemé d’un complexe de petites poches de gravier comportant parfois des traces charbonneuses. Quatre lignes parallèles ont été identifiées. Elles sont semblables à celles qui précèdent le fossé 3 de la contrevallation des Laumes et assimilées aux cippi césariens (fig. 180). Lilia et stimuli font en revanche défaut. Le fossé intérieur, en V, large d’environ 4 m, précède un rempart probablement construit en gazon, bien qu’aucune trace tangible de mottes n’ait été repérée à cet endroit. Les tours semblent identiques à celles de la plaine des Laumes.

FIG. 180
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Fondation de cippe dans la plaine de Grésigny.
photo M. Reddé.
21Plus à l’ouest, à l’emplacement du pseudo-camp D, le système défensif se modifie. La contrevallation proprement dite n’est pas connue avec précision, mais les fouilles ont révélé la présence d’un fossé en V, large d’environ 4 m, situé très en avant du rempart, et précédé par six lignes parallèles de pièges en forme de tronc de cône, disposés en quinconce sur un espace de 6,20 m. Ces défenses, identifiées comme les lilia de César, n’étaient toutefois pas pourvues au centre d’une tige de bois, comme le décrit le texte de La Guerre des Gaules. À tout le moins aucune trace n’en a-t-elle été retrouvée (fig. 181).

FIG. 181
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Lilia dans la plaine de Grésigny (Reddé & Schnurbein 2001, fig. 247).
22Dans la vallée de l’Oze, enfin, le système semble de nouveau différent. On observe en effet, dans l’unique sondage qui a été réalisé, un seul fossé en V, large de 3 m au moins, précédé par trois petits fossés parallèles, en forme de U, identifiés, par analogie avec ceux de la montagne de Bussy (infra), comme des cippi.
La circonvallation
23La ligne de défense édifiée par les Romains pour se protéger des attaques de l’armée gauloise venue secourir Vercingétorix est appelée “circonvallation” depuis Napoléon III. Elle a été explorée à différents endroits par les fouilles modernes.
24Dans la plaine des Laumes (fig. 176), on observe successivement, de l’extérieur vers l’intérieur : six rangées de défenses qui sont tantôt des trous de loup (lilia), tantôt des stimuli identiques à ceux qu’on a déjà décrits, un fossé à fond de cuve large de 5 à 6 m, probablement mis en eau, un glacis large d’environ 8 m, où les traces d’éventuelles défenses intermédiaires n’étaient que peu ou pas conservées, un second fossé en V large d’environ 4 m précédant un agger probablement en mottes de gazon. Dans l’une des fouilles, la fondation du rempart avait été conservée : il s’agit d’un lit de graviers extraits du sous-sol, assurant à la fois le drainage et la stabilité de l’ensemble. Cette fondation contenait deux traces de boisements parallèles au rempart, à 1,76 m (6 pieds) et 3,55 m (12 pieds) du bord du fossé. Ces sablières basses permettaient probablement d’ancrer une charpente interne au rempart, destinée à porter le parapet, mais servant aussi de gabarit pour la mise en œuvre et de tirants pour consolider la structure du rempart. Les tours, identiques à celles de la contrevallation des Laumes, étaient espacées d’environ 17 m.
25Sur la montagne de Bussy, la circonvallation ne comprenait en revanche qu’un seul fossé, large d’environ 3,60-4 m, mais très peu creusé, et donc probablement inachevé (fig. 182). L’ensemble était protégé vers l’avant, sur une distance d’environ 7 m, par quatre petites rigoles en forme de U, profondes d’environ 30 cm, larges de 40-50 cm (fig. 183). Ces structures, remplies par un cailloutis compact, ont laissé voir, dans un certain nombre de cas, l’emplacement de boisements, disposés de manière à peu près régulière tous les 15-20 cm, et alternant gros (> 15-20 cm) et petits (< 10 cm) modules. Le fossé de la circonvallation devait donc être protégé par un buisson de branchages que, grâce à la description de César, mais aussi à celles de Polybe (XVIII, 18, 5-18) et de Tite-Live (XXXIII, 5), il est permis d’identifier avec des cippi. Le rempart, à cet endroit, était en pierres. Le parement arrière, constitué de dallettes de pierres posées à sec, en a été retrouvé à 5,60-5,75 m du bord du fossé, donnant ainsi la largeur de l’agger. Deux tours, de même module que celles de la contrevallation des Laumes, ont été retrouvées. L’espacement exact entre deux structures successives n’est pas connu, mais doit se situer entre 35 et 40 m. Une seule porte a été mise en évidence, à la jonction entre le camp C (angle nord-est) et la circonvallation. Il s’agit d’une poterne large de 2-2,5 m, délimitée de chaque côté par un montant de bois. A la jonction du camp B et de la circonvallation en revanche, le passage était seulement protégé par un double système de cippi.

FIG. 182
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Camp C, montagne de Bussy (Reddé & Schnurbein 2001, pl. h.t. 6).
26Au pied du mont Réa, la fouille a révélé un dispositif proche de celui que l’on vient de décrire, mais adapté à la géologie locale, de nature alluviale. Le fossé unique, en forme de V, large d’environ 5 m, était précédé de deux lignes de cippi. Les tours étaient espacées de 16 m, les poteaux avant étant implantés à 2,50 m du fossé, les poteaux arrière à 5,50 m, ce qui permet probablement de restituer un rempart en terre et gazon, avec un fruit d’environ 30° sur chaque front.

FIG. 183
Alise-Sainte-Reine/Mont Auxois. Rangées de cippes sur la montagne de Bussy.
photo M. Reddé.
Les camps
27Les fouilles du xixe s. avaient mis au jour un certain nombre de structures identifiées comme des camps ou des castella. Les recherches modernes ont validé certaines de ces interprétations, mais en suspectent d’autres. Des camps de plaine situés hors des lignes, deux au moins sont totalement détruits et ne peuvent plus être examinés (G et H), un autre n’a pas fait l’objet de sondages (K), le dernier (I) est constitué de toutes pièces par une série de fossés d’époques très différentes et ne doit pas être pris en considération. Il en va de même du camp D, au pied du Réa, pour lequel Napoléon III a associé d’incontestables structures césariennes et des drains modernes.
28Les camps de hauteur sont en revanche plus fiables. Photographie aérienne et fouilles modernes concordent ici pour nous permettre d’affirmer que la forme et la superficie des camps sont bien telles que l’archéologie du second Empire nous les a révélées. Placés sur des collines, les camps césariens présentent des formes subcirculaires qui sont étroitement liées aux courbes de niveau. Leur superficie est très faible : les camps B et C, les plus vastes, ne dépassent guère 7 ha, un grand castellum comme celui de Bussy englobe moins de 1,5 ha. Il s’agit évidemment de fortifications de campagne, dans lesquelles l’entassement devait être considérable, mais il est aussi probable que nous sommes loin de connaître tous les camps césariens autour d’Alésia.
29Installés sur des plateaux pierreux, les remparts utilisent nécessairement le matériau local, directement issu du sol, soit des lauzes calcaires assemblées à sec. Seul le rempart sud du camp A montre une architecture différente, en raison de la géologie (argile à ostrea). On y a en effet repéré un agger bordé par une rangée unique de poteaux, espacés d’environ 2,50 à 3 m, à près de 5 m du fossé. En tout état de cause, l’architecture du camp A ainsi que les matériaux employés étaient différents sur le sommet du plateau et sur ses pentes. Dans tous les cas actuellement connus, le rempart n’était protégé que par un seul fossé en V. Sur la face sud du camp B existaient en outre trois rangées de cippi (deux sur la face nord-est du camp C).
30Plusieurs portes ont été fouillées. Au nord-est du camp C, le passage, large d’environ 7 m, est délimité de chaque côté par un triple boisement vertical (fig. 182). Au centre, vers l’extérieur, un double montant permettait d’accrocher les deux vantaux. Une rainure peu profonde au sol accueillait peut-être un seuil de bois. Une seule tour, de forme trapézoïdale, gardait directement le passage, au sud-est. Un petit poteau, plus à l’est, servait probablement à ancrer l’escalier, longitudinal au rempart. À l’ouest existait en revanche une sorte de plate-forme. Le passage était protégé par un double dispositif : titulum constitué de deux rangées de cippi à 8 m devant le fossé, clavicula de même structure à l’intérieur de la porte.
31On trouve un dispositif quelque peu différent sur la porte nord du camp A : à cet endroit, les boisements sont décalés en oblique vers l’intérieur du camp, de manière à créer devant les vantaux un espace qui puisse être attaqué de flanc depuis le rempart ouest. La porte n’est défendue par une tour stricto sensu que du côté oriental, alors qu’on a l’impression, vers l’ouest, d’avoir à faire à un simple épaississement du rempart. Le passage, large d’un peu plus de 4 m, est divisé en deux par un montant central. Il est possible que le vantail ouest ait été condamné dans un second temps, en raison de la présence de deux boisements au milieu de son passage. Une petite clavicula interne ferme le passage au sud. La porte sud du même camp A était en revanche protégée par un imposant titulum.
32La dernière porte fouillée, sur la face orientale du camp C, a été en partie détruite par une carrière, de sorte que son architecture ne peut être décrite avec précision, mais elle ressemble à la porte nord du camp A. Elle aussi montre la présence d’une clavicula interne.
Autres structures
33Les fouilles de la plaine des Laumes ont en outre mis en évidence la présence d’un système défensif transverse aux lignes, joignant la contrevallation et la circonvallation, et installé postérieurement à celles-ci. Dans les deux cas, il s’agit d’un fossé en V d’environ 4 m d’ouverture au niveau d’arasement, suivi d’un rempart en terre et gazon. Aucune tour n’a été repérée le long de ce rempart. Du côté de la contrevallation, deux portes donnant accès à l’intérieur des lignes ont été repérées. A l’est, il s’agit d’un passage de 7,5 m de large, barré par une chicane constituée de deux rainures parallèles dans lesquelles étaient vraisemblablement implantés des branchages. A l’ouest, on observe en revanche un titulum constitué d’un fossé et sans doute d’une levée de terre, qui viennent buter sur l’arrière de l’agger de la contrevallation.
34L’ensemble des structures mises au jour devant Alésia montre donc une grande variété architecturale, que ne reflète pas le texte de La Guerre des Gaules ; celui-ci annonce un système homogène, incompatible avec les réalités du terrain, la diversité topographique, la multiplicité des équipes. Les différents types de défenses décrits par César sont toutefois bien présents au pied du mont Auxois et seul leur agencement montre dans le détail une divergence entre le texte littéraire et le terrain. D’une manière générale, la poliorcétique alisienne, apparemment si particulière, s’inscrit clairement dans une tradition hellénistique de multiplication des obstacles d’approche, avec une alternance de fossés et de glacis armés, notamment en plaine où la topographie défavorise la défense. Cette architecture a essentiellement pour vocation d’éloigner au maximum l’attaquant du rempart, en l’empêtrant dans des obstacles multiples au moment où il est assailli de projectiles divers. L’importance des armes de jet (flèches, balles de fronde, traits d’artillerie, javelots), dont de nombreux exemplaires ont été retrouvés devant les remparts, est évidente dans ce type de système défensif.
35Le devenir des défenses après le siège a fait l’objet d’études particulières : la plupart des fossés fouillés sont érodés, quoique le temps pendant lequel ils ont servi ait été très court et ne permette pas de supposer un curage. Divers indices chronologiques dans les remplissages laissent penser que le comblement total a pris, selon les cas, entre 50-60 ans et plus de 100 ans. Pour l’essentiel, le comblement primitif est lié à l’érosion naturelle (ruissellement, épisodes de crues), qui explique en même temps le surcreusement des parois primitives, parfois incurvées ; vient ensuite une série d’épisodes d’écroulement des superstructures, par loupes successives qui glissent dans le fossé ; le comblement final est lié aux phases de labours gallo-romains et à des remplissages volontaires avec des matériaux de rebut.
36bibliographie [2005]
Reddé 1995b ; Reddé & Schnurbein 2001.
Alphen/Zwammerdam
Nigrum Pullum
Hollande méridionale, Pays-Bas (cartes fig. 5, 6, 7 et 8)
37J. K. HAALEBOS
38Entre le castellum de Woerden (Lauri) et celui d’Alphen aan den Rijn (Albanianis), le camp d’auxiliaires situé sur la rive sud d’un bras asséché du Rhin est identifié comme étant Nigrum Pullum (Table de Peutinger, segment II, 2/3). Les distances entre ces fortins sont de cinq et deux leugae (6 et 4,4 km). Le castellum d’Alphen aan den Rijn, en raison de la concordance des noms antique (Albanianis) et moderne (Alphen), sert de point de repère pour la localisation des noms de lieux romains dans ce secteur du limes de Germanie inférieure. L’étroite berge constructible du Rhin était à cet endroit très basse et limitée au sud par une zone marécageuse. Des découvertes romaines sont mentionnées dès le xvie s. et le toponyme De Hoge Burcht (Le Château Haut) suggère l’existence ancienne de ruines à cet endroit. Des fouilles n’ont cependant été effectuées que très tard (1968-1971) : elles se sont d’abord intéressées à la zone du fort et à la topographie générale, avant d’être consacrées essentiellement aux bateaux et canots échoués dans le Rhin devant le camp. L’aire du camp et les fossés de l’enceinte ont été fouillés de manière quasi exhaustive. Les recherches concernant l’aménagement intérieur ont en revanche été décevantes car le terrain avait été visiblement profondément décaissé.
39On distingue trois périodes dans l’histoire du camp.
Période I (de 47 à 69 ap. J.-C.) : Zwammerdam I
40L’établissement le plus ancien a été détruit par le feu, vraisemblablement lors de la révolte des Bataves en 69 ap. J.-C. La céramique et les monnaies mises au jour démontrent qu’il a été fondé peu avant le milieu du ier s. dans le cadre de la construction du limes de Germanie inférieure sous Corbulon. Aucune trace du dispositif de fortification n’a pourtant été retrouvée et les fondations de bâtiments ne permettent pas de restituer un plan bien clair de cette phase d’occupation. Les découvertes de fragments d’armes et d’équipement militaire prouvent la présence de soldats, peut-être de légionnaires. Les graffitis sur céramique de cette première période sont tous d’origine latine. On peut donc supposer que Zwammerdam I a été un poste militaire non fortifié.
Période II (de 70/80 jusque vers 180 ap. J.-C.) : Zwammerdam II
41Quelques années après le soulèvement des Bataves a sans doute été construit un castellum en bois et terre (134,40 x 76,40 m) qui a subsisté jusqu’aux environs de 180 ap. J.-C (fig. 184).

FIG. 184
Alphen/Zwammerdam. Camp de terre et de bois de la période II.
dessin R.P. Reijnen
42Le rempart avait une largeur de 3 m à 3,50 m et était composé de deux petits fossés de fondation dans lesquels on a pu souvent observer des traces de poteaux à intervalle régulier de 1 m.
43Ce sont les portae principales qui étaient les mieux conservées. La porta praetoria était en revanche presque complètement détruite et il manquait manifestement une porta decumana (comme à Valkenburg I). C’est la porte orientale, d’environ 6 x 10 m, flanquée de deux tours rectangulaires, qui révèle le mieux le plan des portes. À l’intérieur du passage d’accès, la passerelle était soutenue par trois petits poteaux. Les tours étaient constituées chacune de deux rangées de gros boisements.
44En avant du rempart, sur trois côtés, couraient deux fossés d’enceinte. Du côté de la porte prétorienne, le fossé extérieur était remplacé par le fleuve. Les fossés n’étaient pas interrompus devant les portes. Des traces de l’aménagement intérieur ont été retrouvées uniquement dans la retentura et ne peuvent pratiquement pas être interprétées. Deux puits ont été fouillés dans la praetentura.
Période III (de 180 jusqu’aux environs de 270 ap. J.-C.) : Zwammerdam III.
45Le castellum en pierre a été construit vers 180 ap. J.-C. et a duré jusqu’aux environs de 270-275 (fig. 185). La construction se situe dans un contexte de mesures prises après les attaques des Chauques dans les années 70 du iie s. par le futur empereur Didius Iulianus, alors gouverneur de Germanie inférieure, pour renforcer la frontière. Le mur en pierre (86 x 140,6 m) englobait une superficie de 1,2 ha et était doté de quatre portes. La porta decumana était la mieux conservée. La porta praetoria avait une allure plus monumentale que les autres. Il n’y avait ni tours intermédiaires ni tours d’angle. Le mur d’enceinte reposait, au niveau des fondations, sur un lit de grauwacke schisteux. Le camp était entouré de trois fossés d’enceinte (deux seulement en façade). Le fossé intérieur était à fond plat ; le fossé intermédiaire présentait à un endroit le profil d’une fossa punica. Le fossé extérieur peut avoir inclus une annexe sur le côté oriental.

FIG. 185
Alphen/Zwammerdam. Camp de pierre de la période II.
dessin R.P. Reijnen.
46Les grandes voies du camp –la via principalis et la via praetoria– sont reconnaissables aux pilotis de leurs fondations.
47Parmi les bâtiments intérieurs, seuls d’immenses principia (42 x 27 m) ont été mis au jour (fig. 186). Leur fondation était constituée d’une couche de graviers, qui reposait sur de nombreux pilotis. Le bâtiment était relativement simple. La façade était dotée d’une rangée de colonnes ou de piliers. La grande cour était uniquement entourée d’un portique. Il manquait ici les pièces annexes habituelles. Un puits avec coffrage de bois carré a été découvert dans la cour. La salle transversale (23 x 6,5 m) n’était pas séparée du portique. Sur l’arrière des bâtiments de commandement se trouvait une rangée de cinq pièces, dont celle du milieu –l’aedes– débordait légèrement vers l’extérieur. L’espace entre les principia et la porta decumana était singulièrement réduit. On peut se demander si principia et fortification n’ont pas été construits à des époques différentes.

FIG. 186
Alphen/Zwammerdam. Vue des principia du camp de pierre (période II). Au premier plan, la porta decumana.
photos F. Gijbels
Occupation
48Les castella relativement petits des périodes II et III surprennent par leur large façade et l’absence de retentura. Cette forme semble caractéristique des castella installés le long du fleuve en Germanie inférieure. Le petit format du camp peut indiquer que la troupe n’était pas au complet et était constituée soit d’une vexillation soit d’un corps de garnison dont on aurait détaché une vexillation. La présence de principia proportionnellement importants rend cette dernière hypothèse la plus vraisemblable.
49La cohors XV Voluntariorum est attestée par l’épigraphie à Zwammerdam, malheureusement uniquement grâce à un fragment de brique avec le texte COHX[V], Des estampilles semblables ont été découvertes à l’est de Zwammerdam (Bodegraven, Woerden et Vleuten-De Meern). On connaît une inscription et des tuiles de cette unité provenant de Roomburg-Matilo près de Leyde. La question est donc de savoir si cette cohorte était réellement stationnée à Zwammerdam ou bien si elle a seulement livré des briques sur le site.
50Les armes et les pièces d’équipement militaire, ainsi que les indications des grades –centurions, décurions, optiones, signifer, tesserarii, cornicularius (?), beneficiarii, équités, imaginifer (?)– inscrites sur le mobilier céramique et le métal, prouvent qu’il s’agissait d’un détachement d’auxiliaires composé à la fois de cavaliers et de fantassins. On note l’existence de noms celtes et germains pour la période II, de noms thraces pour la période III (Aulupor et Disaca ou Disala). À côté de l’estampille déjà mentionnée plus haut de la XVe cohorte Voluntariorum ont été trouvées de nombreuses autres marques de la Ie légion Minervia Pia Fidelis, de la Xe légion Gemina, de la XXIIe Primigenia, de la XXXe Ulpia Victrix, de la XXXe Antoniniana, de l’exercitus Germanicus inferior (et de ses vexillarii) ainsi que différentes marques en forme de monogramme (TRA) ou de signe cruciforme.
Vicus et quais
51Les vestiges de plusieurs bâtiments en bois, en particulier des maisons bâties sur un plan en lanière, caractéristiques des vici d’auxiliaires et des canabae de légion, ont été retrouvés au sud-ouest du camp ; ils avaient été détruits en partie par les fossés d’enceinte de la période III. A l’extérieur de la porta principalis dextra ont été découvertes des fondations en pierre, appartenant visiblement à la période III et interprétées comme les thermes du camp. Ces derniers ont pu être érigés à l’intérieur d’une annexe entourée du fossé extérieur du castellum en pierre.
52Sur la façade du camp, des traces de quais romains ont été mises au jour sur une longueur d’un demi-kilomètre. Ceux-ci montrent que la rive du Rhin antique s’est fortement déplacée vers le nord pendant l’occupation du camp. Lors de la dernière période, six barques et pirogues se sont échouées à cet endroit.
53bibliographie [2004]
De Weerd 1988 ; Haalebos 1977.
54Alteburg → Cologne / Alteburg
55Altenburg → Brugg
Altenstadt
Hesse, Allemagne (cartes fig. 7 et 8)
56D. BAATZ
57Le castellum d’Altenstadt est situé dans la section orientale du limes de la Vétéravie, à environ 17 km au sud-est de Friedberg (Hesse). Le premier ouvrage fortifié (période 1) a vraisemblablement été construit dès la fin du ier s. ap. J.-C. sous la forme d’un fortin en bois de dimensions très réduites (environ 0,3 ha de superficie), commet le sont les autres petits castella de Vétéravie. Cependant, à l’inverse de la plupart de ces petits forts, celui d’Altenstadt a été agrandi à plusieurs reprises, sans doute pour des raisons locales (fig. 187). La vallée de la Nidder coupe le limes à Altenstadt qui devait être, en tant que point d’attaque possible, surveillé de façon plus intensive. Dans la période 3, sous Trajan, le fortin semble avoir atteint, avec une superficie d’environ 0,9 ha, la taille d’un camp de numerus. L’identité des troupes stationnées n’est connue pour aucune période. Le plan du castellum ultérieur de la période 4, construit autour de 135 ap. J.-C. et fortifié à l’aide d’un mur de mottes de gazon (surface d’environ 1 ha), est particulier, même s’il n’a pas été complètement élucidé (fig. 188 et 189). La construction de l’enceinte du camp en pierre a été réalisée au milieu du iie s. ap. J.-C. (castellum en pierre de 1,5 ha, période 5). Sa superficie était ainsi plus grande que celle du castellum de Holzhausen sur la Haide, en Germanie supérieure, qui, avec une superficie de 1,4 ha, abritait une cohors peditata. Conformément aux schémas habituels, le plan régulier de l’enceinte du camp en pierre comprenait quatre portes d’accès ainsi que des tours d’angle et des tours intermédiaires non saillantes. Le castellum était orienté vers le sud, donc pas en direction du limes, qui passait du côté est, non loin de là. Devant le mur d’enceinte se situaient initialement deux fossés défensifs, mais le fossé interne fut remblayé autour de 200 ap. J.-C. Seule la présence d’infimes restes des bâtiments intérieurs a pu être constatée. Il s’agissait principalement, toutes périodes confondues, de constructions en poteaux de bois. C’est seulement dans une phase tardive de construction des principia (période 5) qu’a été mise en évidence l’existence d’un soubassement maçonné, supportant vraisemblablement un ouvrage en pans de bois. Un hypocauste en pierre réutilisé apparemment comme élément du praetorium se trouvait dans la praetentura du castellum de la période 5. La pièce chauffée appartenait à l’origine aux anciens thermes du camp (périodes 2 et 3). Une inscription de l’année 242 (CIL XIII, 7424) prouve la présence dans le castellum d’un collegium juventutis Cons[...], dans l’intention probable, en cette période de crise, de renforcer la troupe de garnison. Le castellum semble avoir survécu jusqu’à la fin du limes au milieu du iiie s. ap. J.-C. Seuls d’infimes vestiges du vicus ont été fouillés.

FIG. 187
Altenstadt. Le fortin (Baatz & Herrmann 1982, 227, fig. 152).

FIG. 188
Altenstadt. Essai de reconstruction de l’enceinte de la période 4 d’après le modèle de Newstead, G.-B. (Schönberger & Simon 1983, 21, fig. 8, 2).

FIG. 189
Altenstadt. Restitution du mur en briques crues de la période 4 (Schöberger & Simon 1983, 28, fig. 13).
58bibliographie [2004]
Baatz & Herrmann 1982, 227 ; Schönberger & Simon 1983.
Altrip
Alta Ripa
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (carte fig. 13)
59S. VON SCHNURBEIN
60Le castellum tardo-antique d’Altrip (fig. 190) se situe au sommet d’une terrasse non inondable qui s’avance largement vers l’est dans la plaine alluviale du Rhin, face au confluent du Neckar.

FIG. 190
Altrip. Le camp (Schnurbein & Köhler 1989).
61Il protégeait un ancien passage du Rhin à partir duquel la circulation par bac sur le fleuve était particulièrement facile à organiser grâce à la présence d’une île qui existait encore au xixe s. Des postes fortifiés correspondants (burgi) sont ainsi attestés sur cette île et sur la rive orientale du Rhin (Mannheim /Neckarau). Sur la rive orientale du Neckar, le burgus de Ladenburg verrouillait le dispositif défensif qui assurait, sur terre et sur eau, la sécurité de la frontière rhénane. Tout le système doit être mis en relation avec les mesures de protection prises par Valentinien en 369 ap. J.-C. et décrites par Ammien.
62Les fouilles d’Altrip ont été effectuées en 1896-1898, 1926-1927, 1932, 1961 et 1981. Le plan d’ensemble est ainsi bien connu. La forteresse avait la forme d’un trapèze incomplètement symétrique, avec le grand côté tourné vers le Rhin, et s’étendait sur à peu près 0,5 ha. Différents indices laissent penser que la berge du fleuve se situait à 15 m environ du mur oriental, mais le fait n’est pas suffisamment confirmé. Un fossé à fond plat d’environ 9 m de largeur entourait le dispositif au sud, à l’ouest et au nord, apparemment relié au Rhin et rempli d’eau. Un autre fossé plus étroit, large de 2 m, courant sur la berme entre le rempart et le grand fossé, servait sûrement à drainer ce terrain humide.
63Le mur d’enceinte avait une largeur d’environ 3 m et reposait sur un pilotis compact. Le mur oriental avait une longueur de 141 m, celui du sud de 77 m, le mur ouest de 72 m et celui du nord de 80 m, en comptant les tours d’angle polygonales et saillantes. Les murs reposaient sur plusieurs couches de béton damé qui avaient été coulées sur les pilotis de fondation. Ils étaient constitués de blocs de taille et de nombreuses pierres de remploi, avec un mortier d’excellente qualité. Les portes de 3 m de largeur étaient flanquées de murs de 7 m de long et 3 m d’épaisseur ; elles étaient vraisemblablement surmontées de simples arcs en plein cintre. Vers l’intérieur suivait un défilement de 6 m de large et 7 m de long qui devait également être couvert. C’est ce que laisse supposer le portique périphérique de la cour, dont l’entrecolonnement, au niveau de la porte orientale, est de 3 m plus étroit que le couloir proprement dit. Le passage occidental est renforcé aux angles par des piliers qui indiquent la présence d’une voûte et donc d’une couverture du bastion. La cour intérieure était pavée de pierres ; elle ne semble pas avoir contenu de bâtiments et les quarante salles étaient en fait directement adossées aux murs d’enceinte. Elles avaient une profondeur de 10,5 m au niveau du mur sud, de 8,5 m seulement au niveau des autres murs. La largeur des pièces oscille entre 4 m et 7,5 m. La salle la plus large est la salle 29, sur le côté ouest. Il n’existe aucun indice sur la fonction de ces différentes salles. L’épaisseur de 0,8 à 1 m des murs laisse penser à un système de construction à deux étages, bien qu’aucun escalier n’ait été retrouvé. Les toits étaient couverts de tuiles, les sols le plus souvent de briques. Certaines pièces disposaient d’un chauffage par le sol. Plusieurs murs étaient décorés de peintures. L’approvisionnement en eau était assuré par un puits maçonné.
64Les travaux de construction furent réalisés sous le commandement des milites Martenses, mentionnés dans la Notifia Dignitatum en tant que troupe d’occupation, et attestés sur des tuiles portant l’estampille MART. D’épaisses couches d’incendie sont vraisemblablement à mettre en relation avec la destruction, rapportée dans les sources, des fortifications de la frontière par les Vandales, les Alains et les Suèves dans la nuit de la Saint-Sylvestre (406-407). Le castellum était cependant encore habité au ve s. Le plan de l’époque Valentinienne ne connut toutefois aucune modification essentielle jusqu’aux viiie-ixe s., époque à laquelle on commença à démolir en partie les murs.
65bibliographie [2004]
Höckmann 1986 ; Schnurbein & Köhler 1989 ; Wieczoreck 1995.
Alzey
Alteivm
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (carte fig. 13)
66J. OLDENSTEIN
67Le site d’Alzey se situe au cœur du plateau et des collines de Rheinhessen, sur les hauteurs et dans la vallée de la petite rivière Selz. La vallée de la Selz, encore étroite et relativement encaissée à cet endroit, commence, à partir d’Alzey, à s’élargir vers le nord. La rivière forme alors, jusqu’à son confluent avec le Rhin, entre Mayence et Bingen, une vallée exceptionnellement large. Les collines aux pentes douces, le climat relativement clément et le lœss fertile ont attiré de tout temps les hommes.
68Vers la fin du ier s. av. J.-C. apparaît dans la zone du futur castellum une occupation indigène qui perdura sans interruption durant toute l’époque romaine sous le nom de vicus Altiaiensium ; mais celui-ci fut complètement détruit lors des invasions alémaniques en 352. Dans le cadre de la réorganisation des frontières rhénanes, sous Valentinien, un castellum fut érigé entre 367 et 370 sur les décombres incendiés du vicus Altiaiensium, dans le secteur sud-ouest de celui-ci.
69L’endroit était bien choisi. Le camp est installé sur un éperon barrant au sud le Mehlberg, juste avant l’à-pic en direction de la Selz. Depuis les tours, à environ 12 m de hauteur, on disposait d’une bonne vue, en particulier vers le nord. Il était ainsi possible de surveiller le croisement des voies de communication Mayence-Alzey-Metz et Bingen-Kreuznach-Alzey-Worms dans la vallée.
70Trois périodes de construction ont pu être observées.
Période I (de 367/370 ap. J.-C. à 406/407 ap. J.‑C.?)
71L’emplacement du castellum (fig. 191,1) a été, avant sa construction, soigneusement choisi et métré à l’intérieur du vicus. On a utilisé, sur le côté nord, pour des raisons stratégiques, une rupture de pente, ce qui explique le léger désaxement du fortin. Le terrain choisi présente une pente relativement forte vers le nord et a été, pour cette raison, aplani avant le début de la construction.

FIG. 191
Alzey. Périodes I à III (Oldenstein 1994, 80-81). O Puits ; 1 casernement ; 2 principia ? ; 3 horrea ; 4 gouttière ; 5 plaques de mortier ; 6, 7 maisons à pans de bois ; 8 palais ? ; 9 restes de casernements réutilisés ; 10 restes de bâtiments (pér. II) ; 11 fabrica ; 12 baraquements ; 13 église ; 14 restes de bâtiments (pér. III) ; 15 barrage de la porte ; 16 profil du fossé.
72Les travaux de nivellement se déroulèrent en trois temps (fig. 192). On commença par collecter les pierres disponibles dans le vicus. On spolia ensuite les fondations des maisons les plus récentes jusqu’au fond des tranchées. On combla enfin avec les décombres inutilisables pour la construction les creux et les caves afin d’aplanir le terrain. En même temps, les déblais provenant du fossé du castellum furent également utilisés pour le nivellement.

FIG. 192
Alzey. Coupe du mur et de l’intérieur du fort (Oldenstein 1986, 302, fig. 3).
73Celui-ci a été réalisé jusqu’au niveau de la limite supérieure des fondations du fortin, creusées dans la couche de remblai. Après avoir monté à sec les fondations jusqu’à ce niveau, on recouvrit la surface d’une couche de mortier, qui servit alors de plate-forme de construction.
74Pour l’élévation des murs, exclusivement montés en pierres taillées, on utilisa un coffrage de bois, contre lequel les moellons pouvaient être soigneusement maçonnés. Quand la maçonnerie eut atteint une certaine hauteur, on nivela avec une couche de lœss, sur laquelle fut placé un autre radier, celui de la cour des casernes. On déposa alors dans ce radier un fourrage de moellons recouvert de mortier. Puis l’on déposa sur un lit de glaise les véritables dalles du pavement de la cour des casernes.
75L’espace intérieur du castellum (2,6 ha) forme un carré de 163,50 x 159 m. La largeur des fondations des murs d’enceinte atteignait 3,50 m. Leur profondeur variait de 1,20 à 1,80 m et dépendait de la construction qui était prévue à l’arrière ainsi que de la configuration du terrain.
76Il en va de même pour la semelle des fondations du mur d’enceinte. Seules les tours disposaient en règle générale de fondations débordantes. Le mur nord en était néanmoins lui aussi doté. L’ensemble du système obéit à un principe mûrement réfléchi : des écarts qui semblent au premier abord irréguliers sont dûs à la configuration du terrain ou bien au plan de construction.
77L’élévation du mur d’enceinte présente, vers le bas, une largeur de 3 m, réduite à 2,40-2,80 m vers 1,80 m d’élévation. Sur ces courtines s’intercalent dix tours intermédiaires, quatre tours d’angles et deux tours de portes. Ces dernières reposent sur deux radiers rectangulaires, faisant saillie à l’avant et à l’arrière sur à peu près la même longueur (type d’Andernach). Chacun de ces radiers est également doublé en profondeur par un bloc de fondation. Les passages d’accès des portes, pavés et présentant des traces d’ornières, ouvrent sur une ruelle de 3 m à 3,60 m de largeur. On a pu constater l’existence d’un passage surélevé pour les piétons au niveau de la porte orientale, plus large. Cette porte est sans doute, en raison de sa plus grande largeur, la porte principale du camp. Les portes est et ouest sont reliées entre elles par la voie principale du camp. On ne sait rien d’éventuelles autres voies à l’intérieur du costellum.
78Les tours d’angles, circulaires, débordent des trois quarts sur le mur d’enceinte et reposent sur des fondations carrées, renforcées sur le côté intérieur. Les angles du fortin sont arrondis sur la face interne du mur. Les tours intermédiaires reposent également sur des fondations carrées et débordent de moitié devant la courtine. Elles sont creuses à l’intérieur.
79Des casernes (1) ont été mises en évidence à l’arrière du rempart, au niveau des fronts ouest, sud et sud-est. Les murs des casernes et ceux de l’enceinte sont, pour des raisons de statique, indépendants, mais se rattachent à la même période.
80La répartition des chambrées semble avoir été régulière. Leur longueur s’élevait en général à environ 8 m et leur largeur atteint 4,70 m. Les pièces à l’intérieur des tours des portes et la salle d’angle nord-ouest présentent apparemment une disposition et des dimensions différentes.
81Le mur de façade des casernes a une largeur de 1 m et repose sur des fondations de 1,40 m de largeur, qui présentent une double semelle. Les murs de cloison des chambrées, larges de 0,62 m, ont des fondations de 1 m.
82Tous les murs observés à l’intérieur du costellum sont construits en moellons. Aucune technique de construction en double coffrage n’a pu être repérée. Les parties frontales des murs étaient visiblement composées de moellons légèrement plus gros qu’à l’intérieur des murs. Les différences de tailles ne sont cependant pas significatives. Les chambrées avaient été dotées d’un sol pavé de plaques de pierre. Les entrées montrent des radiers avec empreintes de madriers. Les seuils des portes étaient par conséquent composés de poutres de bois.
83Le mur d’enceinte, ainsi vraisemblablement que les casernes, étaient crépis.
84La moitié nord du mur oriental et la partie est du mur septentrional ne présentent apparemment aucune construction. On a réservé à cet endroit un espace libre pour un édifice de représentation (2), qui, dans cette première phase, contint sans doute les principia.
85On a pu repérer la présence, devant le bâtiment sud-est des casernes, de vestiges probables de resserres (3), peut-être des horrea.
86Deux puits fournissaient l’approvisionnement en eau potable. Ils se trouvaient respectivement dans l’angle nord-ouest des casernes et devant l’angle sud-est des principia. Un autre puits, dans l’angle sud-ouest du fortin, a vraisemblablement été utilisé pendant cette première période. La cour des casernes était maintenue au sec par un subtil système de drainage. Un des principaux canaux d’évacuation des eaux usées passait par la tour intermédiaire du front nord et se déversait dans le fossé. Le costellum était entouré par un fossé défensif, à 11 m devant le mur d’enceinte, avec un profil en V. Sa largeur s’élevait à environ 7,80 m, sa profondeur d’origine entre 2,80 et 3,20 m. Il n’est aujourd’hui plus possible de savoir si le fossé était interrompu au niveau des portes.
Période 2 (de 406/407 ? à 437/443 ?)
87Un deuxième castellum (fig. 191, II) fut érigé après l’incendie du camp de Valentinien. La reconstruction s’est concentrée sur l’ancien secteur des casernes. On a ainsi arasé les maçonneries et élevé des bâtiments en pans de bois, particulièrement derrière les tours.
88La technique des pans de bois est attestée pour une maison à l’arrière de la tour intermédiaire nord-ouest. La construction de ce bâtiment à un étage reposait sur une fondation de moellons, large de 0,60 m. Le toit était soutenu par trois rangées de piliers reposant sur d’épaisses plaques de pierre. Le toit était recouvert d’un matériau organique (bardeaux de bois ou paille). Le sol, composé d’argile battue, a été rénové à plusieurs reprises. Un seul emplacement de foyer, entouré de pierres, y a été reconnu.
89D’après les anciens rapports de fouilles, il faut s’attendre à trouver des constructions analogues dans le secteur sud de la porte d’enceinte occidentale ainsi que dans les casernes sud et sud-est. Une partie des anciennes chambrées a d’ailleurs continué d’être utilisée pendant la deuxième période. La présence de nouveaux radiers, surmontés de planchers en bois, a pu être attestée dans le secteur de la caserne nord-ouest.
90Lesprincipia, reconstruits, présentent un tracé nouveau. Une partie des murs intérieurs était peinte. La construction devait être de type basilical lors de la deuxième période du castellum. Les puits, détruits à la fin de la première période dans l’angle nord-ouest et dans le secteur des principia, furent remis en état après restauration radicale.
91Le fossé en V fut transformé en fossé à fond plat de 8 m de largeur. Les travaux ont été exécutés de manière très irrégulière. Le fossé à fond plat a pu être repéré devant les fronts ouest, sud et est. Une seule coupe a été malheureusement réalisée devant le mur nord : le profil du fossé était à cet endroit celui d’un fossé en V non modifié. Le fossé à fond plat était particulièrement soigné à proximité des deux portes d’enceinte. Les vestiges de la deuxième période du castellum ont été très endommagés par les constructions de la troisième phase du camp, de telle sorte qu’ils sont les plus difficiles à repérer. Malgré tout, l’existence de vestiges de cette période a pu être attestée avec plus ou moins de certitude dans tous les secteurs de la fouille. Il faut en déduire que l’intérieur du castellum a été totalement rénové lors de sa deuxième phase de construction.
92A la fin de la deuxième période, le camp a été complètement incendié et les principales fonctions de défense et d’approvisionnement paralysées. Le fossé et les puits encore en activité ont été comblés, les constructions en pans de bois anéanties par le feu. Ceci n’a d’ailleurs pas eu lieu lors de combats pour la prise du fortin, mais une fois la fortification vaincue, ainsi que le prouve l’absence totale de mobilier à l’intérieur de la maison en pans de bois. Il s’agit en fait d’une pratique militaire souvent attestée : lorsqu’ils doivent être abandonnés, les bâtiments du camp sont arasés afin de ne pas être utilisés par l’ennemi.
Période 3 (de 437/443 ap. J.-C.? jusqu’au troisième quart du ve s.)
93C’est pendant cette troisième phase (fig. 191, III) que l’aménagement intérieur du camp a subi les modifications les plus importantes. Le nouveau noyau de constructions s’est avant tout concentré dans la cour intérieure, mais une utilisation limitée du site a pu être attestée à l’intérieur des casernes.
94Les vestiges incendiés de la deuxième période du castellum ont été nivelés par ajout d’une couche de lœss. Les pierres de fondation de la cour des casernes ont été en partie réutilisées dans la construction de maisons. La présence, en certains endroits, d’un pavement provisoire a pu être attestée.
95À l’avant de la caserne nord-ouest se trouvaient les restes de constructions assez denses (12). Il s’agissait en l’occurrence de maisons à pans de bois, de plan allongé, recouvertes de tuiles. On a retrouvé à l’intérieur des pièces des planchers de bois et des peintures murales. Les maisons disposaient de portiques, partiellement disposés en vis-à-vis. On a trouvé, dans le secteur de la caserne nord-ouest, une fabrica (11) dans laquelle étaient transformés la ferraille et le verre.
96Une église à nef unique (13), ancêtre de l’église antique tardive et médiévale dédiée à saint Georges, avait été construite dans le secteur des principia. On a très vraisemblablement obstrué à la même époque la grande porte d’enceinte orientale. Le fossé a été encore une fois sommairement aménagé. Il était d’ailleurs à cette époque nettement moins profond qu’auparavant. Si l’on en croit les traces de creusement, on a alors extrait à cet endroit le lœss nécessaire aux travaux de nivellement.
97À la fin de la troisième période, le camp a été incendié et n’a pas été reconstruit. Une occupation germanique continue du site dans le secteur du camp n’a pas eu lieu ; celle-ci s’est en revanche implantée au début du vie s., à environ 1 500 m du castellum, dans la vallée de la Selz.
98L’église de la fin de l’Antiquité a apparemment continué d’être utilisée sous le patronyme de Saint-Georges, servant d’église cémétériale du xve s. au début du xixe s. Les murs du castellum étaient encore visibles au xviie s. Ils constituaient pendant la guerre de Trente Ans un élément marquant de la silhouette de la ville d’Alzey au-dessus de la vallée de la Selz.
99bibliographie [2004]
Anthes 1917 ; Anthes & Unverzagt 1912 ; Baatz 1960 ; Behn 1929-1930 ;
Behn 1933 ; Gaillard de Semainville 1995 ; Hunold & Oldenstein à paraître ;
Oldenstein 1986 ; Oldenstein 1993 ; Oldenstein 1994 ; Oldenstein 1995 ;
Oldenstein à paraître ; Staab 1994 ; Unverzagt 1929 ; Unverzagt 1960 ;
Unverzagt 1968 ; Unverzagt & Keller 1972 ; Vallet & Kazanski 1993.
100Anreppen → Delbrück
101Argentorate → Strasboug
102Arlaines → Ressons-le-Long
Arnhem/Meinerswijk
Gueldre, Pays‑Bas (cartes fig. 3, 5, 6, 7 et 8)
103R. S. HULST
104Le castellum de Meinerswijk (fig. 193) est situé à une distance de 3,5 km au sud-ouest d’Arnhem, sur la rive sud du Rhin. L’importance archéologique du site a été révélée vers 1955, mais le caractère militaire de ces découvertes n’est apparu qu’en 1979. On a observé à cette occasion une stratigraphie complexe et pu mettre en évidence les différentes phases d’occupation du camp. En 1989, des mesures de résistivité et des forages ont révélé l’organisation générale du site. En 1991 et 1992, enfin, ont été dégagés les principia ainsi que le mur d’enceinte sud avec la porta decumana du castellum en pierre (période 5). Les vestiges ont simplement été dégagés en surface, sans sondage profond.

FIG. 193
Arnhem/Meinerswijk. Les principia, période 5 (Hulst 2001).
105Meinerswijk est parfois assimilé aux castra Herculis (Ammien VIII, 2, 3-6), mais cette identification n’est pas considérée à l’heure actuelle comme complètement sûre. Les castra Herculis se situaient selon la Table de Peutinger (Segment II, 4) sur le Rhin, à une distance de huit lieues (17,6 km) de Noviomagus et de treize lieues (28,6 km) de Carvo (vraisemblablement Kesteren). Ces coordonnées ne correspondent pas seulement à la position de Meinerswijk, mais pourraient être aussi valables pour d’autres sites romains comme Huissen ou Driel.
106L’épaisseur des couches archéologiques est de 1 à 2 m. Le sol naturel n’a pas été atteint. On distingue six périodes :
période 1 : ca 10 – ca 20 ap. J.-C. ;
période 2 : jusqu’en 69 ap. J.-C. ;
période 3 : 70-125 ;
période 4 : 125-200 ;
période 5 : 200-275 ;
période 6 : 350-425.
107L’installation militaire la plus ancienne est datée par la présence de céramique arétine tardive et pourrait être mise en relation avec les expéditions de Germanicus dans les années 14-16 ap. J.-C. Le camp de la période 2 a été détruit lors du soulèvement des Bataves et recouvert par une couche d’incendie. Le terrain fut alors aplani pour la construction du troisième camp. La quatrième période se caractérise également par d’importants remblais. Les vestiges du castellum en pierre (période 5) se trouvent pratiquement en surface. Aucun reste de construction datant de l’occupation antique tardive n’a été mis au jour. Les découvertes prouvent seulement que le site était toujours occupé au ive s., mais elles sont encore insuffisantes pour permettre d’avancer de façon sûre l’hypothèse –déjà émise– selon laquelle Julien aurait, en 359 ap. J.-C., fait rénover le castellum.
Périodes 1 à 3
108Une route en gravier est en fait le seul témoignage connu jusqu’ici des trois périodes les plus anciennes d’occupation. Les traces de constructions manquent.
Période 4
109Deux fossés d’enceinte ont été mis en relation avec cette période, mais ils n’ont peut-être pas été en usage à la même époque. Il est possible qu’une partie du camp ait été érigée en pierre, en raison de la présence de blocs calcaires à cette phase.
Période 5 : le castellum en pierre
110Le camp a été construit sur le dernier remblaiement de la période 4. Des parties du système de fortification méridionale ont été observées et le plan complet des principia situés à l’arrière a pu être dégagé. Les maçonneries étaient totalement arasées jusqu’au niveau de certaines couches de fondation. La via principalis et les deux rues latérales le long des principia étaient recouvertes de gravier. Il faut remarquer qu’il n’y a pas de retentura, comme dans la plupart des castella des Pays-Bas. Les deux fossés d’enceinte sont d’une profondeur respective de 1,70 et 2 m. En raison de l’érosion, leur largeur originelle et leur profil n’ont pu être déterminés. Le fossé méridional avait vraisemblablement une section en forme de V ainsi qu’un petit fossé rectangulaire de drainage, recouvert de mottes de gazon. Le mur d’enceinte et la porta decumana avaient été construits sans pilotis ou sans autre aménagement préalable du terrain. Les fondations atteignaient 0,60 m sous la surface du sol. Le mur avait une largeur maximale de 0,95 m et était épaulé vers l’intérieur par un talus de terre. La porta decumana et les principia ne sont pas orientés sur le même axe, ce qui constitue une surprise. Ces divergences d’orientation, ainsi que des différences dans le mode de fondation, pourraient prouver que les principia et le rempart n’ont pas été construits en même temps. La porta decumana était constituée de deux tours rectangulaires de 4 m à 4,50 m sur 2,50 à 3 m, particulièrement saillantes vers l’extérieur. Différents indices laissent penser que leurs faces externes, contrairement à ce que montre le plan, étaient semi-circulaires. Le porche d’accès avait une largeur de 3 m.
111Les principia mesurent 37,90 x 33,75 m. Les murs en tuf ont été construits sur des fondations de 1 m à 1,10 m de profondeur en grès quartzique (grauwacke schisteux). Ces fondations avaient une largeur de 0,70 à 0,80 m au sommet, et 1,05 m à la base. Les moellons de pierre étaient liés au mortier dans la partie supérieure et posés à sec dans la partie inférieure. Les fondations reposaient sur un pilotis de 0,60 m de largeur. Les pieux n’étaient pas taillés en pointe. L’essence n’a été déterminée jusqu’à présent que pour un seul d’entre eux (aulne). Le bâtiment était décoré de peintures murales et comportait les parties habituelles, une cour avec salles latérales, une galerie transversale et une série de pièces à l’arrière. Vaedes ne faisait pas saillie à l’arrière de l’édifice et était flanqué de six pièces de largeurs différentes. Dans la basilique (33,75 x 11,25 m), contre le petit côté occidental, se trouvait un soubassement souligné vers l’avant par deux bases de colonnes et que l’on peut vraisemblablement interpréter comme une tribune d’orateur (suggesttis). La cour était entourée de colonnes sur uniquement trois côtés. Sa galerie d’accès était marquée, de manière très monumentale, par deux piliers largement espacés. Les deux portiques latéraux étaient constitués de cinq colonnes, la partie postérieure étant formée par le mur extérieur de la basilique. Les pièces disposées sur les côtés de la cour (armamentaria ?) ne sont pas subdivisées et ne s’étendent pas jusqu’à la façade des principia. A cet endroit se trouve une pièce étroite qui occupe toute la largeur du bâtiment. On peut supposer que la façade était ornée d’un portique.
112La troupe n’est pas identifiée. On a découvert différentes estampilles : LEGIM[ – ], LEGIMANT, LEGXXW, LEGXXXANT, EXGERINF, VEXEXGERINF et SVBIVNMACR [COS]. Un bloc de tuf (57 x 14 x 26 cm) portant la mention LEGIMPF ne doit pas être interprété, semble-t-il, comme inscription de construction, mais plutôt comme témoignage du travail de la Ire légion sur les murs d’enceinte (sud). Il faut enfin mentionner, provenant des principia, une plaque en calcaire avec la mention de l’empereur Sévère Alexandre (222-235).
113bibliographie [2004]
Hulst 2000-2001 ; Van der Gaauw 1989 ; Willems 1984; Willems 1986, 329-356.
Arras/Baudimont
Nemetacum
Pas‑de‑Calais, France (carte fig. 12)
114A. JACQUES
115Les fouilles archéologiques récentes menées à Arras nous permettent de discerner les grandes étapes de l’évolution de Nemetacum, chef-lieu de cité des Atrébates.
116La cité romaine est localisée dans une zone de confluence délimitée par la rivière Scarpe au nord-est et la vallée du Crinchon au sud.
117La création de cette ville antique doit être située dans les deux dernières décennies avant notre ère. Les premiers niveaux d’occupation ont livré un mobilier céramique (sigillée aretine, amphores) et métallique (épée, fragment de casque de type Weisenau, des pièces d’équipement appartenant aux fantassins et à la cavalerie) nous autorisant à émettre l’hypothèse d’une présence militaire liée à la fondation de Nemetacum.
118L’agglomération primitive estimée à une dizaine d’hectares va se développer à partir du croisement de deux axes routiers importants, l’un reliant Amiens à Tournai, le second Cambrai au littoral de la mer du Nord.
119L’enceinte tardive englobe un espace de 12 ha. Elle est constituée d’une muraille de 2,80 m de large ; le soubassement est réalisé à l’aide de blocs calcaire de réemploi et de grès liés au mortier rose avec chaînage de briques. Les tours carrées de 5,50 m de côté sont disposées à cheval sur la courtine et conçues en même temps que la fondation du rempart.
120Ce système défensif est complété par des fossés larges de 9 m pour une profondeur de 5 m sur la face nord et est, où ils s’interrompent au niveau de la porte qui présente ici un plan en U, rattachée perpendiculairement à la courtine. Le fossé ouest est plus conséquent, avec une ouverture de 36 m et une profondeur minimale de 6 m.
121On constate une importante phase de militarisation dans les deux dernières décennies du ive s., avec notamment la création d’un intervallum réalisé au détriment d’habitations encore utilisées à cette période le long de la muraille. Cette réalisation est d’ailleurs contraire aux nouvelles directives stratégiques mises en œuvre lors de la construction des camps du limes rhénan comme Altrip ou Alzey, qui réalisent leurs casernements contre la face interne du rempart. D’autres structures réalisées dans le même temps, comme un grenier et trois casernes, traduisent un profond changement opéré dans la ville. Le plan des casernes trouve des répliques parfaites dans les camps découverts en Grande-Bretagne ou sur le limes (fig. 194a). II s’agit de bâtiments rectangulaires de 43 m de long sur 6,5 m de large, scindés en deux parties inégales par une cloison centrale dans le sens de la longueur. Le bâtiment A, le mieux conservé, montre une véranda de 1,50 m de large, des chambrées au nombre de huit constituées de l’arma (réserve) et de la papillio (chambre).

FIG. 194
Arras/Baudimont. Plan général des casernes : a phase 4a ; b phase 4b.
122Avant la fin du ive s., de profondes modifications interviendront dans l’organisation interne de ces bâtiments, et si le mobilier évoque toujours une présence militaire (armes et équipements), il faut noter l’apparition d’éléments féminins (collier, bracelet...) et des traces d’activités telles que la tabletterie, le travail du bronze ou le tissage. Dans les nouvelles constructions, on réalise également un four à pain et des silos (fig. 194b). Ces bâtisses sont longées au sud par un nouveau bâtiment de 31 m de long sur 5,20 m de large ; il montre des aménagements particuliers sous la forme de fosses oblongues creusées en pleine terre. Ce type d’aménagements trouve des correspondances intéressantes dans certains camps de Rhénanie où ils sont interprétés comme des écuries. Nous pouvons sans doute identifier ces nouveaux occupants. La Notifia Dignitatum indique en effet dans cette ville la présence, au début du ve s., d’un corps de lètes : Praefectus laetorum batavorum nemetacensium, atrehates belgicae secundae (Occ. XLII, 40) ; ce texte nous révèle leur origine géographique, la Batavie et leur cantonnement, Nemetacum. L’occupation militaire romaine des lieux semble cesser vers la fin du deuxième quart du ve s.
123bibliographie [2004]
Jacques 1980-1990 ; Jacques 1993 ; Jacques 1994 ; Jacques & Belot 1991 ;
Jacques & Tuffreau-Libre 1991 ; Vallet & Kazanski 1993.
Arras/La Corette
Pas-de-Calais, France (carte fig. 2)
124A. JACQUES, G. PRILAUX
125A quelques kilomètres au nord de la ville d’Arras, l’institut national de recherches archéologiques préventives et le service archéologique municipal de la ville d’Arras ont mis au jour, en 2001-2002, un petit fort du début de l’époque romaine, lors d’une fouille préventive portant sur une surface totale de 300 ha (site d’Actiparc : fig. 195).

FIG. 195
Arras/La Corette. Plan simplifié du site durant la période césaro-augustéenne (G. Prilaux et A. Jacques).
126Vers le iiie s. av. n.è., les hommes ont occupé un vaste replat de 180 ha, aux contours relativement incisés, qui offrait une position naturellement dominante sur le paysage alentour. Depuis la vallée de la Scarpe, au sud, pour progresser vers le nord du pays Atrébate, on pouvait emprunter un petit chemin creux, unique moyen d’accéder au domaine celtique. Le regard du voyageur devait être immédiatement attiré par un lieu de sépulture parfaitement ancré dans le paysage, ainsi que par un riche habitat, ouvert aux quatre points cardinaux, doté d’entrées monumentales au cœur d’un enclos puissamment palissadé. Les maisons étaient imposantes et les activités qui y régnaient bien singulières. Les hommes produisaient en outre du sel par bouillage de saumure, si l’on se réfère à la découverte d’un fourneau à sel de type “belge”.
127L’installation précoce, dans les années 60-40 av. n.è., d’un poste militaire, de part et d’autre du chemin d’accès au domaine celtique, marque avec force la volonté du conquérant de contrôler les lieux (fig. 196).

FIG. 196
Arras/La Corette. Plan général du complexe militaire césaro-augustéen (G. Prilaux et A. Jacques).
128Le fortin est constitué d’une levée de terre palissadée de 5 m d’épaisseur, doublée d’un fossé ininterrompu de 5 m de large pour une profondeur de 2,80 m. Il occupe une superficie d’environ 80 x 74 m hors tout (de fossé à fossé). Les angles sont arrondis. On note un décrochement au nord-est, destiné à éviter une carrière antérieure.
129La fouille a permis d’individualiser au moins deux états (fig. 197).

FIG. 197
Arras/La Corette. a plan général du fortin ; b plan simplifié de la phase 1 du fort (G. Prilaux et A. Jacques).
130La première phase se concrétise au sol par deux rangées parallèles de constructions sur pieux et de fosses dépotoirs, disposées perpendiculairement au rempart ouest. Les fosses sont implantées avec un léger décalage par rapport aux structures sur pieux. La porte principale, large de 1,80 m, est placée au centre de la face sud du fortin. Seul ce côté a révélé une tranchée palissadée qui constitue le contrefort de la levée de terre. A proximité de la porte sud, mais en dehors de la fortification, on relève la présence, le long du chemin d’accès, d’importants bâtiments sur poteaux, dont un puissant grenier à trois rangées de trois poteaux.
131Le type d’organisation spatiale reconnue dans la moitié ouest du fortin pourrait suggérer la présence de baraques en bois et de campements sous tente. Des piquets de tente ont d’ailleurs été mis en évidence dans les fossés d’un enclos augustéen précoce fouillé à proximité du site. Ce premier état est probablement à mettre en relation avec la création du fortin.
132Lors de la deuxième phase, on construit deux bâtiments de bois de 35 m de long, disposés parallèlement aux côtés est et ouest du fortin. Un puits de 20 m de profondeur et des tours d’angle ont également été retrouvés, mais il est aujourd’hui impossible de les attribuer à l’un des deux états en particulier.
133Devant le camp, à l’est, on renforce la protection avec la réalisation d’une défense avancée, caractérisée par une palissade solidement ancrée dans le substrat. Celle-ci présente, au niveau du passage, une ouverture en forme d’entonnoir, fermée par une porte de 4,50 m de large. Une tranchée palissadée forme un obstacle d’approche et empêche un accès direct à la porte.
134L’angle sud-est du dispositif défensif est renforcé par une troisième ligne, formée de deux longues palissades qui englobent les ensembles précédemment décrits. Ces différentes adjonctions confèrent au retranchement une surface totale de 9 800 m2. Aucune structure bâtie n’a été observée dans ces enclos successifs. Ces défenses échelonnées forment des couloirs en chicane destinés à contrarier les attaques de front et à ralentir la progression de l’assaillant vers la porte.
135La zone militarisée s’étend bien au-delà du fortin et des défenses avancées. Elle intègre également le dépôt de vivres qui comprend, au sein d’un enclos palissade d’un hectare, plusieurs dizaines de greniers, mais aussi le hameau construit à l’emplacement de l’habitat principal laténien. Ce vicus à vocation artisanale, qui abrite au moins quatre parcelles laniérées et une vaste cour, est placé derrière une palissade quadrangulaire de 240 m de long sur 130 m de large.
136Une voie de création récente traverse le complexe militaire du nord au sud ; elle est dotée, sur son côté est, d’une palissade destinée à faire converger les passants vers des points de passage obligé. Un petit établissement thermal est construit sur le bord du chemin à mi-distance du fortin et du vicus. L’ensemble des structures qui composent le complexe militaire s’ouvre sur une vaste esplanade de 3 ha.
137Le mobilier archéologique issu en majorité des différentes structures de l’état 2 révèle une grande quantité d’amphores vinaires italiques (Dr. 1 b) et de céramique à paroi fine (gobelets d’Aco ; Mayet III à lèvre concave). Les monnaies sont attribuées aux Atrébates, aux Nerviens et aux Canti ; on note aussi un dupondius de César et Octave, frappé à Vienne en 36 (RPC 517). L’armement est abondant (nombreuses armes de jet, une bouterolle de fourreau de glaive, une boucle en bronze de cingulum, des fragments de casques, des éléments métalliques destinés à la décoration du harnais). L’étude du mobilier montre une occupation relativement brève des lieux qui s’échelonne des décennies 60-40 av. n.è. jusqu’au début du règne de Tibère.
138bibliographie [2004]
Jacques & Letho-Duclos 1984 ; Jacques & Prilaux 2003 ; Prilaux 2000
Asperden
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 12)
139TH. FISCHER
140Le burgus est situé au sud de Clèves, près d’Asperden, en bordure de la forêt domaniale, à mi-chemin entre Cuijk (Hollande) avec son pont tardo-antique sur la Meuse, et le fortin probable d’Altkalkar, sur le limes. On suppose pour cette raison l’existence d’une route entre ces sites, avec un système défensif dont fait partie le burgus d’Asperden. Le fort est implanté sur une moraine glaciaire qui domine la rive gauche de la Niers (fig. 198). Des pilotis dans la Niers pourraient appartenir à un pont romain.

FIG. 198
Asperden. Plan de localisation du site (Hinz & Hömberg 1968, 169, fig. 1).
141Le site est connu depuis le Moyen Âge et ses ruines ont servi de carrière. Après des sondages en 1871-1877 qui n’ont pas déterminé le caractère du poste, les premières fouilles véritables eurent lieu en 1964-1965, sous la direction de H. Hinz et I. Hömberg, et permirent d’identifier un fortin de l’Antiquité tardive (fig. 199).

FIG. 199
Asperden. Plan général des fouilles (Hinz & Hömberg 1968, 171, fig. 2).
142On reconnaît deux périodes de construction, mais la phase la plus ancienne, en bois, n’a pu être mise en évidence qu’à l’angle extérieur nord-est du fortin (tour de 4,4 x 3 m). Le centre est occupé par une tour massive dont seules subsistent des tranchées d’épierrement, grâce auxquelles on peut restituer un édifice carré de 15,6 x 15,6 m. La pierre utilisée était le calcaire et le grès, et l’élévation semble avoir été coffrée entre deux parements de blocs de tuf. À l’intérieur de la tour apparaissent les traces de quatre piliers en pierre (2 x 1 m). Les restes d’un cinquième pilier, à l’est, doivent être mis en relation avec un escalier. On ne sait, en revanche, expliquer la présence d’un muret extérieur, à l’angle nord-est de la tour centrale.
143Tout autour, à 11 m de distance, apparaît une enceinte périphérique d’environ 40 x 40 m, avec un mur de 1,2 à 1,5 m d’épaisseur, flanquée de quatre tours d’angles semi-circulaires et de quatre tours médianes circulaires (diam. 4,25 m) (fig. 200). L’ensemble est entouré de deux fossés en V, larges de 2,5 m, profonds de 1,8 m, attestés seulement en coupe. Le fossé intérieur, distant de 4,8 m du mur ouest, mais de 15,3 m du mur oriental, appartient assurément à la phase constructive en pierre. Le fossé extérieur, qui n’est connu qu’à l’ouest, à 12,3 m devant le rempart, ne peut actuellement être attribué à l’une ou l’autre des deux phases (voire aux deux ?). Au sud, vers la pente conduisant à la Niers, apparaissent un chemin creux (romain ?) et un four tardo-antique qui produisait du verre soufflé.

FIG. 200
Asperden. Plan restitué du fortin (dessin R. Brulet).
144Le matériel appartient dans sa majorité à la phase en pierre. Les monnaies laissent supposer une construction en bois vers la fin du iiie s. La reconstruction en pierre est en revanche clairement datée de l’époque de Valentinien par la céramique et les monnaies. Pour la fin de l’occupation, on notera que fait défaut la forme Alzey 33, qui constitue un fossile caractéristique du ve s., et il faut sans doute supposer un abandon autour de 400. Le matériel métallique (bijoux, fibules) montre qu’au moins une partie de la garnison avait une origine germanique.
145bibliographie [2004]
Barfield et al. 1968 ; Bechert & Willems 1995 ; Bogaers & Rüger 1974; Hinz & Hömberg 1968 ; Rüger 1987 ; Völling 1984.
Aulnay/Rocherou
Aunedonnacum
Charente-Maritime, France (carte fig. 3)
146P. TRONCHE
147Le camp découvert sur photographie aérienne par Jacques Dassié en 1976 (fig. 201 et 202) est situé au lieu-dit Rocherou, face à l’église romane d’Aulnay, à environ 500 m à l’ouest de l’ancienne voie romaine Saintes-Poitiers. La Table de Peutinger et l’Itinéraire d’Antonin nous ont restitué le nom antique d’Aulnay : Aunedonnacum. La Table de Peutinger indique en outre la position stratégiquement importante de carrefour routier de ce vicus. Deux milliaires découverts à proximité indiquent sans ambiguïté que nous sommes à la frontière de deux grandes cités gauloises : celle des Santons au sud, des Pictons au nord. Les installations militaires occupaient une zone plane argilo-calcaire en légère déclivité vers l’ancien cours de la Brédoire, affluent de la Boutonne. Le camp se présente comme un vaste quadrilatère aux angles arrondis de 292 m de long sur 217,50 m de large soit une superficie globale de 6,35 ha, ce qui indique une garnison tournant autour de mille cinq cents à deux mille cinq cents hommes, sans doute un cantonnement destiné à des vexillations (fig. 203).

FIG. 201
Aulnay/Rocherou. Vue aérienne de la partie méridionale du camp.
photo J. Dassié.

FIG. 202
Aulnay/Rocherou. Les bâtiments centraux.
photo J. Dassié.

FIG. 203
Aulnay/Rocherou. Plan d’interprétation des photos aériennes.
plan M. Fincker.
148Les premiers sondages ont été effectués dès 1976 par D. et F. Tassaux. Des sondages plus extensifs furent entrepris sous la direction de P. Tronche à partir de 1987. D’abord l’horreum (1987-88), puis l’aile est des principia (1989-90-91), enfin la porte nord (1992).
149Le système défensif était constitué de deux fossés parallèles écartés en moyenne de 1,10m. Leur section était triangulaire, symétrique, avec un profil en V et une gouttière de fond aplanie. Leur largeur évoluait entre 1,80 et 2,20 m pour une profondeur allant de 1,60 à 2,30 m. Les portes de bois assez proches des modèles rhénans contemporains étaient à double battant, en retrait par rapport à la ligne du rempart et flanquées de deux tours en L. L’interruption des fossés au niveau de la porte nord était de 19,50 m. L’ensemble agger/vallum se situait à 2,60 m du fossé interne et occupait une largeur de 3,70 m. Le rempart était très probablement constitué d’un revêtement vertical de bois à la fois vers l’extérieur et l’intérieur du camp, contenant un remplissage de terre et cailloutis extrait du creusement des fossés, comme en témoigne une double rangée de trous de poteau. L’implantation du vallum dans ce dispositif n’a pu être retrouvée avec précision étant donné l’altération du substrat par les engins agricoles.
150Les infrastructures étaient aménagées dans un substrat calcaire assez dur, sous une mince couche de terre arable. Elles sont celles d’un camp de bois. Les cloisons murales extérieures et intérieures des différents bâtiments étaient établies dans une tranchée de fondation sans aucune interruption pour les seuils. Dans cette dernière ont été implantées des poutres verticales espacées de 1,45 m. Les trous de poteau, bien repérés, étaient d’un module grossièrement carré (46-47 cm pour une profondeur moyenne de 32-35 cm). Chaque angle était conforté par une poutre. Ces poutres maintenaient un clayonnage de branchages entremêlés destiné à recevoir un enduit à la chaux (de 4 à 9 cm d’épaisseur) recouvert d’un autre enduit siliceux de quelques millimètres d’épaisseur, soigneusement lissé. Les toits à double pente étaient soutenus par une rangée axiale de poteaux. Il semblerait que les couvertures des toits aient été faites de matériaux périssables, bien que quelques rares fragments de tuiles aient été retrouvés, surtout dans la partie sud du camp. Drains, canalisations, fosses à rebut, puits et citernes étaient soigneusement creusés dans le calcaire.
151Les principia ont une dimension de 45 x 38 m. La partie sud a été détruite par l’implantation de la départementale 222 et la partie ouest endommagée par l’exploitation d’une carrière au xixe s. Aucun portique autour de la cour n’a été repéré par les fouilles. L’aile orientale se présentait comme un quadrilatère de 18,25 x 15,85 m ; dans la partie sud, une pièce s’ouvrait par un auvent vers un puits circulaire de grande circonférence (7,30 m pour une profondeur de 7,60 m). Ce puits, malheureusement soigneusement comblé au moment du départ de la garnison, ne contenait que peu de mobilier. La présence de nombreuses scories métalliques et de rebuts cendreux dans les fosses environnantes fait penser à un atelier de réparation ou à un armamentarium. Au nord, deux grandes pièces orientées perpendiculairement à la cour portaient de nombreuses traces de cloisons internes rendant énigmatique leur destination. Ces pièces sont néanmoins associées à des fosses internes et externes qui recelaient une grande quantité de déchets domestiques. Immédiatement à l’est sont apparues, après un long drain longitudinal, les traces très diaphanes de possibles stalles de cavalerie. En 1982, dans l’une des pièces de la partie nord des principia, avait été découvert un autel anépigraphe, volontairement brisé et désacralisé. Il permet sans doute d’identifier la chapelle aux enseignes, en position centrale dans le camp.
152L’unique horreum du camp a été creusé dans le calcaire. Il est apparu comme une grande fosse longue de 18,15 m et large de 8,15 m, profonde de 1,30 à 1,40 m. Comblé et détruit au moment du départ des soldats, il contenait un important amoncellement de mobilier : céramiques communes, sigillées, amphores, fragments d’armes, ossements... Sur le fond étaient aménagées une cavité circulaire contenant une amphore à huile de type Dressel 20 et dans sa partie est des rainures destinées à recueillir les travées d’un plancher de bois, à fin de vide sanitaire. L’entrepôt comportait sans doute une murette en pierres sèches en guise de solin et un toit à double pente comme l’indiquait la rangée axiale de trous de poteau, espacés de 2,20 m, aménagée au fond. Des petits drains recueillaient les eaux pluviales de la partie sud du toit et les collectaient pour une citerne grossièrement carrée (1,85 x 1,62 m pour une profondeur de 1,65 m) utilisée comme réserve d’eau potable ou plus probablement comme réserve-incendie.
153Le mobilier recueilli s’inscrit totalement dans la période 20-40 ap. J.-C. L’absence de toute stratigraphie, le comblement instantané de certaines structures, le caractère chronologiquement homogène des structures et du mobilier, postulent pour un temps d’occupation très court. La datation des céramiques sigillées et des parois fines mène à une période allant du règne d’Auguste à celui de Claude. Les céramiques augustéennes précoces font défaut. La circulation monétaire fondée sur la trouvaille de plus de trois cent vingt monnaies retrouvées dans tous les secteurs géographiques et les différentes structures du camp montre une circulation augusto-tibérienne massive (plus de 60 % des monnaies). Les dernières espèces en circulation sont de rares asses de Tibère à l’autel de la Providence dont la frappe commence à Rome autour du début des années 30. Les conditions du versement de la solde et l’impératif de sa régularité interdisent donc de prolonger bien au-delà du début des années 30 le séjour aulnaysien de cette garnison. Le dossier chronologique, malgré une légère distorsion pour la période de l’abandon du camp entre les repères fournis par la datation traditionnelle de certaines céramiques à parois fines et les données ressortant de l’examen de l’ensemble des monnaies, évoque les péripéties et les suites de la répression de la révolte de 21 ap. J.-C. racontée par Tacite (Annales III, 40-46). En effet, la révolte commencée chez les Andes et les Turons ne put être écrasée par les troupes de la cohorte de Lyon et on dut faire appel aux troupes de Germanie. Trois inscriptions, mises au jour au xixe s. lors de travaux dans et autour de l’église (CIL XIII, 1121, 1122, 1123), mentionnent justement deux légions, la legio II Augusta et la legio XIIII Gemina, cantonnées dans la région rhénane entre l’époque augustéenne et 43 ap. J.-C., avant de participer à la conquête de la Bretagne sous Claude où elles restèrent en garnison.
154bibliographie [2004]
Tassaux et al. 1983 ; Tassaux et al. 1984 ; Tronche 1993 ; Tronche 1994 ; Tronche 1996.
Bad Cannstatt
Bade-Wurtemberg, Allemagne (carte fig. 7)
155C. S. SOMMER
156Le fort (fig. 204) est installé au bord d’un plateau, légèrement incliné au sud-est, qui domine d’environ 25 m la vallée du Neckar. En raison de la rupture de pente devant l’angle sud-est, l’accès à la vallée se fait au sud-ouest par une petite rampe naturelle. Le site est un carrefour de voies antiques, nord-sud (route de la vallée) et est-ouest, à un endroit où le fleuve peut être franchi. Du camp lui-même, on jouit d’une vue exceptionnelle sur toute la vallée du Neckar et vers les Alpes souabes, au sud-est.

FIG. 204
Bad Cannstatt. Plan général du fort (Goessler 1921, pl. A).
157Après la découverte du fort de pierre par E. Kapff en 1894, et les fouilles de la Reichslimeskommission en 1905, des recherches systématiques ont été conduites de 1908 à 1911, avant implantation d’une caserne. La technique de l’époque, par tranchées étroites, n’a malheureusement pas donné d’excellents résultats, comme on le voit notamment à propos du premier camp en terre. De grands décapages sur le vicus, au nord-ouest du camp, furent toutefois effectués et poursuivis dans les années 1920-1930. Des découvertes ponctuelles ont été signalées de façon continue au sud-ouest lors de travaux de construction et de l’aménagement du cimetière.
158Le premier fort en terre a été construit au moment de l’installation du limes du Neckar, sous Trajan. La date de sa reconstruction en pierre n’est pas claire, mais l’abandon du camp a dû intervenir au moment de l’avancée du limes vers l’est, sous Antonin. Certaines parties du fort semblent avoir alors été réutilisées par les civils. C’est une ala I, peut-être l’ala I Scubulorum, qui tenait garnison à Bad Cannstatt. Le camp en terre (188 x 163 m, soit 3,1 ha) devait être orienté au sud-ouest, si l’on en croit la position de ses portes, identique à celles du camp en pierre. Il était entouré d’un fossé de 6 à 7 m de large pour 2 à 3,3 m de profondeur. Le rempart en terre et bois, large de 3 à 3,5 m, jalonné de poteaux sur sa face antérieure, était sans doute flanqué de tours en bois, dont l’existence n’est pas bien attestée. On ignore tout de la disposition interne.
159Le camp en pierre (212 x 165 m, soit 3,5 ha) a été construit sans qu’aucun segment de l’enceinte précédente ne soit réutilisé, ce qui est étonnant. Bien que son grand axe soit orienté est-ouest, son plan barlong dispose l’ouverture principale au sud-est vers le Neckar, ce qui ne peut s’expliquer que pour des raisons d’accessibilité au site. Le segment sud du rempart occidental est légèrement dévié, en raison de la proximité de la rampe naturelle dont il a été fait mention.
160Derrière un fossé en V de 4,5 à 8 m de large pour 1 à 1,5 m de profondeur, parfois double, puis une berme de 1 à 2,5 m, vient un rempart épais à la fondation profonde de 0,9 à 1,4 m, à l’élévation de 0,9 m. La fondation, en blocage, supporte un mur à double parement, en léger retrait. Le côté nord, implanté dans les fossés du camp en terre, est plus profondément fondé. Tous les 5,5 à 6 m apparaissent des piliers de soutènement (long. 1,5 m ; ép. 0,7 m) qui portaient sans doute le chemin de ronde. On remarquera que la via sagularis est distante de 3,5 m du rempart. Les angles nord sont flanqués de tours légèrement trapézoïdales, tandis que les tours intermédiaires entre les portes et les angles sont carrées. La porte prétorienne (larg. 3,4 m), vers le Neckar, comprend curieusement deux passages de 1 et 1,5 m. Les tours (la première mesure 2,9 x 2,6 m et la seconde 3,2 x 2,3 m) sont particulièrement petites. La porte décumane, à l’opposé, montre un passage simple de 3 m de large et des tours de 5,5 x 4,5 m et de 6 x 5,5 m, et semble particulièrement grande. La fondation traverse le passage en sous-sol. Les tours de la porte décumane sont renforcées, à l’extérieur, par deux piliers à l’ouest, et un pilier unique à l’est. On observe une conduite d’eau dans le passage. La porte principale gauche a une largeur de 8 m pour un passage double et des tours de 4,5 à 5 m, légèrement saillantes. La porte principale droite, large de 6 m (pilier central compris), montre un double passage et est flanquée de tours de 5 x 5 m. L’entrée nord semble avoir été bouchée dans un second temps.
161Les voies internes étaient couvertes de gravier et bordées de pierres dressées de chant. On trouve çà et là des dalles de tuf. La via principalis avait une largeur de 10 à 12 m, la praetoria de 8 m, la decumana 10 m, la sagularis seulement 4 m.
162Des bâtiments internes, on ne connaît avec quelque détail que les principia (47 x 37 m), sans hall d’exercice. Autour d’une cour centrale pavée de dalles de tuf, les ailes latérales et l’aile arrière nord montrent là aussi un certain nombre d’irrégularités. Au centre, apparaît la chapelle aux enseignes, avec une abside saillant à l’extérieur.
163Divers bâtiments ont été repérés à l’angle sud-ouest, notamment un bâtiment large de 10 m, avec une cave creusée dans un second temps, et pour cette raison profondément fondée par-dessus les fossés du camp antérieur, dans une couche d’incendie. Son identification initiale comme quartier du commandant est très peu probable.
164Le vicus s’étend le long de la voie qui conduit à la porte décumane comme à celle qui mène à la porta principalis dextra (route de Pforzheim). Il est vraisemblable que ces voies de circulation étaient reliées entre elles par une chaussée parallèle à l’enceinte, à l’angle nord-ouest. Le complexe de fosses, de puits et de caves en façade des bâtiments, parfois sur l’arrière, est malheureusement difficile à discriminer selon des phases d’occupation claires correspondant aux périodes d’occupation puis d’abandon du camp. On ne sait pas non plus si la production céramique a commencé pendant ou après l’occupation militaire. De même, la datation de quartiers dans la vallée du Neckar et de l’autre côté du fleuve reste incertaine. Une nécropole d’environ trois cents tombes a été découverte à environ 600 m au nord-ouest.
165bibliographie [2004]
ORL 8, 59 ; Goessler 1921 ; Goessler & Knorr 1921 ; Joachim & Stork 1996 ; Knorr 1921.
Bad Homburg vor der Höhe/Die Saalburg
Hesse, Allemagne (cartes fig. 7 et 8)
166E. SCHALLMAYER
167La Saalburg est installée sur un col du Taunus, passage naturel entre le bassin du Rhin et du Main, d’un côté, la région d’Usingen et la haute Hesse d’autre part, à 6 km au nord de Bad Homburg vor der Höhe : emplacement stratégique qu’il fallait contrôler, notamment après l’édification du limes. Nos connaissances sont dues à L. et H. Jacobi, qui ont fouillé le site de la fin du xixe s. jusque dans les années 1920. On doit distinguer plusieurs systèmes fortifiés successifs (fig. 205) :
les redoutes (Schanzen) ;
le “camp de terre” (Erdkastell) ;
le camp de cohorte.

FIG. 205
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. Plan général du fort.
Les redoutes
168La plus ancienne (Schanze A) est installée à environ 75 m à l’est du camp principal, aujourd’hui reconstitué (fig. 206 et 207). Il s’agit d’une petite fortification en forme de pentagone irrégulier, avec l’angle nord-est coupé (42 x 38,50 m, soit 1 600 m2). L’enceinte comprend une palissade extérieure qui précède un fossé de 1,50 à 1,80 m, profond de 0,90 m, lui-même suivi, à environ 2,00-2,50 m de distance, d’un très petit fossé, que l’on peut interpréter soit comme la fondation d’une palissade, soit comme un fossé de drainage. On restitue généralement une levée de terre entre le fossé antérieur et le petit fossé arrière, sans doute avec un front en mottes de gazon. Il est possible –mais non certain– que ce dispositif ait remplacé, presque immédiatement, un premier dispositif provisoire formé par la palissade externe qui n’aurait duré que le temps de la construction.

FIG. 206
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. La redoute A selon Jacobi (Schallmayer 1997, 106, fig. 102).

FIG. 207
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. La redoute A : reconstitution (Schallmayer 1997, 107, fig. 103).
169La porte unique est au sud, mais son plan n’est pas clair. L’intérieur est vide, à l’exception de fours dans l’angle nord-ouest, d’un puits et de diverses canalisations à l’est, ce qui indique une occupation sous tentes, pour une durée courte, par une troupe que l’on peut évaluer à une centurie. Ce campement, en l’absence de matériel stratifié, est généralement mis en relation avec la guerre chatte (83-85).
170La seconde redoute (Schanze B : fig. 208-210), située à environ 30 m plus au sud, se présente sous la forme d’un carré quasi régulier (47 x 45 m, soit 2 100 m2), défendu par un mur de terre et gazon, large de 4,50 m, précédé de deux fossés de 2,80 m (prof. 1,20 m). Entre ces deux fossés, une petite tranchée de fondation (0,30 m de profondeur) accueillait un obstacle en élévation (palissade ou claies). La porte, marquée par une interruption des fossés sur 5 m, est orientée au nord. Le plan des poteaux permet de restituer une tour de 2,70 x 2,20 m, avec une protection latérale du passage à travers les fossés. L’intérieur montre des restes de bâtiments en bois, où l’on reconnaît un baraquement en U précédé d’un portique donnant sur une cour intérieure. Entre ces casernements et le rempart subsiste un espace de 3 m (via sagularis). On doit comparer ce plan avec celui des petits fortins de type Neuwirtshaus ou Rötelsee, et restituer des contubernia de 4 x 2,5-3 m. D’autres pièces plus grandes, sur l’aile arrière, peuvent être interprétées comme bureaux ou quartiers du chef de poste. L’ensemble pouvait accueillir une centurie ; l’orientation au nord suppose une relation directe avec la voie du limes. Ceci suppose une chronologie légèrement postérieure à celle de la redoute A, soit au plus tôt la guerre chatte.

FIG. 208
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. La redoute B : plan des structures et plan d’interprétation (Schallmayer 1997, 109, fig. 106 et 107).

FIG. 209
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. La redoute B : essai de reconstitution (Schallmayer 1997, 110, fig. 108).

FIG. 210
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. La redoute B : essai de reconstitution par l’armée allemande avant la première guerre mondiale.
Le fortin de terre
171Le fortin de terre est situé à environ 100 m à l’ouest des redoutes. Il s’agit d’une installation presque carrée aux angles arrondis (84,90 x 79,80 m de rempart à rempart, soit 0,67 ha), défendue par un fossé en V de 5-6 m de large, 2 m de profondeur, de profil “punique” (fig. 211-212). Le fond comprend, çà et là, un drain en bois, avec un large effluent à l’angle nord-est. Après une berme de 0,70 m vient un rempart, assez bien conservé au sud-ouest pour autoriser une reconstitution précise : il s’agit d’un mur de terre et bois, d’une largeur de 3,60 m, qui comprend trois rangées parallèles de poteaux, assez irrégulièrement disposés et peu fondés, avec un parement de bois ou de claies (peut-être même seulement de mottes de gazon), coffrant un bourrage interne de terre. Les tours ont 3 m de côté.

FIG. 211
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. Fortin en terre et en bois. Plan des structures fouillées et plan d’interprétation (Schallmayer 1997, 112, fig. 110-111).

FIG. 212
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. Fortin en bois. Essai de restitution (Schallmayer 1997, 114, fig. 113).
172Le fossé, interrompu au nord sur 5 m, laisse un passage protégé par un titulum, large de 2,60 m à 3 m, long de 11 m à l’ouverture, mais de seulement 9 m en profondeur. Des trous de poteau et des restes de calages au fond du fossé laissent supposer l’existence d’un obstacle supplémentaire en élévation, sans doute une palissade. La porte (larg. 3,60 m), dont les crapaudines carrées (0,14 m) sont encore en place, montre un double accès, avec, dans le passage, un coffrage en bois dont sont conservés trois poteaux. Peut-être existait-il aussi une poterne au sud, comme à Hesselbach et Nersingen, si l’on en croit le rétrécissement du fossé à cet endroit.
173La via sagularis (larg. 3 m) est limitée par un drain (larg. 0,80 m) qui recueillait aussi les eaux de l’intérieur du camp. La disposition intérieure est très mal connue, en raison des méthodes de fouilles du xixe s. et ne peut être restituée que par comparaison avec les fortins mieux documentés de l’Odenwald, notamment Hesselbach.
174On doit noter, à l’extérieur du camp, vers le nord, la présence d’un balnéaire dont l’apodyterium (16x7 m) est construit en bois et colombage, selon un usage militaire fréquent. A cette phase de l’installation militaire est en outre associée la présence d’un premier viens civil, au sud et au sud-est. On observera notamment la présence, à l’est, d’un bâtiment administratif de grandes dimensions (50 x 47,50 m), partiellement chauffé, sans doute destiné au contrôle des marchandises à travers le col de La Saalburg.
175Le matériel aussi bien que les sources historiques montrent une occupation entre 90-100 et environ 135, sans doute par un numerus breton, comme les autres forts de l’Odenwald.
Le camp de cohorte
176C’est vers 135 qu’est érigé le grand camp de 221 x 147 m (environ 3,25 ha) pour la cohors II Raetorum civium Romanorum equitata. À l’inverse du camp précédent, la porte principale (porta praetoria) est au sud, vers la voie Nida-ïleddernheim (fig. 213). Devant l’enceinte, après une berme d’environ 1 m, est creusé un fossé en V de 8-8,75 m, profond de 3 m, interrompu devant les portes. Les accès latéraux sont en outre protégés par des titula. Le rempart (Holzerdesteinmauer), large de 3,60 m, est construit avec deux parements de pierres sèches (dim. 0,80 m), reliés par un bâti de bois, composé de poutres transverses (0,20 à 0,50 m de section) tous les 1,77 m, comme un munis gallicus. Le mur est assez large pour porter, derrière le parapet, un chemin de ronde auquel on accédait, tant près des portes que des angles ou sur les longs côtés, par une série de vingt-quatre rampes parallèles au rempart, longues de 10 m, larges de 1 m. Les tours étaient en bois, comme le prouvent les vestiges retrouvés dans l’angle nord-ouest. L’exemple de la porte nord (porta decumana) montre que les passages étaient protégés par des tours de 3 x 3 m. La porte principale, double, est large de 7,5 m, les autres de 3 m.

FIG. 213
Bad Homburg vor der Höhe/La Saalburg. Plan du fort auxiliaire selon Jacobi (Schallmayer 1997, 115, fig. 114).
177La via sagularis, large de 3 m, est bordée par un drain. Derrière l’enceinte, à l’est et à l’ouest, dans la retentura, apparaissent des batteries de fours, ronds ou ovales (diam. 1,5 à 1,8 m), en pierre et argile, couverts en coupole ; on en compte au total une cinquantaine, protégés par des abris en bois, qu’atteste l’existence de trous de poteau.
178L’intérieur du camp, dans cette phase de la construction, est mal connu. La présence de trous de poteau montre une construction en bois et colombages, sur un plan très voisin de celui que l’on reconnaît dans la période suivante, en pierre. Ainsi sont attestés les principia avec leur hall d’entrée. La chapelle aux enseignes semble construite massivement en pierres liées à sec. La partie sud du grenier en pierre de l’état postérieur semble précédée par un bâtiment de bois (20 x 11 m). Les écarts entre les poteaux, qui servent aussi bien aux élévations qu’à la stabilisation d’un sol mouvant, varient entre 1 et 3 m. Sans doute appartient aussi à cette période le grand bâtiment (47 x 10 m) de l’angle nord-ouest, interprété comme une écurie, mais qui pourrait être aussi un bloc de casernement, ainsi qu’un bâtiment de 52 x 20 m, peut-être une baraque double, dans l’angle sud-ouest. On observe là des constructions en colombages, reconnaissables à la trace de leurs sablières basses ponctuées de poteaux verticaux.
179À l’extérieur du camp apparaît un bâtiment à péristyle de 34 x 24 m, en bois et colombage, peut-être l’apodyterium du balnéaire, en bordure d’une placette triangulaire devant la porte prétorienne. Les parcelles du vicus s’orientent perperdiculairement à la voie Nida- Heddernheim.
180Dans une deuxième phase, le camp de cohorte est reconstruit en pierre, sans modification de taille. Devant le fossé existant, à un intervalle de 1 m, est alors creusé un deuxième fossé de 10 m de large, 2,50 à 3 m de profondeur. La courtine est alors reconstruite en pierre, sur une épaisseur de 1,80 à 2,10 m. Lors des fouilles, certains segments atteignaient encore 2,40 m en élévation, mais la hauteur totale devait être de 4,80 m. Entre la fondation et l’élévation apparaît une couche d’isolation, composée de pierres posées de chant, et servant au drainage de la construction. Les murs avaient préservé les traces des échafaudages de construction et étaient enduits de blanc. Les courtines sont couronnées de merlons avec couvrements semi-cylindriques de basalte. Le rythme des merlons a été récemment recalculé à 1,50 m ; les embrasures sont recouvertes d’une plaque de basalte. Le chemin de ronde, large de 3,10 m, était accessible depuis le talus arrière, large de 5 m. La couche inférieure de ce talus montre un mélange provenant de l’extraction des terres du premier fossé, mêlée à du matériel et des restes d’incendie, tandis que la couche supérieure est composée de la terre extraite du second fossé.
181Le fossé extérieur est interrompu devant la porte principale, au sud, ainsi qu’à l’est, et possède à cet endroit un drain de bois à sa pointe ; le fossé intérieur est interrompu devant la porte occidentale. L’évacuation des eaux se faisait à l’angle nord-ouest.
182La porte sud est double, avec deux passages de 3,36 m, tandis que les autres portes ne comprennent qu’un unique passage de 3,36 à 3,77 m ; quant à la porte décumane, elle est encore plus étroite (2,80 m). Les tours, en pierre, montrent un plan carré de 3 x 3 m. On restitue généralement un étage. Devant la porte principale apparaît la base d’une statue impériale en basalte, dont les restes ont été retrouvés. De la partie supérieure au-dessus du passage provient aussi vraisemblablement un fragment d’inscription en lettres de bronze doré.
183La via sagularis avait 3 m de large ; des restes de pavement de la via principalis et de la via praetoria révèlent une largeur avoisinant les 5-6 m.
184Les principia (58 x 41 m) sont installés au même emplacement que le bâtiment en bois précédent. Au sud, ils s’ouvrent par un grand hall (38,5 x 11,5 m), destiné à l’exercice, et qui couvre la via principalis. Dans l’axe de la via praetoria comme dans celui des portes latérales apparaissent des accès de 4,20 m de large, précédés de porches : celui du sud est large de 5,90 m, profond de 4,70 m, ceux des côtés latéraux sont larges de 4,90 m, profonds de 3,40 m. Pour accéder à la cour intérieure, on passe par l’une des cinq portes, larges de 1,30 à 3,80 m. La cour elle-même est un carré de 21 m de côté, entouré d’un portique large de 3 m, avec un stylobate en maçonnerie. Au milieu du côté oriental apparaît un petit bâtiment carré (5,20 m de côté), avec une petite construction adventice dans l’angle nord-ouest, sans doute un tribunal. Dans la partie sud, on reconnaît deux puits.
185Les côtés ouest et est sont bordés chacun d’une grande pièce de 24 x 4 m. Il s’agit des armamentaria, subdivisés en quatre à l’ouest, alors que l’aile orientale constitue un vaste hall, avec une porte de 3,5 m de large. L’aile arrière comprend elle aussi un grand hall. De petites pièces latérales chauffées sont sans doute des bureaux. L’aile arrière comprend en outre des scriptoria. Dans l’axe médian apparaît la chapelle aux enseignes, de forme légèrement trapézoïdale (9,5 x 8 à 9 m), avec des murs de 0,88 à 0,95 m d’épaisseur. Le sacellum forme saillie sur l’arrière des principia. La reconstitution actuelle s’appuie sur la présence d’une cave, destinée à conserver la solde, et est donc surélevée de plusieurs degrés.
186Le praetorium (long. 28 m) est situé dans la praetentura occidentale et comprend une série de pièces de 6 m de large, dont la dernière, à l’ouest, se termine en abside. Le bâtiment, qui succède à un antécédent en bois, a subi des remaniements et pourrait avoir été centré autour d’une cour intérieure avec bassin.
187En face, de l’autre côté de la rue, apparaît un grand horreum de 24,36 x 20,12 m, sur les restes de magasins antérieurs en bois. Le bâtiment est divisé en deux par un couloir médian (larg. 1 m). Les murs extérieurs sont massifs et l’espace interne est divisé par des refends tous les 1,20-1,50 m, qui supportaient un plancher de bois destiné à supporter des poids importants. Des rampes sont visibles devant les entrées occidentales.
188Le plan des baraques n’est plus reconnaissable qu’à la présence de drains.
189Le vicus externe comprend notamment un balnéaire de 43 m de long, avec des salles en enfilade ; plusieurs phases de reconstruction ont été identifiées. Immédiatement au sud-est apparaît un bâtiment à péristyle de 29,50 x 26,35 m, partiellement sur hypocaustes, connu sous le nom de mansio.
190bibliographie [2004]
Klee 1995 ; ORL B, 11 , p. 13-19,20-43,45-46,57-64; Jacobi 1913 ; Jacobi 1914-1924 ; Peuser 2001 ; Schallmayer 1997.
Bad Kreuznach
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (carte fig. 13)
191R. BRULET
192Le fort est situé à l’ouest de Mayence, sur la route qui relie cette ville à Metz. Il protégeait également l’un des accès à Trèves. II a été fouillé en 1968 par B. Stümpel. L’enceinte, presque carrée, mesure 170 x 168 m (fig. 214). Les tours épousent la forme d’un U et se répartissent sur la muraille à intervalles réguliers de 40 m. Deux portes, protégées par une paire de bastions rectangulaires, ouvrent les côtés nord et sud en leur centre. Une partie de l’enceinte, située au nord-est et aujourd’hui appelée le Heidenmauer, existe toujours en élévation.

FIG. 214
Bad Kreuznach. Plan du castellum.
dessin R. Brulet
193Un ensemble de constructions intérieures a été découvert dans l’angle est du fort. Parmi ces bâtiments, on reconnaît des éléments de thermes. On a découvert les vestiges d’un atrium formé par des pièces de petites tailles reliées à une cour centrale. Il est possible que cette partie du fort ait servi de mansio et qu’elle soit antérieure à la construction des fortifications. Une partie de ces constructions a été incluse dans le système de défense lors de la construction du fort.
194Si des fouilles ont été réalisées pour dater la construction, ces recherches n’ont pas permis de connaître précisément le niveau de la première occupation de la fortification. En effet, la présence de matériel antérieur introduit une certaine confusion entre les différentes couches d’occupation du site. La période durant laquelle le fort a été construit semble être celle de Constantin.
195bibliographie [2004]
Johnson 1983a ; Stümpel 1970 ; Unverzagt 1968.
Bad Nauheim/Rödgen
Hesse, Allemagne (carte fig. 3)
196S. von schnurbein
197Le camp se situe sur une hauteur, au-dessus de la vallée de la Wetter, qui se jette dans la Nidda et se trouve ainsi en relation directe avec le Main et le Rhin. Il est éloigné d’environ 60 km de Mayence. Le site a été découvert par hasard en 1960, lors de travaux de construction, et a été par la suite en grande partie fouillé.
198La surface du camp, en forme d’ellipse irrégulière, est de 3,3 ha (fig. 215). L’enceinte est constituée de deux fossés en V qui atteignent jusqu’à 3 m de profondeur et 5 m de largeur ; les mesures varient cependant fortement, en raison de l’érosion. Le mur en bois et terre de 3 m de large était constitué de pieux implantés isolément. Une seule véritable porte a pu être retrouvée à l’est, en direction du plateau (fig. 216). Elle correspond, avec son double passage rentrant, aux plans habituels (type V de Manning et Scott), mais possède une particularité : les poteaux d’angle orientaux des tours, du côté du passage, et le poteau antérieur de la spina sont doublés par une seconde structure de mêmes dimensions et de même profondeur. Un tel dispositif n’est pas autrement connu et sa fonction n’est pas claire. Le passage présente une largeur de 3 m ; la cour devant l’accès est de même profondeur que le rempart. Le fossé extérieur passait devant la porte et était simplement légèrement resserré. D’autres étranglements ont été constatés au nord et à l’est ; il devait y avoir à ces emplacements, dans l’enceinte en bois et terre, de simples passages supplémentaires, vraisemblablement au niveau du rez-de-chaussée des tours (type I de Manning et Scott). Les passages se reconnaissent, dans certains cas, aux sablières, perpendiculaires au rempart, qui relient un poteau antérieur à un poteau postérieur. On suppose que ces sablières marquent l’emplacement de cloisons de bois qui bloquaient le remblai intérieur du rempart. Les tours (3,5 x 3 m) étaient en général reconnaissables à leurs trous de poteau plus grands et plus profonds ; elles sont disposées tous les 15 à_16 m. Au sud de la porte apparaît aussi une tour ou une plate-forme à six poteaux. Les boisements mêmes n’ont pu être reconnus qu’en de rares cas, ce qui ne fournit guère d’indication sur leurs dimensions.

FIG. 215
Bad Nauheim/Rödgen. Plan du camp : 1 principia ; 2 magasins ; 3 casernes (Johnson 1987, fig. 175).

FIG. 216
Bad Nauheim/Rödgen. Plan de la porte orientale (Schönberger & Simon 1976, fig. 2).
199Les bâtiments intérieurs de Rödgen sont construits soit sur des poteaux isolés, soit sur des poteaux alignés et dressés à l’intérieur d’un petit fossé. Les casernes, d’une longueur d’environ 50 m, mises au jour dans les secteurs sud et est du camp, présentent des poteaux isolés. Il devait s’agir de casernes doubles, dotées de grandes pièces de 4 x 4 m et d’antichambres d’environ 2 m de large. Une restitution dans le détail est hasardeuse. Le bâtiment de commandement, placé au centre, se compose de trois parties : au sud de la voie, une grande maison (14,7 x 8,4 m), suivie d’une grande cour péristyle au sol de gravier (22 x 14m) ; vient enfin, au sud, un grand complexe (41 x 19,30 m) composé de pièces de tailles différentes, disposées de manière irrégulière. Bien que l’ensemble ne réponde pas au schéma habituel, on ne saurait hésiter à y reconnaître un bâtiment de commandement. H. Schönberger a supposé que praetorium et principia formeraient encore ici un complexe unitaire. Il n’est pas possible, à partir de la découverte des casernes et de ce bâtiment de commandement, avec son organisation inhabituelle, d’identifier la troupe stationnée dans le fort. Schönberger l’estime à environ mille hommes.
200La fonction du castellum est caractérisée par la présence de trois immenses borna (fig. 217). Ils ont été décelés à partir de sablières parallèles, larges de 0,25 à 0,50 m et séparées les unes des autres par un écart qui atteignait 1 m. À l’intérieur de ces sablières, et autant que les traces ont pu en être conservées, étaient placés, à intervalles d’environ 0,90 m, des poteaux de 0,15 à 0,25 m de diamètre. Les surfaces déterminées par ces sablières parallèles étaient limitées latéralement par d’autres sablières, d’une largeur de 0,60 m, et plus profondes de 0,30 à 0,40 m que celles de l’intérieur. Les poteaux internes étaient également éloignés les uns des autres de 0,95 m. Le principe de construction est celui d’un bâtiment en forme de plate-forme dont le plancher est surélevé au-dessus du sol, ce qui est caractéristique des bâtiments de stockage. À Rödgen, le magasin A faisait environ 47,2 x 29,5 m, le magasin B environ 33 x 29,5 m, et le magasin C environ 35,5 x 30,7 m. On ignore la nature des denrées conservées dans ces entrepôts (peut-être des céréales).

FIG. 217
Bad Nauheim/Rödgen. Coupe restituée des horrea (Schönberger & Simon 1976, fig. 8).
201On n’a pas, jusqu’à présent, trouvé de puits à Rôdgen. Deux fosses profondes, l’une de plus de 2 m, l’autre de 1,84 m, pourraient être des citernes. Une fosse de 3 x 1,75 m, profonde de 1 m, est interprétée comme latrine.
202Le camp a été fondé en 10 av. J.-C. et apparemment déjà abandonné vers 8 av. J.-C. ; cette datation est fondée sur l’absence totale de monnaies à l’Autel de Lyon.
203bibliographie [2004]
Baatz & Herrmann 1982 ; Schönberger & Simon 1976.
Bâle/Petit-Bâle (Kleinbasel)
Bâle‑Ville, Suisse (cartes fig. 2 et 3)
204R. FELLMANN
205Le burgus se situe dans la vieille ville médiévale du Petit-Bâle (Kleinbasel), dans le secteur des rues Rheingasse, Utengasse et Revernzgässchen. L’ouvrage fortifié est implanté à quelques mètres au-dessus du niveau normal du Rhin et se trouve, conformément aux têtes de pont de la fin de l’Antiquité, presqu’en face du castellum installé sur le Münsterhügel (cathédrale). On peut émettre l’hypothèse d’une liaison par bac entre les deux points. Le cours du Rhin se trouve aujourd’hui modifié par des aménagements artificiels. En cas de basses eaux, le burgus se trouvait autrefois relativement éloigné du fleuve ; lors de crues extrêmes, il pouvait cependant être atteint par les flots du Rhin.
206Le burgus a été découvert en 1973 lors de travaux de construction. D’autres parties ont pu être dégagées en 1978. La question de savoir s’il s’agissait d’une tour médiévale (époque des Zähringen) a pu être résolue en 1998 par la découverte de matériel céramique semblant fixer la datation à la fin de l’Antiquité. Le castellum tardif comparable de Kloten (canton de Zurich), dont la datation à l’époque Valentinienne est prouvée par la numismatique, peut en outre servir de parallèle.
207Il s’agit d’un ouvrage quadrangulaire (fig. 218) avec quatre tours d’angle aux trois quarts circulaires et une tour centrale carrée. Le dispositif mesure 21 x 21 m. L’épaisseur des murs oscille entre 3,92 et 3,97 m, les tours d’angle ont 6 m de diamètre. Caractéristiques sont les traces de poutres entrecroisées. La surface interne est de 13 x 13 m. On a trouvé encore par endroits les restes du toit effondré sous forme de couches d’imbrices. Des édifices semblables montrent le même phénomène (burgus d’Untersaal sur le Donau-Iller-Rhein Limes et burgus de Kloten datable vraisemblablement de l’époque Valentinienne).

FIG. 218
Bâle/Petit-Bâle. Le fortin (Moosbrugger 1979, fig. 4).
208La construction au moyen de trames de madriers semble typique des édifices élevés sous l’empereur Valentinien (voir les burgi du Donau-Iller-Rhein Limes et le burgus d’Aegerten/ église de Bürglein). M. Martin a plaidé récemment, en raison de la découverte de céramique, pour une datation antique tardive du site. Il convient également d’observer que le burgus n’a joué aucun rôle dans la physionomie de la ville lors de la création du quartier du Petit-Bâle fondé vers 1225. Une des ruelles transversales (Revernzgâsslein) le coupe d’ailleurs. Le burgus devait déjà avoir été complètement arasé lors de la fondation de la ville. Il devrait s’agir de l’ouvrage fortifié mentionné par Ammien (XXX, 3, 1), que Valentinien fit construire en 374 “prope Basiliam”. En raison de l’incertitude grammaticale du passage concerné, le nom de Robur cité par l’historien ne peut être attribué de façon définitive au site.
209bibliographie [2004]
D'Aujourd'hui 1980 ; Fellmann 1992, 336 ; Martin 1998 ; Moosbrugger 1973 ; Moosbrugger 1978 ; Moosbrugger 1981.
Bavay
Bagacum Nord, France (carte fig. 12)
210R. HANOUNE
211La fortification de Bavay comprend deux parties, mais seul le castellum occidental, d’environ 2 ha, est assez bien connu. La muraille a ici épousé la forme du forum (fig. 219), ce qui donne à cet ensemble un plan approximativement rectangulaire, se terminant en triangle à l’ouest ; les dimensions en sont de 216 à 240 m d’ouest en est, de 102 à 110 m du nord au sud. La muraille, régulièrement construite en moellons de calcaire avec arases de brique, est bien conservée (jusqu’à 8 m de hauteur au sud-ouest) sur les flancs sud (en face du musée archéologique) et ouest : elle reste imposante malgré la disparate des restaurations modernes. Si elle est anciennement connue dans le paysage urbain de Bavay (une première description remonte à la fin du xviiie s.), son dégagement date surtout du xxe s. (il n’est qu’esquissé sur le flanc nord) et son étude n’est encore que partielle.

FIG. 219
Bavay. Plan des fortifications (Brulet & Thollard 1995, 26). T = tour.
212Il apparaît en effet nettement que la muraille visible n’est que la troisième des défenses qui ont enveloppé le centre monumental de la ville du Haut-Empire. Dans un premier temps, les boutiques, surtout celles qui étaient disposées à l’extérieur du forum, sur le côté sud, ont été barrées par un mur à double parement, large de 1 m, assez mal bâti.
213Dans un deuxième temps, une première vraie muraille, avec des tours circulaires aux angles (T6 et T10) et plusieurs tours semi-circulaires pleines (tours T4, 8, 11, 14 et 15), cerne complètement le forum. Si de nombreuses irrégularités, qui traduisent des contraintes encore inexpliquées, marquent la construction (les tours des flancs nord et sud ne se répondent pas, la courtine sud n’est pas rectiligne mais présente une avancée arrondie à la hauteur du milieu du forum, ce qu’on ne retrouve pas sur le flanc nord), dans l’ensemble cette muraille à double parement est solide (2-3 m de largeur). Elle se caractérise, malgré des différences dans les maçonneries, par le réemploi dans les assises inférieures de grands blocs de calcaire bleu provenant souvent de tombeaux monumentaux (leur fouille a permis la récupération de sculptures et d’inscriptions). Ces blocs se voient encore sur le flanc oriental du castellum qui se refermait sur le mur de fond de la basilique du forum et où la muraille a été élevée sur la terrasse qui dominait le kardo (les remblais de cette terrasse ont été consolidés par des pieux qui ont été retrouvés sous les maçonneries de la courtine et des tours).
214Dans une troisième phase, une seconde muraille, celle qui est actuellement visible, a entouré la précédente : de belle construction, sans remplois, elle est plus puissante (jusqu’à 5 m de largeur) et elle comporte au moins une porte monumentale, avec herse, entre deux tours (c’est la reprise de l’entrée sud-est du forum) ; elle présente de nouvelles tours pleines semi-circulaires (TI, 2, 3, 5, 7, 9, 12, 13) ; les tours de la première muraille ont simplement été intégrées dans la nouvelle construction) ; là où la courtine s’appuie sur la précédente, elle ne présente qu’un parement externe et la maçonnerie a, à l’intérieur, moulé les blocs de la fortification de la seconde phase ; là où, au contraire, elle s’en écarte (à partir du milieu du forum, après l’arrondi qui marque la première muraille sur le flanc sud), elle offre un double parement ; enfin, la fortification ne longe plus le côté oriental du forum, mais continue vers l’est comme on le voit bien encore à la hauteur de la tour T1.
215Ici prend naissance ce qu’on a considéré comme un second castellum, à l’est du premier, d’environ 1,5 ha, mais cet ensemble est extrêmement mal connu et hypothétique (s’il se prolongeait, légèrement en oblique, jusqu’au centre de Bavay, il aurait une centaine de mètres d’ouest en est, mais les observations des pans de murs qu’on pourrait lui rattacher ne sont pas encore très convaincantes).
216La fortification de Bavay est ainsi claire dans les grandes lignes mais elle donne lieu encore à bien des interrogations qui concernent :
les aménagements défensifs ; ainsi, on ne sait à quelle phase rattacher le creusement d’un grand fossé en V (3 m de largeur sur 8 de profondeur) qui a pris la place du decumanus au sud du forum : il a peut-être complété le bouchage des façades des boutiques ;
les irrégularités de l’implantation qui est assez différente au sud et au nord, qu’il s’agisse des portes, des poternes et des courtines, comme en témoigne une fouille récente (2002) entre les tours T11 et T12 ;
l’occupation militaire qui n’a pas laissé de traces à l’intérieur du castellum occidental (seuls des hypocaustes s’insèrent parmi les constructions publiques du Haut-Empire) : une fouille récente (2000) a montré néanmoins pour la première fois la présence d’un casernement installé sur le kardo à l’est du forum, soit à l’extérieur de la première fortification, peut-être en relation avec le castellum oriental ;
enfin, la datation des phases de construction : si l’ensemble de la fortification s’insère dans la période qui commence à la fin du iiie s. et qui voit le déplacement du chef-lieu de la cité à Cambrai, tandis que Bavay entre dans le dispositif de protection de la frontière et de la route vers Cologne, la chronologie des différents chantiers ne peut être précisée à l’intérieur du ive s.
217bibliographie [2004]
Boucly 1979 ; Brulet 1990 ; Brulet et al. 1995 ; Brulet & Thollard 1995 ; Hanoune et al. 2000 ; Thollard 1996a ; Thollard 1996b ; Thollard & Denimal 1998 ; Will 1962.
218Beauregard → Estissac
Bergkamen/Oberaden
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 3)
219J.-S. KÜHLBORN
220Le camp d’Oberaden se situe sur une légère éminence, à environ 3 km au sud de la Lippe, affluent droit qui se jette dans le Rhin à Xanten (Vetera). Les premières fouilles (1906-1914), sous l’égide de la Rômisch-Germanische Kommission, ont suivi essentiellement le tracé de la fortification et constaté l’emplacement des portes de l’enceinte (A à D) (fig. 220). Il convient de souligner que l’aménagement intérieur du camp, enregistré sur les anciens plans, est aujourd’hui largement caduc. Cela vaut également pour le système de voies dessiné à l’époque de façon schématique. Une seconde campagne se tint en 1936-1937 (Ch. Albrecht) ; en 1962-1963 eurent lieu des opérations de sauvetage ; depuis 1976, les recherches de terrain ont été continues.

FIG. 220
Bergkamen/Oberaden. Plan général.
dessin J.-S. Kühlborn.
221Le plan polygonal du camp en bois et terre, d’une superficie totale de 56 ha, était orienté en fonction des contraintes topographiques. Le rentrant du rempart occidental, tel qu’on le voit sur les anciens plans, paraît à l’heure actuelle douteux. La fortification du camp (fig. 221, 222) était composée d’un fossé d’environ 5 m de largeur et 3 m de profondeur, ainsi que d’un mur en bois et terre de 3 m de largeur (fig. 30). Des tours avaient été intégrées dans le mur en bois et terre tous les 25 m environ. Une plate-forme, vraisemblablement prévue pour l’installation de pièces d’artillerie, a été érigée sur la face interne du mur, à l’angle nord-ouest du camp (fig. 223). Une imposante porte d’enceinte avec rentrant (type V de Manning et Scott) s’élevait sur chacun des quatre côtés principaux du camp. Un bâtiment de 21,5 x 8,5 m avec entrée sur la via praetoria se trouvait à l’ouest de la porta praetoria (7). On connaît des bâtiments comparables au niveau des portes d’enceinte sud et est du camp d’Anreppen. L’hypothèse d’un logement pour les gardes ou d’un magasin d’armes pourrait ici être également soulevée. Trois bassins en bois de 5 x 12 m ont été trouvés à proximité immédiate de l’enceinte ; il devrait s’agir de latrines pour les troupes (fig. 224-226).

FIG. 221
Bergkamen/Oberaden. Le rempart nord-ouest est visible, à droite, sous la forme de ses deux tranchées de fondation de la palissade. Au milieu, restes de la tour 10. À gauche, drain.

FIG. 222
Bergkamen/Oberaden La porte nord.
dessin J.-S. Kühlborn.

FIG. 223
Bergkamen/Oberaden. La porte sud.
dessin J.-S. Kuhlborn.

FIG. 224
Bergkamen/Oberaden. Latrine. Murs latéraux constitués de clayonnages en bois.

FIG. 225
Bergkamen/Oberaden. Puits avec un entourage en forme de caisson en bois.

FIG. 226
Bergkamen/Oberaden. Latrine. Détail des clayonnages en bois.
222Malgré le tracé polygonal du camp, la surface intérieure du castellum était en grande partie subdivisée en insulae rectangulaires. Les bâtiments étaient essentiellement construits en colombages. Le praetorium (1), la via principalis de direction ouest-est, les principia (2) avec des fragments de la construction périphérique (4), ainsi qu’un autre complexe de bâtiments placé au-delà de l’angle sud-est des principia (la maison dite “à atrium”, 3) ont été dégagés depuis 1985 dans le secteur central du camp (fig. 227).

FIG. 227
Bergkamen/Oberaden. Plan général des bâtiments centraux.
dessin J.-S. Kühlborn.
223L’emplacement du praetorium, directement au centre du camp, est surprenant. Ce groupe de constructions centrales est composé de trois parties qui s’ajoutent l’une à l’autre : le véritable praetorium, une annexe latérale à l’ouest et une maison de tribun à l’est. La largeur de l’ensemble de la façade méridionale, incluant les bâtiments annexes, s’élève à 71 m. L’entrée principale se trouve sur la via principalis et se remarque sur le plan architectural par un vestibule de 11,5 m de large qui s’avance sur la rue. Vient ensuite un atrium de 28 x 10 m, puis une pièce flanquée sur les côtés de corridors étroits et ouverte en direction de la cour intérieure centrale. De petites cours intérieures, avec pièces adjacentes, donnent sur les deux côtés de l’atrium. À l’ouest et à l’est, des pièces de taille différente entourent la cour centrale (25,5 x 18,5 m). Les salles du nord constituent l’extrémité postérieure du praetorium. Une pièce remarquable par sa taille (11,5 x 7 m), flanquée d’un passage qui conduit à la via quintana, apparaît dans l’axe médian. Parmi les salles occidentales, la pièce d’angle au nord-ouest est chauffée par l’intermédiaire d’un foyer extérieur. Les salles orientales présentent en revanche une tout autre disposition : la répartition en pièces relativement petites, accessibles depuis un corridor extérieur, fait moins penser à des salles d’apparat destinées aux services ou aux bureaux qu’à des pièces de caractère plus privé. Certains traits caractéristiques de l’architecture des villae romaines apparaissent de manière évidente dans l’organisation dupraetorium. La position inhabituelle du praetorium au centre du camp, mais également sa somptueuse conception architecturale, témoignent d’une fonction exceptionnelle. Il est possible que cet édifice ait été destiné à Drusus, alors commandant militaire et administrateur des Gaules.
224Le praetorium a été agrandi à l’ouest au moyen d’une construction de 14 m de largeur à la fonction indéfinie. Une maison de tribuns de 26 x 13,5 m apparaît directement à l’est du praetorium. Praetorium et maison de tribuns sont reliés par des entrées qui se font face, ainsi que des corridors disposés dans le même axe. Pour la personnalité logée ici, l’accès direct aux bâtiments de commandement devait être important.
225Le déplacement surprenant des principia 103 x 94 m) au sud de la via principalis s’explique en raison de la position du praetorium au point d’intersection septentrional de la via principalis et de la via praetoria. L’entrée principale se situe sur la viapraetoria, non loin de la porte d’enceinte sud. Il n’est plus possible, en raison de destructions modernes, de prouver l’existence d’un vestibule. Une entrée supplémentaire avec un hall d’accès débordant sur la via principalis existe sur le côté postérieur septentrional. La cour intérieure présente des dimensions extérieures de 82,5 x 77 m et des portiques de 5 m de large sur les côtés ouest, sud et est. Les armamentaria latéraux manquent. Le portique est double le long du côté nord. Un petit vestibule conduisant dans la cour des principia apparaît devant l’entrecolonnement médian, légèrement plus large. Les piliers porteurs de la basilica s’intégraient dans le double alignement de colonnes. Les véritables salles de fonction (neuf pièces) suivent à l’arrière dans une aile d’environ 8 à 8,5 m de profondeur.
226Les principia sont entourés de rues et jouxtés à l’ouest et à l’est par une zone de constructions denses. Les tracés incomplets de maisons individuelles, en partie dotées de cours intérieures, ont pu être repérés ainsi que, plus loin, le portique d’une rue. Une maison de 24 x 22 m, dont les pièces s’ordonnent autour d’un atrium, a ensuite été érigée au sud des principia dont elle est séparée par une rue large de 17 m. Ce bâtiment fit l’objet, pendant la courte période d’occupation du camp, d’un vaste agrandissement, au cours duquel sa façade occidentale fut avancée sur la via praetoria. Une cour péristyle de 25 x 25 m fut ajoutée au sud. Les fouilles actuellement en cours laissent supposer la présence probable d’un bâtiment traité d’une manière semblable sur le côté occidental de la via praetoria. La via praetoria, à l’origine nettement plus large, fut ainsi rétrécie à 12 m par ces deux édifices.
227Le plan de la maison orientale montre lui aussi des liens avec l’architecture civile urbaine italienne. Le bâtiment était certainement destiné à un officier de haut rang. L’hypothèse d’une maison de légat est séduisante. Il faut cependant attendre le dégagement complet du pendant occidental pour pouvoir confirmer cette interprétation. Si l’on tient compte de la superficie totale du camp et des dimensions gigantesques des principia, il est tout à fait probable que deux légions aient été stationnées simultanément à Oberaden. Si cela est vrai, il faudrait alors également s’attendre à y trouver deux maisons de légat.
228En dehors de la partie centrale, intensivement construite, seuls les environs de l’angle nord-ouest du camp ont livré de véritables découvertes. Quelques logements pour les troupes, avec les bâtiments correspondants pour les centurions (fig. 228), se situaient à cet endroit, entre la via sagularis et une voie du camp de dimensions plus importantes. Un vif débat, aujourd’hui dépassé, a eu lieu au sujet du type de logement des troupes. Alors que les tranchées de fondation pour les maisons de centurions avaient été dégagées, aucune n’avait été découverte dans le secteur du logement des troupes, ce qui conduisit d’abord à l’hypothèse d’un stationnement des troupes dans des tentes ou d’autres hébergements provisoires (hibernacula). Cependant sont apparus des restes lacunaires d’alignements de poteaux qui, par comparaison avec les fouilles des casernements d’Anreppen, ont pu être interprétés comme vestiges de casernements en dur. La technique de construction, bien connue à Haltern, qui consiste à ouvrir des tranchées continues pour fonder les poteaux de bois a pu être également attestée de manière ponctuelle sur un autre emplacement du camp d’Oberaden. Il existait apparemment à l’époque augustéenne deux techniques différentes de construction des casernements. Un espace libre, à l’intérieur duquel se trouvaient latrines et puits, séparait les maisons des centurions des casernements.

FIG. 228
Bergkamen/Oberaden. Plan général des baraquements à l’angle nord-ouest du camp.
dessin J.-S. Kühlborn.
229La fondation d’Oberaden est, grâce à la dendrochronologie, datée de manière absolue de l’année 11 av. J.-C. (Dion Cassius, 54, 33, 4). La fin du camp est placée, en raison des données dendrochronologiques, numismatiques et historiques en 8-7 av. J.–C. Le camp existait donc pendant les campagnes de Drusus en 11-9 av. J.-C. L’identité de la troupe stationnée à Oberaden n’est pas connue. D’après les découvertes d’armes, des troupes auxiliaires étaient également présentes à Oberaden à côté des soldats légionnaires. Plusieurs indices témoignent d’une évacuation méthodique du camp. Il n’y a pas de lien entre l’installation romaine et l’abandon d’une implantation indigène datant de l’âge du Fer, attestée en plusieurs points du camp.
230Le castellum (2,5 ha) contemporain de Beckinghausen, à 2,5 km à l’ouest du camp d’Oberaden, sur le bord de la Lippe, assurait le ravitaillement du camp d’Oberaden en marchandises transportées par la voie du fleuve.
231bibliographie [2004]
Albrecht 1938-1942; Kühlborn 1992; Schnurbein 1981 .
Berry-au-Bac/Mauchamp
Aisne, France
232M. REDDÉ
233Le camp de Mauchamp, près de Berry-au-Bac, dans la vallée de l’Aisne, a été fouillé en 1861 et 1862 par Napoléon III, qui y voyait le lieu de la bataille de 57 contre les Belges (fig. 229). Aucune fouille n’a eu lieu depuis lors, mais des photographies aériennes récentes viennent compléter et confirmer le dossier archéologique du xixe s (fig. 230).

FIG. 229
Berry-au-Bac/Mauchamp. Plan de situation du camp (Peyre 1979, 194).

FIG. 230
Berry-au-Bac/Mauchamp. a rempart du camp ; b angle nord-ouest, avec le départ d’un bracchium ; c porte avec sa clavicula (NB : la ligne brisée est due à une tranchée de la première guerre mondiale.
photos B. Lambot
234En 57, César tente de soumettre l’ensemble des Belges coalisés, sauf les Rèmes, qui se sont déclarés ses alliés. “Quand César vit que les Belges avaient fait leur concentration et marchaient vers lui, quand il sut par ses éclaireurs et par les Rèmes qu’ils n’étaient plus bien loin, il fit rapidement passer son armée au nord de l’Aisne, qui est aux confins du pays rémois, et établit là son camp. Grâce à cette disposition, César fortifiait un des côtés de son camp en l’appuyant à la rivière, il mettait à l’abri de l’ennemi ce qu’il laissait derrière lui, il assurait enfin la sécurité des convois que lui enverraient les Rèmes et les autres cités. Un pont franchissait cette rivière. Il y place un poste, et laisse sur la rive gauche son légat Q. Titurius Sabinus avec six cohortes ; il fait protéger le camp par un retranchement de douze pieds de haut, et par un fossé de dix-huit pieds... Il fit creuser en protection, des deux côtés de la colline, un fossé transversal d’environ quatre cents pas, et, à l’extrémité des fossés, il établit des redoutes, où il plaça des ballistes, afin que, la ligne de bataille une fois constituée, les ennemis, auxquels le nombre donnait un tel avantage, ne puissent pas envelopper les siens par les versants au cours du combat... Il y avait un marécage de faible étendue entre notre armée et celle des ennemis’’ (BG II, 5 et 8). La position de César est donc claire : une colline sur la rive septentrionale de l’Aisne.
235Napoléon III et Stoffel firent creuser de longues tranchées à partir de la route de crête qui traverse le site. D’abord infructueuses, les recherches finirent par mettre au jour un ensemble de fossés formant un complexe presque carré de 658 x 655 m, aux angles arrondis, avec un pan coupé à l’est d’une superficie d’environ 42 ha (fig. 231). Cinq portes, dont deux à l’ouest, permettent d’y accéder. Ces portes sont défendues par des claviculae internes. Deux grands fossés, longs d’environ 750 m, partent l’un de l’angle nord-ouest du camp vers un petit cours d’eau, la Miette, qu’il rejoint pratiquement ; l’autre part de l’angle sud-est vers l’Aisne, de sorte que la colline de Mauchamp est complètement barrée et qu’une manœuvre de contournement devient impossible. De petits fossés, dont le plan n’est pas clair, barrent transversalement, au nord, l’extrémité du bras septentrional ; ces fossés, peut-être emportés lors d’un changement du cours de l’Aisne, n’ont pas été retrouvés au sud, mais ont été restitués en pointillé sur le plan de Napoléon, qui y voyait la trace de redoutes. Trois questions ont été généralement débattues par les archéologues qui se sont occupés du dossier :
la cohérence du plan publié avec la description du récit césarien ;
la matérialité même des vestiges découverts ;
la chronologie du site.

FIG. 231
Berry-au-Bac/Mauchamp. Vestiges romains, d’après l’Atlas de Napoléon III.
236Sur le premier point, on ne peut que constater une réelle cohérence entre le plan levé par Napoléon et les détails du De Bello Gallico : Ch. Peyre a prouvé de façon convaincante que chacune des indications topographiques données par César correspondait à la réalité du terrain ; mais, même si l’on conteste telle ou telle interprétation du texte latin, on ne peut manquer d’être frappé par la cohérence du récit et des fouilles sur le point principal : l’existence des longs fossés de chaque côté de la colline. Il est vrai que les redoutes romaines n’ont pas été retrouvées, mais ces castella, nécessairement en bois, n’ont dû laisser que des trous de poteau, et on ne savait guère, vers 1860, reconnaître de tels vestiges.
237On a contesté en outre la crédibilité des fouilles de Stoffel, notamment dans le tracé des défenses des portes et le dessin des claviculae. Les photographies aériennes prises par M. Boureux en 1976 confirment incontestablement la matérialité des vestiges, tandis que celles de B. Lambot, plus récentes, montrent la présence d’une clavicula (fig. 230c), dont les récentes fouilles d’Alésia attestent l’existence dès l’époque césarienne. Lors des mêmes campagnes de reconnaissance aérienne a été mise en évidence la présence, près de la rivière, d’une structure trapézoïdale qui pourrait être un castellum. L’attribution du camp de Mauchamp à l’épisode de la bataille de 57 contre les Belges paraît donc aujourd’hui l’hypothèse la plus solide, d’autant que l’identification de l’oppidum de Bibrax avec le site de Vieux Laon, à 12 km de Mauchamp, a été récemment confirmée par la découverte –exceptionnelle– d’une monnaie baléare attribuée aux frondeurs auxiliaires de César.
238bibliographie [2004]
Lambot & Casagrande 1997 ; Peyre 1979.
Biblis/Zullestein
Hesse, Allemagne (carte fig. 13)
239D. BAATZ
240À 1,5 km environ à l’ouest de la centrale nucléaire de Biblis, et à peu près à 500 m du Rhin se trouve, à proximité du confluent actuel de la Weschnitz, le burgus tardif de Zullestein. Les recherches archéologiques menées de 1970 à 1972 ont mis au jour la construction romaine sous les restes de murs carolingiens et de l’époque des Staufer.
241Il s’agit d’un embarcadère fortifié de la fin de l’Antiquité (fig. 232), dont la construction centrale est une imposante tour rectangulaire de 22,30 x 16,10 m au niveau des fondations et de 21,30 x 15,10 m en élévation. Le mur extérieur présente au rez-de-chaussée une largeur de 2 m. L’ouvrage de maçonnerie est réalisé en petit appareil lié avec un mortier de chaux très dur. Deux massifs de fondation en pierre, d’une surface de 1,50 m2 et de 0,65 m de hauteur, ont été aménagés pour la construction des étages intermédiaires et du toit, dans l’axe nord-sud, au-dessus de la cave. Ils sont séparés l’un de l’autre par un écart de 4,20 m et s’élèvent à 5 m de distance du mur du burgus et à 4,50 m du mur occidental. Des restes de crépi sur la partie supérieure des massifs indiquent une élévation en pierre naturelle avec piliers, tout du moins au niveau de la cave. Il est ainsi possible d’admettre la présence de deux supports de 6 à 8 m de haut pour un étage intermédiaire supplémentaire et un toit à deux versants, ce qui laisse supposer l’existence d’un dispositif de tour à trois étages et doté de créneaux, avec un toit en bâtière couvert de tuiles. Des catapultes légères à flèches devaient y être vraisemblablement placées pour la défense.

FIG. 232
Biblis/Zullestein. Le débarcadère fortifié (Herrmann 1989, h.t.).
dessin W. Jorns.
242L’entrée du burgus, d’une largeur de 1,80 m, se situe au rez-de-chaussée ; elle donne vers l’ouest dans la cour intérieure, et de là vers le fleuve. Le seuil de la porte n’a pas été conservé, il se trouvait par conséquent plus haut que la limite supérieure de la construction actuelle. La porte était encadrée de deux piliers et munie de deux à trois marches. Le sol de la cave se situait à environ 0,90 m au-dessus des fondations du mur du burgus, épais de 2,60 m qui, à 1,80 m en élévation, n’avait plus que 2 m de largeur. Sous le sol se trouvait une couche de sable jaune, épaisse de 10 à 12 cm, dans laquelle se distinguaient de petites particules circulaires colorées. Il s’agissait des restes de petits poteaux de 15 à 25 cm de longueur et de 7 à 9 cm d’épaisseur qui avaient dû servir à la construction d’un plancher en bois suspendu au-dessus de la couche de sable. Un tel plancher en bois, au niveau de la cave du burgus, pourrait faire présumer le stockage de réserves de nourriture comme dans un grenier à céréales (horreum). En raison de l’état du site, la répartition des pièces à l’intérieur du burgus n’était plus lisible. Le niveau de la cave et les étages supérieurs étaient apparemment accessibles par des escaliers intérieurs.
243Aux deux petits côtés de la tour étaient reliés les bras latéraux, d’une longueur de 9,80 m qui rejoignaient deux petites tours d’angles carrées (longueurs des côtés : 3,90 m). À partir de là descendaient à angle droit deux murs latéraux, d’une longueur d’au moins 15 m (peut-être 21m) jusqu’à la Weschnitz. La limite ouest n’a pu être observée car les murs ont été emportés par les eaux. On ne peut par conséquent dire de façon sûre si les murs se terminaient ici par de petites tours semblables à celles que l’on connaît dans d’autres burgi (Engers, Mannheim / Neckarau, Nogradveröce, en Hongrie). La cour intérieure, d’une largeur de 42 m était au moins en partie pavée, car un pavement de galets de rivière a pu être repéré à 5 m à l’ouest de l’entrée de la tour.
244L’ensemble du dispositif était entouré, à une distance de 6 m (au nord et à l’est) et d’environ 3 m (au sud), d’un fossé en V de 5 m de largeur. Deux fonds de fossé au nord témoignent d’une restauration du fossé d’enceinte. Une palissade courait encore devant les fossés en V, à une distance d’à peu près 28 m du fortin.
245D’après le matériel découvert en fouille, le burgus a été construit à l’époque de Valentinien et subsista jusqu’aux environs de 400 ap. J.-C., peut-être en relation avec les carrières de granit du Felsberg dans l’Odenwald, à partir desquelles des colonnes et autres éléments de construction ont vraisemblablement été transportés par voie d’eau sur la Weschnitz, puis sur le Rhin et plus loin encore jusqu’à Trêves.
246bibliographie [2004]
Baatz 1989 ; Baatz & Herrmann 1989 ; Herrmann 1989 ; Jorns 1978 ; Schleiermacher 1942.
Biesheim et Kunheim/Oedenburg
Argentovaria ?
Haut-Rhin, France (cartes fig. 5 et 13)
247M. REDDÉ
248Le site archéologique communément appelé Oedenburg s’étend sur deux communes (Biesheim et Kunheim, département du Haut-Rhin), immédiatement au nord de Neuf-Brisach, en bordure même du Rhin. Les vestiges archéologiques repérés s’étalent sur environ 200 ha (fig. 233). Le relief, globalement plat, est toutefois marqué par une éminence très sensible au lieu-dit Altkirch, et par des paléochenaux en partie asséchés aujourd’hui. Jusqu’à sa canalisation, le fleuve était dans cette région constitué par des bras multiples, assez aisés à traverser, au milieu d’une plaine partiellement marécageuse. Le site est dominé à l’est, sur la rive germanique, par le massif volcanique du Kaiserstuhl.

FIG. 233
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Plan des prospections géomagnétiques sur le site (Posselt et Zickgraf).
249Les premières découvertes remontent à la fin du xviiie s. Mais c’est surtout à partir de la construction du canal de dérivation, en 1868, que l’on entend parler du site. Les érudits de l’époque avaient conclu à l’existence d’une villa. Quelques années plus tard, en 1877, A. Cestre, ancien conducteur des travaux du Rhin, relate la découverte de vestiges à l’occasion du creusement d’un fossé parallèle au canal de dérivation. Il publie en outre un plan topographique, aujourd’hui conservé au musée d’Altkirch, et qui a le mérite de montrer la position d’Oedenburg en bordure d’un fleuve encore très largement divagant. Ces trente dernières années ont vu proliférer une multitude de petits sondages qui n’ont pas véritablement éclairé la topographie générale, et de nombreuses prospections de surface qui ont collationné un important matériel archéologique, actuellement au musée de Biesheim. Depuis 1998, un vaste programme de recherches franco-germano-suisse a permis de commencer l’exploration du site.
250Du point de vue de la géographie politique, Oedenburg appartient au territoire des Rauraques et a très fréquemment été identifié avec Argentovaria, mentionné par Ptolémée (II, 9, 9), l’Itinéraire Antonin (Cüntz éd., 1990, p. 353, 3) et la Table de Peutinger.
251Le complexe militaire julio-claudien a été identifié grâce aux différentes couvertures aériennes (Braasch, Goguey), qui révèlent l’existence de deux enceintes rectangulaires concentriques A et B (fig. 234). Les fouilles ont montré que A précédait B. De ce fait, l’intérieur de la fortification primitive est largement oblitéré par les reconstructions ultérieures. En outre le canal moderne semble avoir partiellement détruit les structures des deux édifices, ce qui ne permet pas de connaître leur longueur. En l’état actuel de nos connaissances, le camp B mesure environ 200 x 175 m, avec une superficie d’au moins 3,5 ha, le camp A occupe un espace de 160 x 135 m (minimum), soit une surface d’au moins 2,16 ha. La forme générale des deux enceintes semble celle d’un rectangle régulier aux angles arrondis. Seule la disposition interne du camp A commence à être connue. Les photographies aériennes y révèlent en effet un réseau de voies internes parallèles ; ces clichés sont toutefois trop peu explicites pour qu’on puisse identifier les différents bâtiments. Les fouilles ont mis au jour les trois portes conservées, au nord-est (fig. 235), au sud-est et au nord-ouest (fig. 236). La position des deux portes simples permet de localiser l’axe de la via principalis. Les principia, en cours de fouille, doivent être localisés au nord-est de la via principalis (fig. 234).

FIG. 234
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Plan du complexe militaire julio-claudien.
dessin M. Reddé.

FIG. 235
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Plan du rempart nord-est du petit camp et magasins derrière le rempart.
dessin M. Reddé.

FIG. 236
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Porte nord-ouest.
dessin M. Reddé.
252L’articulation générale du camp B reste très mal connue. La position de la porte nord-est peut être approximativement localisée, grâce à l’axe de la voie intérieure, bordée de casernements (fig. 237). Cette orientation du camp primitif diverge quelque peu, dans cette zone, d’avec celle des structures du camp postérieur. En revanche, dans les parages de la porte nord-ouest, cette différence d’axe semble nettement moins sensible.

FIG. 237
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Casernement dans le "grand camp".
dessin M. Reddé
253Les photographies aériennes ne révèlent clairement qu’un seul fossé autour du camp B. L’unique fouille menée, au nord-est, sur ce système défensif n’a pas permis de déterminer la nature du rempart, dont les boisements n’ont pu être reconnus, à l’exception possible d’une tour. À sa place a été observé un deuxième fossé intérieur, dont on ne saurait affirmer qu’il a fonctionné en même temps que l’autre. La seule structure bien identifiée, pour l’instant, est un groupe de deux casernements séparés par une ruelle. Il s’agit très clairement de constructions sur sablières basses de bois, dans lesquelles on distingue un double système d’antichambres (environ 3 x 2 m) ouvrant sur la rue, suivies, à l’intérieur, d’une série de chambrées (environ 4x3 m). Une telle disposition, caractéristique des baraquements militaires, révèle en outre, à l’extrémité de chaque bloc, vers le rempart, une structure plus grande, avec des subdivisions internes, où l’on reconnaît aisément le logement du centurion. La longueur des baraques, coupées, au sud, par le fossé du “petit camp”, n’est pas connue. Une série de dépotoirs, de latrines, de silos et de puits est venue parasiter l’ordonnancement initial de cet ensemble. D’autres casernements ont été observés près de la porte nord-ouest, mais leur fouille est restée incomplète.
254Le camp A a révélé la présence de deux fossés contemporains. Le rempart, large d’un peu plus de 4 m sur le front nord-est (fig. 235), ne dépasse guère 2,75 m près de la porte nord-ouest. Dans les deux cas, il s’agit d’un rempart en terre sous coffrage de bois. Ce dernier repose sur des poutres longitudinales basses, apparemment sans tirants transversaux au niveau du sol. La porte nord-ouest, large de 3 m environ, est flanquée de deux tours carrées d’environ 3 x 3 m, à quatre poteaux. La porte nord-est présentait une largeur d’environ 4 à 4,5 m. On ne connaît pas les tours intermédiaires.
255À l’intérieur ont été fouillés deux bâtiments, dans les parages de la porte nord-est, immédiatement derrière la via sagularis : un petit horreum de 12 x 4 m environ, ancré sur quatre paires de puissants poteaux, avec des tirants transverses dans lesquels s’implantent des boisements verticaux de section circulaire, très serrés ; un magasin à cour centrale, d’environ 25 x 20 m, dont seule la partie septentrionale a pu être fouillée. Il s’agit d’une construction sur sablières basses de bois, avec un portique sur les grands côtés de la cour (fig. 235).
256Le camp B semble avoir été fondé dans les années 20 après J.-C., au plus tard. La date de construction du “petit” n’est pas connue ; l’occupation dure jusqu’à la fin de l’époque julio-claudienne, voire légèrement au-delà.
257Immédiatement au sud-est du camp s’étend un vicus civil, quasi contemporain de l’installation militaire, mais qui a perduré bien au delà. Les prospections géophysiques, les photographies aériennes et les premiers sondages permettent désormais d’appréhender partiellement son plan, largement dépendant des chenaux qui parcouraient le site. Différentes tuiles estampillées des VIIIe et XIe légions montrent la double influence des bases principales de Strasbourg et de Windisch à Oedenburg, sans que ceci soit pour l’instant relié à une présence militaire effective. Vers le sud apparaît une zone de temples indigènes.
258L’occupation de l’Antiquité tardive est concentrée autour des buttes d’Altkirch et de Westergass. Les fouilles récentes ont mis en évidence sur cette dernière un grand monument civil à cour interne et pavillons d’angle, ouverts à l’ouest qui est un praetorium routier. Les fouilles ont aussi révélé, sur la butte d’Altkirch, la présence d’une forteresse tardive de 125,77 x 92,95 m, avec de gros murs épais de 3 m, centrée sur une cour interne avec des bâtiments accolés au rempart (fig. 238). La particularité de cet édifice est constituée par ses bastions d’angle, à double saillant (un sur chaque face), qui apparente l’édifice au palatiolum de Trèves-Pfalzel. Deux portes, l’une au nord, l’autre au sud, sont percées dans l’un des bastions médians. Deux autres bastions intermédiaires ont été reconnus à l’est et à l’ouest. Au nord et au sud a été reconnu un fossé à fond plat, large de 6 à 8 cm, profond de 2 à 3 m. La technique de construction, sur micropieux de bois (fig. 239), semble caractéristique de l’époque de Valentinien. La présence de bâtiments au centre de l’espace reste pour l’instant hypothétique. Une église altomédiévale s’est installée dans l’angle sud-est.

FIG. 238
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. Le palais-forteresse de Valentinien, a état de la fouille en 2003 ; b reconstitution.
dessins S. Feldhusen et S. Berg.

FIG. 239
Biesheim et Kunheim/Oedenburg. a traces des pieux de bois fondant le rempart du palais-forteresse de Valentinien ; b négatifs des poutres coulées dans le radier de béton des fondations.
photos G. Seitz.
259bibliographie [2004]
Nuber & Reddé 2002 ; Reddé et al. 2005.
260Blanc Mont (Le) → Folleville
Bonn
Bonna
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (cartes fig. 3, 5, 6, 7, 8 et 12)
261M. GECHTER
262Bonna semble avoir été une création ubienne sur une presqu’île située au débouché de l’étroite vallée du Rhin moyen vers la plaine de Cologne (fig. 240). Les Ubiens se sont vraisemblablement installés à cet endroit peu après les campagnes de César. Des troupes romaines furent ensuite cantonnées sur ce site indigène en 12 av. J.-C. Mais il n’y eut à Bonn aucune troupe pendant l’offensive en Germanie. C’est seulement après la défaite de Varus qu’un camp permanent polygonal fut érigé sur le site indigène primitif pour deux corps auxiliaires, l’ala Frontoniana et la cohors la Thracum, qui stationnèrent jusqu’à l’époque claudienne. Au sud du camp auxiliaire se trouvait à la même époque un poste dans lequel servaient, entre autres, des légionnaires de la XXIe légion de Xanten. Les troupes d’occupation de Bonn ont été également renouvelées lors des campagnes de Bretagne. Un camp de légionnaires fut alors construit. Il abrita la Ie légion, l’ala Pomponiani et la cohors Va Asturum.

FIG. 240
Bonn. Le site au IIe s. p. C.
plan M. Gechter
263Le camp légionnaire de Bonn est, avec 27 ha, le plus grand que l’on connaisse pour une légion unique. L’état en bois, reconstruit dans les années 52-54 ap. J.-C., est, en revanche, à peine observable. Lors du soulèvement des Bataves, au printemps 70, les troupes en garnison y mirent le feu. A l’automne de la même année arriva à Bonn la XXIe légion qui reconstruisit le camp jusqu’en 75 ap. J.-C. Ce camp avait la même taille que la construction précédente. Une aile et une cohorte supplémentaires semblent à nouveau y avoir été stationnées (fig. 241).

FIG. 241
Bonn. Le camp légionnaire : première phase en pierre, après 71 p. C.
plan M. Gechter.
264Le camp de Bonn a un plan pratiquement quadrangulaire de 520 x 518 m (mesures intérieures) et une surface interne de 26,9 ha. Le mur présentait une largeur de 1,5 m et le chemin de ronde courait au-dessus d’un talus de terre. Un fossé au moins existait devant le mur d’enceinte. Jusqu’à présent, aucune tour n’est connue. Les portes offraient les doubles passages habituels à cette époque, avec deux tours latérales.
265L’intérieur est divisé en six scamna. Au sein d’un système 4 x 2 x 4, les cohortes légionnaires sont réparties dans le premier, le quatrième et le sixième scamnum. Dans le premier scamnum se trouvaient la quatrième, la seconde, la troisième et la cinquième cohorte ainsi que, de chaque côté de la via praetoria, des greniers à céréales, des entrepôts et un édifice à vocation économique de type bazar. Dans le deuxième scamnum étaient placés les thermes, une fabrica, des tabernae, à l’intérieur desquelles se trouvaient des fours de fusion pour le verre et les métaux ou alliages lourds non ferreux. De plus, un bâtiment de dimensions plus importantes s’élevait à cet endroit ; il peut être vraisemblablement identifié, comme dans le cas de Neuss, avec le logement d’un préfet d’aile. On pourrait alors encore admettre, à l’intérieur de ce scamnum, l’existence de logements pour une aile ainsi que des écuries. Seules de vagues traces de bâtiments d’habitation relativement grands ont été repérées dans le troisième scamnum. Il doit s’agir des logements des tribuns militaires et du préfet du camp. La schola de la première cohorte devait sans doute s’élever également à cet endroit. Les tabernae se trouvaient en façade de la via principalis.
266Dans le quatrième scamnum se situent les quartiers de la première et de la sixième cohorte, ainsi que le praetorium, les principia et l’hôpital militaire. Les tabernae ont été construites devant, directement sur la via principalis. À l’intérieur du cinquième scamnum se trouvent les logements d’une cohorte d’auxiliaires, des casernements d’immunes, l’hôpital qui s’étend sur deux scamna, et un bâtiment à vocation économique du type à cour. Des tabernae existaient également le long de la via decumana.
267Dans le sixième et dernier scamnum se trouvent les logements des septième, neuvième, dixième et huitième cohortes ainsi qu’un bâtiment à vocation économique du type à cour.
268Deux constructions interprétées comme latrines ont été attestées dans le secteur de l’agger. Un bassin se trouvait dans l’angle nord-ouest du camp.
269L’alimentation en eau était assurée au ier s. au moyen de puits, au iie s. par une canalisation venant des contreforts des collines avoisinantes.
270Le camp perdura jusqu’en 353 ap. J.-C. avec en tout quatre phases en pierre, mais seul l’intérieur fut modifié. La réorganisation de l’espace intérieur à partir du milieu du iiie s. ap. J.-C. –et en particulier sous Dioclétien et Constantin– relève pour l’instant uniquement de l’hypothèse ; elle ne toucha cependant pas la fortification. Après le départ de la XXIe légion à Mayence, en 83 ap. J.–C., la la Minervia s’installa à Bonn, où elle est attestée jusqu’en 295 ap. J.-C., mais sa présence est vraisemblable jusqu’en 353 ap. J.-C. À partir de cette époque, l’aqueduc fut abandonné, l’eau étant désormais fournie par des puits nouvellement creusés. À l’intérieur du camp, des nivellements sont attestés dans le secteur nord-ouest de la retentura. La présence de l’armée a sans doute été réduite à l’angle nord-est, la population civile subsistante s’est installée dans l’autre secteur et il restait éventuellement de la place pour un stationnement temporaire de troupes de campagne. Une église dédiée à saint Pierre fut alors élevée à l’intérieur d’une ancienne caserne double, dans l’angle sud-ouest du camp. C’est seulement lors de la deuxième attaque des Francs, en 353 ap. J.-C., que le camp fut détruit et la garnison anéantie. Sous l’empereur Julien, le castellum fut de nouveau reconstruit sur le même plan (fig. 242). Le mur d’enceinte, avec 1,5 m d’épaisseur, était relativement étroit, le chemin de ronde reposait sur des contreforts qui faisaient saillie tous les 3 m vers l’intérieur. Des tours internes, sur lesquelles étaient placées des balistes, s’élevaient désormais tous les 50 m. Un système de fossé double courait devant le mur d’enceinte. Une nouvelle caserne fut construite dans le secteur nord-est. Les trois quarts au moins de l’espace intérieur étaient désormais libres et offraient de la place pour un aménagement civil ou pour d’autres stationnements temporaires de troupes. L’église subsista. L’occupation militaire du castellum est attestée encore dans le premier tiers du ve s. ; il n’y a plus ensuite de matériel datable.

FIG. 242
Bonn. Le camp à l’époque de Julien.
plan M. Gechter.
271bibliographie [2004]
Gechter 1987 ; Gechter 1995b.
Boppard
Bodobrica
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (carte fig. 13)
272H. FEHR
273Le castellum tardif de Boppard (fig. 243) se situe juste au bord du Rhin, à 82 km au nord-ouest de Mayence et 25 km au sud de Coblence, sur un terrain en pente faible. 55 m séparent encore le front nord du camp de la rive du fleuve. À environ 250 m de la courtine sud du castellum, le terrain monte de façon abrupte jusqu’à la terrasse intermédiaire de la vallée du Rhin moyen. Le terrain choisi pour l’emplacement du camp est pratiquement plat dans le sens de la longueur du fortin, alors qu’il présente perpendiculairement une dénivellation d’environ 2 m en direction du fleuve. Un vicus des ier-iiie s., sans doute abandonné à l’époque de la construction du castellum, se situe également sur un cône d’alluvions à 900 m en aval.

FIG. 243
Boppard. Le castellum au IVe s.
274Un relevé précis des restes des constructions a été réalisé par G. Stein dans les années 1959-1962. En 1963-1966, H. Eiden put, pour la première fois, mener à bien des fouilles extensives à l’intérieur du fortin ; elles dégagèrent non seulement les vastes thermes situés à proximité et à l’intérieur de Saint-Sévère, mais mirent également en évidence le réaménagement de ces derniers en une église paléochrétienne avec ambon et piscine. Les thermes fouillés constituèrent la première preuve de l’aménagement intérieur du castellum, dont aucun autre édifice, en raison du tissu dense de constructions du Moyen Âge et de l’époque moderne, n’avait été jusqu’à cette date mis en évidence. De 1975 à 1979, l’angle sud-ouest du castellum fut complètement arasé avec trois tours sur une longueur d’environ 125 m. En 1979, le montant sud de la porte ouest a pu être dégagé et analysé. A l’occasion de travaux de construction en 1989, puis en 1990-1993, des fouilles préventives prouvèrent la présence de halles, longues et étroites, pouvant être interprétées comme des baraquements.
275Le castellum est de plan rectangulaire, avec un grand côté de 308 m, parallèle au Rhin, et des petits côtés est et ouest de 154 m de longueur (fig. 244). L’enceinte, constituée d’un mur de 8,5 m de hauteur, englobe une superficie de 4,7 ha. La courtine a une épaisseur, côté terre, de 3 m, qui se réduit le long du Rhin à 2 m, dans la mesure où le fleuve garantissait une protection supplémentaire. Vingt-huit tours semi-circulaires, pour certaines d’entre elles encore presque entièrement conservées dans leur élévation, étaient disposées à des intervalles à peu près réguliers de 27 m. Elles font une saillie de 2 m à angle droit par rapport à la courtine, puis dessinent un demi-cercle. Nous n’avons pas découvert jusqu’à présent de fossé devant le rempart.

FIG. 244
Boppard. Angle sud-est du rempart.
photo M. Reddé.
276Pour ériger la courtine, a été creusé un fossé de fondation large de 3,5 m, avec, de chaque côté, un espace de circulation large de 0,7 m et profond de 1,7 à 1,8 m. Si l’on ajoute le déblai des vingt-huit tours, ce sont en tout 10 000 m3 de terre qui ont été remués, ce qui correspond à une prestation de travail d’environ 3 350 journées. À l’intérieur du fossé de fondation avait été aménagée, sur le fond, une couche de dalles de grauwacke d’une épaisseur de 0,75 m ; dans les zones où il fallait compter avec un fort degré d’humidité du sol, elle remplissait également l’espace de circulation. Au-dessus se trouvent les fondations, maçonnées sur 1 m de hauteur, parementées avec des moellons disposés par assises sur un cœur en opus caementicium. La partie interne des fondations est constituée de moellons de plus grandes dimensions (0,4 x 0,3 m), posés sans régularité. Sur le rocher se trouve un chanfrein du soubassement constitué de trois assises de pierres de taille, où alternent les couches de pierres claires et foncées qui constituent un élément de décoration manifeste. La présence d’un crépi n’a été attestée, par ailleurs, à aucun endroit de l’élévation.
277Les faces interne et externe de la courtine sont composées d’une maçonnerie de pierres de taille simplement épannelées, disposées en assises régulières jointoyées au mortier. Entre les deux revêtements se trouve l’opus caementicium auquel a été adjoint du tuf, donnant une texture de mur exceptionnellement dure et résistante. À Boppard, la courtine est en certains endroits conservée jusqu’à une hauteur de 8,5 m, et nous supposons que le mur était, à l’origine, à peine plus haut. La présence de créneaux ou d’indices d’un chemin de ronde en bois n’a pas été attestée. De même les traces des accès au sommet des murs manquent. Une montée au-dessus d’un vallum interne ou sur les toits des baraquements construits le long du rempart exclut la présence d’une large via sagularis, aussi bien pour la face sud que pour la face ouest du castellum.
278Les tours, saillantes, présentent des fondations nettement moins profondes que celles de la courtine et une épaisseur plus réduite de près d’un mètre (2,1 m). Elles reposent sur un radier d’opus caementicium, débordant d’environ 0,3 m, épais de 0,2 à 0,3 m, composé de cailloux et en moindre quantité d’éclats de tuiles. Le parement du soubassement est formé de blocs de calcaire équarris pouvant aller jusqu’à 1 m de long, très soigneusement travaillés, chanfreinés vers l’extérieur. Une maçonnerie identique à celle de la courtine s’élève au-dessus du soubassement. Les tours ont une hauteur égale à celle du mur d’enceinte et présentent à l’intérieur deux étages d’un diamètre interne de 3,6 m. Elles sont accessibles uniquement depuis le chemin de ronde. Le niveau intermédiaire est composé d’une coupole surbaissée en blocage avec, au centre, une ouverture de la taille d’un homme permettant d’accéder au rez-de-chaussée au moyen d’une échelle. Dans la mesure où la garnison du castellum était constituée de milites ballistarii (artilleurs), l’existence sur les tours de pièces d’artillerie à torsion est vraisemblable.
279Des portes sont supposées au milieu des côtés est et ouest du camp que devait traverser la route Mayence-Cologne. Il s’agit de portes bastions flanquées de tours. Le passage a une largeur de 7 m et une profondeur de 9 m ; il pourrait avoir été divisé en deux par un pilier central. A proximité de la tour 21, sur le côté nord, une poterne menait à la rive du Rhin alors qu’aucun passage ne semble avoir existé sur le côté méridional. Dans la topographie urbaine actuelle, la voirie tardo-antique est encore nettement reconnaissable dans l’Oberstrasse (est-ouest) ainsi que dans la Kirchgasse et la Krongasse (nord-sud).
280Les fondations de la courtine sont interrompues par une canalisation d’eau à proximité immédiate de la partie orientale de la tour 9. Cette canalisation a une largeur interne de 1 m et une hauteur de 1,38 m. Elle est recouverte par une voûte surbaissée. La base et les parois de ce canal étaient revêtues de plaques de tuf ; les rangées inférieures, posées de biais, formaient une large rigole pour l’écoulement de l’eau. Il est vraisemblable que le canal était couvert sur le glacis de l’enceinte ; du côté de la ville, il devait de toute façon être muni d’une couverture dans la mesure où la clef de sa voûte était située à un niveau un peu plus profond que la partie du soubassement interne du mur. Il devait s’agir de l’adduction principale en eau douce du castellum ; de ce passage, le canal atteignait en ligne droite les thermes du camp.
281L’aménagement intérieur du fortin est jusqu’à présent assez mal connu, car le secteur a été le théâtre permanent d’une construction intensive dès la fin de l’époque romaine. Est toutefois attestée, derrière le rempart nord du castellum, la présence de trois halles à double nef (11 x 5 m). Les longs côtés étaient alignés contre la face occidentale de la forteresse. Il en va de même derrière le rempart sud dans le secteur des tours 8 et 9. Il s’agit là sans doute de baraquements. Il apparaît très clairement qu’entre les bâtiments intérieurs et le côté interne du mur d’enceinte du castellum, une bande de terrain d’une largeur régulière avait été laissée vide de toute construction, afin que l’on puisse atteindre le plus rapidement possible les points en danger (via sagularis). Dans l’état actuel de nos connaissances, l’intérieur du camp semble avoir été moins régulièrement bâti que les castella des ier-iiie s. ap. J.-C.
282L’édifice thermal (50 x 35 m) a été édifié du côté du Rhin, le long du mur d’enceinte, vers l’intérieur, entre les tours 20 et 21. Le bâtiment, en grauwacke schisteux, présentait sur sa face extérieure un crépi brun rouge ; ses fenêtres étaient munies de vitres et le toit doté de l’habituelle couverture en tuiles. La façade de l’édifice était orientée vers le sud, en direction du soleil. Édifice le plus grand à l’intérieur du castellum, les thermes, en raison de leur construction massive, ont été encore partiellement utilisés, même après l’abandon du fortin. Une salle de réunion a d’abord été construite à l’intérieur du balnéaire, puis peu de temps après agrandie et convertie en une église paléochrétienne avec un ambon de 6 m de longueur dans la nef centrale. La cuve à demi enterrée devant le massif occidental prouve sans équivoque la fonction baptismale de cette église.
283De nombreuses monnaies, dont l’une trouvée au fond de la tranchée de fondation de la porte occidentale du camp, permettent de dater les débuts de la construction dans les premières décennies du ive s. ap. J.-C. L. Bakker propose également une datation dans la première moitié du ive s. au vu du mobilier céramique. Quatre monnaies de Constantin II relevées sous le sol du vestiaire des thermes situent la construction de cet édifice autour de 341 ap. J.-C. au plus tôt. Les briques estampillées de la XXIIe légion limitent la période de construction jusqu’aux années 352-355. L’aménagement intérieur –en particulier la réalisation d’un vaste complexe thermal– peut parfaitement avoir eu lieu après la construction du rempart. Dans l’état actuel de nos connaissances, une érection du castellum Bodobrica sous Julien (352-355) est peu vraisemblable. La série monétaire se termine avec Honorius (395-425).
284La Notifia Dignitatum (Occ. XLI, 23) nous apprend que des milites ballistarii, corps d’artillerie, étaient stationnés dans le castellum. Celui-ci fut, pendant plus d’un demi-siècle, sous administration militaire et occupé par des troupes, jusqu’à ce que, au début du ve s. ap. J.-C. après l’abandon des frontières romaines et le retrait des troupes, des structures civiles s’établissent à l’intérieur du camp.
285bibliographie [2004]
Eiden 1979 ; Eiden 1982 ; Fehr 1979 ; Fehr 1997 ; Stein 1966
Boulogne-sur-Mer
Gesoriacum
Pas-de-Calais, France (cartes fig. 12 et 16)
286CL SEILLIER
287Etablie à Gesoriacum (Boulogne-sur-Mer), la base continentale de la classis Britannica est dominée par un camp édifié au sommet de l’ancienne falaise, le Sautoir, qui surplombe l’estuaire de la Liane (fig. 245). Trois des faces de l’enceinte sont connues, ce qui permet d’attribuer à la fortification, dont l’axe porte prétorienne/porte décumane est très exactement orienté sud-ouest/ nord-est, une superficie de 12 ha environ (approximativement 395 x 302-303 m). La zone portuaire s’étend au sud-ouest entre le camp et la rivière. Au sud-est, l’axe principal de l’agglomération civile prolonge la voie qui mène vers Amiens et Lyon. Un autre axe important conduit vers le Rhin par Bavay, Tongres et Cologne.

FIG. 245
Boulogne-sur-Mer. Plan de la cité sous le Haut-Empire, Ier-IIIe s.
dessin Cl. Seillier
288Dès le xviiie s., des témoignages épigraphiques attestent la présence à Boulogne de la classis Britannica. Au siècle suivant, la découverte de nombreuses tuiles estampillées a permis de localiser la zone portuaire d’époque romaine. Mais l’existence d’un camp militaire qui correspond à Factuelle ville haute, délimitée par l’enceinte médiévale, n’a été révélée que par les fouilles qui ont débuté en 1967, sous la direction de Cl. Seillier. Elles ont surtout porté sur l’exploration des casernements de la moitié nord de la retentura, ainsi que sur la courtine nord-ouest et ses abords. A ces deux fouilles extensives s’ajoutent des sauvetages ponctuels lors de l’ouverture de chantiers de construction (fig. 246).

FIG. 246
Boulogne-sur-Mer. Le camp de la dassis Britannica. Plan général et plan des fouilles sur le rempart occidental (d’après Cl. Seillier).
289Le rempart, large de 1,80 m, subsiste sur une hauteur maximale de 2,90 m dans les deux secteurs fouillés. Il repose sur une fondation de pierres brutes par l’intermédiaire d’une semelle formée de deux niveaux de dalles liées à la chaux et recouvertes d’une couche de mortier. Des tours internes rectangulaires, dont deux ont été dégagées, renforcent la courtine, constituée d’un blocage de pierres et de mortier entre deux parements en moellons calcaires de petit appareil. Un intervallum de 5,50 m sépare le rempart de la via sagularis, large de 4 m et dallée de pierres plates, qui a été retrouvée sur trois des côtés du camp. Aux quatre portes du Haut-Empire ont succédé celles des enceintes de la fin du iiie s. et du xiiie s. Vers l’extérieur a été reconnue l’amorce d’un fossé. La permanence des deux grands axes formés par la voie prétorienne et la voie principale permet de localiser les principia à l’emplacement occupé par le premier château comtal, puis par l’hôtel de ville, mais aucune fouille n’est possible dans ce secteur. Au nord-ouest des principia, le long de la via sagularis, un grand bâtiment avec mosaïque et hypocauste a été très partiellement dégagé.
290Les casernements de la moitié nord de la retentura ont été en partie fouillés. Les blocs s’alignent sur deux rangées, séparées par un passage dallé de 2,60 m de large. Ceux de la première rangée mesurent 48,70 m de longueur, alors que ceux de la seconde passent de 46,70 à 51,20 m lors d’une réfection. Les murs de pisé de ces constructions s’élèvent sur un soubassement en moellons liés à l’argile. La couverture est en tuiles. Chaque bâtiment, large de 8,10 m, comporte dix chambres au sol cimenté, précédées chacune d’une antichambre en terre battue qui ouvre sur la galerie de façade. À l’extrémité est édifié un logement d’officier qui comporte une pièce avec hypocauste.
291Au sud-ouest, en contrebas du camp, un assemblage d’énormes pierres brutes, dans lequel les érudits du xixe s. ont reconnu un quai, a été retrouvé à l’emplacement présumé du rivage antique. Plus au nord et parallèlement à cet ouvrage, un tronçon de mur comportant une tour interne approximativement carrée a été dégagé en 1993, dans les terrains Belvalette-Landrot. Ce fragment de courtine pourrait être la grande base d’une enceinte de la zone portuaire de forme trapézoïdale, dont les côtés seraient constitués par les murailles qui descendent le Sautoir depuis les angles ouest et sud du camp. Le premier de ces murs n’est pas daté, le second comporterait “des tours carrées”, selon les auteurs du xviiie s. En avant de la courtine, le service archéologique municipal a dégagé des bâtiments identifiés comme vestiges d’un entrepôt édifié au second siècle et d’une cale à bateau, découvertes qui confirment la localisation du port romain dans l’anse de Bréquerecque. L’ensemble des installations militaires occupe un espace d’au moins 25 ha, depuis l’estuaire de la Liane jusqu’au plateau de la Ville Haute. Au nord et à l’ouest n’apparaît qu’une occupation de faible densité.
292Le camp en dur recouvre des vestiges d’aménagements antérieurs qui ont livré de la céramique de la seconde moitié du ier s. L’occupation du camp en dur est attestée dès les années 110-120 et sa reconstruction peut être datée de la fin du second siècle. Après l’abandon d’une partie des casernes de la retentura, une destruction par incendie survient probablement lors des troubles qui suivent la mort de Postume, la série monétaire trouvée lors des fouilles se terminant par un antoninien de Claude II, frappé en 268-269.
293bibliographie [2004]
Seillier 1994, 216-222, 230-239 ; Seillier 1996a ; Seillier à paraître.
Braives/Le Châtillon
Perniciacum ?
Liège, Belgique (carte fig. 12)
294R. BRULET
295La localisation de la fortification, en 1963, a été réalisée par le Service national des fouilles, sur base de l’enquête toponymique de J. Vannérus, au lieu-dit Le Châtillon, au nord de la voie Bavay-Cologne. Elle se trouve localisée dans le centre de l’agglomération du Haut-Empire de Perniciacum (?). Des prospections géophysiques menées en 1972 ont permis de déterminer le périmètre de la fortification qui a fait l’objet de fouilles importantes entre 1973 et 1980, puis en 1987 (fig. 247).

FIG. 247
Braives/Le Châtillon. Plan du fort.
dessin R. Brulet
296La première fortification offre une superficie de 37 ares ; la seconde, de 81 ares. La voie du Haut-Empire a été coupée par le creusement des fossés défensifs.
297Au centre de la fortification, on trouve une tour de garde en pierres de 13,70 x 16,50 m hors-œuvre, avec des murs de 1,20 m d’épaisseur renforcés, à l’extérieur, d’un blocage de 1,20 m de largeur (fig. 248). La tour est marquée par des piliers de soutien internes. Une couche d’incendie recouvrait les vestiges de la tour. On signale un édifice à demi enterré, avec traces de plancher et poteaux verticaux, voisin de la tour, sans doute un horreum.

FIG. 248
Braives/Le Châtillon. Plan de la tour.
dessin R. Brulet
298Le système défensif comprend de deux à trois fossés chronologiquement distincts, deux remparts et une porte. Une série de trous de poteau a été retrouvée sur les quatre flancs et aux angles nord-ouest et nord-est du fort. Ils déterminent l’existence de deux remparts.
299Le premier rempart est à mettre en connexion avec le fossé I. Il court à environ 2,50 à 3 m de celui-ci. Les poteaux sont placés à environ 2 m les uns des autres.
300La localisation de trous de poteau à l’extérieur du premier fossé permet de reconnaître l’existence d’un second rempart, lié au fossé II. Il est déterminé par une double rangée de poteaux, dont la rangée intérieure a parfois été placée dans le remblai du premier fossé.
301Une porte s’ouvrait dans le rempart de terre, dans l’axe de la tour de garde. Elle se présente sous la forme d’un couloir d’au moins 7 m de longueur et de 2,50 à 3,60 m de largeur, matérialisé par des blocs de pierre à surface plate, servant de points d’appui à des poteaux verticaux. Sept coupes complètes et quinze coupes partielles ont permis de reconnaître le tracé des fossés.
302Deux excavations ont pu être nettement discernées sur les flancs nord, est et ouest. Le premier fossé, situé vers l’intérieur du fortin, est large de 6 m ; il offre une pointe aplatie, de 0,40 à 0,50 m de largeur, à profil trapézoïdal, et comblée de strates colluvionnaires bien marquées. Le remblai de ce premier fossé a été entamé par le creusement de la seconde excavation située vers l’extérieur. Au nord et à l’est de l’ouvrage, ce fossé, large d’environ 14 m, présente deux pentes très longues, taillées dans l’argile et une encoche centrale rectangulaire, à fond plat, de 0,60 m de profondeur. Le flanc occidental se trouvait protégé par un fossé supplémentaire dont la présence a été remarquée entre les aménagements défensifs décrits plus haut. Ce fossé offre une orientation légèrement décalée par rapport aux deux autres.
303Deux états de la fortification se dessinent nettement.
304Au cours de la première période, elle est entourée par le premier fossé et dispose d’un rempart de terre et de bois. La surface intérieure du fort n’excède pas 37 ares.
305On peut rattacher à l’état final de la fortification le second fossé et un nouveau rempart, de même que la tour de garde. La dernière fortification dispose d’une surface plus importante, de 81 ares.
306Quelques données témoignent de modifications, notamment la reconstruction de la tour de garde et de la porte sud.
307Une cave du vicus, abandonnée au moment de l’érection du fort, a livré une monnaie d’Alexandre Sévère (222-235). L’aménagement du premier fort intervient normalement au cours du dernier quart du IIIe s. La tour de garde a été incendiée puis abandonnée après 347-348.
308bibliographie [2004]
Bogaers & Rüger 1974 ; Brulet & Cordy 1993 ; Brulet et al. 1995 ; Mertens & Léva 1966.
Brest
Finistère, France (carte fig. 15)
309L. LANGOUËT
310Le château médiéval de Brest, abritant aujourd’hui la préfecture maritime, a succédé à un castellum gallo-romain (fig. 249). Il est implanté sur un éperon littoral, relié au continent par un isthme large d’environ 180 m qui surplombe au sud les eaux de la rade de Brest, et à l’ouest la rivière Penfeld. L’estuaire de cette dernière fournit un très bon abri pour les navires.

FIG. 249
Brest. Plan du château actuel et, en pointillés, plan supposé du castellum gallo-romain (d’après Kemévez 1997).
311L’origine romaine du château, évoquée depuis le xvie s., a été confirmée par divers érudits du xixe s., en particulier Bachelot de la Pylaie et Bizeul, qui ont donné des descriptions des maçonneries alors visibles. Un plan de la fin du xvie s. fournit des indications précieuses sur la localisation de tours rondes qui garnissaient alors le rempart. En 1636, Dubuisson-Aubenay remarqua des “tours à l’antique” qui figurent sur le plan qu’il avait alors relevé.
312La Notitia Dignitatum indique que, vers la fin du vie s., un préfet des légionnaires Mauri Osismiaci, constitués de fantassins et de cavaliers, séjournait à Osismis, dans le cadre du système défensif des côtes, le tractus Armoricanus. Aujourd’hui, tous les chercheurs s’accordent pour identifier le castellum d’Osismis au château de Brest.
313La partie la mieux conservée de la forteresse gallo-romaine forme la base de la façade, côté ville, de part et d’autre des deux grosses tours qui flanquent le portail. Sur une longueur de 66 m, la courtine sud est constituée, à sa partie inférieure, par des assises alternées de briques et de pierres en petit appareil ; les cordons de briques à double épaisseur sont séparés par six ou sept rangs de petites pierres cubiques. Les parties apparentes subsistent sur une hauteur de 2 à 3 m dans sa partie sud et de 7 à 8 m dans sa partie nord. La muraille reposait directement sur le rocher. La destruction des tours gallo-romaines de façade, à droite du portail, doit dater de l’époque de Richelieu ; en revanche, les tours à gauche du portail furent détruites entre 1685 et 1689. Leurs arrachements se distinguent par des maçonneries de rattrapage. On en décèle trois de chaque côté du portail, avec une distance de 21 m d’axe en axe.
314Les fouilles ont permis des observations intéressantes. Les tours cylindriques de la façade nord avaient un diamètre extérieur de 6,2 m et étaient engagées d’un quart dans la muraille ; leur mur avait une épaisseur de 1,8 m. Au pied de la tour centrale de la courtine sud existait une poterne de 1,4 m de large, aménagée dans le rempart ayant, à cet endroit, une épaisseur voisine de 4 m. D’après des observations directes, d’autres parties de la muraille romaine sont cachées ; en particulier les deux grosses tours d’angle, la tour Madeleine et le donjon englobent indiscutablement des tours romaines, de même que les tours flanquant le portail. Ainsi, la façade nord comportait dix tours sur une longueur de 189 m.
315La fortification ne se limitait pas à cette seule muraille. Par un texte, on sait qu’en 1385, “un grand orage fit tomber à la mer quatre tours et une partie des murailles”. Il ne peut s’agir que de la muraille sud, là où le plan de Tassin (1631) indique la présence d’une tour ronde isolée. En répartissant régulièrement ces quatre tours tombées à la mer entre la tour Madeleine et l’emplacement de la tour isolée du plan de Tassin, on aboutit à une interdistance de 23 m d’axe en axe, valeur très proche de la valeur constatée pour la façade nord. L’existence de ces deux murailles formant un angle aigu suffit à prouver l’existence d’une enceinte fermée. J.-M. Ropars a proposé un plan trapézoïdal du castellum qui semble logique. Les trois côtés les moins longs auraient eu la même longueur, 116 m, et le périmètre aurait été d’environ 540 m.
316bibliographie [2004]
Galliou 1989 ; Kernévez 1997 ; Langouët 2002 ; Ropars 1979 ; Sanquer 1972a ; Sanquer 1976 ; Tassin 1634.
317Bréviaire → Neuville-sur-Vanne
Brugg/Altenburg
Argovie, Suisse
318R. FELLMANN
319Le castellum (fig. 250) se situe à environ 2 km en amont de la ville médiévale de Brugg, dans un méandre accentué de l’Aare, à environ 2 km à l’ouest de Vindonissa. Il protégeait visiblement un gué qui était franchissable à cet endroit par basses eaux. Le castellum protégeait ainsi le flanc de l’agglomération tardive de Vindonissa.

FIG. 250
Brugg/Altenburg. Le fortin (Fellmann 1992, fig. 286, 2).
320Un château fort médiéval s’est élevé dans les murs de la fortification tardo-antique. Une partie du mur nord-ouest a été détruite lors de la construction d’un canal en 1894, ainsi qu’une section du mur sud-ouest en 1920. Les premières recherches ont été effectuées en 1920, les secondes en 1934. La porte d’enceinte sud-est et les deux fossés en V courant en avant du mur d’enceinte ont été découverts à cette occasion.
321Le nom antique de la forteresse n’est pas connu. Ce castellum en forme de cloche, très proche dans son tracé de ceux de Olten et de Soleure, présente une superficie intérieure d’à peine 28 000 m2. Les murs ont une épaisseur allant jusqu’à 5 m et sont encore, par endroits, conservés en élévation sur une hauteur de 7,50 m. Sept ou huit tours renforçaient l’enceinte. L’existence de la porte d’accès sud-est est attestée, ainsi que celle de deux fossés en V qui entouraient le fortin en dessinant un arc. D’après le matériel découvert en très infime quantité, le poste pourrait avoir été érigé à la fin du iiie s. ou au début du ive s. ap. J.-C.
322bibliographie [2004]
Drack & Fellmann 1988,374-375 ; Drack 1991,91 ; Fellmann 1992, 314, 322, fig . 286, 2 ; Hartmann 1986, 124.
Brühl/Villenhaus
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 12)
323R. BRULET
324Le site de Brühl est situé sur la route Cologne-Zülpich-Trèves, au point le plus haut d’une terrasse surélevée du Rhin. Les vestiges antiques ont disparu depuis 1923, suite à l’exploitation de la lignite. Le plan du petit fort est carré (fig. 251). Les découvertes concernent deux périodes principales.

FIG. 251
Brühl/Villenhaus. Plan du fort (Brulet 1995a, 110).
Période I
325Un fossé continu de 5 m de large et de 2,50 m de profondeur a été mis au jour, mais aucune trace de portes n’a été mise en évidence. Derrière ce fossé, on observe un rempart de 0,80 m de large.
Période II
326Un fossé de 10 m de large et de 3,30 m de profondeur entoure la fortification. La surface intérieure est de 26 x 26 m. Un mur en terre et en bois de 0,50 m de large la protège, avec des poteaux placés à 2,80 m d’intervalle. Derrière le mur se trouve un autre fossé palissadé de 0,50 m de large. L’entrée se fait au nord-ouest vers la chaussée. L’accès est rendu possible grâce à un remblai de 2,90 m de large.
327Grâce au matériel numismatique, on a pu dater la période I à partir de 268 ap. J.-C. La période II s’inscrit dans la fin du iiie s. ou plus tard, mais aucune monnaie du ive s. n’a été découverte.
328bibliographie [2004]
Bogaers & Rüger 1974, 180-182 ; Brulet 1995a ; Hagen 1931 .
Bunnik/Vechten
Fectio
Utrecht, Pays-Bas (cartes fig. 3. 5, 6, 7 et 8)
329M. POLAK
330L’implantation militaire romaine à Vechten se trouve à environ 2,5 km au sud-est de la ville d’Utrecht. Les installations défensives consécutives se situent sur la rive sud d’un ancien lit du Rhin, juste en amont de la bifurcation de la Vecht qui offre une voie de pénétration vers la Germania Magna. Le nom antique du lieu était Fectio, ainsi que l’a prouvé une inscription découverte sur le site (CIL XIII, 8815). Ce nom de lieu dérive sans aucun doute de celui de la rivière. Fectio peut être assimilé au Fictione de la Cosmographie de Ravenne (IV, 24), de même qu’au Fletione mentionné par la Table de Peutinger (Segment II, 3).
331Dès le xvie s., le site était connu pour la richesse de ses antiquités romaines. Les premières fouilles datent des années 1829-1834 et 1892-1894 et ont fourni peu d’éléments d’information. Une partie du site a disparu à l’occasion de travaux de construction pendant les années 1867 à 1870, sans aucune documentation. La plupart des informations sur les fortifications romaines proviennent des fouilles réalisées entre 1914 et 1947. Ces recherches n’ont été publiées que sous la forme de prérapports sommaires dans lesquels manquent les détails indispensables à une véritable compréhension du site. Depuis 1970, des fouilles ont été réalisées uniquement dans l’ancien lit du Rhin et sur le site de l’implantation civile. Il est possible de distinguer, dans l’état actuel des recherches, six phases successives de construction.
Les camps
Période 1 a (de 4/5 à 30/50 ap. J.-C.?)
332Seule la façade orientale du plus ancien camp connu jusqu’à présent a été dégagée (fig. 252). Les dispositifs de défense étaient composés d’un unique fossé et d’un talus en bois et terre doté de tours. Le reste du fossé avait une largeur maximale de 3 m et une profondeur de 0,80 m. En raison de l’inclinaison du talus (de 25° à 30°) et de la distance entre l’axe du fossé et le talus, la largeur d’origine peut être évaluée à 7 m au maximum et la profondeur à 1,60 m.

FIG. 252
Bunnik/Vechten. Les camps en bois et terre des périodes 1 et 2.
dessin R.P. Reijnen
333Seuls les restes des fondations les plus profondes du talus étaient encore conservés. Le coffrage était soutenu par des poteaux en bois rectangulaires, enterrés dans le sol avec un écart intermédiaire moyen de 1,20 m. Les vestiges de la partie inférieure enterrée du coffrage n’ont été retrouvés qu’en de rares endroits. L’écart entre la façade du talus et sa partie postérieure varie entre 3,20 et 3,60 m.
334La partie inférieure des fondations constitue également le seul vestige encore en place de l’unique tour dégagée. Cette tour était constituée de quatre poteaux d’angle qui formaient un rectangle d’environ 3,20 x 2,80 m. Sur le côté postérieur du talus défensif, la tour débordait légèrement dans l’intervallum.
335D’après le plan des fouilles exécutées dans les années 1946 à 1947, une partie de l’aménagement intérieur semble bien avoir été également mise au jour ; un bâtiment apparemment allongé avec cour intérieure en faisait partie. L’examen des dessins de fouilles a permis de constater que le bâtiment avait été reconstitué à partir de traces qui, pour partie, n’avaient pas de relation entre elles. De nombreux vestiges de constructions plus anciennes, orientées différemment, se superposent au bâtiment.
336Une comparaison entre le matériel le plus ancien de Vechten et celui d’autres camps augustéens a montré que l’installation la plus ancienne avait dû être établie dans les premières années du ier s. ap. J.-C. Il est ainsi tentant de relier la construction avec (expédition de Tibère dans les années 4-5. Il n’est pas possible de déterminer la durée d’utilisation du camp ; des traces de réparations au niveau du coffrage du talus ainsi qu’au niveau des fondations de la tour laissent supposer que l’installation a été utilisée pendant un certain temps.
337Il est possible que la partie septentrionale du camp ait été emportée par les eaux du Rhin. D’après les dernières recherches, l’implantation semble avoir subi de fortes inondations autour du milieu du ier s. ap. J.-C. L’érosion ainsi provoquée pourrait cependant n’avoir eu lieu que lors de la période suivante.
338Une assiette en céramique sigillée des années 25 à 50 ap. J.-C. provient du remplissage du fossé défensif. Dans la mesure où l’exemplaire est pratiquement complet, il ne peut pas avoir été enseveli après une très longue période. On peut en conséquence admettre que le dispositif de fortification n’a pas subsisté au-delà du deuxième quart du ier s. ap. J.-C.
Période 1b-d (de 30 à 50/70 ap. J.-C.?)
339Les restes de trois dispositifs plus récents (fig. 252) ont été retrouvés à environ 40 m au sud des vestiges du camp de la période la. Il s’agit de trois fossés en V qui suivent plus ou moins une orientation est-ouest, et éloignés d’à peu près 4 m les uns des autres. Deux tranchées de fondations d’un rempart se situaient sur le côté sud de chacun des fossés. La largeur de la levée de terre s’élevait à 2,40-3 m.
340Il semble au premier abord que l’on soit ici en présence des façades septentrionales de trois castella successifs, composés chacun d’un talus avec coffrage de bois et d’un fossé défensif placé en avant. Un examen plus précis des dessins de fouilles réalisés en 1946-1947 a cependant montré que les fondations du talus nord se situaient exactement dans le fossé septentrional. Il a en outre été découvert, au nord de ces fossés, de nombreuses tranchées de fondations qui ne peuvent pas être attribuées aux castella des périodes 2 et 3. Il est donc possible que les fossés défensifs ne correspondaient pas à la façade septentrionale de trois castella, mais formaient plutôt la limite méridionale de quatre camps. Si cette hypothèse se révèle exacte, il faut s’attendre à trouver un quatrième fossé défensif sur le côté sud et encore un quatrième rempart sur le côté nord.
341Le fossé nord avait une largeur d’au moins 6 m et une profondeur de 1,40 m. La partie du fossé intermédiaire présentait encore une largeur de 4,40 m et une profondeur de 1,20 m ; un creusement sur sa face sud pourrait attester que le fossé avait été nettoyé ou bien à nouveau recreusé. Le fossé méridional avait une largeur de 3,80 m et une profondeur de 1,20 m. Il montre en coupe une forme si irrégulière qu’il est peut-être possible de distinguer trois phases. Les trois fossés avaient tous été creusés jusqu’à une profondeur identique ; leur stratigraphie n’a livré aucun indice quant à la succession chronologique des camps de la période Ib-d.
342Les bases des fossés se trouvaient à environ 1 m au-dessus de la partie inférieure du fossé de la période la. Il est peut-être possible d’en conclure que le terrain a subi un remblai important après l’inondation supposée. Il convient également de noter, dans ce contexte, que le sol –dans la partie du terrain où les traces des castella de la période 1 b-d avaient été retrouvées– avait été renforcé par de nombreux pieux. Le changement d’orientation des vestiges des périodes Ib-d par rapport à la période la pourrait avoir été provoqué par une modification du cours du Rhin.
343Une différence de niveau de 20 cm a pu être chaque fois observée entre les parties inférieures des coffrages des remparts. Cette différence laisse supposer que le dispositif placé le plus au sud est le plus ancien et que le plus septentrional est le plus récent. La partie inférieure du talus en terre et bois se situait à environ 1 m au-dessus du niveau de fondation du dispositif défensif de la période la.
344Le mobilier pouvant être attribué à ces castella est issu uniquement des fossés défensifs. Il est daté en grande partie du ier s. et même, pour l’essentiel, de l’époque préflavienne. La seule exception est une assiette en céramique sigillée du centre ou de l’est de la Gaule, découverte apparemment dans le remplissage du fossé médian. On aimerait croire, sans cette dernière découverte, que les castella datent tous de l’époque préflavienne.
Période 2 (de 70 à 200 ap. J.-C.?)
345Il y a peu, il était encore généralement admis qu’un castellum avait été érigé à Vechten après le soulèvement des Bataves des années 69‑70 ap. J.‑C., avec pratiquement le même plan que le castellum en pierre plus tardif de la période 3. Des vestiges du rempart en terre et bois de ce castellum auraient été retrouvés sur le côté est ainsi que, ponctuellement, de petites sections du fossé d’enceinte sur les autres côtés du camp.
346D’après les documents de fouilles, il apparaît cependant que le rempart oriental (fig. 252) n’a pu être élevé qu’au iie s. car, sous ses vestiges, se trouvait un puits renfermant de la céramique sigillée du centre et de l’est de la Gaule.
347Les vestiges les plus nets d’un fossé d’enceinte ont été mis au jour entre le mur de défense et le fossé de la période 3 sur le côté septentrional du camp. On a pu observer, en trois endroits, un fossé en V qui ne suivait pas strictement le fossé d’enceinte de la période 3. Il correspond cependant au rempart oriental qui peut être attribué à la période 2.
348La présence d’un fond de fossé sous celui du castellum en pierre (période 3) a été attestée en deux points, également sur le côté sud du camp. Ce dernier fossé ne présentait pas la même orientation que le fossé septentrional. Si les deux fossés sont contemporains, alors le plan du camp doit être asymétrique.
349Le fossé ouest pourrait avoir le même tracé que lors de la période 3. Les rapports de fouilles ne livrent aucune information sur sa coupe transversale.
350Les données fiables concernant le castellum en bois et terre précédant le castellum en pierre de la période 3 sont en réalité rares. Ces dernières peuvent cependant faire l’objet d’une meilleure interprétation qu’auparavant, si l’on tient compte du bâtiment situé à l’ouest, à proximité des principia de la période 3. Il s’agit d’un édifice de plus de 40 x 30 m. La partie septentrionale est composée d’une cour carrée de 18 x 18 m entourée sur trois côtés par des salles de près de 4 m de largeur. Leur nombre variait de quatre sur les côtés ouest et est jusqu’à au moins cinq sur le côté nord. La longueur s’élevait à 3, voire 12 m. L’aile sud était constituée d’une salle rectangulaire (28 x 8 m) accompagnée sur le côté méridional par cinq pièces d’environ 5 x 5 m. Aucun mur n’a été conservé en élévation. Les murs devaient être en grande partie ou même entièrement construits à colombage ; les fondations, moins massives que celles des principia de la période 3, étaient composées d’une alternance de couches de gravier et d’argile.
351Le bâtiment évoqué plus haut a été qualifié, dans le rapport des fouilles des années 1920-1927, de logement du commandant (praetorium) de la période 3, ce qui semble peu vraisemblable. Il présente en revanche au niveau du plan de grandes similitudes avec le bâtiment de commandement et ne se différencie en fait des principia du castellum en pierre que par une rangée de pièces sur la façade. La grande salle dans la partie méridionale peut être facilement identifiée à la basilica d’un édifice de commandement et constitue ainsi un corps étranger dans un praetorium. La situation correspondait également mal à celle de la maison du commandant, qui se trouve habituellement à droite des principia.
352Les deux édifices ont visiblement été érigés à l’aide de différents types de tuiles. Parmi les déblais du prétendu praetorium, des tuiles ont été mises au jour portant l’estampille de la cohors I Flavia (Hispanorum equitata Pia Fidelis), dont on admet aujourd’hui la présence à Vechten pendant un certain temps, sous le règne des Flaviens ou bien celui de Trajan. Ont été également découvertes, provenant des principia, des estampilles de la legio I Minervia Antoniniana qui, en raison du nom employé, doivent être datées des empereurs Caracalla (196- 217) et Élagabal (218-222). L’écart chronologique entre les deux bâtiments paraît ainsi important. Il faut vraisemblablement admettre, en raison des arguments mentionnés plus haut et de la situation du prétendu praetorium, qu’il s’agit en réalité, dans le cas de ce bâtiment, des principia de la période 2. La situation exclut l’attribution du bâtiment à une période plus ancienne.
353Le plan du camp correspondant à ce bâtiment principal n’est pas encore clairement défini. Si la limite orientale était constituée par le mur en terre et bois découvert à proximité du mur d’enceinte du castellum en pierre (période 3) et que les principia, comme c’est la règle, se situaient au centre du camp, la via principalis devait alors avoir une longueur d’environ 250 m. Le côté occidental pourrait ainsi se trouver dans une parcelle à l’intérieur de laquelle avait été mis au jour, en 1920-1922, un inextricable méli-mélo de fossés et de tranchées, attribués sans véritables raisons à la période la plus ancienne.
354Le camp ainsi reconstitué de la période 2 a dû être érigé sous le règne de Trajan, d’après les estampilles et la céramique découverte dans le puits sous le rempart. La présence de la cohors I Flavia ne peut cependant pas être datée de façon précise, mais cette unité d’auxiliaires n’a sans doute pas été la seule troupe d’occupation. Le camp, avec une surface admise de 250 x 150 m soit 3,75 ha, était bien trop grand pour une cohors equitata.
355La construction du castellum de la période 2 dans les premières années du iie s. coïncide mal avec l’éventualité d’une attribution générale des camps de la période Ib-d à la période préflavienne. Si cette datation est exacte, il manque jusqu’à présent les traces d’une installation fortifiée flavienne. La durée d’utilisation du castellum de la période 2 n’est pas déterminée. Le seul point de repère est la date supposée de construction du castellum en pierre évoquée ci-après.
Période 3 (de 200 à 275 ap. J.-C.)
356Le plan du castellum en pierre (fig. 253) avait déjà pu être déterminé dans les années 1920-1927 au moyen de coupes relativement réduites opérées en des points judicieux. Un imponant segment du mur d’enceinte oriental a été ensuite dégagé en 1946-1947. Les données des deux fouilles n’ont pas pu jusqu’à présent être croisées de manière satisfaisante. Le plan présenté ici est un compromis : une césure a été réservée au point de liaison, afin d’attirer l’attention sur la difficulté des prises de mesures.

FIG. 253
Bunnik/Vechten. Le camp en pierre de la période 3.
dessin R.P. Reijnen.
357Le camp était entouré par un seul fossé à fond plat. La partie du fossé encore conservée sur le côté oriental avait encore une largeur de 5,20 m et une profondeur de 1,20 m. La profondeur originelle ne pouvait plus être déterminée. Le milieu du fossé se trouvait à plus de 6 m du bord inférieur du mur. On peut ainsi admettre de façon certaine qu’une berme existait entre le mur et le fossé.
358Le fossé était interrompu par des portes ; dans le cas seulement de la porte occidentale, l’interruption n’a pas pu être entièrement appréhendée. Un phénomène remarquable, jusqu’ici inexpliqué, a été observé au niveau de la porte orientale. Le fossé venant du nord était d’environ 5,50 m plus court que le fossé sud et se terminait par conséquent avant la tour de la porte d’enceinte.
359Dans la plupart des endroits, seule la tranchée de fondation du mur d’enceinte en pierre de tuf a été trouvée, montrant que les fondations avaient eu une largeur d’environ 1,20 m. Ces dernières étaient constituées de blocs noyés dans l’argile et semblent toujours avoir reposé sur un système de pilotis. Plusieurs centaines de pieux de cette sorte, d’une longueur supérieure à 1 m, ont été découvertes sous le mur oriental. Il y avait en moyenne douze pieux par mètre carré. Leur présence a pu également être attestée sous le mur nord et ouest, aux endroits où l’on a fouillé en profondeur.
360Le camp était doté de quatre portes d’enceinte, dont seule la porte orientale a presque entièrement été fouillée ; ses fondations étaient identiques à celles du mur, à la seule différence que le nombre de pieux était plus important (vingt par mètre carré). Les deux tours rectangulaires (6,20 x 5 m) se situaient à proximité d’un passage large de 7 m. Un pilier médian de 1,60 m de largeur séparait cet espace en deux moitiés inégales de respectivement 2,80 et 2,40 m de largeur. L’édifice de la porte avait par conséquent une largeur totale d’environ 17 m. Les tours débordaient côté extérieur d’environ 0,50 m, et côté intérieur d’environ 4,40 m.
361Un bloc complet de la fondation, d’environ 12 x 6 m, a été trouvé à l’emplacement présumé de la porta decumana. Cette dernière porte devait donc être plus petite que les portae principales.
362En raison de la mort prématurée du fouilleur, les vestiges des deux autres portes sont difficilement compréhensibles. On a seulement découvert, à l’emplacement de la porta praetoria, un entassement compact de pilotis qui pourraient bien avoir appartenu à l’édifice d’une porte d’enceinte.
363Des tours ont été observées aux angles de la façade orientale du camp. Celles-ci avaient une largeur de 6 m et une profondeur –en calculant depuis la face interne du mur– de 4,50 m. Les fouilles ont été trop réduites pour permettre de savoir si le mur postérieur était droit ou courbe. Les pilotis étaient implantés sous les tours d’une manière aussi compacte que sous le portail oriental.
364Les restes des fondations d’une tour intermédiaire ont été retrouvés sur la face interne du mur d’enceinte, à égale distance environ entre la porte orientale et l’angle sud-est du camp. La tour avait une largeur de 4,80 m et faisait une saillie de 3,60 m vers l’intérieur. Sur l’emplacement correspondant, du côté occidental du camp, des fondations fortement enterrées ont été découvertes, appartenant aussi sans aucun doute à une tour intermédiaire. Il faut s’attendre à trouver des tours semblables sur les autres côtés du castellum. Le mur d’enceinte a pu donc être ainsi renforcé au moyen de quatre tours d’angle et de six tours intermédiaires.
365Seuls, parmi les bâtiments intérieurs, les principia sont connus dans leurs grandes lignes. Il s’agit en l’occurrence d’un édifice pratiquement carré de 36 x 35 m. L’aedes fait en outre une saillie de près de 4 m. Les fondations reposaient sur des pilotis et étaient constituées d’une alternance de couches d’argile dure et de cailloux. Au niveau de l’aedes, quelques pierres de tuf de l’élévation du mur ont pu être repérées. Dans la mesure où le mur de cette pièce ne présentait pas de fondations différentes à celle du reste de l’édifice, on peut admettre que les principia ont été entièrement construits en pierre.
366L’édifice était divisé en deux parties de dimensions pratiquement identiques. La partie antérieure était formée par une cour (21 x 17 m), limitée sur les côtés latéraux par des pièces longues et étroites (17 x 4 m) dans lesquelles des salles de taille plus petite avaient parfois été encore différenciées. Il n’est pas possible de déterminer la forme de l’entrée des principia. Un portail monumental, pratiquement au centre du mur postérieur de la cour, donnait accès à la basilique. Le portail était flanqué de deux piédestaux dont l’un avait été coupé. Les dimensions de la salle transversale étaient de 32 x 9,50 m.
367L’aedes (8 x 4,50 m) situé derrière la basilique disposait vraisemblablement d’une cave. C’est ce que pourraient prouver deux petits murs transversaux qui délimitaient, à 3 m à l’arrière de la face antérieure du sanctuaire, un espace pratiquement carré. Quatre à six pièces se situaient à côté de l’aedes. Pour des raisons de symétrie, les fouilleurs ont préféré le chiffre le plus élevé, mais n’ont pas pu fonder leur hypothèse sur les découvertes effectuées lors des fouilles. La largeur des pièces varie entre 3 et 9 m en fonction du nombre présumé de salles reconstituées.
368Un lacis de tranchées de fondations a été trouvé à droite des principia, interprété par les fouilleurs comme des restes de baraques en bois. Seuls ont été reproduits ici les vestiges attribués à la période 3. Même si l’hypothèse des baraquements est probable, d’autres possibilités sont envisageables. On trouve ainsi souvent à cet emplacement le logement du commandant, des horrea, une fabrica ou bien le valetudinarium.
369Les estampilles de la legio I Minervia Antoniniana, trouvées entre les décombres des principia, ont déjà été mentionnées plus haut. Cette découverte prouve que le bâtiment de commandement a été construit ou rénové au début du iiie s. ap. J.-C., ce qui ne signifie pas pour autant que le castellum en pierre ait été érigé seulement à cette époque. L’absence d’estampilles avec le nom du consulaire Didius lulianus rend peu vraisemblable une construction avant la moitié des années 80 du iie s. D’après les monnaies découvertes, le camp aurait été abandonné autour de 275.
Autour du camp
370Les traces d’une implantation civile ont été mises au jour à l’ouest et à l’est du camp. Cependant, la structure de cette implantation a été jusqu’ici à peine reconnaissable. L’absence de restes d’occupation sur le côté méridional du castellum est sans doute due à la largeur réduite de la bande de terre le long de la rive. D’après des indices découverts dans la partie est du vicus, le terrain a été la victime, autour du milieu du ier s. ap. J.-C., d’inondations du Rhin. L’implantation à cette époque était encore peu dense mais occupait déjà un vaste espace. Un tonneau, utilisé comme revêtement pour un puits et portant la marque pyrogravée de l’empereur Caligula, a été découvert à environ 500 m à l’est du castellum en pierre. L’implantation s’étendait enfin sur ce côté jusqu’à un ancien bras du Rhin, à une distance d’environ 800 m du camp.
371Un système de pilotis a été dégagé directement à l’extérieur de la porte d’enceinte orientale. Il a vraisemblablement servi de fondation à une construction en pierre. L’hypothèse de la présence de thermes à cet endroit est tentante. L’édifice avait une orientation différente de celle du castellum.
372Une nécropole a dû exister sur le côté oriental du camp. Quelques stèles funéraires, de nombreux squelettes calcinés ainsi que des récipients intacts en céramique ont été récoltés à cet endroit lors de travaux de construction dans les années 1867-1870. Environ cent squelettes auraient été également découverts. Des sépultures isolées ont été par ailleurs repérées dans une large zone au sud de l’aire d’occupation.
373Un ancien méandre du Rhin, situé sur le côté nord du camp, a été vraisemblablement coupé dans le courant du ier s. et s’est ensuite peu à peu asséché. Des batardeaux ont été découverts en divers endroits le long de la rive. Ils étaient sans cesse déplacés vers le nord afin de garder accessible le chenal du fleuve en voie de disparition. Le lit était sans doute complètement envasé à la fin du iie s. Une grande partie d’un bateau, construit selon les techniques méditerranéennes et ayant dû servir au transport des troupes, a été dégagée en 1892 en face de l’angle nord-est du castellum en pierre. L’analyse 14C a permis une datation à l’époque préflavienne.
374L’identité de la garnison, présente avant le soulèvement des Bataves, est inconnue. Un triérarque, C. Iulius Bio, est bien attesté lors de cette période ancienne (CIL XIII, 12086a). Des briques estampillées témoignent de la présence de la cohors II Brittonum ou Britannorum (milliaria equitata) et de la cohors I Flavia (Hispanorum equitata Pia Fidelis) comme troupes d’occupation à l’époque flavio-trajane. La tombe de Valens, Bititralis filius (CIL XIII, 8818), vétéran de l’ala I Thracum, laisse supposer, avec de nombreux graffitis de turmes, le stationnement de cette division de cavalerie à l’intérieur du castellum en pierre. On a découvert des estampilles de la legio I Minervia et de la I Minervia Antoniniana, de la VAlaudae, de la X Gemina, de la XV Primigenia, de la XXII Primigenia et de la XII Primigenia Pia Fidelis Domitiana, de la XXX, de la XXX[I], de l’Exercitus Germanicus Inferior et de ses vexillarii, de la vexillatio Britannica et de la Tegularia Transrhenana (avec mention de la I Minervia, de la X Gemina et d’une cohorte Breucorum) ainsi qu’un X, et un X doté d’une troisième barre verticale.
375bibliographie [2004]
Hessing et al. 1997 ; Polak & Wynia 1991.
376Castrum Rauracence → Kaiseraugst
377Catelet (Le) → Vendeuil-Caply
378Château-Renaud → Virton
379Chatillon (Le) → Braives
Chaussée-Tirancourt (La)
Somme, France (carte fig. 2)
380M. REDDÉ
381L’oppidum celtique (35 ha) de La Chaussée-Tirancourt, dans la vallée de la Somme, à une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Amiens, constitue un bel exemple d’éperon barré par un rempart massif, traditionnellement considéré comme appartenant au type Fécamp (fig. 254). Les recherches menées de 1983 à 1989 par J.-L. Brunaux ont toutefois révélé la présence de deux phases successives. Si le premier état, constitué des matériaux extraits du fossé, sans armature interne de bois, correspond bien à la définition du type Fécamp, le second état comprend un système de poutraison particulier : en façade, des poteaux verticaux doubles qui supportent des boisements longitudinaux et transversaux, ces derniers étant flottants sur l’arrière. La face externe, parementée par des pierres assemblées à sec, est elle-même défendue par un fossé.

FIG. 254
La Chaussée-Tirancourt. Plan général du site (Agache 1978, 228, fig. 8).
382La porte, large de 5 à 6 m, profonde d’environ 17 m, est constituée par un rentrant du rempart, de chaque côté du passage. Deux phases constructives correspondent aux deux phases du rempart (fig. 255-257). Dans le premier état, le parement externe en pierre était consolidé par une poutraison verticale et longitudinale. Le passage comprenait alors trois rangées de six poteaux qui déterminaient un double corridor interne. Selon les fouilleurs, une tour centrale dominait l’ensemble. Dans le second état, la porte elle-même a été reculée jusqu’à l’arrière du passage, déterminant ainsi un long couloir dominé de part et d’autre par le rempart. La présence d’armes et d’équipement celtique parmi le matériel récolté n’étonne pas ; en revanche, quelques éléments militaires typiquement romains, notamment des clous de (aligae, une garde de gladius laissent penser à la présence de soldats appartenant à l’armée romaine, ce que confirme la récolte monétaire, composée à 35 % d’oboles de Marseille, inattendues à cet endroit, tandis que les monnaies celtiques ne comprennent qu’une petite part d’émissions belges. Au total, les monnaies de Celtique et de Narbonnaise représentent 69,40 % du lot, proportion incongrue en Belgique, qui ne peut s’expliquer que par une présence militaire. Toutes sont postérieures à la guerre des Gaules, ce que confirme le matériel céramique importé, datable de la décennie 30-20. Il est donc vraisemblable que la fortification soit romaine, peut-être attribuable à des auxiliaires, sans que sa construction puisse être reliée avec certitude à une campagne précise. Le type de la porte et celui du rempart, inédits, méritent d’être considérés dans l’histoire de l’architecture militaire romaine.

FIG. 255
La Chaussée-Tirancourt. Porte : a état 1 ; b état 2 (Brunaux et al. 1990, 12, fig. 10 ; 14, fig. 14).

FIG. 256
La Chaussée-Tirancourt. Restitution de la porte : a état 1 ; b état 2 (Brunaux et al. 1990, 13, fig. 12 et 13).

FIG. 257
La Chaussée-Tirancourt. Le rempart, état 2 (Brunaux et al. 1990).
383bibliographie [2004]
Agache1978; Brunaux et al. 1990 ; Delestrée 1997.
Cologne/Alteburg
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (cartes fig. 3, 5, 6, 7 et 8)
384TH. FISCHER
385Dans le quartier de Marienburg, à Cologne, au lieu-dit Alteburg, existait un grand camp militaire de 7 ha qui, au vu de sa superficie, devait abriter plus de mille hommes, si on le compare aux camps auxiliaires et à leur garnison. On peut considérer ce camp de Cologne / Alteburg, depuis le milieu du ier s. au plus tard, comme le camp de base de la classis Germanica, en raison des timbres sur tuiles et des inscriptions de marins orientaux qu’on y rencontre. Son emplacement a été choisi avec discernement, tout comme celui de la C(olonia) C(laudia) A(ra) A(grippinensium) : le camp de la flotte est installé à 3 km au sud de la colonie, sur une terrasse non inondable d’environ 16 ha, et l’on a respecté à cet endroit la forme trapézoïdale du terrain.
386Les fouilles ont commencé dans le dernier tiers du xixe s., au moment où l’on documentait et collationnait les vestiges archéologiques à l’occasion des premiers grands travaux d’urbanisme (fig. 258 et 259). De grands plans de fouilles furent réalisés par F. Fremersdorf en 1927-1928, mais cette documentation, ainsi que le matériel, ont été largement détruits pendant la seconde guerre mondiale. Il a donc été longtemps impossible de connaître en détail le camp de la flotte, car les publications sont restées limitées et très insuffisantes si l’on considère l’importance du site. On ne disposait notamment que d’un plan général assez sommaire, sur lequel figurent différentes phases constructives indifférenciées : on y observe une enceinte ancienne en bois et une autre, plus récente, en pierre. On connaît avec certitude deux portes, l’une au sud-ouest, peut-être la porta praetoria, et une autre au nord. Les bâtiments au nord forment un complexe inextricable de diverses phases de constructions en pierre, ce qui exclut toute interprétation cohérente. Au sud, en revanche, F. Fremersdorf avait pu montrer l’existence de plusieurs phases de casernements, qui ont été explicitées par N. Hanel en 1998. Un ensemble de bâtiments situés dans la partie orientale du camp, mais rapidement documentés à l’occasion d’un sauvetage au xixe s., doit correspondre à un balnéaire. Le vicus n’a fait l’objet que de sondages préliminaires, mais N. Hanel a publié en 1998 des maisons en lanière et une mansio. Les nécropoles, elles aussi sommairement connues, semblent s’étendre le long de la route du limes qui passe à l’ouest du site.

FIG. 258
Cologne/Alteburg. Plan de localisation des fouilles récentes (Fischer 2001, 551).

FIG. 259
Cologne/Alteburg. Plan du camp de la flotte.
387Au vu des anciennes fouilles, on distinguait deux phases principales, l’une en bois, antérieure à l’époque flavienne, une autre en pierre, à partir de la fin de l’époque flavienne, tandis que le matériel, pour la partie qui a échappé aux destructions de la seconde guerre mondiale, n’est pas étudié, à l’exception des inscriptions et des monnaies.
Les fouilles de 1995-1996
388Des fouilles de grande envergure (fig. 258), menées par le Römisch-Germanisches Museum de Cologne et l’université ont touché l’intérieur du camp ; la construction d’un parking souterrain a conduit à la fouille d’une surface de 1000 m2 dans la partie orientale du camp.
389Les recherches montrent l’existence d’au moins huit phases : quatre périodes de constructions en bois (1-4), quatre périodes de constructions en pierre (5-8). Pour la première période, l’appartenance du camp à une vexillation légionnaire paraît constituer la meilleure hypothèse de travail, et c’est seulement à partir de la phase 2 que l’utilisation comme camp de la flotte semble probable.
390Dans l’emprise des fouilles de 1995-1996 n’apparaît aucune trace à l’est, le long du Rhin, d’une enceinte de terre et de bois, connue sur les trois autres faces, ce dont semblaient déjà témoigner les anciens plans. Au nord-est, la courtine continue tout droit vers le fleuve, sans faire retour vers le sud, comme le fera ultérieurement la muraille de pierre. Il existait ici une terrasse naturelle, qui finissait en pente vers le Rhin, mais la ligne de rivage ne se laisse pas déterminer.
391Le port était probablement installé tout de suite à l’est du camp et sans doute englobé dans l’enceinte. La fortification de l’Alteburg était donc probablement ouverte du côté du Rhin, avant l’édification du rempart en pierre (fig. 259). C’est au plus tard en 100 que la courtine en pierre, précédée d’un fossé, a été érigée à l’est. Ce fossé en V, large d’au moins 5,6 m et conservé sur une hauteur de 2,7 m, a pu être mis en évidence dans la fouille du parking. La trace d’autres fossés ou d’autres couches d’occupation plus anciens n’a pas été mise en évidence et le fond du fossé ne contient que du matériel de la fin du iie s. ou du iiie s. Par-dessus cette couche de matériel apparaissent des déblais (pierre et mortier) provenant de la destruction du rempart, mêlés avec de la céramique du iiie s. Cette observation concorde avec l’opinion généralement admise que le camp d’Alteburg a été définitivement abandonné dans le dernier tiers du iiie s. De l’enceinte même ne subsiste qu’une tranchée d’épierrement, remplie de fragments de pierre et de mortier.
392Le matériel le plus ancien, à l’intérieur du camp, est constitué par de la céramique de l’âge du Fer, sous les niveaux romains. Viennent ensuite trois phases de constructions en bois, de l’époque tibérienne à l’époque flavienne précoce (1-3), mais ce n’est qu’à partir de Claude (période 2) qu’apparaissent de véritables casernes, la période 1 n’étant perceptible qu’à travers des traces de constructions légères, sans doute provisoires, et qui se croisent en tous sens. Les casernes flaviennes précoces (période 3) ont été soigneusement démontées et l’on a, sur ce niveau, nivelé le sol avec un demi-mètre de terre (période 4). Vient ensuite, à la fin de l’époque flavienne, une chaussée empierrée avec des fragments de tuf, de tuiles cassées et du gravier, bordée de part et d’autre par des fondations en pierres de casernes, où l’on distingue plusieurs phases (période 5). Ces fondations contiennent de nombreux remplois provenant de monuments impériaux précoces, souvent de bonne qualité puisqu’on y trouve des chapiteaux corinthiens en calcaire tendre. Les phases les plus récentes des iie et iiie s. (périodes 6-8) manquent complètement, car elles ont été nivelées par l’érosion ou les constructions modernes.
La fouille de 1998
393En 1998 (fig. 258), une nouvelle fouille de sauvetage à l’intérieur du camp de la flotte a permis de poursuivre les recherches. La surface examinée, à la suite de la construction d’un nouveau parking, a été de 20 x 70 m, soit 1 400 m2. Son implantation, pratiquement parallèle à la direction des casernes superposées, était de surcroît très favorable. A son extrémité occidentale, elle touche la via sagularis mais à l’est, aucun bâtiment n’a pu être dégagé dans sa totalité.
394La fouille a montré l’existence de six périodes constructives, dont les phases les plus anciennes exigent encore une étude. Elles vont du règne de Tibère au iiie s., et montrent, par comparaison avec la fouille des années 1995-1996, une périodisation comparable pour l’essentiel, jusqu’à l’époque flavienne précoce, mais différente à partir de la fin du Ier s.
395La période 1 commence, comme dans les fouilles de 1995-1996, à la fin de la période augustéenne ou au début du règne de Tibère. Le limon naturel n’a pas conservé la trace de casernes permanentes, mais celles de constructions légères, provisoires, de directions diverses, qui indiquent une phase d’installation plutôt qu’une vraie construction. Cette période se termine sous Claude. Les périodes 2 et 3, à la différence des fouilles de 1995-1996, sont mal conservées dans la mesure où la partie occidentale du camp, au relief plus marqué, a été plus profondément surcreusée et progressivement aplanie. À l’est, au contraire, on nivelait par apport de matériaux, lorsqu’on édifiait une nouvelle construction. Lors de ces deux phases –et à la différence de la période 1–, on construisit en pans de bois sur sablières basses. La phase 2 appartient à l’époque claudio-néronienne, la phase 3 à l’époque flavienne précoce. La phase 4, plus récente, semble à première vue appartenir au début du second siècle, soit au règne de Trajan. A cet endroit, la fouille a mis au jour deux casernes, orientées est-ouest (fig. 260). Devant ces deux blocs d’habitation, séparés par une ruelle large de 4 m, empierrée avec des matériaux de rebut, court une véranda, large de 2 m environ. Les deux bâtiments sont construits selon un plan de base jusqu’ici inconnu dans les camps militaires romains : en façade, trois petits espaces de 9,5 m2 précèdent chaque fois deux pièces arrière de 17 m2. Les foyers dans les grandes pièces et dans les petites pièces latérales étaient en revanche bien conservés, la pièce médiane de façade devant sans doute être considérée comme un corridor qui desservait les quatre autres espaces. L’édifice ne révèle aucune tête de centurie du côté de la via sagularis, mais une organisation différente. Si l’on compare un tel module de cinq pièces, avec ses 62,5 m2, aux contubemia (papilio et arma) des camps légionnaires et auxiliaires, on pourrait aisément loger là deux contubemia de 31 m2.

FIG. 260
Cologne/Alteburg. Plan d’un bloc de casernement du camp de la flotte (Fischer 2001, 556).
396Les deux casernes de la période 4 sont détruites au début du second siècle par un incendie local. La couche d’incendie n’a pas été enlevée mais aplanie sur place, de sorte qu’une mince couche cendreuse sépare la phase ancienne de la phase récente. Elle contient beaucoup de matériel, ce qui suppose une extension rapide de l’incendie dans des casernes totalement occupées. La construction est en pan de bois avec des clayonnages sur sablières basses. Les pièces étaient enduites et peintes (champs blancs, avec des filets rouges encadrant des candélabres). Le manque complet de tuiles laisse penser à des toits en matériaux organiques (paille, roseaux, bardeaux).
397Le petit matériel comprend une abondante céramique, notamment des vases brûlés. Au sein de la sigillée domine le matériel sud-gaulois tardif ; remarquable est l’abondance des encriers en sigillée sud-gauloise lisse, normalement beaucoup plus rares. On notera la présence d’une installation de cuisine complète, avec foyer, moulin, grands plats, cruche et autres vases. Le matériel métallique comprenait, à côté des fibules et des monnaies, de grandes armes et des outils : trois poignards, deux boucliers, plusieurs haches, des pelles à feu et différents ustensiles difficiles à identifier avant restauration. De la vaisselle de bronze a été mise au jour, fournissant, avec le reste de ce matériel brûlé au moment de l’incendie, un instantané de l’équipement utilisé dans ce bâtiment. Plusieurs centaines de boulets de tuf, grossièrement travaillés, proviennent de cette couche d’incendie, et caractérisent cet ensemble de l’Alteburg. Leur découverte dans la couche d’incendie, et non ailleurs, notamment sur les sols, montre qu’ils devaient être conservés sur les terrasses, au-dessus des pièces d’habitation.
398La fouille de 1998 révèle aussi, pour les phases en pierre (périodes 5-6), un plan des casernes conforme à ce qu’on connaît ailleurs dans les camps légionnaires ou auxiliaires, c’est-à-dire la suite arma-papilio traditionnelle. Les constructions de la période 5 connurent un destin différent, vers le milieu du second siècle : seul le bâtiment au nord de la ruelle semble avoir brûlé, tandis que l’autre était épargné. Le début de la période 6 appartient déjà au iiie s. Il sera sans doute possible, avec une étude plus fine des plans, de distinguer des étapes intermédiaires.
Un camp de vexillation ?
399Les vestiges de la période 1, mis au jour lors des fouilles de 1995- 1996, et confirmés par celles de 1998, ne doivent sans doute pas être mis en relation avec les vestiges d’un camp de la flotte. On pourrait y voir plus sûrement les restes des quartiers d’hiver de la Ie et de la XXe légion, conformément au témoignage de Tacite pour l’année 14. Toutefois, la taille réduite du camp exclut que l’on soit en présence, à Alteburg, d’un cantonnement pour une légion entière, encore moins d’un double camp légionnaire, et il vaut mieux songer à une vexillation. En comparaison des constructions en pierre postérieures, la nature fugitive de ces vestiges de la période la plus ancienne et leurs orientations multiples laissent penser à des occupations courtes, dans un camp qui n’était pas en permanence habité. On songe en revanche à des garnisons temporaires, périodiques, avec des phases d’interruption : quartiers d’hiver pour des troupes qui se trouvent ailleurs pendant l’été, probablement en campagne. L’occupation à partir de la période 2, c’est-à-dire à partir de Claude, présente un caractère tout différent : sur l’Alteburg existe désormais un camp permanent, qui sera toujours reconstruit selon un schéma immuable. C’est seulement à partir de cette époque que l’on doit mettre ces vestiges en relation avec les témoignages concrets (inscriptions et timbres sur tuiles) de la classis Germanica.
400Le matériel issu des fouilles récentes laisse supposer un abandon du camp vers la fin du iiie s. La série monétaire des fouilles de 1995-1996 s’interrompt avec des imitations de Tétricus I ou II (270-273). On ne connaît pas non plus de matériel du ive s. On observera que la fonction du camp n’était pas seulement celle d’un casernement et d’un quartier général : l’étude du matériel montre une abondante production sur place (équipement militaire, mortier, produits semi-finis ou finis). Remarquable est, de ce point de vue, la découverte de grands pesons qui témoignent de l’activité de tissage du camp, normale si l’on considère qu’il s’agit d’un arsenal de la flotte.
401bibliographie [2004]
Bechert & Willems 1995, 34-36 ; Carroll 2002 ; Carroll & Fischer 1999 ; Carroll-Spillecke 1999; Fischer 2001 ; Fischer 2002 ; Fischer 2005; Fischer & Hanel 2003 ; Hanel 1998a ; Hanel 1998b ; Hanel 2002 ; Oschmann 1987.
Cologne/ Deutz Divitia
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 12)
402H. HELLENKEMPER
403L’expérience fournie par l’effondrement du limes rhénan après 275 et les nombreuses campagnes contre les Francs conduisirent Constantin à mettre en œuvre un nouveau programme de fortifications militaires (Cologne/Deutz, Haus Bürgcl, Xanten) sur le Rhin inférieur. La plus grande et la plus imposante de ces constructions est celle du pont et du fort de Cologne (fig. 261), ce dernier étant implanté sur la rive droite du Rhin, dans l’axe du decumanus maximus de la colonia Agrippina. La décision politico-militaire de Constantin fut sans doute prise peu avant 310, si l’on en croit le Panégyriste inconnu (VI [VII] 13,1 sq.) qui signale à cette date le début de la construction du pont et du castellum. Les travaux sur les deux complexes eurent sans doute lieu en même temps, sous la maîtrise d’œuvre d’une vexillation (?) de la XXIIe légion, stationnée à Mayence, selon le témoignage d’une inscription (CIL XIII, 8502) transmise par Rupert von Deutz. D’autres timbres attestent la participation de la legio VIII Augusta C(onstantiniana) V(ictrix) de Strasbourg, de la legio XXX de Xanten et de manufactures privées.

FIG. 261
Cologne/Deutz. Plan du fort.
404Implantée selon un carré de 500 x 500 pieds, soit une distance de 148,15 m hors tout, de courtine à courtine, ou 141,35 m à l’intérieur, ce qui offre une surface d’environ 1,81 ha, la forteresse est dotée de dix-huit tours rondes, avec un rempart large de 4,35 m à la base et 3,30 m au niveau du chemin de ronde. La construction est réalisée en opus caementicium entre deux parements de blocs de tuf fraîchement taillés, avec des lits horizontaux de tuiles (un à trois rangs). Dans les fondations apparaissent de nombreux remplois de monuments votifs, cultuels ou funéraires provenant des cimetières de la colonia Agrippina et peut-être du camp de la flotte, désormais abandonné, de Cologne/Alteburg. Les moellons fraîchement taillés semblent provenir du Brohltal.
405Différents travaux médiévaux de démantèlement ont affecté la construction, mais les vestiges archéologiques étaient encore préservés jusqu’aux premiers lits de l’élévation, aux xixe et xxe s. Les recherches scientifiques ont commencé il y a cent vingt ans et ont été poursuivies de manière périodique jusqu’à nos jours.
406Le plan, parfaitement orthogonal, montre à chaque extrémité de l’axe est-ouest deux portes, larges de 3,90 m au point de passage, et flanquées de deux tours saillantes. La hauteur de la courtine, comme celle de la muraille urbaine de la colonia Agrippina (ier s. ap. J.-C.), atteignait 7-8 m, sans compter le parapet et le crénelage. On accédait au chemin de ronde par des escaliers de bois, installés dans les tours, sans doute hautes de trois étages si l’on en croit des représentations rardo-antiques et une émission monétaire de Constantin. Les tours étaient couvertes d’une toiture, avec tuiles d’ardoise.
407Une berme de 18 m sépare la muraille de deux fossés secs, larges de 12 à 14 m, en forme de V évasé selon une pente de 30°, sur les trois côtés qui ne bordent pas le fleuve. Dans l’axe de la porte orientale, le fossé extérieur conserve les traces de poteaux qui témoignent de la présence d’un pont. Du côté du fleuve, la berme et la rampe de terre permettant l’accès au pont ont été nivelées par les crues.
408Les constructions internes (surtout évidentes à l’est) sont régulièrement divisées et comprennent seize casernes orientées nord-sud, de 57,4 m de longueur, 11,5 m de large hors tout (10 m à l’intérieur), soit deux fois huit blocs de part et d’autre de la via praetoria est-ouest. Au centre, quatre des casernes s’ouvrent sur un portique.
409Les murs extérieurs des casernements, implantés dans le sol à une profondeur de 1 m, sont larges de 1,10 m en fondation, mais de 0,6 m en élévation, et sont construits en tuffeaux. Leur dimension autorisait sans doute la présence d’une mezzanine, mais celle-ci n’est pas assurée. Ces murs, qui n’ont connu qu’une phase de construction, ont à plusieurs reprises été spoliés pendant la période médiévale, ce qui est également le cas des pavements (en terre battue ou en mortier). Les cloisons intérieures, plus étroites, étaient en pans de bois. On connaît çà et là des traces de foyers et de canalisations. Les toits à un seul pan sur des fermes de bois étaient couverts de tegulae et d’imbrices. On n’a pas d’indice clair de l’aménagement interne ni de la présence de bains.
410La voie prétorienne disposait d’un espace de 5 m de large (de pignon à pignon), les ruelles entre les baraques présentaient une largeur de 3,9 m, la via sagularis 7,5 m. À chaque fois, au milieu de la chaussée, apparaît une canalisation boisée couverte et destinée à l’évacuation des eaux. Les voies sont recouvertes de gravier.
411Il n’existe aucun indice de constructions adossées au rempart.
412Le fortin et le pont constituent un ensemble cohérent, l’un protégeant l’autre. Le castellum de Deutz constitue ainsi un modèle de l’architecture militaire constantinienne. On doit se demander, par comparaison avec l’architecture militaire du Principat, si le commandement militaire résidait à Deutz, où l’on ne connaît ni principia ni praetorium, ou dans la colonie, elle-même fortifiée et où sont attestés aussi, dans l’Antiquité tardive, des détachements navals. L’achèvement de la construction du pont fut réalisé sans doute en 315, si l’on en croit l’émission d’un double solidus de Trêves ; celui-ci porte sur le revers un fortin, un pont, et une statue impériale qui pourrait témoigner de la présence du prince. La garnison fut constituée par un détachement de la XXIIe légion de Mayence, le numerus Divitensium, composé de neuf cents à mille hommes, ce qui constitue l’effectif moyen d’une légion au ive s.
413La catastrophe de l’automne et de l’hiver 355 –la prise et la destruction de la colonia Agrippina– ne se laisse pas appréhender archéologiquement à Deutz, car les sols et les casernes ont été très ruinés par les constructions postérieures. La garnison doit avoir abandonné le fort à cette occasion. Avec la campagne de Julien César en 356 et la reprise de Cologne, Divitia redevient poste militaire. La troupe est toujours l’unité des Divitienses, au témoignage du moins de l’épitaphe funéraire du protector Viatorinus, tué en opérations par un Franc in barbarico iuxta Divitia (CIL XIII, 8274). L’inscription, datée des années 350/406-407 avait été posée par le commandant de la troupe, vicarius Divitesium. Le cimetière ne semble pas être à Deutz, mais au nord-ouest de la colonia Agrippina, dans les environs de Saint-Géréon, où ont été découvertes différentes tombes militaires tardives.
414Une garnison régulière semble avoir occupé Deutz jusqu’au retrait général de 407. On ne saurait dire avec certitude si, vers la fin du ive s., les soldats vivaient avec leurs familles, ce que la découverte de bijoux laisse supposer. Le camp, intact, tomba entre les mains des Francs, comme le montrent la céramique et les restes de parure. Le pont perd alors sa fonction, faute d’entretien ; les bâtiments s’écroulent et sont réutilisés comme matériau de construction.
415bibliographie [2004]
Alföldi 1991 ; Carroll-Spillecke 1993 ; Grünewald 1989 ; Kraus 1925 ; Precht 1972-1973 ; Schmitz 1995, 643-776 (voir Grabinschrift des Viatorinus, p. 687-690; Das konstantinische Kastell in Deutz und die Divitienses, p.754-761).
416Corette (La) → Arras
Cuijk
Ceuclum
Limbourg, Pays-Bas (cartes fig. 5, 6 et 12)
417J. K. HAALEBOS
418Le fortin (fig. 262) est installé sur une terrasse sableuse de la Meuse, au croisement de la route Tongres-Nimègue et d’une voie secondaire qui mène à Xanten en suivant la Niers. Le nom antique est Ceuclum dans la Table de Peutinger (var. Cudiacum, Ceudiacum ou Ceucium). Selon ce même document, trois lieues (en réalité six) séparent le site de Nimègue et vingt-deux lieues de Blariacum (Venlo-Blerick). Le poste doit son importance au pont sur la Meuse, construit en pierre au ive s., et fouillé ces dernières années.

FIG. 262
Cuijk. Plan du fort.
dessin R.P. Reijnen.
419Depuis le xviiie s., le site a livré diverses trouvailles et des restes du pont. De grandes fouilles ont eu lieu en 1937-1938, 1948 et 1964-1966. On connaît trois niveaux successifs :
un camp militaire supposé et daté du milieu et de la fin du ier s. ;
un vicus civil, avec au moins deux fana à circulation périphérique, qui remplace le camp vers 100 ;
une nouvelle forteresse en terre et en bois, construite dans les premières années du ive s., puis refaite en pierre dans la seconde moitié de ce même siècle.
420Les deux fortins tardifs ont dû avoir une forme trapézoïdale et étaient entourés sur trois côtés de deux fossés de 2 m de large, séparés par une berme de 10 m. Du côté de la Meuse, non sondé, le fleuve peut avoir emporté les vestiges.
421Du fortin le plus ancien, on ne connaît que le mur en terre et en bois, construit de manière particulière : large de 4 à 5 m, celui-ci est composé de trois rangées de gros poteaux, implantés sur une profondeur de 1,5 m. Le bourrage de terre, encore visible sur presque 1 m de hauteur, était coffré entre des murs de gazon, avec des boisements transverses à différents niveaux. On ne connaît pourtant guère de fortin en terre et en bois avec des remparts de cette taille au ive s.
422Du fortin en pierre (110 x 95 m), on connaît plusieurs éléments. Le rempart, large de 1,5 à 1,9 m, a été complètement dégagé sur le front sud, mais seulement sondé à l’ouest et au nord. Il est flanqué de tours semi-circulaires, dont le seul exemplaire intégralement conservé mesure environ 6 m de diamètre. De l’intérieur, on ne connaît qu’un bâtiment, implanté obliquement par rapport au rempart. Il s’agit d’un horreum de 26 x 14,5 m, divisé en trois nefs par deux rangées de piliers. Ce bâtiment trouve un parallèle étroit dans le camp Valentinien de Tokod (Hongrie).
423Les deux fortins tardo-antiques successifs sont attribués par le fouilleur, le premier à Constantin, le second à Valentinien, au vu du spectre monétaire, mais on pourrait aussi penser, dans le deuxième cas, à l’activité de Julien César sur la Meuse, dans les années 357-358, ou au contraire préférer l’époque constantinienne tardive, comme c’est le cas pour Maastricht. Les pilotis du pont montrent une activité dans les années 334-357, 368- 369 et 387-398. Les bois les plus anciens de la fortification en bordure de rivière datent des années 320 et 342.
424bibliographie [2004]
Bogaers 1971 ; Goudswaard 1995; Goudswaard et al. 2000-2001 ; Mioulet & Barten 1994; Van Enckevort & Thijssen 1998 ; Enckevort & Thijssen 2002 ; Verwers 1990b.
Dangstetten
Bade-Wurtemberg, Allemagne (carte fig. 3)
425G. FINGERLIN
426Le camp de Dangstetten, sur le Rhin supérieur, a été découvert en 1967 dans l’aire d’extraction d’une gravière, après que de grandes parties de ce site, à l’ouest (retentura), eurent été complètement détruites et les zones contiguës, dans le secteur des bâtiments centraux en particulier, considérablement endommagées par un décapage mécanique atteignant 1,80 m d’épaisseur. Les fouilles, qui ont duré plus de deux décennies, avec des interruptions, ont toutefois permis d’examiner presque totalement la surface encore existante, aujourd’hui détruite jusqu’à la limite nord-ouest du camp. Elles ont en même temps apporté des renseignements importants sur la structure du plan et la technique de construction. Elles ont enfin fourni un abondant mobilier, unique en son genre pour le sud-ouest de l’Allemagne. Il convient de mentionner notamment trois témoignages épigraphiques de la XIXe légion, qui en 9 ap. J.-C. faisait partie de l’armée de Varus et sombra avec lui dans la “forêt de Teutobourg” (aujourd’hui localisée à Kalkriese près d’Osnabrück).
427L’emplacement, sur la rive droite du Rhin supérieur, était particulièrement bien choisi pour une troupe opérant en direction du nord, vers la région du Danube supérieur. Le camp se situait à proximité du fleuve, franchi à cet endroit par une ancienne voie de circulation par laquelle on atteignait, depuis la Suisse moyenne, la région de Baar (sources du Danube) puis la vallée du Neckar. Entre le coude du Rhin à Bâle et l’extrémité occidentale du lac de Constance, cette voie était la seule route naturelle d’axe nord-sud aménagée à l’époque romaine comme axe principal le long duquel se trouvaient, entre autres, Vindonissa, Brigobannis (Hüfingen) et Arae Flaviae (Rottweil). Un ravitaillement par la voie d’eau du Rhin depuis la Gaule (Augusta Raurica) était en outre possible.
428Le camp utilise sur le plan topographique une haute terrasse, qui s’interrompt vers le sud et l’ouest de façon abrupte par une rupture de niveau de plusieurs mètres. Cette position n’a pas de valeur défensive en soi, mais elle contrôle toute la région entre le fleuve (Zurzach / Rheinheim) et le col (Küssaberg) qui, au nord, conduit vers la vallée du Klettgau.
429La forme du camp est à peu près celle d’un large rectangle, avec des angles “rentrants” au sud-est, imparfaitement arrondis au nord-est et au nord-ouest (fig. 263). Son tracé n’est d’ailleurs pas complètement assuré en raison de la destruction de sa partie occidentale. Au sud, l’enceinte semble s’être développée le long de la pente. Il n’est cependant plus possible, en raison de la forte érosion, de retrouver sa trace. La superficie interne du camp (14 à 15 ha), ne peut donc être chiffrée de manière exacte (environ 410 x 350 m).

FIG. 263
Dangstetten. Plan général : 1 principia ; 2 fabricae ; 3 horreum ; 4 casernements ; 5 grand bâtiment de fonction indéterminée ; 6 caserne de cavalerie.
430L’enceinte est constituée d’un mur en terre et bois doté de tours en bois placées tous les 40 m. Deux portes (porta praetoria à l’est (fig. 264) et porta principalis sinistra au nord) ont pu être dégagées (type V.3 de Manning et Scott), le double fossé en V étant chaque fois interrompu devant le passage. La répartition interne des bâtiments s’ordonne en fonction du tracé des voies, reconnaissables à leur unique ou double fossé d’écoulement. Il convient de remarquer que la via praetoria ne conduit pas directement à la porta praetoria. Il n’existe pourtant aucun indice d’une reconstruction pouvant justifier une telle exception à la norme. Les seules modifications de l’espace intérieur que l’on peur constater proviennent du remplacement des rangées de tentes originelles par des construc tiens en bois. On observe ainsi des recoupements isolés de fossés par des tranchées de fondations plus récentes et au sud-est un bâtiment en bois qui ne correspond pas au schéma d’origine.

FIG. 264
Dangstetten. Plan de la porte prétorienne, à l’est.
431Les rues divisent la superficie du camp selon un système d’axes parallèles ou perpendiculaires au mur oriental. Dans la bande orientale de la praetentura se trouvent les baraquements, également encore des rangées de tentes avec, aux extrémités, des constructions en bois (dans le secteur méridional). Dans une deuxième bande plus à l’ouest, des traces d’un grand bâtiment en bois ont été découvertes, montrant une rangée de pièces de 16 m de profondeur (trois sont attestées), à laquelle avait été adjointe perpendiculairement une aile de 8 m de largeur présentant une division semblable. On a pu ainsi reconstituer symétriquement un bâtiment rectangulaire d’environ 60 m de largeur sur une longueur maximale de 80 m, entourant une cour intérieure. Il ne peut s’agir ici que des principia avec leur cour (fig. 265).

FIG. 265
Dangstetten. Les principia. Plan des structures fouillées et proposition de reconstitution.
432Au nord des principia ne sont conservés que les vestiges difficilement interprétables d’un complexe de dimensions apparemment semblables, sans doute une des installations centrales du camp, mais dont il est impossible de définir la fonction.
433Immédiatement au nord apparaît l’extrémité d’un autre baraquement, de même orientation, mais plus grand que les logements de troupes déjà cités. Cet édifice peut être interprété comme une caserne de cavalerie d’après ses dimensions, mais surtout grâce au matériel qu’on y a découvert.
434Au sud des principia se situent les fabricae (fig. 266), un secteur avec de nombreuses traces d’activités artisanales (poterie, travail du fer et du bronze). Une salle de 16 x 10 m avec, sur le petit côté sud, un four utilisable depuis l’extérieur (chauffage, aire de séchage ?) appartient à cette zone. Ce bâtiment était doté, sur deux côtés, d’entrées couvertes.

FIG. 266
Dangstetten. L’horreum et une partie des fabricae.
435Au sud, séparé des fabricae par une palissade ou par une paroi de bois, apparaît un horreum (fig. 266) de plan à peu près carré (32 x 31 m) ; il jouxte, à l’est, une construction plus réduite, de fonction indéfinie, peut-être analogue. Ce sont les rangées de gros poteaux, parfois doubles, ainsi que le plan très caractéristique des petites fondations parallèles de courts boisements portant un plancher surélevé, pour des charges lourdes, qui permettent l’identification du grand horreum.
436Dans la troisième bande, à l’ouest de la via principales, sont apparues, dans la partie sud-ouest, des structures qui laissent conclure à la présence de baraquements, de même orientation que dans la praetentura, peut-être encore sous la forme de rangées de tentes. Au nord, par-delà le secteur central, détruit, une nouvelle orientation des bâtiments a pu être constatée dans ce qui pourrait être un baraquement. Ces bâtiments ont ici une direction à peu près ouest-est, même si cette dernière n’est pas tout à fait parallèle au tracé du mur d’enceinte nord. On ne peut d’ailleurs exclure la présence d’un autre type de construction organisée autour d’une cour intérieure (par exemple un valetudinarium).
437Des parcelles occidentales du camp, rien n’a été conservé. Il est ainsi impossible de savoir si une division symétrique de la praetentura a été faite grâce à une autre voie nord-sud. Cela semble cependant largement vraisemblable si l’on considère l’aménagement intérieur, par ailleurs très régulier, du camp.
438L’occupation de Dangstetten par des détachements de la XIXe légion est prouvée grâce aux témoignages épigraphiques déjà cités. L’espace disponible (14 à 15 ha) ne suffit en aucun cas pour une légion entière, même si l’on suppose que l’effectif était un peu plus faible qu’il n’est de règle. Il fallait en effet non seulement loger les cavaliers légionnaires, mais également les troupes auxiliaires dont la présence est attestée par la découverte de nombreux éléments d’équipement militaire caractéristiques. Il s’agissait en premier lieu d’un contingent non négligeable de cavaliers gaulois, sans doute une troupe recrutée pour cette entreprise et menée par ses propres chefs. Il existe par ailleurs des indices de la présence d’archers orientaux, peut-être de fantassins, dans la mesure où leurs traces ont été trouvées dans un secteur du camp autre que celui des cavaliers romains et gaulois. Les traces sont trop faibles pour déduire la présence d’une troupe d’auxiliaires germaniques.
439La chronologie du site de Dangstetten peut être établie au moyen d’indices historiques et numismatiques. Le contexte très vraisemblable de la campagne des Alpes sous Drusus et Tibère porte à placer la fondation du camp en 15 av. J.-C. Cette date très précoce est confirmée par le matériel, notamment la quantité considérable d’arétine avec une proportion élevée de formes précoces. Une fondation légèrement plus récente (12-11 av. J.‑C.), semblable à la situation d’Oberaden, dans le cadre des préparatifs pour les campagnes germaniques de Drusus ne doit pourtant pas être exclue définitivement.
440La série monétaire, dans laquelle manquent les émissions de l’autel de Lyon, est déterminante pour l’établissement de la chronologie de la fin d’occupation du site. Le camp était donc déjà abandonné avant que ces monnaies, massivement utilisées pour le paiement de la solde, n’atteignent l’armée stationnée sur le Rhin. Il faut donc avancer les années 9 ou 8 av. J.‑C., au cours desquelles, après la mort de Drusus, on a réexaminé la stratégie contre les Germains et abandonné de nombreux points d’appui militaires.
441bibliographie [2004]
Fingerlin 1970-1971 ; Fingerlin 1977 ; Fingerlin 1986b ; Fingerlin 1986c ; Fingerlin 1998 ; Fingerlin 1999 ; Roth-Rubi 2001 ; Roth-Rubi 2002 ; Wiegels1989.
Delbrück/Anreppen
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 3)
442J.-S. KÜHLBORN
443Le camp romain d’Anreppen, découvert dans le courant de l’année 1967 au sud de Delbrück, se situe sur un terrain plat, directement sur la rive méridionale actuelle de la Lippe (Lupia). Certaines parties du camp à l’ouest et au nord-est ont disparu dans les méandres de la rivière. Les fouilles ont débuté en 1968 (fig. 267).

FIG. 267
Delbrück/Anreppen. Plan général du camp.
dessin J.-S. Kühlborn.
444Le tracé du camp correspond à celui d’un ovale allongé et irrégulier. La superficie totale s’élevait à environ 23 ha et était ainsi d’à peu près 5 ha plus grande que celle du camp principal de Haltern. La raison et la fonction du rentrant semi-circulaire sur la face nord du camp sont incertaines. Cet aménagement a parfois été interprété comme l’indice de la présence d’un port fluvial, hypothèse que le fouilleur, A. Doms, a définitivement écartée. Tous les bâtiments étaient en bois ou en colombages. L’enceinte était constituée d’un mur en bois et terre, large d’environ 3 m et d’un fossé en V d’une largeur maximale de 6,6 m et d’une profondeur atteignant 2,3 m. La fortification était renforcée le long du front méridional du camp par un fossé supplémentaire, plus petit (larg. 3 m ; prof. 1,6 m). À partir de 1988, les fouilles se sont concentrées sur l’intérieur du camp. Depuis cette date ont été examinés le praetorium avec les cours et les résidences avoisinantes, un édifice à vocation économique (fabrica), un grand horreum, les logements des troupes le long de la via sagularis méridionale, divers tronçons de voie, des sections de la ligne de fortification et la porte d’enceinte méridionale (porta principalis dextra).
445Le praetorium (1), sans aucun doute l’un des édifices les plus majestueux du camp, se trouve à l’ouest des principia, non encore fouillés. Il était situé au centre d’une insula de 141 x 71 m. Il est possible de reconstituer avec certitude les dimensions totales du praetorium, même si certaines parties n’ont pas pu être entièrement fouillées. La longueur de la façade s’élevait à environ 47,5 m, l’édifice s’étendait en profondeur sur à peu près 71 m, ce qui équivalait approximativement à une surface construite au sol de 3375 m2. Les correspondances étroites de plan avec le praetorium plus ancien d’Oberaden sont évidentes. L’accès, un portail d’une largeur de 6,7 m encadré de deux colonnes, se situait à l’est. L’atrium couvert qui vient ensuite, d’à peu près 11 m de largeur et 18 m de longueur, était soutenu par quatre paires de colonnes. Derrière se trouvait une pièce (triclinium) visiblement fermée vers la cour ; de chaque côté, un couloir étroit donnait accès au péristyle. Des salles de formes différentes se situaient des deux côtés de cette rangée de pièces. Enfin venait la cour (26 x 25 m), bordée de portiques d’environ 3,5 m de largeur. La disposition des pièces a pu être reconstituée dans son intégralité sur le côté méridional, mais seulement partiellement sur le côté opposé. Les salles placées à l’arrière n’ont été jusqu’à présent observées que dans l’angle sud-ouest. Le praetorium d’Anreppen est d’une conception exceptionnellement grande et luxueuse et les correspondances avec les villas italiques sont évidentes. Il est tout à fait permis de supposer qu’un tel praetorium, vu sa construction particulièrement somptueuse, était conçu pour servir de logement adapté au rang élevé du gouverneur et commandant des troupes opérant en Germanie. Connaître l’emplacement du praetorium permet en partie de déduire l’organisation du camp. La voie placée en arrière doit correspondre à la via quintana. La façade d’entrée du praetorium se situait sur une voie, par comparaison étroite, d’environ 8,5 à 9 m de largeur, d’axe nord-sud. Les principia devaient être placés sur le côté oriental de la rue en vis-à-vis. L’ensemble du camp était ainsi non pas orienté en direction de la Lippe mais vers l’est. La via principalis et la porte d’enceinte orientale se situaient dans la prolongation de l’axe ouest-est.
446Le praetorium était flanqué sur les deux côtés par deux maisons très allongées. L’édifice nord (2), de 71 m de longueur et 15 m de largeur vraisemblablement, était séparé du praetorium par une grande cour. La maison sud (3), de 71 x 30,5 m, n’était pas elle non plus en contact direct avec le praetorium. Entre les deux se trouvait une cour allongée, sur le côté nord de laquelle courait une rangée de colonnes. Cette cour flanquée de colonnes sur le grand côté nord rappelle dans son tracé un gymnase grec. La répartition spatiale de ces constructions entourant le praetorium suggère de façon très probable l’existence de maisons d’habitation de grand standing, destinées à des officiers supérieurs.
447Au nord de l’insula du praetorium se situait un complexe de bâtiments (7) de 26,5 x 23,5 m, réaménagé au moins une fois. Ce complexe était précédé d’une cour de 21,5 x 16m avec portiques de 3 à 3,5 m de large et entrée principale au sud (fig. 267). Une entrée latérale se trouvait sur la via quintana. Un four avec des parois en pierres sèches était placé dans le secteur de l’angle nord-ouest du complexe. La chaufferie a été rénovée à deux reprises au moins. Au moins deux des quatres salles étaient dotées, d’après les trous de poteau observés, de planchers ventilés par-dessous. On peut supposer l’existence d’un chauffage par le sol en relation avec la chaufferie. La seule découverte analogue jusqu’à présent est celle d’un bâtiment du camp, pratiquement contemporain, de Marktbreit, interprété par les fouilleurs comme une fabrica avec aire de séchage intégrée pour les céréales. Le bâtiment d’Anreppen montre cependant une particularité. L’eau coulait en abondance dans l’édifice, de sorte qu’elle devait être drainée au moyen d’un canal d’évacuation. À côté de l’interprétation comme fabrica se présente donc une possibilité d’utilisation tout à fait différente, celle de thermes. La cour d’entrée pourrait ainsi correspondre à la palestre.
448Le rapport entre les découvertes d’outils et de scories faites à proximité et le complexe de bâtiments reste cependant sans explication évidente.
449Les logements de plusieurs centuries se situaient entre la voie limitant au sud l’insula du praetorium et la via sagularis. Les baraques de huit centuries ont été jusqu’à présent observées. Sept centuries se trouvaient entre la via quintana et la via principalis, une centurie supplémentaire est attestée à l’ouest de la via quintana. Comme dans le cas d’Oberaden, les maisons des centurions, de taille variable, sont séparées des logements des troupes par une zone étroite non construite. Dans cette bande laissée libre se trouvaient plusieurs puits et latrines. Alors que, dans le cas des maisons des centurions, des petites tranchées continues avaient été creusées pour recevoir les poteaux porteurs et le clayonnage des murs, les baraquements des troupes d’une longueur d’environ 30 m étaient simplement reconnaissables aux rangées de trous de poteaux individuels.
450Parmi les portes du camp (type V de Manning et Scott), seules la porte d’enceinte sud (fig. 268) et partiellement celle de l’est nous sont connues. Les deux fossés en V se terminaient, à la hauteur de la porte méridionale, la porta principalis dextra, laissant ainsi libre un pont de terre d’environ 9,5 m de large.

FIG. 268
Delbrück/Anreppen. Porte sud (Kühlborn 1995, 135).
451L’ébrasement de la porte, d’une longueur de 7,5 m, convergeait vers l’intérieur, et constituait un bastion en forme de cour de 7,5 x 4 m. La fermeture de la porte offrait ainsi suffisamment d’espace pour un passage d’accès double. Au-dessus, une construction en forme de pont devait avoir relié les tours latérales de la porte à la hauteur du chemin de garde. Ce ne sont pas des trous isolés qui ont été creusés pour accueillir les poteaux de soutien du dispositif de la porte, mais des tranchées continues. De petites interruptions dans les tranchées de poteaux à côté de la paroi interne du mur en terre et bois pourraient être interprétées comme entrées latérales de plain-pied des tours. Un bâtiment en forme de T (8) d’une longueur de 23,5 m s’élevait à l’est de la porta principalis. L’accès à cette construction se situe à l’ouest et avait ainsi visiblement un lien direct avec la porte d’accès sud du camp. On connaît un bâtiment semblable à proximité de la porte sud du camp d’Oberaden. La fonction de cet édifice est incertaine. Il est possible d’imaginer par exemple un logement pour les gardes de la porte ou un magasin d’armes. On observe un bâtiment semblable (8’) à l’intérieur du camp, le long de la courtine orientale. La relation avec la porte d’accès orientale du camp est ici également indéniable. Seuls quelques poteaux de la partie interne de la porta praetoria ont été conservés.
452Un horreum (6) exceptionnellement vaste est visible le long de la via principalis, au voisinage immédiat de la porte d’enceinte méridionale (fig. 269a). Cette construction importante a été en grande partie détruite par un cimetière moderne. Dans l’état actuel des fouilles, l’édifice présente une superficie d’environ 68 x 56 m. Un accès de 9,5 m au centre de la façade méridionale de l’édifice ainsi que deux autres au nord ont été jusqu’à présent attestés. On a seulement trouvé à l’intérieur de l’édifice les traces des piliers porteurs qui portaient le plancher suspendu et donc aéré par-dessous. Un groupe de cinq greniers (11) a été mis au jour le long de la viapraetoria près de la porte orientale du camp. Ils étaient séparés du reste du camp par une palissade (fig. 269b). Ces greniers étaient fondés sur des sablières basses et des poteaux porteurs. Le plus vaste, à l’ouest, avait une dimension de 20,5 x 37,25 m. Les quatre (ou peut-être cinq) autres, à l’est, étaient séparés du premier par une ruelle. Leur longueur atteint 36,5 m, pour une largeur qui oscille entre 13,5 et 6,5 m. Il est clair que cette capacité exceptionnelle de stockage fait d’Anreppen une base logistique qui a dû jouer un rôle majeur lors des offensives vers l’intérieur de la Germanie.

FIG. 269
Delbrück/Anreppen. a l’horreum sud ; b les greniers près de la porte orientale du camp.
dessin J.-S. Kühlborn.
453Une datation absolue pour la fondation du camp, en 5 après J.–C., est fournie par la détermination dendrochronologique des bois d’un puits et d’une latrine. La fin de l’occupation est plus discutée (vers 9 après J.-C.?).
454bibliographie [2005]
Beek 1970 ; Doms 1970 ; Doms 1971 ; Doms 1983 ; Fbrtsch 1995 ; Kühlborn 1991 ; Kühlborn 1995 ; Morel 1991b ; Schnurbein 1981 .
455Deutz →Cologne/Deutz
Dieulouard/Scarponne
Scarponna
Meurthe-et-Moselle, France
456R. BRULET
457Le site de Scarponne est localisé dans la vallée de la Moselle, à hauteur de Dieulouard, à l’emplacement de l’ancien vicus de Scarponna. Le vicus se trouve le long de la voie Langres-Trèves. Le fort n’occupait pas l’île comme actuellement, il barrait l’accès à l’agglomération et contrôlait la route et la vallée (fig. 270). Le vicus se répartissait le long de la chaussée romaine. Ses limites sont difficiles à évaluer. Plusieurs vestiges de bâtiments non identifiés, quelques vestiges d’habitations ainsi qu’une nécropole de l’époque romaine font partie de cette agglomération secondaire. Ce site a été terriblement bouleversé par les différents travaux qui se sont succédé depuis le milieu du xixe s. Au milieu du xxe s., on voyait toujours les fondations du rempart septentrional sur la presque totalité de ses 107 m. La façade orientale a aujourd’hui entièrement disparu. La partie méridionale est toujours visible sur une trentaine de mètres.

FIG. 270
Dieulouard/Scarponne. Localisation du castellum (Massy 1998, 141, fig. 3).
458Les premières mentions de découvertes archéologiques à Scarponne ont eu lieu au début du xviiie s. Entre 1834 et la fin du xxe s., aucune fouille archéologique n’a été menée sur le site. Des découvertes fortuites ont été signalées dans les revues “savantes” locales, en particulier Le Journal de la Société d’archéologie de la Lorraine. Diverses tentatives pour dresser un plan du castellum ont été faites, dans lesquelles M. Toussaint se démarque incontestablement par la qualité de son travail. En 1963, P.-Y. Deseigne, avec le concours du Touring-Club de France, ouvre des sondages le long de la courtine ouest de la fortification.
459Le rempart du castellum a été décrit à différentes reprises. La description de 1902 par le comte J. Beaupré semble la plus satisfaisante : la face nord, qui mesure 107 m, n’est pas rigoureusement droite mais est composée de deux segments de murs articulés au niveau d’une tour. Le côté sud mesurerait 70 m, le côté ouest 93 m, la face est 77 m. Des tours de 4 m de diamètre sont disposées aux angles. Des tours construites au milieu des courtines ouest et est défendent ces faces du fort où pénètre la voie romaine. Le mur ouest était fondé sur un niveau d’argile à faible profondeur, tandis que la partie supérieure était construite en petit appareil. Ce mur est constitué de remplois de stèles funéraires et d’éléments d’architecture disposés en parement sur un seul lit, le noyau de la fondation est constitué de mortier. La largeur du rempart à cet endroit est de 2,50 m environ. Le tracé de la courtine ouest et les différents tracés des courtines nord et sud dessinent un castellum en forme de parallélogramme, circonscrivant un espace d’environ 1 ha.
460Le remploi systématique des monuments funéraires des iie et iiie s. situe cette construction au Bas-Empire. Deux monnaies en bronze de Valentinien II (371-392) etd’Arcadius (377-408) ne peuvent fournir un terminus post quem certain à la construction de la muraille étant donné la mauvaise connaissance de leur contexte de découverte. La seule information qui permette de fixer un terminus ante quem de l’édification du fort est fournie par Ammien Marcellin. Son récit de la victoire de Jovin en 366 sur les Alamans mentionne Scarponne mais ne signale pas l’existence d’une place forte qui aurait pu jouer un rôle militaire à cette occasion. En revanche, Paul le Diacre mentionne qu’en 451, une fortification est assiégée par les Huns.
461bibliographie [2004]
Massy 1998
Dillingen/Pachten
Sarre, Allemagne (carte fig. 13)
462R. BRULET
463Le fort est situé au sud de Trêves, sur la route qui relie Metz à Mayence, en passant par Bingen, non loin d’un pont sur la Sarre. Il occupe l’emplacement de la zone occidentale du vicus détruit en 275-276 ap. J.-C.
464La fortification (fig. 271) offre une enceinte rectangulaire maçonnée, et mesure environ 152 x 133 m, entourant une superficie de 1,9 ha. Elle est munie de seize tours approximativement carrées, de 7 m, projetées vers l’extérieur et vers l’intérieur du fort. Les tours d’angle sont davantage proéminentes. L’enceinte comporte deux portes flanquées de tours carrées. La muraille, épaisse de 2,50 m, a un noyau central et un parement en petit appareil, posés sur des blocs de remploi.
465La fortification de Pachten a sans doute été construite sous Constantin. Le mobilier date l’abandon du castellum au début du ve s. ap. J.-C.

FIG. 271
Dillingen/Pachten. Plan de la fortification (Cüppers et al. 1983, 332).
466bibliographie [2004]
Johnson 1983a ; Petrikovits 1971 ; Schindler 1963.
467Divitia →Cologne/Deutz
Dormagen
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (cartes fig. 7, 8 et 12)
468M. GECHTER
469La preuve la plus ancienne de la présence de l’armée romaine à Dormagen est fournie par une briqueterie de la Ie légion. Celle-ci se situait au sud du futur camp de cavalerie, le long de la route du limes en direction de Cologne. Sept fours ont pu jusqu’à présent être attestés. On a aussi retrouvé des traces qui peuvent être interprétées comme celles d’une aire de séchage. Le camp de la vexillation de la légion affectée au travail dans la briqueterie semble être, d’après les vestiges plus anciens de tombes et de constructions, situé sous le camp tardif de cavalerie. La briqueterie a été en activité dans les années 30 et au début des années 40 du ier s. ap. J.-C.
470A l’époque de Domirien, le camp de cavalerie de Dormagen a été érigé près d’un ancien bras du Rhin (fig. 272). Ce fut d’abord un ouvrage en bois, remplacé, au milieu du iie s. ap. J.-C., par un camp en pierre de dimensions analogues. Seuls des vestiges infimes de l’enceinte du camp en bois nous sont parvenus. La présence d’écuries bipartites de 60 m de longueur et de 10 m de largeur est attestée à l’intérieur.

FIG. 272
Dormagen. Plan de localisation du camp.
dessin M. Gechter.
471Le costellum en pierre présentait une superficie de 3,16 ha avec des dimensions intérieures de 199 x 159 m (fig. 273). Le mur d’enceinte, épais de 1,5 m, était protégé par un double fossé. Comme il est usuel au milieu du iie s. sur le Rhin inférieur, le chemin de ronde de la fortification avait été placé sur des corbeaux. Les principia (45 x 43 m) s’ouvraient sur un hall couvrant la via principalis. Des deux côtés de la cour s’étendaient deux rangées de pièces, avec, au fond, une basilique fermant le dernier côté. Les écuries se trouvaient à l’intérieur de la retentura à droite et à gauche, ainsi que derrière les principia (fig. 274-276). Elles étaient composées de box pour les chevaux et d’un corridor de circulation. Au moins à l’une des extrémités se trouvaient les logements destinés au personnel. Les écuries n’étaient pas recouvertes de tuiles, mais vraisemblablement de paille. Deux casernes doubles se trouvaient dans la partie gauche de la retentura. Elles avaient une longueur comparable à celle des écuries. Les logements des décurions possédaient tous un chauffage par le sol et une surface au sol de 16 x 11 m soit 176 m2. Il n’y avait à l’intérieur de ces casernes doubles que respectivement quatre chambrées par turme. Elles étaient construites en dur et dotées d’un toit en tuiles. Des casernes s’élevaient à nouveau entre la via praetoria et la via principales, dans la partie droite de la retentura. Une rangée de tabemae se situait dans la partie gauche de la praetentura le long de la via principalis. Derrière, le praetorium du préfet se trouvait directement sur la via praetoria. En direction de la porta principalis sinistra s’élevait un atelier en colombages, doté de trois fours à moufles. La présence d’un bâtiment de stockage a pu également être mise en évidence dans cette partie de la praetentura.

FIG. 273
Dormagen. Le camp : phase en pierre du Haut-Empire.
dessin M. Gechter.

FIG. 274
Dormagen. Plan des casernements et des écuries.
dessin M. Gechter.

FIG. 275
Dormagen. Écuries : a période ancienne ; b période récente.
dessin M. Gechter.

FIG. 276
Dormagen. Reconstitution des écuries selon M. Gechter.
dessin R. Anczok
472L’ala Noricorum, en garnison à Dormagen depuis les années 80, quitta vraisemblablement le camp en 161 ap. J.-C. et prit part à la guerre des Parthes de Lucius Verus en tant que troupe auxiliaire de la legio la Minervia. Elle ne réintégra pas son ancien camp qui brûla quelques années plus tard.
473Le camp ne fut réoccupé que sous l’empire gaulois, sans doute par les habitants du viens qui, devant le danger des Francs, s’étaient réfugiés à l’intérieur des murs, encore en élévation. Au début du ive s., un petit castellum de 52 x 48 m (dimensions intérieures) fut ensuite construit au nord-est du site (fig. 277). Ses murs étaient reliés à l’ancienne enceinte subsistante. Les murs et les fossés devaient être encore intacts.

FIG. 277
Dormagen. Le petit fortin du IVe siècle dans l’angle nord-est de l’ancienne fortification.
dessin M. Gechter
474La nouvelle construction présentait un mur de 3 m d’épaisseur sur des fondations en pilotis. Un fossé peu profond avait été creusé devant le nouveau mur dans l’ancien secteur interne du camp. Il n’est pas possible de préciser si ce petit castellum abritait des détachements de l’armée de campagne ou des troupes affectées à la zone de frontière. Le grand espace intérieur de l’ancien camp de cavalerie pourrait cependant avoir été utilisé pour accueillir des comitatenses. La série monétaire s’interrompt ici vers la fin du ive s.
475bibliographie [2004]
Gechter 1994 ; Gechter 1995a ; Müller 1979 ; Müller 1987
Dourbes/La Roche à Lomme
Namur, Belgique
476R. BRULET
477Au lieu-dit La Roche à Lomme, sur un promontoire isolé dominant le confluent de l’Eau blanche et de l’Eau noire, se développe une forteresse située à peu de distance de la voie romaine venant de Saint-Quentin. La Roche à Lomme a été étudiée à deux reprises par la Société archéologique de Namur en 1877 et en 1904. Par la suite, de nombreux chercheurs privés et des collectionneurs se sont intéressés au site et ont récolté des monnaies et de la céramique qu’il livrait en abondance. On peut évaluer le nombre des monnaies connues et répertoriées à environ cinq mille pièces. Des investigations plus systématiques ont été entreprises en 1972 et en 1973.
478Le promontoire de La Roche à Lomme est protégé de manière naturelle par de fortes déclivités sur les faces nord, est et ouest. Il comprend un plateau ovale d’une superficie de 17,5 ares et une terrasse très allongée en contrebas (fig. 278). Le système défensif s’articule autour de trois éléments distincts : une porte donnant accès à la terrasse, une porte et un rempart de terre défendant le plateau et une tour rectangulaire médiévale située sur le point culminant du site (fig. 279). La première porte est matérialisée par un double alignement de trous de pieux distants de 3 à 4 m. La deuxième comporte un passage ménagé dans un étranglement rocheux ; elle a connu plusieurs aménagements et a été renforcée par la construction d’un mur soutenant une levée d’argile.

FIG. 278
Dourbes/La Roche à Lomme. Vue aérienne du site (Brulet 1974, 7).

FIG. 279
Dourbes/La Roche à Lomme. Plan de la fortification rurale (Brulet 1974, 52).
479Le monnayage romain s’avère très abondant pendant les périodes de 260 à 275, 330 à 346 et 388 à 402. On signale des monnaies du ve s. : Constantin III, imitations d’Honorius, silique de Jovin, vers 410. Le site a d’ailleurs été réoccupé aux époques mérovingienne et carolingienne. La terre sigillée ornée à la molette est très abondante ; on y trouve aussi de la céramique de l’Eifel et de fabrication germanique, ainsi que des équipements militaires. La chronologie du site s’étend donc de la deuxième moitié du iiie s. au ve s.
480La deuxième porte présente trois phases d’aménagement. Le premier stade correspond à un aménagement du passage avec trous de pieux et l’édification d’une butte de terre pour barrer l’accès au promontoire. Le deuxième stade voit le renforcement de la levée de terre et l’érection d’un mur de terrassement et d’un bastion rectangulaire. Le troisième voit la construction d’un mur qui barre le passage et signifie l’abandon de cette porte. La première et la deuxième phases sont datées d’avant le milieu du ive s.
481bibliographie [2004]
Annales de la Société archéologique Namur 1877, 14, 213-214 ; Annales de la Société archéologique de Namur 1911, 30, 185; Brulet 1974; Namurcum 1939, 16, 49-53 ; Robert 1969.
Düren/Froitzheim
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne
482TH. FISCHER
483La villa rustica et les trois burgi de Froitzheim se situent entre Erft et Rur, au sud-est de Düren, au sein des fertiles terres de lœss entre Cologne et Aix-la-Chapelle. Cette région, de par sa fonction de grenier à blé de la Germanie inférieure, présentait, sous l’empire romain, une implantation serrée de villae rusticae.
484Le bâtiment principal de la villa construit en pierre (site A) s’étend sur un petit promontoire de l’Eifel, limité au nord par un ruisseau (fig. 280). Le terrain s’incline légèrement en direction du sud et de l’est. Les trois burgi (sites B-D) se situent à l’ouest de la petite éminence, à moins de 150 m environ de distance des ruines du bâtiment principal.

FIG. 280
Düren/Froitzheim. Plan des structures A-D d’après les photographies aériennes et les prospections géomagnétiques (Barfield et al. 1968, 9, fig. 1).
485En 1909, une campagne de prospection, dont les minutes ont depuis longtemps disparu, eut lieu dans le secteur de la villa (site A) ; des ramassages occasionnels de matériel en surface furent ensuite réalisés. C’est seulement en 1962 que les sites A-D ont été repérés sur photographies aériennes par I. Scolar qui effectua ultérieurement la prospection magnétométrique des sites C-D. Dans les années 1963 et 1964, le Landesmuseum de Bonn, sous la direction de L.H. Barfield, organisa dans le secteur du burgus (site B) des fouilles qui permirent de connaître la plus grande partie du site (fig. 281).

FIG. 281
Düren/Froitzheim. Burgus B, structures fouillées (toutes périodes confondues).
dessin R. Brulet.
486Cinq périodes de construction ont pu être distinguées lors des fouilles du burgus (site B). La période 1 (fin du iie s.-début du iiie s.) était représentée uniquement par une section de fossé rectiligne (fossé de limite ou de route). Deux fossés formant une enceinte quadrangulaire (fossé ext. : 55 x 53 m, larg. environ 6 m, prof. 1,5 m ; fossé int. : environ 50 x 49 m, larg. 5 m, prof. 1,8 m) correspondent à la période 2 (peu avant 274 ap. J.‑C.). Les deux fossés se rétrécissaient au nord-est, le fossé extérieur montrait des interruptions au nord-ouest et au sud-est. Lors de la période 3 (autour de 274 ap. J.-C.), le fossé interne a été remblayé et remplacé par une fortification en bois. À cette époque eut lieu également la construction en dur d’une tour centrale reposant sur deux piliers d’environ 8 x 8 m en grès et briques (fig. 282). La tour était reliée à un mur qui suivait une direction nord-ouest et sud-est vers l’extérieur du burgus. Une cave et un puits ont également été construits lors de la période 3. La période 4 (peu après 274 ap. J.-C.) est caractérisée par plusieurs phases d’aménagements de bâtiments en bois, qu’il n’est pas possible de distinguer les unes des autres ; cette période se termine par des traces de destruction par le feu. Après un vide d’environ cinquante années, l’occupation du site reprend après le milieu du ive s.

FIG. 282
Düren/Froitzheim. Reconstitution de la structure B (Bechert & Willems 1995, 20, fig. 11).
487Le site C se situe à environ 80 m au sud du site B et est semblable par sa structure et ses dimensions au burgus (site B) (deux fossés, tour sur deux piliers) ; aucun mobilier ne permet d’avancer une datation.
488Le site D se situe à environ 30 m à l’est du site C et ses deux fossés englobent une surface rectangulaire d’environ 30 x 45 m. La présence d’une tour n’a pas pu être attestée jusqu’à présent et aucun mobilier ne permet dans ce cas non plus d’avancer une datation.
489Les trois burgi n’ont sans doute pas été construits en même temps ; il faut plutôt imaginer une succession chronologique, le burgus B pouvant être le plus ancien. Il a été construit pour servir de refuge aux habitants des villae lors des troubles sous l’empire gaulois, dans la seconde moitié du iiie s. Les tours sur piliers des installations B et C pourraient correspondre à des greniers à blé fortifiés. De nombreuses découvertes d’armes et d’éléments d’équipement militaire soulignent l’existence de combats, qu’il convient peut-être de mettre en relation avec les vestiges d’incendie et de destruction de la fin de la période 4.
490bibliographie [2004]
Barfield et al. 1968 ; Heimberg 1981 ; Van Ossel 1992, 195, fig . 7 ; Brulet 1995.
Echternach
Luxembourg (carte fig. 13)
491R. BRULET
492La forteresse se localise à peu de distance de la Sûre pour surveiller le passage de la voie romaine en direction de Bitburg. Elle est bâtie sur une éminence naturelle, ce qui détermine son plan circulaire. Cette butte constituera le noyau de la cité médiévale d’Echternach.
493La forteresse (fig. 283) offre un diamètre de 53 m ; la muraille circulaire a été édifiée notamment avec des blocs de remploi. Par la suite, elle fut légèrement réduite, le nouveau plan ne présente plus qu’un diamètre de 49 m comportant quatre tours intérieures très proéminentes vers l’intérieur de l’ouvrage, dont une tour-porte et trois poternes. Un puits marque l’intérieur du site. La première forteresse a été édifiée dans le courant de la seconde moitié du iiie s. Sa reconstruction se situe dans la seconde moitié du ive s. et il est sûr qu’elle fut utilisée jusqu’au milieu du siècle suivant.

FIG. 283
Echternach. Les deux phases de la forteresse (Metzler et al. 1981, 274).
494bibliographie [2004]
Mettzler et al. 1981.
Echzell
Hesse, Allemagne (cartes fig. 7 et 8)
495D. BAATZ
496Echzell se situe dans la section orientale du limes de la Vétéravie, à environ 12 km au nord-est de Friedberg (Hesse). Dans les dernières années du règne de Domitien fut érigé à cet endroit l’un des plus grands castella du limes de Germanie supérieure, une forteresse en bois de 5,2 ha. Le camp reçut, apparemment sous Hadrien, une enceinte en pierre. Deux routes militaires reliaient le camp d’une part avec le castellum de Friedberg et de l’autre avec le castellum de Arnsburg, à la limite nord de la Vétéravie. Elles permettaient l’intervention rapide des troupes d’Echzell sur chaque site de la région. La section du limes devant le camp était protégée par les vastes zones boisées du Vogelsberg et par conséquent moins menacée. Le castellum était orienté est/sud-est en direction de la vallée marécageuse de Horloff, qui forme ici la limite orientale de la Vétéravie. Le limes passait à une distance de 1,3 km, de l’autre côté de la vallée, qui servait de barrage naturel supplémentaire.
497Le castellum était suffisamment grand pour une aile milliaire, mais la présence d’une telle troupe sur le limes de Germanie supérieure n’est pas attestée. Deux unités d’auxiliaires ont dû vraisemblablement stationner à Echzell, une aile quingénaire et une cohors quingenariapeditata. Les unités ne sont toutefois pas identifiées. La présence d’une cavalerie est attestée par les fouilles. Parmi les ailes de Germanie supérieure peuvent être envisagées : l’ala Moesica felix torquata, l’ala Ia Flavia Gemina et l’ala Indiana Gallorum ; parmi les cohortes, peut-être la cohors XXXa Voluntariorum civium Romanorum. On peut penser que les unités ont été relevées à une ou plusieurs reprises. Un tel camp trouve des parallèles dans les autres castella de Germanie supérieure qui ont une double garnison, par exemple Niederbieber ou Neckarburken. Le castellum a subi des destructions dans les années 60 ou 70 du iie s. ap. J.-C. ainsi que lors de l’attaque des Alamans en 233 ap. J.-C., mais il a subsisté jusqu’au milieu du iiie s.
498La fortification du second siècle, construite selon le schéma habituel, était dotée de quatre portes ainsi que de tours d’angle et de tours intermédiaires, à peine saillantes (fig. 284). Trois des portes possédaient un passage double, seule la porte à l’arrière était simple. Devant le mur d’enceinte courait un fossé défensif à l’avant duquel fut tracé, vraisemblablement dans la première moitié du iiie s. ap. J.-C., un autre fossé, plus petit, mais visiblement inachevé.

FIG. 284
Echzell. Plan du fortin sous Hadrien (Baatz & Hermann 1989, 261, fig. 189).
dessin D. Baatz
499Les principia étaient initialement en bois. Au cours du temps, l’édifice fut progressivement reconstruit en pierre (fig. 285) ; on commença d’abord par la chapelle aux enseignes. Plus tard, les salles réservées à l’administration à côté de l’aedes ainsi que le hall transversal reçurent des murs en pierre. Les deux ailes latérales de la cour intérieure furent les dernières à être reconstruites en dur, mais il ne s’agissait encore vraisemblablement que de murs de soubassements pour une élévation en colombages. Une citerne se trouvait dans la cour intérieure. Le grand hall d’entrée a été à maintes reprises rénové, mais il resta jusqu’à la fin un édifice en bois. Avec des dimensions de 50 x 100 pieds romains et une travée unique de près de 15 m, il figurait parmi les plus grands du limes de Rétie-Germanie supérieure. Il était pratiquement comparable aux halls d’Unterböbingen et de Theilenhofen, surpassé uniquement par ceux de Butzbach, Aalen et Niederbieber.

FIG. 285
Echzell. Les principia au début du IIIe s.
dessin D. Baatz

FIG. 286
Echzell. Baraquement dans la retentura. Plan complété (Baatz 1965, 143, fig. 2, 8).
dessin D. Baatz
500Le reste des bâtiments intérieurs n’est connu que de façon incomplète. Parmi les logements construits lors de la fondation du castellum, treize baraquements au minimum ont été partiellement dégagés, un quatorzième au moins peut être complété par symétrie (fig. 287). Si l’on compte six baraquements pour une cohorte quingénaire ainsi que huit pour une aile quingénaire (avec respectivement deux tours par baraquement), cela équivaut à quatorze baraquements, ce qui correspondrait à l’hypothèse émise plus haut sur l’occupation du camp. Il convient de souligner la découverte de peintures murales exceptionnelles qui ont dû, à une période tardive de construction, orner le triclinium d’un logement d’officier, à l’extrémité d’un baraquement (fig. 288, pl. H.T. I-II). Elles sont datées du milieu du iie s. ap. J.-C.

FIG. 287
Echzell. Peinture d’un logement d’officier.
photo J. Bahlo.

FIG. 288
Echzell. Les thermes. A apodyterium ; F frigidarium avec piscine (P) ; T1, T2 tepidarium ; C caldarium ; S1, S2 sudatorium (Baatz & Hermann 1989, 262, fig. 190.
dessin D. Baatz

PL. I (H.T.)
Vue de la peinture des casernements d’Echzell.

PL. II (H.T.)
Reconstitution de la peinture des casernements d’Echzell.
501Au sud et à l’est du camp s’est étendu un vaste vicus qui pourrait avoir eu, d’après Kofler, une superficie d’environ 80 ha. À cet endroit, comme c’est souvent le cas sur le limes de Germanie supérieure, se situaient les grands thermes dépendant du camp “à droite de la porta praetoria” (fig. 288). Tout près s’élevait un vaste édifice construit à la même époque, présentant quelques pièces chauffées, connu uniquement à l’état fragmentaire. Il s’agit vraisemblablement d’une mansio. On pouvait encore voir à la fin du xixe s., à environ 45 m de la porta decumana (vers l’ouest), un monticule arasé de 65 m de diamètre et de 3 à 4 m de hauteur, le Grünberg. Il renfermait des couches de cendres, des débris de construction ainsi qu’un abondant matériel romain, sans doute un dépotoir.
502bibliographie [2004]
Baatz 1965 ; Baatz 1968 ; Baatz & Herrmann 1989 ; ORL B, 18 ; Schleiermacher 1991 ; Schbnberger 1985 (d. p. 463 ; D 52).
503Encraoustos → Saint-Bertrand-de-Comminges
504Entersburg → Hontheim
Éprave/Tienne de la Roche
Namur, Belgique
505R. BRULET
506Le site est localisé au lieu-dit Tienne de la Roche, sur un éperon enserré par une boucle de la Lomme (fig. 289a). Mentionné dès 1851, le site a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles de la part de la Société archéologique de Namur, de 1857 à 1891 (Hauzeur-Bequet). En 1958, le Service des fouilles de l’Etat a procédé à l’étude du rempart, des fossés et des portes d’accès au refuge (J. Mertens).

FIG. 289
Éprave/Tienne de la Roche, a localisation du site et des grandes nécropoles fouillées autour de la fortification ; b plan de la fortification rurale.
dessins R. Brulet
507La fortification d’Éprave est protégée sur tout le flanc est par l’à-pic surplombant la rivière (fig. 289b). Les défenses proprement dites comprennent un mur d’enceinte et deux fossés. La superficie intérieure du refuge correspond à 37 ares environ. Le mur d’enceinte, long de 136 m, en forme de demi-lune, circonscrit l’éperon sur les faces nord, ouest et sud. Il présente une technique de construction de tradition romaine : large de 1,75 à 1,93 m, il est constitué d’un parement régulier, de quelques arases de tuiles et d’un blocage de couches horizontales de moellons disposés de chant avec mortier rosâtre ou gris. À chacune de ses extrémités, le mur d’enceinte fait un retour vers l’intérieur du refuge et protège les deux accès latéraux au réduit. Au surplus une poterne, large de 1,51 m, s’ouvre au centre du rempart. Le premier fossé, peu profond, suit l’enceinte. Le second, plus large, est situé à une vingtaine de mètres du mur. Des vestiges de constructions en clayonnage, accolées à l’enceinte, ont été relevés au cours des fouilles anciennes.
508Les travaux de 1958 ont livré un monnayage couvrant essentiellement une période s’échelonnant entre 335 et 402 ; un lot considérable appartient à Magnence et à Décence (350-353), en relation avec une couche d’incendie. L’étude des pièces retrouvées au siècle dernier, tout en confirmant cette forte proportion de monnaies de la période constantinienne et du milieu du ive s., prouve que le site était également occupé dans le courant de la fin du iiie s. On signale de la terre sigillée argonnaise, de la céramique de tradition Eifel, des équipements militaires.
509Eprave constitue aussi l’un des points de référence majeurs pour la connaissance du caractère présenté par ses occupants. En effet, le site se trouve entouré de plusieurs très grandes nécropoles qui ont malheureusement été fouillées sans soin au siècle dernier (fig. 289a). Il s’agit de la nécropole de Devant le Mont, de 178 sépultures à inhumation et de 10 sépultures à incinération, débutant au milieu du ve s. ; de la nécropole de Derrière le Mont et de Sur le Mont, de la même période ; de la nécropole de Han-sur-Lesse, de 506 sépultures commençant à la fin du ive s. Ces cimetières demeurent en usage à la période mérovingienne et montrent qu’un site fortifié comme celui d’Eprave a été à l’origine de la fondation d’un établissement humain de grande importance.
510bibliographie [2004]
Annales de la Société archéologique de Namur 1857-1858, 5, 28-32 ; Annales de la Société archéologique de Namur, 1861-1962, 7, 293-296 ; Annales de la Société archéologique de Namur 1877, 14,214-215; Annales de la Société archéologique de Namur 1881, 15, 309-310 ; Annales de la Société archéologique de Namur 1891,19,435-469; Mertens & Remy 1973.
Ermelo
Gueldre, Pays-Bas
511R. S. HULST
512Le camp se situe à 4,5 km au sud-est d’Ermelo, à la limite entre la lande et la forêt de Leuvenum, et est, à l’heure actuelle, coupé par une route. Il a été établi dans la zone de transition entre, à l’ouest, la moraine glaciaire, et à l’est la vallée de Leuvenum. La zone était déjà déboisée à l’époque romaine et constituait une liaison naturelle entre le limes du Rhin et le lac Flevo (Ijsselmeer), situé au nord. Le Rhin est éloigné de 36 à 40 km.
513La première description remonte à l’année 1844. J.H. Holwerda (RMO, Leyde) dirigea en 1922 le premier sondage et interpréta le site comme un camp de marche. Une deuxième fouille fut effectuée en 1987 sous la direction de R.S. Hulst (ROB, Amersfoort), au cours de laquelle on effectua une coupe étroite en travers du camp. Les résultats confirmèrent l’interprétation déjà proposée.
514Le camp a la forme d’un parallélogramme irrégulier (fig. 290) et présente une superficie de 9,1 ha. Un rempart en terre et un fossé sur le côté extérieur en constituent les restes visibles. La superficie du camp, à l’intérieur du rempart, s’élève à 8,6 ha. Chacun des quatre côtés est interrompu pour un passage, protégé par un rempart de terre et un fossé (titulum). Un fossé médian traverse le camp d’est en ouest, parallèlement aux petits côtés. Il est également interrompu en son milieu et est doté sur la face sud d’un titulum.

FIG. 290
Ermelo. Camp de marche.
515Le rempart est construit en sable et mottes de terre, avec un revêtement de gazon. La largeur à la base était de 3 m. Le fossé avait un profil en V et était doté à sa base d’une rigole de section rectangulaire. La largeur variait entre 1,60 et 2,40 m, la profondeur entre 1,45 et 1,70 m. La berme entre le talus et le fossé d’enceinte avait une largeur de 1 m. Le fossé médian fut à nouveau comblé, très vite après son creusement ; il ne présente en effet aucune trace d’érosion. La forme et les dimensions d’origine ont donc pu être conservées. La forme est la même que celle du fossé extérieur. La largeur est de 2,34 à 2,47 m, la profondeur de 1,61 à 1,74 m. Certaines particularités observées au niveau du fossé médian ont conduit à émettre l’hypothèse selon laquelle quatre hommes étaient employés pour la réalisation du rempart et du fossé sur une longueur de 1,50 à 1,70 m. Ceci signifierait que l’on a utilisé pour la construction de l’ensemble du camp trois mille cinq cents à quatre mille hommes. Un homme tous les 2 m suffisait pour le remblaiement du fossé médian.
516Près du côté oriental, dans l’intervallum, a été découvert un four à pain. Il était constitué d’un foyer circulaire (diam. 1 à 1,20 m) et d’une fosse de travail rectangulaire. Il n’y avait pratiquement pas d’autres traces d’occupation dans le camp.
517Les tessons d’une assiette en céramique sigillée et de quelques marmites à pâte grossière avec lèvre en forme de cœur datent le camp de la deuxième moitié du iie s., voire un peu avant. Cette datation est confirmée par différentes datations au 14C dont les valeurs moyennes sont très proches les unes des autres. Le camp n’a donc été utilisé que pendant une période très brève. Il n’existe aucune preuve d’une occupation plus longue ou d’une utilisation répétée du site à diverses époques. Les fossés d’enceinte et le fossé médian sont tous contemporains.
518En raison de la datation, on peut supposer que le camp de marche a été érigé lors d’une expédition contre les Chauques qui, dans la deuxième moitié du iie s., constituaient une menace plus ou moins réelle sur la province et fragilisaient par leurs incursions la zone frontière autour de 170 ap. J.-C.
519bibliographie [2004]
Holwerda 1923 ; Hulst à paraître
Estissac/Beauregard
Aube, France (carte fig. 2)
520M. THIVET
521L’enceinte de Beauregard (Aube) se situe en sommet de colline, sur la fin du plateau crayeux du Sénonais, à 216 m d’altitude. Elle surplombe la vallée de la Vanne au sud et celle du Bétrot à l’est (fig. 291).

FIG. 291
Estissac/Beauregard. Photo aérienne du camp (Groley 1980).
photo J. Bienaimé
522Le camp de Beauregard se présente comme un grand quadrilatère de 420 m de long pour 320 m de large (fig. 292). On remarque, sur les photographies aériennes disponibles, deux entrées en chicane, l’une à l’est et l’autre au nord, qui témoignent du caractère défensif et militaire de cette enceinte. Les haies qui en conservaient l’aspect et en soulignaient les éléments remarquables ont été arrachées il y a quelques années, si bien que le camp n’est pour ainsi dire plus discernable.

FIG. 292
Estissac/Beauregard. Localisation d’après la carte IGN (1 : 25000) 2717 E.
image M. Thivet
523G. Groley voit dans cette enceinte le dernier camp du général romain Aetius, avant la bataille opposant l’armée romaine aux Huns menés par Attila en 451. Cette hypothèse est à prendre avec la plus grande prudence en l’absence de données archéologiques incontestables (le seul objet découvert sur ce site est une monnaie de l’Antiquité tardive). Il faut d’ailleurs remarquer que cet établissement n’a jamais fait l’objet de recherches de terrain. Ainsi, seule la forme caractéristique et la position de cette enceinte nous permettent de lui attribuer la fonction de camp militaire romain, sans plus de précisions.
524bibliographie [2004]
Groley 1964 ; Groley 1980 ; Thivet 2002.
525Eysses → Villeneuve-sur-Lot
Famars
Fanum Martis
Nord, France (carte fig. 12)
526R. BRULET
527Les sources historiques mentionnent le site de Fano Martis Belgicae Secundae Praefectus Laetorum Nerviorum (Notifia Dignitatum Occ. XLII) et le Pagum Fanomartensis (diplômes de Humbert de 706, 775, 860, translatio de ca 830). Le castellum se situe au centre du village actuel, au Mont Houy, au croisement de deux routes se dirigeant vers Crespin, Cambrai, Hermoniacum et l’Escaut. Il a fait l’objet de recherches diverses depuis le début du xixe s., notamment en ce qui concerne les thermes, entre 1823 et 1826 puis en 1908 par M. Hénault. Les travaux les plus significatifs datent de 1917-1918 et ont trait à la fortification (G. Bersu et W. Unverzagt). H. Guillaume explora, en 1957-1958, un tronçon de la muraille d’enceinte, et la direction des Antiquités les abords de l’église paroissiale en 1973 et en 1974, sur la face externe occidentale du castellum. Les travaux de fouilles plus récents concernent essentiellement le vicus du Haut-Empire.
528Le castellum a la forme d’un quadrilatère irrégulier (fig. 293) mesurant au nord 105 m, au sud 110 m, à l’est 140 m et à l’ouest, 165 m. La face ouest s’incurve assez nettement vers l’extérieur. Son tracé a été conditionné par l’existence du grand établissement thermal. La superficie de la fortification correspond à environ 1,8 ha.

FIG. 293
Famars. Plan du castellum (Brulet 1990, 92).
529Les fortifications comprennent une muraille d’enceinte et trois fossés défensifs. L’enceinte s’élève encore par endroits de 2,50 à 4 m au-dessus du niveau actuel. Elle est flanquée de tours distantes en moyenne de 24 m ; elles sont semi-circulaires ou circulaires aux angles.
530Sur la face orientale, deux états dans la construction de l’enceinte ont été observés. À un premier état se rattache un mur à mortier blanc, large de 1,20 m, avec chaînage de tuiles. Au second état se rattache un mur large de 2,30 m, adossé au précédent, lié au mortier rouge et sans parement interne. Trois tours ont subi des agrandissements au cours de la seconde étape de construction. Les tours présentent un diamètre d’environ 5,50 à 6 m et la tour d’angle de 8 m.
531Sur la face occidentale, la muraille offre une épaisseur réduite de 1,80 à 2 m ; son aménagement est fait de petits moellons réguliers avec alternance d’arases de briques et de mortier rose. Une rangée de trous de poteau, à une distance de 2 m de la courtine, destinés à supporter primitivement un chemin de ronde, a été observée par les archéologues allemands. Cinq tours semi-circulaires sont connues. On y voit un seul état dans la construction ; on a assimilé à tort un mur des thermes à celui de la fortification, même si les thermes ont pu être utilisés un temps comme refuge.
532Un fossé a été repéré sur la face septentrionale. Sur la face ouest, trois fossés chronologiquement distincts ont été recoupés. Le premier se trouve à 10 m de l’enceinte, avec pointe en U, à 3,25 m de profondeur, remblayée naturellement. Le second est creusé à 20 m du mur ; il recoupe le premier fossé (larg. 12 m ; prof. 3,75 m). Le troisième se trouve à 32,50 m (larg. 12 m ; prof. 4 m). Ils ont pu être renforcés de palissades.
533On distingue à l’intérieur un établissement thermal et une occupation d’époque mérovingienne. L’établissement thermal du Haut-Empire n’a pas été abandonné et nivelé au moment de la construction de l’enceinte, mais a connu un état tardif avec réutilisation partielle, parfois à des fins différentes.
534À l’extérieur du site se développe une agglomération secondaire très vaste durant le Haut-Empire. On y a notamment retrouvé une cave avec de nombreuses monnaies des Tetrici dans un niveau d’occupation. On signale aussi des monnaies du ive s. dans l’agglomération ouverte.
535Trois trésors, enfouis dans une cour au nord-est des thermes, ont servi de base de référence à la chronologie de l’enceinte urbaine. Tant la composition de ces trésors que leur valeur chronologique doivent être contestées. On distingue le trésor A avec les pièces les plus récentes de Constance ; le trésor B (Carin) ; le trésor C (Constantin). Mais leur découverte remonte à 1823-1825. La liaison de ces trésors avec les états architecturaux I et II du castellum doit être abandonnée ; au surplus, ces trouvailles pourraient appartenir à un seul dépôt d’environ trente mille pièces. On signale aussi un trésor de provenance inconnue, enfoui après 268. Les monnaies de site sont assez nombreuses et couvrent tout le ive s. À l’époque mérovingienne, Famars a dû posséder un atelier monétaire. L’occupation se traduit alors par une église primitive avec caveaux funéraires des vie et viie s.
536En 2005, suite à un projet d’aménagement d’immeubles, de nouvelles recherches ont permis de préciser le tracé de la courtine du côté nord qui était largement inconnu auparavant et celui des fossés défensifs.
537bibliographie [2005]
Beaussart 1980 ; Bersu & Unverzagt 1961 ; Brulet 1990 ; Brulet 1995b ; Leman 1975 ; Gricourt & Laude 1984; Jessu 1961 ; Leman & Beaussart 1978a.
Faux-Vésigneul
Marne, France (carte fig. 2)
538A. GELOT
539Le camp de Faux-Vésigneul, au lieu-dit Le Champ Gabriel, est installé sur un coteau nord-est qui s’avançe vers la rivière de la Coole, affluent de la Marne (fig. 294). Il était connu par des photographies aériennes prises par le service régional de l’Archéologie en 1993, 1995 et 1996, mais celles-ci ne permettaient pas de l’authentifier. Les prises de vue effectuées en 2003 par R. Roussinet et celle de l’IGN (1984) apportent les preuves de l’existence d’un grand camp militaire romain qui se reconnaît à différents détails caractéristiques : forme quadrangulaire, angles arrondis et clavicula (fig. 295 et 296). Le site offre l’avantage de pouvoir être daté grâce à la superposition de la voie d’Agrippa (actuelle RD 4) sur l’un de ses angles.

FIG. 294
Faux-Vésigneul/Le Champ Gabriel. Plan du camp.
dessin A. Gelot

FIG. 295
Faux-Vésigneul/Le Champ Gabriel. Le fossé et la porte nord-est.
photo R. Roussinet

FIG. 296
Faux-Vésigneul/Le Champ Gabriel. Fossé du grand camp.
photo A. Gelot
540Le grand camp s’apparente à un carré presque parfait d’environ 610 x 655 m de côté (40 ha), aux angles arrondis. Le fossé du camp oscille entre les courbes de niveaux 150 et 155 m. Le centre culmine à 165 m. L’emplacement offre une vue panoramique sur une distance d’au moins deux kilomètres. Les quatre côtés du camp ont été repérés et quatre portes ont été observées. Trois d’entre elles présentent, du côté interne, une clavicula. L’angle nord-est montre une petite excroissance interne, du côté du rempart, qu’il est difficile d’interpréter. Près de l’angle nord-est, vers l’intérieur, une structure rectangulaire (fosse ?) reste à déterminer. À l’extérieur du camp, un fossé en arc de cercle part depuis l’angle nord-est pour rejoindre l’angle nord-ouest. L’absence de recoupement avec le fossé du camp et l’interruption supposée au niveau de l’angle nord-est conduisent à associer cette structure à celle de la fortification.
541Des sondages effectués en 2005 attestent d’un effondrement naturel du rempart dans les fossés ouest, est et sud du grand camp. L’ouverture maximale de ceux-ci a été évaluée à2,72 m pour une profondeur de 1,68 m. Le comblement, qui comprend de nombreux éléments de craie, montre que le rempart était au moins partiellement construit avec ce matériau. Aucune trace de palissade n’a pour l’instant été mise en évidence (fig. 296).
542Des photographies aériennes prises en 2004 et 2005 ont en outre permis d’observer deux autres enceintes à l’intérieur du grand camp. La première (312 m x 170 m, soit 5,3 ha), appelée “camp interne”, s’appuie sur le fossé sud du grand camp et englobe sa porte sud. Une porte est visible sur chacune des faces est et ouest, dans le tiers septentrionale de la structure, et est protégée par un titulum, visible sur les photographies aériennes. La seconde enceinte, appelée “petit camp” semble s’appuyer sur les côtés est et sud du grand camp, à l’angle sud-est de celui-ci. Ses dimensions exactes ne sont pas encore connues, mais la surface semble inférieure à 5 ha.
543Les sondages de 2005 sur les fossés du “camp interne” ont révélé des dimensions plus réduites que celles du grand camp (1,80 m x 0,68 m), mais le comblement semble assez proche. Sur le “petit camp”, l’unique sondage réalisé en 2005 a mis en évidence un fossé de faible ouverture (0,43 m x 0,23 m), dont le comblement laisse envisager un aménagement interne (palissade ?).
544Le site a pour l’instant livré très peu de matériel. On doit toutefois noter la découverte en surface d’un clou de chaussure orné de quatre globules sous la tête, du type C4 d’Alésia (castellum XI, et camp C).
545Une chronologie assez large du site est assurée par un élément stratigraphique significatif. En effet, la RD 4 coupe le camp dans son angle sud-est. C’est l’ancienne voie d’Agrippa, qui vient de Langres et se dirige sur Reims par Châlons-en-Champagne avant de monter à Boulogne (“troisième voie de l’Océan”). S’il est trop tôt pour qu’on soit assuré de la datation précise de la chaussée dans ce secteur, la date du second gouvernorat d’Agrippa en Gaule (vers 19-18 av. J.-C.) offre un terminus ante quem probable pour le début de la construction du camp. Les fouilles archéologiques sur le tracé de la voie semblent confirmer cette hypothèse. On notera que le casque césarien de Coolus, site éponyme, a été découvert à 18,5 km du camp. Par conséquent, et même en supposant que la voie n’ait pas été mise en chantier dès le début du second gouvernorat d’Agrippa, on estimera vraisemblable que le camp de Faux-Vésigneul était déjà abandonné dans les deux dernières décennies avant notre ère.
546La forme carrée du grand camp évoque celle de Mauchamp à Berry-au-Bac, daté de 57 av. J.-C. La surface de 40 ha de Faux-Vésigneul est aussi proche de celle de Mauchamp (42 ha). La situation du camp, au sud du territoire des Rèmes, à la frontière de la Gaule Belgique et de la Gaule Celtique, rappelle en outre le texte dans lequel César indique clairement son arrivée aux frontières de la Belgique (BG II, 2 et 3). Sans que l’on puisse évidemment assurer que ces faits doivent être mis en relation avec le camp de Faux-Vésigneul, cette campagne de 57 fournit un terminus post quem pour la construction du camp.
547bibliographie [2005]
Gelot en coll. Roussinet 2004.
548Feldberg → Glashütten
549Fenotte (La) → Mirebeau-sur-Bèze
550Flerzheim → Rheinbach
Folleville/Le Blanc Mont
Somme, France (carte fig. 2)
551M. REDDÉ
552Le retranchement quadrangulaire du Blanc Mont, à Folleville (fig. 297), est situé à environ 21 km au sud d’Amiens. Il s’agit d’un quadrilatère légèrement irrégulier, dont les côtés mesurent respectivement 325, 380, 425 et 430 m, aux angles légèrement arrondis ; il est précédé par un double fossé. Deux portes protégées par un titulum sont clairement visibles à l’est et à l’ouest sur les photographies aériennes de R. Agache. Divers terrassements apparaissent aux abords. Les sondages anciens opérés sur les fossés ne permettent pas de proposer une datation précise, malgré la présence d’un tesson d’amphore augustéenne dans le comblement. Il s’agit toutefois vraisemblablement d’un camp datable entre l’époque de César et celle d’Auguste.

FIG. 297
Folleville/Le Blanc Mont. Plan du camp d’après la photographie aérienne (Agache 1978, 232, fig. 9).
553bibliographie [2004]
Agache 1978.
Francfort-sur-le-Main/Heddernheim et Praunheim nida
Hesse, Allemagne (carte fig. 6)
554P. FASOLD
555Au nord de Francfort, entre les localités de Heddernheim et Praunheim, ont pu être mis en évidence les restes d’au moins dix installations militaires. Le terrain s’incline vers le sud en direction de la Nidda. Pour la construction, on a choisi le point le plus élevé d’une terrasse. Le camp de légionnaires de Mayence, situé à l’ouest, était rapidement accessible en deux jours de marche, ou par voie d’eau sur la Nidda et le Main. La région fertile de la Vétéravie s’étend au nord.
556Les camps C, D, E et L et l’annexe du camp B avaient déjà été explorés par G. Wolff entre 1901 et 1908 (fig. 298 et 299). Des opérations de construction dans les années 1920 et 1960 conduisirent à la découverte d’autres sections de fossés (camps F, G, H, I, K). Des fouilles méthodiques à l’intérieur du castellum en pierre A avec son précurseur en bois et terre avaient déjà eu lieu à partir de 1896 sous la direction de G. Wolff, puis à nouveau en 1957-1959 et 1963 sous celle de U. Fischer. Les traces archéologiques ont été pour une grande part anéanties lors de la création d’une cité HLM entre 1961 et 1973. La recherche est ainsi réduite, dans une large mesure, à l’interprétation des fouilles anciennes.

FIG. 298
Francfort/Heddernheim et Praunheim. Installations militaires flaviennes et trajaniennes.

FIG. 299
Francfort/Heddernheim et Praunheim. Plan du fort A et de l’annexe B (Huld‑Zetsche & Rupp 1988).
557L’absence d’aménagement intérieur et la pauvreté du matériel découvert dans les dispositifs C-L suggèrent qu’il s’agit de camps de marche construits dans un court espace de temps, et qui ne peuvent être exactement datés par la céramique à l’intérieur de la période flavienne. Un ordre relatif a été tout du moins constaté en raison de la superposition de certaines installations. Les camps C, D, F (et G ?), doivent être plus anciens que le castellum A construit à la fin de l’époque de Vespasien. Les camps H, I et K ont dû être établis avant l’édification du réseau routier, à la fin du règne de Domitien. Le camp L constitue l’installation la plus récente, à la fin du ier s., dans la mesure où il est visiblement orienté en fonction de la voie vers Mayence, déjà tracée à cette époque. On ne peut complètement exclure qu’un des camps puisse être attribué aux campagnes augustéo-tibériennes. Il est vrai que jusqu’à présent, les découvertes de cette période sont pratiquement inexistantes dans la vaste zone entre Heddernheim et Praunheim.
558D’après les recherches effectuées entre 1901 et 1908, on peut estimer que le camp C avait un plan rectangulaire avec des côtés de 420 x 280 m et une superficie d’environ 11 ha. Le fossé en V avait une largeur de 3,50 m et une profondeur moyenne de 1,80 m (fig. 300a). À 2 m à l’intérieur courait une tranchée avec des poteaux placés tous les 1,60 à 1,70 m. Sur le côté ouest du camp se trouvait une porte fermée par un titulum d’une longueur de 16,50 m (fig. 300b). En travers du camp, à l’intérieur, courait un fossé plus petit qui devait servir à réduire à un triangle la surface prévue originellement, à moins, ce qui est plus vraisemblable, qu’il ne constitue la limite nord du camp D. Son extension a pu être suivie à l’ouest sur près de 500 m et au sud sur environ 130 m. L’enclos polygonal (?) entoure le castellum A et pourrait avoir servi de camp de construction (?). Le camp L a pu également être restitué dans toute son étendue : ses accès au nord et à l’est étaient aussi défendus par des fossés en V. Dans le cas des autres camps E, F, I, K, seules des sections de fossés sont connues, qui ne permettent pas de déduire les dimensions d’origine. Le fossé H a pu toutefois être suivi sur une longueur de 550 m. Le fossé sud, initialement attribué au camp L, doit sûrement être envisagé, en raison de ses dimensions réduites, comme faisant partie d’un autre camp. À l’intérieur de ce onzième camp est attestée la présence de six fours.

FIG. 300
Francfort/Heddernheim : a camp C, plan et profil du fossé sud, éch. 1 : 200 (ORL B, 27, III, 4a) ; b camp C, plan de la porte ouest, éch. 1 : 400 (ORL B, 27, III) ; c camp B, plan de la porte (éch. 1 : 400) (Wolff 1915, pl. III).
559Les plans indiquent, même si toutes les installations n’ont pas été effectuées simultanément, une forte concentration de troupes sur la Nidda, en particulier à l’époque vespasienne.
560Le camp permanent A (et son annexe B) a été mieux étudié grâce aux fouilles de G. Wolff et de U. Fischer. À la fin de l’époque de Vespasien a été construit un castellum en bois et terre avec des tours en bois et un revêtement de mottes de gazon. L’enceinte englobait un rectangle aux angles arrondis de 282 x 186 m de côté. La construction a subi une modification entre la guerre des Chattes (83-85 ap. J.-C.) et la révolte de Satuminus (89 ap. J.–C.). Après une destruction du camp, les troupes érigèrent encore à l’époque flavienne, sur la même superficie et en conservant le double fossé, un camp en pierre avec trente tours et des portes elles-mêmes flanquées de tours. Les seuls éléments connus de l’aménagement intérieur sont lesprincipia et, au sein de la retentura, les casernements des troupes ainsi qu’une fabrica (?). Le castellum fut abandonné lors du départ des troupes vers les limes sous Trajan (après 103 ap. J.-C.). Vraisemblablement encore sous Domitien, on construisit une annexe sur le côté oriental du camp dont le double fossé enserrait une superficie de 292 x 80 m (camp B). L’accès était possible par une porte en bois à double passage (fig. 300c). À l’intérieur, plusieurs rangées de poteaux indiquent la présence d’un magasin d’au moins 50 x 45 m. Le bâtiment avait manifestement une vocation de ravitaillement.
561Le début de l’époque flavienne voit le stationnement de l’ala la Flavia Gemina dans le camp de bois et de terre, peut-être de concert avec la cohors XVIIIa Voluntariorum civium Romanorum. C’est après la révolte de Satuminus que la cohors IVa Vindelicorum a été mutée à Heddernheim et le castellum en pierre édifié.
562Vers Mayence, entre la porte d’enceinte du camp et le début de la voie jalonnée de tombes, au niveau de la platea praetoria, une aire de plus de 1 km2 avait été réservée et métrée pour un village visiblement très étendu, qui n’a été en fait étudié que sur de petites sections. Les tombes des soldats, celles de leurs familles et des civils travaillant pour l’armée s’étendaient le long des axes de circulation les plus importants vers le nord et l’ouest. L’échange des unités stationnées est également visible à partir des modifications à l’intérieur du village. C’est seulement autour de 90 ap. J.-C. qu’a été aménagé le système de voirie, tout au moins dans la partie nord de la zone d’habitation. On observe à cet endroit un programme systématique de constructions sur un parcellaire en lanière. Un établissement de bains, à l’ouest du castellum, a été également remplacé à cette époque par des thermes situés devant la porte d’enceinte sud.
563La présence assurée d’au moins dix installations militaires souligne bien l’importance stratégique de la place pendant l’occupation de la Vétéravie sous Vespasien, dans les années qui suivent 73 ap. J.-C., et lors des guerres chattes sous Domitien. Une autre unité d’infanterie était stationnée en même temps que l’unité de cavalerie. Après le départ de l’armée sous Trajan et à partir du viens se développa à cet endroit le chef-lieu de la civitas Taunensium nouvellement fondée –Nida– qui administra le territoire jusqu’à l’abandon du limes sur la rive droite du Rhin, en 259-260 ap. J.-C.
564bibliographie [2004]
Fischer 1973 ; Fischer et al. 1998 ; Huld-Zetsche & Rupp 1988; Huld‑Zetsche 1989 ; Huld-Zetsche 1994 ; ORL B, Il, 3, Kastell n027.
565Frankfurt am Main → Francfort-sur-le-Main
566Froitzheim → Düren
Furfooz/Hauterecenne
Namur, Belgique
567R. BRULET
568La forteresse occupe le plateau de Hauterecenne, dominant la Lesse de près de 100 m de hauteur. Le site a été exploré, en 1876-1877, par la Société archéologique de Namur (Bequet) puis, de 1900 à 1905, par E. Rahir et d’une manière plus systématique, en 1932, par J. Breuer. Des recherches complémentaires ont été menées en 1974 sur le site du fortin. A l’extérieur de la forteresse, sur la pente nord du refuge, la Société archéologique de Namur a fouillé un petit établissement de bains, actuellement reconstitué. Dans les ruines de celui-ci, et à proximité immédiate, fut installée une petite nécropole à inhumation tardive, publiée successivement par A. Bequet, J.A.E. Nenquin et A. Dasnoy.
569L’éperon est orienté nord-est/sud-ouest ; il est bordé de toutes parts par des pentes escarpées. Le plateau très étroit, d’une superficie d’environ 80 ares, a été fortifié à diverses reprises (fig. 301). Les défenses comprennent un mur d’enceinte flanqué de tours et deux murs de barrage précédés de retranchements. Le mur d’enceinte, épais de 0,70 m, se développe sur la face nord-ouest du refuge et ne circonscrit pas tout l’ouvrage. Le côté sud-est, où la falaise est à-pic, n’a pas été protégé. Au nord-est, il est flanqué d’une tour carrée bâtie à l’intérieur du fortin. Du côté des bains, il se trouve également percé par un accès, défendu au moyen d’une ou deux tours quadrangulaires appuyées contre la face extérieure de celui-ci. Le premier mur de barrage est long de 22 m et épais de 1,20 m (fig. 302 et 303). Son noyau est formé de pierres disposées en arête de poisson, et son parement de moellons réguliers. Un accès était ménagé le long du versant septentrional ; la roche y a été polie par un passage répété. Le deuxième mur de barrage est moins soigné. La partie inférieure est romaine. Une porte semble avoir été ménagée vers le centre. À l’époque médiévale, le mur a été rehaussé et muni de contreforts pour la construction d’une courtine. Un peu plus loin en avant, sur l’élargissement du plateau, existaient des retranchements. À l’intérieur du fort, on trouve deux bâtiments quadrangulaires. Le plus important, situé sur le point culminant du site, correspond à un donjon subdivisé en deux parties. L’autre remonte probablement à l’époque romaine. À l’extérieur de la redoute, il faut mentionner les thermes que l’on pourrait dater du début du Bas-Empire romain.

FIG. 301
Furfooz/Hauterecenne. Plan de la fortification rurale : 1 fin du IIIe s. et première moitié du IVe s. ; 2 seconde moitié du IVe s. et début du Ve s. (Brulet 1978, 88-89).

FIG. 302
Furfooz/Hauterecenne. Plan du premier mur de barrage et de la porte d’entrée (Brulet 1978, 22).

FIG. 303
Furfooz/Hauterecenne. Vue sur le premier mur de barrage et sa fondation (Brulet 1978, 25).
570Outre l’intérêt que présente d’un point de vue chronologique l’établissement d’une nécropole dans les thermes abandonnés, celle-ci nous met en présence d’une petite communauté de caractère germanique, ayant occupé la forteresse de la fin du ive s. au début du siècle suivant.
571Le monnayage confirme une occupation continue, de la fin du iiie s. au ve s. Celle-ci se termine par un petit trésor de solidi de la seconde moitié du ve s. et par des objets d’époque mérovingienne.
572Le premier état du site est constitué par les thermes, le mur de barrage I et la porte des bains (fin iiie s. -350) ; le second état, par le mur de barrage II, la tour et la nécropole des thermes (deuxième moitié du ive s. et début du ve s.).
573bibliographie [2004]
Bequet 1877 ; Brulet 1978 ; Nenquin 1953.
574Gellep → Krefeld
575Gergovie → Roche-Blanche (La)
Glashütten/Feldberg
Hesse, Allemagne
576D. BAATZ
577Le castellum appartient au limes du Taunus et se trouve à proximité de la source de la Weil, sur le versant nord-ouest du Feldberg. Il s’agit du fortin le plus élevé du limes de Germanie supérieure (altitude 700 m). Lorsque la ligne du limes apparut autour de 90 ap. J.-C., cette section, isolée dans une zone élevée de moyenne montagne, fut protégée uniquement par des tours en bois. Ce n’est qu’après le milieu du iie s. que fut érigé le castellum, lors d’une phase de réaménagement de la frontière. La datation par dendrochronologie d’une canalisation en bois “autour de 170 ap. J.-C.” devrait se placer très près de la période de fondation du camp. L’épigraphie (CIL XIII, 7495a) prouve la présence de l’Exploratio Halicanensium comme garnison de ce petit camp de numerus, d’une superficie de 0,7 ha. Des restes du mur d’enceinte et des bâtiments intérieurs en pierre ont été dégagés à l’occasion des fouilles de la Reichslimeskommission, puis conservés. Le castellum compte, pour cette raison, parmi les rares camps dont le tracé de la fortification ainsi que celui de certains bâtiments intérieurs sont encore lisibles à l’heure actuelle (fig. 304). Dans son dernier état de construction, l’enceinte était constituée d’un mur en pierre, derrière lequel avait été élevé un talus de terre (fig. 305). Devant le mur courait un fossé défensif. Les quatre côtés du camp étaient dotés d’une porte, chacune d’entre elles flanquée de deux tours rectangulaires, sans saillie ; les angles du camp étaient protégés par des tours, on ne connaît pas de tours intermédiaires. La porte principale sur le côté nord-ouest est orientée en direction du limes qui passe devant à une distance de 100 m environ. Le Pfahlgraben est encore visible et le point de passage vers le glacis du limes est conservé. Le castellum a certainement été utilisé encore après 235 ap. J.-C. et a dû être délaissé avec l’abandon du limes vers 260 ap. J.-C.

FIG. 304
Glashütten/Feldberg. Vue aérienne du castellum depuis le nord-est.
photo D. Baatz.

FIG. 305
Glashütten/Feldberg. Plan général : M horreum ; B restes d’un bâtiment indéterminé.
dessin L. Jacobi.
578La fouille du camp a été effectuée par la Reichlimeskommission au tournant du siècle. Lors de la fouille des principia, la présence de deux éléments d’édifices en bois a pu, certes, être constatée, mais il n’a pas été possible, en raison des techniques de fouilles de l’époque, de distinguer les différentes phases de construction (fig. 306). Le plan relevé montre un édifice attestant, dans son dernier état, une technique de construction mixte en pierre et bois. Les seules fondations en pierre retrouvées sont celles de la chapelle aux enseignes (aedes) (fig. 306, A) avec abside, et celles d’un petit bâtiment rectangulaire ajouté (S) ; tout le reste était en bois. La pièce S présentait des murs relativement épais (de 0,70 à 0,90 m), mais une surface interne très réduite de 3,70 x 2,50 m. Il s’agissait peut-être d’une chambre forte légèrement enterrée, destinée à abriter les caisses de la garnison. L’espace C était vraisemblablement une cour intérieure, peut-être dotée sur chaque côté d’un portique comme à Hesselbach, mais dont la présence n’a pu être prouvée. H correspondait au hall d’entrée. Les deux rangées de poteaux sur le côté avant de la salle appartiennent apparemment à des phases distinctes de construction. Lesprincipia ont dû être à l’origine construits uniquement en bois, puis reconstruits à plusieurs reprises et n’ont été dotés que dans la dernière période des deux pièces A et S réalisées en dur.

FIG. 306
Glashütten/Feldberg. Les principia : A chapelle (aedes) ; S annexe rajoutée ; C cour ; H hall d’entrée.
dessin D. Baatz.
579Le bâtiment massif en pierre (M) (fig. 305) situé dans la praetentura du camp est interprété comme un horreum. Les autres bâtiments intérieurs, mis à part des vestiges très réduits, n’ont pas été retrouvés. Il s’agissait de constructions en bois dont la présence n’a pas pu être décelée en raison des techniques de fouilles de l’époque. De chaque côté des principia, au niveau des points A et B, ont été trouvées de nombreuses dédicaces aux génies des centuries (CIL XIII, 7494-7494a-c). L’Exploratio Halicanensium était par conséquent subdivisée en centuries, dont les casernements –comme dans le cas de Hesselbach– s’élevaient de chaque côté des principia. Il devait y avoir place pour le logement du praepositus de l’unité dans la moitié nord de la praetentura. Des découvertes de brides indiquent qu’il y avait en outre, dans l’Exploratio, une division de cavalerie. On n’a pu déterminer si les cavaliers étaient intégrés aux centuries ou bien s’ils possédaient leurs logements particuliers.
580Des restes du vicus ont été trouvés essentiellement au sud-est du castellum, et en l’occurrence à proximité de la voie antique qui reliait le camp à l intérieur du pays. D’autres vestiges de bâtiments ont été mis au jour au sud-ouest du castellum. Au nord-ouest, entre le camp et le limes, se situaient les thermes, bien étudiés grâce aux fouilles (plan clair de thermes en enfilade ?) avec à côté des vestiges d’autres constructions appartenant au vicus. Au nord-est du castellum s’étend la zone marécageuse des sources de la Weil ; à partir de là, aucune trace de construction n’a été retrouvée.
581bibliographie [2004]
Baatz 1987 ; ORL A, Il, 1 Str. 3, 104-108 ; Hoiistein 1980, 116 ; Jacobi 1930 ; ORL B, X, 9.
582Goudsberg → Hulsberg
583Haag (Den) → Haye (La)
Haltern
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 3)
584J.-S. KÜHLBORN
585Cette base militaire augustéenne comprend les sites suivants (fig. 307) : le camp principal (Hauptlager), le camp de campagne (Feldlager), le castellum sur l’Annaberg, les castella en bordure de rivière (Uferkastelle), le site Am Wiegel, la nécropole située à l’est de l’Annaberg et un nouveau camp à la limite orientale de la ville de Haltern. Toutes les installations se trouvaient au nord de la Lippe (Lupia), navigable à l’époque romaine.

FIG. 307
Haltern. Plan général des structures.
dessin J.-S. Kühlborn.
Le Feldlager
586Située sur un terrain légèrement en pente, au nord de la Lippe, l’enceinte du Feldlager était constituée d’un fossé en V d’environ 2,5 m de largeur et 1,5 m de profondeur (fig. 308), avec un rempart en terre vers l’intérieur. La présence de portes a été constatée au nord, à l’est et au sud, en raison d’interruptions du fossé en V. Des traces sûres d’aménagement intérieur manquent ; seuls des fosses dépotoirs et des fours à pain sont connus. Il semble que les troupes stationnées ici temporairement étaient essentiellement logées sous des tentes.

FIG. 308
Haltern. Coupe du fossé du Feldlager.
Le Hauptlager
587L’installation la plus importante est celle du Hauptlager (fig. 309). Plusieurs camps temporaires, et notamment le Feldlager, l’avaient précédé au même emplacement. Le camp se distingue des précédents par un aménagement intérieur dense et régulier de bâtiments construits en bois et en colombages (fig. 310). La surface du camp a la forme d’un rectangle irrégulier, dont l’axe majeur est orienté est-ouest. Deux phases de travaux sont connues : la première d’une superficie de 16,7 ha, la deuxième de 18 ha. Le système défensif était composé de deux fossés en V, d’une largeur de 5,5 à 6 m, d’une profondeur pouvant atteindre 3 m et d’un mur en terre et bois large d’environ 3 m (fig. 308). La berme entre le mur en terre et bois et le fossé interne du camp présente une largeur moyenne de 2 m. Trois des dispositifs d’accès, d’à peu près 9 m de large (type V de Manning et Scott) se trouvaient approximativement au centre des côtés du camp. La porte d’accès septentrionale (porta praetoria) a, en revanche, été érigée près de l’angle nord-ouest, sur l’emplacement le plus élevé du camp.

FIG. 309
Haltern. Plan du Hauptlager : 1 principiaet annexes 1a et 1b ; 2 praetorium ; 3, 5-7 quartiers d’officiers ; 4 bâtiment de fonction indéterminée ; 8 fabrica ; 9 valetudinarium ; 10 bâtiment de fonction indéterminée ; 11 casernements ; 12 bâtiment de fonction indéterminée ; 13 horreum ; A porta principalis dextra ; B 1/2 porta principalis sinistra ; C porta praetoria ; D porta decumana (Wamser 2000, 30, fig. 22).

FIG. 310
Haltern. Traces de sablières dans le Hauptlager.
588En dépit de l’irrégularité de l’enceinte, les voies et les blocs de bâtiments ont généralement été tracés à angle droit à l’intérieur de celle-ci. La via principalis, d’une largeur d’environ 30 m, relie les portes ouest et est. La via praetoria, large d’à peu près 50 m, conduit directement aux principia depuis la porte méridionale. À cause du décalage de la porte septentrionale vers l’ouest, la via praetoria ne se poursuit pas, comme il est d’usage, derrière le praetorium. À la place, deux voies larges de 20 m conduisent vers le nord, depuis la via principalis, longeant à l’ouest et à l’est les bâtiments principaux du camp. La via quintana, située dans la retentura, suit dans son orientation non pas la via principalis, mais la façade nord du camp. La via sagularis (15 à 18m de large) longe la face interne du rempart. Il existe plusieurs autres voies, moins importantes, ainsi que des ruelles. Les fouilles n’ont fourni aucun indice d’un quelconque empierrage des voies, mais ont plutôt montré la présence de nombreuses fosses dépotoirs creusées sur le tracé des rues. Certains bâtiments, notamment quelques fours de potiers, limitent l’espace de circulation.
589Au nord de la via principalis s’élèvent les principia (54 x 49 m), au point de jonction des deux voies principales (via praetoria et via principalis). On reconnaît deux phases de construction. L’entrée, placée sur l’axe médian, s’avance dans la via principalis. Á partir de là, on atteint une cour entourée de portiques. Une double rangée de deux fois dix poteaux ferme la cour vers l’arrière. F. Koepp identifiat là un hall transversal couvert. Ensuite vient la rangée arrière des bâtiments, avec a priori quatre salles. Un accès à la via quintana, directement en face de l’entrée du praetorium, existe là où, dans les édifices postérieurs, on trouve généralement la chapelle aux enseignes. Les transformations décisives opérées lors de la deuxième phase de travaux concernent essentiellement l’aile arrière, le hall transversal ainsi que les portiques de la cour. L’aile arrière fut alors redivisée en plusieurs pièces. Le hall transversal fut, d’après F. Koepp, entièrement supprimé. Dans la cour, le portique méridional fut déplacé de 1 m en direction du nord. On érigea au sud du hall transversal, détruit, une nouvelle rangée de douze poteaux. Les dimensions de la cour originelle furent ainsi réduites et une deuxième cour ouverte apparut à la place de l’ancien hall. Cette reconstitution des faits est cependant contestable. À proximité de l’angle sud-ouest, un accès étroit conduit à un édifice de 29 x 15 m de fonction inconnue. Aucune interprétation satisfaisante n’existe également pour l’adjonction orientale de 54 x 14 m. Le praetorium se trouve derrière les principia, dont il est séparé par une ruelle de 4 à 5 m de largeur. Il est essentiellement composé de plusieurs petites maisonnettes, regroupées en partie autour d’un atrium. Les principia et le praetorium sont clairement en relation mutuelle, vu leurs accès en vis-à-vis. L’hypothèse a été émise par C.M. Wells de l’existence d’un bâtiment de service et de résidence, de dimensions plus importantes et plus représentatif, au sud-ouest des principia, destiné au légat de légion (legatus legionis), tandis que le praetorium était réservé au préfet du camp (praefectus castrorum).
590Les maisons des tribuns sont situées à proximité immédiate des principia et du praetorium. Ces constructions sont composées d’une cour à colonnades et d’une partie d’habitation d’environ 15 x 15 m. Le grand bâtiment au nord des principia est habituellement interprété comme maison double pour deux tribuns. D’autres constructions, vraisemblablement destinées aux officiers, se trouvent à l’ouest de la via decumana. On admet une utilisation semblable pour le bâtiment allongé situé sur le tracé de la via quintana ainsi que pour les édifices construits dans l’adjonction orientale du camp ; les vestiges épars d’un deuxième bâtiment édifié sur les fossés remblayés de la première période du camp pourraient correspondre à une construction d’un usage analogue.
591Les baraquements se situent essentiellement le long de l’enceinte. Plusieurs bâtiments de casernes ont été dégagés uniquement dans la partie nord du camp principal. Une construction élargie, destinée au centurion, était placée à l’extrémité des casernes qui atteignaient en tout 70 m de longueur. L’effectif de la troupe stationnée dans le camp principal de Haltern ne peut être évalué de façon sûre, dans la mesure où de grandes parties du camp n’ont pas pu être fouillées avant l’érection de nouvelles constructions modernes. On peut cependant compter, avec une certaine probabilité, sur au moins six à sept cohortes.
592L’édifice le plus grand du camp est le valetudinarium (environ 80 x 44 m), dans lequel les chambres des malades sont regroupées autour d’une cour intérieure. La destination d’un bâtiment de 52 x 46 m, dont la disposition interne se répartit en plusieurs ailes dotées de petites pièces, est en revanche beaucoup moins sûre. Une citerne de 5 x 5 m de côté et de 2 m de profondeur se trouvait à l’origine au centre de la cour intérieure. A l’occasion de fouilles anciennes dans ce complexe auraient été mis au jour de nombreux outils en fer, ce qui a conduit à voir dans ce bâtiment une fabrica. On pourrait peut-être reconnaître dans les constructions à l’est et au sud les appentis de la fabrica, ainsi que les logements des artisans militaires. En dehors de la fabrica, plusieurs fours de potiers placés dans la via quintana, dans la via decumana et la viapraetoria témoignent de l’activité des artisans de l’armée romaine.
593Dans l’adjonction orientale, la superficie réduite des fouilles n’a permis de mettre au jour qu’un petit nombre de structures. A côté de deux maisons de tribuns, dont seule l’une a été dégagée en plan, apparaissent les éléments d’un grenier d’environ 30 x 30 m de côté. À l’intérieur se trouvaient des petits fossés parallèles avec des poteaux en place, sur lesquels reposait à l’origine un plancher en bois ventilé par-dessous. La présence d’accès n’est pas attestée. La proximité immédiate de la porte d’enceinte du camp est comparable à la situation de l’horreum d’Anreppen. Les reconstructions des principia et de la porte occidentale ont sans doute été effectuées lors de l’agrandissement du camp. Les modifications observées dans certaines maisons de tribuns devraient en revanche plutôt correspondre aux nouveaux besoins particuliers de chaque officier. On peut remarquer dans l’ensemble que l’érection de bâtiments de service supplémentaires se fit pour les hauts gradés de l’armée romaine.
594Une zone d’ateliers de poterie, avec au moins dix fours, existe au voisinage immédiat de la porta praetoria, juste à l’extérieur du camp principal (fig. 311). Le nombre de fours devait être à l’origine sensiblement plus élevé, car des secteurs entiers du quartier des potiers ont été détruits à l’époque moderne sans qu’il ait été possible d’effectuer des observations.

FIG. 311
Haltern. Four de potier.
Les autres installations
595Le castellum sur l’Annaberg (environ 7 ha) a une forme approximativement triangulaire. D’après les recherches de Schuchhardt, l’enceinte était constituée d’un talus de terre s’appuyant sur une palissade en bois ; devant celui-ci courait un fossé en V (larg. 2,50 m ; prof. 1,65 m). Des tours semblent avoir été érigées sur le tracé de la palissade à des intervalles de 30 m. Deux ponts de terre sur les fronts nord-ouest et est marquent l’emplacement des accès. Aucune construction n’est connue à l’intérieur du camp. Le castellum sur l’Annaberg passe pour être le plus ancien des dispositifs romains jamais installés sur le site de Haltern.
596Sur la rive nord de la Lippe se situent les castella de rivière (Uferkastelle), ainsi que le lieu-dit Am Wiegel. Pour les castella de rivière fouillés dans les années 1901-1904, quatre phases de construction sont connues (fig. 312). L’existence d’une enceinte orientée vers la Lippe, constituée d’un rempart en bois et en terre ainsi que d’un voire deux fossés, caractérise toutes les périodes de construction. Aucun indice de fortification le long des rives du fleuve n’a été relevé. La fonction de la quatrième et dernière phase de construction peut être appréhendée de manière plus précise. Un bâtiment de 55 x 40 m, interprété à la lumière des dernières recherches comme horreum, a pu être redéfini par analogie avec les hangars à bateau de Velsen 1 (Pays-Bas). Les tranchées de fondation de ce bâtiment de la période 4 doivent être identifiées comme les vestiges de huit cales de construction pour les bateaux. Protégés par une enceinte fortifiée, les castella de rivage doivent être considérés comme une petite base navale sur la Lippe. Comme à Velsen 1, le rivage n’a pas été fortifié, afin de permettre le halage des bateaux hors de l’eau. Mais, à l’inverse de Velsen 1, la présence de quais et de passerelles d’embarquement n’a pas été attestée.

FIG. 312
Haltern/Hofestatt : plan d’ensemble (d’après Mitteilungen der Altertumskommission für Westfalen 1, 4, 1905, pl. 4).
597Plus à l’ouest, sur la parcelle Am Wiegel, se situent les installations antiques fouillées au tournant du siècle par F. Koepp et interprétées alors comme appontement. D’après les résultats des fouilles de l’époque, le site s’étendait, au nord de la Lippe, sur une bande étroite, longue d’environ 300 m, aujourd’hui largement bâtie. Lors des fouilles exécutées dans les années 1899-1900, plusieurs fossés avaient pu être observés, sans que l’on puisse proposer une interprétation judicieuse de leur fonction. Grâce aux dernières fouilles réalisées dans la nécropole située plus à l’ouest, il est clairement prouvé que deux fossés parallèles avaient été tracés dans l’alignement d’une voie d’environ 37 m de large dont l’existence est attestée plus à l’ouest. Les fossés parallèles de l’“embarcadère” doivent donc être interprétés comme des fossés latéraux de voies.
598On ignore l’emplacement des canabae de Haltern. Les découvertes du Wiegel sont malheureusement trop peu caractéristiques pour pouvoir prouver de façon convaincante l’existence d’un faubourg du camp. On ne peut cependant pas exclure cette possibilité. Ces éléments ne constituent d’ailleurs pas les seules preuves d’activité édilitaire à l’extérieur du camp principal : l’existence d’autres vestiges de bâtiments de l’époque augustéenne, de fosses dépotoirs, de rigoles de drainage et de fours de potiers a pu être attestée au nord et au sud du Hauptlager. La présence non exclusive de sépultures masculines, et en particulier de soldats, dans la nécropole fournit la seule preuve concrète de l’existence d’un faubourg à l’époque augustéenne (fig. 313).

FIG. 313
Haltern. Vue aérienne d’un tombeau circulaire.
599Tout récemment, un nouveau camp a été découvert à l’est de Haltern. Il devrait s’agir d’une installation militaire d’environ 20 à 30 ha. La présence d’un fossé en V, d’environ 3,30 m de largeur et 1,60 m de profondeur, est attestée. Un mur en bois et terre manque. Jusqu’à présent, seules de rares fosses ont été décelées à l’intérieur du camp. Il devrait s’agir ici vraisemblablement d’un camp de marche utilisé de manière très temporaire. Une interprétation comme camp d’exercice est à exclure au vu du mobilier céramique.
600Il n’est pas possible de déterminer de façon exacte la date d’installation des différents dispositifs militaires romains de Haltern. D’après S. von Schnurbein, le début de l’occupation se situerait au plus tôt entre 7 av. J.‑C. environ et le tournant de notre ère au plus tard. Le camp principal n’a dû être construit qu’à l’époque du changement d’ère si l’on considère essentiellement la différence de mobilier entre Oberaden et Haltern. La fin de l’Haltern antique est généralement mise en relation avec la clades Variana de 9 ap. J.-C. Quelques découvertes de cachettes, ainsi que les squelettes dans le quartier des potiers pourraient plaider pour une fin brutale du site. La véritable justification de la datation finale du camp repose cependant sur l’absence, à Haltern, de monnaies datant des débuts du règne de Tibère. D’après une inscription sur une barre en plomb, la XIXe légion au moins avait temporairement tenu garnison à Haltern.
601bibliographie [2004]
Asskamp & Kühlborn 1986 ; Kühlborn 1995 ; Morel 1987 ; Pietsch 1993 ; Rudnick 2001 ; Schnurbein 1974; Schnurbein 1981.
Hanau/Neuwirtshaus
Hesse, Allemagne (carte fig. 7)
602W. CZYSZ
603À 1 km environ à l’est du quartier Wolfgang à Hanau, et à seulement 300 m au nord de la route nationale 8 se situe, à environ 90 m derrière le limes, le petit castellum de Neuwirtshaus qui tire son nom d’un groupe de constructions situées à proximité. Différentes fouilles ont été effectuées au xixe s. et au début de notre siècle. Le fortin a été fouillé pour la dernière fois en 1977 lors d’un sondage.
604L’installation (fig. 314 et 315) présente les dimensions –prises chacune depuis les bords extérieurs des fossés– de 62 x 55 m (0,34 ha). L’enceinte enferme un rectangle de 25 x 21 m (525 m2). Le fort était entouré de deux fossés en V de 3 à 4 m de large qui atteignent 1,60 m de profondeur, le fossé interne ayant été rénové lors d’une phase tardive de construction. Un intervalle de 4,80 m de large séparait les fossés. La berme entre le fossé interne et le mur d’enceinte présentait une largeur de 2,40 m. Les fossés passaient devant l’entrée du fort et étaient, à l’époque romaine, franchis au moyen d’un pont.

FIG. 314
Hanau/Neuwirtshaus. Plan du fortin (Czysz 1989, 338, fig. 278).

FIG. 315
Hanau/Neuwirtshaus. Reconstitution du fortin (Czysz 1989, 339, fig. 279).
605Le castellum, avec son unique porte d’enceinte, était orienté vers l’est en direction du limes. Lors des fouilles de 1883 ont été découvertes, dans les angles internes de l’enceinte, deux fondations en pierre qui doivent être vraisemblablement mises en relation avec le chemin de ronde ou bien avec une petite plate-forme de tour au-dessus de la porte, large de 2 m. Un étroit massif de pierre longeait l’extrémité du rempart de terre, sans doute pour soutenir le bâti de la porte.
606La fortification était constituée d’un talus de terre de 3,50 à 4 m de large, qui fut restauré une fois. Sa face extérieure, et sans doute aussi sa face interne étaient composées de mottes de gazon encore très nettement visibles à la fouille. Les terres extraites du fossé ont été entassées derrière le parement. Un bâti de bois, placé directement sur la surface du sol, ainsi que des ancres et des traverses en bois disposées à intervalles plus importants ont servi de stabilisation supplémentaire du talus.
607A l’intérieur du castellum, un bâtiment en forme de U, en pans de bois, peut être restitué grâce aux trous de poteau relevés. On a retrouvé lors des fouilles des restes calcinés de torchis. Les ailes latérales du bâtiment flanquaient une cour intérieure, s’ouvrant en direction de la porte d’enceinte et entourée d’un portique. Le nombre de pièces intérieures n’est pas connu. Il est vraisemblable que les ailes latérales servaient au logement des hommes alors que les pièces de l’aile intermédiaire étaient destinées au commandant ou réservées aux services du camp. Autour du baraquement, entre le talus et le mur extérieur, courait une rigole dans laquelle s’écoulaient les eaux de pluie venant du toit. On suppose que le toit était recouvert soit de bardeaux soit de chaume. Un fragment de verre prouve l’utilisation de vitres de verre pour les fenêtres.
608Le petit castellum de Neuwirtshaus n’a été construit qu’à la fin du règne d’Hadrien. Il semble qu’il ait servi à la surveillance d’une grande route de communication, la future route de Birkenhain, qui traverse le limes à 300 m à peine au sud du castellum. Cette puissante fortification avec deux fossés, inhabituelle pour un petit castellum, est liée vraisemblablement à la situation du camp au milieu d’une zone marécageuse. Lors des conditions météorologiques extrêmes, la place ne pouvait être a priori dégagée qu’avec difficulté, ce qui explique le besoin d’une protection particulière. La durée d’existence du petit camp ne peut pas être exactement définie. Les traces d’une destruction massive sont absentes.
609bibliographie [2004]
Czysz 1989.
610Haselburg → Walldürn-Rheinhardsachsen
611Haus Bürgel → Monheim
612Hauterecenne → Furfooz
Haye (La) /Ockenburgh
Hollande méridionale, Pays-Bas
613J. A. WAASDORP
614Immédiatement au sud-ouest de La Haye, sur l’emplacement des dunes, près des côtes de la mer du Nord, et à environ 21 km au sud du limes, se trouve le camp romain d’Ockenburgh. Le site a été en partie fouillé par J.H. Holwerda dans les années 1930. Dans les années 1990, il fut de nouveau le sujet de recherches plus étendues par le service archéologique de la municipalité de La Haye. Elles ont révélé, pour la première fois, une construction militaire loin derrière le limes, à l’ouest des Pays-Bas. Ce fort est situé sur une petite hauteur naturelle.
615Il s’agit d’une structure simple (fig. 316), entourée d’un fossé en V, connu sur trois côtés, ce qui permet seulement de déterminer la largeur du fort (44,2 m). La longueur reste inconnue. Les parois des fossés ont été recouvertes avec des mottes de gazon pour prévenir des écroulements, dûs à l’instabilité des dunes. Le rempart n’est pas documenté.

FIG. 316
La Haye/Ockenburgh. Plan du fortin.
dessin J.T. de Jong.
616Les constructions internes sont en bois, mais les recherches de Holwerda n’ont pas bien déterminé le plan d’ensemble. Des traces de baraquements dans la partie sud du fort ont été retrouvées. Ceux-ci étaient souvent construits juste derrière le rempart. L’un des contubemia mesure 3,7 x 3,5 m de large. Leur nombre reste inconnu.
617La fonction de ce fort n’est pas encore réellement déterminée. Peut-être a-t-il joué un rôle pour la protection du réseau routier ou du littoral, mais il n’a pas eu un long usage. Les découvertes indiquent un temps d’occupation maximum de vingt-cinq ans, entre 150 et 175 ap. J.-C.
618bibliographie [2004]
Waasdorp 1999.
619Heddernheim → Francfort-sur-le-Main
Heidenburg/Hüchelhoven
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 12)
620R. BRULET
621Le fort (fig. 317) se trouve en Rhénanie du Nord-Westphalie, à Heidenburg, sur la chaussée romaine Bavay-Cologne. De plan carré, il est délimité par un fossé de 10 m de large. A l’intérieur, on trouve un rempart en bois qui détermine une superficie de 31 x 26 m. Lors de la deuxième période apparaissent des constructions en bois appuyées contre le rempart. Au sud, une entrée de 2 m de large et un pont en bois également de 2 m de large passant au-dessus du fossé ont été repérés. Ce poste routier est typique de la fin du iiie s.

FIG. 317
Heidenburg/ Hüchelhoven. Plan du fort (Brulet 1995a, 110).
622bibliographie [2004]
Bogaers & Rüger 1974, 157-159.
623Heldenbergen → Nidderau
Hesselbach
Hesse, Allemagne (carte fig. 7)
624D. BAATZ
625Le petit castellum de Hesselbach (superficie : 0,6 ha) appartient à la chaîne de camps du même type établis sur le limes de l’Odenwald pour des numeri. Il est situé à 490 m d’altitude, à environ 9 km à l’est de Beerfelden sur un plateau de grès bigarré de l’Odenwald, de direction nord-sud. Lors de l’érection du limes, autour de 100 ap. J.-C., il s’est agi dans un premier temps d’une construction réalisée uniquement en bois. Sous Hadrien, le camp reçut une enceinte en pierre non maçonnée (murs à sec) avec des pièces de bois dans son épaisseur. Cette enceinte fut remplacée, dans les années 40 du iie s., par un mur soigneusement maçonné à l’aide de mortier, derrière lequel avait été élevé un talus de terre (fig. 318 et 319). La porte principale ainsi que les deux portes latérales furent en effet dotées d’arcs en pierre avec corniches et autres éléments de décoration. En dépit de leurs dimensions réduites, les constructions des portes témoignaient de prétentions architecturales qui devaient représenter le pouvoir de l’imperium. La face arrière du camp était simplement dotée d’une poterne. A l’avant du mur d’enceinte se trouvait un simple fossé de défense, qui était interrompu devant les trois portes d’entrée mais continuait devant la porterne. Le castellum n’a pas été incendié ou détruit d’une manière radicale. Il a été abandonné autour de 160 ap. J.-C., lors du déplacement du limes de Germanie supérieure vers l’est.

FIG. 318
Hesselbach. Plan général du fortin. 1 principia ; 2 résidence du praepositus ; 3 casernement de cavaliers ? 4 baraque double ; 5 écurie ou magasin (Baatz 1973b).
photo D. Baatz.

FIG. 319
Hesselbach. Base du rempart près de la tour de la porte nord. Les tours montrent un double chanfrein, le mur d’enceinte, un chanfrein unique.
626Les bâtiments intérieurs sont construits en colombages, et ont été rénovés une fois pendant l’utilisation du castellum. Le nombre et la fonction des édifices sont pour cette raison restés pratiquement inchangés. Le numerus Brittonum, dont on ne connaît guère que le nom, était, suppose-t-on, la troupe en garnison dans le camp. Comme les bâtiments intérieurs sont entièrement connus, on estime l’effectif du numerus de cent cinquante à deux cents hommes. L’unité était vraisemblablement divisée en deux centuries qui devaient être affectées chacune dans une caserne double de chaque côté des principia (bâtiments 4). Le commandant de l’unité (praepositus) était, selon l’usage, un centurion de légion. Son logement devait correspondre au bâtiment 2 de la partie antérieure du castellum. Il convient de souligner l’organisation claire du plan qui, dans le cas de ce modeste fort de frontière, isolé, correspondait aux normes strictes de l’armée romaine. Le fait est particulièrement évident pour lesprincipia (bâtiment 1). L’édifice présentait une largeur qui ne dépassait pas 11,5 m. Il illustre la plus grande réduction possible du type de principia avec hall d’entrée et hall transversal, bien connu dans les camps plus grands de cohortes et d’ailes.
627Des thermes ont été découverts à proximité de la plupart des camps de numerus du limes de l’Odenwald. On suppose la présence de tels bâtiments également à Hesselbach. Il faut en outre compter avec l’existence d’un petit vicus, dont des traces ont été retrouvées près du camp voisin de Würzberg, plus à l’est. Les vici à proximité des camps dans la zone du limes de l’Odenwald restent cependant pratiquement inexplorés.
628bibliographie [2004]
Baatz 1973b.
Heumensoord/Rauwshans
Gueldre, Pays-Bas (carte fig. 12)
629J. K. HAALEBOS
630Au bord de la route Nimègue-Cuijk, on rencontre dans la forêt de Heumensoord, au lieu-dit Rauwshans, un burgus tardo-antique en terre et bois (fig. 320), dont les traces sont encore bien visibles dans le paysage et qui a été récemment restauré. Le fortin occupe la position la plus élevée entre Nimègue et Cuijk et autorise une liaison optique entre les deux fortifications tardives.

FIG. 320
Heumensoord/Rauwshans. Plan général du fortin (Holwerda 1933).
631L’établissement a été essentiellement fouillé par J.H. Holwerda en 1932, alors que les vestiges en bois étaient encore visibles dans le sol. Des sondages destinés à préciser la périodisation ont suivi en 1972 et 1973 (J.E. Bogaers et J.K. Haalebos). En 1999, dans le cadre des restaurations projetées, les tranchées effectuées par J.H. Holwerda ont été rouvertes et réétudiées par le bureau archéologique de Nimègue (H.L. Van Enckevort), en même temps qu’on effectuait une coupe dans la voie romaine à l’ouest du burgus. Ces recherches autorisent une correction du plan ancien, sans pourtant que tous les problèmes soient résolus.
632On peut distinguer trois phases chronologiques.
6331 – La route constitue assurément le plus ancien élément du site et pourrait avoir été tracée dès l’époque augustéenne. Des tessons, des estampilles sur tuiles et des monnaies attestent la présence d’un petit établissement aux iie-iiie s. On pourrait penser à un poste de bénéficiaires, sans certitude.
6342 et 3 – Le burgus tardif comprend deux périodes, au vu de la fouille des fossés : une fortification initiale d’environ 38 x 38 m a été réduite dans un second temps à 24 x 24 m. Les deux fossés offrent le profil habituel en V et se croisent sur le côté occidental du site. Le fossé externe était particulièrement profond (environ 2 m) ; le fossé interne est le plus récent.
635Du burgus le plus ancien ne subsistent que deux petites tranchées de fondation, dont l’une a été recoupée par le fossé le plus récent.
636La seconde fortification est composée d’une enceinte de terre et de bois large de 1,2 à 2 m, de forme quasi carrée, avec une porte à l’ouest et peut-être une grosse tour au milieu. Les poteaux découverts à cet endroit –en noir sur le plan– n’ont pas été arrachés. Contre la face intérieure de l’enceinte apparaissent les traces de constructions légères, notamment le mur de façade, parallèle au rempart, d’un bâtiment adossé. On observe aussi un drain qui traverse le fortin, mais ne peut en être contemporain.
637Malgré la présence sur le site de fragments de tuf, il n’y a pas d’indices d’une reconstruction en pierre.
638La garnison de ce poste est inconnue. On a toutefois trouvé des tuiles estampillées antérieurement par la legio X Gemina et peut-être par [M]VAL[SAN] de la [TRANSRHENA]NA.
639bibliographie [2004]
Bogaers & Rüger 1974, 81-83 ; Daniëls 1955, 41 et 296-298 ; Holwerda 1933.
Hofheim am Taunus
Cruftella
Hesse, Allemagne (cartes fig. 5, 6 et 7)
640H. U. NUBER
641Les castella, dont le nom antique (Crol Cruftella) pourrait avoir la même racine que Kriftel (aujourd’hui Schwarzbach), petit ruisseau qui coule non loin de là, constituaient la première étape depuis Mayence (Mogontiacum) vers le nord-est, en direction de la Vétéravie. Après une demi-journée de marche (dix milles romains), on atteignait le gué sur le Schwarzbach par la route militaire longeant le bord du Taunus et utilisée depuis les campagnes augustéennes. La section nord du cours d’eau permet à cet endroit un passage naturel par les montagnes du Taunus vers la vallée de la Lahn. En direction du sud, le bord droit de la vallée du Schwarzbach coupe de façon abrupte le sommet lœssique d’une chaîne de collines plates (150 m d’altitude), qui forment une barrière saillant de 4 km dans la vallée du Main (fig. 321). Sur cet emplacement important du point de vue militaire et pour les communications se sont élevés successivement deux castella (“camp en terre” et “castellum en pierre”) qui furent, pendant des décennies, l’avant-poste le plus oriental de l’Imperium Romanum.

FIG. 321
Hofheim am Taunus. Plan général : 1 tombe à incinération ; 2 camp de terre ; 3 tour de guet ; 4 camp en pierre ; 5 thermes ; 6 vicus méridional ; 7 cimetière méridional ; 8 vicus occidental ; 9 cimetière de la Gotenstr. ; 10 vicus septenrional ; 11 vicus de Kriftel ; 12 nécropole de Krifte.
642La recherche archéologique sur le Hochfeld commence en 1841 avec les fouilles de F.G. Habel dans les parcelles An der Dornheck et An der Hohlmauer, où les agriculteurs amendaient leurs sols par l’épierrage des champs. Les recherches conduisirent à la découverte et à la localisation du castellum en pierre. Lors des fouilles de la Reichslimeskommission à l’intérieur du castellum en pierre et de ses environs, G. Wolff put constater, en 1894, l’existence d’un deuxième camp en terre. Il publia en 1897 le premier résumé complet sur les installations militaires près de Hofheim. De 1902 à 1910, E. Ritterling dégagea de larges parties du camp de terre ; la monographie écrite à la suite de ses fouilles compte aujourd’hui parmi les classiques de la littérature archéologique sur les provinces romaines. C’est seulement de 1955 à 1957 que des fouilles de plus grande ampleur eurent à nouveau lieu sous la direction de H. Schoppa dans le secteur du vicus. De 1969 à 1991, le castellum en pierre et des secteurs proches ont été fouillés sur une grande échelle, avant que des constructions modernes ne soient définitivement élevées.
Le camp de terre
643Le camp de terre (fig. 322), le plus ancien, était orienté en direction du nord-est, vers la plaine et la naissance de la vallée du Schwarzbach. Sur la colline en face, le Kapellenberg, fut érigée à la même époque, à vue, une tour de guet en bois avec palissade et fossé circulaire. Le camp est caractérisé par un plan irrégulier marqué par un fossé interne double en V, et un autre simple à environ 20 m d’intervalle vers l’avant. Ce dernier fossé, qui ne comprend qu’une phase d’utilisation, est large de 3,60 m et profond de 2 m, alors que le fossé interne, rénové au moins une fois depuis la base, présente une largeur totale de 9 m et une profondeur allant jusqu’à 1,80 m. La distance entre les quatre portes d’enceinte du camp s’élève à 160 m ; la superficie du camp est d’environ 1,6 ha.

FIG. 322
Hofheim am Taunus. Camp de terre, périodes I et II : 1 porte principale ; 2 porte latérale gauche ; 3 porte arrière ; 4 porte latérale droite ; 5 principia ; 6 praetorium ; 7, 8 magasins ; 9 ateliers ; 10-16 baraquements ; 17 bâtiment en pierre – thermes ? (Baatz & Herrmann 1989, 353).
644Aucune trace n’a été retrouvée du mur d’enceinte en terre et bois, pourtant probable ; les vestiges de cinq tours en bois dont l’existence est assurée (3 x 3 m de superficie), reposant sur quatre poteaux, attestent la présence de passages. Dans trois cas, des tours flanquaient les routes sortant du camp, recouvertes de gravier ; mais le fait n’a pas été observé pour la tour d’enceinte orientale (porta dextra’, fig. 322, 4). Ici, comme pour la porte sud (porta decumana ; 3), des ponts en bois ont dû enjamber les fossés, alors que ces derniers étaient interrompus au niveau des portes occidentale (porta sinistra ; 2) et septentrionale (porta praetoria ; 1).
645L’aménagement intérieur paraît très irrégulier. Le cardo comme le decumanus n’ont pas de tracé rectiligne : ils se croisent devant les bâtiments de commandement (principia) au centre du camp. Les principia (5) attestent, comme d’autres installations également, de deux périodes de construction. Le bâtiment le plus récent est doté d’une cour intérieure recouverte de gravier, d’un portique sur trois côtés et d’un point d’eau ; l’arrière est fermé par une rangée de cinq salles. La salle centrale, qui est le sanctuaire du camp (aedes), a été surélevée lors de la deuxième période. Dans la résidence du commandant (praetorium ; 6), quatre rangées de pièces s’organisent autour d’une cour intérieure. Deux bâtiments à vocation d’entrepôt (horrea ; 7-8) sont disposés de part et d’autre de la via praetoria, en direction de la rivière. Les fabricae (9) avaient été installées à l’ouest. Cinq casernes caractéristiques apparaissent à l’ouest de la via decumana. Elles révèlent, comme l’autre secteur de logement (10-14), diverses périodes de constructions, impossibles à différencier les unes des autres. La seule construction en pierre (17) date de la phase d’occupation la plus tardive et devait abriter vraisemblablement des thermes. Divers bassins présentant un coffrage de bois servaient à l’alimentation en eau, dans la mesure où les conditions locales du sol ne permettaient pas la construction d’un puits.
646L’étude du camp en terre de Hofheim, le premier camp d’auxiliaires jamais fouillé, représentait, pour son époque, une très grande prouesse sur le plan technique et méthodique. Il n’est plus possible, à l’heure actuelle, de répondre de façon satisfaisante à de nombreuses questions, des secteurs non fouillés ayant été entre-temps détruits par de nouvelles constructions.
647D’après les monnaies et la céramique, la fondation de ce camp, qui donne une image d’ensemble assez archaïque, doit dater de la fin de la période libérienne ou du début du règne de Claude. Des traces étendues d’incendie ainsi que les restes de victimes témoignent d’un assaut du camp et de sa destruction, suivie d’une reconstruction. Cet événement avait été autrefois mis en relation avec une attaque des Chattes, datée, selon la tradition historique, de 50-51 ap. J.-C. On le rapproche aujourd’hui des troubles des années 68-69. Après une brève réoccupation, on a construit le castellum en pierre, dont la sortie occidentale passait au-dessus des fossés, désormais comblés, du camp de terre.
648Des briques provenant de l’aire du camp portaient l’estampille de la legio IIIIa Macedonica, d’autres, réutilisées, présentaient la marque de la XXIIe légion Primigenia. Aucune inscription n’a livré la dénomination exacte de la ou des troupes d’occupation. L’effectif total devait s’élever à cinq cents hommes, l’élément équestre étant très fortement représenté. De nombreux graffitis de noms propres ainsi qu’une imitation d’un denier augustéen (Forrer 244) renvoient à l’Illyrie. Le matériel montre en outre clairement une composante germanique. L’ensemble important découvert en fouille fournit un riche exemple d’équipement et d’armement auxiliaire pour la période qui va de la fin du règne de Tibère au début de celui de Néron.
Le castellum en pierre
649Le castellum en pierre (fig. 323), plus récent, construit à 90 m à l’est du camp en terre, a été tourné de 90°, la muraille prétorienne étant désormais orientée vers la plaine du Main. L’enceinte dessine un rectangle de 158,4 x 135,6 m et inclut une surface de 2,15 ha. Elle est entourée d’un fossé double en V, interrompu devant les portes, d’une largeur totale de près de 18 m, et allant jusqu’à 4,5 m de profondeur. Un fossé en V simple, qui court depuis la porta dextra en direction du sud-est pour suivre à nouveau un tracé perpendiculaire, à droite de la porta praetoria, enferme les thermes. Des passages doubles, chacun d’une largeur de 3 m, sont aménagés dans la porta praetoria et les deux portes latérales. La porta decumana ne possède qu’un simple passage de largeur identique. Des remblais de graviers formaient la chaussée de la via sagularis et des deux voies ornées de portiques qui se croisent à angle droit, les viae praetoria/decumana et probablement la via principalis ; il n’y avait pas de via quintana. La canalisation, en coffrage de bois, était insérée dans la chaussée et permettait l’évacuation des eaux usées par la porta sinistra (fig. 323, 3), en aval. Au même endroit, des latrines étaient également reliées au système d’écoulement des eaux usées. De nombreux collecteurs, entre autres dans les angles du castellum, servaient à l’assainissement. Aucun puits n’a été découvert. On a en revanche mis au jour des tuyaux de canalisation en terre cuite, qui prouvent l’existence d’une alimentation en eau potable à travers la porta decumana depuis les pentes du Taunus, tout proche.

FIG. 323
Hofheim am Taunus. Camp en pierre, période I : 1 ancien fossé en V ; 2 porte principale ; 3 porte latérale gauche ; 4 porte latérale droite ; 5 porte arrière ; 6, 8‑10, 12, 13 baraquements ; 7, 11 écuries ; 14 magasins ; 15 praetorium ; 16 principia ; 17 valetudinarium ; 18 ateliers ? 19 magasins ; 20‑23 casernements (Baatz et al. 1989, 354).
650L’architecture du camp peut être divisée en plusieurs périodes de construction. Trois phases fondamentales (I-III) et une phase de réparation (IIa) ont pu être observées dans l’enceinte. Les bâtiments intérieurs indiquent deux périodes de construction (1-2) avec différentes transformations. La fortification des périodes I-II était constituée d’un mur en mottes de gazon initialement jalonné par une trentaine de tours en bois. Les portes doubles étaient flanquées de tours (3,9 x 3,6 m) reposant sur des poteaux en bois ; deux poteaux constituaient la spina. Les tours d’angle trapézoïdales s’appuyaient également sur six poteaux ; leur partie courbe suivait les angles du mur d’enceinte. Les deux tours encadrant la porte arrière, ainsi que l’ensemble des dix-huit tours intermédiaires (3 x3 m), reposaient sur quatre poteaux. Les tours des portes et les tours d’angle ont été rénovées lors de la deuxième période de construction ; le nombre des tours intermediaires a alors été réduit à dix. Au cours de la période II, le mur de mottes de gazon a dû être, sur certains tronçons, stabilisé par l’adjonction d’un mur de madriers (IIa). Lors de la période III, le mur d’enceinte ainsi que l’ensemble des tours ont été reconstruits en pierre. Les substructions du mur, peu profondes et presque entièrement arasées, avaient une largeur de 1,2 m. La forme et les dimensions des tours n’ont pu être approximativement déterminées qu’à partir de traces observées en plan ; elles sembleraient cependant correspondre en général à celles des tours précédentes.
651Le plan d’ensemble de l’aménagement intérieur pendant la période I a pu être entièrement reconstitué. Dans la retentura et la praeretentura, deux aires de 50 m de large destinées au logement des troupes ont été reconnues. Les bâtiments de commandement et les services communs occupaient les parcelles centrales, d’une profondeur de 28 m. Dans la partie antérieure du camp s’élevaient, deux à deux, huit (6-13) baraques (long. 48 m) (fig. 324, 1) avec les logements des officiers situés vers l’extérieur et dix contubemia doubles. Des portiques ornaient sur trois côtés les façades extérieures le long des rues. A l’arrière du camp avaient été érigées des baraques (22-24) de plus grandes dimensions (long. 52 m) (fig. 324, 2, 3 et 4), correspondant aux logements des troupes placés face à face (25-27) ; il manque cependant les bâtiments de tête, peut-être inclus dans la construction 28. La destination de l’édifice 21, dont un équivalent pourrait avoir existé dans la partie nord, n’est pas déterminée. Des portiques s’élevaient ici seulement le long de la via decumana.

FIG. 324
Hofheim am Taunus. Blocs de baraquements (Nuber 1986, 227).
652Les principia (16) occupaient, au centre du camp, une superficie de 26 x 22 m. Sur la via principales s’ouvrait une cour intérieure entourée de portiques, dont les toits alimentaient en eaux de pluie un bassin peu profond et, par l’intermédiaire d’un trop-plein, un réservoir de 6,7 m de profondeur. Au milieu de l’aile arrière se trouvait le sanctuaire du camp, avec une petite cave en sous-sol, dotée d’un coffrage en bois. Le praetorium (15) occupait la plus grande superficie (28 x 26 m). Cette identification ne fait pas de doute en raison de la disposition caractéristique du bâtiment, avec une cour intérieure ouverte, des rangées de pièces sur quatre côtés, dont une plus vaste dans l’angle nord-est montre des latrines vidangeables vers l’extérieur et a livré un intéressant matériel de fouille. Venait ensuite vers le sud un horreum (14) de 28,5 x 7,5 m.
653La destination des bâtiments 19 et 20, dans le secteur arrière, est encore indéterminée. Le complexe 18 a dû servir d’édifice à vocation économique, peut-être d’ateliers (fabrica) ; un bassin central et un four en sont le témoignage. Contrairement à une opinion ancienne, il devrait s’agir, dans le cas du bâtiment 17, d’un grenier à provisions plutôt que du logement d’un officier ou d’un valetudinarium.
654Un gigantesque incendie a détruit les bâtiments intérieurs de la première période. Alors que les édifices du secteur central du camp n’ont été reconstruits qu’avec des modifications de détail, mais selon une autre technique (murs avec fondations en pierre), les logements des troupes se distinguent par des réaménagements radicaux. Le nombre des édifices allongés du secteur sud-est a été réduit à un bâtiment d’entrepôt, étiré en longueur le long de la via principalis, et à deux baraques de dimensions plus réduites (long. 29 m), qui ne présentent plus désormais que six contubemia. Les contubemia, isolés, offrent cependant plus d’espace : de 27 m2, ils sont passés à 36 m2. Les bâtiments de tête, destinés aux gradés, ont vu leur surface pratiquement doubler de 100 m2 à 190 m2 ; ils étaient en partie décorés de peintures murales polychromes. Des transformations analogues ont pu également être observées à l’arrière du camp. La reconstruction des logements tenait visiblement compte d’un changement dans la nature des troupes. Des comparaisons avec d’autres plans de camps (par exemple Valkenburg) laissent alors supposer la présence d’une unité de cavalerie (ala) comme troupe en garnison. Une démolition délibérée de l’ensemble du camp eut lieu à la fin de la troisième période.
655Les tuiles estampillées, utilisées dans le camp nomment les XIIIIe, XXIe et XXIIe légions. Le matériel figulin provient des tuileries centrales de Rheinzabern et peut-être de Nied. La structure et la densité de l’aménagement intérieur du castellum, malgré une superficie de 2 ha qui correspond généralement à l’espace nécessité pour le cantonnement d’une cohors quingenaria, indiqueraient plutôt la présence d’une troupe mixte. Le pendentif en plomb d’un scorpionarius nommé lustinus pourrait prouver l’existence de troupes de légion. Des cavaliers étaient en tout cas logés dans le secteur avant du camp, à l’époque de l’incendie. Ils appartenaient assurément à la troupe d’occupation de la deuxième période. Les découvertes récentes de deux stèles funéraires de cavaliers (malheureusement sans inscription conservée) réutilisées dans le secteur urbain vont dans le même sens.
656Le début de la première période de construction du castellum en pierre est daté par le matériel découvert (monnaies, sigillée) des années 72-74. Hofheim constituait, avec Nida (Heddernheim), Okarben et Friedberg, la première étape sur la voie de pénétration dans la Vétéravie, réoccupée par l’armée romaine sous Vespasien. L’intérieur du camp a dû être reconstruit à la suite d’un incendie après 97 (période II). Lors de l’aménagement de l’enceinte, le nombre des tours intermédiaires a été réduit à dix, et le mur en bois et terre a été renforcé sur certaines sections par une palissade en bois (période IIa). La dernière mesure de construction entreprise sous Trajan concerne l’enceinte : pour la première fois sur la rive droite du Rhin, les castella auxiliaires furent désormais entourés eux aussi de murs et de tours en pierre. Des traces évidentes montrent que le castellum a été abandonné après 106-110, puis détruit.
657bibliographie [2004]
Camp de terre - Nuber 1983 ; Ritterling 1913 ; Seitz 1988, 20-28.
658Camp de pierre - Nuber 1986 ; Nuber 1989 ; ORL B 29, no 21, 2, 4.
Hontheim/Entersburg
Rhénanie-Palatinat, Allemagne
659R. BRULET
660La forteresse de hauteur de Entersburg près de Hontheim, dans le canton de Bernkastel-Witdich, représente le modèle type des forts bâtis sur une éminence rocheuse tels qu’il en existe beaucoup en région trévire et dans l’Unsrück-Eifel (fig. 325). L’éperon triangulaire domine la vallée de l’Ussbach et peut surveiller le passage de la route Trèves-Andernach. La zone la plus élevée de l’éperon, au sud, a été fortifiée au cours du troisième quart du iiie s., avant l’invasion de 275. Après cette date, le sommet fut à nouveau fortifié par la construction d’un mur à sec entourant une surface de 0,2 ha, sur un plan très irrégulier, adapté à la topographie. Côté nord, la nouvelle enceinte est protégée par des petits fossés taillés dans le roc. On peut finalement situer la construction d’une tour carrée, au deuxième quart du ive s., sur la pointe nord du site. Cette tour de 10 m de côté avait des murs de 2 m de large. Divers objets témoignent de la présence de militaires sur le site.

FIG. 325
Hontheim/Entersburg. Plan de la fortification rurale (d’après Gilles 1985, 129).
661Trois périodes, marquées par des aménagements distincts, caractérisent l’utilisation de la forteresse.
662Avant les invasions de 275-276, on trouve des aménagements sur la terrasse principale. À la fin du iiie s. se rattache la construction d’une enceinte au même endroit, tandis que le ive s. voit se développer une tour à l’autre extrémité du promontoire. Le site paraît abandonné à la suite des invasions de 353-355 ap. J.-C.
663bibliographie [2004]
Gilles 1985.
Horbourg-Wihr
Haut-Rhin, France (carte fig. 13)
664M. FUCHS
665Le camp de Horbourg est situé à hauteur de Colmar (Haut-Rhin) sur la commune de Horbourg-Wihr. Il occupe l’emplacement d’un carrefour stratégique : une voie fluviale nord-sud, l’Ill, doublée d’une voie terrestre est-ouest reliant le Rhin et les Champs Décumates aux cols vosgiens. Un vicus important s’y était développé sur plus de 50 ha entre le ier et le iiie s. Le camp tardif occupe le centre de ce vicus antérieur, formant dans la plaine alluviale un îlot surélevé, enserré à l’origine par deux bras de rivière, à l’ouest et à l’est. Aujourd’hui, le bras de rivière oriental a disparu et l’ensemble de la surface du camp est urbanisé, ce qui rend chimérique une étude exhaustive.
666Les premières mentions de découvertes datent du vxie s., à l’occasion des travaux d’agrandissement du château comtal qui occupait l’angle nord-est du camp. C’est l’humaniste Beatus Rhenanus qui relate, en 1543, la mise au jour des premiers vestiges antiques et établit leur relation avec le toponyme antique d’Argentovaria ; cette assimilation a marqué le début d’une controverse entre érudits, qui perdure jusqu’à nos jours. Il faut cependant attendre les années 1820 pour que des remarques pertinentes soient proposées au sujet de la datation et de l’organisation probable du camp par Ph.-A. de Golbéry, auteur de la première monographie du site. Enfin, de grands travaux de fouilles sont entrepris conjointement par le pasteur local, E.-A. Herrenschneider, et l’architecte des Monuments historiques, C. Winlder, entre 1884-1894. Ces travaux ont permis de dresser un plan précis de l’enceinte, qui sert toujours de référence à l’heure actuelle (fig. 326). Cependant aucune fouille n’a mis en évidence les niveaux d’occupation du camp. En 1971-1972, M. Jehl et Ch. Bonnet ont opéré un sondage sur une portion du rempart oriental. En 1996, un nouveau sondage très réduit (16 m2) a permis de dégager un tronçon bien conservé des fondations du rempart occidental. La fortification reste donc toujours assez mal connue de nos jours, faute de fouille récente d’envergure.

FIG. 326
Horbourg-Wihr. Plan du castellum d’après celui qu’avait établi Winckler en 1894 : dans l’angle nord-est, le château comtal du XVIe s. (dessin Ch. Winckler dans Herrenschneider 1894). Les parties en noir ont été effectivement fouillées par Herrenschneider et Winckler, le reste a été extrapolé. Depuis, seules deux fouilles ont concerné le rempart : 1 sondage de 1972 par C. Bonnet ; 2 sondage de 1996 par M. Fuchs.
667Le camp de Horbourg est un quadrilatère quasi régulier de 168,50 x 160 m, soit une superficie interne de 2,696 ha. Ces mesures ont été effectuées par l’architecte C. Winkler vers 1885 à partir de sondages ponctuels, mais l’angle nord-est est entièrement extrapolé du fait de sa destruction par l’édification du château. Le rempart devait être complété par un fossé, peut-être observé au xixe s. mais non décrit dans les publications. Ont été effectivement dégagées : trois tours d’angle, six tours intermédiaires, trois portes. Si la distribution s’avère régulière, on peut compter quatre tours d’angle aux trois quarts rondes, huit tours intermédiaires demi-rondes et quatre portes rectangulaires au milieu de chaque côté. Les tours d’angle ont 6 m de diamètre. Les tours intermédiaires font une saillie de 3 m à l’extérieur et 2 m à l’intérieur, soit 8 m d’épaisseur en tenant compte du mur, pour une longueur de 6 m.
668Les portes se répartissent en deux groupes. Celles du nord et du sud ont un porche simple offrant un passage de 3,05 m pour une longueur totale d’une douzaine de mètres (fig. 327). Celle de l’ouest et probablement celle de l’est disposaient d’un double passage de dimensions équivalentes. Toutes les quatre semblent équipées d’une triple défense : double porte et herse.

FIG. 327
Horbourg-Wihr. Perspective du socle droit de la porte sud (aquarelle de Winckler, collection ARCHIHW).
669Le rempart n’a pas été observé de manière satisfaisante lors des fouilles anciennes ; aussi devons-nous nous contenter de données fragmentaires recueillies lors d’observations ponctuelles en 1972 et 1996 (fig. 328). Sur le tronçon ouest dégagé en 1996, les fondations sont épaisses, de 3,30 à 3,50 m ; elles consistent en un bain de mortier de chaux mélangé à des moellons en calcaire, le tout coulé dans une tranchée à fond plat profonde de 1,20 à 1,30 m. Il en résulte une semelle de fondation plane sur laquelle était monté le mur. Un tronçon oriental a été dégagé en 1972. Son épaisseur n’a pu être estimée mais la tranchée de fondation était bien plus profonde en cet endroit (au moins 4,50 m). Enfin, on n’a pas de trace d’une semelle de mortier mais de grands monolithes empilés en oblique.

FIG. 328
Horbourg-Wihr. Sondage de 1996.
photo M. Fuchs.
670Aucune observation récente n’ayant pu être effectuée sur le mur, nous devons nous fier aux indications anciennes. Il aurait une épaisseur de 3 m à 3,30 m à la base (Billing, en 1782, signale une épaisseur de 2,30 m en élévation). Il était construit en grand appareil à la base, puis en moellons. De nombreuses stèles funéraires et éléments d’architecture civils ont été observés en réemploi. Entre les deux parements, on retrouve le mélange de mortier de chaux et de moellons utilisé dans la fondation. L’assemblage des blocs aurait été réalisé selon la technique de la mortaise en queue-d’aronde, mais cela reste hypothétique en l’absence d’observation in situ.
671Les niveaux d’occupation du camp sont en général mal conservés ou n’ont pas été mis en évidence par les fouilles anciennes. Un petit pavement de briques hexagonales recouvrant des dalles en grès a été observé sur les voies au niveau des portes nord et sud. Aucun bâtiment interne n’a été mis en évidence car les excavations ont essentiellement concerné le rempart ; le pseudo praetorium dégagé en 1885 par Herrenschneider et Winkler est en réalité un bâtiment civil bien antérieur, dont le réemploi dans le camp n’est pas évident (orientation divergente) mais dont les fondations ont été reprises à l’époque mérovingienne.
672Faute de matériel, la datation du camp a longtemps posé problème et la question n’est, à ce jour, pas encore totalement résolue. Le camp a été catalogué parmi les créations Valentiniennes jusqu’au moment où la datation des référents (Alzey, Boppard, Kreuznach ou Yverdon) a été remise en cause. Les dernières investigations de 1996 ont pu mettre en évidence un niveau qui pourrait être celui de la construction du camp et qui est daté du troisième quart du ive s. par de trop rares fragments de sigillée d’Argonne. À la fin du xixe s., Herrenschneider découvrit lors de ses fouilles plusieurs marques de la legio la Martia, dont la présence est bien attestée dans la région pour la datation proposée. Des détachements de cette légion sont aussi présents à Eguisheim, à Kaiseraugst et surtout à Biesheim. Cependant, il faut aussi remarquer la présence de deux estampilles de la VIIIe légion conservées au musée d’Unterlinden à Colmar.
673bibliographie [2004]
Bonnet 1973 ; Fuchs 1995a ; Fuchs 1995b ; Fuchs 1995c ; Golbery 1828 ; Herrenscheider 1894 ; Herrenscheider 1993; Oberlin 1784 ; Schöpflin 1751 ; Winckler 1881-1884.
674Hüchelhoven → Heidenburg
Hulsberg/Goudsberg
Limbourg, Pays-Bas (carte fig. 12)
675J. K. HAALEBOS
676Le long de la Steenstraat est connue une station routière romaine au lieu-dit Goudsberg. Il s’agit d’un poste de surveillance de la grande rocade Cologne-Bavay, par Maastricht et Tongres. Le site a attiré l’attention depuis le xixe s. et a été fouillé par J.H. Holwerda au début du xxe s. L’enceinte est bien visible dans le paysage.
677Le petit burgus (fig. 329) comprend une tour rectangulaire (12,2 x 8,8 m), avec quatre poteaux en bois qui portent un étage, entourée d’une enceinte polygonale en terre et d’un fossé en V large de 7 m. Les murs de la tour, épais de 0,9 à 1 m, sont fondés sur une mince couche de gravier et édifiés en pierre locale. Les blocs régulièrement taillés forment le revêtement d’un blocage de mortier, de calcaire et de tuiles. Des fragments de verre autorisent l’hypothèse de fenêtres.

FIG. 329
Hulsberg/Goudsberg. Plan du fortin.
dessin R. Brulet.
678La garnison est inconnue. On a découvert là de la céramique de la fin du iiie s., ainsi que des monnaies de Claude II et de Licinius. Les fouilleurs avancent l’hypothèse d’une construction sous Dioclétien, ce qui n’est pas confirmé.
679bibliographie [2004]
Habets 1881, 147 ; Holwerda 1916 ; Holwerda 1925.
680Hunerberg → Nimègue
Jublains
Noviodunum
Mayenne, France
681M. REDDÉ
682À 12 km au sud-est de Mayenne, l’antique Noviodunum, capitale des Diablintes, possède une “forteresse” assez bien conservée en élévation, qui fut dégagée à partir de 1839, puis en 1867-1868. Cet intérêt précoce, qui a eu le mérite de préserver le monument, a eu aussi le désavantage de le transformer en un “monument historique” sévèrement restauré à plusieurs reprises, sans que son observation archéologique ait pu être menée à bien dans des conditions satisfaisantes. Les nouvelles campagnes de sondages, menées depuis 1975 par R. Rebuffat, ont dû, par conséquent, se contenter d’observations incomplètes.
683Le complexe fortifié est composé de trois grands ensembles (fig. 330) : un bâtiment central de 34 m (E-O) x 37 m (N-S), aux murs épais de 2,15 m, caractérisé par quatre pavillons d’angle (4,80 m2) ; une levée de terre périphérique (vallum), d’environ 60 m de côté ; une grande enceinte trapézoïdale (117 x 105 m) de moellons et de briques (fig. 331). A ces trois éléments essentiels se sont ajoutés deux ensembles thermaux, dans les angles nord et sud du vallum, ainsi que différentes constructions annexes sur les flancs du bâtiment central. Celui-ci est construit en blocage, parementé vers l’extérieur à l’aide de gros blocs de granit, à l’intérieur en petit appareil, pour une largeur totale d’environ 2,15 m (fig. 332 et 333). On y accède par une porte située au sud-est (larg. 1,40 m ; haut. 1,85 m). Celle-ci ouvre sur une galerie, avec en son centre un puits de lumière formant impluvium, dont le sol était dallé de briques (fig. 332). Dans la galerie, des plots de granit fondaient probablement des piliers (de granit ou de bois) qui supportaient le plancher du premier étage. De la galerie, on accédait aux pavillons d’angle par une porte interne voûtée de briques, large de 1 m à l’est et à l’ouest, de 2,10 m au nord et au sud. Dans ces deux derniers cas, les pavillons comportent une poterne en grand appareil (fig. 334 et 335), large de 0,80 à 1 m, avec un dispositif de verrouillage interne à trois barres de bois, piquées dans la paroi et abattues dans une encoche sur le mur opposé. On reconnaît encore un puits et une citerne dans la galerie périphérique. Sur la face sud-ouest, l’adjonction centrale constitue une sorte de chasse d’eau, recueillant l’eau des toitures et l’évacuant par un système de drains au-delà du vallum. Les adjonctions d’angle sont sans doute des silos. Deux citernes en briques flanquent les pavillons est et ouest.

FIG. 330
Jublains. Plan général (Rebuffat 1997, 272).

FIG. 331
Jublains. La grande enceinte.
photo M. Reddé.

FIG. 332
Jublains. Plan du bâtiment central (Rebuffat 1997, 275).

FIG. 333
Jublains. Bastion du bâtiment central.
photo M. Reddé.

FIG. 334
Jublains. Le grand appareil du bâtiment central.
photo M. Reddé.

FIG. 335
Jublains. Poterne du bâtiment central.
photo M. Reddé.
684Le vallum, large d’environ 8 m pour une hauteur d’un peu plus de 1 m, présente aujourd’hui un profil en cône aplati, dû à son érosion, mais sa largeur primitive n’est pas connue. Il était protégé par un fossé large de 9 m, profond de 3, mais apparemment creusé dans un second temps ; on pouvait traverser le vallum grâce à une porte unique maçonnée (blocs de taille, moellons et cordons de briques), de 2,60 m de large, située au nord-est. Il paraît vraisemblable que le vallum ait porté une palissade de bois.
685L’enceinte extérieure, fondée sur des blocs de remploi, est construite en petit appareil régulier, avec des lits de réglage en briques. Son épaisseur moyenne est d’environ 4,80-4,90 m. Elle est flanquée d’une série de tours saillantes en U sur ses faces nord, sud et ouest, rondes aux angles, ainsi que d’une tour carrée sur la courtine orientale. On y accédait par deux portes au nord et au sud-ouest, qui se présentent comme de simples interruptions du rempart, ce qui laisse penser que celui-ci n’a pas été terminé. Trois poternes d’angle complètent le dispositif.
686Si la chronologie relative des constructions –bâtiment central, vallum, fossé, enceinte extérieure– est assez bien assurée, la chronologie absolue et la fonction du complexe fortifié sont plus difficiles à cerner. Le principal fossile directeur est constitué par les très abondantes monnaies de Tetricus qui jonchent le fossé et la terre du vallum, fournissant un terminus post quem pour cette partie du monument. Des analyses archéomagnétiques sur les briques de l’enceinte extérieure permettent à R. Rebuffat de proposer une construction en 285 pour cette partie du complexe, hypothèse qui n’est pas à rejeter, mais on sait l’incertitude de ce genre de datation, à supposer d’ailleurs que les briques ne soient pas remployées. Il faut donc considérer cette chronologie avec prudence, sans pour autant la condamner. Quant au bâtiment central, il est nécessairement antérieur, mais l’absence de tout matériel céramique associé à sa construction n’autorise pas un raisonnement assuré ; une autre datation archéomagnétique sur les sols de l’impluvium central permet de proposer la fin du second siècle ou le début du troisième pour son édification. Mais un sol peut naturellement être refait et cette proposition de chronologie, en soi recevable, doit elle aussi être considérée avec prudence. On éliminera volontiers pour ce bâtiment l’hypothèse militaire, malgré les pavillons d’angle et bien que l’édifice soit fortement protégé. Les différentes comparaisons typologiques que l’on peut faire ne conduisent pas en effet dans cette direction. On retiendra plus volontiers celle d’un entrepôt, éventuellement utilisé pour le cursus publicus.
687bibliographie [2004]
Napoli 1997b ; Rebuffat 1997.
Kaiseraugst
Castrum Rauracense
Argovie, Suisse
688R. FELLMANN
689Le camp tardo-antique correspond dans l’ensemble au centre du village actuel de Kaiseraugst qui doit son nom à son rattachement précoce à l’empire autrichien. La tête de pont qui lui fait face se situe sur le territoire de Herten (ville de Rheinfelden, circonscription de Lörrach, Allemagne). La forteresse se situe en bordure même du Rhin, endigué à cet endroit depuis 1912. La situation d’origine se trouve ainsi modifiée. Le mur courant le long du fleuve a presque entièrement disparu. Le camp est implanté sur un quartier de la ville basse du caput cokmiae Augustae Rauricae (fig. 336).

FIG. 336
Kaiseraugst. Plan général, première période (Fellmann 1992, fig. 42).
690Les premières recherches détaillées ont eu lieu à partir de 1887- 1891 (Heidenmauer ou “mur des païens”). En 1905-1906, puis en 1968 furent effectuées des fouilles sur la porte occidentale, en 1936-1937 sur le mur oriental, en 1957-1958 sur les tours 4 et 9, en 1959-1964 dans l’horreum et ses environs, en 1960-1964 dans l’église paléochrétienne, en 1975-1976 dans les thermes, et en 1988 dans la zone de l’ancienne auberge Au Lion détruite et celle de la porte méridionale. Le fameux trésor en argent a été découvert en 1961-1962. En 1995, un deuxième lot a été remis aux autorités du castrum d’Argovie.
691Le camp est mentionné dans la Notitia Galliarum autour de 400 ap. J.-C. en tant que castrum Rauracense. Il a la forme d’un trapèze légèrement irrégulier, allongé, avec un côté oriental brisé. La façade située le long du Rhin mesure 292 m, en incluant les tours d’angle (reconstituées). La longueur du côté sud atteint 267 m, celle du côté ouest 155 m et le mur oriental a 142 m de long. La superficie du camp s’élève à 3,5 ha. Vingt tours en tout peuvent être reconstituées sur les trois fronts du côté de la terre, mais leur forme ne peut être clairement appréhendée. Les tours d’angle semblent avoir été polygonales. Le mur d’enceinte présente une épaisseur de 3,95 m. Il a été construit avec de nombreux remplois à sa base. Devant le mur, à une distance qui atteint parfois 18 m, court un fossé. Les fouilles de 1998 ont prouvé avec certitude que le mur méridional du camp a été implanté sur un portique et plus loin, vers l’ouest, sur une voie du quartier de la ville basse d’Augst.
692L’existence, dans le quart sud-ouest du camp, de bâtiments légèrement désaxés (entre autres un horreum) vient confirmer cette observation. Les thermes, dans le secteur nord-ouest, pourraient également être plus anciens et avoir été réutilisés. Dans le secteur sud-est ont été repérés des fossés qui semblent passer sous le mur d’enceinte et qui pourraient faire partie d’un système de fortification antérieur. De larges parties du castellum tardo-antique sont recouvertes par des fonds de cabane du haut Moyen Âge, ce qui prouve la continuité d’occupation du site. Lors d’une première phase, le camp semble bien avoir eu quatre portes d’accès (en comptant celle qui donne sur le Rhin). La porte méridionale a été visiblement condamnée pendant la deuxième période. Lors de cette dernière phase, le camp n’était plus desservi que par la voie ouest-est. Un édifice s’élevait à cette époque derrière la porte méridionale, dont une grande abside (présentant deux phases de construction) avait déjà été découverte en 1976. Les fouilles de 1998 ont livré en fait une autre abside formant une salle transversale ou une basilique, ce qui laisse supposer l’existence d’une sorte de principia ou même d’une aula palatina. On connaît une église paléochrétienne avec baptistère dans le secteur nord-est, située en partie sous l’église actuelle du village. La datation de l’édifice religieux est contestée. L’hypothèse d’une construction autour de 400 ap. J.-C. est avancée.
693Seuls des restes très réduits des tours subsistent de la tête de pont sur la rive droite du Rhin.
694Le castrum Rauracense a dû être construit sous Dioclétien autour de 300 ap. J.-C. d’après les données numismatiques. Les troubles qui suivirent l’usurpation de Magnence provoquèrent une interruption nette (avec destructions) dans l’histoire de la construction du camp (enfouissement du trésor en argent de Kaiseraugst autour de 352 ap. J.-C.). La reconstruction, sous une forme modifiée (en particulier à l’intérieur avec des bâtiments construits, pour certains, entièrement selon la technique de construction en pans de bois entretoisés), a eu lieu au plus tôt sous l’empereur Julien.
695bibliographie [2004]
Berger 1998 ; Cahn & Kaufmann-Heinimann 1984 ; Drack 1988 ; Fellmann 1992, 318 ; Laur-Belart 1934; Laur-Belart 1967 ; Marti 1996 ; Martin 1975 ; Peter 2001 ; Swoboda 1972-1973.
696Köln → Cologne
697Kops Plateau → Nimègue
Krefeld / Gellep
Gelduba
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (cartes fig. 6, 7, 8 et 12)
698CH. REICHMANN
699Le site romain du castellum de Gelduba est situé entre Novaesium (Neuss) et Asciburgium (Moers-Asberg), sur le limes de Germanie inférieure. Les fortifications s’élevaient à 800 m à l’est de la voie du limes sur un tertre de sable, directement sur la rive gauche du Rhin, ou plutôt sur celle d’un bras du fleuve, à 9 m environ au-dessus du niveau moyen de l’eau (fig. 337).

FIG. 337
Krefeld/Gellep. Plan general.
dessin Ch. Reichmann.
700Depuis le xvie s., le petit village de Gellep avait été identifié comme le Gelduba de Tacite. Dès 1896, A. Oxé entreprenait les premières fouilles scientifiques. Les travaux furent poursuivis par le Rheinisches Provinzialmuseum en 1911, et dans les années 1930 par A. Steeger. L’emplacement exact du castellum n’a toutefois pu être identifié qu’en 1964 par I. Paar et Ch. B. Rüger. Dans la mesure où le site est touché par l’aménagement du port moderne, des fouilles sont effectuées également à l’heure actuelle.
701L’installation la plus ancienne, au confluent du Linn, sans doute dès l’époque libérienne, n’était pas fortifiée, même si un abondant matériel militaire y a été trouvé. C’est seulement lors de la révolte des Bataves qu’une simple fortification en terre, semi-circulaire, semble avoir été érigée. D’autres vastes fossés de retranchement proviennent visiblement de l’armée, forte de plus de dix mille soldats, qui fut cantonnée à Gellep pendant l’hiver 69-70, d’après Tacite.
702Peu de temps après, sans doute encore au cours de l’année 70, un premier camp permanent d’auxiliaires, occupé par l’ala Sulpicia c (ivium) R(omanorum) (période II), fut érigé au milieu des constructions antérieures. Les dimensions de cette fortification en bois et terre s’élevaient à environ 170 x 140 m. Les casernes étaient toutes aménagées comme des constructions mixtes écurie/ logement, car les foyers se trouvaient tous d’un seul côté, alors que l’autre côté était régulièrement doté de rigoles à purin.
703L’ala Sulpicia fut, dès le milieu des années 80, remplacée par une nouvelle unité, la cobors IIa Varcianorum equitata c. R. Le nouveau corps ne s’établit pas dans l’ancien camp, mais en construisit un autre, sur les ruines complètement arasées du précédent, de dimensions à peu près identiques (période III). Le mode de construction de l’enceinte fut également à peine modifié. Des variations ont été, en revanche, observées au niveau des casernements. On trouve désormais parmi elles des bâtiments strictement consacrés au logement des hommes et d’autres réservés aux écuries, mais toujours également des bâtiments combinant les deux fonctions.
704Au début du iie s., on reconstruisit en pierre la forteresse (période IV) et la ligne de fortification fut, à cette occasion, déplacée de quelques mètres vers l’extérieur. On creusa également un nouveau fossé, plus large, qui fut encore renforcé devant le côté ouest, le plus menacé, par un deuxième fossé. De plus, des tours intermédiaires supplémentaires furent construites dans cette zone, derrière l’enceinte, qui mesurait à la base 1 m de large. Le mur reposait sur une fondation d’argile damée et de cailloux et était contrebuté à l’arrière par une levée de terre de 3 m de large.
705A l’intérieur du fort, les seules constructions en dur étaient apparemment celles des bâtiments principaux, notamment les principia et un grand entrepôt. En revanche, les casernes restèrent jusqu’au iiie s. encore des constructions légères à pans de bois. Depuis la fin du iie s., on n’enfonçait certes plus les poteaux et les sablières basses dans la terre, mais on ne les isolait pas encore durablement au-dessus de la zone d’humidité. Ils étaient simplement placés au ras du sol, dans l’argile et tout au plus isolés du sol par une fine couche d’ardoise. Seuls les ateliers étaient construits avec plus de soin, dans la mesure oit les murs reposèrent d’abord sur des fondations de briques d’argile, puis sur d’étroits soubassements en pierre (période V).
706Après une destruction, sans doute en 259 et 275, le fort abrita pour quelques années des bâtiments “provisoires”, édifiés selon la technique de construction germanique locale (période VIb). Des entrepôts sur pilotis de grandes tailles ont été découverts, ainsi que des bâtiments mixtes maison/écurie à double nef dotés de petites annexes.
707C’est apparemment sous le règne de Dioclétien, vers la fin du iiie s., que commença la construction d’une nouvelle fortification (période VII) (fig. 338a). À cette fin, on érigea en premier lieu, à l’intérieur de l’enceinte antérieure, une construction centrale de dimensions plus réduites (environ 110 x 110 m), avec un mur de plus de 3 m d’épaisseur à la base. L’espace intérieur de ce noyau fortifié était couvert de bâtiments en pans de bois indépendants. Ces derniers, malgré leur technique de construction simple, présentaient –tout du moins dans le secteur fouillé– un équipement relativement luxueux, avec chauffage par le sol et peintures polychromes.

FIG. 338
Krefeld/Gellep. Les différentes phases du fort tardif : a phase de Dioclétien ; b phase Valentinienne ; c vers la fin du IVe s.
dessin J. Granzow.
708Au début du ive s., on construisit en deux étapes, devant l’ouvrage central déjà décrit, des défenses d’approche, notamment une barbacane, équipée d’une série de chicanes, sur un modèle oriental (période VIIb). Les bâtiments finirent par couvrir toute la surface du castellum du Haut-Empire, dont on avait de toute façon conservé les fossés. Il est intéressant de noter que les murs massifs de cette première forteresse tardive ne reposaient pas vraiment sur des fondations, mais étaient érigés sur une mince couche de déblais, pratiquement à ras de terre, qui recouvrait le sous-sol, simplement aplani. Les seules substructions plus profondes étaient constituées par des traverses de bois ou des rondins, ainsi que des blocs de pierres aux angles des murs. La découverte d’une tablette en plomb épigraphe semble prouver, en dehors de la configuration du plan, que la garnison de Gellep était en partie composée de troupes orientales.
709La construction d’une ligne polygonale de fossés cernant les défenses de la forteresse emmurée à 80-150 m du côté de la terre indique la présence de combats au début des années 40 du ive s. Le castellum ne paraît pas encore avoir été détruit à cette époque, mais seulement quelques années plus tard, lors des grandes attaques des Germains, qui suivirent l’insurrection de Magnence. La destruction fur si importante que le camp resta pendant plus d’une décennie à l’abandon. C’est ce que semblent en tout cas montrer aussi bien le développement d’une formation rudérale qui a pu être plus précisément étudiée à partir de sédiments du puits, que l’existence d’une lacune dans la série monétaire. De nombreux ossements humains ont enfin été découverts sous les couches de déblais.
710Le castellum reconstruit seulement après 364, sous Valentinien, n’a repris, à l’exception des fossés, aucun élément du système de fortification, aucun mur du fort précédent (fig. 338b). Il s’agit d’une construction complètement nouvelle, de plan rectangulaire et réduit (environ 120 x 90 m, période VIII). Malgré des dimensions bien plus vastes que celles d’un burgus, la nouvelle forteresse ne possédait visiblement pas, dans un premier temps, de tours d’angles saillantes. On trouve à la place, adossées le long du mur intérieur, des casernes, d’une largeur interne d’environ 9 m. Leurs murs intérieurs présentaient, à la différence de ceux d’Alzey ou d’Altrip, à peu près la même épaisseur que les murs extérieurs (de 2 à 2,20 m), ce qui laisse supposer une hauteur correspondante. La découverte d’un escalier dans un épaississement des murs conduit à restituer un édifice de 8,50 m de haut (jusqu’à l’arête du larmier du toit). L’édifice était couronné par une casemate couverte, ainsi que le prouvent les gouttières circulant tout autour. On renonça finalement au dispositif compliqué de la barbacane antérieure pour placer les accès (à nouveau quatre) sur les axes de circulation du camp du Haut-Empire, ce qui laisse penser à un nouveau stationnement de troupes de cavalerie.
711D’après les nombreuses découvertes de monnaies, la nouvelle forteresse fut encore une fois, vers la fin des années 80 du ive s., totalement réaménagée et renforcée par des tours semi-circulaires et saillantes (fig. 338c). Seul le fort de Brittenburg, près de Katwijk, dont les murs de fondation, battus par la mer, ne sont d’ailleurs connus que par des gravures du xvie s. (A. Ortelius), présente un plan sensiblement comparable. Ici, l’espace intérieur, qui pas encore été fouillé à Gellep, est occupé par un bâtiment en pierre de type entrepôt. Alors que le castellum était visiblement doté d’une nouvelle couverture en tuiles, aucune marque de tuiles identifiable de la fin de l’époque romaine n’a été jusqu’à présent découverte.
712La forteresse dispose à cette époque d’une quantité de défenses avancées, notamment un fossé intermédiaire polygonal supplémentaire inséré sur la berme, ainsi que de différents obstacles en terre de dimensions plus réduites. Une série de pièges de taille humaine et plusieurs barrages artificiels des voies ne semblent pas, en revanche, avoir constitué des protections de longue durée, mais plutôt répondu à une menace limitée dans le temps, datée par les monnaies autour de 400. Au début du ve s., le fortin paraît avoir fait encore une fois l’objet de modifications. On a visiblement utilisé le fossé intermédiaire polygonal comme tranchée de fondation pour un mur avancé d’une largeur d’environ 80 cm. Ce dernier était doté de tours en bois placées à intervalles réguliers, qui reposaient à l’avant sur le mur et étaient soutenues à l’arrière par deux poteaux profondément enterrés. L’installation d’une guérite en pans de bois, avec en avant un fossé servant d’obstacle (titulum) et en face d’un accès secondaire réalisé dans ce mur, est l’une des dernières constructions attestées dans le camp. Les découvertes montrent que celui-ci a été encore utilisé de façon intensive pendant tout le ve s.
713bibliographie [2004]
Horn 1987 ; Paar & Rüger 1971 ; Pirling 1986 ; Reichmann 1987 ; Reichmann 1998.
714Kunheim → Biesheim
Ladenburg
Lopodunum
Bade-Wurtemberg, Allemagne (cartes fig. 6, 7 et 13)
715C. S. SOMMER
Les camps du Haut-Empire
716Les deux camps découverts jusqu’à présent se trouvent à environ 9 km au nord-ouest du point où le Neckar sort de l’Odenwald, au niveau de Heidelberg, sur la rive droite du fleuve, dans le secteur d’un ancien méandre d’un bras asséché du cours d’eau, sous la ville médiévale et moderne de Ladenburg. Ils sont placés au centre du cône d’alluvions fertiles qui recouvre la couche de galets rhénans, sur le lœss alluvionnaire, au-dessus de sable et cailloux du Neckar.
717Le camp I a été découvert en 1912 ; ce n’est cependant qu’en 1987 qu’on a pu, de façon certaine, déterminer sa taille (environ 3,9 ha). La construction de l’enceinte est connue depuis longtemps grâce aux recherches de B. Heukemes et E. Schallmayer, mais des informations véritables sur l’aménagement intérieur n’ont été livrées qu’à partir de 1984 (fig. 339). Il faut s’attendre dans les prochaines années, au travers de nouvelles opérations archéologiques, à un complément et une correction éventuelle des données actuellement connues. Depuis cent ans, des fouilles sont effectuées dans le secteur du vicus mais elles n’ont pris une grande envergure que depuis 1981.

FIG. 339
Ladenburg. Plan du camp I. 1 praetorium ; 2 principia (Sommer 1998b).
718Alors que le camp I occupe le point le plus élevé de la zone urbaine de Ladenburg, le camp II, vraisemblablement plus ancien, se situait un peu plus au nord-ouest, sans doute plus près du Neckar. Seuls des compléments à la partie orientale de l’enceinte du camp ont été acquis depuis la découverte de ce dernier en 1982. L’existence d’un aménagement en dur de l’intérieur du camp est incertaine ; il est cependant sûr que la majeure partie du camp a été emportée par les eaux du Neckar lors d’un déplacement ultérieur du fleuve.
719Le fossé d’un autre camp (III) a été découvert en 1978 et à nouveau mis au jour en 1985. Il se situe au sud-est, à l’extérieur de toute construction antique, et devrait dater de la fin de la période romaine.
Camp II
720Il est orienté au sud-ouest, vers le Neckar. Sur le côté arrière du camp, un mur de mottes de gazon, large sans doute à sa base d’environ 3,3 m et reposant sur un lit de rondins, court derrière un fossé en V de 5 m de large et 2 m de profondeur, avec une berme d’à peu près 1 m de large. La face arrière a pu éventuellement être étayée par un coffrage en bois. Des tours carrées de 3,3 m de côté, reposant sur quatre poteaux, sont incluses dans le mur.
Camp I
721Il est orienté au sud-ouest, vers le Neckar. La première enceinte du camp (environ 234 x 162 m) est constituée par un mur de gazon d’une largeur légèrement supérieure à 4,2 m, reposant sur un lit de rondins. Elle est défendue, après une berme étroite, par deux fossés en V d’une largeur d’environ 7 m chacun et d’une profondeur de 3 à 3,6 m. Le mur était renforcé, voire maintenu en élévation, par des boisements transverses. L’intérieur du rempart, entre les deux parois de mottes de gazon, était comblé avec la terre provenant de l’extraction des fossés. Les tours, à cheval sur la courtine, présentaient des dimensions extérieures de 3,6 x 3,5 m. Le type de construction des tours de la porte d’enceinte n’est pas clairement défini ; la porta praetoria devait cependant posséder un passage d’accès double entre les tours à quatre poteaux.
722Lors d’une deuxième phase de construction de l’enceinte, les fossés ont été comblés et remplacés par un nouveau fossé en V évasé, de 9 à 10 m de large et 3 m de profondeur. Un mur en pierre de 2,2 m de large au niveau des fondations et 1,7 à 1,8 m en élévation (hauteur maximum de l’élévation conservée : 1,75 m) fut érigé à la place du talus de gazon, tronqué. Les fondations sont si profondes qu’elles atteignent le niveau inférieur du remplissage de l’ancien fossé interne. Les tours intermédiaires carrées, d’environ 4 m de côté, ont sans doute été érigées en même temps que le mur d’enceinte, tous les 27 m. Elles sont toutes en saillie d’un demi-mètre par rapport à l’alignement du mur. La portapraetoria est la seule porte d’enceinte connue, avec son passage d’accès double d’une largeur totale de 9 m entre deux tours rectangulaires de 4,8 x 4 m, reposant sur un empattement fortement taluté (cf. le castellum en pierre de Heidelberg). Les tours de la porte d’enceinte débordent de plus d’un mètre par rapport à l’alignement du mur extérieur. Le mur en pierre est entièrement construit à l’aide de blocs irréguliers de grès du Neckar. Il présente un crépi sous la forme d’une moulure de mortier de forme trapézoïdale, d’environ 5 cm de largeur et 1 cm d’épaisseur, avec empreinte d’un joint décoratif.
723Il n’y a pas eu, après l’abandon du camp, de démolition systématique du mur d’enceinte. De vastes secteurs des fossés ont été au contraire peu à peu comblés et les parois externes des murs réutilisées lors de la construction de bâtiments en pierre au-dessus des anciens fossés.
724En l’état actuel des fouilles, l’aménagement interne du camp était, à toutes les périodes, constitué de bâtiments en bois dont les poteaux reposaient dans de petites tranchées (fig. 340). Des écarts d’environ 90 cm ont pu souvent être observés entre les poteaux. C’est seulement lors d’une phase tardive de construction des bâtiments de commandement que l’on employa des poteaux porteurs reposant sur des socles rectangulaires en pierre, alors que dans la phase ultime du praetorium, on éleva également certains murs en pierre ou tout du moins des murs reposant sur des fondations en pierre. Les sablières basses manquent généralement dans les constructions en colombage ; les potelets étaient dressés verticalement, de manière régulière, afin d’assurer la rigidité des hourdis. Les murs en torchis de lœss maigre présentaient une épaisseur atteignant 20 cm et étaient recouverts, dans le secteur des baraquements, d’une couche d’enduit de chaux d’un doigt d’épaisseur. Dans d’autres secteurs, vraisemblablement au niveau des têtes de centuries ainsi que des édifices centraux, de nombreux murs étaient crépis et peints en couleur sur un fond blanc. Il convient ici de noter la décoration en trois zones (fig. 341 et pl. H. T. III-IV) d’une halle d’environ 5,4 m de haut appartenant à la dernière phase de construction du praetorium (les murs ont à cet endroit une épaisseur d’environ 26 cm).

FIG. 340
Ladenburg. Coupe à travers un mur de baraque avec un trou de poteau (à gauche) et trace charbonneuse du bâti en bois. À l’arrière-plan, le mur de la basilique.

FIG. 341
Ladenburg. Peintures du prétoire du camp I (env. 5,5 m de hauteur), fin du Ier s. ap. J.-C. (Sommer 2000a).
photo Y. Mühleis.

PL. III (H.T.)
Peinture du praetorium de Ladenburg
photo Y. Mühleis

PL. IV (H.T.)
Reconstitution de la peinture du praetorium de Ladenburg
dessin C. Nübold, Sommer 2000b
725Le bâtiment de commandement, d’environ 36 x 34 m, ne possède pas d’armamentaria. Les pièces, seulement en partie dégagées, devaient s’ordonner autour d’une cour. Le praetorium, qui présentait lui aussi, à l’origine, une profondeur de 36 m, semble avoir temporairement possédé une cour péristyle dotée peut-être d’un bassin. Les différentes pièces du secteur arrière du praetorium possèdent, dans une phase tardive, un épais sol en ciment raccordé au crépi des murs à colombage par une baguette en quart de rond.
726Toutes les pièces des casernements (65 x 8,3 m) montrent, lors de la première phase, une rigole à purin (en partie largement comblée de chaux, avec une forte coloration verte). En raison de la présence de foyers dans chacune des pièces arrières, ces bâtiments ont été considérés comme des écuries et doivent, avec leurs huit à dix contubernia, avoir abrité chacun une turme. Ces écuries furent, après un premier incendie, reconstruites exactement sur le même emplacement, mais avec une disposition plus spacieuse.
727Les voies sont, à toutes les périodes, recouvertes d’une épaisse couche de graviers et pavées partiellement de plaques de grès irrégulières. Il n’y avait pas systématiquement de rigoles d’évacuation des eaux usées.
728Les deux camps du Haut-Empire doivent être placés dans le contexte de l’occupation de la rive droite du Rhin sous Vespasien. Le rapport avec la grande voie de communication Bâle-Mayence, dont le tracé fut même légèrement modifié lors de la construction du camp I, est évident car cette voie se superpose à la via principalis. Le castellum II ne fut a priori occupé que peu de temps et abandonné plus tard avec l’érection du camp I. L’ala Cannanefatium fut, de façon presque certaine, la première troupe d’occupation du camp I. La disposition des baraquements découverts jusqu’à présent autorise l’hébergement d’une aile milliaire. Jusqu’à trois incendies, apparemment accidentels, ont été repérés dans différentes parties du camp, mais aucune découverte équivalente n’a été faite dans le Vicus, ce qui rend improbable une relation avec des événements historiques. Vers la fin de la période d’occupation, les bâtiments ont été reconstruits d’une manière beaucoup plus spacieuse. Il faut supposer, après la disparition de toute trace de présence d’une cavalerie, que désormais des troupes d’infanterie étaient stationnées dans le camp. Le contexte pourrait être celui des préparatifs des guerres contre les Daces à partir de 97 ap. J.-C. Le retrait des troupes de Ladenburg a dû s’effectuer vraisemblablement après 106, lors de la réorganisation des régions situées sur la rive droite du Rhin et l’érection du limes Odenwald-Neckar-Alb.
Le burgus tardif
729Le burgus tardo-antique, du type “débarcadère” (fig. 342), est situé au milieu des ruines de l’agglomération du Haut-Empire, sur la rive de l’ancien cours du Neckar ; le fleuve s’est en effet déplacé vers l’est depuis une centaine d’années, ce qui a noyé une partie de la ville antique au nord-ouest.

FIG. 342
Ladenburg. Plan du burgus et du débarcadère tardif (Heukemes 1981).
730Le burgus n’a été découvert qu’en 1978, à l’occasion de travaux publics. La céramique et les monnaies autorisent une datation dans le dernier tiers du ive s. et il est remarquable que la série monétaire se termine avec les émissions de Magnus Maximus. C’est sans difficulté que l’on peut relier l’existence de ce burgus à la mention de Lopodunum par Ausone (Mosella, 423 sq.) : spectavit iunctos natique triumphos / hostibus exactis Nicrum et Lupodunum / et fontem lattis ignotum annalibus Histri.
731La fouille a révélé un noyau de construction de 13,6-14 x 13,2-13,4 m. Ses murs de 3 à 4,1 m d’épaisseur entourent un massif interne de blocage (7,4 x 4,4 m). Dans son angle sud-ouest apparaît un puits circulaire, contemporain de la construction, profond de 6 m, et de 1,2 m d’ouverture. En raison du caractère massif des murs et de la fonction supposée du burgus, qui était de surveiller le pays jusqu’à Odenwald, B. Heukemes reconstitue un noyau central haut de 18 m (fig. 343). On ne saurait préciser si la couverture était en plomb (des restes de plaques longues de 36 cm ont été trouvées en remploi) ou en tuiles. Le noyau central était encore préservé sur 6,3 m de hauteur et sa façade occidentale peut être observée sous le nouvel hôtel de ville.

FIG. 343
Ladenburg. Reconstitution du burgus tardif (Heukemes 1981).
732Aussi bien au nord, à 10,5 m de distance, qu’à 2,5 m vers l’est, on rencontre un mur d’environ 1,4 m d’épaisseur, parallèle aux côtés du noyau central. Au nord, cette construction était préservée sur 4,3 m de hauteur et on peut vraisemblablement restituer une enceinte carrée de 37 m de côté, entourant le massif central de toutes parts vers la terre ; scs bras se terminaient à l’ouest dans le Neckar, formant ainsi un port. La reconstitution de tours d’angles est problématique : on doit notamment observer qu’un puits antérieur, situé à l’angle nord-est, est chevauché par un segment de mur bien conservé dans le prolongement de l’enceinte extérieure.
733Entre le noyau central et le rempart nord apparaît un corps de bâtiment, large de 8 m, avec une division tripartite. Contrairement à ce qu’on avait d’abord pensé, il ne s’appuie pas sur les restes de l’enceinte urbaine antérieure, située plus à l’ouest et ennoyée lors du déplacement du Neckar. Ce bâtiment est à son tour coupé par les murs médiévaux, vers l’ouest. Les petites pièces, au sud et au nord, pourraient constituer des accès au noyau central et à un possible chemin de ronde de l’enceinte externe.
734Tout l’ensemble est entouré d’un fossé en U évasé, large de 5,6 m, profond de 3 à 3,5 m, à une distance de 12,5 m.
735La position de ce burgus et son type de construction autorisent à y voir une tête de pont avancée sur les territoires de la rive droite du Rhin. Peut-être aussi faut-il songer à une réutilisation des matériaux du chef-lieu de la civitas pour les constructions de la rive gauche.
736bibliographie [2004]
Heukemes 1981 ; Heukemes 1985; Kaiser & Sommer 1994; Sommer 1995b ; Sommer 1998b ; Sommer 2000a ; Sommer 2000b.
Lahnau/Waldgirmes
Hesse, Allemagne (carte fig. 3)
737S. VON SCHNURBEIN
738Le site augustéen de Waldgirmes ne constitue pas une fortification militaire au sens strict ; il s’agit plutôt d’un établissement civil, si l’on identifie correctement sa fonction. Dans la mesure, toutefois, où il a été construit par l’autorité militaire et fortifié comme un poste militaire, il paraît ici nécessaire d’en dire quelques mots.
739Le site est implanté dans la moyenne vallée de la Lahn, à environ 90 km à l’est du confluent avec le Rhin. C’est là que l’on rejoint le plus aisément Mayence (Mogontiacum), c’est-à-dire que l’on se trouve à un carrefour géographique entre deux voies stratégiques qui mènent chacune du Rhin à la Weser ou à l’Elbe. On est tout près du camp de marche de Dorlar, qui souligne l’importance de cette région. Près d’un siècle plus tard, l’implantation du limes n’a tenu aucun compte de cette situation géographique, ce qui montre combien les préoccupations politiques et stratégiques avaient entre-temps changé.
740L’enceinte comprend deux fossés et un mur de terre et de bois, avec des tours à quatre et six poteaux, une porte qui a été fouillée (de type IVb de Manning et Scott) et un système de voies orthogonales flanquées de drains, et l’on reconnaît dans cet ensemble un modèle militaire (fig. 344). La superficie est d’environ 7,7 ha (environ 250 x 240 m), avec une forme légèrement trapézoïdale. On remarquera que jusqu’à présent, aucun casernement n’a été retrouvé. Le grand espace au nord du forum (6) n’a pas été construit. Les bâtiments 1-5 et 7-14 sont construits en bois, torchis et colombage, conformément à la pratique des camps augustéens.

FIG. 344
Lahnau/Waldgirmes. Plan des fouilles, état 2003 : T1 et T2 fours de potier.
741Le complexe de bâtiments Ia-Ic, partiellement détruit par des installations modernes, ressemble à un ensemble d’habitation de 15,4 x 12 m, avec cour antérieure, découvert à Haltern. Ce type de bâtiment n’est pas spécifiquement militaire. L’ensemble 2 mesure 60 x 12 m et présente des pièces ouvertes sur la rue, avec un portique de façade, ce qui n’est pas pour l’instant attesté dans les camps militaires. Les pièces ouvertes rappellent les tabernae des villes romaines. Le bâtiment 3 est composé de poteaux isolés ; il pourrait s’agir d’un grand horreum de 24 x 12 m. L’édifice 4, dont il reste peu de chose, présente comme l’ensemble 2 un espace ouvert sur la rue. Les bâtiments 7 à 9 ne sont conservés que de manière très partielle en raison de l’érosion. On observe à cet endroit, le long de la rue, la présence d’un portique, comme le long du bâtiment 10, à l’ouest de la rue nord-sud ; dans le bâtiment 2 et derrière le complexe 7-9 apparaît chaque fois un four de potier. Tous ces édifices et l’enceinte ont été incendiés lors de l’abandon du site. Ce n’est en revanche pas le cas du bâtiment 5 qui ressemble, par sa taille et son plan, aux bâtiments la-lc, mais qui possède en outre un portique sur ses façades antérieure et postérieure. Cet édifice n’a pas été incendié, mais systématiquement démonté, pour laisser place au bâtiment du forum 6 (fig. 345).

FIG. 345
Lahnau/Waldgirmes. Plan du forum : B1 puits.
742Ce forum présente une superficie de 2 200 m2. Ses fondations sont larges de 0,4 à 0,45 m et construites en pierres, partiellement maçonnées au mortier, technique qui n’a jusqu’à présent jamais été observée sur les sites militaires augustéens. Il s’agit d’un bâtiment quasi carré, d’environ 45 x 43 m, avec trois annexes au nord. Trois ailes de 6 m chacune entourent une cour intérieure de 32 x 24 m, fermée au nord par une grande halle de 45 x 12 m, bordée par trois annexes, respectivement de 10 x 10 m au centre, et de 6 m de large sur les côtés, fermées par une abside.
743Sur le socle des murs reposait une construction à colombage. Les galeries occidentale et orientale ont en outre révélé des poteaux, tous les 3,8 m, le long des murs extérieurs qu’ils soutenaient. D’un diamètre de 0,3 à 0,4 m, ils atteignaient 1 m de profondeur sous le socle, maçonné entre les poteaux. Du côté intérieur, on ne rencontre pas ces poteaux. Sous les fondations de pierre apparaissent des sablières basses. La galerie sud est presque entièrement érodée ; il est certain qu’à cet endroit, on n’utilisait pas de poteaux porteurs et que la construction de la galerie devait être différente. Dans l’axe longitudinal de la halle transverse apparaissaient initialement dix poteaux, à des intervalles de 4,5 m, dont quatre étaient implantés dans de grosses fosses qui atteignaient 1,9 m de profondeur. Leur dimension (0,5 x 0,5 m) est inhabituellement grande. On peut en outre restituer trois paires de poteaux sur des socles de pierre, dont les fondations sont encore conservées à l’est. Cette rangée de poteaux portait le toit, couvert de bois ou de paille, car on n’a pas retrouvé de tuiles.
744Les fonctions des cinq fosses retrouvées dans la cour intérieure ne sont pas claires : elles mesuraient 3,5 x 2 m, avec des parois verticales, un plancher horizontal, pour une profondeur d’environ 1 m. Celle du milieu a été ultérieurement transformée en puits. De même, les deux grosses fosses de 4 x 4 m devant le forum n’ont pas de fonction claire. La forme générale évoque celle de principia, mais il n’existe ni annexe ni abside dans les principia augustéens ; même plus tard, de tels dispositifs n’apparaissent que de manière exceptionnelle. C’est seulement aux iie et iiie s. que l’on rencontre des absides dans les halles transverses. De même, le fait que l’on n’ait pas érigé de praetorium derrière le forum, disposé au centre, mais qu’au contraire la place soit restée libre ne plaide pas en faveur d’une identification du bâtiment central avec des principia. Pour autant qu’on le sache, l’érection des principia et du praetorium faisait partie des toutes premières mesures que l’on prenait (cf. Oberaden et Marktbreit).
745L’absence de bâtiments militaires spécifiques, les portiques le long des rues qui appartiennent à l’architecture civile, les annexes du bâtiment central ne placent pas Waldgirmes dans la série des camps militaires. Le matériel, qui n’est pas non plus caractéristique de ce milieu, souligne au contraire la fonction essentiellement civile de ce site.
746bibliographie [2004]
Becker 2000 ; Becker & Rasbach 1998 ; Becker & Rasbach 2003 ; Schnurbein 2003.
Langmauer
Rhénanie-Palatinat, Allemagne
747R. BRULET
748Un ouvrage particulier mais de grande envergure, attaché à l’Antiquité tardive, se démarque dans la région trévire, en milieu rural. Il s’agit d’une enceinte dite Langmauer, courant dans la campagne, au nord de Trêves, et enfermant un espace d’environ 220 km2 (fig. 346).

FIG. 346
Carte topographique du Langmauer (Gilles 1983, 336).
749La muraille a une longueur de 72 km. Elle n’est pas toujours en bon état de conservation mais on l’estime épaisse de 0,65 à 0,90 m à l’origine, sur une hauteur probable de 2 m. Elle repose sur des fondations en pierres sèches, voire même sur des blocs issus de monuments. Elle est renforcée de-ci de-là par des contreforts qui se présentent de façon alternée de chaque côté du mur. Ces piliers ont 0,40 m de long et 0,55 m de large.
750Les inscriptions qui datent cette structure évoquent des soldats de la première légion pour la construction. Sans être de qualité militaire, cette muraille a certes été élevée avec le concours de l’armée parce qu’elle a dû entourer une propriété foncière impériale.
751La chronologie nous est révélée par deux inscriptions qui signalent la fin de la construction d’une partie de ce mur. Elles datent manifestement de la période Valentinienne.
752bibliographie [2004]
Gilles 1983.
Larçay/La Tour
Indre-et-Loire, France
753M. REDDÉ
754Le castellum de Larçay, au lieu-dit La Tour, est installé sur un escarpement crayeux de la rive gauche du Cher, à une dizaine de kilomètres à l’est de Tours. Différents tronçons de murs, englobés dans les constructions modernes, permettent de reconstituer le plan du fortin (fig. 347). La courtine et les tours subsistent par endroits sur une hauteur de 5 à 6 m.

FIG. 347
Larcay/La Tour. Plan du castellum (Wood 1997, fig. 1).
755L’enceinte forme un trapèze irrégulier de 66-73 x 55-56 m environ, de rempart à rempart, soit environ 0,38 ha. La courtine est flanquée de tours en forme de demi-cercle, outrepassé aux angles sud-est et sud-ouest ; six d’entre elles sont préservées. Les tours d’angle de la face sud et celles qui flanquent le milieu des faces est et ouest présentent un diamètre de 8-9 m ; la tour d’angle nord-est semble plus petite (6 m). On reconnaît enfin une petite tour en U, sur la face sud, où l’on restitue une porte. Un sondage effectué au flanc de la courtine méridionale semble avoir révélé une tour symétrique. L’angle nord-ouest et la courtine nord sont détruits. Les tours des faces est et ouest ne sont pas liaisonnées avec le rempart.
756L’enceinte est en petit appareil avec cordons de briques mais, pour l’essentiel, le parement fait aujourd’hui défaut (fig. 348). On a remarqué, au sud-est, que la fondation reposait sur des fûts de colonnes sciés dans le sens de la longueur et posés alternativement sur la face plane et la face concave. Rien ne vient, aujourd’hui, étayer une datation du castellum, si ce n’est la présence de constructions du Haut-Empire sous les niveaux tardifs. L’absence de matériel contemporain de l’occupation du fortin a conduit le dernier fouilleur à considérer, peut-être un peu rapidement, que cette fortification n’a pas vraiment servi.

FIG. 348
Larcay. a Vue de la courtine orientale du fort ; b Détail de l’appareil de la tour sud-est.
photo G. Reddé.
757bibliographie [2004]
Caumont 1856 ; Wood 1985 ; Wood 1988 ; Wood 1997.
758Liberchies → Pont-à-Celles
Liercourt
Somme, France (carte fig. 2)
759M. REDDÉ
760Au pied de l’oppidum des Catelis, à cheval sur les communes de Liercourt et Erondelle, dans la Somme, les prospections aériennes de R. Agache ont révélé un ensemble polygonal d’environ 650 x 430 m, qui s’appuie sur la levée de terre de l’oppidum (fig. 349). Vers l’est et au sud-est apparaît un double fossé, en forme de V à l’extérieur, à fond plat vers l’intérieur, que R. Agache considère comme un chemin d’accès à l’oppidum. On voit au nord-est un autre fossé double qui n’a pas été fouillé. Divers sondages à l’intérieur du retranchement ont révélé plusieurs fosses ou fossés, sans qu’apparaisse pour l’instant un plan cohérent. Le matériel recueilli est, en majorité, datable de la fin de la période de l’indépendance, mais quelques tessons gallo-romains sont apparus. J.K. Saint-Joseph avait émis l’hypothèse d’un ouvrage de siège, tandis que R. Agache préfère reconnaître, à Liercourt-Érondelle, un camp d’auxiliaires, daté de la campagne de 54 et lié au débarquement de Bretagne, les bateaux ayant pu être construits au bord de la petite rivière toute proche. Les troupes romaines, pour leur part, auraient cantonné sur l’oppidum. On ne saurait toutefois être certain ni de la fonction, ni de la datation exacte de ces vestiges. La forme ne fait pas spécialement penser à un camp romain, même pour l’époque de la conquête, et le profil en V des fossés ne suffit pas à authentifier le caractère militaire du site. Toutefois, le parallèle de La Chaussée-Tirancourt, toute proche, invite à la prudence.

FIG. 349
Liercourt. Plan général des structures romaines au pied de l’oppidum des Câtelis (Agache 1978, 221, fig. 7).
761bibliographie [2004]
Agache 1978,207-244; St. Joseph 1962.
Lützelbach/Lützelbacher
Bannholz Hesse, Allemagne (carte fig. 7)
762E. SCHALLMAYER
763À environ 2 km à l’est de Lützelbach et à peu près 750 m au sud du camp de numerus du même nom se trouve la tour de garde 10/8 Lützelbacher Bannholz. Le site est composé de trois dispositifs, deux tours en bois A et B et une tour en pierre C (fig. 350). Lors des fouilles réalisées au tournant du siècle dernier, les vestiges d’une clôture qui semblait avoir entouré l’ensemble des tours à un écart variable ont été constatés. Il existait par ailleurs un foyer à environ 25 m à l’est de la tour B, directement derrière la palissade qui, en passant dans une direction nord-sud, coupait à cet endroit le reste de la clôture. Les résultats des fouilles pratiquées à la fin du siècle dernier permettent de reconnaître la succession chronologique des bâtiments.

FIG. 350
Lützelbach/Lützelbacher Bannholz. Le dispositif fortifié du poste de garde 10/8 (Schallmayer 1984a, d’après ORL A, Sfr. 10, pl. 3).
764La tour A (fig. 351) constitue l’édifice le plus ancien. Il s’agit d’une construction en pierres sèches encore en élévation sur trois à quatre assises, de plan pratiquement carré de 5,60 à 5,80 m de côté, avec dans les coins des angles droits rentrants. Ces places laissées libres, ainsi que les fosses de 1,30 m de profondeur se trouvant en dessous, recevaient les poteaux tuteurs pour la construction supérieure de la tour. La maçonnerie en pierres sèches n’a pas pu être saisie dans toute sa largeur ; elle ne présentait cependant aucune cavité. Le rez-de-chaussée de la tour était construit en dur. Des débris calcinés à l’intérieur et à l’extérieur prouvent que la tour avait été érigée selon la technique de construction en pans de bois avec remplissage de torchis et qu’elle a été la proie d’un incendie. La tour est entourée à un intervalle irrégulier de 3 à 4 m d’un fossé en V mesurant jusqu’à 5 m de largeur et 2 m de profondeur. Le diamètre du fossé circulaire s’élève à 16,80 m jusqu’à 17,50 m de base à base et de 24 à 25 m en mesurant depuis les bords extérieurs. Il était très détrempé et présentait, au niveau de sa base, une rigole de 0,20 m de large profondément entaillée, dans laquelle se trouvaient du charbon de bois et de la terre noire. Le fouilleur a cru reconnaître là les restes d’une rangée compacte de poteaux ronds en bois de chêne, d’un diamètre de 0,20 à 0,30 m, ce qui est à exclure. À la tour A appartenait en revanche la clôture entourant à un intervalle irrégulier l’ensemble du site. Cela se voit au fait que la clôture était en contact avec le fossé circulaire de la tour B. Trois entrées pavées conduisaient à l’intérieur de l’aire de 62 m environ de longueur et 55 m de largeur délimitée par la clôture, à l’ouest, au sud-est et au nord. La clôture a servi visiblement de protection supplémentaire à la tour en bois A jusqu’à l’érection de la palissade du limes.

FIG. 351
Lützelbach/Lützelbacher Bannholz. Les trois tours successives du poste de garde 10/8 (Schallmayer 1984a, 31, fig. 18-20).
765La tour B a été construite après la destruction par incendie de la tour A. Ses fondations étaient constituées d’un massif carré de maçonnerie en pierres sèches de 0,80 m d’épaisseur et de 5,10 à 5,30 m de côté. Le revêtement extérieur était composé de moellons de grès taillés soigneusement, tels qu’on peut également les voir sur les tours en pierre. Dans les angles des murs se trouvaient à nouveau des réserves destinées aux poteaux d’angle de 0,30 m de côté, qui s’enfonçaient de 1,30 m dans le sol et étaient calés avec des pierres plates. À l’intérieur de la tour, il y avait une couche de terre glaise battue de 5 cm d’épaisseur. Les cavités destinées aux poteaux de bois n’ont pas été observées, bien que le mur était encore conservé sur une hauteur de trois assises. La tour s’élève dans la partie sud-ouest de la plate-forme délimitée par le fossé, plate-forme qui était empierrée jusqu’à l’intérieur du fossé. Le fossé présentait une profondeur semblable à celui de la tour A mais était taluté plus à pic. Il entoure la tour sur un plan annulaire à intervalle irrégulier avec un diamètre de 17 à 18 m en mesurant depuis la base et de 25,50 m de bord à bord. Au fond du fossé ont dû également apparaître les restes de poteaux en bois.
766La tour C, s’élevant au centre plus à l’est, devant les deux tours en bois plus anciennes, est, elle, une tour en pierre de 5,60 m de longueur et de 5,20 m de largeur qui, par son côté est, était orientée parallèlement au tracé du limes. L’ouvrage était constitué de moellons très soigneusement équarris, formant un appareil compact. À l’intérieur de la tour est apparue une couche d’argile battue de couleur rouge. Le fossé circulaire manque. A environ 7 m à l’est de la tour en pierre passe la voie longeant le limes de direction nord-sud et dotée d’un soubassement de 5,50 m de large.
767Dans la mesure où une élévation de terrain existe entre le poste de garde 10/8 Lützelbacher Bannholz et la tour suivante 10/9 Breitenbrunner Bannholz, les deux tours devaient être d’au moins 7,60 m de hauteur, en admettant que le contact visuel se faisait aux niveaux supérieurs des édifices. Les tours de guet en bois disposaient d’un soubassement construit en dur, non accessible, sur lequel étaient érigés deux niveaux. La construction en dur du soubassement a été attestée par plusieurs observations faites en fouilles. Le mur en pierres sèches était doté en conséquence de cavités dans lesquelles des poteaux avaient été autrefois introduits horizontalement et en croix. On avait comblé les espaces intermédiaires de la grille avec des pierres, de la terre et du torchis. Une opération de creusement sous la tour, dont l’entrée se trouvait au premier niveau supérieur, n’était ainsi pas possible. Même si aucune cavité destinée aux poteaux n’a pu être constatée au niveau des murs en pierres sèches conservés ici dans une infime partie, la reconstitution d’un rez-de-chaussée construit en dur de la manière citée plus haut doit être également envisagée dans le cas du poste de garde 10/8 Lützelbacher Bannholz. Les deux niveaux supérieurs ont pu être érigés selon la technique de la construction en bois et pans de bois, clouée avec des planches et des bardeaux ou revêtue de torchis. Le toit était couvert de bardeaux. Alors que le premier étage était occupé par un dortoir, l’étage supérieur abritait la salle de garde. Là se trouvaient des doubles fenêtres séparées par des montants en bois.
768Les tours en pierre présentaient trois niveaux dont le rez-de-chaussée, sans doute utilisé comme chambre à provisions, était accessible depuis l’intérieur de l’édifice. L’entrée de la tour elle-même se situait à nouveau au premier étage, où se trouvait le dortoir pour le personnel de garde. Le deuxième étage accueillait aussi la salle de garde, à l’intérieur de laquelle on peut également envisager la reconstitution de doubles fenêtres, séparées par des montants en pierre dont la forme semble bien s’inspirer de celle des montants de fenêtres des tours en bois. Des fragments d’architecture retrouvés à l’occasion des fouilles prouvent que les tours en pierres possédaient souvent un soubassement taluté, que leur façade était rythmée par des bandeaux moulurés et que les baies des portes et des fenêtres étaient surmontées de voûtes à lunettes. En règle générale, les tours en pierre étaient également couvertes de bardeaux. Seules certaines tours qui avaient une fonction particulière possédaient un toit en tuiles.
769bibliographie [2004]
Baatz 1973b; ORL A, 10, 17-20,42-44; Schallmayer 1984a.
Maastricht
Limbourg, Pays-Bas (carte fig. 12)
770T.A.S. M. PANHUYSEN
771Le nom de la ville n’est pas connu dans les sources antiques. Tacite (Histoires IV, 66) cite un pons Mosae fluminis qu’il est possible de localiser ici. Ce n’est qu’au vie s. que la ville est ensuite mentionnée par Grégoire de Tours sous l’appellation urbs Treiectinsis et Triiectens (Hist. Franc. II, 5 et Liber, mirac. VIII, 71). Maastricht appartient à la civitas Tungrorum, dont le chef-lieu, Tongres, se situait à seulement 15 km de distance sur le Geer. Maastricht s’est élevé sur la rive gauche, en partie marécageuse, de la Meuse, à l’endroit où la plus ancienne voie romaine venant du sud et plus tard la grande route militaire Bavai-Tongres-Cologne franchissaient le fleuve, grâce à un pont qui existait depuis la première moitié du ier s. (date dendrochronologique). Un vicus s’est développé à cet emplacement dès l’époque augustéenne, mais il n’existe alors aucun indice d’une présence militaire. Plusieurs édifices en pierre de relativement grandes dimensions sont connus. Des traces de remploi des anciens monuments (tours, piliers funéraires) semblent prouver que ces derniers ont servi, en toute hâte et sans ordre véritable, à l’érection de dispositifs défensifs au moment des invasions du iiie s. Le terrain fut complètement aplani au ive s. et on éleva une forteresse qui fut utilisée de manière intensive jusqu’au ve s.
772L’intérêt pour le passé romain de la ville ne date que du xixe s. La première fouille archéologique fut exécutée en 1840 ; d’autres recherches sur la fortification du ive s. eurent lieu de 1918 à 1926, sous la direction de W. Goossens. De 1951 à 1974, le Service national de l’archéologie (ROB) a pu organiser de nombreuses fouilles (J.E. Bogaers, puis J.H.F. Bloemers). Depuis 1979, tous les travaux d’urbanisme sont surveillés par la section d’archéologie urbaine de la commune de Maastricht (T.A.S.M. Panhuysen).
773La forteresse construite sur la rive gauche de la Meuse, au ive s., est pratiquement rectangulaire (170 x 90 m, soit 1,5 ha) (fig. 352) ; elle est protégée par un mur d’enceinte en petit appareil doté, tous les 40 m, de dix tours circulaires saillant de moitié, ainsi que d’un fossé (ou peut-être deux). La fortification est divisée en deux par la voie militaire Bavai-Cologne et contrôle le pont sur la Meuse.

FIG. 352
Maastricht. Plan de la fortification tardive, état des recherches en 2004 (commune de Maastricht.
dessin G. Veldman, R.P. Reijnen.
774La façade occidentale, divisée en quatre sections, montre deux brisures vers le nord et le sud, avant les tours d’angle. On doit s’attendre à trouver la même disposition vers l’angle sud-est, du côté du fleuve, où le mur a dû s’adapter au tracé de la rive. Le sol antique se situe à 3 m au-dessous du niveau des routes contemporaines, ce qui a permis une bonne conservation de la muraille.
775La maçonnerie, régulière, est composée de deux revêtements en petit appareil pour lesquels on a essentiellement utilisé du grès carbonifère d’Ardenne (fig. 353). Le mur en élévation au-dessus des ressauts a une épaisseur de 1,40 à 1,53 m. En aucun endroit les fondations ne présentent une largeur supérieure à 2,30 m. Sur le côté, en direction des terres, le mur est doté, à environ 60 cm au-dessus de sa base, d’un arrondi composé de trois assises de pierres, formant une saillie de 10 cm. Un ressaut de presque 30 cm de large se trouvait encore sous le niveau du sol antique.

FIG. 353
Maastricht. Systèmes d’appareil et de fondations de la forteresse tardive (en haut à gauche et au milieu) et de l’horreum (en haut à droite et en bas) (commune de Maastricht).
dessin G. Veldman, R.P. Reijnen.
776En direction de la ville, on a pu observer partout dans la maçonnerie trois ou quatre ressauts verticaux dont seul le plus élevé était encore visible après l’achèvement de la fortification. Les fondations présentaient une épaisseur maximale de 1 m et étaient constituées essentiellement de morceaux de silex local ainsi que de gravats de construction. Le long de la Meuse et du Geer, le sol avait été renforcé sous le mur, à une altitude de 45 m au-dessus du niveau de la mer, par des pieux en chêne enfoncés dans la terre.
777Les quatre tours (fig. 354) fouillées présentent des diamètres différents (8-9 m) ; la largeur de leur mur varie entre 1,20 et 1,45 m. La tour située sur le mur oriental de la fortification au niveau de la Houtmaas montre sur le côté du fleuve une poterne légèrement déviée par rapport à l’axe médian de la tour, en direction du sud. La tour –ainsi que les autres éléments contigus au mur d’enceinte– repose sur des pilotis entre lesquels des pierres ont été jetées. La partie inférieure de la tour est composée de lourds blocs de calcaire houiller en opus quadratum. Les ressauts verticaux sont absents. Le reste du mur montre la technique habituelle de construction avec revêtement en petit appareil et alternance d’assises continues doubles de lateres et tegulae. Le mur oriental s’est effondré et présente de nombreuses fissures, car les dépôts fluviaux ainsi que les remblais constituaient le long des rives de la Meuse un sous-sol bien trop mou pour une construction aussi lourde.

FIG. 354
Maastricht. Vue en écorché de la construction des tours du Houtmaas, regardant la Meuse (commune de Maastricht).
dessin G. Veldman, R.P. Reijnen.
778La porte d’enceinte occidentale (fig. 355) est composée de deux tours massives rectangulaires (7 x 3,20 m) qui flanquent un passage simple de 3,40 m de largeur. Ces tours débordent de 2 m par rapport à l’alignement du mur, côté intérieur du camp, et de 3,70 m côté extérieur. La partie inférieure de la porte est composée de grandes pierres d’opus quadratum, reliées entre elle par des agrafes de fer, sans mortier. Une mouluration concave en quart de rond court au pied de la tour. Les différents types de pierre employés (calcaire jurassique, calcaire houiller, calcaire crayeux de Maastricht, tuf) et la préexistence de fragments de constructions plus anciennes prouvent que la porte a été construite en grande partie à partir de spolia.

FIG. 355
Maastricht. Plan de la porte occidentale de la fortification tardive (commune de Maastricht.
dessin G. Veldman, R.P. Reijnen.
779Un seul fossé d’enceinte a été attesté. Celui-ci présente un versant externe très évasé et un versant interne abrupt doté d’une sorte de replat. La largeur de la berme, sur le côté occidental de la fortification, s’élevait à 6 m. Le fossé avait à cet endroit une largeur d’environ 9 m. Le fond du fossé se situait à 3,80 m sous la base du mur d’enceinte. En 1981-1982, une profondeur réduite (2,60 m) a pu être observée sur le côté méridional dans une zone basse située le long du Geer, suffisante cependant pour pouvoir recevoir l’eau du fleuve.
780Les coupes réalisées lors des fouilles sur le côté ouest de la fortification (1992) ont montré deux phases d’utilisation du fossé au cours du iv s. Peu après 390, des gravats provenant de réparations sur le mur d’enceinte ont été ensevelis à l’intérieur du talus oriental du fossé, remblayé. Le fossé nouvellement creusé à l’époque était moins large et profond seulement de 3 m. Vers le milieu du ve s., le fossé fut entièrement comblé à l’angle nord-ouest de l’enceinte.
781Au sud de la voie principale se situe un bâtiment rectangulaire d’orientation est-ouest que l’on peut identifier comme un horreum. En raison de la stratigraphie et des fortes concordances de technique de construction et d’aspect de la maçonnerie avec celle du mur d’enceinte, cet édifice doit appartenir aux bâtiments de la fortification tardive. Les dimensions extérieures sont de 32,42 x 16,82 m. Le mur en élévation présente une largeur de 76 cm et montre un type de construction pratiquement identique à celui des dispositifs défensifs. On trouve ici également, un demi-mètre au-dessus du ressaut, une assise de moellons en opus spicatum. Cette technique n’a par ailleurs été employée à Maastricht qu’au niveau des fondations. L’emploi de rangées de spolia à l’intérieur et le long de la façade occidentale du bâtiment est tellement remarquable qu’on a cru pouvoir identifier l’édifice à une église. Deux rangées de pierres remployées, disposées à intervalles réguliers (3,06 m de centre à centre), divisent le bâtiment en trois nefs de largeur identique (5 m). On y a vu longtemps des supports de colonnes pour une église. En réalité, l’étude des niveaux archéologiques montre qu’il s’agit des supports d’un plancher suspendu, pour un grenier à céréales.
782Une construction absidiale située près du mur d’enceinte nord a été dégagée en différents endroits (1953, 1963 et 1993). Il s’agit d’un bâtiment orienté nord-sud, d’une largeur de presque 9 m, composé de deux salles et disposant sur le côté méridional de deux absides. La salle orientale avait une largeur de 3,20 m et présentait à l’origine une longueur de 11 m. La longueur a été portée à 14 m au moyen d’une adjonction. La pièce occidentale avait une longueur unique de 24 m. Les deux absides avaient une profondeur de 1,80 m et se caractérisaient par la qualité particulièrement mauvaise de leur maçonnerie. On y a découvert un hypocauste, dont la partie inférieure suivait l’inclinaison naturelle du terrain. La suspensura se situait en moyenne 1 m plus haut. D’après les découvertes effectuées lors de la fouille de 1993, ce bâtiment a été érigé dans les années 40 du ive s. ou même plus tard. L’adjonction a été réalisée peu après 380. L’édifice a été complètement détruit autour de 400.
783Ammien (XVII, 2) mentionne deux forteresses situées sur la Meuse dans les environs de Juliers (Iuliacum) : ... quod Mosa fluvius praeterlambit. On peut en conclure que l’installation de Maastricht avait son équivalent sur la rive orientale, à Wyck, mais sa position exacte et sa nature demeurent inconnues car les découvertes tardo-antiques sont rares à Wyck. On soulignera en revanche l’importance du pont à cet endroit.
784Il existe une série d’estampilles de briques qui, à l’exception des marques de la classis Germanica et du type VEXEXGER, semblent toutes être issues de briqueteries privées : AAF, CEC, CTEC, LCS, MEF, MFF, MHF et TRPS.
785Une datation de la fortification sous le règne de Constantin I a pu être proposée grâce aux résultats des examens dendrochronologiques. C’est en effet au printemps 333 qu’ont été coupés les sept pilotis retrouvés sous la tour de la Houtmaas.
786bibliographie [2004]
Gauthier et al. 2002 ; Panhuysen 1996
787Mainz → Mayence
Maldegem/Vake
Flandre orientale, Belgique
788H. THOEN
789Le castellum de Maldegem/Vake est situé à 6 km au sud du site romain d’Aardenburg (Pays-Bas), non loin de la frontière belgo-hollandaise. Le camp fut édifié sur une crête sablonneuse, en bordure d’une zone humide formant la transition avec la plaine maritime de l’époque. La découverte est due à la prospection aérienne (J. Semey). Le secteur est, soit un tiers de la superficie totale, a été examiné systématiquement entre 1984 et 1992.
790Occupant une superficie totale de 2,48 ha, le camp montre un plan carré parfait de 157,5 m, soit 500 pieds (pedes monetales) de côté (extérieur), et de 114,5 m, soit 400 pieds de côté à l’intérieur (fig. 356).

FIG. 356
Maldegem/Vake : a plan général du fort (Thoen 1996, 257, fig. 4) ; b plan détaillé des baraquements (Thoen 1991, 191, fig. 6) ; c plan détaillé de la porte nord-est (Thoen 1996, 261, fig. 9).
791Le système défensif, large d’environ 21 m, a connu deux états et montre deux fossés en V, le rempart de terre et enfin l’intervallum avec la via sagularis. Les fossés mesuraient 3 m à 4,40 m de large pour une profondeur de 1,50 à 2 m. La levée de terre, d’une largeur de 6,40 m à la base, d’une largeur (reconstruite) de 2 m en haut et d’une hauteur (reconstituée) de 3 m, était couronnée d’une palissade en bois, intégrée au rempart. De nombreux clous et fragments de fer recueillis dans l’angle nord-est plaident pour la présence de tours en bois aux quatre angles du fortin, également incorporées dans le rempart.
792Fossés et rempart étaient interrompus juste au milieu, sur les quatre côtés du camp, et cela pour la construction des portes d’entrée. La seule porte fouillée dans le secteur oriental (porta decumana ?) montre un plan carré de 9 m de côté (ou 30 pieds). La porte même, de 3 m de large, était flanquée de deux tours de défense. Un titulum, d’une longueur de 13,80 m, d’une largeur de 4,40 m et d’une profondeur de 2 m, barrait l’accès de la porte, à 8,50 m en avant celle-ci.
793L’implantation systématique des constructions en bois apparaît nettement dans le secteur sud-est. Dans cette zone, trois baraquements ont été retrouvés, parmi lesquels on compte un bâtiment double (II) et deux bâtiments simples (I et III). Ils sont disposés parallèlement, avec un espacement de 2,50 m. Les bâtiments mesurent 33 x 6,50 m (le double baraquement II étant évidemment deux fois plus large). Les baraquements simples (I et III) sont construits suivant un module à une nef et toit à double pans ; ils peuvent être interprétés comme des casernements. Le bâtiment II présente une construction plus complexe : dans sa partie ouest, il est construit suivant le même module (casernement) ; dans sa partie orientale en revanche, une rangée de lourds poteaux porteurs dénote la fonction particulière de cette aile (écurie ?). Pour la zone fouillée, dix puits à eau ont été localisés, dont quatre ont été entièrement examinés. Ils sont tous du même type : de plan carré, à quatre piliers d’angle et cuvelage en bois d’aulne, cloué. Notons enfin la présence de grès panisélien portant des traces d’usure typiques et témoignant du fait que les chemins du camp étaient carrossables.
794La force casernée à Maldegem était très probablement une cohors equitata, donc une unité mixte composée de soldats d’infanterie et de cavaliers. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons savoir si le castellum de Maldegem abritait une cohors quingenaria equitata ou une cohors milliaria equitata, quoique théoriquement, la première entre le mieux en ligne de compte.
795L’examen des structures et notamment des fossés et baraquements ainsi que l’étude du matériel archéologique ont démontré que le camp de Maldegem n’a été occupé que quelques saisons, voire quelques années. Les quelques dizaines de monnaies datent des empereurs Trajan, Hadrien, Antonin le Pieux et Marc-Aurèle. La monnaie la plus récente est un sesterce de Marc-Aurèle, frappé en 170-171 à l’occasion de l’anniversaire de la première décennie de son règne. Elle fut retrouvée à la base du rempart, entre deux mottes de gazon, fournissant ainsi un terminus post quem précieux pour la fortification de Maldegem.
796Sur base de ces données historiques, la fortification peut être mise en relation avec les incursions de tribus germaniques sous Marc-Aurèle, et notamment les invasions des Chauques dans les années 172-174 de n.è., mentionnées dans la Vita de Didius Julianus, gouverneur résidant en Gaule Belgique à cette époque.
797bibliographie [1997]
Thoen 1988 ; Thoen 1991 ; Thoen 1996; Thoen & Vandermoere 1985 ; Thoen & Vandermoere 1986.
798Marienburg/ Marienberg → Cologne/Alteburg
Marktbreit
Bavière, Allemagne (carte fig. 3)
799M. PIETSCH
800Marktbreit se situe à 140 km à l’est de la base d’opération de Mayence, au piémont du Steigerwald, dans le “triangle du Main”. Le camp lui-même s’étend sur une colline plane, le Kapellenberg, au-dessus de la pittoresque petite ville de Marktbreit. Placé sur une rivière navigable, le site est relié à une ancienne voie de circulation vers le bassin de la Thuringe, et au-delà de la Bohême, et offre en même temps un large panorama sur la vallée du Main et sur le triangle du Main. Découvert en prospection aérienne en 1985, le site a pu être étudié grâce à une couverture aérienne systématique, une prospection magnétique de grande envergure et des fouilles localisées.
801Un fossé en V, sans trace de rempart associé, dans l’état actuel des connaissances, traverse le site et appartient sans doute à un camp précédent, occupé vraisemblablement pendant une durée limitée. À cette exception près, le plan de Marktbreit ne montre qu’une seule phase de construction (fig. 357).

FIG. 357
Marktbreit. Plan général des structures relevées par une combinaison de photographies aériennes, de prospections géophysiques et de fouilles : 1, 3‑5 fouilles du système défensif ; 2 casernements et magasin ; 6 porte sud ; 7 porte nord ; 9, 13, 15 bâtiments centraux ; 10, 11 baraques de centurions ; 12 emplacement probable de tentes ; 16 principia.
802Le plan polygonal, typique de l’époque augustéenne, est visiblement orienté en fonction de la topographie : d’un côté, au nord-ouest, le camp atteignait la rupture de pente abrupte en direction du Main ; de l’autre, il devait vraisemblablement inclure le point le plus élevé du terrain à l’est. Avec des dimensions moyennes de 750 x 500 m, soit environ 37 ha, c’est l’un des plus grands camps romains connus. Il ressemble d’une manière particulièrement frappante, par son tracé et ses dimensions, au camp de Mayence.
803L’enceinte est composée d’un mur en bois et terre d’une largeur moyenne de 3 m, portant vraisemblablement des tours, ainsi que de deux fossés en V allant jusqu’à 3,2 m de profondeur et 6,6 m de largeur. Sur les quatre portes d’enceinte qu’on attendrait, seules la porte sud (porta decumana) et la porte nord (porta principalis dextra) ont pu jusqu’à présent être découvertes et fouillées. Les deux portes sont placées légèrement en retrait au centre des flancs du castellum et sont manifestement orientées vers les bâtiments d’administration centraux, en raison de leurs tours, disposées en oblique. Elles présentent le plan caractéristique des installations augustéennes, avec une façade élargie, des tours en retrait qui forment une sorte de défilement resserré, avec deux passages. La porte d’enceinte du nord-est (fig. 358) est, avec cinq paires de poteaux de chaque côté, légèrement plus grande (24 x 8,5 m) que la porte sud (21,6 x 5,9 m). Le tracé en deux temps de la porte sud (fig. 359) nous donne enfin d’intéressantes informations sur le déroulement de la construction du camp : la première phase de construction s’oriente clairement sur le système de voirie orthogonal du camp et place exactement le point d’intersection de la via principalis et de la via praetoria devant l’entrée des principia. Avec un désaxement de 15°, cette construction de porte était visiblement trop oblique car on construisit un bâtiment intermédiaire qui ne déviait plus que de 5° de la perpendiculaire au mur d’enceinte.

FIG. 358
Marktbreit. Reconstitution de la porte sud.

FIG. 359
Marktbreit. Porte sud.
804A l’exception d’une adjonction au sud, les bâtiments centraux fouillés jusqu’à présent s’inscrivent dans quatre insulae de 200 pieds romains et sont entourés de voies d’au moins 9 m de large (fig. 360). Ces bâtiments possèdent des cours intérieures bordées d’une ou de plusieurs ailes de pièces, à la manière méditerranéenne. Comme à Hakern, Neuss et Oberaden, ils dévient de 1 à 2° de l’angle droit. Il s’agit de bâtiments reposant sur des poteaux : l’existence de presque tous les piliers porteurs a pu être attestée à l’intérieur des tranchées avec un rythme de 0,9 m. La découverte, en de multiples endroits, de clayonnages calcinés prouve enfin une construction en colombages pour l’élévation des murs.

FIG. 360
Marktbreit. Plan des principia (Pietsch 1993, fig. 1).
805Au point d’intersection des deux voies principales du camp, dont les axes sont commandés par les portes d’enceinte obliques, apparaît l’entrée des principia qui forme une saillie remarquable sur la via principalis. Si l’on admet une largeur de rue de 20 m, telle qu’elle est préconisée par Hygin, l’emplacement de la groma doit se situer dans le secteur des deux poteaux avant. Le plan est typique des principia augustéens. Il ressemble de manière frappante, par sa forme et ses dimensions, au plan des principia de Haltern, phase 2. Derrière l’entrée, un passage qui conserve la même largeur (5,4 m) dans tout l’axe des principia donne accès à une grande cour péristyle (40 x 31 m), à une salle transversale à deux nefs (I), puis à l’aile postérieure. La pièce située à l’extrémité gauche de la salle transversale avait sans aucun doute une importance particulière : son entrée large et ses profondes fondations permettent de l’identifier au tribunal de la basilica. Une interprétation comme chapelle aux enseignes, qui est le cas des salles similaires de Vetera I, est beaucoup moins vraisemblable à Markbreit. Les fondations rectilignes, régulièrement disposées, de banquettes et d’un podium viennent appuyer cette interprétation. Les seules pièces des principia se situent dans l’aile postérieure, derrière le tribunal. Par leur large ouverture, les quatre pièces intérieures peuvent être identifiées non pas comme salles administratives, mais bien plus comme salles de représentation et salles de culte. À la place du sanctuaire des enseignes apparaît un couloir. Celui-ci se poursuit sous la forme d’un passage couvert au-delà de la via quintana et constitue ainsi une liaison architecturale et fonctionnelle avec les édifices placés à l’arrière. Les salles de service qui manquent dans les principia devraient pouvoir être recherchées dans cette dernière zone.
806Dans les camps de légions, le praetorium se situe la plupart du temps derrière les principia. Malgré un plan très clair, le bâtiment II n’apparaît pas sous une forme identique dans les autres camps augustéens ou impériaux. Certes, le hall d’entrée pratiquement carré, la cour à péristyle et la salle d’apparat, dans l’axe du bâtiment, sont caractéristiques d’une habitation privée. Mais l’édifice apparaît un peu petit pour le domicile de fonction d’un commandant de légion et les quatre rangées de pièces, disposées de manière systématique, ne correspondent pas non plus aux besoins particuliers d’un légat de légion. Peut-être trouvait-on dans cette aile du bâtiment des pièces de service, ou bien une partie de la garde ou encore, comme le dit le Ps.-Hygin, d’autres soldats détachés auprès de l’état-major. On ne peut donc pas attribuer de caractère privé à cette maison. On aimerait également supposer la présence dans cet édifice (praetorium) de la chapelle aux enseignes, qui fait jusqu’à présent défaut, et la reconnaître dans la pièce d’apparat aux fondations profondes située à l’extrémité de l’axe majeur des deux bâtiments, qui s’étend sur plus de 100 m de long.
807Cette nouvelle interprétation de l’ensemble principia/praetorium s’explique par leur développement depuis les camps de marche républicains, à une époque où les principia n’existaient pas encore en tant qu’édifice propre. Dans le cas de Marktbreit et des autres principia augustéens, nous pouvons saisir le moment où l’édifice des principia est déjà établi mais où les fonctions administratives résident encore en grande partie dans le praetorium. Le véritable bâtiment privé destiné au logement du légat doit se trouver par conséquent à un autre endroit, par exemple dans l’une des grandes constructions d’habitation. Le bâtiment situé immédiatement à l’est (III) ressemble beaucoup par sa disposition au praetorium. On accède à une grande cour après être entré dans un hall d’apparat avec portique à quatre poteaux. La symétrie usuelle dans les constructions romaines n’apparaît pas dans le bâtiment qui vient ensuite vers l’est (IV). La disposition intérieure irrégulière ainsi que l’orientation évidente du bâtiment par rapport à la maison voisine laissent penser à une adjonction à la maison III. Il manque cependant au bâtiment III les pièces d’habitation, une cour à péristyle entourée de portiques et une salle d’apparat à l’extrémité de l’axe médian. Si l’on en croit les écrivains militaires romains, il pourrait s’agir, avec son magasin, ses deux caves et la nouvelle construction (IV) d’une sorte de quaestorium ou bien du bâtiment de fonction du préfet de légion.
808Les cours à péristyle (V et VI) entourées de séries irrégulières de salles sont caractéristiques de bâtiments d’habitation. Un triclinium et des latrines dans le bâtiment V confortent cette interprétation. Aucune entrée orientée par rapport à un axe n’a pu cependant être repérée dans ces deux bâtiments, construits à proximité immédiate l’un de l’autre. De plus, l’avancée du tribunal des principia à l’intérieur du bâtiment V et l’extrémité orientale peu harmonieuse du bâtiment VI incitent à penser qu’il s’agit ici des parties périphériques d’un grand complexe d’habitation, qui n’est pas rare dans les camps augustéens.
809Dans l’espace libre de 12 m entre le bâtiment VI et les principia (I) apparaissent trois rangées régulières de cinq gros poteaux, en partie doublés. Le vestige très arasé d’une tranchée de fondation à proximité du mur des principia pourrait laisser croire que la colonnade était entièrement ou en partie entourée. Il pourrait s’agir ici, comme dans le cas analogue de Haltern, d’un bâtiment à vocation d’entrepôt, peut-être un armamentarium.
810Un bâtiment à fonction économique a pu être dégagé dans le secteur périphérique du camp (fig. 361). Il est composé dans sa partie centrale (25 x 21 m) de deux salles présentant des rangées de poteaux de grandes dimensions et serrés, ainsi que de quatre autres pièces avec sablières et solives transversales permettant l’aération du plancher par le bas. Un four en pierre et tuiles d’argile –la seule construction en pierre du camp jusqu’à présent– fait suite au nord-est. Au moins trois contreforts et des fondations qui atteignent 1,70 m de profondeur laissent croire à un édifice très stable, peut-être même à plusieurs étages. En faisait partie une annexe qui comprenait une cour à portique. Bien que les découvertes à l’appui de cette interprétation fassent défaut, il s’agit vraisemblablement d’un entrepôt avec dispositif de séchage et de chauffage, ainsi peut-être, dans le cas de l’annexe, que d’installations pour les bêtes de somme de la légion.

FIG. 361
Marktbreit. Le magasin et ses dépendances.
811Dans le même secteur a pu être dégagée l’extrémité, exceptionnellement grande (18,5 x 15,5 m), d’un casernement, avec portique antérieur (fig. 357, 2). Ce secteur est en outre très intéressant dans la mesure où trois phases de construction sont ici documentées : elles montrent une utilisation avant la construction principale, en rapport sans doute avec le petit camp antérieur ; les fondations, solidement établies, du bâtiment de tête passent au-dessus d’un égout ; celui-ci coupe à son tour un four qui appartient à une série de six éléments identiques.
812Si ce camp de 37 ha hébergeait effectivement une garnison de deux légions, le secteur périphérique doit, comme dans les autres camps de légion, avoir été couvert de baraquements pour les troupes. D’autres traces de ce type de construction sont apparues au magnétomètre à l’ouest de la porte méridionale. On constate à cet endroit la présence de trois bâtiments pratiquement carrés (9 x 9 m) s’encastrant les uns dans les autres. Ils sont disposés en équerre les uns par rapport aux autres de manière, d’une part, à être orientés par rapport aux deux axes principaux du camp, et d’autre part à être accessibles jusqu’à la via sagularis qui limite l’édifice au sud. Les traces de véritables baraques sous forme de tranchées, de rangées de poteaux ou de fosses manquent totalement ; ces fragiles constructions en bois ont vraisemblablement été victimes de l’érosion.
813Si ces éléments prouvent la possibilité de logement d’au moins une demi-cohorte, les véritables questions concernant l’organisation et l’effectif de la troupe stationnée à Marktbreit ne pourront être abordées qu’après l’exécution de nouvelles fouilles.
814En dépit d’une étonnante pauvreté de matériel, le camp a pu être daté de l’horizon de Haltern (de 7 av. J.-C., au plus tôt, à 9 ap. J.-C.), en particulier grâce à quelques as de Nîmes et de Lyon, ainsi que d’un sceau d’Ateius. L’extrême rareté du matériel et la nature des découvertes laissent cependant croire que ce camp de 37 ha n’a jamais été occupé au maximum de ses capacités ou pendant une période relativement longue. Sa conception architecturale évoluée et ses traces d’occupation montrent cependant que ce camp avait été conçu comme camp permanent avec une mission politico-militaire précise. Seules des fouilles de grande envergure pourraient préciser jusqu’à quel point cette mission a été menée ou bien si elle a été abandonnée. La présence d’unités légionnaires et de troupes auxiliaires germaniques a pu être attestée grâce au matériel.
815La situation géographique du camp et les sources historiques ne laissent pas de doute quant à la mission de ce camp de légion : renforcer le pouvoir romain dans une zone, la rive droite du Rhin, où son influence revêt des formes qui nous restent, aujourd’hui encore, inconnues ; surtout, organiser un camp d’étape important, si ce n’est pas le plus important, pour la campagne soigneusement préparée contre les Marcomans de Bohême, en 6 ap. J.-C. Le fait que cette campagne n’ait pas débouché sur une victoire, sur l’occupation et la transformation du territoire en province romaine de Marcomannia, a retiré au camp de Marktbreit une importance temporairement surdimensionnée. On comprend ainsi l’écart entre une installation de grande ampleur et l’absence de traces d’une occupation correspondante.
816bibliographie [2004]
Pietsch 1993 ; Pietsch 1995 ; Pietsch et al. 1991 .
817Mauchamp → Berry-au-Lac
Mayence
Mogontiacum
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (cartes fig. 3, 5, 6, 7, 8 et 13)
818M. WITTEYER
819La place militaire de Mayence, du point de vue géographique, occupe une position centrale, à l’extrémité nord du Rhin supérieur, juste avant le rétrécissement de la vallée dans la “trouée héroïque”, et en face de l’embouchure du Main (fig. 362). On y rencontre plusieurs installations antiques : sur la rive gauche, un camp légionnaire double, placé sur la hauteur au nord-ouest du confluent, ainsi que plusieurs autres camps sur la même terrasse fluviale, à environ 3,5 km en amont, et des ports dans la dépression située au pied du camp légionnaire ; vient enfin une autre installation militaire possible, à 2 km en aval (Dimesser Ort) ; sur la rive droite est implantée la tête de pont de Kastel (costellum Mattiacorum). Aucun de ces complexes antiques, aujourd’hui situés en zone urbaine et largement détruits par les fortifications modernes et leur exploitation comme carrières de pierres, n’a été complètement fouillé.

FIG. 362
Mayence. Plan général.
dessin M. Witteyer.
820C’est sous Domitien, vers 85, que les provinces de Germanie inférieure et de Germanie supérieure ont été créées et que Mayence, en sus de sa fonction militaire, a assumé aussi le rôle de capitale administrative. Les voies qui relient entre elles les différentes agglomérations de Mayence forment les principaux axes du réseau viaire. Pour relier Kastel existait tout d’abord un pont de bateaux, sans doute remplacé dès Tibère par un pont permanent. Sur le médaillon de Lyon, daté autour de 300, apparaissent le pont, la tête de pont et Mayence elle-même, désormais figurée comme une ville remparée. L’enceinte urbaine, archéologiquement attestée, comprend deux phases : la première muraille englobait l’ensemble de la zone habitée, depuis la basse plaine jusqu’aux collines, y compris le grand théâtre à la sortie sud de la ville. Les dates dendrochronologiques des pieux de fondation situent la construction vers le milieu du iiie s. Le tracé de la seconde phase est différent et la zone protégée sensiblement réduite. La nouvelle enceinte traverse désormais le camp légionnaire antérieur, après son abandon dans la seconde moitié du ive s.
Le camp légionnaire
821Les premières tentatives pour localiser le camp et déterminer son implantation remontent au xviiie s. Les plans réalisés à cette occasion révèlent les réflexions topographiques et les conceptions militaires de l’époque. C’est en 1910 que commencèrent les premières fouilles, alors que l’intérieur de la place-forte moderne commençait à être urbanisé. Les premières tranchées, de petite taille, permirent de saisir essentiellement le tracé de l’enceinte antique au sud-ouest et au sud-est, une partie des canabae et de la première muraille urbaine. Aujourd’hui encore, aucune fouille de grande ampleur n’a eu lieu dans le camp, de sorte que sa structure interne reste largement méconnue. Une fouille toute récente (2002-2003) a malgré tout permis de sonder la partie sud-ouest de la retentura et de mettre au jour des casernements (fig. 369). Ce sont les recherches de D. Baatz, en 1957-1958, qui ont permis de déterminer le phasage de la construction. Depuis, les travaux archéologiques ont permis de mettre au jour le tracé nord-ouest et de préciser la chronologie de la fin de l’occupation, pendant l’Antiquité tardive.
822Le camp, construit pour deux légions, est installé sur un escarpement qui l’entoure sur trois côtés. Sa forme polygonale enserre une superficie d’environ 36 ha et suit les courbes de niveau (fig. 363). La porte prétorienne est orientée au nord-est, vers le Rhin. La fondation remonte au moins à 13-12 av. J.-C., car il s’agit d’une des principales bases de départ pour les campagnes de Drusus. Conséquence de la révolte de Saturninus, le camp, un peu avant le tournant du second siècle, n’abrita plus qu’une seule légion, mais ceci n’entraîna pas la réduction de la surface de la forteresse, qui demeura inchangée jusqu’à sa destruction. L’enceinte resta par conséquent à peu près à la même place. Le seul changement intervint au nord-ouest, lors de la reconstruction en pierre. La première phase en dur était jusqu’ici considérée comme vespasianique, en raison des marques légionnaires inscrites dans la muraille. Des recherches récentes dans les canabae montrent qu’une date plus ancienne est envisageable, car là aussi des constructions en pierre de monuments officiels eurent lieu dans les années 30 du ier s. La détermination chronologique de la fin du camp repose sur la construction de la seconde enceinte urbaine qui traverse la praetentura (fig. 364) et sur une monnaie découverte sous la couche de démolition du rempart sud. D’une part, des segments de l’enceinte urbaine ainsi que la porte installée au croisement avec l’ancienne voie prétorienne sont construits avec des blocs de remploi provenant de l’ancien camp ; d’autre part, la muraille chevauche des caves appartenant à la période du camp et dont le comblement contient des monnaies de Magnence. Ainsi a-t-on pu croire jusqu’ici que l’abandon devait être mis en relation avec les terribles pertes subies par l’armée de Magnence à la bataille de Mursa (Osjek, Osijek), au cours de laquelle la légion de Mayence fut exterminée. Toutefois, la découverte d’une monnaie de Valentinien, datée des années 367-345, sous la couche de destruction du mur, atteste l’existence du camp dans la seconde moitié du ive s.

FIG. 363
Mayence. Plan de situation du camp légionnaire.

FIG. 364
Mayence. Enceinte tardo-antique de la ville et tour-porte. Au centre, dallage de la via praetoria.
823La première enceinte était constituée d’un mur de terre et de bois, large de 3 m, dont les poteaux, espacés de 1 m, étaient fondés dans un petit fossé. Après diverses réparations, le parement de bois, sur la face intérieure, fut remplacé par un talus en pente, sous Tibère. Les portes et les tours, à l’exception de la tour d’angle sud, fouillée en 1998, restent inconnues. Cette tour, formée de quatre poteaux (3,5 x 2,5 m), était insérée dans le corps du rempart (fig. 365). Sa face externe se trouve directement devant le mur en pierre postérieur.

FIG. 365
Mayence. Trous de poteau de la tour d’angle sud de l’enceinte de terre et de bois. À gauche, fondation du pilier de l’enceinte postérieure en pierre.
824La largeur du rempart en pierre était en moyenne de 1,4 m. Des modifications n’eurent lieu qu’après le milieu du second siècle (rempart 2) et après 200, peut-être même seulement au début du ive s. (rempart 3). Lors des fouilles de 1910 furent coupées la tour d’angle sud et peut-être aussi la tour de la porte sud-ouest, large de 10 m, et formant un rentrant de 8 m vers l’intérieur. L’emplacement de la porta praetoria semble avoir été découvert en 1842, sans qu’on en sache davantage. Des comparaisons architecturales, notamment avec l’“octogone” de Mayence, ont permis à H. Büsing de proposer une reconstitution de la porte (fig. 366), qui serait dotée d’un double passage, avec des tours de flanquement à plusieurs étages. Sa proposition a toutefois été critiquée.

FIG. 366
Mayence. Reconstruction de la porte prétorienne d’après H. Büsing. Le dessin des tours a été modifié.
825D. Baatz compte sept fossés devant l’enceinte, mais ceux-ci ne peuvent être aisément reliés aux différentes phases constructives. L’enceinte la plus ancienne semble n’avoir eu qu’un seul fossé, large de 6,5 m, devant une berme de 0,9 m. Un fossé en V (fossé 3), comblé au plus tôt sous Tibère, révèle une berme d’environ 6 m. Vers le milieu du ier s. fut creusé, pour quelques années, un second fossé à 23 m devant le rempart (fossé 4).
826Au plus tôt sous Vespasien, un second fossé en V (fossé 5), comblé peut-être vers le milieu ou dans la seconde moitié du iie s., recoupe l’ancien mur de terre et de bois. Il appartient sans doute à la première enceinte de pierre. À la phase suivante (rempart 2), postérieure au milieu du iie s., appartient le fossé 6. Le fossé le plus récent (7) recoupe celui-ci ; il semble avoir été creusé au plus tôt vers 200 et doit sans doute être mis en relation avec la dernière enceinte (rempart 3).
827Une tranchée de fouille effectuée en 1998 montre toutefois une autre situation. Le fossé le plus récent semble avoir eu une forme en fond de cuve. La présence, dans les couches inférieures de son comblement, de monnaies de Magnence prouve qu’il était ouvert jusque vers le milieu du ive s. Les tranchées effectuées par D. Baatz ne révèlent aucun parallèle et les autres fossés mis au jour dans ce sondage ne se laissent pas aisément corréler avec ceux que l’on connaissait déjà.
828Notre connaissance des aménagements intérieurs se limite à la via sagularis, large de 3 m, implantée à une douzaine de mètres derrière le rempart. Agrandie sous Tibère jusqu’à une largeur de 6,5 m, elle fut rechargée à de nombreuses reprises avec du gravier jusque dans l’Antiquité tardive. Dans l’intervallum apparaissent fosses et foyers jusqu’au pied du talus. Les restes de bâtiments mis au jour par D. Baatz sont trop sporadiques pour que l’on puisse déterminer un plan. Au début ne sont connus que des bâtiments construits exclusivement en bois (fig. 369) ; viennent ensuite des constructions en bois sur des socles de pierre ; à partir de Claude apparaissent des couvertures en tuiles. La reconstruction en pierre des constructions internes est contemporaine de celle de l’enceinte. C’est sans doute aussi au même moment que la via praetoria fut recouverte de grandes dalles de grès. Des principia sont surtout connus quelques beaux blocs ornés (fig. 367). Ce sont les thermes, dégagés entre 1901 et 1903, qui sont les mieux connus, même si le plan mélange des états différents, difficiles à distinguer dans le détail. Le balnéaire le plus ancien, large d’environ 40 m, comprenait un sudatorium, et ne fut construit qu’à partir du moment où le camp n’abritait plus qu’une seule légion. Il fut remplacé, au début du règne d’Hadrien, par un bâtiment neuf de 70 x 50 m, avec les salles disposées en ligne. Les dernières réparations semblent signées par une tuile au timbre de la legio XXII CV.

FIG. 367
Mayence. Bases de colonnes provenant des principia et figurant : a un légionnaire au combat ; b un signifer et un légionnaire ; c un légionnaire en armes ; d deux légionnaires au combat.
829Deux autres bâtiments de la praetentura, mal datés, ont conservé une partie de leurs murs et doivent sans doute être interprétés comme horreum ou fabrica. Cette dernière pourrait avoir remplacé un atelier plus ancien, dans la partie gauche de la praetentura. A 16 m de la via praetoria fonctionnait, à l’époque flavienne, un atelier de potier, fabriquant de la céramique commune. Un de ses fours fut découvert lors de la fouille de l’enceinte urbaine en 1988. Tout près de là apparaissaient des restes de travail du bois et du métal. Le comblement du four, daté de la fin de l’époque flavienne ou du début du règne de Trajan, pourrait indiquer une restructuration de l’espace interne du camp, au moment où celui-ci n’abritait plus qu’une légion. Les fouilles récentes dans la retentura (supra) attestent une restructuration de l’espace intérieur après la révolte de Saturninus (89 apr. J.-C.). Dans la phase primitive d’occupation du camp, existait une grande fabrica, avec de nombreux fours de métallurgistes, abandonnés à la fin du Ier siècle au profit des nouveaux casernements.
830L’alimentation en eau était assurée par un aqueduc, contemporain du camp en pierre, et dont les piliers sont encore conservés en grand nombre sous forme de noyaux de maçonnerie (fig. 368). La source, à 9 km de là, était captée par une conduite souterraine. La différence de niveau (25 m) était compensée par une rangée d’arcatures à deux étages, et la conduite, portée par une rangée de petits piliers, conduisait à un château d’eau, devant l’angle sud-est du camp, d’où sortaient des conduites d’argile cuite. On suppose, sur la base des nombreuses conduites retrouvées dans le camp, que l’alimentation en eau, avant l’époque flavienne, n’était guère différente.

FIG. 368
Mayence. Fondation en blocage du canal aérien d’arrivée d’eau à la sortie de l’acqueduc.

FIG. 369
Mayence. Casernements doubles dans la retentura, au sud-ouest du camp, fouilles 2002-2003.
831De nombreuses inscriptions et des mentions historiques fréquentes nomment les légions stationnées dans le camp. Les deux premières unités furent la legio XVI et la legio XIV Gemina. Elles furent, en 43, remplacées par la IV Macedonica et la XXII Primigenia, puis celles-ci laissèrent place, en 70-71, à la I Adiutrix et enfin à la XIV Gemina Martia Victrix. Au plus tard en 86, la XXIe légion remplaça la I Adiutrix. À partir de 97 au plus tard, la XXII Primigenia Pia Fidelis constitua la seule garnison.
Le camp de Weisenau
832L’existence de camps à Weisenau (fig. 370) est attestée par six fossés, découverts à un endroit où la terrasse fluviale forme deux arêtes escarpées vers l’ouest et où la rive, jusqu’ici étroite, s’élargit notablement. Les premiers fossés ont été découverts par Klumbach lors de fouilles menées en 1949-1950 en bordure des carrières de Weisenau et identifiés alors comme l’enceinte nord-sud d’un camp. Au sud apparaît un double fossé (I), dont les extrémités sont espacées de 3,3 m. Un troisième fossé en V chevauche le fossé extérieur précédent, à 4,6 m du fossé intérieur. Fossés interne et externe ont chacun une largeur de 2,8 à 2,6 m. On ne sait pas grand-chose du fossé nord. D’autres obseivations, à l’occasion de travaux d’aménagement, ont permis jusqu’en 1970 d’identifier quatre autres fossés (III-VI), dont seul le fossé III est précisément documenté.

FIG. 370
Mayence. Traces d’occupation romaine à Mayence/Weisenau.
833La chronologie est incertaine. Le fossé I chevauche une tombe à inhumation, datée par ses fibules des deux dernières décennies avant notre ère. Son comblement intervint sans doute dans le courant du ier s. et Weisenau semble alors avoir été abandonné comme poste militaire.
834Les restes de l’enceinte n’ont pas été observés et on ne sait rien non plus des aménagements internes. La fonction précise du camp n’est pas déterminée.
835bibliographie [2004]
Baatz 1962 ; Büsing 1982 ; Witteyer 1995 ; Witteyer 1999.
836Meinerswijk → Arnhem
Melun
Seine-et-Marne, France (carte fig. 2)
837J. GALBOIS, M. PETIT, AVEC LA COLLABORATION DE M. REDDÉ
838À Melun, sur la rive gauche de la Seine, une fouille de sauvetage réalisée en 1991-1992 a mis au jour des vestiges militaires, incomplètement dégagés, mais dont la superficie totale est estimée à une dizaine d’hectares (fig. 371).

FIG. 371
Melun. Plan de situation du camp (Galbois 1995, 10).
839Le camp est bordé à l’ouest par un fossé rectiligne d’au moins 3,50 m d’ouverture, conservé sur une hauteur de 1,20 m, avec un profil en cuvette, et sans remplissage caractéristique. Aucune trace de rempart ou de tours n’est apparue sur l’arrière. Une seconde fouille de sauvetage, réalisée en 1996, a révélé la présence, à 18 m vers l’ouest, d’un fossé en V, sensiblement parallèle au premier, et recreusé au moins une fois, d’une largeur maximale de 2,20 m, avec un colluvionnement depuis l’est (c’est-à-dire depuis un éventuel rempart). Au nord, le long de la Seine, aucun rempart n’a été mis en évidence, mais l’évolution des berges peut être responsable de cette absence.
840À l’intérieur du camp apparaissent trois ensembles parallèles mais distincts, séparés par trois zones non bâties correspondant sans doute à des voies intérieures (fig. 372). L’ensemble central, le mieux conservé, présente une longueur de 140 m pour une largeur d’environ 34 m. Il est constitué de files alternées de poteaux et de murs palissadés implantés dans des tranchées de fondation. Files de poteaux et murs palissadés déterminent vingt et une unités rectangulaires d’environ 22 x 6 m. Les files centrales et les murs palissadés sont prolongés à chacune de leurs extrémités par deux poteaux individuels, sans doute destinés à porter la charpente d’un double portique. L’ensemble nord-ouest, bien que largement ruiné par des édifices gallo-romains et modernes, était identique. En revanche, le complexe sud-est est constitué de cinq bâtiments rectangulaires de 13-17 x 4 m, caractérisés par des sablières basses (?) ou des murs palissadés, avec une porte, tantôt au nord, tantôt au sud. Quatre zones rubéfiées, correspondant sans doute à des foyers, ont été mises au jour respectivement dans quatre de ces bâtiments. Entre ces édifices, non équidistants entre eux (de 15 à 21 m), apparaissent des files de poteaux perpendiculaires à l’axe des édifices eux-mêmes.

FIG. 372
Melun. Structures internes du complexe militaire (Galbois 1995, 14, fig- 1).
841La datation est difficile à établir en l’absence de matériel associé abondant, en dehors d’un vase de type Besançon et d’une fibule d’Aucissa. Le complexe a été détruit vers 30 par la construction d’une villa. Une datation dans les années 10-20 de n.è. paraît donc vraisemblable, avec une occupation sans doute courte. Cet ensemble –unique– paraît indubitablement militaire et a donné lieu à différentes hypothèses : celle de casernements, celle de hangars à bateaux, celle d’horrea. La première hypothèse, retenue initialement, paraît peu convaincante dans le cas des deux premiers complexes, en raison de leur taille, beaucoup trop considérable pour des baraques, et de la structure même, incompatible avec la notion de contubemium.
842L’hypothèse de hangars à bateaux comparables à ceux de Haltern/ Hofestaat ou de Velsen 1 serait envisageable si l’on considère la taille des bâtiments, mais la présence de portiques en façade la rend peu crédible, sans l’exclure complètement. D’autre part, les murs palissades ne semblent pas vraiment comparables aux boisements centraux, destinés à porter les coques, qu’on a reconnus sur les sites rhénans. L’hypothèse la plus vraisemblable reste donc celle de grands horrea, installés dans une base de ravitaillement comme à Rödgen. L’ensemble sud-est, de son côté, ne trouve pas non plus de parallèle convaincant. La présence de foyers laisse toutefois penser qu’il s’agit d’unités d’habitation, mais on ne peut apparemment pas parler de baraquements.
843bibliographie [2004]
Galbois 1995 ; Hoppan 1996.
Mirebeau-sur-Bèze
Côte-d’Or, France (cartes fig. 2 et 6)
Le camp de la VIIIe légion
844M. REDDÉ
845Le camp est installé à environ 25 km à l’est de Dijon, sur une terrasse au nord de la Bèze, affluent droit de la Saône, en territoire lingon. Partant de la région au nord de la forteresse, une voie romaine mène tout droit à Langres ; à la sortie orientale de la via principalis, une autre route antique conduit en direction du passage de la Saône, à Pontailler. Le camp (fig. 373), d’une superficie de 22,33 ha (583 x 383 m) est orienté à environ 28° est du nord géographique, la porte prétorienne étant au sud. Des bâtiments civils sont clairement identifiés tout autour de la partie méridionale de la forteresse. Un second camp, plus petit, a été repéré au nord-est. A 1,5 km en direction du nord-ouest, à la lisière du bourg actuel de Mirebeau, a été fouillé un important sanctuaire celtique.

FIG. 373
Mirebeau-sur-Bèze. Plan général des structures.
dessin R. Goguey
846Le site est connu depuis le xviiie s., en raison des nombreux débris de construction et du matériel qui jonchent les labours. Ce n’est toutefois qu’en 1964 que la forme générale du camp a pu être repérée d’avion par R. Goguey, qui a depuis lors multiplié les survols et conduit les premières fouilles, de 1968 à 1976. Une seconde série de campagnes a été effectuée de 1985 à 1990 sous la direction de M. Reddé. Le camp est connu en grande partie par les photographies aériennes (fig. 374 et 375, pl. H.T. V-VI). En dehors de quelques sondages ponctuels, les fouilles ont porté sur les portes et les courtines orientale et septentrionale, sur quelques blocs de casernements, sur les principia et sur les thermes extra muros.

FIG. 374
Mirebeau-sur-Bèze. Vue aérienne de l’angle sud-est.
photo R. Goguey.

FIG. 375
Mirebeau-sur-Bèze. Vue aérienne des bâtiments au sud-est du camp.
photo R. Goguey.

PL. V (H.T.)
Vue générale de la retentura du camp de Mirebeau. On reconnaît, à gauche, le plan complet des principia ; dans le tiers supérieur droit apparaît la porte nord, avec ses tours en U.
photo R. Goguey, 03/07/1964, inédite

PL. VI (H.T.)
Vue aérienne de la porte nord du camp de Mirebeau et de ses abords. On reconnaît la porte avec ses tours en fer à cheval et, en arrière du rempart, l’extrémité des baraquements.
photo R. Goguey, 20/05/1991, inédite
847Le rempart, large de 3,60 à 3,70 m, a connu successivement deux états : dans un premier temps a été édifié un mur de pierres sèches et de terre, armé par des poutres internes (Holzerdesteinmauer), flanqué de tours en bois d’environ 4, 80 m de côté ; dans un second temps, un parement de pierres calcaires soigneusement appareillées a été rajouté, tandis que les tours étaient reconstruites en maçonnerie (fig. 376). Les portes de l’état 1, sans doute détruites par les constructions ultérieures, n’ont pas été retrouvées ; celles de l’état 2 sont remarquables en raison de leur forme en fer à cheval, inhabituelle à l’époque flavienne (fig. 377). Celle de l’est a livré suffisamment de blocs d’architectures (fig. 378) pour autoriser une reconstitution de J.-P. Adam (fig. 49). Deux fossés successifs flanquent le rempart au nord et à l’est, alors qu’un seul a été repéré à l’ouest et au sud.

FIG. 376
Mirebeau-sur-Bèze. Rempart oriental et tour intermédiaire (Goguey & Reddé 1995, pl. h.t. 4.).

FIG. 377
Mirebeau-sur-Bèze. Porte orientale (Goguey & Reddé 1995, fig. 5).
848Les principia présentent la forme d’un carré de 85,40 à 85,60 m de côté. Ils s’ouvrent au sud avec un porche monumental flanqué de part et d’autre par un bassin. La cour centrale, bordée sur trois côtés d’une rangée unique d’armamentaria, donne accès à une basilique à trois nefs, au nord. Celle-ci ouvre à son tour sur la galerie septentrionale, contrefortée à l’extérieur par une série de piliers maçonnés ; au centre s’ouvre la chapelle aux enseignes, de forme carrée (10 x 10 m), où l’on a reconnu une fosse qui recevait probablement l’arca. Aucun état précoce des principia correspondant au premier stade du rempart n’a été retrouvé, mais il convient d’observer que la superficie des fouilles a été limitée. En revanche, une phase tardive a été identifiée : elle montre des réparations dans des constructions déjà en partie ruinées, mais elle n’a pu être datée précisément.
849Les casernements, très détruits, n’ont été fouillés que partiellement, à l’est des principia. On reconnaît des structures probablement en pisé sur des fondations de pierres sèches, couvertes en tuiles. On peut restituer aux blocs une longueur identique à celle des principia, soit 85,40-85,60 m, avec une série de pièces de 4,50 x 3,50 m, précédées par une antichambre (3,50 x 2,50 m) et un portique en bois sur embases de pierre.
850Les autres bâtiments ne sont connus que par les photographies aériennes. Des thermes sont identifiables dans la partie orientale de la praetentura (fig. 374). À quelque distance au nord des principia apparaît un bâtiment rectangulaire d’environ 50 x 36 m, dont les pièces sont disposées autour d’une cour péristyle. On peut être tenté d’y reconnaître des magasins à cour centrale. Un autre bâtiment de type voisin, mais de structure moins distincte, a été identifié immédiatement au nord. L’emplacement et la forme du praetorium restent inconnus.
851Dans l’anse de la Bèze apparaît une série de bâtiments mal identifiés, en dehors d’un ensemble thermal partiellement fouillé par R. Goguey. On hésite sur l’interprétation d’un grand groupe de bâtiments : mansio ou complexe religieux avec un xenodochion (fig. 378) ? Vers l’ouest ont été identifiés un amphithéâtre et un grand bâtiment rectangulaire, probablement une mansio plutôt qu’un macellum. Au nord-est, le camp annexe n’a révélé aucun bâtiment interne, mais un simple fossé. Pour cette raison, l’hypothèse d’un camp d’exercice a été avancée mais n’est pas formellement prouvée (fig. 379).

FIG. 378
Mirebeau-sur-Bèze. Bloc d’entablement de la porte orientale.
photo M. Reddé.

FIG. 379
Mirebeau-sur-Bèze. Plan général des différents camps (S. Venault).
852Les très nombreuses tuiles au timbre de la VIIIe légion retrouvées à Mirebeau attestent sans ambiguïté possible l’identité de la troupe stationnée à Mirebeau. Ce corps de troupe arrive en Gaule au printemps 70 avec les troupes de Vespasien, et participe à la répression contre les peuples révoltés du nord de la Gaule. Le matériel retrouvé sur le site, quoiqu’assez peu abondant, correspond massivement à la période 70-90, durée vraisemblable de l’occupation de la forteresse. Plus incertain est le rôle des vexillations des légions I-VIII-XI-XIIII-XXI qui ont occupé le camp entre 83 et 85-86. Plus obscur encore est le rôle de Lappius, qui a marqué, phénomène exceptionnel, de nombreuses tuiles à son nom (LEGVIIIAVGLAPPIOLEG), probablement en tant que légat de la province de Germanie supérieure après la révolte de Saturninus. Quoi qu’il en soit, la légion devait quitter Mirebeau pour s’installer à Strasbourg vers 90. Des réoccupations postérieures sporadiques sont attestées.
La Fenotte
853S. VENAULT
854L’expansion urbaine de la commune de Mirebeau-sur-Bèze et sa menace sur le patrimoine archéologique enfoui sont à l’origine d’une intervention de sauvetage au lieu-dit La Fenotte, réalisée par l’Afan. L’emprise du chantier, qui couvre 8 ha, se situe au sud-ouest du bourg, à proximité d’un sanctuaire celtique auquel ont succédé deux fana gallo-romains.
855La fouille, à l’ouest et au sud-ouest des sanctuaires, a mis au jour l’angle sud-ouest d’une vaste enceinte formée de plusieurs fossés, au profil en V, larges de 4 à 5 m et profonds d’environ 2 m (fig. 379). Le flanc méridional de l’enceinte est fermé par un axe unique de trois fossés parallèles et juxtaposés, alors que la limite occidentale est close par deux lignes défensives, espacées l’une de l’autre d’environ 40 m, matérialisées chacune par le rapprochement de deux fossés parallèles. La transition entre les deux systèmes de clôture s’opère par un dédoublement du fossé méridional médian. Deux ouvertures, formées par une interruption des fossés, percent chacune une des lignes de protection occidentales, à l’approche de l’angle de l’enceinte. Celle qui est aménagée au travers des deux fossés extérieurs, sur une largeur de 7,5 m, est verrouillée par un petit sillon transversal qui réduit l’entrée à une largeur de 2 m. La seconde ouverture, qui traverse la ligne défensive intérieure, est désaxée par rapport à la première et présente un dispositif plus élaboré, avec la présence d’un court fossé disposé en chicane en avant de l’entrée. L’ultime passage, qui ouvre le fossé interne, est occupé par un sillon de fondation tracé suivant un plan carré, autour et au centre duquel se répartissent des trous de poteau. D’autres assises de superstructures quadrangulaires, composées d’un alignement de trous de poteau, parfois imposants, ont été repérées le long des fossés internes du flanc occidental de l’enceinte.
856La configuration des fossés et les aménagements qui leur sont associés invitent à identifier cette enceinte comme étant celle d’un camp militaire romain (fig. 380). On reconnaîtra notamment, dans le court fossé qui barre la porte intérieure, le titulum déjà rencontré devant d’autres camps, à Alésia notamment. De même, on serait tenté de lire dans le sillon qui obture la porte extérieure l’existence passée d’une clavicula. D’autre part, les larges trous de poteau, disposés suivant un module quadrangulaire dans l’entrée et le long des fossés, correspondent sans doute aux bases des tours de défense, associées probablement à un agger, aujourd’hui disparu, mais dont l’existence peut être observée dans le comblement dissymétrique de certains fossés. Enfin, un ensemble de sillons découvert au nord du site, dessinant une trame carrée de 3,5 m de côté, pourrait correspondre aux soubassements de casernements.

FIG. 380
Mirebeau-sur-Bèze. Plan de la porte du camp de La Fenotte (S. Venault).
857La pauvreté du matériel recueilli au fond des fossés, qui se résume à des fragments d’amphores et des ossements animaux, ne permet pas de déterminer avec précision la date d’implantation du camp, si ce n’est de la situer dans la seconde moitié du ier s. av. J.–C. En revanche, le mobilier prélevé dans le comblement superficiel permet de caler sa disparition définitive à la fin du règne d’Auguste, période qui voit la fondation d’une agglomération qui fonctionnera en étroite relation avec les fana.
858Outre son implantation précoce, ce camp présente l’intérêt d’avoir englobé le sanctuaire celtique, dont l’angle sud-ouest de la palissade de clôture, qui a été dégagé au nord de la fouille, pourrait correspondre à un état daté de La Tène C2-D1. Un petit fossé qui se jette dans l’un des fossés défensifs du camp longe cette palissade, sur l’axe est-ouest, et assure une démarcation avec l’espace cultuel. La conservation du sanctuaire n’a pas dû être sans conséquences sur les dimensions du camp, qui restent toutefois sujettes à caution. En effet, en l’absence de découverte d’un retour d’angle de fossés à l’est, nous nous trouvons démunis pour proposer une restitution valable de l’emprise et, à ce jour, seules les données du paysage se prêtent, non sans problèmes, à l’exercice. Aussi, un des méandres formés par la Bèze aurait pu accueillir l’angle nord-est du camp, si l’on convient évidemment que le lit de la rivière n’a pas varié depuis vingt siècles. Le camp ainsi restitué présenterait une superficie de 700 m de long sur 500 m de large, soit une surface de 35 ha. Ces dimensions, certes importantes, pourraient se justifier par le maintien du sanctuaire celtique au sein du camp romain.
859bibliographie [2004]
Barral et al. 2002, 23-27 ; Goguey & Reddé, éd. 1995.
Monheim/Haus Bürgel
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (carte fig. 12)
860TH. FISCHER
861Le domaine de Haus Bürgel, où s’élèvent les ruines d’un costellum tardif (fig. 381), est situé sur la rive droite du Rhin, au sud de Düsseldorf et au nord de Monheim, dans une dépression de terrain quasi circulaire (Urdenbacher Kämpe). La situation topographique actuelle du Haus Bürgel, sur la rive droite du Rhin, est fondamentalement différente de celle de la fin de l’Antiquité puisque cette zone était située autrefois sur la rive gauche du Rhin, qui changea de lit en 1374. Le Haus Bürgel s’élève aujourd’hui sur une légère éminence, à peine perceptible, au milieu de la Urdenbacher Kämpe. Aujourd’hui, le site constitue un exemple typique de domaine agricole dans cette région, avec une maison seigneuriale dont les quatre côtés reposent sur des fondations romaines, et même, dans certains cas, sur des pans de murs antiques conservés jusqu’à 5 m de hauteur. Le Haus Bürgel est mentionné pour la première fois en 1019 en tant que castrum in Burgela ; les premières observations du monument romain n’eurent cependant lieu qu’en 1953 avec W. Haberey, qui fit faire des sondages assez réduits sur la face interne du mur méridional. Le Haus Bürgel et ses environs proches sont, grâce à la fondation Rhénanie du Nord-Westphalie, passés récemment dans le domaine public en tant que réserve archéologique, l’intention étant d’y installer une station biologique et un musée de site. Les travaux de restauration offrirent à cette occasion des possibilités de fouilles archéologiques en 1993 tout d’abord (M. Gechter), puis de 1994 à 1996 (Th. Fischer et T. Mickocki). La fortification tardive s’est installée sur un site déjà occupé aux ier-iiie s. et qui a notamment livré une nécropole.

FIG. 381
Monheim/Haus Bürgel. Plan du fortin (Fischer 1999b, 340).
dessin T. Fischer, 340.
862Avant que les fouilles récentes ne débutent, les recherches de W. Haberey avaient permis de constater la présence sur le site d’un castellum tardo-antique (64 x 64 m), doté de quatre tours d’angle et de huit tours intermédiaires. L’existence de portes à l’est et à l’ouest n’avait été que supposée. La porte occidentale, sans doute la porte principale, était orientée en direction de la route du limes, la porte orientale vers le port supposé. La datation tardo-antique d’une poterne, au milieu du côté sud, a pu être confirmée par les travaux récents.
863L’existence de la porte orientale, à l’état de fosse de remploi, est attestée. Il s’agissait certainement, à l’origine, d’un ouvrage d’entrée rectangulaire avec passage d’accès. Les vestiges de la tour circulaire à l’angle nord-est ont été inclus au Moyen Age dans une tour de section carrée. Dans la cave, les restes de la tour romaine sont encore conservés et visibles sur une hauteur d’environ 2 m.
864À l’angle sud-ouest du castellum a été fouillée la tour intermédiaire, en bon état de conservation ; elle est liée au mur d’enceinte, conservé sur 5 m de hauteur dans ce secteur. Sa technique de construction est valable pour toutes les tours du Haus Bürgel : on a creusé dans l’argile naturelle une tranchée de même largeur que la fondation. En raison de la stabilité du sous-sol, on pouvait renoncer à installer un système de pieux sous les fondations. La tranchée a d’abord été comblée de moellons de grauwacke posés à sec. Au-dessus a ensuite été coulée une couche de mortier de chaux pour égaliser le niveau. Au-dessus de cette couche s’élève le blocage du radier de fondation, d’environ 0,50 m d’épaisseur, dont la face extérieure visible consiste en quatre assises de tuffeaux soigneusement équarris, liés au mortier. Le mur de la tour, épais de 1,2 m en élévation, est en retrait d’environ 30 cm par rapport aux fondations. Les courtines ainsi que les tours présentent un bandeau d’une double assise de briques.
865Sur le côté interne de la courtine occidentale, le massif de fondation en maçonnerie coulée fait une saillie de 0,5 m. Dans la tranchée de fondation du mur, au niveau de l’argile, apparaissent la maçonnerie à sec de grauwacke, d’environ 0,35 m d’épaisseur, puis la fondation à proprement parler, d’à peu près 0,8 m de hauteur, en moellons liés par un abondant mortier à la chaux. Aucune observation sûre ne permet de supposer, sur la face interne du mur, la présence de constructions adossées, selon le modèle d’Alzey.
866Les fouilles-sur le glacis oriental du castellum ont permis d’observer l’extrémité des fossés. Il s’agit dans les deux cas de fossés en V très marqués, qui furent comblés ensemble au début du ve s. ap. J.-C., avec les décombres incendiés provenant de l’intérieur du camp. Le fossé extérieur présente une largeur d’à peu près 6,7 m et une profondeur de 1,86 m. Sur les cent quatre-vingts monnaies en bronze qui en proviennent, cinquante ont été jusqu’à présent restaurées et identifiées. Il s’agit majoritairement, à côté de quelques émissions plus anciennes, d’espèces de Valentinien Ier (364-375) à Arcadius (383-408), brûlées à plusieurs reprises. Leur répartition dans le fossé montre que les émissions les plus récentes apparaissent aussi bien dans les couches inférieures que supérieures du remplissage. Elles fournissent ainsi un terminus post quem vers 400 pour le remblaiement du fossé et le matériel associé. Le fossé interne offre une image identique, mais le mobilier n’a cependant pas encore été restauré et identifié. Avec une largeur d’environ 10,50 m et une profondeur de 2,3 m, il était encore plus imposant que le fossé externe.
867La cour intérieure n’a pas révélé une occupation dense, comme à Deutz. Elle semble exempte de constructions ou bien a fait l’objet d’aménagements irréguliers, à l’exemple de ce qui a pu être observé dans le castellum d’Alzey.
868A proximité immédiate de la poterne, contre le mur d’enceinte sud du castellum, se trouvaient les vestiges des thermes. Le bâtiment de plan pratiquement carré (environ 9 x 8 m) constituait, avec caldarium, frigidarium et vestibule, la version très réduite d’un établissement de bains romains. Les thermes avaient été visiblement reconvertis, dans une dernière phase d’utilisation, en maison d’habitation. Dans les ruines, au-dessus des éléments de constructions les plus récents, fut dégagée une couche d’incendie qui contenait pour l’essentiel un petit matériel brûlé du début du ve s., encore en place. À cette époque également fut enseveli dans un égout un trésor monétaire d’environ deux cents monnaies de bronze. La fin de la série monétaire devrait correspondre à la période autour de 400 ap. J.-C., mais l’ensemble n’a pas encore été restauré. On signalera l’abondance du matériel germanique dans les dernières couches d’occupation. Jusqu’à l’époque carolingienne comprise, le castellum resta ensuite inhabité. Ses restes étaient cependant dans un si bon état de conservation qu’ils ont pu, au viiie s. au plus tôt, être à nouveau utilisés.
869bibliographie [2004]
Bürschel & Gechter 1993 ; Fischer 1998 ; Fischer 1999b ; Haberey 1957 ; Horn 1974 ; Horn, éd. 1987, 568.
Morlanwelz
Hainaut, Belgique (carte fig. 12)
870R. BRULET
871Deux fortifications ont été construites sur un promontoire situé au nord de la voie Bavay-Cologne et surplombant celle-ci de 4 à 5 m, au lieu-dit Enceinte des Turcs ou Château des Sarrasins. Au xixe s., les deux fortifications furent respectivement identifiées à une villa romaine et à un tumulus. Les premières recherches remontent à 1878 (Morlanwelz II). Le burgus de Morlanwelz I a été fouillé de manière systématique par J. Breuer en 1930.
Morlanwelz I
872La première fortification correspond à un poste routier carré, fossoyé et palissadé, de petites dimensions (fig. 382) ; il est situé à 60 m de la route et son orientation n’a pas été calquée sur la voie mais vers le nord. La superficie intérieure correspond à un carré de 24 m de côté (superficie totale : 16 ares ; superficie interne : 5,7 ares). Elle a révélé les traces de plusieurs bases de bâtiments en bois qui se trouvaient adossés au rempart. Celui-ci était fait d’une levée de terre appuyée contre une rangée de poteaux prenant place dans une excavation continue de 0,50 m de largeur et de profondeur. Un décrochement, localisé à l’angle sud-est de la fortification, détermine le passage d’entrée. Un fossé l’entoure sur les quatre faces ; la largeur de ce fossé pouvait atteindre 7 m à l’origine et sa profondeur environ 2 m.

FIG. 382
Morlanwelz I. Plan du fortin.
dessin R. Brulet
873Le site remonte probablement à la seconde moitié du iiie s. Une seule phase de construction a pu être observée.
Morlanwelz II
874La fortification a été élevée contre la route et orientée comme elle. L’ouvrage correspond à une tour en pierre de 30 m de côté (d’après les fouilles du xixe s.), avec des murs d’environ 3 m d’épaisseur à la base (fig. 383). Des piliers de soutènement centraux renforçaient la maçonnerie. La fortification paraît avoir été entourée par un fossé, partiellement examiné.

FIG. 383
Morlanwelz II. Plan de la tour (Brulet 1995a, 114).
875La construction de la tour remonte probablement à la première moitié du ive s. La monnaie la plus récente est de Magnence (350-353).
876bibliographie [2004]
Breuer 1928 ; Breuer 1930 ; Brulet 1977 ; Brulet 1986 ; Brulet et al. 1995 ; Peny 1881 ; Peny 1883.
Neckarburken
Bade-Wurtemberg, Allemagne (cartes fig. 7 et 8)
877E. SCHALLMAYER
878Deux castella existent à Neckarburken (fig. 384). À l’est, le castellum de numerus est implanté à 30 m en arrière du limes, tandis que le camp de cohorte est situé 190 m plus à l’ouest. Les recherches effectuées par la Reichslimeskommission sont toujours d’actualité, alors que les fouilles des trois dernières décennies ont avant tout fourni des informations sur les thermes et différentes installations du vicus.

FIG. 384
Neckarburken. Camp de cohorte : 1 porte décumane ; 2 porte prétorienne ; 3 principia ; 4 praetentura ; 5, 6 praetorium et thermes ; 7 plate-forme. Camp de numerus : 8, 9 portes ; 10 principia ; 11 bâtiment postérieur ; 12, 13 thermes (Schallmayer 1991, 124, fig. 83).
Le camp de cohorte
879Le camp de cohorte, à l’ouest (fig. 385), mesure 158 x 131,50 m (soit 2,07 ha) ; il s’agissait, dans un premier temps, d’une construction en bois et en terre dont le fossé en V, ainsi que des parties de l’enceinte, ont été dégagés lors des fouilles de 1949. Cette première forteresse était vraisemblablement aussi grande que le castellum en pierre ultérieur. Ce dernier montre, après une berme de 0,90 m et à l’avant du mur défensif, un fossé en V de 5 m de large et profond encore de 1,63 m qui recoupe partiellement l’ancien fossé.

FIG. 385
Neckarburken. Plan du camp de cohorte (ORL B, no 53, pl. 2).
880Le mur d’enceinte du castellum en pierre, construit en moellons de grès, présentait une largeur de 1,40 m, s’élevant à 1,80 m dans les arrondis des angles. Aucune trace du talus en terre n’a été repérée. Un alignement de pierres parallèle au mur d’enceinte montre cependant que le talus devait avoir une largeur de 9 m.
881Parmi les quatre portes d’enceinte, la porte principale en direction de l’est (portapraetoria) avait une largeur de 8,95 m. Le passage était ainsi deux fois plus large que pour les trois autres portes (3,57 à 4,60 m) et présentait deux accès, séparés sans doute par des piliers médians. Chacune des tours carrées (4,5 x 4,5 m), accessibles depuis l’arrière, formait une saillie sur l’extérieur du rempart (0,35 m à la porta principalis dextra ; 0,56 m à la porta decumana ; 0,75 m à la porta praetoria). On a pu repérer une tour intermédiaire sur les côtés est et ouest. Les constructions découvertes au niveau du mur d’enceinte du front occidental gauche du castellum devaient vraisemblablement correspondre à une autre tour intermédiaire.
882Le bâtiment de commandement (principia ; 43 x 40 m) est divisé en deux parties. À l’est, de chaque côté de la cour intérieure recouverte de gravier, se trouvent les armamentaria, pièces apparemment non subdivisées de 22 x 7 m, devant lesquelles des murs parallèles indiquent la présence d’un portique entourant la cour. Une salle d’exercice devait se situer au-delà du croisement des viae praetoria et principalis. On a retrouvé à cet endroit des restes de pavement qui permettent de penser que sa largeur atteignait 10 m. Une entrée, large de 3,60 m, conduisait depuis la cour intérieure en direction de la deuxième grande salle du bâtiment de commandement (de 28 x 14 m) placée dans l’aile arrière. On a encore découvert à cette place, lors des fouilles de la Reichslimeskommission, une deuxième cour intérieure. Viennent ensuite les ailes latérales, après une interruption en forme de couloir. La chapelle aux enseignes, dotée à barrière d’une abside, se trouve au centre de l’aile postérieure. Une couche de radier, délimitée par un mur et placée sur l’avant, a sans doute servi de plaque de sol pour un petit vestibule. Toutes les pièces des bâtiments situés autour des cours intérieures étaient construites en pans de bois.
883Un bâtiment rectangulaire, placé à un faible écart derrière le mur sud-est du castellum, a été interprété comme plate-forme d’artillerie. La maison à plusieurs pièces de 19 x 12 m, située entre la porte d’enceinte sud et les principia, dotée d’une cave et d’un chauffage par le sol, est, avec les petits thermes placés à proximité, généralement considérée comme partie du logement du commandant (praetorium). Ces bâtiments pourraient également n’avoir été construits qu’après l’abandon du castellum. Le camp, occupé au moins pendant la période de construction en dur par la IIIe cohorte Aquitanorum equitata civium Romanorum, subsista jusqu’au milieu du iie s. ap. J.-C. Après le retrait de la troupe dans le camp d’Osterburken, plus à l’est, le terrain fut vraisemblablement encore utilisé comme entrepôt pour le ravitaillement militaire sur la ligne extérieure du limes.
884Les thermes du castellum se situent à environ 40 m à l’est de l’angle nord-est du camp. Il s’agit de thermes en enfilade. Un vestibule à trois nefs, en bois, utilisé comme apodyterium, se trouvait devant la rangée de bassins en pierre. À l’avant de ce vestibule, les trous de poteau avec traces de gros poteaux quadrangulaires de 0,30 m ont été fouillés. Le principal canal d’évacuation des eaux usées passait sous le sol du vestiaire. À l’arrière suivaient les trois salles principales, frigidarium, tepidarium et caldarium, d’une largeur de 8,50 m et de longueurs différentes. Vasques et pièces chaudes, dans lesquelles on a encore découvert des restes d’hypocauste, se trouvaient respectivement de chaque côté. Des praefurnia placés à l’extérieur chauffaient ces parties. L’installation thermale a été visiblement modifiée dans un second temps. À cette occasion, la cuve orientale fut installée plus profondément et dotée d’un nouveau canal d’évacuation vers l’est. Un bassin supplémentaire fut érigé dans l’angle sud-est du frigidarium. Le sudatorium occidental reçut enfin, après agrandissement, un dispositif d’hypocauste maçonné en grès bigarré.
Le castellum du numerus
885Les dimensions du camp de numerus (fig. 386) étaient de 80 x 80 m (soit 0,64 ha). Il se situait à quelques mètres seulement derrière la route du limes. Son plan est un carré irrégulier auquel a été ajoutée plus tard une construction rectangulaire. Le mur d’enceinte originel avait une largeur allant de 0,90 à 1,60 m et est encore conservé par endroits sur 1 m. La profondeur des fondations atteignait 1,50 m. La présence d’un talus en terre n’a pas été attestée ; on a trouvé cependant, derrière l’angle sud-est, un alignement de pierres de 3,95 m de large. Il semble qu’il n’y ait pas eu de fossé sur le côté nord. Peut-être l’Elz, qui coulait plus près du castellum dans l’Antiquité, constituait-elle l’obstacle d’approche indispensable ? Un petit fossé peu profond devait courir sur les autres côtés, à l’avant du mur d’enceinte, à un intervalle de 0,80 à 1,10 m de celui-ci. Un deuxième fossé, de 8 à 13 m de large, est visible après une berme de 3,40 m. L’installation possédait trois portes d’enceinte dotées de tours, dont les passages d’accès présentaient une largeur de 3,45 à 3,80 m. Les tours des portes, larges de 5 m, étaient accessibles par l’arrière. Les nombreuses pierres soigneusement taillées qui y ont été découvertes, montrent que les tours présentaient, dans leurs parties élevées, un décor architectural. Sur la porte d’enceinte occidentale, interprétée autrefois comme porta praetoria, mais récemment identifiée avec la porta principalis sinistra, était gravée l’inscription de construction du numéros Brittonum Elantiensium en l’honneur d’Antonin le Pieux en 145 ap. J.-C. La porte a fait l’objet d’une restauration à l’occasion de laquelle les fragments d’architecture ont été rajoutés sur le sommet du mur. La porte nord, vraisemblablement la porte principale, n’était plus conservée en aussi bon état. La porte d’enceinte méridionale manquait complètement.

FIG. 386
Neckarburken. Plan général du fortin de numerus (ORL B, no 53, pl. 2).
886Un bâtiment rectangulaire de 20 x 16 m, présentant quatre pièces situées sur le côté postérieur occidental, se trouvait au centre du castellum. La deuxième pièce en partant du sud était dotée d’une cave. Le responsable des premières fouilles vit dans ce bâtiment les principia. La construction n’a cependant été vraisemblablement érigée qu’à une époque postérieure au camp et correspondrait alors à une villa rustica élevée sur le site du castellum. L’agrandissement au sud, dont les murs d’enceinte n’étaient plus aussi épais que ceux du castellum d’origine, devait également appartenir à cette villa. On avait vraisemblablement arasé, déjà sous l’Antiquité, le mur sud du castellum afin de pouvoir utiliser librement l’ensemble du site. Le bâtiment central présentait plusieurs phases de construction, dont la plus ancienne pourrait correspondre au bâtiment de commandement du castellum. Dans la cave a été trouvé un fragment de diplôme militaire datant de 134 ap. J.-C.
887Ce camp possédait lui aussi un balnéaire, partiellement fouillé, et restauré en 158 par le numerus des Brittones Elantienses, avant son transfert, entre 185 et 192, à Osterburken, sur le limes extérieur, dans l’annexe du camp principal. En outre ont été mis en évidence, à l’ouest du camp de cohorte, et sans doute aussi entre les deux castella, les restes d’un vicus militaire.
888bibliographie [2004]
Baatz 1973b ; Filtzinger et al. 1986 ; ORL B, 53 et 53 1, p. 1 sq. ; Schallmayer1984b ; Schallmayer 1991 .
Neuss
Novaesium
Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne (cartes fig. 3, 5, 6, 7, 8 et 12)
889N. HANEL
890De nombreuses installations militaires, dans lesquelles des troupes romaines furent stationnées du début de l’occupation de la Germanie jusqu’au iiie s. ap. J.-C., sont concentrées au sud-est de l’actuelle ville de Neuss, sur la rive gauche du Rhin, en aval du confluent avec l’Erft (fig. 387). La situation géographique a visiblement été déterminante dans le choix du lieu de stationnement des troupes ; les deux cours d’eau garantissaient la liaison vers l’arrière avec les cantonnements légionnaires, originellement à l’intérieur des Gaules, ainsi qu’avec les centres d’approvisionnement. Les camps furent installés sur une éminence sableuse de la terrasse inférieure du Rhin (environ 38 à 40 m d’altitude), hors de portée des inondations, entourée pratiquement de toutes parts par des obstacles naturels : au nord et au nord-est coulait le Rhin, alors que les côtés est et sud étaient protégés par l’Erft. Le Meertal –une dépression humide– verrouillait la zone à l’ouest.

FIG. 387
Neuss. Emplacement général des différents camps.
891Les premières découvertes sont attestées dès le xvie s., mais les recherches intensives des vestiges archéologiques ont débuté essentiellement au xixe s. et les premières fouilles eurent lieu en 1839. On doit à C. Koenen (1854-1929) l’identification du camp de légion mentionné dans les Histoires de Tacite sous le nom de Novaesium lors des événements des années 69-70 ap. J.-C. Après un premier sondage en 1887, les longues fouilles de C. Koenen conduisirent, de 1888 à 1900, au dégagement systématique du camp militaire qui conserva par la suite le nom de son inventeur (Koenenlager) et compte parmi les camps légionnaires les plus complètement fouillés de l’empire (fig. 388). Depuis 1955 on a découvert, à l’occasion de vastes opérations de sauvetage, les vestiges de six à sept camps d’époque augusto-tibérienne, dans une zone située à l’ouest du Koenenlager, avec en tout douze à quatorze phases de construction ; le lien entre les tronçons isolés de ces fortifications n’est pas toujours assuré en raison de l’éloignement des secteurs fouillés. Au vu du matériel monétaire et céramique, on situe l’édification du plus ancien des camps (A) de Neuss avant l’offensive de Drusus contre les Germains (12-11 av. J.-C.). À l’inverse des Vetera castra placés au confluent de la Lippe et du camp de Mayence, installé en face du Main, l’un et l’autre bases de départ pour une pénétration vers l’intérieur de la Germanie, les fortifications de Neuss constituaient vraisemblablement des camps de marche dans le cadre d’une situation essentiellement défensive. La multiplicité des camps anciens, avec leurs diverses phases de réaménagement, montre que le site a été occupé par différentes troupes. Faute d’indices, il n’est pas possible de déterminer les unités stationnées ici au début de la période d’occupation. La taille des dispositifs ne peut être qu’estimée dans la mesure où les limites occidentales, et pour une part celles du nord, ne sont pas connues. Alors que le camp le plus ancien (A) était le plus petit dispositif, avec une surface estimée à 13-14 ha, les camps les plus récents (B et F) disposaient d’une surface d’a priori 43 ha et 22-26 ha. La taille indique que l’une de ces enceintes doit être identifiée avec le camp d’été des légions I, V, XX et XXI, mutinées sur le territoire des Ubiens en 14 ap. J.-C. (Tacite, Annales I, 31-37). La découverte de ferrures en bronze appartenant au tribun militaire Plautius Scaeva Vibianus de la Ve légion Alaudae pourrait venir confirmer cette hypothèse. On suppose que la Ie Germanica et la XXe Valeria Victrix étaient, avant le milieu du ier s. ap. J.-C., stationnées depuis un certain temps à Neuss sans que la chronologie de cette occupation puisse être plus précisément définie. L’épigraphie montre par ailleurs la présence, dans la phase précoce de Novaesium, de deux unités auxiliaires, l’ala Parthorum veterana et la IIIe cohorte Lusitanorum. La durée de leur stationnement dans l’un des camps de Neuss demeure également indéterminée.

FIG. 388
Neuss. Plan général du Koenenlager.
892Le plan polygonal avec angles rentrants de certains des camps précoces de Neuss est inhabituel dans la fortification militaire romaine et aucune explication plausible n’a été jusqu’à présent avancée. La présence de bâtiments intérieurs n’est archéologiquement attestée que dans les fortifications les plus récentes, c’est-à-dire essentiellement les camps C et F. Dans le camp C (fig. 389) ont été en revanche mis évidence deux grands complexes de bâtiments, interprétés comme des bâtiments centraux par analogie avec des découvertes faites ailleurs (par exemple à Oberaden, Haltern, Marktbreit). Les principia, presque entièrement dégagés, occupent une surface d’environ 6 000 m2. La cour intérieure est entourée de portiques sur trois côtés ; sur le côté sud se trouvait une basilique à trois nefs, à laquelle succé dait une rangée de pièces. Par l’intermédiaire d’un passage dans l’axe médian des principia, on atteignait un complexe de bâtiments d’au moins 16 800 m2, subdivisé en de nombreux péristyles, cours et longs corridors, mais dont le tracé et la répartition interne ne sont pas complètement déterminés. Il devrait s’agir du praetorium. On a trouvé dans cette zone des vestiges de constructions plus importantes et liées les unes aux autres, qu’on attribue au camp postérieur F (fig. 390). Ces constructions se situent dans l’angle entre le côté oriental, déplacé, et la courtine sud ; elles s’orientent à l’ouest sur une voie de direction sud-ouest/nord-est. Sous ces constructions apparaît un édifice de 93 x 53 m, qui entoure une cour intérieure à portiques de 38 x 29 m ; cet édifice est interprété comme bâtiment à fonction économique (type “à cour”). À côté d’un bâtiment à péristyle, destiné à l’administration ou au logement, s’ajoutent au sud d’autres complexes, également dotés de péristyles, et identifiés comme bâtiments à fonction économique. Au camp D est attribué un entrepôt de plan rectangulaire allongé (long. 24,80 m ; larg. supérieure à 10,80 m) avec dix-neuf solives transversales, dans lequel on reconnaît deux phases d’occupation. Jusqu’à présent nous manquent, dans les camps anciens, des plans de casernes entièrement fouillées, car celles-ci n’ont laissé pratiquement aucune trace dans le sol, en raison sans doute de leurs techniques de construction ou de leur destruction ultérieure par des bâtiments plus récents. La présence d’une section d’enceinte a pu être constatée sur une longueur de 30 m dans l’angle nord-est du camp F. Cette enceinte s’interrompt sur une distance d’environ 10 m, directement devant l’angle du camp, pour constituer visiblement un passage. Le tracé de la fortification, détruit au nord-est par le canal napoléonien, n’a pas pu être suivi. Il s’agit peut-être d’un barrage qui séparait, jusqu’au fleuve, le port romain du camp militaire lui-même. Un autre obstacle, non encore reconnu archéologiquement, devait faire pendant à cette fortification, au nord-ouest. De tels ports protégés sont connus en Germanie inférieure dans le camp de la flotte à Cologne/Marienburg (Alteburg) et dans les points d’appui navals sur le Danube. Au voisinage des camps les plus anciens apparaissent des canabae, dont l’extension et le plan restent mal connus. Les premiers témoins archéologiquement attestés de l’occupation sont des ateliers de potiers, installés en partie à l’intérieur de l’enceinte même du camp. Les tombes de la période ancienne se situaient, d’après l’état de nos connaissances, dans le secteur du Koenenlager postérieur.

FIG. 389
Neuss. Bâtiments centraux du camp C.

FIG. 390
Neuss. Bâtiments du camp F.
893D’importants regroupements de troupes, liés à l’occupation de la Bretagne, eurent lieu en 43 ap. J.-C. dans les deux districts militaires de Germanie. Le lieu d’implantation du camp légionnaire Novaesium a été visiblement touché par ces événements : alors que les installations militaires avaient jusqu’alors été érigées au même endroit, un nouveau camp fut construit plusieurs centaines de mètres à l’est, le Koenenlager. À la différence des dispositifs augusto-tibériens, cette fortification présente le plan caractéristique des camps romains –un rectangle allongé aux angles arrondis– inchangé jusqu’à son abandon, malgré la restauration de l’enceinte à trois reprises au moins. Sa longueur s’élève à 570 m et la largeur à 420 m, de sorte que le dispositif occupe une superficie d’environ 24 ha. À l’époque claudio-néronienne, la garnison de Novaesium était tenue par la XVIe Gallica et l’ala Gallorum Picentiana. C’est vraisemblablement sous Claude que le camp légionnaire de Neuss abrita les premiers bâtiments en pierre, ainsi que l’attestent les restes d’une inscription de construction. Nous sommes en revanche très mal informés sur l’aménagement intérieur à l’époque préflavienne car les constructions dégagées lors des fouilles de C. Koenen appartiennent essentiellement aux périodes plus récentes.
894Les événements survenus à Novaesium lors du soulèvement des Bataves en 69-70 sont rapportés par Tacite ; des tentatives vaines avaient été entreprises depuis ce poste afin de lever le siège de Vetera castra par les troupes de Civilis. Le legatus Augustipro praetore de l’armée de Germanie supérieure, Hordeonius Flaccus, et le légat de la XXIIe légion Primigenia, C. Dillius Vocula, furent tués ici par les troupes mutinées. Après que la garnison du camp de Neuss se fut rendue aux troupes révoltées et se fut repliée vers Trèves, Novaesium fut vraisemblablement démoli. La reconstruction eut lieu dès l’année suivante au même emplacement (Tacite, Histoires V, 22, 1). La nouvelle troupe en garnison était désormais la VIe légion Victrix, déplacée depuis la province hispanique de Tarraconnaise, et qui avait participé, sous les ordres de Q. Petillius Cerialis, à l’écrasement de la révolte. Cette légion reconstruisit le camp en grande partie en pierre : le tuf, la grauwacke et le basalte furent les matériaux essentiellement employés. L’espace interne du camp fut divisé par le croisement de deux voies principales (fig. 388). Dans la praetentura, on peut constater la présence, à côté des baraques pour deux cohortes légionnaires, de casernements plus petits pour une troupe auxiliaire ; le bâtiment isolé qu’on y reconnaît était vraisemblablement destiné au logement de leur commandant. Différents horrea et magasins, aux murs extérieurs renforcés par des contreforts, se trouvaient à proximité de la porta praetoria, orientée en direction du Rhin et du port qu’on y suppose ; dans la via sagularis, on reconnaît une fabrica, la façade postérieure contre le mur d’enceinte nord.
895Des thermes ont été érigés dans la partie droite de la praetentura, le long de la via praetoria. Sur la via principalis, derrière les tabernae, apparaissent des maisons à péristyle d’environ 1 400 m2, destinées aux officiers d’état-major de la légion, ainsi qu’un bâtiment doté d’une cour intérieure allongée, entourée de colonnes, interprétée comme la schola de la 1re cohorte. Les principia (environ 88 x 81 m) sont situés au centre du camp, dans la retentura ; un deuxième complexe thermal, d’environ 6375 m2 et de type linéaire, apparaît à l’ouest. L’hôpital militaire d’à peu près 90 x 50 m (valetudinarium) est construit dans le scamnum suivant et le logement du légat de légion d’une superficie de 6800 m2 (praetorium) est placé directement derrière les bâtiments de commandement. Dans la partie postérieure du camp se trouvent d’autres bâtiments à fonction économique, des boutiques et des constructions identifiées comme logements d’immunes. Les baraquements, avec les constructions pour les centurions, forment une couronne le long de la via sagularis’, on compte au total soixante et deux baraques de centuries déduites dans le Koenenlager.
896À l’extérieur de l’enceinte fortifiée s’étendaient –principalement le long des voies sortant du camp– les canabae legionis avec des maisons allongées bâties sur cave, un horreum, ainsi que des ateliers (potiers, forgerons, briquetiers, etc). On trouve également à cet endroit les nécropoles, essentiellement devant les faces ouest et sud du camp. Une canalisation aérienne en bois, dont le tracé a pu être fouillé sur une longueur de 370 m, transportait l’eau du sud-ouest, sans doute depuis l’Erfi, dans la zone des camps du Haut-Empire et de leurs canabae. L’extrémité de cette canalisation étant inconnue, il n’est pas possible de déterminer quels secteurs du camp étaient ainsi alimentés. Les vestiges de thermes, qui dépendaient vraisemblablement des canabae du Koenenlager et recevaient peut-être l’eau de cette adduction, sont situés à peu près dans l’alignement de la canalisation, au sud du canal napoléonien. En 1925-1926, un complexe de bâtiments d’au moins 125 x 110 m, dont la fonction n’est pas encore définie (thermes, praetorium, mansio), a pu être dégagé entre le Koenenlager (porta principalis dextra) et l’Erfi.
897La nouvelle stratégie de Trajan, qui déplaça de grands contingents de la frontière du Rhin sur le front du Danube, eut pour conséquence l’abandon de Novaesium. Sans doute vers la fin du ier s. ap. J.-C. la VIe Victrix quitta la place et prit quartier à Vetera II. Dans le courant du IIe s. apparut, à l’emplacement du camp légionnaire de Novaesium, un camp de troupes auxiliaires (fig. 391) d’environ 3 ha (187 x 165 m), érigé au centre du dispositif abandonné ; ses dimensions ainsi que sa mention sur l’Itinéraire d’Antonin au début du iiie s., indiquent une unité de cavalerie (ala), dont le nom n’est pas identifié, comme troupe d’occupation. L’enceinte était composée d’un mur en pierre et de deux fossés en V ; l’existence de bâtiments internes n’a pas pu être attestée. La date exacte du retrait des troupes et de l’abandon du camp auxiliaire au iiie s. ne peut, dans l’état actuel de nos connaissances, être déterminée. Peut-être le remploi d’inscriptions dans les courtines et la présence de tours saillantes indiquent-ils une utilisation militaire au ive s.

FIG. 391
Neuss. Le camp auxiliaire.
898bibliographie [2004]
Müller 1975; Petrikovits 1961 ; Rübekeil & Hanel 2002.
Neuville-sur-Vannes/Bréviaire
Aube, France (carte fig. 2)
899M. THIVET
900Situé à flanc de coteau, à une altitude de 170 m, cet établissement surplombe la vallée de la Vanne, au sud. Cette enceinte en forme de carte à jouer (forme rectangulaire et angles arrondis) possède des dimensions impressionnantes : 500 m de long par 250 m de large. On peut donc estimer sa superficie à environ 12 ha (fig. 392).

FIG. 392
Neuville-sur-Vannes/Bréviaire. Localisation de l’enceinte du camp militaire, sur fond de carte 1/25 000e et orthophotographie IGN du 29/06/00.
901L’angle sud-est de ce camp a fait l’objet d’un décapage de contrôle lors de travaux autoroutiers (A5). Cette fouille a confirmé la présence d’un fossé correspondant à l’enceinte visible sur les photos aériennes et a accessoirement mis en évidence la présence d’une occupation néolithique à l’extérieur de l’emprise de cette enceinte.
902La fouille a révélé la présence de deux entrées (ou du moins de deux interruptions de fossé) dans la branche nord-est de l’enceinte. Le fossé s’identifiait au sol par un remplissage bicolore dans le sens de l’axe principal. Sa largeur varie de 1,60 à 3 m. Son profil est principalement composé d’un V au bord évasé, au fond parfois très pointu.
903Comme pour l’enceinte de Beauregard (Estissac, Aube), seules la forme et la position de cette enceinte permettent de lui attribuer la fonction de camp militaire romain.
904bibliographie [2004]
Deffressigne 1992 ; Martin 1992 ; Thivet 2002.
Neuwied/Niederbieber
Rhénanie-Palatinat, Allemagne (carte fig. 8)
905B. STEIDL
906Le castellum se situe sur une éminence au confluent entre la Wied et l’Aubach, vers le nord du bassin de Neuwied, à environ 3 km de la rive droite du Rhin. Fortification la plus septentrionale du limes de Germanie supérieure, Niederbieber était particulièrement approprié, en raison de sa position sur le flanc du dispositif militaire, au contrôle de la voie de circulation qui, des moyennes montagnes de l’Eifel et du Westerwald, mène au Rhin, entre les deux provinces de Germanies. Les recherches sur le camp débutèrent à la fin du xviiie s. à l’initiative de la princesse de Wied et se poursuivirent jusqu’en 1829. Une deuxième campagne de fouilles eut lieu, avec des interruptions, entre 1894 à 1912 (C. Koenen puis E. Ritterling à partir de 1897). Des fouilles ultérieures, concernant principalement le vicus, furent effectuées sous la direction de H. Eiden et H. Gadenz de 1965 à 1968 et de 1973 à 1974. De petites opérations de sauvetage ont eu lieu récemment à la suite de travaux de construction, sans livrer de données fondamentalement nouvelles.
907Le camp s’étend sur 265,20 x 198,50 m (5,2 ha) et est, avec une légère déviation, orienté dans le sens nord-sud. Il couvre, en incluant les fossés défensifs, un rectangle de 200 x 150 passus romains (fig. 393).

FIG. 393
Neuwied/Niederbieber. Plan général du fort et des restes du vicus (Eiden 1982).
908Les fortifications montrent une particularité unique sur l’ensemble du limes germano-rhétique. Le mur du castellum, de 2,40 m de largeur à sa base et environ 1,50 m en élévation, repose sur des fondations qui descendent à 2,20 m sous le niveau supérieur du sol naturel. Ces fondations dépassent ainsi la profondeur du fossé. Le mur du camp était recouvert d’un crépi blanc avec des joints rouges. Il convient de noter en particulier le saillant des tours, tant aux portes que sur l’enceinte ou aux angles. En outre, les tours de l’enceinte et les tours d’angle sont pleines, tant en élévation qu’au niveau du sol. Toutes les tours portaient des toits recouverts de tuiles. Des pierres de tuf taillées, des fragments de demi-colonnes ainsi que des morceaux d’entablement témoignent de l’ornementation architecturale des portes. Le mur d’enceinte présentait du côté interne une levée de terre d’environ 4 m de large dont la hauteur d’origine doit être évaluée à environ 3 m. Un fossé défensif de 6 à 6,50 m de largeur et 1,50 m de profondeur courait à l’avant du mur, derrière une berme de 5,50 à 6,50 m de largeur, sous la forme d’une fossa punica dont le côté le plus à pic était orienté contre l’ennemi. Le fossé était interrompu devant les portes d’enceinte.
909Les principia au centre du camp (fig. 394) étaient composés d’une grande salle à l’intersection de la via praetoria et de la via principalis. Une grande cour entourée d’un portique couvert de tuiles suivait plus au nord. La chapelle aux enseignes, au centre de l’aile postérieure, présentait un plan en abside et était décorée de peintures. La plus orientale des pièces réservées à l’administration et aux rassemblements, de chaque côté du sanctuaire, a été identifiée grâce à une inscription comme tabularium. Fait exceptionnel, on a découvert, dans la première salle à l’est du sacellum, à côté d’une statuette avec inscription dédicatoire au génie des vexillarii et imaginiferi, des fragments d’insignes militaires accompagnant un squelette humain. Les pièces barlongues, des deux côtés de la cour des principia, servaient d’armamentaria : on y a découvert en effet des armes et des pièces d’équipement

FIG. 394
Neuwied/Niederbieber. Plan général du fort (ORL B, I, 1a, pl. II).
910Deux horrea rectangulaires (53 x 15 m) avec plancher surélevé se situaient à l’est et à l’ouest des principia, l’horreum oriental ayant été, à une date ultérieure inconnue, transformé en fabrica. Seules les parties en pierre de la maison d’habitation du commandant (praetorium), directement à l’ouest de l’horreum occidental ont pu être appréhendées par les fouilles, ainsi qu’une petite aile réservée aux bains. L’édifice, construit en bois et colombages, devait se poursuivre vers le sud jusqu’à la via principalis. L’existence de certaines surfaces cimentées, de différentes installations de chauffage ainsi que d’une cave a pu être attestée. La construction était dotée de peintures polychromes, de fenêtres munies de vitres et d’un toit recouvert de tuiles.
911Les thermes du camp se trouvaient, contrairement aux pratiques en vigueur sur le limes germano-rhétique, intra muros, dans la moitié orientale de la retentura. Le plan strictement symétrique occupe un espace de 66,60 x 22,20 m, y compris la grande salle de chauffage au nord, et correspond au type à enfilade, habituel sur le limes.
912Lors des fouilles, seuls les foyers des contubernia construits en pierre, tuiles et argile ont été reconnus. Leur répartition régulière reproduit la disposition des casernements à l’intérieur de la praetentura et dans la partie orientale de la retentura. Les bâtiments eux-mêmes ont été élevés selon la technique de construction en bois et colombage, et dotés, mais uniquement dans les logements d’officiers, de sols cimentés et de salles chauffées.
913Dans la partie antérieure du camp, les fouilleurs ont interprété comme écuries deux bâtiments d’un même type de construction, mais de plan allongé différent, qui reposent sur des fondations de pierres ramassées sur place. Il s’agit vraisemblablement d’adjonctions. Un bassin de plan absidial, peut-être un abreuvoir, se trouvait au sud du plus grand des deux bâtiments, entre celui-ci et la tour occidentale de la porta praetoria.
914Depuis E. Ritterling, la construction du castellum de Niederbieber était datée du règne de Commode (après 185). Des recherches plus récentes ont cependant montré que les briques estampillées de la VIIIe légion de Strasbourg, avec l’inscription C(onstans) C(ommoda), et qui étayaient la datation, étaient sans doute remployées. Une statue de Septime Sévère érigée entre novembre et le 9 décembre 193 ou entre le 10 décembre 193 et le 9 décembre 194 pourrait en revanche être mise en relation avec l’inauguration du camp. Il s’agit du témoignage honorifique le plus ancien découvert dans un contexte militaire en faveur de cet empereur ; il se place chronologiquement à une époque où les guerres civiles entre Pescennius Niger, Septime Sévère et Clodius Albinus pour le trône impérial étaient encore loin d’être tranchées en faveur d’un des candidats. Cet état de fait, ainsi que quelques autres points, laissent à penser que l’érection du camp, placée désormais sous Septime Sévère, ne doit pas être interprétée comme mesure de renforcement du système du limes mais replacée dans le contexte des guerres civiles. La situation stratégique favorable, au point de passage naturel le plus important vers la Germanie supérieure, quand on vient du nord, montre bien qu’on s’attendait à un danger dans cette direction où l’on ne peut guère imaginer que la présence de troupes à la solde de Clodius Albinus, à l’époque commandant militaire de la Bretagne. C’est ainsi que l’on peut expliquer les particularités du camp, du point de vue de la technique de construction militaire et de la logistique : les tours saillantes, les fossés placés très en avant, les fondations profondes du mur d’enceinte, les thermes intra muros, le doublement originel de la capacité des entrepôts, le vaste glacis dégagé de toute construction autour du camp montrent en effet que le castellum avait été conçu pour résister à une situation de siège. L’architecture défensive de Niederbieber reflète ainsi une situation politico-militaire d’exception. Des castella sévériens plus récents, érigés à nouveau selon la technique traditionnelle de construction, montrent clairement que Niederbieber ne peut pas, en dépit de nombreuses correspondances, être considéré comme un précurseur direct des ouvrages de fortification de la fin de l’Antiquité.
915La fin de la forteresse est placée en 260 ap. J.-C. La datation a été fournie par la découverte de trois trésors avec bijoux, récipients en métal et de nombreuses monnaies. Des couches d’incendie et de destruction ont été trouvées dans toutes les parties du camp ainsi que dans le vicus avoisinant, qui couvrait une surface construite d’environ 24 ha. La destruction ainsi que l’abandon du camp et de son vicus ont toujours été mis en rapport avec la prise d’assaut du limes par les Germains. Les découvertes de trésors ont ainsi donné la datation absolue qui a été reproduite sur l’ensemble du limes germano-rhétique. Des études récentes attribuent cependant la destruction du camp à des conflits entre Romains dans le contexte de l’usurpation de Postumus à Cologne en 260 ap. J.-C.
916bibliographie [2004]
Eiden 1982, 137-169 ; ORL B, l, 1 a ; Nuber 1990 ; Reuter & Steidl 1997 ; Wegner 1997.
917Neuwirtshaus → Hanau
918Nida → Francfort-sur-le-Main
919Niederbieber → Neuwied
Nidderau/Heldenbergen
Hesse, Allemagne
920W. CZYSZ
921La géographie des échanges de la région de la Wetterau est marquée par une ancienne voie de passage, la route Elisabeth qui, depuis la zone d’embouchure du Main, se dirige le long des rivières Nidda et Wetter par une large courbe en direction du nord vers la région de Giessen. Déjà sous le Haut-Empire, cette grande voie servait de ligne de démarcation et de zone de concentration pour diverses opérations ou tentatives d’occupation militaire. Heldenbergen se situe sur un prolongement de cette route qui, dans la région de Francfort, dévie en direction de l’est et, par la vallée de la Nidder, se dirige, en passant au sud du Vogelsberg, vers la Thuringe et l’intérieur des pays germains. La navigabilité de la Nidder a dû également jouer un grand rôle entre le paysage ouvert très anciennement occupé de la Wetterau et la zone de collines du massif du Vogelsberg.
922L’emplacement du castellum et du site d’occupation a été découvert par Georg Wolff en 1896, à l’occasion de ses recherches sur le limes du Rhin supérieur. Plusieurs campagnes de fouilles concernèrent la mise en évidence des camps en terre 1 (camp polygonal) et III (“petit castellum en terre”) (fig. 395). En 1904, la nécropole, le long de la route d’Okarben, fut en partie explorée. Les premières fouilles de sauvetage eurent lieu en 1973, sous la direction de G. Rupprecht, à l’occasion de travaux de construction sur le secteur romain, à la limite méridionale de Heldenbergen. Elles ont été poursuivies en 1975-1977 et 1978 par W. Czysz.

FIG. 395
Nidderau/Heldenbergen : I-II camps de marche, époque de Domitien ; III camp temporaire, époque de Domitien (Czysz 2003, 63, fig. 32).
923Les critères de géographie militaire ont été déterminants pour le choix du site : en l’espace d’une décennie, trois unités militaires de taille et d’équipement correspondant différents prirent successivement les unes à la suite des autres position sur la Nidder et le passage de la rivière.
924Pendant l’été 83 ap. J.-C., Domitien dirigea, à partir de Mayence, une campagne contre les Chattes au moyen d’une action militaire considérable. C’est dans ce contexte qu’apparaît le “grand camp” de Heldenbergen I, dont le plan trapézoïdal s’appuie sur la pente de la Nidder. La faible consolidation du talus ainsi que le remplissage du fossé montrent que Heldenbergen I n’a été occupé que peu de temps. Dans la mesure où le type d’utilisation de l’espace intérieur du camp n’est pas connu (tentes, bâtiments spécifiques à usage logistique, emplacement pour le matériel, etc.), aucune donnée ne peut être avancée quant à la taille de l’unité (ou des unités). Il s’agit cependant vraisemblablement d’un commando spécial issu d’une vexillation et non d’une unité constituée. Celle-ci a dû quitter le camp d’été après la campagne de l’année 83 ap. J.-C. et retourner dans ses quartiers d’hiver à Mayence.
925Heldenbergen II, à l’intérieur du camp de marche I, ne peut également, en raison de la pente inhabituellement abrupte de son fossé en V, avoir été occupé que de manière temporaire comme camp de marche ou camp d’été. Comme, à l’exception d’un bassin dans l’angle sud du camp, l’aménagement intérieur n’est pas connu, les indices de datation du castellum sont rares. Vu l’arrière-plan historique du bellum Germanicum, deux périodes peuvent être envisagées :
926– après la retraite des troupes dans leurs quartiers d’hiver, en 83, une partie des unités est revenue à nouveau lors de l’été 84 pour occuper les anciennes positions à Heldenbergen I ;
927– on peut aussi penser que le camp II a été érigé lors de l’insurrection du légat de Mayence, L. Antonius Saturninus, en 89 ap. J.-C.
928De nouvelles mesures de sécurité furent prises dans la Wetterau à la suite de cette expeditio Germanica. Le castellum en terre de Heldenbergen II pourrait s’inscrire dans ce contexte. Sa superficie de 1,1 à 1,6 ha est difficilement comparable avec celle des camps permanents et doit plutôt être considérée comme celle d’un camp de marche.
929Dans les dernières années du règne de Domitien, de vastes mesures furent prises en vue de la mise en valeur et de la sécurité de la région nouvellement conquise. Heldenbergen III a été construit dans ce cadre. Avec la position sur la Nidder, la fonction défensive se manifeste également au niveau de l’enceinte. Le castellum parvulum est certes, avec une superficie de 0,8 ha, le plus petit en taille, mais il possède un fossé de fortification puissant de 2,5 m, nettoyé à plusieurs reprises. Des traces de poteaux indiquent un aménagement intérieur en bois réalisé en deux phases. Il n’y a pas d’indices quant au type de troupes ou à la garnison du camp. Il est possible d’envisager une vexillation de l’aile stationnée à Okarben ou une unité d’infanterie de la taille d’un numerus. La céramique sigillée fournit une datation pour la fin de l’occupation du camp peu après 100 ap. J.-C., peut-être dans les années autour de 105 ap. J.-C.
930C’est à l’époque de Domitien qu’apparaît le vicus sous la forme d’un site d’approvisionnement formé seulement de quelques maisons, devant la porta decumana du castellum III (fig. 396). Les premières traces de la présence d’artisans, avant tout de forgerons et de fondeurs de bronze, apparaissent dans ce contexte. Dès cette première génération, le vicus a atteint sa taille définitive. Dès les premières années du règne de Trajan, il occupe déjà une fonction centrale dans la Wetterau orientale, qui profita non seulement de l’aménagement de la frontière et de la construction de nouveaux castella sur le limes, mais également de l’apparition progressive d’implantations rurales.

FIG. 396
Nidderau/Heldenbergen. Plan restitué du parcellaire urbain le long de la platea et zone de dispersion du matériel archéologique (Czysz 2003, 71, fig. 36).
931Les maisons alignées –en grande majorité des constructions en bois– forment un double tracé le long de la voie principale en direction de Marköbel. La présence de bâtiments à usage communautaire, comme par exemple des édifices liés à l’administration, un temple ou des thermes n’est pas attestée. On peut reconstituer, sur une superficie de 2,5 ha, environ quarante-cinq à cinquante maisons privées d’habitation alignées ; cinq maisons en bois situées dans la partie la plus ancienne du village ont fait l’objet, en 1975-1977, de fouilles plus ou moins complètes (fig. 397).

FIG. 397
Nidderau/Heldenbergen. Reconstitution des façades (A) et vue de profil (B) des maisons (Czysz 2003, 97, fig. 60).
932Le vicus a été la victime d’une attaque des Germains dans les années 40 du iiie s. et a été détruit par le feu. Des fragments de squelettes ainsi que la nature de blessures mortelles dressent un tableau dramatique des combats livrés sur la platea. D’après les pièces d’équipement militaire retrouvées, des unités romaines y ont également pris part. La couche d’incendie est datée, d’après les monnaies (TP 233) et la céramique sigillée, du début des années 40, c’est-à-dire des années de règne de Gordien III.
933bibliographie [2004]
Czysz 1976 ; Czysz 1980 ; Czysz 2003 ; Rupprecht 1973 ; ORL B II, 3, no 25.
934Nigrum Pollum → Alphen
935Nijmegen → Nimegue
Nimègue
Noviomagus
Gueldre, Pays‑Bas (cartes fig. 3, 6, 7 et 12)
936J. K. HAALEBOS
937Des vestiges d’époque romaine s’étendent sur près de 5 km au sud du Waal, sur une moraine exceptionnellement élevée pour les Pays-Bas (jusqu’à 60 m d’altitude). Cette éminence constitue, lorsque l’on vient du sud, la dernière position élevée et hors d’atteinte du fleuve sur la rive gauche du Rhin. L’importance stratégique est encore renforcée par l’intersection à cet endroit de plusieurs grands axes routiers.
938Le site a porté plusieurs noms : Batavodurum (Ptolémée, Géographie 2, 9, 8 et Tacite, Histoires 20), oppidum Batavorum (Tacite, Histoires V, 19) et Noviomagus (Table de Peutinger, Segment II, 4), plus tard remplacée par Novomansione (C. Th. 1, 6, 6), Noita (Rav. 4, 24), Numaga et Neomagus, à partir duquel les formes modernes Nimwegen et Nijmegen se sont développées. Des inscriptions découvertes à l’extérieur du site de Nimègue mentionnent la civitas Batavorum (CIL XIII, 8771 de Ruimel dans le Brabant-Nord) le vicus (Ulpia) Noviomagus et le municipium Batavorum. Les sutores Noviomagenses sont mentionnés dans une inscription gravée sur une bague découverte voici quelques années.
939Les deux pasteurs Smetius (père et fils) rassemblèrent au xviie s. de grandes collections d’antiquités. Les premières fouilles scientifiques eurent lieu en 1834 dans le secteur de Ulpia Noviomagus (Nimègue Ouest). Depuis 1864 existe une commission municipale pour la conservation des monuments d’histoire et d’art (Commissie ter verzekering eener goede bewaring van Gedenkteekenen van Geschiedenis en Kunst). Les opérations de fouilles dans les premières décennies du xxe s. (nécropole CC, F.M.C. Leydekkers, 1906-1907 ; Kops Plateau et camp légionnaire, J.H. Holwerda, 1915-1921 ; temple de Nimègue Ouest, M.P.M. Daniëls, 1921-1922) restèrent sans suite jusqu’aux années 1950. En 1922, un particulier fonda le musée G.M. Kam afin d’y exposer ses propres découvertes. La collection fut augmentée des collections municipales et des découvertes provenant des fouilles scientifiques. Le musée nouvellement construit (Het Valkhof) dans le centre ville abrite depuis peu la collection exposée au public.
940Depuis 1957, divers services et instituts opèrent pratiquement sans interruption des fouilles sur le site de Nimègue : le Rijksmuseum van Oudheden te Leiden (H. Brunsting), le Rijksdienst voor het Oudheidkundig Bodemonderzoek te Amersfoort (J.H.F. Bloemers, W.J.H. Willems), le département d’archéologie provinciale romaine de l’Université catholique de Nimègue (J.E. Bogaers, J.K. Haalebos), la section archéologique du service de développement urbain de la commune de Nimègue (J.R.A.M. Thijssen). Les recherches se sont d’abord concentrées sur le camp de la Xe légion Gemina, puis se sont dirigées vers les environs du camp et vers d’autres sites, comme le Kops Plateau, le centre ville et la ville romaine de Nimègue-Ouest. L’expansion urbaine au nord du Waal donnera lieu, dans les années à venir, à des fouilles extensives dans les secteurs ruraux moins romanisés.
941Les dispositifs militaires du début de l’époque impériale et du Principat se situent avant tout dans la partie orientale de la ville, sur le Hunerberg et le Kops Plateau à l’est. Le centre de l’implantation se déplaça au ive s. en direction du centre ville actuel, où une fortification fut bâtie sur le Valkhof.
Le grand camp sur le Hunerberg
Le camp augustéen
Forme et situation du camp
942Les constructeurs ont essayé, dans la mesure du possible, d’adapter le tracé du camp polygonal (42 ha) au plan du terrain (fig. 398). Le front nord a été déterminé par le versant abrupt. Les deux angles nord de la fortification étaient protégés par deux petites vallées, le Beekmandalseweg à l’est et le Vrouwendal à l’ouest. Les fossés défensifs méridionaux marquent la limite du camp, qui s’incline légèrement vers le sud, et servent de transition avant un versant abrupt qui est aujourd’hui, malgré les constructions modernes, toujours visible dans la topographie urbaine. La légère pente du terrain a également déterminé l’emplacement des dispositifs défensifs occidentaux.

FIG. 398
Nimègue. Grand camp augustéen sur le Hunerberg.
dessin E.J. Ponten et F.A.Q.M. Vermeer
Les défenses
943• Les fossés
944H. Brunsting a réalisé devant la porte d’enceinte orientale les premières coupes au travers des deux fossés défensifs du camp le plus ancien. Les tessons découverts dans le remplissage, ainsi que deux sépultures déposées au milieu du ier s. à l’intérieur du fossé interne, alors remblayé, datent ces deux fossés de l’époque augustéenne. Le fossé externe était interrompu devant la porte et présentait un passage de 12,5 m de large. Aucun indice d’un pont en terre n’a été découvert. Ce dernier pourrait cependant avoir été déblayé lors du creusement du fossé défensif flavien de la période 4, visiblement observé de manière incorrecte.
945La largeur du fossé interne s’élevait au maximum à 7,50 m, elle semble pourtant, en règle générale, ne pas avoir dépassé 5 m. La profondeur atteignait le plus souvent à peine 2 m. À un seul endroit, où le côté interne du fossé se situait nettement plus haut que le côté extérieur, la profondeur devait être d’environ 3 m. L’inclinaison des versants variait dans les différentes coupes entre 40° et 58°. La berme devait avoir une largeur d’environ 1,80 m (6 pieds). Le fossé externe, de forme légèrement plus évasée, à l’origine, est à peine moins profond. Il a été vraisemblablement remblayé de la même manière.
946Les fossés défensifs sur le côté occidental du camp ont été fouillés dans les années 1992-1996. Ils semblent être restés longtemps ouverts et avoir servi de canal d’évacuation pour les eaux de pluie. Le fossé externe a été fouillé sur environ 100 m, le fossé interne sur plus du double. Les deux fossés étaient vraisemblablement interrompus, au niveau de la porte occidentale, par un pont en terre de près de 14 m de largeur d’où sortait la via principalis. Sur le côté intérieur du fossé interne se trouvait un fossé étroit qui fermait le passage et rappelle les petites tranchées transverses à l’extrémité des fossés de Haltern devant les portes est et nord. Les deux extrémités des fossés étaient rectilignes.
947À l’époque flavienne, la zone des fossés fut visiblement utilisée comme dépotoir. Le fossé interne avait une largeur maximale de 6 m et une profondeur de 2,30 m. Les versants de ce fossé en V présentaient une pente de moins de 40°. La présence, jusqu’à une grande profondeur de tessons de céramique flavienne et de fragments de tuiles, prouve que le fossé ne fut aplani qu’à l’époque flavienne. Les remplissages des fossés étaient couverts de couches de détritus et, dans la partie septentrionale, d’une couche d’incendie de l’époque des canabae de la Xe légion.
948• La porta principalis dextra
949Fouillée en 1960 par H. Brunsting, celle-ci a la forme d’une pince et est composée de deux tours rectangulaires de chacune huit poteaux, reliées en hauteur par un passage porté par quatre poteaux. En façade, les tours étaient flanquées vers l’extérieur de paires de poteaux qui constituaient la liaison avec le rempart. Un fragment de céramique arétine (service II) a été mis au jour dans l’un des trous de poteau.
950• La porta principalis sinistra
951La porte occidentale a été repérée lors de tranchées en 1918 par J.H. Holwerda et entièrement dégagée en 1992-1994. Elle avait la même forme et les mêmes dimensions (25,20 x 9 m) que la porte orientale. Dans chacun des deux passages latéraux ont été découverts des trous de poteau qui pourraient être interprétés comme partie du système de verrouillage et montrent que la porte disposait de deux passages. On a également dégagé, entre les fosses, des gros poteaux de la construction d’origine, des fosses moins profondes, témoins de réparations. Dans l’un des trous de poteau a été découverte la seule monnaie à l’Autel de Lyon qui peut, non sans quelque difficulté, être mise en relation avec le camp de la période 1.
952• Le rempart défensif et les tours
953Pratiquement aucune trace du rempart n’a pu être mise au jour. On a simplement observé au nord de la porta principalis sinistra des fondations constituées de branches couchées les unes à côté des autres. Le tracé du rempart n’était ensuite reconnaissable que grâce aux tours. Un écart d’à peine 24 m (soit 80 pieds) séparait ces dernières sur le côté occidental de la fortification. Les tours pratiquement carrées (3,60 x 3 m) étaient composées de quatre poteaux. Les trous avaient 1 m de profondeur et montraient souvent la trace colorée des poteaux, parfois calés par des pierres.
L’aménagement intérieur
954Les vestiges de l’aménagement intérieur sont recouverts par de nombreuses constructions et fosses ultérieures du camp et des canabae flaviens. Il est donc assez difficile de reconstituer l’organisation du camp augustéen. La vue d’ensemble proposée ici de la moitié occidentale offre néanmoins une cohérence satisfaisante. L’exploitation des vestiges manque encore pour la moitié orientale. On peut reconnaître les bâtiments en bois suivants.
955• Les principia (1)
956Les fouilles de cet édifice sont trop réduites pour autoriser une interprétation fiable. Les vestiges découverts –une tranchée de fondation et une série correspondante de trous de poteau– laissent penser que l’on a affaire ici à la cour péristyle du bâtiment de commandement. L’absence de pièces latérales sur les côtés de la cour semble être une caractéristique des bâtiments de commandement augustéens.
957• Un praetorium (2) ?
958Le plus grand corps de bâtiment découvert jusqu’à présent présente une longueur de près de 60 m soit 200 pieds et est constitué d’une maison pratiquement carrée de 36,50 x 35,50 m avec une cour péristyle adjacente au sud (environ 36,50 x 24 m). Les pièces d’habitation sont disposées autour d’une deuxième cour (environ 14,50 x 12 m) et d’une cour intérieure plus petite (environ 5,50 x 5,50 m). L’entrée principale devait se trouver sur le côté occidental. Le plan est caractérisé non seulement par les deux cours intérieures, mais aussi par les longs corridors qui séparent les différents groupes de pièces les uns des autres.
959Le bâtiment correspond en dimensions aux logements des tribuns de légions qui, autant qu’on le sache, n’ont jamais dispose de péristyle à proximité de la maison. La division est comparable à celle du praetorium plus petit d’Oberstimm qui abritait, à l’époque claudienne, une unité d’auxiliaires. Le bâtiment de Nimègue semble cependant trop petit pour un praetorium de légion si on le compare aux camps classiques du Principat. Mais ses dimensions (avec le péristyle) sont comparables aux praetoria récemment fouillés d’Oberaden, Anreppen et Marktbreit qui présentent, dans certains détails (par exemple l’entrée du praetorium d’Oberaden), de grandes similitudes avec le bâtiment de Nimègue.
960Si l’on considère la taille du camp, on est en droit d’attendre à Nimègue la présence de deux commandants de légion et peut-être également d’un commandant suprême, disposant chacun d’un logement. On pourrait ainsi expliquer la position excentrée du praetorium par rapport aux principia.
961• Les maisons des tribuns (3-6)
962Quatre maisons carrées ou rectangulaires dont la surface varie entre 240 m2 et 540 m2 ont été découvertes sur le côté méridional de la viaprincipalis, à l’ouest des principia. Il semble s’agir de maisons d’habitation, peut-être celles des tribuni militum, bien que leurs logements, à une époque postérieure, fussent situés normalement sur la via principalis, dans la praetentura. L’espace laissé libre suffit pour ajouter deux autres maisons à celles qui sont connues à cet endroit et loger ainsi les six tribuns d’une légion. Les maigres vestiges découverts entre les maisons 3 et 4 ne semblent cependant pas conforter cette hypothèse.
963• Les baraquements (7-17)
964À l’exception de quelques vestiges épars qu’il est difficile d’interpréter, la plupart des constructions restantes correspondent très vraisemblablement aux logements des troupes. C’est près du rempart occidental que la situation est la plus évidente. On a trouvé à cet endroit les casernes de deux cohortes situées l’une en face de l’autre, avec leurs constructions de tête pratiquement carrées (environ 9 x 9 m) et placées le long d’une voie de 18 m de large. Pour chaque cohorte ont été mis au jour cinq logements de centurions, constitués d’une baraque simple et de deux baraques doubles. La baraque manquante de la sixième centurie doit se situer dans le secteur encore non étudié à l’est de la fouille. Chaque cohorte disposait probablement d’une surface de 64 x 60 m, soit environ 200 x 200 pieds.
965Diverses maisons possèdent des latrines du côté de la rue. De grands espaces, interprétés comme cours, viennent derrière les logements des officiers. Dans au moins un baraquement, les logements de troupes sont reconnaissables à la tranchée de fondation d’un mur de séparation entre les deux moitiés du bâtiment.
966Dans la plupart des cas restants, seuls les vestiges des logements d’officiers ont pu être dégagés. La longueur des baraques ne peut être le plus souvent que supposée au vu de la série de fosses qui lui est associée.
Occupation et datation
967Le matériel épigraphique est absent. La taille du camp et les baraquements découverts indiquent la présence de légions. Des pointes de flèches et des balles de fronde, malheureusement trouvées hors contexte stratigraphique, ont pu être utilisées par des soldats auxiliaires, mais cela ne prouve pas la présence de ces troupes. Si l’on en croit sa grande superficie (42 ha), le camp doit être considéré comme un camp permanent qui a joué un rôle pendant une offensive et abrité au moins dix mille hommes.
968D’après la céramique, le grand camp a dû être occupé à l’époque d’Oberaden ou quelques années plus tôt. Parmi les rares estampilles sur céramique sigillée se trouvent des pièces qui appartiennent à l’horizon le plus ancien de Neuss. La série monétaire est déterminée principalement par des monnaies de Vienne et de Copia ainsi que des as de Nîmes de la première série. Une seule demi-monnaie de l’Autel de Lyon a été découverte, et dans des conditions sujettes à caution.
969La datation du camp dans la deuxième décennie avant notre ère, sur la foi de ce mobilier, ou plutôt en 12 av. J.-C. lors du premier passage de Drusus sur le Rhin inférieur, dépend de l’interprétation que l’on fait du passage de Dion Cassius (54, 32) qui suggère que cette partie de la frontière a été pour la première fois occupée par Drusus avec des troupes romaines. La mort de Drusus en 9 av. J.-C. a cependant provoqué sans aucun doute l’abandon du camp.
970Les céramiques sigillées de la fin de l’époque augustéenne dans l’angle nord-est du site pourraient prouver l’existence temporaire d’un petit camp. Des indices supplémentaires manquent aujourd’hui encore et il peut tout aussi bien s’agir, comme dans le cas du Kops Plateau, d’un déplacement de dépotoir. Ces découvertes doivent donc être interprétées avec beaucoup de précaution.
Le camp flavien (fig. 399)
971Après le soulèvement des Bataves, une nouvelle garnison fut stationnée à Nimègue, dont la mission n’était plus de conquérir les Germains mais de surveiller le pays des Bataves. Cela a déclenché visiblement une intense activité de construction, les vestiges archéologiques semblant attester de l’existence de quatre, voire cinq camps, dont la superficie pourrait varier entre 15 et 30 ha. Des camps les plus anciens (périodes 2 et 3), seuls les fossés sont connus. On ne sait pas toujours s’il s’agit de fossés de défense ou bien d’évacuation des eaux. Parmi les dispositifs les plus récents, seul le plan du camp en pierre de la période 5 a été dégagé. Le plan du camp en terre et bois (période 4) est à l’heure actuelle encore très incomplet, dans la mesure où les rapports de fouilles de plusieurs décennies n’ont pas encore été exploités. Seul est ici traité le camp de la période 5.

FIG. 399
Nimègue. Le camp flavien de la période 5 sur le Hunerberg, par dessus le camp augustéen.
dessin E.J. Ponten et F.A.Q.M. Vermeer
Forme et situation du camp
972La forteresse (460 x 348 m) a été érigée dans l’angle nord-est du camp augustéen et utilise les mêmes avantages stratégiques que l’installation antérieure, le versant abrupt sur le côté nord et la vallée du Beekmandalseweg sur le côté est. La forme de cette vallée explique le tracé du rempart à proximité de la porte orientale, d’autant plus remarquable que le camp offre par ailleurs un plan pratiquement rectangulaire. Les deux côtés n’ont simplement pas un tracé strictement parallèle.
973Le camp est orienté le long de la pente abrupte, située du côté ennemi, c’est-à-dire le pays Batave. La porta praetoria se situait par conséquent à un emplacement très défavorable et ne pouvait pratiquement pas être utilisée en raison de la rupture très forte de pente. On a pourtant construit sur la face interne de cette porte trois horrea. Les provisions devaient sans doute être transportées sur un ancien bras du fleuve, aujourd’hui disparu, jusqu’au pied du Hunerberg et de là, en gravissant la pente, jusqu’à l’intérieur du camp. La superficie –un peu plus de 16,5 ha– est plutôt réduite pour une légion complète.
Les défenses
974Les recherches sur les faces est et ouest nous donnent les meilleures informations sur le fossé. La largeur atteignait moins de 4 m, et ne dépassait 10 m qu’à l’est, où le fossé se terminait dans une vallée creusée sur le bord de la moraine. Les versants étaient en pente beaucoup plus douce que d’habitude. Les bords du fossé, inclinés à 50-60°, étaient revêtus de mottes de gazons. Ces dernières avaient une largeur de 30 cm et une épaisseur entre 6 et 10 cm qui déterminait l’épaisseur du revêtement. La longueur des mottes de gazon est difficile à déterminer ; elle devait varier entre 30 et 50 cm.
975Le pollen découvert dans le gazon montre que les mottes n’ont pas été découpées dans la plaine alluviale du Waal mais dans le sable du Hunerberg, à proximité du camp. Le terrain semble avoir été, quelques décennies auparavant, complètement déboisé. La végétation s’était apparemment en partie reconstituée et était formée de pousses isolées d’arbres (bouleaux, chênes et noisetiers), mais surtout d’herbes et de genêts.
976Parmi les quatre portes du camp, la porta praetoria a été observée en coupe et la porta principalis dextra entièrement fouillée. Les vestiges des fondations n’étaient pas très lisibles mais ont autorisé la reconstitution d’un dispositif de porte de 19,50 x 9,25 m, composé de deux tours rectangulaires reliées par deux salles pratiquement carrées. La pièce septentrionale semble avoir disposé d’une porte vers l’extérieur. Le mur de la pièce méridionale manquait du côté du camp. La via principalis débouchait sur cette dernière ouverture. On doit ainsi supposer que la porte n’avait qu’un seul passage.
977Une fondation massive, d’abord interprétée comme celle d’un mur de protection ou mur-bouclier, se situait en travers de la façade de la porte. On doit plutôt voir dans ces fondations la partie inférieure d’un canal d’évacuation des eaux, desservant la pièce rectangulaire située au sud de la porte (latrines réservées aux troupes ?).
978Du mur d’enceinte ne subsiste que la tranchée de fondation contenant un remblai de tuf et de mortier ainsi que de la glaise grasse et bleue. Le mur devait avoir une largeur d’environ 1 m et était doté, sur le côté interne, de contreforts placés à peu près à 3 m les uns des autres et soutenant peut-être un chemin de ronde en bois ou en pierre d’une largeur de 1,50 m. Des tours carrées (4,50 x 4,50 m) s’élevaient pratiquement tous les 50 m derrière le mur. La tour d’angle nord-est était plus grande que les autres, sans doute bien plus qu’elle n’apparaît sur les plans publiés.
Les bâtiments intérieurs
979• Les principia
980Le bâtiment de commandement d’environ 87 x 65 m est constitué d’une basilica (environ 47 x 23 m) et d’une grande cour entourée sur trois côtés de pièces de dimensions plus réduites. A l’exception de l’aile qui borde la via principalis, l’édifice est construit suivant un plan parfaitement symétrique. Les façades sont (partiellement ?) agrémentées d’un portique. Dans le secteur oriental, celui-ci est formé de colonnes reposant sur un même stylobate. À l’ouest, la colonnade fait place à de larges et profondes fondations qui devaient porter un mur aveugle. Ce dernier devait être, pour des raisons de symétrie, doté de demi-colonnes. Au centre apparaît une entrée monumentale, caractérisée par des fondations particulièrement massives en mortier. À proximité de l’entrée s’élèvent de lourds socles qui portaient sans doute des statues. Trois estampilles de la Xe légion Gemina ont été découvertes dans les fondations en terre glaise d’une de ces bases. L’une d’entre elles portait l’épithète honorifique de Pia Fidelis (après 88 ou 96 ap. J.-C.).
981Différentes bases destinées à des statues se trouvaient dans la cour. Une rangée de salles, avec l’aedes au centre, apparaît derrière la basilica. L’aedes est souligné sur l’arrière par une construction flanquée de deux petites pièces. Il semble qu’une salle étroite, dans la partie arrière de l’aedes, ait été isolée au moyen d’un mur transversal. Il n’y avait pas de cave. La fonction de cette dernière a pu être assumée par les deux petites pièces latérales.
982Dans la pièce d’angle nord-est, près de la via principalis, se trouvait un radier de glaise et de gravier présentant les traces d’un mur en élévation, qu’il est possible d’interpréter comme sol d’un réservoir d’eau (?).
983On a découvert en divers endroits, sur le côté extérieur de l’édifice, des fondations d’arcs-boutants ou de demi-colonnes. Des morceaux de calcaire travaillés provenant de colonnes ainsi qu’un bucrâne à l’état fragmentaire sont les seuls vestiges d’une riche décoration. Les briques estampillées portant le nom de la Xe légion Gemina Pia Fidelis sans l’attribut Domitiana, ainsi que la marque de la vexillatio Britannica, de la VIIIIe légion Hispana et de la XXXe légion Ulpia Victrix peuvent indiquer que, jusqu’à une époque tardive, des travaux furent opérés sur l’édifice.
984• Le praetorium
985Le logement du commandant de la légion n’a, jusqu’à présent, pas été retrouvé. Un large espace derrière les principia n’a cependant pas encore été fouillé. L’existence du valitudinarium est probable à l’ouest de cet espace.
986• Les maisons des officiers équestres
987Dans l’angle oriental, entre les deux voies principales du camp, se situent trois maisons à peu près carrées, disposant sans doute chacune d’une cour intérieure. D’après leur situation et leur forme, il s’agit vraisemblablement ici de logements destinés à des officiers de grade élevé. Les deux plus petits ont dû appartenir aux tribuni angusticlavii, le plus grand, avec une place laissée libre à l’arrière et un bâtiment annexe (baraquement de troupes ?), peut avoir servi de logement au laticlave ou au praefectus castrorum. Cette dernière maison disposait de deux hypocaustes. La maison la plus orientale possédait, en sus d’un hypocauste, des latrines dans l’angle nord-est, desservies par un canal placé juste à l’arrière du bâtiment. De petits fragments de maçonnerie en tuf ont été observés au niveau de ces deux constructions. La décoration devait être relativement riche. De nombreux fragments de peintures murales ont été découverts. Les briques estampillées mises au jour indiquent une activité de construction à la fin du règne de Domitien et au début de celui d’Hadrien.
988• Les baraquements des troupes
989On a mis au jour les casernements pour six cohortes qui, à l’exception de celui de la 1re, étaient en général rassemblés en groupes de six baraques. Il est possible de distinguer trois catégories de baraquements.
990Les logements de la 1re cohorte se situent dans la partie droite de la praetentun., presque sur la via principalis, séparés de celle-ci par une rangée de tabemae. Elles se distinguent des autres casernes par les logements plus grands pour les officiers (500 m2), disposant tous d’une cour intérieure et séparés des véritables logements de troupes. La cohors prima n’était visiblement constituée que de cinq centuries dont la première, commandée par un primipilus, avait le double de l’effectif des autres. La maison du primipilus était presque aussi grande (720 m2) que la maison des tribuni. Des séries de pièces, interprétées comme réduits, apparaissent entre les casernes de la 1re cohorte.
991Les baraques des autres cohortes présentent de nombreuses similitudes. On a employé aussi bien des baraques simples que des baraques doubles. Les 1re et 6e centuries sont en général logées dans des baraques individuelles, et les quatre du milieu dans des baraques doubles. Dans la partie droite de la retentura, on a construit des baraques individuelles à la place des baraques isolées, séparées par des ruelles étroites. La longueur (66-72 m) ainsi que le nombre des contubernia (8-11) est variable. Les baraques qui ont le moins de contubernia sont dotées, à l’extrémité opposée à la construction de tête, de salles spéciales dont la fonction n’a pas pu être déterminée. Sur ce côté, la voie, normalement bordée de colonnes de bois entre les baraques, le spatium conversantium, se terminait par un mur. Elle prenait ainsi l’aspect d’une cour allongée. Toutes les baraques sont orientées avec leur construction de tête vers l’intervallum. Avec une superficie d’environ 280 m2, les logements de centurions sont nettement plus petits que ceux de la 1re cohorte. Leur entrée se trouvait sur le côté. Ils étaient installés autour d’un espace central, vraisemblablement une cour intérieure, qui était reliée avec l’extérieur par un corridor en forme de L.
992Des baraquements individuels se trouvent à côté des grands horrea et au sud des principia. Le premier cité est un baraquement de forme habituelle, avec onze contubernia, qui pourrait avoir hébergé des immunes employés dans l’administration des horrea. Dans l’un des arma de ce baraquement, un foyer en briques a été mis au jour sur lequel on a découvert un sceau de la XXXe légion de Xanten. Le bâtiment devait par conséquent être au moins utilisé autour de 120. Les deux baraquements au sud du bâtiment de commandement ont une forme particulière en raison de la disposition alternée des contubernia. Les arma se situent une fois à droite, une fois à gauche. La présence d’un bâtiment de tête n’a pas été observée jusqu’à aujourd’hui. Si l’hypothèse se vérifie que le praetorium doit être recherché derrière les principia, il est vraisemblable que les deux baraquements abritaient une troupe de garde du commandant de légion. Des logements semblables pour une garde du corps ou un état-major se trouvent à proximité de deux logements destinés à des officiers équestres.
993• Les bâtiments à fonction économique
994Il existe, à côté des maisons d’habitation et des principia, un groupe de constructions spécifiques qui ont eu dans l’ensemble une fonction économique. Il s’agit de deux constructions isolées et de deux secteurs où se concentraient d’une part la conservation des denrées alimentaires, et de l’autre des activités artisanales. Ces ateliers étaient hébergés à l’extérieur de l’alignement des baraquements dans une saillie du camp, au nord de la porta principalis sinistra. Un système de canalisation d’eau était raccordé à partir de cet endroit.
995Trois horrea de type classique avec murs épais et contreforts se situent près de la porte principale. L’horreum oriental (horreum II), dont le sol était porté par cinq rangées de piliers (2 x 1 m), a été fouillé aux deux tiers (40 x 14 m) et semble avoir présenté sur le côté sud une sorte de plate‑forme de chargement. Les tranchées de fondation étaient exceptionnellement imposantes, avec une profondeur supérieure à 1,40 m. Les deux autres ne sont apparues qu’en coupe. Les estampilles de la Vexillatio Britannica figuraient sur des fragments de tuyaux circulaires de canalisation d’eau, qui pourraient avoir été utilisés pour l’aération de l’horreum à moins qu’ils n’aient été simplement mélangés au mortier.
996Le grand bâtiment près des principia (78 x 46 m) n’est rien de plus qu’une cour entourée de séries de petites pièces. Les murs, d’une largeur de 1,25 m, étaient particulièrement épais. Aucune preuve convaincante ne permet d’interpréter ce bâtiment comme armamentarium. D’après le type de construction, il pourrait s’agir d’un magasin.
997L’édifice conservé à l’état incomplet dans l’angle sud-ouest du camp a été interprété, en raison de son plan compliqué, comme bâtiment à fonction économique, du type bazar, Il reste à déterminer s’il s’agit d’un magasin ou d’un atelier.
998En raison de sa cour intérieure, on a initialement interprété l’édifice situé dans l’angle nord-est du camp comme un diversorium. On s’attendrait plutôt à trouver un édifice de la sorte à l’extérieur du camp. Des découvertes abondantes de scories laissent penser qu’il existait à cet endroit un atelier de travail des métaux. Cette fabrica était reliée, par l’intermédiaire d’une cour non murée, à un deuxième atelier qui semble avoir pris la forme d’une grande salle double, la partie orientale correspondant en fait à un agrandissement ultérieur. Les piliers de soutien sur le côté interne du mur laissent croire à une construction lourde et peut-être haute. H. Brunsting voulait voir dans ce bâtiment un magasin d’artillerie mais envisageait également la possibilité, en raison des nombreuses scories, de l’existence d’une forge.
999Plus au sud se trouve, entre le puits et la porte d’enceinte orientale, un petit bâtiment en forme d’appentis dont la fonction n’est pas déterminée.
1000• Alimentation en eau, canaux et latrines
1001Le camp disposait –autant que nous le sachions– d’un seul puits. Celui-ci était tellement profond que le fond n’a pas pu être atteint. Il semble qu’il y ait eu un coffrage en bois réalisé en deux temps. Le bord supérieur était composé de plusieurs assises de tuf. L’installation était recouverte par un appentis (16 x 15 m). L’eau du puits était versée au moyen de seaux dans un réservoir ou château d’eau voisin, dont subsistait le sol épais en opus signinum portant les empreintes de grandes dalles de tuiles et encadré par des fondations carrées (environ 10 x 9 m). Les tuyaux de la canalisation d’eau étaient pour certains en plomb, pour d’autres en bois. Seuls les anneaux de jonction en fer des derniers ont été conservés. Ces tuyaux ont permis de faire circuler l’eau sous pression, ce qui était indispensable en raison de l’élévation du terrain en direction du nord. La canalisation se ramifiait. Une ramification conduisait le long du côté septentrional des baraquements jusqu’aux grands horrea et jusqu’au canal d’évacuation situé à cet endroit ; l’autre suivait l’intervallum et alimentait le réservoir à proximité des latrines du mur nord. Le camp était entouré d’un canal, partout arasé, ce qui explique que les fouilleurs ont d’abord cru trouver les fondations d’un mur épais, qui devait protéger les bâtiments des tirs de l’ennemi. Le sol en tuiles de ce canal a été découvert en 1974 sur le côté occidental du camp, ce qui a livré la véritable explication. On a ainsi pu constater que les eaux usées étaient canalisées vers l’ouest grâce à une interruption dans le fossé défensif jusqu’à une distance de 300 m au moins à l’extérieur du camp.
1002C’est au niveau d’un canal latéral dans les canabae occidentales que la structure de ce canal peut être observée de la meilleure façon. La largeur intérieure s’élevait à 90 cm (3 pieds). La face interne du mur encore en élévation sur plus de 1 m était composée de blocs de tuf rectangulaires soigneusement travaillés, dont la face postérieure était souvent taillée en pointe. Les bords supérieurs du mur montraient des élargissements sur lesquels se trouvaient des restes de mortiers. Le sol se situait à 1,60 m sous le niveau de la voie romaine et était entièrement revêtu de tuiles. On a découvert des estampilles de la Xe légion Gemina, entre autres avec l’épithète Pia Fidelis Domitiana, ce qui donne un indice pour la datation du canal (et du camp ?). Sol et mur du canal reposaient sur une couche épaisse de 10 cm de glaise grasse et bleue et de graviers, sur laquelle le mortier avait été coulé. Une monnaie d’Hadrien, entre autres, a été trouvée dans le remplissage. Le canal a-t-il réellement eu un tracé circulaire fermé ? Cela est douteux. Il existait au moins une interruption à l’extrémité orientale de la via principalis. Une deuxième dérivation partait également sur le côté sud de la porte d’enceinte orientale, en direction de l’extérieur. Des sections plus réduites d’un canal semblable ont également été découvertes en différents endroits à l’intérieur du camp : au nord du magasin près des principia, et sur la face postérieure des deux maisons de tribuns.
1003Des latrines pour les troupes existaient au niveau du mur nord et au sud de la porte d’enceinte orientale. Leur fonction est confirmée par la présence d’un réservoir alimenté par une canalisation d’eau ou bien par un canal d’évacuation. Il s’agit de petites constructions rectangulaires. Deux cohortes devaient se partager les latrines.
Occupation et datation
1004Aucune trace n’a été jusqu’à présent relevée à Nimègue de la IIe légion (Adiutrix) mentionnée dans les Histoires de Tacite (V, 20, 1), à la fin du soulèvement des Bataves à Batavodurum. La Xe légion Gemina a vraisemblablement dû être, peu de temps après la fin de la révolte, déplacée de Rindern (Arenacium) vers Nimègue, où son séjour est attesté par de nombreuses inscriptions et briques estampillées. Elle reçut le nom honorifique Pia Fidelis Domitiana après la révolte de Saturninus pendant l’hiver 88-89 ap. J.-C. Elle fut ensuite déplacée sur le Danube autour de 104 ap. J.-C. Les estampilles témoignent également de la présence de la vexillatio Britannica, de la IXe légion Hispana et sans doute d’une partie de la XXXe légion Ulpia Victrix, qui, à partir de 120 ap.J.-C., était stationnée dans le camp voisin de Vetera II (Xanten). Dans le cas d’autres marques, il semble qu’il s’agisse plutôt de matériel (réutilisé) provenant d’autres sites (Xanten et Neuss ?) (TRA [=Tegularia Transrhenana ?], legio V Alaudae, legio VI Victrix, legio XV Primigenia et legio XXII Primigenia) ou de tuiles fabriquées à partir du règne d’Hadrien, dans la briqueterie centrale de l’armée de Germanie inférieure à De Holdeurn.
1005Il est évident que l’activité militaire doit être datée essentiellement de la période flavienne et que le transfert de la Xe légion Gemina vers la zone danubienne autour de 104 ap. J.-C. a constitué une coupure nette dans l’histoire de l’occupation du site. Cependant, la présence d’une (petite ?) implantation jusqu’à l’époque d’Hadrien est probable, en raison non seulement des briques estampillées découvertes, mais également du mobilier céramique et monétaire.
1006Le camp de légion et les canabae correspondantes occupaient, à l’époque flavienne, une parcelle de 1,5 à 2 km. La superficie habitée peut être évaluée à 100 ha, voire plus. Les maisons des canabae avaient été construites le long du prolongement des voies principales du camp, de façon certaine le long de la prolongation de la via principalis vers l’est et l’ouest. La situation au sud du camp à l’extérieur de la porta decumana reste floue. Un édifice avec cour intérieure que l’on aimerait identifier comme mansio ou praetorium a été dégagé à l’extérieur de la porte d’enceinte occidentale.
1007De vastes nécropoles se situaient à la périphérie orientale et méridionale de l’implantation et recouvraient partiellement d’anciens vestiges d’occupation.
Le Kops Plateau
Situation et forme
1008Le Kops Plateau constitue le point le plus oriental et, 64 m au-dessus du niveau de la mer, le point le plus élevé de la moraine de Nimègue dans le secteur urbain actuel. Il présente les mêmes avantages stratégiques que le Hunerberg, mais la surface d’implantation, limitée par deux vallées, est nettement plus réduite. La fortification romaine occupait uniquement les parties les plus hautes du plateau. Elle est éloignée d’environ 400 m du grand camp.
1009Le camp (fig. 400), fouillé entre 1986 et 1995 par le Service national de l’archéologie sur près des deux tiers de sa superficie, s’adaptait, avec sa forme triangulaire, à la configuration du terrain. Il a été possible de distinguer trois camps présentant à peu près le même plan, mais de tailles différentes : 3,5 ha, 4,5 ha et 3,75 ha. La présence de quelques annexes a pu être observée avec plus ou moins de certitude à l’extérieur du camp.

FIG. 400
Nimègue. Le Kops Plateau au début de l’Empire (de 15 av. J.-C. à 70 ap. J.-C.) : 1 fossé (de 10 av. J.-C. environ à 10 ap. J.-C. environ) ; 2 fossé (de 10 ap. J.-C. environ à 35 ap. J.-C. environ) ; 3 fossé (de 35 ap. J.‑C. environ à 70 ap. J.-C.) ; A praetorium ; B horreum ; C principia ; D écuries au sud du fort.
dessin Rob Mols
1010Deux voies perpendiculaires ont déterminé le tracé du plan. Si les principia sont réellement localisés, la voie traversant le camp suivant un axe sud-ouest/nord-est doit être la via principalis et la deuxième, qui quitte le camp au sud-est, la via praetoria. Il n’existe aucun indice de la présence d’une via decumana ou d’une porte d’enceinte reliée à cette voie. La partie postérieure du camp n’a cependant pas été fouillée.
Les dispositifs défensifs
1011Tous les camps étaient dotés de fossés en V. Deux fossés assuraient la défense du camp le plus ancien lors de toutes ses phases, un seul seulement pour les deux camps postérieurs. Le dispositif le plus récent était par ailleurs encore entouré, au-delà du fossé en V, par deux petits fossés dont la signification n’est pas établie. Les fossés étaient visiblement entretenus de manière régulière, ce qui explique qu’on ait mis au jour un enchevêtrement de fossés correspondant en réalité aux différentes phases d’un seul et unique fossé. C’est seulement lors de la période la plus ancienne que deux fossés défensifs ont été creusés sur le côté nord. À une époque plus tardive, on s’est contenté à cet endroit de la protection offerte par la pente abrupte du terrain.
1012Le rempart a toujours présenté la même forme lors des différentes périodes et était constitué de deux coffrages de bois dont l’espace intermédiaire était rempli de terre. Les deux tranchées de poteaux ont subsisté. La largeur variait de 3,25 m pour la période la plus ancienne à 3,50 et 3,75 m pour la période 3. On a découvert les vestiges d’au moins une tour (période 2) composée de quatre poteaux, qui faisait une avancée à l’arrière du rempart dans l’intervallum. Les dispositifs des portes d’enceinte étaient si simples qu’ils ont pu être définis comme simple bridge-type gate.
L’aménagement intérieur
1013Les nombreux vestiges n’ont pas encore été exploités de manière suffisante. Leur attribution aux différentes périodes est en particulier toujours problématique.
1014Seuls d’infimes restes des principia ont été fouillés et indiquent qu’un grand bâtiment d’environ 40 m de largeur s’est élevé au carrefour des voies principales du camp. Il manque encore aujourd’hui les éléments caractéristiques d’un quartier général. Par ailleurs, l’existence de deux latrines riches en mobilier, dans une aile latérale ou à proximité de cet édifice, est plutôt déconcertante.
1015Le “praetorium" : un gigantesque bâtiment (61 x 33 m) a été mis au jour sur le bord du plateau. Il est composé de deux parties. La question se pose de savoir s’il s’agit là de deux unités indépendantes ou bien d’une seule installation. Une maison avec atrium apparaît à gauche, l’entrée en direction du sud-ouest. Avec une certaine difficulté, il est possible de reconnaître, sur le côté arrière de l’atrium, les deux fauces en plan. Ces derniers ne conduisent pas, comme il est d’usage, à un péristyle placé à l’arrière de la maison, mais à une cour ouverte sur le côté extérieur et à une allée couverte le long de l’intervallum septentrional. On recherche le péristyle attendu ici dans la moitié droite où a été dégagée une cour limitée sur les côtés ouest et est par des séries de bâtiments de longueur différente. La cour peut avoir été ouverte sur le côté nord et encadrée de colonnes sur deux côtés. La cour elle-même était cependant en grande partie enfouie à l’époque moderne.
1016Des installations particulières existaient dans diverses pièces de la moitié orientale. L’espace nord dans l’aile occidentale présentait un réservoir d’eau entouré de six colonnes ou piliers. La salle médiane de l’aile orientale possédait une cave. Des trous de poteau se trouvaient le long des murs bas. Dans la mesure où l’aile orientale reposait en partie sur des fondations massives, il est tentant de voir dans ces poteaux les soutiens d’un étage supérieur. Les indices à l’appui de cette hypothèse font cependant défaut.
1017La division des deux rangées de pièces dans la moitié orientale de l’édifice apparaît au premier abord irrégulière. Il est cependant possible, après analyse, de distinguer trois groupes de salles, deux à l’ouest et un à l’est, constitués chacun d’une grande et de deux petites pièces. Cette répartition rappelle les appartements que l’on rencontre dans les mansiones ou praetoria. La cour ouverte sur le côté rue conviendrait par ailleurs bien à cette interprétation.
1018Le bâtiment correspond sous de nombreux aspects aux praetoria des camps de la Lippe et s’avère proportionnellement beaucoup trop grand par rapport au petit camp du Kops Plateau. On a ainsi émis l’hypothèse selon laquelle l’édifice aurait été prévu en tant que logement pour un commandant de légion, au moins, ou même pour Drusus, commandant en chef de l’armée de Germanie inférieure. Le camp aurait été, par conséquent, une sorte de centre de commandement. Il convient de remarquer, en analysant progressivement le plan triangulaire singulier du camp, que l’emplacement du supposé praetorium dans la partie gauche de la praetentura est inhabituel pour une maison de commandant. Cette position rappelle plus ou moins le grand bâtiment avec cour intérieure de Valkenburg 1, interprété alternativement comme logement du préfet de cohorte, fabrica, praetorium ou mansio. Il semble que l’on soit devant le même choix sur le Kops Plateau.
Baraquements et logements d’officiers
1019À côté des restes de baraquements de troupes en bois et de tentes (piquets de tente en fer), de nombreux logements d’officiers ont été découverts qui se distinguaient parfois par l’existence de caves présentant un système de coffrage de bois.
Ecuries
1020Deux constructions ont été mises au jour au sud du camp qui, du fait de leur plan, laissent penser à des horrea. Elles étaient composées d’un corridor médian avec deux rangées de pièces latérales. Il s’agit cependant très vraisemblablement d’écuries, en raison des nombreuses pièces de harnachement qui y ont été découvertes et de quelques tombes équestres.
Bâtiments à vocation économique
1021Un horreum se situait à l’ouest du praetorium, à une faible distance de la porta principalis sinistra sur le côté nord.
1022Des fours de potiers ont été découverts en deux endroits. L’un d’eux a été creusé dans le talus du fossé de la période 1b et recoupé par le fossé de la période lc. Ces fours devaient se situer, comme il était d’usage à l’époque préclaudienne, à l’intérieur du camp. On a retrouvé également les traces un peu plus loin d’une forge et d’un atelier de fonte du bronze.
Occupation et datation
1023Le matériel épigraphique relativement riche ainsi que d’autres découvertes nous renseignent quelque peu sur les troupes stationnées sur le Kops Plateau. Il convient de mentionner une grande quantité de céramique arétine (décorée) et avant tout des pièces de harnachement et des casques de parade de cavaliers. La présence de cavaliers sur le site est donc incontestable. Leur rôle semble avoir été si important lors de la période la plus tardive que l’hypothèse du stationnement d’une ala sur le plateau à cette époque apparaît probable. Certains des cavaliers devaient être des cavaliers auxiliaires germains qui ont laissé les traces caractéristiques des cavaliers dans le sol. Aucune inscription ne prouve toutefois le cantonnement de l’ala Batavorum sur le plateau.
1024Le mobilier découvert appartient en partie à la période antérieure à l’érection du camp principal de Haltern. La céramique montre des similitudes avec le matériel d’Oberaden, mais également d’importantes différences. La série de vases d’Aco est ainsi pratiquement absente. Il ne semble pas impossible que le premier camp ait été érigé peu de temps après la mort de Drusus, dans le cadre de la réorganisation de la défense des frontières. La datation exacte est fortement dépendante de la datation du grand camp sur le Hunerberg, qui représente sans aucun doute un horizon plus ancien si l’on ne prend pas en compte l’indication de Dion Cassius citée plus haut. D’un point de vue militaire, l’édification d’un petit camp à l’extrémité d’une ligne de défense dans la région du Rhin inférieur serait, dans le contexte d’une guerre offensive, difficilement compréhensible.
1025bibliographie [2004]
Bogaers 1967 ; Bogaers & Haalebos 1977 ; Brunsting 1961 ; Brunsting 1977 ; Fbrtsch 1995 ; Haalebos 1991 ; Haalebos 1996 ; Van Enckevort 1995 ; Van Enckevort 1997 ; Van Enckevort & Zee 1996 ; Willems 1981.
1026Oberaden → Bergkamen
1027Oedenburg → Biesheim
Olten
Soleure, Suisse
1028R. FELLMANN
1029Le site du fortin tardif correspond en grande partie à celui de factuelle vieille ville d’Olten, canton de Soleure, Suisse (fig. 401). Le castellum, du ive s. ap. J.-C., se situe sur la rive gauche de l’Aare dans un coude formé par celui-ci au confluent avec le Dünnern dans un secteur à l’abri des inondations. La voie romaine d’Aventicum à Vindonissa a dû traverser l’Aare à cet endroit (environ à la hauteur du pont en bois médiéval).

FIG. 401
Olten. Plan du fortin dans le parcellaire actuel (Schucany 1996, 71, fig. 29).
1030C’est en 1778 que l’on trouve pour la première fois mention de deux inscriptions insérées dans la maçonnerie de la “Porte du Bas”. Entre 1802 et 1819 ont été découvertes plusieurs sections du mur d’enceinte. En 1863 est effectuée la première documentation sur le mur d’enceinte. En 1902 et 1904, des démolitions importantes eurent lieu dans le secteur du mur d’enceinte au niveau de la “Salle des chevaliers” (Rittersaal). En 1938 et 1962, le mur du castellum est apparu aux nos 30 et 31 de la Hauptgasse, conservé encore sur une hauteur de 6 m, mais il fut ensuite démoli.
1031Une implantation civile romaine non remparée (vicus), dont le nom antique ne nous est pas connu, s’étendait au sud jusqu’au secteur de factuelle vieille ville, au nord jusqu’à la Frohburgerstrasse et à l’ouest un peu au-delà de l’actuelle Baslerstrasse, jusqu’au quartier Hammer. Au iie s., l’extension devait être de 500 x 300 m. Les restes de maisons construites en pierre (entre autres avec hypocauste et peintures murales dans la zone de l’actuelle Baslerstrasse) témoignent d’une implantation imposante, dont l’axe ouest-est devait être fixé en fonction du pont romain sur l’Aare. Le vicus a dû être détruit dans la deuxième moitié du iiie s. (un trésor monétaire de mille cent monnaies, réparties entre 193 et 275 ap. J.-C., a été découvert à 1,2 km à l’ouest du castellum tardif).
1032Une première fortification de la tête de pont occidentale a été réalisée dans l’angle sud-est du vicus vers la fin du iiie s. Celle-ci fut abandonnée, ainsi que son fossé antérieur, dès le premier tiers du ive s. ap. J.-C.
1033Un castellum de plus grandes dimensions fut sans doute construit à la suite de ces événements. Ce camp appartient, d’après le tracé du mur d’enceinte, au type des forteresses “en cloche”, qui sont toujours adossées à un cours d’eau. Il est très proche dans sa structure des autres castella sur l’Aare à Salodurum (Soleure) et Brugg / Altenburg. Seuls sont aujourd’hui conservés les tracés nord et ouest du mur. Le flanc sud a dû être balayé par les eaux de l’Aare et de la Dünnern. L’épaisseur du mur est en moyenne de 3,50 m. Il est possible de constater, en de nombreux endroits, la trace caractéristique de la charpente interne de madriers. Aucune réutilisation d’éléments architectoniques ou de stèles funéraires n’a pu être jusqu’à présent relevée dans la maçonnerie. Seize sépultures à inhumation, appartenant à la nécropole antique tardive du castellum, ont été à l’heure actuelle dégagées, à environ 300 m au nord du camp, dans le secteur de la Frohburgerstrasse.
1034bibliographie [2004]
Drack 1991,197-198; Drack & Fellmann 1988461-463 ; Fellmann 1992, 324 ; Schneider 1983 ; Schucany 1996.
Osterburken
Bade-Wurtemberg, Allemagne (carte fig. 8)
1035E. SCHALLMAYER
1036Le site des deux castella s’étend au sud-ouest de la vieille ville d’Osterburken, depuis le fond de la vallée de la Kirnau jusqu’au sommet d’une pente qui s’élève en direction de l’est. Tout à fait singulière est l’adjonction, au flanc du camp de cohorte, du castellum de numéros (fig. 402). Les vestiges des murs de cette annexe sont encore visibles. Deux balnéaires, dont l’un est intégré dans un bâtiment du musée, se situent à environ 300 m au nord-est des murs du castellum. Tous deux sont fondamentaux pour la chronologie de la construction du limes extérieur. 200 m à l’est des installations thermales, dans le secteur d’un actuel pont routier, se trouvait un complexe cultuel où a été découvert un ensemble exceptionnel d’inscriptions dédiées par des bénéficiaires. Les fouilles réalisées depuis le début des années 1970 sont, à côté des recherches archéologiques opérées dans le contexte des activités de la Reichslimeskommission, à la fin du xixe s., fondamentales pour la connaissance de l’Osterburken romain.

FIG. 402
Osterburken. Plan du fortin auxiliaire, à droite, et du fortin de numerus, à gauche (Schallmayer 1992, 121, fig. 81).
Le camp de cohorte
1037Le castellum, érigé vers le milieu du iie s. ap. J.-C. pour la iiie cohorte Aquitanorum equitata civium Romanorum, se situait à environ 500 m en arrière du limes. Le plan présente la forme d’un rectangle allongé de 186 x 115 m (2,14 ha). Le mur d’enceinte, renforcé au niveau des angles, arrondis, est bâti en blocs de calcaire. Les parements sont constitués de pierres de taille alors que le cœur est composé d’un blocage de maçonnerie. L’épaisseur du mur atteignait 2,40 m au niveau des fondations et entre 1,44 et 2,40 m en élévation. Le rempart est par endroits encore conservé sur une hauteur de 0,70 m et montre des traces de crépi avec lignes de joints. Devant le rempart se trouve un fossé en V, d’une largeur légèrement supérieure à 7 m et d’une profondeur atteignant 2 m. Ce fossé n’est pas interrompu devant les portes d’enceinte et présente des dimensions plus importantes le long du côté sud du rempart. L’accès vers l’intérieur du camp était possible grâce à des ponts de planches. Entre le bord interne du fossé et le pied du rempart existe une berme de 0,80 m, qui atteignait devant les portes 1,40 à 1,70 m. Derrière le mur d’enceinte, le talus a été mis en évidence sur une largeur de 11 m et une hauteur de 1,50 m au niveau de la porte occidentale. La présence de la via sagularis a pu, en certains endroits, être constatée de 6 à 11m derrière le mur.
1038Seize tours sont au total connues. Parmi les quatre tours d’angle, celle du sud-est a pu être plus précisément fouillée et a révélé à cette occasion un plan trapézoïdal de 9 x 4,50 m. Des tours intermédiaires sont visibles sur les deux flancs, notamment à l’arrière des portes d’enceinte latérales. Parmi ces dernières, seule une a été à peu près entièrement fouillée. Il s’agit sans doute, sur le front oriental, de renforcements postérieurs à la construction primitive. Les tours des portes sont de dimensions différentes. La porta praetoria double présente un passage large de 8,30 m au milieu duquel se trouve encore le bloc de grès de fondation du pilier central. Les passages sont flanqués de tours carrées de 4 m de côté. Le sol intérieur était composé d’une couche d’argile. Le passage méridional de la porta praetoria a été pavé et détruit à plusieurs reprises. La découverte à cet endroit d’un vestige de mur montre qu’une moitié de la porte a été ultérieurement murée. Il faut donc conclure à l’existence de plusieurs phases de construction dans ce secteur de l’enceinte. Dans le mur nord-est de la tour de la porte méridionale, sur la face intérieure, était incluse dans la maçonnerie une inscription de construction legio XXII /. Prim (i) Mon/tani. Cest donc la XXIIe légion qui a bâti le camp.
1039Le passage unique de la porta decumana présente une largeur d’à peu près 4 m. Les dimensions intérieures des tours de la porte sont de 4,50 x 2,75 m, celles de la porta principalis sinistra de 5 x 5 m avec ici un passage double d’environ 7,5 m de largeur. Là aussi, une moitié de la porte a été ultérieurement murée. La tour occidentale de la porta principalis dextra a pu être dégagée ; elle fait saillie de 0,80 m sur la façade du camp, et ses dimensions intérieures atteignent 5 x 3,45 m. Les tours d’angle ainsi que les tours des portes d’enceinte, à l’exception de celle de la porta praetoria, font saillie par rapport à l’alignement du mur d’enceinte. L’agencement du rempart devait sans doute encore renforcer le caractère imposant du front externe du camp.
1040Des bâtiments internes du castellum ne sont connus qu’une partie des principia, quelques fragments de murs dans le secteur nord-est du camp et une cave en pierre dans l’angle nord entre la via praetoria et la via principalis dextra.
1041L’édifice central du camp a pu être repéré, au moins au niveau du tracé, sous la forme d’un complexe de constructions de 45,80 x 38,80 m, même si seules des fondations de murs dans l’angle nord-est, ainsi que la salle à abside au centre du côté occidental, ont pu être mises en évidence. Alors que les premiers vestiges laissent penser à un bâtiment ajouté qui dépassait les limites des principia, l’interprétation de la pièce à abside comme centre cultuel du camp (aedes) est évidente. La construction fait saillie d’environ 1,80 m sur la façade postérieure de l’ensemble de l’édifice et est encore conservée en élévation sur quatre à neuf assises de pierres. Le sol montre une couche d’argile au centre de laquelle on trouve une dépression de 0,60 x 0,45 x 0,40 m, sans doute une cave surbaissée qui devait abriter la caisse des troupes. De l’entrée reste encore l’embrasure du mur et les vestiges d’un seuil de porte en bois. Le niveau de cette dernière pièce se situe à 1 m au-dessus de celui de la fosse centrale.
1042Les segments de murs découverts non loin de l’angle nord du castellum pourraient appartenir à un magasin (horreurn), dans la mesure où une grande quantité de céréales carbonisées a été retrouvée dans ce secteur. Les différents angles de murs indiquent peut-être les soubassements indispensables aux planchers des horrea, sur lesquels les provisions pouvaient être entreposées à l’abri de l’humidité du sol.
1043En 1991, une cave carrée de 3,80 m de côté présentant une entrée de 0,80 m de large orientée en direction du nord-est a été dégagée devant l’angle nord-est des principia. Le mur de la cave, bâti en appareil en arête de poisson au niveau des deux assises inférieures, était en calcaire coquillier. Il a été possible de repérer encore en un endroit l’évidement pour la niche d’une fenêtre. On atteignait la cave par des marches d’accès travaillées dans l’argile. Le niveau de sol antique a pu être placé à 0,50 m au-dessus de la surface actuelle en raison des murs existants de la cave. D’après sa position par rapport au système de voirie de la praetentura, la cave a dû faire partie de la tête d’un baraquement.
1044Un dispositif construit en bois et terre a très certainement précédé le camp en pierre. On a en effet découvert, à l’occasion d’une coupe dans le talus, des couches témoignant d’une occupation humaine jusque sous les fondations de la tour d’angle. On pourrait ainsi se trouver en présence, à Osterburken, d’une découverte analogue à celle qui a été faite sur le site d’Ohringen, plus au sud (Rendel). Lors de chacune des fouilles réalisées à l’intérieur du castellum d’Osterburken, des restes de constructions en pans de bois brûlés ont été mis au jour à côté de nombreuses couches d’incendie riches en mobilier. Ce dernier fait, ainsi que l’existence de portes d’enceinte à demi emmurées, dont les moitiés restantes avaient été visiblement barricadées avec des constructions en bois, et les quelques restes de squelettes humains découverts dans le fossé montrent que le fort a subi une destruction radicale qui doit être mise en rapport avec la chute du limes, après le milieu du iiie s. ap. J.-C.
Le castellum annexe
1045L’adjonction construite sur le côté droit (flanc sud) du camp de cohorte a permis d’englober dans l’enceinte la hauteur qui la dominait si dangereusement, et créé en même temps un lien visuel avec le limes à l’est.
1046Ce second camp présente un plan trapézoïdal irrégulier de 195,20 x 134 m dans les diagonales. Le côté ouest mesure 86 m avec une élévation de terrain de 20 m, le côté est 143 m avec 22 m d’élévation et le côté sud 99 m, soit une superficie de 1,4 ha, à peu près plane dans ses parties supérieure et inférieure, alors que la partie centrale montre une pente considérable. Les Romains ont dû visiblement aplanir le terrain avant d’installer les bâtiments internes.
1047Un fossé en V d’environ 6 m de largeur et 1,70 m de profondeur existe devant le mur d’enceinte, et les indices d’un deuxième fossé pourraient avoir été retrouvés devant le mur sud. Le rempart lui-même présente au niveau des fondations une largeur de 2,40 m et atteint encore 1,60 m en élévation. Derrière le mur sud, de chaque côté d’une porte d’enceinte, le talus supportant le chemin de ronde est conservé sur 7 m de largeur et 1,70 m de hauteur.
1048Le castellum annexe d’Osterburken possédait trois dispositifs de portes d’enceinte avec passage simple de 3,22 à 3,62 m de largeur. Les murs des tours des portes s’élevaient encore, lors des fouilles, sur dix voire onze à douze assises de pierre (de 1,40 à 1,60 m). Les vestiges d’un bouchage au-dessus d’un seuil, dont les traces de poutres étaient visibles, ont également été mis en évidence au niveau du passage, large ici de 3,90 m. La porte cochère était dotée tout au fond d’une couche de pierres de 0,25 m d’épaisseur, recouverte d’une couche de mortier puis d’argile allant jusqu’à 0,20 m d’épaisseur.
1049La porte occidentale, comme celle du côté est, ne se trouvait pas exactement au milieu, mais était légèrement décalée vers le sud et éloignée ainsi de la plus forte pente. On a pu également ici, comme dans le cas de la porte orientale de 3,22 m de large, observer la surélévation de la porte cochère, avec des indices de bouchage.
1050Deux tours d’angle et quatre tours intermédiaires étaient encore intégrées dans le mur d’enceinte où ces dernières, à l’exception de celles du côté occidental, présentaient curieusement une profondeur réduite. Elles ont peut-être servi, ainsi que la grande tour intermédiaire de plan rectangulaire sur le côté occidental, de plate-forme pour le lancement de projectiles.
1051Nous disposons de peu d’informations sur l’aménagement interne du castellum annexe. L’existence d’une voie large de 3,25 à 3,40 m a pu être constatée sur une longueur de 10 m dans la prolongation de la porte orientale, en direction de la porte ouest. Seuls sont apparus dans le secteur du camp des vestiges de fondations très fortement arasées, alors que, derrière la tour intermédiaire du côté sud, une cavité circulaire en forme de fosse de 7 m de diamètre et 1,40 m de profondeur avec revêtement d’argile, a pu être identifiée comme citerne.
1052Dans le secteur des angles nord-est et sud-est du camp se trouvaient trois inscriptions de construction identiques : leg (io) VIII/ Aug (usta) / p (ia) f (idelis) c (onstans) C(ommoda) /a s (olo) f (ecit) qui, d’après les claveaux de voûte découverts dans le fossé, devaient vraisemblablement être apposées au-dessus des ouvertures des fenêtres. Une autre inscription monumentale, Imp (eratori) C[aes (ari) M(arco) Aur (elio) Commodo/Antonino Aug (usto)] – [...] / leg (io) VIII A(ugusta) p (ia) f (idelis) c (onstans) C(ommoda) / a s (olo) f (ecit), était placée au-dessus de la porte orientale. Elle a été visiblement, en raison des restes d’enduit conservés sur les moulures, recouverte à posteriori d’une couche d’enduit après la damnatio memoriae de Commode. Le surnom Commoda, tiré du gentilice impérial, place les débuts de la construction entre 185 et 192 ap. J.-C. D’après une couche d’incendie, datée d’environ 180, et découverte dans le fossé oriental du camp de cohorte, l’annexe a été visiblement érigée après la destruction (partielle ?) du premier castellum. Le fossé entre les deux camps n’a cependant pas été comblé. En revanche, la porte orientale du castellum de cohorte a été murée et un passage étroit simplement laissé dans la construction, tandis qu’une percée était réalisée dans la tour intermédiaire devant laquelle un avant-corps de 2,40 m de longueur et 1,32 m de largeur avait été placé. Lors des fouilles des années 1991-1992, cette couche d’incendie ainsi qu’une autre datant de la période de la chute du limes, ont été retrouvées. Un trésor monétaire (trois cent vingt-sept deniers, la plupart fleurs de coin) découvert à 9 m à peu près de l’angle nord-est du camp de cohorte, aux environs immédiats du mur de l’annexe et qui doit être daté de 233 ap. J.-C., prouve que le fossé était, jusqu’aux années 30 du iiie s. ap. J.-C., déjà largement comblé.
1053La troupe d’occupation du castellum a dû être constituée par les Brittones Elantienses, stationnés dans le castellum correspondant de Neckarburken sur la ligne arrière du limes de l’Odenwald. Ce numéros Brittonum Elantiensium n’a vraisemblablement été déplacé sur la ligne extérieure du limes qu’à l’époque de la construction du castellum annexe.
1054bibliographie [2004]
Gaubatz-Sattler & Seidenspinner 2001 ; Neumaier 1974 ; Neumaier 1986 ; ORL A, 7-9, p. 102-103, 225-238 ; ORL B, 40 ; Reutti 1979 ; Schallmayer 1992 ; Schallmayer 1993.
Oudenburg
Flandre occidentale, Belgique (carte fig. 12)
1055J. MERTENS
1056Oudenburg se trouve actuellement à 9 km de la côte de la mer du Nord, entre Bruges et Ostende, en bordure occidentale d’une dune sablonneuse émergeant de la plaine côtière, inondée lors des transgressions dunkerquiennes du iiie s. Le toponyme significatif Oudenburg, “Vieux Bourg”, remonte au ixe s. ; les premières trouvailles sont relatées dans la chronique de l’abbaye d’Oudenburg, rédigée entre 1084 et 1087. L’auteur parle de quatre côtés de la forteresse, ce qui pourrait indiquer qu’il s’agit d’une construction de plan rectangulaire, sinon carrée.
1057Les différentes campagnes de fouilles se sont échelonnées de 1956 à 1977. Les premiers sondages, en 1956 et 1957, permirent de localiser une structure plus ou moins carrée dont furent reconnus le mur occidental, la tour d’angle nord-ouest, ainsi que les murs nord et sud ; l’angle nord-est avait été complètement saccagé par des excavations profondes tandis que l’angle sud-ouest était inaccessible. D’après les traces de démolitions, il est possible d’estimer les dimensions du carré à 160 x 150 m. Les tracés du mur et de la porte occidentale furent localisés en 1960, ainsi que plusieurs nécropoles de 1962 à 1968. En 1970, il fut enfin possible d’entamer les recherches à l’intérieur du castellum. Ces travaux confirment les constatations de l’ancien chroniqueur et permettent de distinguer une succession de trois fortins –Oudenburg I à III– implantés selon un plan identique et se superposant pratiquement l’un à l’autre (fig. 403).
