Chapitre 4. Études archéologiques
4. Archaeological studies
p. 109-313
Résumés
L’identification culturelle des groupes de chasseurs s’appuie essentiellement sur l’étude typologique de l’industrie lithique.
L’étude pétrographique a révélé des lieux d’approvisionnement parfois éloignés du lieu d’utilisation. À Ruffey, on observe une évolution marquée par le recul du territoire d’approvisionnement et l’utilisation massive de la chaille locale : au Mésolithique ancien, les matières premières proviennent du bassin tertiaire de Haute-Saône (à 70 km). À Choisey, le territoire d’approvisionnement est assez vaste avec une large utilisation du silex du bassin tertiaire de Haute-Saône (50 km) et du Kimméridgien des secteurs de Dasle ou de Olten en Suisse (120 et 185 km).
Tout le matériel lithique (24 000 pièces) a été pris en compte pour l’étude technologique, fondée en partie sur les remontages. Le débitage lamellaire montre une continuité durant les deux premiers millénaires : il est pratiqué à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe lisse, sans préparation spécifique, selon une percussion directe probablement dure tendre. Au Mésolithique récent apparaît une production de lamelles régulières obtenues par percussion indirecte, qui se traduit par des nucléus régulièrement cannelés et par un facettage important du talon des lamelles.
L’évolution typologique du matériel mésolithique de Ruffey est marquée par une réduction du nombre des armatures : au Mésolithique récent, seul le trapèze est utilisé. Les industries du Préboréal sont très contrastées, dominées par les armatures à base transversale et les triangles isocèles, ou par les triangles scalènes, les triangles isocèles et les pointes de Sauveterre. Ces derniers caractères (sans triangle isocèle) se retrouvent au Boréal. À Choisey, les industries du Préboréal sont dominées par les pointes à base naturelle et les triangles isocèles et celles de la fin du Préboréal ou du début du Boréal par les segments et les pointes à base retouchée. L’outillage du fonds commun complète différemment ces catégories d’armatures.
Les occupations de Ruffey appartiennent, pour la phase ancienne, à deux domaines culturels. La première occupation (8400-8000 cal. BC) se rattache au domaine Beuronien dont l’aire d’influence est principalement septentrionale. La seconde (8400-7600 cal. BC) appartient à la culture sauveterrienne que l’on retrouve au Mésolithique moyen (7900-7100 cal. BC). Le Mésolithique récent (vers 5600 cal. BC) fait également référence au domaine méridional.
À Choisey, l’occupation la plus récente est située vers 8100 cal. BC ; elle se rattache au Mésolithique moyen de la vallée du Doubs. Le niveau ancien, dominé par les pointes à base naturelle, est à rapprocher d’une variante locale du Mésolithique ancien dérivé de l’Arhensbourgien ou Épi-arhensbourgien.
Les restes de faune constituent une des séries les plus importantes du Mésolithique régional. À Choisey, le cerf domine au Mésolithique ancien. À Ruffey, c’est le sanglier qui prédomine au Beuronien, le sanglier et l’aurochs au Sauveterrien ancien, le cerf au Sauveterrien moyen et, au Mésolithique récent, l’aurochs. Castor, chevreuil, renard et loup sont également présents. La forte représentativité de certaines espèces et de certains éléments du squelette plaide, à Ruffey, pour des occupations de chasse plus ou moins spécialisées.
À Ruffey a été mise au jour une des plus anciennes sépultures à incinération. Elle est attribuée au Sauveterrien moyen.
L’étude de la distribution catégorielle des vestiges a permis d’appréhender l’organisation spatiale des campements mésolithiques. Les activités domestiques s’organisent dans une aire dont la structure clé est le foyer, de type simple et à plat, en position centrale ou non. Les éléments encombrants (faune, nucléus) sont rejetés à la périphérie. Les zones d’abri ou de couchage (espace domestique) n’ayant pas été identifiées, nous avons introduit, par opposition au concept d’unité d’habitation du Paléolithique supérieur, le terme d’unité d’activités. Les remontages qui ont été effectués sur le matériel lithique provenant de différentes unités ont permis de préciser la notion de campement : il peut correspondre à une seule unité ou à la conjonction de plusieurs, de même configuration.
The cultural identification of the groups of hunters is based on the typological study of the lithic industry.
The petrographic analyses revealed the use of sources of material often very distant from the place of use. At Ruffey, a clear evolution of the stone supply is visible, marked by a reduction of the exploited area and the massive use of local chert: during the early Mesolithic, the primary materials came from the tertiary basin of the Upper Saône (70 km away). At Choisey, the zone of provision is vast with the utilisation of flints from the tertiary basin of the Upper Saône (50 km away) and of the Kimmeridgian layers from the areas of Dasle or Olten in Switzerland (120 to 185 km away).
All the lithic material (some 24,000 pièces) was ta ken into account for the technological study, partly based on the refitting of knapping wastes. The blade production shows a continuity in the technique throughout the first two millennia: it is based on the use of hard or soft direct percussion on prismatic nuclei with smooth or flat striking platforms and having had no particular preparation. During the later Mesolithic, the production of regular blades obtained by indirect percussion appears. This results in regularly furrowed nuclei and by heavy faceting of the heels of the blades.
The typological evolution of the Mesolithic material at Ruffey is marked by the reduction of the number of projectile points: during the later Mesolithic, only trapézoidal points are used. The Preboreal industries show much contrast, dominated by transversal bases and isosceles triangles, or by scalene triangles or by isosceles triangles and Sauveterrian points. These last characteristics (without the isosceles triangles) are found during the Boreal period. At Choisey, the Preboreal industries are dominated by points with natural or unworked bases and isosceles triangles. Those from the end of the Preboreal or the start of the Boreal periods consist of segments and points with retouched bases. The catalogue of projectile points is completed by tools common to all periods.
At Ruffey, the oldest periods of occupation belong to two cultural domains. The first occupation (calibrated to 8,400 – 8,000 B. C.) can be attached to the Beuronian domain with a mainly northerly influence. The second (8,400-7,600 B. C.) belongs to the Sauveterrian culture which we find during the middle Mesolithic (7,900- 7,100 BC). The later Mesolithic also has references to the Southern domains.
At Choisey, the most recent occupation occurred around 8,100 BC and can be attached to the middle Mesolithic of the Doubs valley. The older level, dominated by points with natural or unworked bases, approaches a local variation of the lower Mesolithic, derived from the Arhensbourgian or epi-Arhensbourgian cultures.
The faunal remains represent one of the most important regional series of the Mesolithic. At Choisey, red-deer dominâtes the older Mesolithic. At Ruffey, wild boar is predominant during the Beuronian period, with boar and aurochs during the lower Sauveterrian, red-deer during the middle Sauveterrian and aurochs during the later Mesolithic. Beaver, roe-deer, fox and wolf are also present. The strong representation of certain species and of certain skeletal remains suggests more or less specialised hunting patterns at Ruffey.
The site of Ruffey also yielded one of the oldest cremation burials, attributed to the middle Sauveterrian period.
The study of the distribution of the remains by category allowed an approach to the understanding of the spatial organisation of the Mesolithic camps. The domestic activities are organised in an area around the key structure, a simple open hearth. This may or may not be in a central position. Of the domestic wastes, the larger "clutter" (bones and flint nuclei) are pushed towards the outside. Shelter or sleeping zones not having been identified on the site, we have introduced the idea of activity units ratherthan that of habitation units used for the upper Palaeolithic. The restitution of the lithic material coming from different units allows us to specify the notion of a camp: it may correspond to that of a single unit, or to the conjunction of several units, each with the same configuration.
Texte intégral
4.1 L’industrie lithique
4.1.1 Matières premières
D.B.
4.1.1.1 Les apports de la pétrographie à l’archéologie
1Les déterminations pétrographiques des industries lithiques ont pour objectif de définir les territoires d’approvisionnement des sites archéologiques en matières premières. Chaque type de silex présent dans le matériel devra donc être étudié en vue de déterminer son origine géologique et géographique. A partir de cette étude, on peut tenter d’expliquer le choix des matériaux utilisés en termes de typologie et de technologie. La proximité ou au contraire l’éloignement de certains silex permettent d’aborder le problème de l’adaptation des hommes à leur environnement mais indiquent aussi la provenance et les déplacements des groupes humains (Wengler 1991).
4.1.1.2 Méthodologie
2Les échantillons sont immergés dans l’eau et observés à la loupe binoculaire au grossissement 50. L’immersion permet d’augmenter la translucidité du silex. Le diagnostic pétrographique consiste à analyser les faciès du silex (Affolter 1991). Un faciès est défini par sa texture et par son contenu paléontologique, qui nous informent sur le milieu de dépôt du sédiment. En effet, certains organismes vivent dans des conditions très précises de température, de profondeur, d’oxygénation de l’eau ; leur présence dans le silex indique que ces conditions étaient réunies pour permettre leur existence. Le faciès peut également être caractérisé par la présence de minéraux détritiques, indices de la proximité d’un fleuve ; le dernier élément qui le définit est la présence de structures dans le sédiment. Les structures sont le résultat de conditions particulières dans le milieu de dépôt : les oolithes, par exemple, se forment en milieu peu profond et agité.
3La reconnaissance du faciès n’est cependant pas suffisante pour trouver l’origine du silex car plusieurs silex peuvent avoir un faciès commun, mais des âges différents. Cependant, l’analyse pétrographique permet aussi de déterminer l’âge de la roche. Les micro-organismes, comme les foraminifères contenus dans le silex, peuvent dans certains cas donner un âge précis. Les silex qui proviennent d’un même affleurement montrent parfois une grande variété de faciès, ce qui ne facilite pas l’attribution d’un faciès à un gîte (Demars 1982).
4L’altération des silex est un obstacle à la détermination pétrographique car elle diminue la translucidité du silex, qui devient alors opaque. Cela se produit lorsque la désilicification est importante ou lors d’un passage au feu.
4 1.1.3 Ruffey-sur-Seille : origine des matières premières
5Il est possible de définir plusieurs origines que l’on peut distinguer en termes d’origine locale (20 km environ), régionale (Franche-Comté) et éloignée (hors région).
Matériaux d’origine locale
Matériaux du Dogger
6Sur la bordure ouest du Jura, au contact de la Bresse, c’est-à-dire sur la bordure ouest des affleurements calcaires du Dogger, très riches en matériaux siliceux d’aspect varié, se trouvent des argiles à chailles et à silex. Ils ont été entraînés par solifluxion sur les terrains bressans ou sont issus de la décarbonatation des calcaires sous-jacents. Le matériel est fréquemment désilicifié, les chailles sont devenues légères et poreuses ; il ne reste parfois qu’un cœur siliceux très réduit entouré d’un cortex épais. Les imprégnations ferrugineuses sont fréquentes. En général, les chailles beiges ou ocres sont le résultat d’une altération, tandis que les chailles grises se rapprochent plus d’un vrai silex. Aussi bien sur le Dogger que sur les argiles à chailles, on trouve des chailles ocres, des chailles grises ou beiges mouchetées à pellets plus foncées, des chailles grises, qui sont issues d’affleurements proches ou un peu plus éloignés (Crançot, à 13 km à l’E-S-E de Ruffey-sur-Seille), des chailles grises zébrées, issues d’affleurements proches ou plus éloignés (Conliège, à 13 km au S-E de Ruffey-sur-Seille), des chailles beiges et des silex noirs oolithiques contenant souvent des bryozoaires.
Chailles et silex du Dogger
Aspect macroscopique
7Couleur : 2,5Y 5/2, 7,5YR 7/6, 10YR 8/3 code Munsell.
Aspect : opaque, hétérogène, plus ou moins bien silicifié (on passe d’un calcaire siliceux à une chaille et à un silex).
Cortex : pas toujours de limite nette pour les chailles. Pour les silex, cortex calcaire grumeleux épais.
Forme des accidents : rognons ou plaquettes.
Aspect microscopique
8Texture : wackestone à packstone.
Eléments figurés :
quantité : variable ;
forme : allongée, anguleuse ;
taille : 0,08 à 1,5 mm ;
nature : minéraux résiduels des carbonates originels, beaucoup de spicules de spongiaires, articles de crinoïdes, foraminifères calcaires benthiques : Nodosaridés, Rotalidés.
Conclusion
9Silex du Dogger formé en milieu infralittoral inférieur.
Silex noir oolithique du Dogger
Aspect macroscopique
10Couleur : 2,5Y 3/2 brun-noir.
Aspect : translucide, hétérogène avec possibilité de plages de quartz blanc.
Cortex : brun-beige oolithique.
Forme des accidents : nodules ou plaquettes.
Aspect microscopique
11Texture : wackestone à grainstone.
Eléments figurés :
quantité : de 10 à 90 % ;forme : arrondie, allongée ;
taille : de 0,05 à 4 mm ;
nature : oolithes, bryozoaires, débris bioclastiques (spicules d’éponges, lamellibranches, articles de crinoïdes, échinodermes), foraminifères benthiques : Miliolidés. Structures : oolithes.
Conclusion
12Silex du Dogger formé en milieu infralittoral supérieur.
Chaille beige à cortex ferrugineux du Dogger
Aspect macroscopique
13Couleur : beige à gris bleuté au cœur de la chaille.
Aspect : mat et rugueux à plus translucide et lisse au cœur de la chaille.
Cortex : très fin, rouille et lisse, homogène.
Aspect microscopique
14Texture : wackestone à packstone.
15Eléments figurés :
quantité : 40 à 70 % ;
forme : arrondie, allongée ;
taille : inférieure à 0,1 mm ;
nature : spicules de spongiaires, carbonates résiduels.
Conclusion
16Chailles du Dogger local remaniées dans une couche ferrugineuse.
Silex crétacés
17Les terrains du Crétacé supérieur avec silex sont rares. L’affleurement le plus proche de Ruffey-sur-Seille est celui de Cesancey, à 15 km au sud. Les différents faciès rencontrés sur le terrain correspondent à ceux observés dans les silex crétacés de Ruffey-sur-Seille : on y trouve des silex jaune-olive à patine blanche, bleuâtre, beige ; les plages corticales sont fréquentes, elles donnent au silex un aspect carié. Ces silex existent sous forme de petits rognons cariés ou de plaquettes litées. On n’a pas observé sur le terrain de silex contenant des bryozoaires.
18Certains silex crétacés présentent un cortex ferrugineux parfois roulé. Les caractéristiques microscopiques sont les mêmes que celles du silex de Cesancey. Ce silex a donc été remanié dans une couche ferrugineuse non localisée pour l’instant.
19D’autres silex ont été observés et datés du Crétacé, c’est le cas d’un silex zoné de beige, ocre et gris, qui présente une forte imprégnation ferrugineuse ; son origine est encore inconnue.
20Certains silex crétacés contiennent des fossiles d’Inoceramus. L’origine la plus probable est celle des argiles à silex crétacés formées à l’Eocène à Lugny (Saône-et-Loire).
Silex du Crétacé supérieur de Cesancey
Aspect macroscopique
21Couleur : 2,5Y 5/2. Aspect : translucide, éclat gras, hétérogène à zones blanchâtres opaques.
Cortex : 0,1 à 1 mm. Silex carié, cortex calcaire bien séparé du silex.
Forme des accidents : nodules ou plaquettes.
Aspect microscopique
22Texture : mudstone à packstone.
Éléments figurés :
quantité : variable ;
forme : allongée, arrondie ;
taille : jusqu’à 1 mm (taille moyenne 0,3 mm) ;
nature : quantité variable de minéraux détritiques, spicules de spongiaires, foraminifères planctoniques : Heterohelix (Albien moyen-Maastrichtien), Hedbergella (Crétacé), Globigerinelloïdes (Aptien-Maastrichtien) ; foraminifères benthiques : Marssonella (Albien-récent) ; Rotalidés.
23Structures : dans les plaquettes, on observe des lamines parallèles à l’allongement. Les lamines sont formées de fortes concentrations d’éléments figurés.
Conclusion
24Silex du Crétacé supérieur.
Matériaux d’origine régionale
Silex du Crétacé inférieur
25Un autre type de silex a également été observé, de couleur blanc-beige, lité ; son aspect rappelle parfois celui des chailles du Dogger mais un examen à la loupe permet de le différencier avec certitude. Ce silex a été comparé avec un silex du Crétacé inférieur provenant du synclinal des Alliés au N-E de Pontarlier ; leur ressemblance permet de supposer que ce silex blanc d’aspect grenu est bien originaire du Doubs. La distance de Ruffey-sur-Seille aux affleurements est de 60 km environ.
Aspect macroscopique
26Couleur : blanc-beige, tacheté de beige. Aspect : mat à translucide, opaque.
Aspect microscopique
27Texture : wackestone. Eléments figurés :
quantité : 30 à 70 % ;
forme : variable (anguleuse ou arrondie) ;
taille : de 0,3 à 0,7 mm ;
nature : débris bioclastiques non identifiés et minéraux détritiques, calcite résiduelle. Structures : litages.
Conclusion
28Silex du Crétacé inférieur formé en milieu infralittoral identifié par comparaison avec le silex du synclinal des Alliés. Cependant les éléments contenus dans le silex ne permettent pas de le dater.
Silex oligocène
29Il s’agit d’un silex lacustre contenant des oogones et des tiges de Characées, des ostracodes et des gastéropodes. Il est ici de couleur beige car il est patiné. Ce silex est originaire du bassin lacustre d’Étrelles (Cupillard et al. 1995b), distant de 70 km de Ruffey-sur-Seille.
Répartition des matières premières par période
Le Mésolithique ancien (niveau R4)
30Bien que la totalité des pièces n’ait pas été étudiée (seulement 88 silex ont fait l’objet d’une observation microscopique), on remarque une nette dominance des silex du Crétacé supérieur (36 %) et des chailles du Dogger (42 %) (fig. 57). Le silex du Crétacé inférieur est également utilisé mais dans une moindre mesure (11 %), surtout si on considère que la quasi-totalité de cette matière a été prélevée lors de l’échantillonnage. Le silex oligocène est également employé, mais en quantité réduite (5 %).

FIG. 57
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Origine des matières premières.
31Les hommes du Mésolithique ancien n’ont pas délaissé les ressources locales, mais ils ont recherché également des matières lointaines et de bonne qualité comme le silex oligocène d’Étrelles.
Le Mésolithique ancien/moyen (niveau R3)
32Le comptage effectué sur l’ensemble des pièces montre cette fois-ci que 63 % des pièces sont en silex crétacé alors que 37 % sont en chaille (fig. 58). Il faut noter la plus faible utilisation de la chaille beige à laquelle a été préférée une chaille grise mieux silicifiée. Pour le silex crétacé, on voit ici l’utilisation de plaquettes sur environ 10 % des pièces. Les hommes du Mésolithique sauveterrien ont donc exploité massivement le gisement de silex du Crétacé supérieur, ils ont même choisi dans certains cas l’utilisation de plaquettes plutôt que de petits rognons carriés. Ils n’ont cependant pas délaissé les chailles qu’ils ont utilisées entre autres pour la confection de triangles.

FIG. 58
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveaux R3 et R2. Origine des matières premières.
Le Mésolithique moyen (niveau R2)
33L’ensemble des déterminations pétrographiques a montré les faibles variations de l’utilisation des sources d’approvisionnement sur le gisement au cours des temps mésolithiques.
34C’est pourquoi cette série n’a pas fait l’objet d’une analyse pétrographique exhaustive, car l’observation des caractères macroscopiques n’a révélé la présence des mêmes faciès que pour les occupations antérieures. Le comptage, réalisé sur l’ensemble des pièces, montre des variations quantitatives liées à l’utilisation des catégories de matières premières : ainsi le silex représente 55,6 % et la chaille 44,4 %. Le silex appartient exclusivement au Crétacé supérieur dont l’affleurement le plus proche se situe à Cesancey (fig. 58). La chaille, d’origine locale, appartient au Dogger et est associée à une chaille beige bien représentée au sein de cette série ainsi qu’à une chaille grise dont la caractéristique est de présenter une silicification plus importante. En conclusion, les hommes du Mésolithique moyen possèdent un territoire d’acquisition en matières premières sensiblement identique à celui des groupes précédents.
Le Mésolithique récent (niveau R1)
35Un comptage effectué sur la totalité des pièces de ce niveau montre une utilisation massive de la chaille, puisqu’elle représente 75 % des matières premières employées alors que le silex du Crétacé supérieur ne représente que 25 % des pièces lithiques (fig. 59). Les hommes du Mésolithique récent se sont contentés d’exploiter les ressources locales, même si celles-ci présentent une qualité très variable d’un rognon à un autre.

FIG. 59
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Origine des matières premières.
Distances parcourues pour l’acheminement des matières premières
36Comme on peut l’observer sur la carte des affleurements du Dogger (fig. 57), l’acquisition des chailles et des silex de ce gisement a pu se faire aussi bien sur les argiles à chailles bordant le massif jurassien que sur les affleurements eux-mêmes, donc dans le faisceau lédonien et sur le plateau de Lons. En ce qui concerne le silex crétacé, l’affleurement de Cesancey, à 310 m d’altitude, est à 15 km de Ruffey-sur-Seille. Le silex oligocène du bassin lacustre de Haute-Saône est distant de 70 km de Ruffey-sur-Seille. L’hypothèse selon laquelle le silex blanc lité serait de la région de Pontarlier (les affleurements de silex se situent à 950 m d’altitude environ) implique un déplacement sur 50 km à travers les premier et deuxième plateaux. On peut également observer qu’aucun déplacement ne s’est fait vers l’ouest.
4.1.1.4 Choisey : origine des matières premières
Matériaux d’origine locale
37Une prospection a été effectuée sur différentes communes du massif de la Serre dans le cadre de la carte archéologique de Franche-Comté. Différents matériaux ont été récoltés à Malange, Auxange, Sermange, Chatenois, Vriange... ; ils proviennent essentiellement du Bajocien inférieur et du Callovien (Jaccottey, Saintot 1994 ; Jaccottey 1994 ; Daval et al. 1995). Cette prospection a permis de réaliser la carte des affleurements et a mis en évidence les importantes ressources du secteur (fig. 60). Les silex sont relativement abondants et souvent de petite taille, plutôt sous forme de plaquettes. Le site de Choisey apparaît donc bien situé puisqu’il se trouve dans la vallée du Doubs et à quelques kilomètres seulement des affleurements de silex les plus proches.

FIG. 60
Choisey/Aux Champins. Carte des matériaux siliceux du secteur de Dole.
Silex du Bajocien inférieur
Aspect macroscopique
38Couleur : gris à beige.
Aspect : opaque, éclat gras à mat, à fragments plurimillimétriques de bioclastes blancs (lamellibranches, ostracodes, brachiopodes, gastéropodes).
Conclusion
39Silex du Bajocien inférieur formé en milieu infralittoral. Cette matière a été récoltée abondamment lors des prospections dans le massif de la Serre. Un autre type de chaille est du même âge, il s’agit d’une chaille gris-marron à pellets qui rappelle parfois la chaille de Conliège (au S-E de Lons-le-Saunier) ou le silex de Messia.
Silex du Bathonien
Aspect macroscopique
40Couleur : beige, gris clair, ocre.
Aspect : mat, opaque, homogène.
Cortex : calcaire, peu épais, inférieur à 1 mm.
Aspect microscopique
41Texture : packstone.
Eléments figurés :
nature : grains et oolithes ;
quantité : de 30 à 90 % (grains), de 0 à 60 % (oolithes) ;
forme : arrondie ;
taille : 0,5 à 1 mm.
42Structures : oolithes. Dans le faciès à oolithes, les grains ont une taille supérieure (jusqu’à 0,1 mm).
Conclusion
43Chaille à oolithes, milieu de formation infralittoral supérieur proche du milieu de formation des oolithes. Âge le plus probable : Bathonien-Callovien. Cette matière n’a pas été récoltée lors des prospections.
Silex du Callovien
Aspect macroscopique
44Couleur : blanc-gris clair-beige, tacheté de gris.
Aspect : mat, opaque, hétérogène (des zones contiennent plus d’inclusions grises et sont plus translucides).
Cortex : calcaire.
Forme et taille des accidents : plaquettes pouvant atteindre 15 cm d’épaisseur.
Aspect microscopique
45Texture : wackestone à packstone le plus souvent.
Éléments figurés :
nature : fragments de bioclastes (bryozoaires), pellets, ooïdes ;
quantité : 30 à 70 % ;
forme : anguleuse ou arrondie ;
taille : de 0,1 à 1 mm ; taille la plus fréquente 0,5 mm (éléments figurés assez gros).
46Structures : les échantillons géologiques présentent souvent des litages. Dans les échantillons archéologiques, on observe seulement des concentrations plus ou moins fortes d’éléments figurés.
Conclusion
47Silex callovien, faciès bioclastique infralittoral à alternances de courants et de périodes plus calmes. Les échantillons archéologiques proviennent de milieux agités. Faciès rencontré dans le massif de la Serre.
Silex gris
Aspect macroscopique
48Couleur : gris-vert.
Aspect : mat, légèrement translucide, homogène.
Aspect microscopique
49Texture : wackestone. Eléments figurés :
nature : quelques spiculés triaxones de spongiaires, minéraux résiduels ;
forme : anguleuse, allongée ;
taille : 0,1 à 0,4 mm.
Conclusion
50Silex non daté d’origine inconnue.
Matériaux d’origine régionale
Silex du Kimméridgien supérieur
Aspect macroscopique
51Couleur : gris clair.
Aspect : mat, opaque, à fins litages et à zones gris plus foncé. Cortex : très mince.
Aspect microscopique
52Texture : wackestone à packstone.
Eléments figurés :
nature : grains, bioclastes non identifiés à paroi épaisse présentant de nombreux canaux. L’organisme peut présenter plusieurs étages. De rares petits foraminifères bisériés ont également été observés.
quantité : 10 à 80 % de grains ;
forme : arrondie ;
taille des grains : 0,05 mm ;
taille des bioclastes : 1 à 2 mm.
Conclusion
53Silex d’Olten (Suisse) du Kimméridgien supérieur. Le même type de silex existe à Dasle vers Montbéliard (Doubs).
Silex du Crétacé supérieur
54L’affleurement le plus proche de Choisey est celui de Cesancey, situé à 50 km au sud de Choisey (cf. supra § 4.1.1.2). Le faciès contenant des bryozoaires a également été utilisé de façon non négligeable. D’autres silex crétacés qui présentent une altération ferrugineuse ont été taillés.
Silex oligocène
55Le faciès le plus fréquemment représenté contient de nombreux gastéropodes. Il est de couleur beige et patiné. Quelques pièces présentent un litage bien marqué. Ce silex est originaire du bassin lacustre oligocène de Haute-Saône (Cupillard et al. 1995). L’affleurement correspondant à ce faciès est situé à Vantoux et Longevelle (Haute-Saône).
Répartition des matières premières par période
Le Mésolithique ancien (niveau C2)
56Les 164 pièces observées montrent une très large utilisation du silex oligocène représenté à plus de 60 %, suivi par le silex du Crétacé supérieur représenté par 20 % des pièces (fig. 61).

FIG. 61
Choisey/Aux Champins. Niveaux C2 et C1. Origine des matières premières.
Le Mésolithique moyen (niveau C1)
57À partir des 378 silex observés, on constate que les matériaux les plus utilisés sont les silex du Bathonien (22 %), du Crétacé supérieur (20,4 %) et oligocène (20,4 %). Viennent ensuite la chaille bajocienne (9,25 %) puis les autres silex crétacé (9 %), callovien (3,4 %) et enfin kimméridgien supérieur (1,3 %).
58Les matières premières dont l’origine est la plus lointaine sont bien représentées puisqu’on arrive à 51 % de matières non locales, c’est-à-dire d’une origine minimum de 50 km (fig. 61) ; ce pourcentage est obtenu en ajoutant les valeurs des silex kimméridgien, crétacé et oligocène.
59Les ressources locales sont moyennement employées et correspondent à un taux de 13 % en ajoutant les matériaux du Bajocien et du Callovien et à un taux de 35 % en ajoutant le Bathonien dont l’origine est incertaine.
60Le silex callovien, qui est le matériau le plus proche du site, est presque le moins bien représenté ; on a en effet 3,4 % seulement de silex callovien sur l’ensemble des pièces étudiées. Le silex kimméridgien est très peu utilisé, mais sa présence sur le site nous renseigne sur les secteurs de fréquentation.
Éloignement des sources d’approvisionnement
61Comme on peut l’observer sur la figure 60 l’acquisition des silex callovien et bajocien supérieur ne représente pas de difficultés d’approvisionnement puisque les ressources sont locales. En ce qui concerne le silex crétacé, l’affleurement de Cesancey est à 50 km de Choisey et à 310 m d’altitude (fig. 61). Le silex oligocène du bassin lacustre de Haute-Saône est distant de 55 km de Choisey.
62Le silex kimméridgien est d’origine très éloignée du site : 185 km pour la distance Choisey-Olten, 120 km pour la distance Choisey-Dasle. En admettant que le silex soit originaire de Dasle, le cheminement logique jusqu’à Choisey est celui qui correspond à la vallée du Doubs. Dans l’autre cas, le parcours Olten-Choisey s’est effectué au travers de la haute chaîne et des premier et deuxième plateaux.
4.1.1.5 Éléments de comparaison
63Le site mésolithique ancien de Rochedane, à Villars-sous-Dampjoux, montre un approvisionnement local et lointain puisque des silex d’Arçon (54 km vers le S-O) et d’Etrelles (70 km vers l’ouest) sont présents dans l’industrie de cette grotte (Cupillard et al. 1997).
64D’après une étude de J. Affolter (1993), le site mésolithique moyen de Bavans montre un territoire étendu, avec l’exploitation des ressources locales et régionales et l’utilisation de matériaux lointains comme le silex d’Etrelles (60 km vers l’ouest). Les sites suisses des Gripons (Affolter 1991), de la Baume d’Ogens et de Baulmes, également étudiés par J. Affolter, ont aussi révélé un approvisionnement lointain, associé à l’utilisation de matières premières locales. La grotte de Saint-Hippolyte, à Montandon, contient des silex locaux et régionaux ; les origines les plus lointaines sont les gisements d’Arçon (55 km vers le S-O) et du silex d’Étrelles (75 km vers l’ouest).
4.1.2 Le débitage
F.S.
4.1.2.1 Méthodes d’analyse
65L’analyse des produits de débitage vise à reconstituer les schémas opératoires appliqués à la transformation des matériaux siliceux ainsi que les modalités techniques utilisées. Cette approche, classique pour l’étude du Magdalénien, reste encore marginale pour le Mésolithique, pour lequel les caractères technologiques se résument, bien souvent, à l’appellation d’industrie à débitage laminaire irrégulier du « style de Coincy » et d’industrie à débitage laminaire régulier du « style de Montbani » (Rozoy 1969). En effet, l’analyse du débitage mésolithique se limite principalement à ses données qualitatives et stylistiques. Si cette conception trouve ses fondements d’un point de vue archéologique, il est évident qu’une approche technologique et dynamique permettra de la préciser et de la nuancer.
66Les observations réalisées lors d’expériences de taille facilitent la définition des techniques de percussion utilisées : la confrontation des caractères technologiques identifiés sur les pièces archéologiques avec ceux de pièces expérimentales, offre une assez bonne garantie de restitution des techniques de percussion. Dans cette optique, un examen et un enregistrement systématique des caractères technologiques identifiables ont été réalisés sur la quasi-totalité du matériel lithique.
67Au-delà de la définition des concepts techniques, il s’agit, grâce aux vestiges d’activités, de reconstituer les comportements spécifiques qui contribuent à élaborer une chaîne opératoire. Ainsi, « les différentes chaînes dans leur ensemble constituent le système technique d’un groupe préhistorique sur un site donné » (Pélegrin et al. 1988). Elles se subdivisent en séquences, différenciées par les processus techniques d’exploitation des matériaux siliceux, segmentées bien évidemment dans le temps mais pouvant l’être également dans l’espace. Si la liaison entre les séquences de production et de façonnage est généralement possible pour des cultures plus anciennes, elle paraît difficilement réalisable pour le Mésolithique. En effet, le caractère microlithique de l’outillage et l’importante modification des supports façonnés ne permettent pas d’établir la nature, voire l’existence, de choix liés à l’utilisation des produits.
68Le mode d’analyse le plus adapté à l’approche séquentielle et spatiale de ces chaînes opératoires est la technique des remontages, qui permet de reconstituer de la façon la plus efficace les étapes qui conduisent un bloc de matière au stade de produits finis. La pratique de remontages poussés dans un cadre industriel mésolithique a valeur d’exception et s’explique aisément par la difficulté d’assembler des pièces de petite taille. Les remontages, réalisés sur l’ensemble des niveaux mésolithiques, ont contribué à confirmer les données envisagées à partir de l’examen des caractères technologiques, mais ont surtout trouvé leur véritable signification dans l’analyse spatiale des vestiges.
69L’élaboration d’une base comparative est indispensable à l’analyse de l’évolution des intentions de débitage, qui constituent la finalité de la mise en œuvre de l’ensemble des concepts techniques. Elle s’appuie sur des critères de comparaisons classiques qui intègrent les données morphologiques et morphométriques. Le problème du débitage implique la distinction des différents produits obtenus : ainsi, la lamelle se définit par une longueur deux fois ou plus supérieure à la largeur, inférieure à 12 mm (Tixier 1961) ; les lames sont définies de la même façon, mais possèdent une longueur supérieure à 5 cm.
4.1.2.2 Données quantitatives
70Les séries varient quantitativement, de 447 pièces pour le niveau moyen C1 de Choisey à 8 487 pièces pour le niveau ancien R4 de Ruffey-sur-Seille. L’addition des différents ensembles s’élève à 25 091 pièces, ce qui constitue un corpus d’analyse tout à fait remarquable (tabl. XIII, XIV).
71Ces données chiffrées mettent en avant certains caractères récurrents, comme par exemple la faible représentation des esquilles, dont le taux varie entre 7,8 et 18,1 %. Ces variations ont probablement une signification archéologique, mais il faut souligner, dans le cas présent, l’inhabituelle faiblesse numérique de cette catégorie, expliquée par l’impossibilité de pratiquer le tamisage du sédiment, en raison de sa forte plasticité. À titre d’exemple, l’industrie du Mésolithique ancien de la couche 4 de l’abri des Gripons à Saint-Ursanne, en Suisse, a livré après tamisage 36,9 % de pièces inférieures à 1 cm2 (Pousaz 1991) : il paraît évident que les nombres d’esquilles recueillies sur les sites de Choisey et de Ruffey-sur-SeilIe sont en deçà de la réalité.

TABL. XIII
Choisey/Aux Champins. Décompte du matériel lithique.

TABL. XIV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Décompte du matériel lithique.
72Les séries sont dominées par les éclats, dont le taux est voisin de 50 %, suivis par les lamelles, qui varient entre 11 et 27 %. Les lames et lamelles à crête, déchets caractéristiques d’une préformation avec mise en place d’une crête antérieure, sont quasiment absentes (de 0 à 0,2 %).
73Les nucléus ont un taux qui varie entre 0,5 et 2,2 %. L’indice le plus bas appartient au Mésolithique ancien de Choisey (C2) tandis que le plus élevé est à associer au Mésolithique récent de Ruffey-sur-Seille (RI).
74Les microburins, dont la représentativité varie entre 0,2 et 2,4 %, appartiennent essentiellement au Mésolithique ancien (C2 de Choisey et R4 de Ruffey-sur-Seille) et au Mésolithique récent (R1 de Ruffey-sur-Seille).
75Le pourcentage de produits transformés se situe entre 4,7 et 9,7 % et tend à augmenter à mesure que l’on progresse dans la chronologie du Mésolithique. Ainsi, avec le niveau C2 de Choisey, il se situe à 4,7 %, passe à 6,7 % avec le niveau R3 de Ruffey-sur-Seille, à 8,6 % avec le niveau R2 et à 9,7 % avec le niveau R1.
76L’examen de ces données chiffrées met en évidence l’existence de caractères convergents et divergents dont la signification pourra être partiellement définie à partir des caractères techniques, culturels ou fonctionnels.
4.1.2.3 Analyse diachronique des chaînes opératoires
Les niveaux R4 et C2
État d’importation de la matière première
77À l’exemple du site de Ruffey-sur-Seille, le site de Choisey se caractérise par un environnement lithologique propice à la collecte de matériaux siliceux. Si, pour le premier, la relative abondance d’une matière première locale, de qualité inégale, a globalement satisfait aux exigences des occupants, le second a connu une large importation de matière à partir de sources aussi éloignées que celles du bassin tertiaire de Haute-Saône. L’acquisition des matériaux siliceux se pratiquait à partir de lieux caractérisés par une importante richesse en matière première.
78Même s’il est difficile de définir précisément le contexte d’approvisionnement de l’époque, l’acquisition de ces matériaux, reconnus en position secondaire, affleurante, ne semble pas impliquer le creusement de structures d’extractions importantes. Le seul véritable obstacle à cette acquisition est lié à la mise en place durant le Préboréal d’un couvert forestier important. Il est cependant probable que les hommes du Mésolithique ont profité de phénomènes naturels qui ont occasionné la mise au jour de blocs de matière, sous l’effet de ravinement, de charriage par les cours d’eau ou de déracinement.
79La nature des données archéologiques définit avec plus ou moins de précision la forme sous laquelle les blocs étaient acheminés sur les gisements. À Choisey, aucun élément ne permet de déterminer la morphologie sous laquelle étaient importés les plaquettes et les rognons.
80En raison de l’éloignement des sources d’approvisionnement, nous pouvons facilement envisager la pratique de tests qualitatifs dans le but de transporter uniquement la matière utile. Cette pratique est largement illustrée à Ruffey-sur-Seille où 44 blocs portent des négatifs qui visent à tester la qualité du noyau siliceux.
81Cette pratique, effectuée sur les lieux d’approvisionnement, s’applique de la même façon aux blocs de silex et aux blocs de chaille. Elle correspond à une préoccupation liée au transport et permet d’envisager, pour la chaille locale, un éloignement suffisant pour que cette pratique ait été effectuée. Les blocs de chaille ainsi acheminés sur le site présentent une variation de longueur importante, de 4 à 14 cm, pour une largeur de 2 à 12 cm. Les blocs de silex sont caractérisés par une plus grande homogénéité des longueurs, comprises entre 5 et 8 cm, et des largeurs qui se situent entre 2 et 5 cm. La plus grande régularité des dimensions des blocs de silex pourrait évoquer un choix particulier.
82Ce transport d’éléments testés est illustré par un dépôt constitué de 22 blocs en silex du Crétacé supérieur totalisant un poids de 2,2 kg. Situé à 2 m d’un foyer, il correspond vraisemblablement à un stock de matière première déposé et abandonné par les chasseurs mésolithiques (fig. 62). Cet ensemble, d’un diamètre de 20 cm, associe des plaquettes et des rognons empilés sur une dizaine de centimètres d’épaisseur, qui, en raison de leur disposition circulaire, suggère l’existence probable d’un contenant qui aurait assuré leur transport puis leur stockage. Cette pratique est confirmée par la découverte sur le site russe de Nizhneye Veretye 1 d’un sac en écorce de bouleau contenant 29 blocs de silex préparés (Oshibkina 1990).

FIG. 62
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Dépôt de blocs testés en silex du Crétacé supérieur.
Productions et techniques
83L’étape de production lamellaire intervient sans véritable modification préalable du bloc et sans modalité particulière de mise en forme. Ce fait est caractérisé par la quasi-absence de lames et lamelles à crête, dont seuls 6 exemplaires appartiennent à la série du niveau C2 et 3 à la série du niveau R4.
84Le remontage d’un bloc de chaille du niveau R4 traduit cette préformation avec façonnage d’une crête grossière à enlèvements unilatéraux (fig. 63, no 3). Cette pratique reste très marginale.

FIG. 63
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4 : 1 remontage partiel d’un nucléus à éclats ; 2 remontage partiel d’un nucléus à lamelles ; 3 remontage partiel d’un aménagement de crête grossière.
85La phase de plein débitage peut être précédée par quelques enlèvements afin de supprimer les irrégularités du bloc. La majorité des éclats, de grande taille, atteste cette opération et souligne les plus grandes dimensions des rognons de chaille. La majorité des éclats dont la longueur se situe entre 1 et 5 cm pour une largeur comprise entre 1 et 3 cm et une épaisseur de 2 à 8 mm correspond à des produits qui participent et accompagnent la production lamellaire. Le rapport éclat/lamelle est de 2,9 pour le niveau R4 et de 4,2 pour le niveau C2.
86La production des éclats intervient à divers moments du débitage –comme l’avivage du plan de frappe et des flancs des nucléus– et contribue d’une manière générale à leur entretien. Certaines productions d’éclats sont manifestement intentionnelles et interviennent principalement en phase finale de débitage. Cette pratique, largement réalisée sur le site de Choisey, évoque un souci d’économie de la matière, caractérisée par une exploitation exhaustive, liée sans aucun doute à la difficulté de renouveler l’approvisionnement. Le niveau R4 a livré quelques productions intentionnelles d’éclats, à partir de la chaille, matière première locale relativement abondante dont les blocs ont les dimensions les plus importantes.
87Un remontage du niveau R4 caractérise ce type de production. Le débitage, réalisé à partir d’un bloc de chaille, sans modification préalable, utilise une surface corticale comme plan de frappe. Le débitage, initialement frontal, va devenir tournant après l’avivage du plan par une large tablette ; la production est constituée d’éclats larges et épais, à talon lisse et bulbe marqué (fig. 63, no 1).
88La morphologie des talons des éclats révèle l’absence de préparations spécifiques préalables à leur détachement. Ces deux séries affichent les mêmes tendances avec un pourcentage de talons lisses élevé (C2 et R4 : 70 %) suivis par celui des talons filiformes (C2 : 15,7 % et R4 : 20,2 %). Les talons corticaux sont présents à un taux de 5,5 % au sein du niveau R4 et de 7 % au sein du niveau C2. Les talons dièdres et facettés, attestés sur moins de 10 % des éclats, correspondent dans leur grande majorité à des tablettes d’avivage. Le facettage est créé par les négatifs des enlèvements lamellaires. La lecture des différents stigmates de taille permet de conclure à l’utilisation importante de la percussion directe au percuteur dur pour leur détachement. En effet, le point d’impact, généralement bien marqué, est associé à un bulbe proéminent caractérisé par l’absence de lèvres.
89Le niveau R4 a livré 76 % de pièces à bulbe marqué, 18 % de pièces à bulbe diffus et 6 % à bulbe esquillé ; le niveau C2, 63 % de pièces à bulbe marqué, 32 % de pièces à bulbe diffus et 5 % de pièces à bulbe esquillé.
90Si aucun percuteur dur n’a été mis au jour au sein de la série de Choisey, leur utilisation est cependant attestée par la présence, dans la série du niveau R4, de deux nucléus dont les stigmates indiquent leur emploi en tant que percuteur. Il est vraisemblable que ces objets, faisant partie d’un équipement éprouvé, ont été emportés par les tailleurs. L’utilisation ponctuelle de la percussion directe au percuteur tendre est tout à fait envisageable, comme l’indiquent les taux de pièces à bulbe diffus, mais également la présence d’abrasion de corniche sur 13 % des éclats du niveau R4 et sur 7,7 % des éclats du niveau C2. En effet, cette modalité technique, qui sert à renforcer le bord du plan de frappe, est généralement associée à l’utilisation de la percussion tendre.
91L’étape de la production lamellaire est réalisée à partir de nucléus prismatiques, pyramidaux et discoïdes. Certains exemplaires témoignent d’un débitage inorganisé sur des nucléus de forme globuleuse. Le niveau R4 a livré 97 nucléus, dont 70 sont prismatiques à un plan de frappe, 14 appartiennent au type pyramidal et 13 à la forme globuleuse (fig. 63, 64). Le niveau C2 possède un effectif de 34 exemplaires dont 16 sont prismatiques, 4 sont pyramidaux, 5 sont globuleux et 9 sont discoïdes (fig. 65, 66, 67).

FIG. 64
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4 : 1 nucléus à éclats ; 2-4 nucléus à lamelles.

FIG. 65
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Nucléus à lamelles.

FIG. 66
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Nucléus à lamelles.

FIG. 67
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1- 4 remontages de produits lamellaires ; 5 remontage d’éclats d’avivage de plan de frappe ; 6 remontage d’éclats de mise en forme de nucléus.
92La majorité de ces nucléus possède une longueur qui se situe entre 2,5 et 4,5 cm pour une largeur comprise entre 2 et 4 cm. Le critère de matière première se traduit, pour le niveau R4, par l’existence de dimensions plus importantes pour la chaille que pour le silex. Ce constat s’explique aisément par les conditions favorables de renouvellement des blocs en chaille. Les données métriques des blocs testés et des nucléus expriment une réduction peu importante de longueur, de l’ordre de 3 cm, tandis que les largeurs n’évoluent quasiment pas.
93L’examen des nombreux nucléus du niveau R4 permet de définir leur évolution morphologique au cours du débitage : dans 62 % des cas, ils attestent un débitage unipolaire avec un plan de frappe lisse ; dans 20 % des cas, la production évolue en phase finale à partir d’un plan de frappe opposé, soit le long de la table lamellaire initiale, soit le long du dos ; seuls 5 % d’entre eux ont été conçus dès le départ avec deux plans de frappe opposés.
94Le dos, qui correspond principalement à une surface naturelle, corticale dans 35 cas, sert avant tout à guider les éclats de ravivage du plan de frappe, détachés à partir de la table lamellaire. Lorsque cette surface ne peut pas assurer cette fonction, elle est aménagée soit par une crête postérieure dans 10 cas soit par une crête postéro-latérale dans 4 cas. Les crêtes ainsi obtenues sont le plus souvent grossières et irrégulières.
95Les nucléus du niveau C2 présentent sensiblement les mêmes caractères morphologiques mais se distinguent par l’absence de crêtes postérieures. On note également la présence de nucléus discoïdes (fig. 65, nos 1, 2, fig. 66, nos4-6) qui ont pour particularité d’être façonnés sur des plaquettes de silex peu épaisses. Leur rentabilisation maximale a impliqué un mode de gestion tout à fait particulier : en effet, l’utilisation d’un plan de frappe préférentiel aurait engendré un rapide abandon lié à une fréquence élevée d’accidents de taille. La pratique d’enlèvements centripètes et bifaciaux a assuré une longévité plus importante, caractérisée par une production irrégulière généralement fine. Malgré une organisation généralement unipolaire du débitage, celui-ci a parfois évolué à partir d’un second plan de frappe, opposé, afin de faire face à certains accidents de taille. Cette pratique est caractérisée par plusieurs remontages dont le premier regroupe 7 éléments en silex d’Olten (fig. 67, no 1). Situés dans la séquence de plein débitage, ils résultent de cette modalité technique de réfection. Malgré l’absence du nucléus, il est possible, grâce aux caractères macroscopiques de cette matière, de rattacher à ce premier ensemble un groupe de raccords de 4 lamelles, qui caractérise un débitage le long d’une table extrêmement rectiligne, cause vraisemblable de la plupart des accidents de taille (fig. 67, no 3).
96La production lamellaire est constituée de produits dont la longueur se situe entre 1,5 et 5 cm pour une largeur de 0,5 à 1,2 cm et une épaisseur comprise entre 2 et 6 mm (fig. 68 a, b). Il s’agit de produits généralement irréguliers, à profil principalement rectiligne et à faible plage corticale réservée ; en effet, 86 % ne portent aucune trace de cortex. À cette production massive, est associée une série laminaire quantitativement faible, avec des exemplaires aux dimensions importantes, qui peuvent atteindre 9 cm de long.

FIG. 68
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Lames et lamelles : a longueurs et largeurs ; b largeurs et épaisseurs.
97Les conclusions d’ordre technique ainsi que l’absence de continuités morphométriques entre les lamelles et les lames supposent l’existence de deux systèmes de production, dont un n’est représenté sur le site que par les produits laminaires.
98L’absence d’éléments appartenant aux étapes d’exploitation laminaire permet de conclure à l’importation de la quasi-totalité de ces supports. La définition du mode de percussion passe par l’examen de la morphologie du talon (fig. 69), qui est lisse pour 65 % des lamelles, linéaire pour 16 % et punctiforme pour 4,7 %. La faible épaisseur de cette partie du support, majoritairement inférieure à 2 mm, associée à un taux élevé de bulbe diffus (43,7 % contre 51 % de bulbe marqué et 5,3 % de bulbe esquillé) évoque l’utilisation de la percussion directe sous une forme assez tendre. Cette attribution technique semble confirmée par la présence significative de l’abrasion de corniche, identifiée sur 19,6 % des lamelles.

FIG. 69
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Types de talon des lames et lamelles.
99Ces observations d’ordre technologique suggèrent l’existence de trois systèmes productifs à finalité différente :
un débitage courant, à partir de nucléus prismatiques à un seul plan de frappe lisse, qui a permis d’obtenir de nombreux produits lamellaires de modules variés ;
un débitage à partir de nucléus discoïdes, sur plaquette de silex, qui a assuré une production de lamelles courtes et trapues, parfois proches de l’éclat ;
des produits laminaires, dont les étapes de production ne sont pas représentées sur le gisement, qui ont été importés dans leur quasi-totalité.
100Les nombreux produits lamellaires du niveau R4 présentent une longueur qui se situe entre 2 et 4 cm, pour une largeur comprise entre 0,75 et 1,2 cm et une épaisseur qui varie entre 0,2 et 0,4 cm (fig. 70 a, b). Comme l’indique l’importante variété morphométrique, il est probable que les exigences de production soient davantage liées à des critères morphologiques. Ce caractère se traduit entre autres par la répartition des plages corticales dont la faible fréquence exprime vraisemblablement un souci de production sans ou avec peu de cortex. Ce dernier pourrait constituer un obstacle à la transformation des supports en outil. 65,7 % des lamelles ont un profil rectiligne tandis que seules 21,5 % ont un profil courbe. Les bords sont majoritairement parallèles avec 49,5 % de pièces contre 32 % à bords convergents et 18,5 % à bords divergents. Ces caractères morphologiques traduisent la recherche de produits réguliers au détriment de critères dimensionnels.

FIG. 70
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Lamelles : a longueurs et largeurs ; b largeurs et épaisseurs.
101L’examen de la morphologie des talons montre un nombre plus élevé de talons lisses (56,2 %), suivis par les talons linéaires (32 %) (fig. 71). Il faut souligner le taux relativement élevé de talons corticaux (4,7 %), qui est à mettre en relation avec l’utilisation, comme plan de frappe, de certaines surfaces corticales fines. Ces talons, et plus particulièrement les talons lisses, ont pour particularité de révéler une épaisseur relativement importante puisque plus de 40 % d’entre eux ont une épaisseur supérieure ou égale à 3 mm. La présence de talons larges, associés dans 74 % des cas à un bulbe marqué, suppose l’utilisation d’un percuteur suffisamment dur pour provoquer des stigmates de taille aussi prononcés. Cependant, 38,2 % des lamelles sont abrasées au niveau de la corniche, modalité technique de préparation habituellement associée à une percussion tendre.

FIG. 71
Ruffey-sur-Seiile/À Daupharde. Niveau R4. Types de talon des lamelles.
102La définition des techniques de percussion reste délicate, mais il semble toutefois possible d’écarter l’utilisation d’une véritable percussion tendre, remplacée ici par l’utilisation d’un percuteur de pierre tendre. Cette modalité technique, mise en évidence dans les séries à lames mâchurées du nord de la France et du Bassin parisien, est généralement associée à l’utilisation de percuteurs en grès. Cette matière première n’étant pas représentée dans cette zone jurassienne, il est possible d’envisager l’utilisation de matières de substitution, comme le calcaire, abondant dans le secteur sous forme de galets, dont l’utilisation n’a pu être confirmée en l’absence d’exemplaire percuté. Ce type de percussion a déjà été évoqué pour le Mésolithique, sur le site d’Hangest Gravière II Nord, dans la Somme (Ketterer 1992), dans une phase ancienne du Mésolithique moyen.
103L’ensemble des caractères évoqués précédemment a été également identifié au sein de la série laminaire, qui représente 1,4 % du total de l’industrie. Les caractères morphométriques montrent l’absence de césure entre les lamelles et les lames dont la production résulte du même schéma opératoire.
104Le niveau R4 se caractérise par la mise en œuvre de modalités de débitage simples, à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe, qui visent ponctuellement une production d’éclats et globalement une production lamellaire régulière.
Le niveau R3
État d’importation de la matière première
105L’industrie lithique est essentiellement façonnée à partir du silex du Crétacé supérieur, dont la source d’approvisionnement se trouve à une quinzaine de kilomètres au sud du gisement. Représenté par 63 % de l’industrie, il est associé à la chaille locale du Dogger. Le relatif éloignement de ce principal gîte de matière première a provoqué la pratique de test qualitatif, ce qui constitue l’unique modification des blocs préalablement à leur introduction sur le site. Ce comportement s’explique bien évidemment par la volonté de collecter et de transporter des blocs dont la qualité est suffisamment bonne pour permettre leur transformation. Ainsi, parmi les blocs non débités, 2 en silex et 3 en chaille portent des négatifs d’enlèvements limités qui attestent cette action. Il semble donc que tous les rognons introduits sur le site, y compris ceux en chaille, aient fait l’objet de diagnostics qualitatifs.
Productions et techniques
106La production lamellaire débute sans modifications préalables importantes mais surtout sans mise en forme spécifique. En effet, la quasi-absence de lames et de lamelles à crête en constitue l’illustration la plus parfaite. L’existence de petits rognons à cortex carié a parfois nécessité une régularisation du bloc par des enlèvements limités qui portent les stigmates de ces surfaces indésirables.
107D’une manière générale, les éclats constituent une classe de produits dont l’obtention est directement liée au débitage lamellaire. Ils résultent des différentes opérations d’avivage ou correspondent à des enlèvements lamellaires avortés. Le rapport, qui est de 2 éclats pour une lamelle, montre une production lamellaire élevée. Généralement de petite taille, les éclats possèdent une longueur comprise entre 1 et 2 cm pour une largeur située entre 1 et 1,2 cm et une épaisseur variant entre 0,2 et 0,5 cm.
108La présence de cortex, sous la forme de plages plus ou moins développées, est observée sur 21 % des éclats. Parmi ceux-ci, seuls 3,5 % sont de véritables éclats corticaux qui sont issus soit de la régularisation des blocs, soit de la mise en place du plan de frappe par décalottage.
109Comme l’indique la morphologie des talons, aucune préparation particulière n’est associée à leur détachement. En effet, ce sont les talons lisses (63,3 %) et linéaires (22,9 %) qui dominent, suivis par les talons corticaux dont le taux élevé de 8,6 % est à mettre en relation avec la pratique de régularisation des blocs et de création de plans de frappe. Les différentes observations technologiques permettent de conclure à l’utilisation de la percussion directe au percuteur dur, évoquée par la présence de bulbe proéminent sur 66 % des pièces.
110L’abrasion de corniche, identifiée sur 14 % des éclats, est davantage liée à leur position chronologique dans le processus de débitage lamellaire qu’à une préparation intentionnelle liée à leur détachement.
111La majorité de la production lamellaire est obtenue à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe, au nombre de 19 (fig. 72, 73) ; deux sont de type pyramidal et 3 sont caractérisés par un agencement inorganisé du débitage.

FIG. 72
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Nucléus à lamelles.

FIG. 73
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Nucléus à lamelles.
112Les données morphométriques caractérisent des exemplaires de petites dimensions, dont la longueur se situe entre 2 et 4 cm pour une largeur qui varie entre 2 et 3 cm. Ces données traduisent davantage l’utilisation importante des blocs de silex, dont les dimensions de départ sont déjà de faibles dimensions, qu’une réduction importante des blocs.
113Le dos des nucléus, dont la fonction est de guider les éclats de ravivage du plan de frappe, est généralement constitué d’une surface naturelle, soit corticale, soit résultant d’un plan de clivage. Ce plan est réservé lorsqu’il est naturellement régulier et seul un exemplaire possède un façonnage de crête postérieure.
114L’étape de production lamellaire se fait exclusivement à partir d’une surface lisse et s’accompagne d’une évolution du volume durant le débitage impliquant des réorientations de sens d’enlèvements. Ainsi, 10 % des nucléus possèdent un agencement alternatif et 25 % utilisent le dos comme table lamellaire.
115L’étude de l’angle de chasse montre une répartition hétérogène, qui témoigne vraisemblablement d’un souci d’exploitation maximale. En effet, plus de la moitié des nucléus a un angle supérieur ou égal à 75°, ce qui constitue un seuil technique délicat à franchir, en risquant de multiplier les accidents de taille.
116La production lamellaire est constituée de 842 pièces, dont 76 % sont en silex et 24 % en chaille. Les caractères morphométriques définissent une production dominée par des exemplaires courts, dont la longueur se situe entre 2 et 4 cm et la largeur est comprise entre 1 et 1,2 cm (fig. 74 a, b).

FIG. 74
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Lamelles : a longueurs et largeurs ; b largeurs et épaisseurs.
117La considération du critère de la matière première ne permet pas, malgré la présence de blocs plus volumineux pour la chaille, d’opposer cette production à celle obtenue à partir du silex. Cette série donne une impression générale d’homogénéité morphométrique liée à la volonté d’obtenir des éléments qui répondent à des normes dimensionnelles précises.
118L’observation du talon des lamelles indique une absence générale de préparation (fig. 75). Le pourcentage des pièces à talon lisse, linéaire, punctiforme et cortical s’élève à 97,9 %. Conformément à l’ensemble des caractères technologiques, la reconnaissance des techniques de percussion paraît délicate. En effet, si 41 % d’entre elles présentent une abrasion de la corniche, mode de préparation habituellement associé à une percussion tendre, 52 % possèdent un bulbe marqué et 42 % un bulbe diffus. Si la percussion tendre engendre généralement des bulbes plutôt diffus, la percussion directe au percuteur dur peut également provoquer les mêmes stigmates (Tixier 1982).

FIG. 75
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Types de talon des lamelles.
119Pour l’ensemble de ces raisons, nous pouvons envisager soit l’utilisation de deux modes de percussion directe, dure et tendre, soit la seule utilisation de la première. L’utilisation conjointe de ces deux modes devrait théoriquement répondre à des objectifs de débitage différents, qui ne se traduisent pas dans cette série : c’est pourquoi nous penchons pour l’utilisation unique de la percussion directe dure, qui a globalement assuré une production morphologiquement régulière, fait apparemment confirmé par l’absence de lèvre au niveau du talon des lamelles. Ces dernières sont généralement à profil rectiligne (dans 60 % des cas), tandis que les lamelles à profil courbe représentent 28,5 %.
Les niveaux R2 et C1
État d’importation de la matière première
120L’industrie lithique du niveau R2, dont 55,6 % utilise le silex et 44,4 % la chaille, rappelle les mêmes stratégies d’acquisition et d’apport de la matière première que pour le niveau R3. La pratique de tests qualitatifs, opération préalable au transport de la matière, est attestée par la présence de 4 blocs testés en chaille et de 6 en silex. Quant à l’industrie du niveau C1, elle se différencie de celle du niveau C2 par une plus forte utilisation des matières locales qui atteint 49 %.
121L’absence de blocs testés au sein de C1 et la faiblesse numérique de cette série ne permettent pas d’écarter l’hypothèse de la pratique de test qualitatif, probable en raison de l’éloignement de certaines sources d’approvisionnement, comme celle du bassin tertiaire de Haute-Saône distant de 50 km.
Productions et techniques
122Par ses données quantitatives, la série lithique du niveau R2 est celle qui permet de dresser le schéma opératoire le plus précis.
123L’étape de production lamellaire intervient sans véritable modification du bloc, mais surtout sans procédé de mise en forme comme l’atteste l’absence de lamelles à crête. L’utilisation d’arrondis naturels, servant à guider le premier enlèvement lamellaire, se substitue à cette modalité de préformation. Cette étape se traduit par la présence de lamelles corticales. Cette première séquence du débitage est difficile à reconstituer à partir des données du niveau C1 qui a cependant livré une lame à crête mais aucune lamelle corticale.
124Dans leur grande majorité, les éclats, dont le rapport avec les lamelles est de 2,5 pour R2 et de 6,4 pour C1, résultent d’une production qui accompagne le débitage lamellaire. Aucune production intentionnelle d’éclats n’a été mise en évidence au sein de ces deux séries. Le nombre important d’éclats corticaux est à mettre en relation avec d’une part la régularisation des blocs et d’autre part l’ouverture des plans de frappe par décalottage des rognons (fig. 76, no 3).

FIG. 76
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2 : 1, 2 remontage partiel d’un nucléus à lamelles en chaille ; 3 remontage d’une entame sur un nucléus en chaille.
125Les données morphométriques semblent classiques pour ce type de production, puisque la majorité des éclats possède une longueur située entre 1 et 5 cm pour une largeur comprise entre 1 et 3 cm et une épaisseur variant de 0,2 à 0,6 cm.
126Le détachement de ces produits n’implique aucun soin particulier, comme en témoigne le pourcentage des pièces à talon lisse, linéaire, punctiforme et corticaux qui représente 90 % pour le niveau C1 et 91,4 % pour le niveau R2. La représentativité de ces différentes catégories, mettant en avant celle des talons lisses, associée au caractère marqué des bulbes (80,5 % pour C1 et 85 % pour C2) permettent de conclure à l’utilisation de la percussion directe dure. L’abrasion de corniche, identifiée sur 17 % des éclats, semble davantage liée à leur position chronologique dans la séquence de débitage qu’à une véritable préparation réservée à leur détachement.
127La production lamellaire est obtenue à partir de nucléus prismatiques qui, au nombre de 14 pour le niveau R2, sont accompagnés de 3 exemplaires pyramidaux et d’un à débitage inorganisé (fig. 77, 78). La série du niveau C1 est composée de 8 nucléus prismatiques et d’un nucléus pyramidal (fig. 79). Il s’agit d’individus de petite taille dont la longueur se situe entre 2 et 4 cm pour une largeur comprise entre 1,5 et 3 cm. Ces deux séries possèdent une homogénéité morphométrique qu’il faut mettre en relation avec un seuil d’abandon correspondant aux limites maximales de l’exploitation.

FIG. 77
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Nucléus à lamelles.

FIG. 78
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Nucléus à lamelles.

FIG. 79
Choisey/Aux Champins. Niveau C1 : 1-8 nucléus à lamelles ; 9 percuteur en chaille.
128Le dos correspond à une surface réservée, principalement corticale au sein du niveau R2, ou à un méplat naturel ou aménagé dont la fréquence est plus élevée dans la série du niveau C1. Cette surface voulue régulière sert à guider les éclats de ravivage du plan de frappe, détachés à partir de la table lamellaire.
129L’agencement des plans montre un système productif articulé autour d’un plan de frappe unique, exclusif à Choisey, mais complété à Ruffey-sur-Seille par l’existence d’agencements alternatifs dans 4 cas et alternes dans 2 cas. Ces différents agencements sont attestés par la pratique de remontages, dont un groupe de 7 raccords en chaille montre l’opposition des plans. Le plan opposé est ouvert par un éclat cortical allongé qui sera retouché (fig. 76, no 1). L’agencement alternatif permet de supprimer les accidents de taille fréquents lors de l’exploitation à partir d’une table lamellaire rectiligne. Sur un autre exemple, constitué de 7 raccords en chaille, un agencement alterne, marqué par une réorientation du débitage à partir d’un plan opposé, est observé, mais cette fois le long du dos (fig. 76, no 2). La cause de ce changement est une fois de plus liée au réfléchissement de produits de débitage.
130La production lamellaire est dominée par des pièces aux caractères morphométriques classiques, avec une longueur comprise entre 2 et 5 cm pour une largeur variant entre 0,7 et 1,2 cm (fig. 80 a, b).

FIG. 80
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Lamelles : a longueurs et largeurs ; b largeurs et épaisseurs.
131L’examen des caractères technologiques, et plus particulièrement des talons, révèle l’absence de préparation liée à leur détachement (fig. 81). Le pourcentage des talons lisses, linéaires et punctiformes atteint 93 % pour le niveau C1 et 95 % pour le niveau R2. La présence de bulbe marqué sur 64 % des pièces de C1 et sur 59 % des pièces de R2 permet de conclure à l’utilisation de la percussion directe dure. Ces modalités techniques ont entraîné une production de lamelles, irrégulières, au profil rectiligne, parfois torse. La seule véritable homogénéité est liée aux critères morphométriques qui définissent des supports de petit module.

FIG. 81
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Types de talon des lamelles.
Le niveau R1
État d’importation de la matière première
132Le Mésolithique récent se caractérise par un changement de comportement face à la matière première où l’utilisation de la chaille atteint 75,5 % de l’industrie. Ces populations se sont tournées vers l’utilisation de matériaux locaux, même si les données qualitatives sont parfois médiocres. Comparativement aux autres séries de Ruffey-sur-Seille, celle-ci se différencie par un faible nombre de blocs testés (2). Cette démarche, habituellement associée à des préoccupations de transport, semble être occasionnelle, ce qui peut être lié à la proximité des lieux d’approvisionnement ; nous devons également considérer une éventuelle transformation de la quasi-totalité des éléments importés, ce qui supprime la possibilité d’identifier cette action.
Productions et techniques
133La séquence de production lamellaire est engagée soit sans modification préalable du bloc, le long d’une surface naturelle propice, soit avec l’aménagement d’une crête antérieure. Ces pratiques sont illustrées par 11 lamelles corticales et par 5 lamelles et 4 lames à crête. Le façonnage de crête peut également intervenir au cours du débitage et constitue l’une des modalités de réfection de la table lamellaire.
134La présence d’éclats de module important, supérieur à 3 cm, à plage corticale souvent importante, est à mettre en relation avec une mise en forme sommaire qui vise à régulariser les blocs. La pratique d’un remontage à partir d’un bloc de chaille a permis d’associer 4 éléments constitués de gros éclats épais, débités à partir d’un plan de frappe lisse, naturel, à un nucléus repris par un débitage à caractère lamellaire. La finalité peut correspondre à une production d’éclats épais afin de réduire le volume initial en un ou deux blocs qui constitueront le module de base du débitage lamellaire. Dans ce cas précis, ce processus de taille dépasse la simple régularisation de bloc et s’apparente davantage à un véritable dégrossissage, imposé par la mauvaise qualité de ce rognon. Cet exemple indique une pratique très marginale du test qualitatif.
135La majorité des éclats demeurent cependant le produit des différentes étapes accompagnant la production lamellaire. Le rapport éclat/lamelle est le plus bas de toutes les séries mésolithiques et atteste une fréquence de production de lamelles tout à fait remarquable. Ces éclats témoignent d’une importante variété morphométrique, en fonction de la position chronologique des éclats dans le processus de débitage et de l’intention liée à leur production ; cependant, la majorité possède une longueur et une largeur comprises entre 1 et 2 cm et une épaisseur située entre 0,2 et 0,6 cm.
136Cette catégorie de produits est dominée par les talons lisses (61 %), suivis par les talons corticaux (15 %) et les talons linéaires (14 %).
137La présence de points d’impact généralement bien marqués et de bulbes proéminents sur 52,8 % de la production permet de conclure à l’utilisation de la percussion directe dure. Le taux élevé de pièces à bulbe diffus (41,4 %) n’implique pas obligatoirement l’emploi d’un percuteur tendre, mais s’explique partiellement par l’utilisation importante de la chaille dont les variations de silicification peuvent se traduire par l’atténuation des stigmates de taille.
138Le plein débitage est réalisé essentiellement à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe (29 exemplaires) et, de façon plus marginale, à partir de 6 nucléus pyramidaux et de 6 nucléus à débitage inorganisé, qualifiés de globuleux (fig. 82, 83). Leurs longueurs, comprises entre 2 et 4 cm, et leurs largeurs, situées entre 2 et 5 cm, évoquent des caractères morphologiques trapus.

FIG. 82
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Nucléus à lamelles.

FIG. 83
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1 : 1-4 nucléus à lamelles ; 5 remontage partiel d’un nucléus à lamelles en chaille.
139La face arrière, principalement corticale et réservée sous la forme de méplat, sert également à entretenir la carène de la table lamellaire grâce au débitage d’éclats à partir de cette même surface. Lorsqu’elle n’est pas assez régulière, elle est aménagée soit par une crête postérieure, soit par une crête postéro-latérale.
140Le profil des tables lamellaires au moment de l’abandon des nucléus est principalement rectiligne, mais ne s’accompagne pas des nombreux réfléchissements que l’on peut observer habituellement dans ce cas de figure et qui témoignent d’un abandon lié à l’exhaustion du bloc et surtout d’un débitage dont la technique de mise en œuvre se traduit par une fréquence d’accidents de taille extrêmement faible.
141Les plans de frappe présentent un facettage large, qui concerne la totalité de la surface de percussion (24 exemplaires contre 11 à plan de frappe lisse). En effet, l’avivage n’est pas réalisé par de larges tablettes comme pour le Mésolithique ancien et moyen mais par des tablettes d’avivage partielles. Cette pratique est illustrée par un remontage qui associe 11 raccords en chaille (fig. 83, no 5) : le nucléus, de petite taille, témoigne d’une réduction importante sans véritables accidents de taille ; les éclats d’avivage guidés le long du dos tendent à devenir de plus en plus lamellaires et contribuent à confondre cette surface avec la table d’extraction. Une des dernières lamelles débitées sur un des flancs porte les négatifs d’un aménagement en néo-crête, visant à corriger cette partie du nucléus dont la base a été rectifiée par un enlèvement détaché à partir du dos.
142L’examen de l’angle de chasse révèle une tendance à des plans plus ouverts pour les exemplaires facettés, dont 58 % ont un angle supérieur à 70°, contre 46 % pour les exemplaires lisses.
143L’agencement des plans de frappe, dominé par un débitage unipolaire pour 92 % des nucléus, ne nécessite presque jamais de réorientation du sens d’enlèvements durant l’exploitation.
144La production lamellaire répond à un rythme tout à fait exceptionnel, puisqu’à une lamelle correspondent moins de deux éclats. Les données morphométriques ne permettent pas de distinguer différentes catégories de lamelles dont les longueurs sont comprises entre 2,5 et 4 cm, les largeurs situées entre 0,7 et 1,2 cm, alors que les épaisseurs varient entre 0,1 et 0,4 cm (fig. 84 a, b).

FIG. 84
Ruffey-sur-5eille/À Daupharde. Niveau R1. Lamelles : a longueurs et largeurs ; b largeurs et épaisseurs.
145La lecture des types de talon (fig. 85) montre la prédominance des talons linéaires (34 %), suivis par les talons facettés (32 %). La représentativité de cette dernière catégorie permet de distinguer cette série de celles précédemment étudiées. Le facettage est un facettage fin, qui vise une préparation ponctuelle, réalisée juste avant le détachement du produit. Il peut concerner la totalité du talon ou se limiter à un des côtés. Ces différentes catégories de talon sont associées dans 52,5 % des cas à des bulbes diffus et dans 42,3 % à des bulbes marqués.

FIG. 85
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Types de talon des lamelles.
146L’ensemble des caractères technologiques ne semble pas résulter de l’utilisation d’une percussion classique directe. Le style des nucléus, souvent cannelés, les types de talon, principalement linéaires et facettés, ainsi que la morphologie des lamelles évoquent l’utilisation de la percussion indirecte. En effet, la production lamellaire est dominée par des pièces au profil rectiligne (63,5 %), dont la tendance à l’inflexion dis-talc est importante (19,1 %) (fig. 86). Les bords parallèles ont été observés sur 72,7 % des lamelles. Il s’agit de produits dont les caractères morphologiques traduisent une grande régularité qui s’apparente au débitage de style Montbani.

FIG. 86
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Types de profil des lamelles.
4.1.2.4 Caractères évolutifs du débitage du Mésolithique ancien au Mésolithique récent
147La confrontation diachronique des données technologiques permet de caractériser les phases du Mésolithique à partir des modalités techniques de transformation des matières premières, des conditions d’approvisionnement, ainsi que des intentions révélées par les caractères intrinsèques des produits bruts et façonnés. Cette vision chronologique a pour avantage de cerner les processus évolutifs traduits à travers les différentes chaînes opératoires (tabl. XV).

TABL. XV
Synthèse des caractères technologiques des niveaux mésolithiques de Choisey et de Ruffey-sur-Seille.
148Si la finalité du débitage au cours des temps mésolithiques tend essentiellement vers une production à caractère lamellaire, les techniques utilisées vont évoluer selon des paramètres variés pouvant faire intervenir l’empirisme, la tradition, ou encore l’utilisation de techniques nouvelles, soit par adoption soit par innovation.
149Au Mésolithique ancien, l’économie de la matière première est marquée par l’utilisation de matériaux d’origine locale, mais également de provenance plus éloignée, se situant entre 50 km et 180 km. Ces données traduisent des exigences qualitatives nécessitant un approvisionnement lointain et révèlent aussi l’existence de vastes territoires de fréquentation. Les distances parcourues impliquent le transport d’une matière en grande partie utilisable, préoccupation qui se traduit par la généralisation de la pratique du test qualitatif des blocs. Ces caractères liés à l’approvisionnement s’expriment de manière moins sensible durant les phases suivantes, dont la tendance est à l’exploitation de matière d’origine de plus en plus locale, comme pour le Mésolithique récent, avec l’utilisation à 75 % de matière locale.
150Le plein débitage montre également des divergences tant sur le plan technique que sur le plan des productions. Le Mésolithique ancien vise principalement l’obtention de lamelles, et plus ponctuellement celle de lames et d’éclats. Ces productions, intentionnelles et marginales, ont tendance à disparaître avec le Mésolithique moyen et récent. La production lamellaire est faite à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe et, plus rarement, à partir de nucléus pyramidaux et discoïdes uniquement dans le Mésolithique ancien de Choisey. L’étape de préformation est quasiment inexistante et la seule véritable intervention préalable au débitage consiste à régulariser le bloc par des enlèvements souvent corticaux qui peuvent également résulter de la mise en place du plan de frappe par décalottage du bloc. Si les plans sont majoritairement lisses, ils deviennent facettés au Mésolithique récent. Les talons des produits lamellaires sont, du Mésolithique ancien au Mésolithique moyen, majoritairement non préparés, mais portent assez fréquemment une abrasion de la corniche. Leur association à des bulbes souvent proéminents est à mettre en relation avec l’utilisation d’une percussion directe assez dure, confirmée par la mise au jour, au sein de la couche C1, d’un percuteur en chaille (fig. 79, no 9). Ces caractères se retrouvent de manière sensiblement égale au sein des industries du Mésolithique ancien et moyen.
151Une véritable rupture s’effectue avec le Mésolithique récent, durant lequel la part des talons préparés atteint 32 %. Ce caractère, associé au style des lamelles dont la tendance morphologique est à une plus grande régularité et à une plus importante rectitude, permet d’envisager l’utilisation de la percussion indirecte. Cette modalité technique se traduit par des nucléus régulièrement cannelés, souvent plats, dont le dos peut être façonné, soit grâce à une crête postérieure, soit grâce à une crête postéro-latérale.
152L’analyse du débitage du Mésolithique ancien au Mésolithique moyen révèle une évolution linéaire qui se traduit dans les modalités techniques mises en œuvre ainsi que dans les intentions de productions, dont les variations stylistiques peuvent être liées à des critères de choix, mais également à des données conjoncturelles comme celle de la matière première.
153Si durant ces deux premiers millénaires du Mésolithique, la tendance est à la continuité, le Mésolithique récent rompt cette apparente monotonie et s’accompagne de l’introduction d’une technique nouvelle, la percussion indirecte. D’un point de vue technique, le passage de la phase ancienne à la phase moyenne traduit une véritable continuité, alors que la phase récente marque une véritable scission, dont l’origine reste difficilement explicable. Cette évolution du débitage aboutit à l’acquisition d’un niveau de technicité suffisamment élevé pour assurer une production de qualité même à partir de matière médiocre.
4.1.3 L’outillage
F.S.
154L’outil constitue l’étape ultime de la transformation des matières premières siliceuses. Si la forme est généralement en relation avec la fonction, certaines morphologies d’armatures de flèches semblent correspondre à des marqueurs culturels des groupes de chasseurs-cueilleurs. Comme l’a écrit A. Thévenin, « l’armature est un facteur d’identité du groupe en Préhistoire » (Thévenin 1994).
155La prolifération des types d’outils microlithiques en est la parfaite illustration et nécessite une étude typologique exhaustive et détaillée. Cependant, la diversité des formes peut être en partie associée à des fonctions différentes, non démontrables en l’absence d’études tracéologiques.
156L’outillage façonné, constitué de microlithes et d’outils communs, est complété par un outillage « a posteriori » (Bordes 1970) composé de produits de débitage utilisés, dont l’identification est liée à la présence de retouches d’utilisation. La reconnaissance de ces pièces n’a pu être réalisée qu’à partir des caractères identifiables à l’œil en l’absence d’analyses tracéologiques (retouches d’utilisation) qui n’ont pas été entreprises, principalement en raison des matières premières en présence : la chaille plus ou moins grenue enregistre assez mal les stigmates d’utilisation et le silex est le plus souvent patiné.
4.1.3.1 Méthodes d’analyse
157L’étude de l’outillage retouché est basée sur la typologie établie par le Groupe d’étude de l’Epipaléolithique-Mésolithique (1972). Cette analyse a été conçue de manière indépendante par rapport à l’ensemble des processus de production brute, car le façonnage très poussé d’une grande partie de l’outillage microlithique rend difficile la mise en évidence de choix de supports. Nous avons opté pour un système typologique souple, afin d’éviter la multiplication des types à valeur souvent régionale. En effet, le cadre géographique de cette étude se trouve à l’écart des régions classiques à partir desquelles furent élaborées les listes typologiques comme celle établie par J.-G. Rozoy (1968).
158Le regroupement des outils au sein de grandes classes, en distinguant armatures et outils du fonds commun, évite au maximum l’introduction de caractères subjectifs qui conduisent à une division excessive de types à valeur anecdotique.
159L’outillage est également caractérisé par ses données morphométriques, ce qui permet d’introduire la notion de standardisation, dont l’origine peut être fonctionnelle, liée aux contraintes de la matière première (qualité et dimensions des blocs), voire chronoculturelle.
4.1.3.2 Données quantitatives
Le Mésolithique ancien (niveaux C2 et R4)
Le niveau C2 de Choisey
160Il a livré un outillage abondant et varié, d’un effectif de 280 individus, ce qui représente 4,7 % de produits façonnés (tabl. XVI). La distinction entre les outils du fonds commun et les armatures montre la supériorité numérique de cette dernière catégorie avec un taux de 78,7 %. L’assemblage typologique (fig. 87) est marqué par une nette présence des armatures, suivies principalement par les grattoirs (4,6 %), par les lamelles retouchées (3,6 %) et les éclats retouchés (3,2 %).

TABL XVI
Choisey/Aux Champins. Décompte de l’outillage lithique.

FIG. 87
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Composition de l’outillage.
Les armatures
161Avec un effectif de 221 exemplaires, elles totalisent 77,3 % de l’outillage. La présence de nombreux microburins atteste que ce procédé de fracturation a été utilisé pour obtenir les segments de lamelles nécessaires au façonnage des armatures. La série des microburins est constituée de 161 individus, composés à 76 % de pièces proximales, à 15,8 % de pièces mésiales et à 8,2 % de pièces distales. Caractérisés par une importante variété morphométrique (les longueurs se situent entre 1 et 2,5 cm et les largeurs entre 0,8 et 1,5 cm), ils témoignent de l’utilisation de lamelles et d’éclats.
162La composition typologique des armatures (fig. 88) souligne la très nette importance des pointes à troncature oblique (39,7 %), suivies par les pointes à retouche unilatérale (15,2 %), par les triangles isocèles (13,2 %), puis par les pointes à base transversale (4,3 %). Les deux premières catégories appartiennent à celle des pointes à base naturelle qui totalise ainsi 59,3 % des armatures.

FIG. 88
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Composition des armatures.
163• Les pointes à base naturelle
164Les pointes à troncature oblique. Elles représentent la principale catégorie d’armatures avec 102 exemplaires. Leurs dimensions révèlent une importante variété morphométrique, qui oppose des exemplaires allongés à des exemplaires courts (fig. 89) ; le seuil est situé aux environs de 20 mm. Les longueurs sont ainsi comprises entre 15 et 33 mm pour des largeurs situées entre 6 et 12 mm. Les variations morphométriques liées à l’utilisation d’éclats et de lamelles témoignent de l’absence de recherche de dimensions standardisées.

FIG. 89
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Longueurs et largeurs des pointes à base naturelle.
165La partie active est obtenue par une troncature oblique, rectiligne, façonnée par retouches directes, semi-abruptes. Certaines pièces conservent partiellement un piquant-trièdre, ce qui atteste l’utilisation importante du procédé de fracturation par la technique du microburin. La position de la troncature, principalement proximale, est à mettre en relation avec la recherche d’une partie active épaisse et d’une base fine.
166Ces armatures témoignent d’une certaine homogénéité morphologique liée principalement à la configuration de la partie active obtenue par une troncature et par sa position proximale, inclinée soit à droite, soit à gauche (fig. 90, 92, nos 1-12).

FIG. 90
Choisey/Aux Champin. Niveau C2. Pointes à troncature oblique.

FIG. 91
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Longueurs et largeurs des pointes à retouche unilatérale.

FIG. 92
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1-12 pointes à troncature oblique ; 13, 15‑25 pointes à retouche unilatérale ; 14 pointe à dos anguleux.
167Les bords sont rarement retouchés et seul un exemplaire possède un aménagement de la partie distale, obtenu par une retouche partielle unilatérale (fig. 90, no 14).
168Si les pièces élancées sont majoritaires par rapport aux pièces trapues, cette catégorie d’armatures traduit cependant une homogénéité morphologique liée principalement à la simplicité du concept de façonnage.
169Les pointes à retouche unilatérale. Conçues sur le même principe que les pointes à troncature oblique, elles se distinguent par un bord retouché qui ne dépasse pas l’axe médian de la pièce support. Au nombre de 39, elles rassemblent des caractères morphométriques tout à fait comparables à la catégorie précédente avec des longueurs comprises entre 12 et 25 mm et des largeurs situées majoritairement entre 7 et 10 mm (fig. 91). La faible variation des largeurs est liée au caractère beaucoup plus continu de la retouche qui réduit cette partie du support. Cette dernière, directe et semi-abrupte, localisée principalement à l’extrémité proximale, crée une partie active au caractère beaucoup plus effilée (fig. 92, nos 13, 15- 25, fig. 93, nos 1-3). Le bord retouché, indifféremment localisé à droite ou à gauche, peut dans bien des cas être assimilé à un dos. Un exemplaire possède ainsi une morphologie similaire à une pointe à dos anguleux (fig. 92, no 14).

FIG. 93
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1-3 pointes à retouche unilatérale ; 4‑14 pointes à base transversale ; 15-22 lamelles encochées ; 23, 24 microburins.
170La base, associée à l’extrémité distale, est souvent large et fine. Ces pièces sont techniquement très proches des pointes à troncature oblique, mais la principale différence réside dans leur caractère plus effilé, en relation probablement avec une fonction particulière.
171• Les triangles isocèles
172Ils représentent la troisième catégorie d’armatures avec 36 exemplaires, soit 12,8 %. Les données morphométriques traduisent la présence d’individus caractérisés par des longueurs comprises entre 13 et 25 mm, dont la tendance générale est à l’allongement (fig. 94) ; les largeurs se situent généralement aux environs de 8 mm. Cette présence de pièces aux longueurs importantes se traduit, entre autres, par un exemplaire de 30 mm (fig. 95, no 22), ainsi que par l’absence d’individus au caractère « pygmée ». Les troncatures régulières, rectilignes, parfois légèrement convexes, sont façonnées par retouches directes et semi-abruptes (fig. 100, nos 1-22). L’angle formé par la rencontre des troncatures est, dans certains cas, accentué par une légère concavité d’une ou des deux troncatures au niveau du point de jonction (fig. 95, nos 16, 19, 21).

FIG. 94
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Longueurs et largeurs des triangles isocèles.

FIG. 95
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Triangles isocèles ; no 18 segment.
173Cette série se caractérise par une grande homogénéité stylistique ainsi que par un important indice d’allongement.
174• Les pointes à base transversale
175Cette catégorie d’armatures comprend 13 individus (4,6 % du total de l’outillage). Les tendances morphométriques sont à l’allongement avec une fourchette des longueurs comprise entre 15 et 30 mm ; les largeurs se situent entre 6 et 13 mm. Le bord façonné par retouches directes semi-abruptes est exclusivement latéralisé à gauche (fig. 95, nos 4-14). Ces pièces, morphologiquement très proches des pointes à retouche unilatérale, s’en différencient par la présence d’une base rectiligne (fig. 95, no 11) ou concave (fig. 95, nos 4, 5) obtenue par retouches directes, semi-abruptes.
176• Les segments
177Les 3 segments découverts dans le niveau C2 sont tous asymétriques. Il s’agit d’exemplaires courts, irréguliers, dont la corde n’est pas retouchée. Leur morphologie est proche du triangle isocèle ; elle est obtenue par la rencontre de deux troncatures dont la jonction forme un angle très peu marqué (fig. 95, no 18).
Les outils du fonds commun
178Ils occupent une faible part de l’outillage avec un effectif de 59 individus, soit 20,9 %. La majorité se répartit en trois types principaux que sont les grattoirs, les encoches et les lamelles retouchées.
179• Les grattoirs
180Avec un effectif de 13 individus, ils représentent 5 % de l’outillage. Ce sont des pièces dont les caractères morphométriques permettent de distinguer des exemplaires courts et des exemplaires longs. Il s’agit essentiellement de grattoirs sur éclat, dont le front légèrement semi-circulaire est obtenu par retouches directes, semi-abruptes. Deux exemplaires sont façonnés sur bout de lame, dont un présente une fine retouche bilatérale (fig. 96, no 2). Parmi les individus sur éclat, un possède une retouche d’un bord (fig. 96, no 9), tandis que deux portent une retouche bilatérale (fig. 96, nos 3, 4). Cette série ne possède pas de caractères spécifiques, mais se définit par une importante variété de types : courts, longs, sur éclat ou sur lame.

FIG. 96
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1 grattoir sur bout de lame ; 2 grattoir sur bout de lame retouchée ; 3, 4, 9 grattoirs sur éclat retouché ; 7 grattoir double ; 5, 6, 8, 10 grattoirs sur éclat.
181• Les lames et lamelles encochées et cassées au-dessus d’une encoche
182Cette catégorie se compose de 14 individus façonnés dans 12 cas sur lamelles et dans 2 cas sur lames. 6 lamelles présentent, au-dessus d’une encoche, une cassure transversale à l’axe de la pièce, obtenue probablement par flexion (fig. 93, nos 15, 17) ; ces exemplaires pourraient témoigner d’une technique particulière de fracturation ou correspondre à l’emploi avorté de la technique du microburin.
183Les lamelles encochées sont représentées par 6 individus (fig. 93, nos 16, 18, 19, 21, 22). L’encoche est obtenue par retouches directes entamant profondément le support. Les lames encochées, au nombre de 2, possèdent les mêmes caractères techniques que les lamelles.
184• Les lamelles retouchées
185Avec un total de 10 individus, elles correspondent à 3,6 % du total de l’outillage. Ces pièces sont dans leur majorité considérées comme des outils par la présence d’une retouche d’utilisation. Il s’agit d’outils a posteriori caractérisés par un bordage fin et discontinu.
186• Les lames retouchées
187Elles ne représentent que 2,3 % de l’effectif pour un total de 6 individus (fig. 97, nos 13-15). Il s’agit de pièces dont la retouche résulte d’une utilisation unilatérale ou bilatérale ; l’une d’entre elles possède une retouche d’utilisation inverse.

FIG. 97
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1-11 microburins, 12 lame tronquée ; 13-15 lames retouchées.
188• Les éclats retouchés
189Les éclats retouchés comprennent 9 pièces, soit 3,5 % du total de l’outillage. Les supports utilisés correspondent à des éclats d’assez gros module qui ont conservé une plage corticale. La partie active, obtenue par retouches directes, se situe indifféremment sur le bord gauche ou droit (fig. 98, no 7).

FIG. 98
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1-3 lames retouchées ; 4 lame brute ; 5 lame à crête ; 6 lame encochée ; 7 éclat retouché.
190• Les troncatures
191Les troncatures se rencontrent sur des supports laminaires (au nombre de 4). La partie retouchée, obtenue par retouches directes semi-abruptes, est systématiquement située à l’extrémité distale. Cette catégorie d’outils ne possède pas de caractères spécifiques (fig. 97, no 12).
192• Les burins
193Cinq pièces appartiennent à cette catégorie, dont une associe également un grattoir (fig. 99, no 2). Les supports utilisés sont laminaires, épais et tirés exclusivement du silex en plaquette du bassin tertiaire de Haute-Saône. Un exemplaire présente de multiples enlèvements plans (fig. 99, no 1), deux exemplaires sont sur troncature (fig. 99, nos 3, 4). On compte également un exemplaire mixte, d’angle et sur troncature (fig. 99, no 5).

FIG. 99
Choisey/Aux Champins. Niveau C2 : 1 burin multiple plan ; 2 grattoir-burin ; 3 burin multiple sur troncature ; 4 burin plan ; 5 burin mixte d’angle sur cassure et d’angle sur troncature.
Le niveau R4 de Ruffey-sur-Seille
194Ce niveau a livré une série de 450 outils, équivalant à un taux de produits façonnés de 4,7 % (tabl. XVII). La répartition entre les outils du fonds commun et les armatures est relativement équilibrée, avec 51,6 % pour les premiers et 47,8 % pour les secondes. Le silex est plus largement employé, avec 61 %, que la chaille, avec 39 %. L’outillage est dominé par les armatures, suivies par ordre d’importance des troncatures (13,7 %), des lamelles et éclats retouchés (10,6 % chacun), des grattoirs (8,8 %), des encoches (5,3 %) et des lames retouchées (2 %) (fig. 100).

TABL. XVII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Décompte de l’outillage lithique.

FIG. 100
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Composition de l’outillage.
Les armatures
195La série des armatures se compose de 234 individus totalisant 51,6 % de l’outillage. Le taux de fragmentation est faible puisque les pièces entières représentent 64,5 % (les fragments proximaux équivalent à 13 %, les fragments mésiaux à 3,5 % et les fragments distaux à 19 %).
196La présence significative de microburins montre que ce procédé de fracturation a été utilisé pour obtenir les segments de lamelles nécessaires à leur façonnage (fig. 101, nos 8-14). Au nombre de 38, ils présentent des variations morphométriques importantes avec des longueurs comprises entre 1 et 1,5 cm et des largeurs situées entre 0,6 et 1 cm. La part plus importante des exemplaires proximaux s’explique par la difficulté de modifier ces segments de lamelles, principalement par la présence du bulbe et du talon.

FIG. 101
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4 : 1-4 triangles scalènes ; 5-7 fragments de microlithes divers ; 8-14 microburins ; 15-21 troncatures ; 22, 23 lamelles retouchées.
197Cette grande catégorie d’outils est dominée par les triangles isocèles (13,3 %), suivis par les pointes à base transversale (11,5 %) et par les pointes à base naturelle (8 %) (fig. 102).

FIG. 102
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Composition des armatures.
198• Les triangles isocèles
199Le nombre de triangles isocèles s’élève à 60 exemplaires, totalisant 13,3 % de l’outillage. Il s’agit de microlithes dont les caractères morphométriques permettent de distinguer 2 catégories : des exemplaires élancés, dont la longueur moyenne se situe aux environs de 2 cm, et des exemplaires trapus (longueur moyenne : 1 cm).
200Les largeurs varient entre 4 et 12 mm et les épaisseurs entre 1,5 et 3,5 mm. Façonnés par retouches directes et abruptes, ils révèlent un taux de fragmentation extrêmement faible. Les troncatures, majoritairement rectilignes, sont rarement concaves (fig. 103, nos 23-32, fig. 104, nos 1-16). 6 exemplaires possèdent un troisième côté modifié par retouches directes, marginales et discontinues (fig. 104, nos 1, 3). L’utilisation de la technique du microburin dans leur processus de façonnage est attestée par la présence d’individus ayant conservé un piquant-trièdre (fig. 104, nos 6, 9).

FIG. 103
Ruffey-sur-5eille/À Daupharde. Niveau R4 : 1-22 pointes à base transversale ; 23-32 triangles isocèles.

FIG. 104
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4 : 1-16 triangles isocèles ; 17-19 segments ; 20-23 pointes à base naturelle ; 24-28 lamelles à bord abattu ; 29-35 triangles scalènes.
201• Les pointes à base transversale
202Elles correspondent à la seconde catégorie d’armatures, qui, avec 52 exemplaires, totalisent 11,5 % de l’outillage. Cette série possède une véritable homogénéité morphométrique, avec des longueurs qui se répartissent presque toutes aux environs de 15 mm (fig. 105).

FIG. 105
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Longueurs et largeurs des pointes à base naturelle, des pointes à base transversale et des triangles isocèles.
203Ce type d’armature répond vraisemblablement à un souci de standardisation confirmé par les épaisseurs qui se répartissent entre 2 et 3 mm ainsi que par les largeurs comprises entre 7 et 10 mm. La base de ces armatures, obtenue de manière quasi-systématique sur la partie proximale du support, est rectiligne dans 66 % des cas, concave dans 19 % et convexe dans 15 %. 40 % d’entre elles ont une base façonnée par retouches directes (fig. 103, nos 1-12), 27 % par retouches inverses (fig. 103, nos 13, 16, 18, 20) et 33 % par retouches bifaciales (fig. 103, nos 14, 15, 19).
204La morphologie de la base de ces armatures permet de les séparer en 3 catégories de pointes : à base rectiligne (65,9 %), à base concave (19,1 %) et à base convexe (14,9 %). L’analyse de la latéralisation révèle une répartition préférentielle du bord retouché à gauche (69,3 %). Ce dernier, façonné par retouches directes, abruptes ou semi-abruptes, sert à régulariser la pièce en la rendant plus symétrique : aussi, arrive-t-il que les deux bords puissent être retouchés (fig. 103, nos 11, 19, 20, 22). Le troisième côté n’est généralement pas modifié et seuls 7 exemplaires portent une fine retouche, marginale, directe, localisée soit vers la pointe (fig. 103, nos 3, 5, 6, 10), soit vers la base (fig. 103, nos 12, 17).
205• Les pointes à base naturelle
206Ce groupe se compose de 36 individus (8 % de l’outillage). Les dimensions montrent l’absence d’homogénéité morphométrique, traduite par l’importante dispersion de cette catégorie d’outils (fig. 105). Le seul véritable caractère commun est lié à la localisation de la partie active exclusivement sur la partie proximale du support. Cette constante s’explique par la recherche d’une pointe épaisse, tandis que la partie distale, plus fine, reste brute. La partie active est obtenue par une troncature ou par le façonnage d’un des bords, par retouches directes, abruptes ou croisées (fig. 104, nos 20-23).
207• Les triangles scalènes
208Au nombre de 16, ils représentent 2 % du total de l’outillage. Si certains exemplaires sont associés sans aucun doute à l’occupation ancienne, il n’est pas exclu qu’une partie appartienne à un niveau sus-jacent, daté du Mésolithique moyen sauveterrien (niveau R3). Cette série est constituée d’exemplaires courts (fig. 101, nos 2, 4) et d’exemplaires allongés (fig. 104, nos 30, 31) ; ces derniers sont tous à petit côté court, parfois concave. Les troncatures sont obtenues, dans la plupart des cas, au moyen de retouches directes, abruptes ou semi-abruptes. 6 exemplaires possèdent un troisième côté, retouché marginalement (fig. 104, no 33, fig. 101, nos 1, 4). Un exemplaire retouché sur le troisième côté est, malgré sa longueur de 20 mm, typologiquement assimilable au triangle de Montclus (fig. 104, no 32) (GEEM 1969).
209• Les segments
210Les 9 exemplaires, totalisant 2 % de l’outillage, appartiennent à des exemplaires effilés dont la longueur se situe entre 15 et 25 mm. Le bord retouché est obtenu par retouches directes, généralement abruptes (fig. 104, nos 17-19). Un exemplaire possède une corde retouchée (fig. 104, n“17).
211• Les lamelles à bord abattu
212Les 14 exemplaires correspondent généralement à des lamelles étroites, dont le dos est façonné par retouches directes abruptes (fig. 104, nos 24-29). 2 exemplaires fracturés pourraient en fait appartenir à des lamelles scalènes (fig. 104, no 25, voire no 29). Le bord opposé est parfois retouché par retouches rasantes irrégulières, ce qui correspond davantage à une retouche dite d’utilisation qu’à une véritable retouche intentionnelle.
213• Microlithes divers
214Une pièce se démarque du reste de la série par ses caractères morphométriques et typologiques. Il s’agit d’une pointe à dos, de type monopointe, dont l’allure est proche des pointes aziliennes (fig. 106, no 9). Si l’on peut aisément envisager la présence occasionnelle d’un tel élément en contexte mésolithique, la reconnaissance de cet exemplaire en marge des secteurs d’occupation mésolithique ne permet pas de rejeter l’hypothèse d’une fréquentation très ponctuelle du gisement durant l’Epipaléolithique.

FIG. 106
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4 : 1 lamelle retouchée ; 2‑4, 6, 10 grattoirs simples ; 5, 7, 8 grattoirs doubles ; 9 monopointe à dos.
215• Débris microlithiques
216Les débris sont au nombre de 4. La faiblesse inhabituelle de cet effectif est à mettre en relation avec l’absence de tamisage.
Les outils du fonds commun
217Les outils du fonds commun occupent une place importante avec 216 individus, qui correspondent à 47,8 % de l’outillage. Ils se répartissent en quatre grandes catégories que constituent les troncatures, les grattoirs, les éclats retouchés et les lamelles retouchées, dont la somme équivaut à 33 % des outils.
218• Les troncatures
219Avec un effectif de 62 individus, elles représentent 13,7 % de l’outillage. Le support normal est constitué par la lamelle représentée dans 63 % des cas. Les critères dimensionnels soulignent l’hétérogénéité de cette catégorie d’outils, avec cependant une majorité d’éléments dont la longueur se situe entre 2 et 4 cm pour une largeur comprise entre 1 et 2 cm (fig. 107).

FIG. 107
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Longueurs et largeurs des troncatures.
220La localisation de la partie active est en relation avec la partie la plus fine du support puisque la troncature est distale pour 74 %, proximale pour 23 % et que 3 % des pièces sont bitronquées (fig. 101, no 18). La troncature, obtenue par retouches directes et abruptes, présente un délinéament exclusivement rectiligne (fig. 101, nos 15-21). On observe, sur les bords de certains exemplaires, une fine retouche marginale, discontinue, d’utilisation (fig. 101, nos 19-21).
221• Les lamelles retouchées
222Avec un effectif de 48 pièces, elles représentent 10,6 % de l’outillage. Conformément aux résultats de l’analyse morphométrique, cette catégorie d’outils montre l’utilisation de lamelles d’un module moyen, dont la longueur est comprise entre 2 et 4 cm (fig. 101, nos22, 23, fig. 106, no 1). La retouche, continue, se répartit indifféremment sur le bord gauche (14 exemplaires), sur le bord droit (11 exemplaires) ou sur les deux bords (9 exemplaires). La partie active est obtenue par retouches directes dans 26 cas et par retouches inverses dans 10 cas.
223• Les éclats retouchés
224Les éclats retouchés sont représentés dans les mêmes proportions que les lamelles (10,6 % pour 48 individus). La morphologie et l’intensité de la retouche distinguent des éclats à véritable retouche (36 individus) intentionnelle et des éclats utilisés (12). Cette catégorie d’outils comporte une importante variété morphométrique puisque leurs longueurs se situent entre 1 et 5 cm.
225La localisation du ou des bords retouchés est variable et affecte dans 13 cas l’extrémité distale, dans 16 cas le bord gauche, dans 26 cas le bord droit ; seules 2 pièces portent une retouche bilatérale. La retouche, généralement directe et continue, est inverse dans 6 cas.
226• Les grattoirs
227Avec un effectif de 40 individus, cette catégorie représente 8,8 % du total de l’outillage. Avec une majorité des longueurs comprises entre 1,5 et 2,5 cm, il s’agit de pièces de petite taille (fig. 108). Cette homogénéité morphométrique apparaît également au niveau des largeurs (entre 1,5 cm et 2,5 cm). Nous avons donc affaire à des grattoirs courts, aussi longs que larges. Les quelques exemplaires situés à l’écart de ces seuils morphométriques appartiennent à des individus façonnés sur fragment de lame courte (fig. 106, no 3), alors que la plupart sont façonnés à partir d’éclats (fig. 106, nos 2, 4-7, 10).

FIG. 108
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Longueurs et largeurs des grattoirs.
228Le front, obtenu par retouches directes, semi-abruptes, voire abruptes, présente un délinéament faiblement convexe et, dans certains cas, suffisamment rectiligne pour pouvoir être confondu avec des éléments tronqués. L’obtention des fronts de grattoirs relativement minces est réalisée par un façonnage préférentiel à l’extrémité distale du support. Si, dans leur grande majorité, ce sont des grattoirs simples sur éclats, certains exemplaires peuvent être doubles (fig. 106, nos 5, 7, 8).
229• Les lamelles encochées et cassées au-dessus d’une encoche
230Les 24 individus, totalisant 5,3 % du total de l’outillage, forment un ensemble hétérogène, marqué par des morphologies et des dimensions variées. 19 individus fracturés appartiennent en fait à la catégorie des lamelles cassées dans ou au-dessus d’une encoche tandis que 5 exemplaires sont complets. L’importante fracturation est à mettre en relation avec des tentatives infructueuses de fragmentation des lamelles par la technique du microburin. Les coches, simples dans 18 cas et doubles dans 2 cas, obtenues par retouches directes, se répartissent indifféremment sur le bord gauche (14 cas) ou sur le bord droit (12 cas).
231• Les burins
232Il s’agit d’un burin d’angle sur cassure et d’un burin sur troncature qui peut en fait correspondre à une tentative de débitage lamellaire sur support épais.
Le Mésolithique ancien-moyen de Ruffey-sur-Seille
Le niveau R3
233Les 196 individus du niveau R3 représentent 5,4 % du total de l’industrie. Les armatures dominent très nettement les outils du fonds commun, avec un taux de 66,6 % ; 69 % d’entre elles sont réalisées à partir de silex et 3 % à partir de chaille. Les armatures sont suivies par les lamelles retouchées (10,7 %), puis par les troncatures (9,7 %), par les éclats retouchés (5,6 %), par les encoches (5,1 %) et par les grattoirs (2 %) (fig. 109).

FIG. 109
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Composition de l’outillage.
Les armatures
234Les armatures, au nombre de 131, sont présentes avec un taux de fragmentation relativement faible, puisque 60 % d’entre elles sont entières, 12,3 % sont des fragments proximaux, 5 % des fragments mésiaux et 22,7 % des fragments distaux. La présence de 18 microburins montre la mise en œuvre très ponctuelle de cette modalité technique de fracturation (fig. 110, nos 14, 17). Les armatures comprennent des triangles scalènes (33,6 %), suivis par des triangles isocèles (10,7 %). Les autres catégories sont représentées dans des proportions sensiblement égales avec des taux inférieurs à 5 % (fig. 111).

FIG. 110
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3 : 1-5 lamelles tronquées ; 6 lamelle à bord abattu ; 7 trapèze ; 8, 12 éclats tronqués ; 9, 10 éclats retouchés ; 11 lame retouchée ; 13 couteau à encoche basilaire ou couteau de Rouffignac ; 14, 17 microburins ; 15, 16, 18 lamelles cassées au-dessus d’une encoche.

FIG. 111
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Composition des armatures.
235• Les triangles scalènes
236Les triangles scalènes forment la principale composante des armatures avec un effectif de 66 pièces, soit 33,6 % de l’outillage total. Par les caractères morphométriques, on peut distinguer deux grandes catégories (fig. 112) :
des exemplaires allongés, dont la longueur égale ou dépasse le quadruple de la largeur (GEEM 1969). Dans cette catégorie, le plus petit mesure 17 mm et le plus grand 30 mm. Leurs largeurs varient entre 4 et 6 mm ;
des triangles scalènes « ordinaires » (Barbaza et al. 1991). Leurs longueurs se situent entre 10 et 20 mm pour des largeurs comprises entre 4 et 7 mm.

FIG. 112
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. longueurs et largeurs des triangles scalènes.
237Les épaisseurs sont constantes et se répartissent entre 1,5 et 2,5 mm. Il s’agit donc dans l’ensemble de pièces d’assez grand module ; aucune forme « pygmée » n’a été recueillie (fig. 113). Les troncatures sont réalisées par retouches directes, abruptes ; alors que la grande troncature possède un délinéament exclusivement rectiligne, la petite troncature est rectiligne dans 69,5 % des cas, concave dans 25,4 % et convexe dans 5,1 %. La latéralisation est principalement dextre, avec 53 individus. Le nombre élevé de pièces dont le troisième côté est retouché (23) permet de considérer cette caractéristique comme un élément typologique marquant : il s’agit d’une véritable retouche intentionnelle, directe, localisée dans la majorité des cas à l’extrémité distale de la pièce (fig. 113, nos 28, 31), probablement pour accentuer la pointe de ces triangles. Certains exemplaires possèdent une retouche continue du troisième côté qui, associée à des caractères morphométriques de petites tailles, les assimilent au triangle de Montclus. Le sous-type principal est celui du triangle scalène à petit côté court, avec 23 exemplaires).

FIG. 113
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Triangles scalènes.
238• Les triangles isocèles
239Le nombre de triangles isocèles s’élève à 21 exemplaires, soit 10,7 % de l’outillage. Leur trait commun principal est lié à leurs dimensions relativement importantes, avec des longueurs comprises entre 10 mm et 22 mm, et majoritairement au-delà de 15 mm (fig. 114).

FIG. 114
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Longueurs et largeurs des triangles isocèles.
240Il s’agit exclusivement d’isocèles ordinaires, malgré la présence de 2 exemplaires qui correspondent à la définition de l’isocèle allongé (GEEM 1969) (fig. 115, nos 10, 11). 4 individus « pygmées » ont une longueur d’environ 10 mm (fig. 115, nos 15, 16, 19). L’homogénéité traduite par les longueurs s’exprime également au travers des largeurs comprises entre 4 et 6 mm. Cette catégorie s’accompagne, sans que l’on puisse l’expliquer, d’un changement de comportement face à la matière première, puisque le silex, habituellement préféré, est délaissé au profit de la chaille (16 exemplaires contre 5 en silex). Les troncatures, rectilignes dans leur grande majorité, sont obtenues par retouches directes abruptes. La retouche du troisième côté n’est présente que sur une pièce, au niveau de son extrémité distale.

FIG. 115
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3 : 1-21 triangles isocèles ; 22‑26 segments ; 27-29 pointes à base transversale ; 30 pointe à retouche bilatérale ; 31-36 pointes de Sauveterre ; 37-39 pointes à base naturelle.
241• Les segments
242Avec un effectif de 8 individus, ils totalisent 4,1 % de l’outillage. Il s’agit d’exemplaires assez courts, dont les longueurs se situent entre 10 et 15 mm. La retouche directe abrupte crée un arc au délinéament régulier (fig. 115, nos 22-26). Aucun de ces exemplaires ne possède de corde retouchée.
243• Les pointes de Sauveterre
244Le nombre de pointes de Sauveterre s’élève à 7 individus, soit 2,9 % de l’outillage. Seuls 3 individus sont entiers. Ce sont des pointes fusiformes retouchées sur les deux côtés (fig. 115, nos 31-36). Leurs longueurs suivent une distribution comparable à celles des isocèles et des segments, en se situant entre 15 et 18 mm. Elles sont façonnées par retouches directes semi-abruptes, voire abruptes selon l’épaisseur de la pièce. Un exemplaire possède une retouche inverse à l’une des extrémités, ce qui peut correspondre à un amincissement de la pièce (fig. 115, no 32).
245• Les pointes à base naturelle
246Au nombre de 5, elles représentent 2,5 % de l’outillage. Il s’agit de pièces aux dimensions modestes et élancées. Seuls 2 exemplaires sont entiers (fig. 115, nos 37-39). La troncature, située indifféremment à l’extrémité distale ou proximale du support, obtenue par retouches directes semi-abruptes, présente une forte obliquité.
247• Les pointes à base transversale
2484 pointes, soit 2,1 % de l’outillage, ont été trouvées dans ce niveau. Il s’agit d’exemplaires légèrement effilés, dont la base droite est obtenue par retouches directes (fig. 115, nos 27- 29). Le bord, retouché principalement à gauche, possède une légère convexité qui donne à ces pièces une certaine symétrie. Seul un exemplaire possède un bord opposé partiellement retouché (fig. 115, no 29).
Les outils du fonds commun
249Ils occupent une place peu importante avec 65 individus (33,2 % de l’outillage). Les principaux types sont les lamelles retouchées (10,7 %) et les troncatures (9,7 %), suivies par les éclats retouchés (5,6 %), par les lames, lamelles et éclats encochés (5,1 %) puis par les grattoirs (seulement 2,1 %).
250• Les lamelles retouchées
251Avec un effectif de 21, elles totalisent 10,7 % de l’outillage. La localisation du bord retouché est indifférenciée. La retouche, directe ou rarement inverse, est distale dans 2 cas, localisée sur le bord gauche dans 5 cas, sur le bord droit dans 5 cas et bilatérale dans 6 cas.
252• Les troncatures
253Cette catégorie comprend 19 individus (9,7 % de l’outillage). Elles sont sur des supports variés, puisque 3 sont sur éclats (fig. 110, nos 8, 12), 12 sur lamelles (fig. 110, nos 1-5) et 4 sur lames. La retouche, exclusivement directe, est indifféremment localisée à l’extrémité distale ou proximale. Il s’agit de troncatures obliques, principalement senestres.
254• Les éclats retouchés
255Les 11 éclats retouchés sont caractérisés par une retouche d’utilisation (fig. 110, nos 9, 10). Le bord utilisé, défini par la présence d’une fine retouche irrégulière, est distal dans 1 cas, proximal dans 1 cas, situé sur le bord gauche dans 2 cas, sur le bord droit dans 4 cas et bilatéral dans 2 cas. Le sens de retouche est direct pour 4 individus, alterne pour 2 et inverse pour 5.
256• Les lames, lamelles et éclats cassés au-dessus d’une encoche
257Parmi les 10 exemplaires, 4 sont sur lame, 5 sur lamelle et 1 sur éclat. Façonnée par retouches directes, l’encoche est unique dans 6 cas, double dans 2 cas et triple dans 1 cas. La fracturation systématique de ces pièces au-dessus de l’encoche (fig. 110, nos 15, 16, 18) pose une fois de plus la question de leur nature, à savoir s’il s’agit véritablement d’outils ou alors de déchets résultant d’une fracturation intentionnelle des supports.
258• Les grattoirs
259Avec seulement 4 individus, ils occupent une place très faible dans la composition de l’outillage. Il s’agit d’exemplaires courts, façonnés sur éclat. Une pièce a pour particularité d’avoir été réalisée à partir d’un nucléus en phase d’exhaustion.
260• Le couteau à encoche basilaire ou couteau de Rouffignac
261Il s’agit d’un support laminaire dont le dos légèrement convexe à l’extrémité distale, façonné par retouches directes abruptes, est opposé à un bord non retouché, portant en partie basale une encoche (fig. 110, no 13). Cette définition correspond parfaitement avec celle faite par J.‑G. Rozoy (1968) qui considère ce type comme une variante du couteau à dos et qui présente des retouches ou encoches basales, uni ou bilatérales.
Le Mésolithique moyen (niveaux C1 et R2)
Le niveau C1 de Choisey
262Ce niveau a livré une série d’outils quantitativement très faible mais avec des caractères typologiques tout à fait représentatifs. Avec un effectif de 23 individus, la part de l’outillage retouché est de 4,7 %. Les armatures, avec 60,8 % du total de l’outillage, sont plus nombreuses que les outils du fonds commun. Cet ensemble comprend des pointes à base transversale (30,4 %), des segments (17,4 %), des grattoirs (17,4 %, ) des troncatures (8,7 %) et des pointes à base naturelle (8,7 %). La présence de 6 microburins, malgré l’absence de piquant trièdre sur les armatures, suppose l’utilisation de cette modalité de fracturation (fig. 116, nos 15-18).
Les armatures
263• Les pointes à base transversale
264Avec un effectif de 7 individus, elles totalisent 30,4 % de l’outillage. Il s’agit d’exemplaires dont la longueur se situe entre 12 et 15 mm pour une largeur comprise entre 5 et 7 mm. 5 pièces présentent une retouche bilatérale plus ou moins continue, qui crée des bords au délinéament faiblement convexe. L’utilisation de supports lamellaires épais confère à ces éléments un aspect trapu, accentué par leur faible allongement. La base, rectiligne, est façonnée par retouches directes dans 6 cas et par retouches inverses dans 1 cas (fig. 116, nos 1-6).

FIG. 116
Choisey/Aux Champins. Niveau C1 : 1-6 pointes à base transversale ; 7 triangle scalène ; 8-10 segments ; 11, 12 pointes à troncature oblique ; 13 éclat retouché ; 14 lamelle retouchée ; 15-18 microburins ; 19 lamelle cassée au-dessus d’une encoche ; 20‑23 grattoirs ; 24, 25 lames tronquées.
265• Les segments
266Les 4 segments, dont les dimensions varient entre 14 et 33 mm de long, constituent une catégorie aux caractères morphométriques hétérogènes. Plutôt courts et épais, ils sont le témoignage d’un façonnage plus ou moins poussé. Si, pour certains, le dos est constitué par une ligne continue de retouches, pour d’autres elle peut être discontinue et se limiter à une extrémité de l’arc (fig. 116, no 8). Le dos, généralement épais, est obtenu par retouches directes abruptes. L’exemplaire le plus long se distingue par un dos plus fin, façonné par un simple bordage (fig. 116, no 10).
267•Autres catégories
268La série des armatures est complétée par 1 triangle scalène, large et allongé, retouché sur les trois côtés (fig. 116, no 7), ainsi que par 2 pointes à base naturelle. La première, entière, est confectionnée à partir d’une lamelle, dont la troncature oblique se situe à l’extrémité proximale (fig. 116, no 12). La seconde, fracturée, correspond à une troncature oblique, convexe, opposée à un bord finement retouché (fig. 116, no 11).
Les outils du fonds commun
269• Les grattoirs
270Les 4 grattoirs sont tous des grattoirs simples sur éclat, dont les dimensions varient entre 13 et 32 mm. À l’exception d’un exemplaire façonné sur éclat cortical, ils sont réalisés à partir de tablettes d’avivage de plan de frappe. Le front plus ou moins convexe est obtenu par retouches semi-abruptes (fig. 116, nos 20-23).
271• Les troncatures
272Les 2 troncatures se situent à l’extrémité distale de supports laminaires. Elles sont façonnées par retouches directes ou inverses. La convergence d’une des troncatures avec un bord partiellement retouché crée une légère pointe qui rapproche cet exemplaire du perçoit (fig. 116, no 25).
273• Lamelle retouchée, encoche et éclat retouché
274L’unique lamelle retouchée porte une retouche bilatérale, directe et semi-abrupte (fig. 116, no 14). L’encoche, façonnée sur support lamellaire, est cassée orthogonalement au-dessus de la partie retouchée (fig. 116, no 19). L’éclat retouché possède une extrémité distale façonnée par retouches irrégulières directes (fig. 116, no 13).
Le niveau R2 de Ruffey-sur-Seille
275Ce niveau a livré 271 pièces (7 % de l’industrie). L’outillage microlithique domine avec 57 % ; il est constitué principalement par les triangles scalènes (30,6 %) et présente la particularité de posséder un taux de fragments indéterminés relativement important (9,6 %). L’outillage du fonds commun est dominé par les lamelles retouchées (15,1 %), suivies par les éclats retouchés (10 %), par les troncatures (7 %) et par les encoches (5,2 %) (fig. 117).

FIG. 117
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Composition de l’outillage.
Les armatures
276Les 155 armatures sont faiblement fragmentées, puisque 42,5 % sont entières, 21,2 % sont représentées par des fragments proximaux, 9,7 % par des fragments mésiaux et 26,6 % par des fragments distaux. La faible présence de microburins, au nombre de 9, ne permet pas d’envisager pour le façonnage des armatures l’utilisation de ce procédé de segmentation : soit les lamelles ont été fracturées par flexion, soit les supports ont été directement retouchés. Le corpus des microlithes est dominé par les triangles scalènes (30,6 %). Les lamelles à bord abattu viennent ensuite (5,2 %), puis les pointes à base transversale, les pointes à base naturelle et les lamelles scalènes, avec un pourcentage de 2,9 % chacune (fig. 118).

FIG. 118
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Composition des armatures.
277• Les triangles scalènes
278Cette catégorie d’outils apparaît dans des proportions très importantes, puisqu’avec un effectif de 83 individus, elle concentre plus de la moitié du total des armatures. Les données morphométriques traduisent une importante variété, constituée d’exemplaires courts et longs (fig. 119). En effet, si la majorité possède une longueur située entre 10 et 20 mm, pour certaines elle est comprise entre 25 et 30 mm. Ces données permettent d’associer 15 % des triangles au type du triangle scalène allongé ; il s’agit d’individus dont la longueur égale ou dépasse le quadruple de la largeur (GEEM 1969). Les autres critères dimensionnels ne dégagent pas de caractères spécifiques, puisque les largeurs se situent entre 4 et 7 mm et les épaisseurs entre 1 et 3 mm. Il est toutefois possible d’isoler des sous-types dont le plus significatif est le triangle scalène à petit côté court, défini par la présence d’une petite troncature ne dépassant pas le tiers de la grande troncature (GEEM 1969). Cette catégorie regroupe 16 individus, soit 19,2 % de l’ensemble (fig. 120).

FIG. 119
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Longueurs et largeurs des triangles scalènes.

FIG. 120
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Triangles scalènes.
279Les grandes troncatures, façonnées par retouches directes, peuvent présenter une certaine irrégularité malgré un profil exclusivement rectiligne. Cet aspect irrégulier crée une sorte de denticulation plus ou moins marquée (fig. 120, no 22).
280La petite troncature possède un délinéament principalement rectiligne dans 79,2 % des cas, concave dans 18,9 % des cas et convexe dans 2 % des cas.
281L’examen de la latéralisation révèle une des particularités essentielles de cette série, puisque 93 % des triangles sont latéralisés à droite. 25 % d’entre eux sont également retouchés sur le troisième côté, soit entièrement, soit simplement au niveau de l’extrémité distale (fig. 120, nos 1, 5-8).
282• Les lamelles à bord abattu
283Avec un effectif de 14 individus, elles occupent une place relativement importante équivalant à un taux de 5,1 %. Retouché unilatéralement, le bord abattu est façonné par retouches directes, semi-abruptes. Il s’agit d’exemplaires de module important dont les longueurs se situent entre 13 et 25 mm, pour des largeurs comprises entre 5 et 7 mm (fig. 121, nos 23-25).

FIG. 121
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2 : 1-10 fragments de microlithes divers ; 11, 12 segments ; 13-15, 17 pointes à base naturelle ; 16 microlithe indéterminé ; 18-22 pointes à base transversale ; 23-25 lamelles à bord abattu ; 26 lamelle cassée au-dessus d’une encoche ; 27 lamelle encochée ; 28 lamelle tronquée ; 29, 32 perçoirs ; 30 burin d’angle sur cassure ; 31 grattoir double.
284• Les pointes à base transversale
285Les 8 pointes à base transversale totalisent 2,9 % de l’outillage. Il s’agit d’exemplaires à retouche uni ou bilatérale plus ou moins élancée. Leurs longueurs se situent en moyenne entre 15 et 20 mm. La base, obtenue par retouches directes dans 5 cas et inverses dans 3 cas, est principalement concave (5 exemplaires). L’analyse de la latéralisation du bord retouché montre qu’elle est senestre pour 2 individus et dextre pour 5 (fig. 121, nos 18-22).
286• Les pointes à base naturelle
287Les 8 individus, réalisés à partir de supports lamellaires, sont obtenus par une troncature oblique, rectiligne, aménagée par retouches directes. Ces exemplaires ne possèdent pas de caractères spécifiques et s’insèrent parfaitement dans la série habituelle des pointes à base naturelle. La troncature, aménagée de préférence sur le bord gauche, est dans 2 cas opposée à un bord retouché (fig. 121, nos 13-15, 17).
288• Les lamelles scalènes
289Ces lamelles présentent des retouches plus ou moins abruptes d’un bord et d’une troncature oblique formant avec le bord retouché un angle obtus (Rozoy 1978). Les 8 lamelles scalènes possèdent une petite troncature rectiligne, obtenue par retouches directes. Par la présence de bord opposé retouché (4 exemplaires) et par la latéralisation principalement dextre, ces pièces se rapprochent des triangles scalènes.
290• Les segments
291Les deux segments correspondent à des exemplaires courts, dont un est retouché sur la corde (fig. 121, no 11).
292• Les pointes de Sauveterre
293Leur présence est discrète avec 2 individus, entiers, fusiformes, façonnés par retouches semi-abruptes.
Les outils du fonds commun
294• Les lamelles retouchées
295Au nombre de 41, elles représentent 15,1 % du total de l’outillage. Le façonnage de la partie active est obtenu par retouches directes dans 77 % des cas et par retouches inverses dans 23 % des cas. Il s’agit d’une retouche continue, à l’extrémité distale du support pour 3 individus, sur le bord gauche pour 15, sur le bord droit pour 15 et sur les deux bords pour 8. La retouche est généralement intentionnelle et seuls 13 exemplaires répondent à la définition de l’outil a posteriori.
296• Les éclats retouchés
297Ils comprennent 27 individus pour un taux de 9,8 %. Les caractères morphologiques de la retouche sont identiques à ceux des lamelles retouchées ; elle est continue et principalement directe. 3 sont retouchés distalement, 8 sur le bord gauche, 11 sur le bord droit, 2 à l’extrémité proximale et 3 sur les 2 bords. Il s’agit également de pièces intentionnellement retouchées puisque 5 individus portent une retouche d’utilisation.
298• Les troncatures
299Les 19 troncatures sont façonnées sur des supports lamellaires. La partie active obtenue par retouches directes sc répartit indifféremment à l’extrémité distale ou proximale du support (fig. 121, no 28).
300• Les lamelles encochées
301Les 14 lamelles encochées représentent 5,1 % du total de l’outillage. Les encoches directes sont localisées dans 9 cas sur le bord droit et dans 5 cas sur le bord gauche (fig. 121, no 27).
302• Les grattoirs
303Au nombre de 8, ils correspondent tous à des exemplaires de petite taille dont le front semi-circulaire est obtenu par retouches directes semi-abruptes. Seul un exemplaire appartient à la catégorie des grattoirs doubles (fig. 121, no 31).
304• Divers
305La série est complétée par 3 perçoirs, de facture médiocre, dont la partie active plus ou moins robuste a été dégagée par 2 encoches (fig. 121, no 29) ou obtenue par une troncature (fig 121, no 32). Les burins sont représentés par 2 individus du type burin d’angle, façonnés à partir de supports épais fracturés (fig. 121, no 30).
Le Mésolithique récent
Le niveau R1 de Ruffey-sur-Seille
306Ce niveau a livré un outillage constitué de 191 pièces, soit 9,3 % de l’industrie. 16 % de l’outillage appartient aux armatures et 84 % aux outils du fonds commun. L’assemblage typologique montre une nette domination des encoches (30,3 %), suivies par les lamelles retouchées (24,1 %), par les trapèzes (16,5 %), par les denticulés (9,4 %), par les éclats retouchés (8,9 %), par les troncatures (5,2 %) et par les grattoirs (3,1 %) (fig. 122).

FIG. 122
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Composition de l’outillage dans chaque secteur.
Les armatures
307Les trapèzes constituent l’unique catégorie d’armatures du niveau R1. Avec un effectif de 33, ils totalisent 16,5 % de l’outillage. Cette série a pour première particularité de présenter un taux de fragmentation très faible puisque 25 exemplaires sont entiers.
308Leur façonnage est précédé par une fracturation des lamelles par la technique du microburin (40 exemplaires) (fig. 123, nos 10-17). L’utilisation de cette technique est confirmée par la présence de piquants trièdres sur certains outils. Façonnés à partir de supports lamellaires réguliers à 1 ou 2 nervures, 11 exemplaires sont en silex et 22 en chaille.

FIG. 123
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1 : 1-4 trapèzes ; 5, 6 bases de trapèzes ; 7-9 lamelles tronquées ; 10-17 microburins ; 18, 20 grattoirs simples ; 19 grattoir double.
309Les longueurs, entre 13 et 25 mm, les largeurs, entre 8 et 13 mm, témoignent d’une faible variabilité morphométrique (fig. 124). À partir de ces observations, il est possible de dégager un seuil des longueurs, voisin de 18 mm, qui aboutit à la division de cette série en 2 ensembles.

FIG. 124
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Longueurs et largeurs des trapèzes.
310Morphologiquement, le type dominant est le trapèze rectangle, avec 22 exemplaires, parmi lesquels 8 sont asymétriques, 1 est symétrique et 1 à base décalée (fig. 125, no 3). Des sous-types peuvent être définis, dont le trapèze de Vielle, trapèze rectangle dont l’angle de la grande pointe est inférieur à 45° (GEEM 1969) (fig. 125, nos 4-8).

FIG. 125
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Trapèzes.
311La représentation rayonnante de l’angle des troncatures montre une angulation inférieure à 45° (fig. 126). Ces données caractérisent des pièces dont la forte obliquité de la grande troncature traduit vraisemblablement leur utilisation en tant que pointe.

FIG. 126
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Représentation rayonnante des angles des grandes troncatures des trapèzes.
312La base ou petite troncature, selon les cas, présente un délinéament variable, droit dans 7 cas, concave dans 14 cas, convexe dans 2 cas et constitué par une cassure dans 10 cas (fig. 123, nos 1-4). En raison des caractères morphométriques et morphologiques de ces exemplaires à base non retouchée, tout à fait identiques à l’ensemble des trapèzes, il semble évident de les considérer comme tels. Il est certain que les Mésolithiques n’ont pas fait la différence, car à quoi bon retoucher le bord d’une pièce si celui-ci répond naturellement aux exigences du tailleur. En conséquence, la retouche de la base, quand elle existe, est directe dans 16 cas, inverse dans 6 cas et bifaciale dans 1 cas. La grande troncature, façonnée par retouches exclusivement directes, est rectiligne dans 19 cas, convexe dans 1 cas et concave dans 10 cas. La concavité de la troncature est généralement accentuée au niveau du point de contact avec la petite base, ce qui crée une espèce de petit ergot orienté vers la pointe du trapèze, sorte de minuscule barbelure dont l’action tranchante viendrait s’ajouter à la fonction perçante de l’extrémité (fig. 125, nos 4-6, 10, 24). La totalité des trapèzes possède une latéralité senestre.
Les outils du fonds commun
313• Les lames et lamelles encochées
314Avec un effectif de 57 individus, soit 30,3 % de l’outillage, les lames et lamelles encochées constituent la catégorie la plus importante. Façonnées exclusivement sur supports réguliers de type Montbani, les encoches principalement directes se situent différemment sur la pièce support ; à l’extrémité distale dans 1 cas, sur le bord gauche dans 19 cas, sur le bord droit dans 25 cas et bilatéralement dans 12 cas. Typologiquement, sont présentes des lamelles à coches multiples unilatérales (fig. 127, nos 4, 9, 14), des lamelles à coches jumelles (fig. 127, no 6), des lamelles à coches décalées (fig. 127, nos 11, 17) et des lamelles à coche unique (fig. 127, nos 15, 19 ; fig. 128, nos 1, 2, 5). Les exemplaires à coche unique sont au nombre de 35, à double coches au nombre de 16, à triple coches au nombre de 3 et à quadruple coches au nombre de 1.

FIG. 127
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1 : 1, 2 racloirs ; 3 éclat retouché ; 4-19 lamelles encochées.
315• Les lames et lamelles retouchées
316Les 46 individus retouchés représentent 24,1 % du total de l’outillage (fig. 128, nos 3, 4, 8, 10, 11). Les supports lamellaires appartiennent dans leur grande majorité à des supports réguliers de type Montbani.

FIG. 128
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1 : 1, 2, 5-7, 9 lamelles encochées ; 3, 4, 8, 10, 11 lamelles retouchées ; 12, 13 lamelles denticulées ; 14, 15 perçoirs.
317La partie active, façonnée par retouches semi-abruptes, se situe à l’extrémité distale dans 5 cas, sur le bord gauche dans 13 cas, sur le bord droit dans 14 cas et sur les deux bords dans 15 cas. La ligne de retouches, discontinue, est directe pour 34 pièces, inverse pour 10, alterne pour 5 et bifaciale pour 1 pièce. 26 appartiennent à la catégorie des lamelles, dont la retouche résulte uniquement de leur utilisation.
318• Les éclats retouchés
319Ils totalisent 8,9 % de l’outillage pour un effectif de 17 pièces. Ce type d’outil est obtenu à partir de supports en chaille, matière qui a fourni les éclats les plus gros (fig. 127, no 3). La partie active est façonnée par une retouche intentionnelle dans seulement 8 cas. Quelle que soit la nature de la retouche, elle définit une zone active située distalement dans 6 cas, sur le bord gauche dans 5 cas, sur le bord droit dans 3 cas et sur les deux bords dans 3 cas.
320• Les lames et lamelles denticulées
321Les 17 lamelles denticulées présentent une partie active constituée par une série d’encoches successives, adjacentes, obtenues par retouches directes. Les supports réguliers, de type Montbani, sont retouchés sur le bord gauche dans 7 cas, sur le bord droit dans 5 cas et sur les 2 bords dans 5 cas également. 2 exemplaires possèdent un bord façonné, opposé à un bord qui porte des stigmates d’utilisation (fig. 128, nos 12, 13).
322• Les troncatures
323Les 10 exemplaires sont essentiellement façonnés sur lamelles. Les troncatures obtenues par retouches directes, situées à l’extrémité distale des supports dans 9 cas, présentent une obliquité importante identique à celle des trapèzes. Elles se différencient des trapèzes à base non retouchée évoqués précédemment par un indice d’allongement beaucoup plus élevé (fig. 123, no 9).
324• Les grattoirs
325Les 6 grattoirs (3,1 % de l’outillage) sont façonnés à partir d’éclats et de lamelles. Il s’agit principalement d’exemplaires simples (1 exemplaire est double : fig. 123, no 19) dont le front semi-circulaire est obtenu par une retouche directe rasante (fig. 123, no 18) ou semi-abrupte (fig. 123, no 19). Un individu a pour particularité de posséder un front façonné par une retouche inverse (fig. 123, no 20). Il s’agit essentiellement de grattoirs à front mince.
326• Perçoirs, racloirs
327La série du fonds commun est complétée par 2 perçoirs, dont 1 sur éclat est façonné par une troncature finement retouchée (fig. 128, n“15), tandis que l’autre, sur lamelle, possède une partie active plus massive, obtenue par retouches alternes (fig. 128, no 14).
328Un racloir sur éclat de silex a le bord droit modifié par une retouche directe semi-abrupte (fig. 127, no 1). Le second, sur éclat de chaille, est un racloir simple convexe dont la partie proximale a été amincie par une retouche inverse (fig. 127, no 2).
4.1.4 Comparaisons chrono-industrielles
F.S.
4.1.4.1 Le Mésolithique ancien
329Dans l’est de la France, la rareté des gisements à occupations du Préboréal oblige à étendre le domaine comparatif aux régions limitrophes, voire aux pays voisins comme la Suisse et l’Allemagne. L’indigence des données sur le peuplement au Préboréal a conduit certains auteurs à engager une réflexion sur une dynamique beaucoup plus large que celle du simple domaine de la Franche-Comté. C’est le cas d’A. Thévenin qui, dans un article sur le Mésolithique ancien de la France, propose une division tripartite du territoire français et des régions voisines (Thévenin 1996) :
dans la partie septentrionale, un Mésolithique ancien dérivé de l’Ahrensbourgien ;
dans la partie méridionale, le Sauveterrien ancien dérivé de l’Epigravettien ;
dans la partie médiane, un Mésolithique ancien non touché ni par l’un ni par l’autre, mais dérivant des pointes à dos courbe.
Le niveau C2 de Choisey
330L’attribution de l’occupation du niveau C2 de Choisey à une phase ancienne du Mésolithique est fondée, en l’absence de datations au radiocarbone, sur la seule composition typologique de l’industrie, qui met en avant la dominance d’outils dont la pleine phase d’utilisation appartient à ce cadre chrono-industriel. Ces armatures sont le triangle isocèle, dont l’utilisation déborde faiblement le cadre du Mésolithique ancien, mais surtout les pointes à base naturelle dont la fréquence aussi élevée constitue un fait nouveau dans le contexte industriel régional. La division du territoire national en trois parties s’explique par l’existence de trois substrats culturels, dont la permanence semble s’affirmer au travers des industries mésolithiques. Ainsi, la partie septentrionale, caractérisée par l’existence d’un Mésolithique ancien dérivé de l’Ahrensbourgien (Thévenin 1995b ; Ziesaire 1984), se définit par l’abondance des pointes à base naturelle, comprenant des pointes à troncature oblique, ou pointes de Zonhoven, et des pointes à retouche unilatérale. Cette composante principale se retrouve dans l’industrie du niveau C2, qui a cependant pour particularité de posséder un nombre assez important de triangles isocèles. Le Mésolithique ancien dérivé de l’Ahrensbourgien a été défini à partir de gisements luxembourgeois, et plus particulièrement, à partir des sites d’Altwies-Haed (Ziesaire 1984) et de Berdorf-Kalekapp 2 (Blouet et al. 1984) (fig. 129) qui, malheureusement, n’ont pas permis de définir un cadre chronostratigraphique précis. Le premier, lié à une occupation de plein air, a fait l’objet d’une datation qui semble marquer l’extrême fin du cadre chronologique concerné (8870 ± 85 BP, Lv 1453) ; le second correspond à une occupation sous abri et a permis d’effectuer deux datations dont le résultat paraît trop jeune (8260 + 120 BP, B-4671 et 7350 ± 110 BP, B-4670). D’autres gisements, tels que les sites de plein air de Himeling (Belland et al. 1985) et de Montenach, en Moselle (Blouet 1986), précisent le spectre microlithique de ce faciès. Ils ont livré une industrie dominée par les pointes à troncature oblique, associées à quelques triangles isocèles et segments de cercle. Les influences ahrensbourgiennes sont également représentées sur le gisement de plein air de la Truie Pendue, à Véron dans l’Yonne (Carré, Thévenin 1995), qui se différencie par la présence de pointes de Chaville et de pointes à troncatures rhomboïdales (Daniel 1962) (fig. 129). Les affinités ahrensbourgiennes sont également décelables dans les gisements du bois de Chaville qui, avec ses nombreuses pointes éponymes, confirment l’existence de caractères ahrensbougiens. Les pointes de Chaville, proches des pointes à retouche unilatérale, sont également présentes sur le site des Sablons à Saint-Julien-du-Sault, dans l’Yonne (Peretto, Thévenin 1995), ainsi que sur le site des Quatres Arpents à Saint-Privé, dans l’Yonne également (Huchet, Thévenin 1995) (fig. 129). Ce type d’armature lié à ce contexte géographique n’est pas représenté sur le site de Choisey. Les caractères originaux de ces gisements de l’Yonne les dissocient des gisements luxembourgeois et de l’est de la France. Le site de Verseilles-le-Bas, en Haute-Marne (Huet, Thévenin 1994), a livré une abondante industrie dont l’appartenance à ce Mésolithique ancien est marquée par la présence de nombreuses pointes à base naturelle, associée à celle des segments courts et larges et de quelques triangles isocèles allongés. Ce gisement constitue, en l’état actuel des données, le point de comparaison le plus proche du site de Choisey. Cependant, la principale différence avec le gisement de Verseilles-le-Bas réside, pour ce dernier, dans un plus fort taux d’outils du fonds commun qui peut exprimer des activités de natures diverses, ainsi que dans la présence de segments courts et larges. L’association de ces derniers à de nombreuses pointes à base naturelle est également attestée sur le site de Kleine Kalmit dans le Palatinat (Cziesla 1994).

FIG. 129
Localisation des principaux sites de comparaison. 1 Berdorf – Kalekapp 2 ; 2 Altwies – Haed ; 3 Véron ; 4 Chaville ; 5 Saint‑Julien‑du‑Sault ; 6 Verseilles‑le‑Bas ; 7 Kleine Kalmit ; 8 Neerharen De Kip ; 9 Oberlarg ; 10 Giromagny ; 11 Rochedane ; 12 Vionnaz ; 13 Jâgerhaus-Höhle ; 14 Sermoyer ; 15 La Fru ; 16 Culoz ; 17 Fontfaurés-en-Quercy ; 18 Les Fieux ; 19 Rouffignac ; 20 Ranchot ; 21 Bavans ; 22 Ritzigrund ; 23 Birsmatten ; 24 Bretonvillers ; 25 Aillevans ; 26 Les Gripons ; 27 Saint-Privé.
331Dans un secteur plus septentrional, le gisement de Neerharen De Kip, aux Pays-Bas (Lauwers, Vermeersch 1982), dont l’occupation est datée de 9170 ± 100 BP (Lv-1092), a livré une industrie qui associe des éléments d’affinités ahrensbourgiennes, tels que les pointes à base naturelle, avec des éléments à affinités moins prononcées, comme les segments effilés et les lamelles à dos étroites.
332Ce faciès à pointes à base naturelle dominantes, représenté sur les sites dont la plus forte densité appartient à un domaine septentrional, est reconnu, à présent, jusque dans la plaine du Doubs. Ainsi, le site de Choisey constitue, en l’état actuel des recherches, le point le plus méridional du domaine de ce Mésolithique ancien à affinités ahrensbourgiennes. Située en position marginale, l’occupation de Choisey a livré une industrie possédant toutes les caractéristiques de ce faciès. Elle s’en distingue cependant par la présence, dans des proportions relativement importantes, des isocèles, présence que l’on pourrait expliquer par l’existence d’un particularisme local. Ce faciès, dont l’émergence est à rattacher au Luxembourg, offre un éclairage nouveau sur la dynamique de peuplement au Préboréal dans l’est de la France et nuance la zonation proposée par A. Thévenin, qui fait du Jura un secteur échappant aux influences septentrionales et méridionales (Thévenin 1996).
Le niveau R4 de Ruffey-sur-Seille
333Contrairement à celle du niveau C2, cette occupation a permis d’obtenir 3 datations radiocarbone, qui s’échelonnent sur un laps de temps de moins de 300 ans et situent cette phase d’occupation à la fin du Préboréal :
9135 ± 75 BP, Lyon -216 (OxA), soit 8332 à 8032 av. J.-C. ;
9210 ± 85 BP, Lyon – 239 (OxA), soit 8397 à 8065 cal. BC ;
9005 ± 85 BP, Lyon -242 (OxA), soit 8192 à 7922.
334Le Mésolithique ancien de Ruffey-sur-Seille est caractérisé par une dominance des triangles isocèles, suivis des pointes à base transversale. La faible représentativité des segments s’oppose à celle plus forte des industries contemporaines les plus proches.
335La couche Q de l’abri du Mannlefelsen à Oberlarg (Haut-Rhin) (fig. 129), datée de 9030 ± 160 BP (GIF 2387) et de 9410 ± 110 BP, a livré une industrie dominée par les segments effilés (29 %), suivis par les pointes à base transversale (18 %), les pointes à base naturelle (18 %), les triangles isocèles (15 %) et les triangles scalènes (15 %) (Thévenin 1994).
336Ce Mésolithique ancien, dominé par les segments effilés, est également attesté à l’abri de Sous Balme à Culoz dans l’Ain (Vilain 1966) (fig. 129). Les segments représentent sur ce gisement 36 % de l’outillage, les pointes à base transversale 13 % et les isocèles 11 %. Les pointes à base naturelle occupent une place importante, avec un taux de 18 %.
337Le site de plein air de la Grosse Roche à Giromagny, dans le Territoire de Belfort (Sainty 1972 ; Girard, Jaccottey 1992) (fig. 129), a livré une industrie typologiquement attribuable au Mésolithique ancien, dominée par les pointes à base naturelle, les triangles scalènes et les segments de cercle. Les triangles isocèles représentent moins de 5 % de l’industrie. Le niveau A3 de Rochedane possède sensiblement les mêmes composantes, avec cependant une proportion plus importante de triangles scalènes (Thévenin 1982b).
338La présence de pointes à retouches bilatérales dans ces deux derniers gisements et l’accroissement du nombre de triangles scalènes soulignent le caractère déjà évolué de ces industries du Mésolithique ancien.
339Ce faciès à segments effilés, dont l’épilogue est marqué par les sites de Giromagny et de Rochedane, se retrouve également en Suisse. À Collombey-Muraz, dans le Valais, l’abri de Vionnaz (Crotti, Pignat 1988 ; Crotti 1993) (fig. 129) a livré une industrie datée du Préboréal dominée par les segments, suivis par les triangles scalènes, puis par les pointes à retouches uni ou bilatérales.
340La majorité des industries reconnues dans l’est de la France et en Suisse correspond à un Mésolithique ancien, typologiquement dominé par des segments effilés. En revanche, ces derniers sont quasiment inexistants dans la série de Ruffey-sur-Seille. Cette absence, la dominance des armatures à base transversale et le nombre important de triangles isocèles rapprochent cette occupation de celles des gisements de la vallée supérieure du Danube. En effet, dans les abris de la Jägerhaus-Höhle, à Bronnen, Kreis Tuttlingen (Taute 1972) (fig. 129), de la Zigeunerfels, les industries du Préboréal présentent un spectre microlithique dominé par les triangles isocèles et les pointes à base transversale droite ou convexe. Ces caractères typologiques appartiennent au Beuronien A, défini par W. Taute, puis repris sous le terme de « civilisation de Beuron-Coincy » par S.K. Kozlowski en 1973. Les grattoirs y sont généralement courts, souvent sur éclat ou sur lame fracturée. Les lames à troncature contribuent également à définir ce faciès.
341Tous ces éléments, présents au sein de l’industrie de Ruffey-sur-Seille, nous permettent de rattacher cette occupation à un Mésolithique ancien, dominé par les triangles isocèles et les pointes à base transversale, proche du Beuronien A.
342D’autres gisements moins éloignés offrent des éléments de comparaison fort intéressants. C’est le cas de l’Alsace, avec les gisements de Lembach-Climbach (Sainty, Schellmanns 1984) et de Spechbach-le-Bas (Violot 1991). L’occupation du niveau R4 appartient, en l’état actuel de nos connaissances, au gisement à affinités beuroniennes le plus occidental. Les datations absolues placent cette phase d’occupation à la fin du Préboréal et contribuent à préciser le cadre chronologique de ce faciès culturel, jusqu’à présent mis en évidence dans nos régions, exclusivement à partir de ramassages de surface, comme pour le gisement de plein air du Cimetière à Champey, en Haute-Saône (Sainty 1972).
4.1.4.2 La transition Mésolithique ancien/Mésolithique moyen
Le niveau R3 de Ruffey-sur-Seille
343Cette occupation a pu être calée chronologiquement grâce à l’obtention de datations radiocarbone qui couvrent un intervalle de temps de 500 ans. Les datations les plus anciennes appartiennent au Préboréal, tandis que les autres se situent à la fin du Préboréal, voire dans la première moitié du Boréal :
9210 ± 70 BP, Lyon-215 (OxA), soit 8378 à 8087 av. J.-C. ;
9055 ± 65 BP, Lyon-41 l/AA-23363, soit 8221-7977 av. J.-C. ;
8980 ± 80 BP, Lyon-241 (OxA), soir 8117 à 7791 av. J.-C. ;
8855 ± BP, Lyon-410/AA-23362, soit 8013-7705 av. J.-C. ;
8710 ± 110 BP, Lyon-7353, soit 7956 à 7539 av. J.-C.
344Malgré le développement de fouilles récentes, aucune industrie comparable n’a pour l’instant été mise au jour en Franche-Comté.
345La composition typologique de cette industrie est marquée par la présence d’éléments à caractère ancien, comme les triangles isocèles qui représentent 8,7 % de l’outillage. Cet outil constitue un jalon chronologique fiable puisqu’il disparaît, semble-t-il, avec les industries du Mésolithique moyen, contemporaines du Boréal. La principale caractéristique de cet ensemble est liée au nombre très important de triangles scalènes, parmi lesquels se distinguent des exemplaires de type « ordinaire », allongé à petit côté court (34,8 %), ainsi que quelques éléments du type de Montclus.
346Les industries, dominées par les scalènes et les isocèles, datées du Préboréal, appartiennent au domaine méridional du Sauveterrien ancien dérivé de l’Epigravettien.
347Nous bénéficions, pour ce secteur, de données nouvelles qui précisent les composantes du Sauveterrien ancien. C’est principalement grâce aux travaux réalisés sur le gisement de Fontfaurès en Quercy, à Lentillac-Lauzès, dans le Lot (Barbaza et al. 1991) (fig. 129), qu’il est possible d’avoir une idée plus précise des assemblages typologiques durant la phase ancienne du Sauveterrien.
348Le Sauveterrien ancien classique, appartenant à la couche 6 datée de 9650 + 130 BP (Lyon 4449), est dominé par les outils du fonds commun. Les triangles isocèles occupent une place presque aussi importante que celle des triangles scalènes. Si les pointes à base naturelle jouent un rôle important, les pointes de Sauveterre y sont absentes.
349Un second ensemble, défini par les niveaux C5d, c, b, se caractérise par une nette augmentation des armatures au détriment des outils du fonds commun, ainsi que par le développement des pointes de Sauveterre (6,1 % en C5d et 8 % en C5c). Le nombre des triangles isocèles diminue puis ils disparaissent (C5b : 8,5 %, C5c : 16 %, C5d : 11,1 %) ; celui des triangles scalènes allongés augmente de manière constante, pour atteindre 12,8 % en C5c, niveau marqué par l’apparition des triangles de Montclus. La couche C5b est datée de 9140 + 160 BP (Lyon 4448).
350Ces niveaux ont pour particularité de livrer un nombre important de lamelles à bord abattu, dont le taux relativement constant est d’environ 24 %. M. Barbaza distingue un Sauveterrien ancien d’âge préboréal, avec un stade ancien (C6) et un stade ancien évolué (C5d à b).
351L’industrie de Ruffey-sur-Seille est sauveterrienne, comme le soulignent, d’une part, la présence de pointes de Sauveterre et, d’autre part, le nombre important de triangles scalènes. C’est avec le stade ancien de Fontfaurès en Quercy que les points communs sont les plus évidents. Ils sont marqués par l’apparition des pointes de Sauveterre, mais surtout par le développement des triangles scalènes allongés, accompagnés d’un taux de triangles isocèles significatif. La datation obtenue pour ce stade est en adéquation parfaite avec la plus ancienne des trois datations de R3. Les traits généraux de sa composition typologique, ainsi que la présence de triangles de Montclus et de pointes de Sauveterre, le rapprochent du Sauveterrien ancien évolué de Fontfaurès en Quercy. La quasi-absence de lamelles à bord abattu, bien représentées au sein de ce dernier, peut s’expliquer par l’existence de faciès d’activités ou par une adaptation locale de ce type d’industrie.
352Le gisement de Rouffignac, en Dordogne (Barrière 1973) (fig. 129), présente également un certain nombre de similitudes. La couche 4c, datée de 8995 ± 105 BP, est marquée par un taux élevé de triangles isocèles et de triangles scalènes ordinaires, par la présence de scalènes allongés, ainsi que par celle de nombreuses pointes de Sauveterre.
353La couche D1 de la grotte des Fieux à Miers, dans le Lot, datée de 9060 ± 190 BP (Gif 4281) (Champagne et al. 1990) (fig. 129), montre également de nombreux points communs marqués par la présence de triangles isocèles, de triangles scalènes et de pointes de Sauveterre, ainsi que par le développement des triangles de Montclus.
354À l’abri de La Fru, Les Échelles (Saint-Christophe-la-Grotte) (fig. 129), en Savoie, la fouille de l’aire III a révélé une importante séquence du Mésolithique ancien et moyen (Pion 1992). Les couches 4a et 4b, attribuées au Préboréal (9740 ± 70 BP), ont livré une industrie caractérisée par la présence de triangles isocèles, de triangles scalènes, de segments et de pointes à base retouchée. Une seule pointe de Sauveterre accompagne cet ensemble. La couche 3, attribuée au Boréal (8580 ± 200 BP), est caractérisée par la prédominance des scalènes allongés et des pointes de Sauveterre. L’industrie de Ruffey-Sur-Scille semble se situer entre celles des couches 4b et 3 de La Fru.
355L’industrie de l’abri de Sous Balme, à Culoz, dans l’Ain (Vilain 1966) (fig. 129), dans la partie méridionale du Jura, appartenant au Préboréal (9150 ± 160 BP, Lyon 286), se rattache à un Mésolithique ancien à segments, dont des affinités sauveterriennes sont toutefois perceptibles par la présence de triangles retouchés sur les trois côtés.
356Le gisement composite des Charmes à Sermoyer, dans l’Ain (fig. 129), a permis de recueillir une industrie lithique constituée de plus de 600 armatures, qui se répartissent ainsi (Thévenin 1991) :
des triangles isocèles courts et allongés (12 %) ;
des triangles scalènes généralement de petite taille (29 %) ;
des triangles de Montclus allongés ou courts (3 %) ;
des segments de petite taille (21 %) ;
des pointes de Sauveterre (8 %) ;
des pointes à base naturelle (12 %) ;
des pointes à base transversale (8 %) ;
des lamelles à dos (7 %).
357Deux ensembles lithiques mésolithiques semblent constituer cette série. Le premier, ancien, d’âge préboréal, avec des triangles scalènes et isocèles, et le second, moyen, d’âge boréal, avec des triangles scalènes, des pointes de Sauveterre et des triangles de Montclus (8490 ±170 BP, 6540 av. J.-C., Ly‑863 [Rozoy 1978]). La présence sauveterrienne ne fait aucun doute sur ce gisement, mais comme l’homogénéité de l’industrie est incertaine, il est difficile de préciser l’assemblage typologique de l’occupation correspondante.
358L’occupation sauveterrienne de Ruffey-sur-Seille constitue, en l’état actuel des données, un point isolé dans un secteur plus classiquement dominé par un Mésolithique ancien à segments. Si certaines affinités sauveterriennes sont décelables au sein de plusieurs gisements, cette industrie résulte d’un substrat véritablement sauveterrien comme le montrent les nombreuses corrélations avec les gisements de Fontfaurès en Quercy, des Fieux et de Rouffignac.
359Par la prédominance des triangles scalènes, avec des formes allongées, par la présence de triangles de Montclus et de pointes de Sauveterre, par le nombre important de triangles isocèles, cette série se rattache à un stade évolué du Sauveterrien ancien et pourrait ainsi constituer une industrie de transition entre le stade ancien et moyen. Ce fait semble être confirmé par les datations radiocarbones qui situent l’occupation à la fin du Préboréal ou au début du Boréal. Elle illustre un des pôles les plus septentrionaux de l’impact du Sauveterrien, dont une forte poussée s’est fait probablement sentir à la fin du Préboréal, par les voies du Rhône et de la Saône.
Le niveau C1 de Choisey
360Une datation au radiocarbone situe cette occupation durant le Préboréal (9175 ± 70 BP, Lyon-244 [OxA], soit 8343 à 8060 av. J.-C.), malgré l’existence de données industrielles en relation avec un Mésolithique moyen contemporain du Boréal. L’absence d’armature, comme le triangle isocèle, ne justifie pas une attribution automatique à une phase moyenne en raison de la faiblesse des données quantitatives de l’outillage. La présence de segments dans cette série pourrait suggérer une occupation ancienne, en relation avec l’existence d’un Mésolithique ancien à segments représenté dans l’est de la France. Le gisement type est celui de l’abri du Mannlefelsen à Oberlarg (couche Q), dans le Haut-Rhin, mais une différence morphologique apparaît, avec à Choisey des exemplaires courts et trapus. Les données jurassiennes permettent de définir le cadre chrono-industriel suivant (Thévenin 1991) :
au Préboréal, les industries sont composées de triangles isocèles et scalènes, de pointes à base transversale et de segments ;
durant le premier quart du Boréal, les industries sont dominées par les triangles scalènes, les segments et les pointes à base transversale. Les triangles isocèles ont complètement disparu. C’est le cas à l’abri des Cabônes à Ranchot, dans le Jura (fig. 129), où a été recueillie une industrie qui associe des triangles scalènes, des segments et des pointes à base transversale, dans une couche datée de 8730 ±170 BP (Ly 2297) et de 8910 ± 300 BP (Ly 2810). L’industrie de type Choisey présente les mêmes caractères, mais s’oppose par sa datation plus ancienne ;
durant le deuxième quart du Boréal, les armatures ne sont composées que de triangles scalènes et de pointes à base transversale.
361Conformément au contexte régional, l’industrie de Choisey semble correspondre à un cadre industriel caractéristique du Mésolithique moyen, type vallée du Doubs, dominé par les armatures à base transversale. La présence de segments confirmerait le caractère ancien de ce Mésolithique, que corroborerait la datation radiocarbone relativement haute de Choisey. Son caractère unique et l’absence de perspective de datation supplémentaire ne permettront pas de préciser le cadre chronologique de cette occupation. Malgré une attribution par le radiocarbone au Préboréal, il semble, d’après les données contextuelles, que cette occupation appartienne à une phase ancienne du Mésolithique moyen.
4.1.4.3 Le Mésolithique moyen de Ruffey-sur-Seille (niveau R2)
362Cette occupation a fait l’objet de 7 datations, qui couvrent une période d’environ 500 ans :
8795 ± 65 BP, Lyon-213 (OxA), soit 7944-7598 av. J.-C. ;
8795 + 65 BP, Lyon-214 (OxA), soit 7966-7618 av. J.-C. ;
8655 ± 130 BP, Lyon-217 (OxA), soit 7964-7464 av. J.-C. ;
8515 ± 65 BP, Lyon-218 (OxA), soit 7667-436 av. J.-C. ;
8690 ± 80 BP, Lyon-240 (OxA), soit 7910-7551 av. J-C. ;
8230 ± 95 BP, Lyon-7352, soit 7453-7013 av. J.-C. ;
8735 ± 85 BP, Lyon-238 (Oxa), soit 7940-7572 av. J.-C.
363Si l’on fait abstraction de la date la plus jeune, les 6 autres appartiennent à une fourchette chronologique de moins de 300 ans. Cette phase d’occupation, remarquablement bien calée, peut être rattachée, dans sa grande majorité, à la première moitié du Boréal. Toutefois, l’obtention d’une datation aux environs de 8200 ans BP permet de supposer une fréquentation du site durant la seconde moitié du Boréal.
364La Franche-Comté ne déroge pas à la règle de la réduction du nombre d’armatures caractérisant l’évolution typologique entre le Préboréal et le Boréal. Les deux armatures de base sont le triangle scalène et la pointe à base transversale, dont l’utilisation se généralise dans la partie septentrionale de la France.
365Durant cette phase chronologique, il est possible de distinguer deux groupes principaux : celui de la vallée du Doubs, caractérisé par des industries dominées par les pointes à base transversale et les scalènes ; celui de la vallée de la Saône, à même composante, mais aux armatures plus acérées (Thévenin 1990a). Le premier est représenté, entre autres, sur les gisements de l’abri des Cabônes à Ranchot, dans le Jura, des abris de Bavans (Aimé 1993) et de l’abri de Gigot à Bretonvillers, dans le Doubs (Vuaillat et al. 1984) (fig. 129). Le second n’est représenté que par des occupations de plein air, comme celles de Mantoche et de Beaujeu en Haute-Saône (Sainty 1972).
366Malgré un cadre chronologique comparable, l’industrie du niveau R2 se différencie par la quasi-absence de pointes à base transversale. L’outillage est dominé par les triangles scalènes, parmi lesquels on observe de nombreux exemplaires retouchés sur les trois côtés (25 %). La présence de pointes de Sauveterre (2 exemplaires) est également attestée sur le site de Ranchot, avec une dizaine d’individus ; elles pourraient marquer une incursion d’un groupe de chasseurs sauveterriens (Thévenin 1991). Il s’agit du gisement franc-comtois le plus septentrional, où se fait encore sentir une présence sauveterrienne.
367En Suisse, coexistent le groupe du Jura septentrional, marqué par des influences beuroniennes (Birsmatten, Ritzigrund, Les Gripons), et le groupe rhodanien, à affinités sauveterriennes (Baume d’Ogens, Baulmes, Vionnaz, Mollenduz-abri Freymond) (Crotti 1993). Le premier, qui concerne le revers oriental du Jura et une partie du massif alpin, est caractérisé par la présence de triangles scalènes et de pointes à base transversale de petite taille. Le second est dominé par les triangles scalènes accompagnés par les pointes à retouche uni ou bilatérale, à base généralement brute, et par les pointes de Sauveterre. La microlithisation importante qui caractérise ce second ensemble ne se retrouve pas sur le gisement de Ruffey-sur-Seille. Son industrie possède un certain nombre de points communs avec le groupe rhodanien, marqué principalement par la domination des scalènes et la présence de pointes de Sauveterre. La quasi-absence de microburins dans le groupe rhodanien peut constituer un autre point de rapprochement.
368La partie occidentale du Jura, entre Rhin et Rhône, voit se développer au Boréal des industries différentes constituées de pointes à base transversale, soit larges, soit acérées, accompagnées de nombreux triangles scalènes dont les formes retouchées sur les trois côtés ne sont pas rares. Le gisement des Layes 2 à Serrière-sur-Ain (Combier 1962) a livré de nombreux triangles scalènes, des triangles de Montclus et des pointes de Sauveterre. Cette composition typologique permet de le rattacher à un Sauveterrien moyen (Sauveterrien montclusien), au même titre que les gisements de l’abri no 1 de Sous-Vargonne (Vilain, Reymond 1961) et de Druillat dans l’Ain (Cartonnet 1988).
369Le gisement des Charmes à Sermoyer, dans l’Ain, a livré une industrie abondante divisée en deux ensembles, dont le premier, composé principalement de triangles isocèles et scalènes, se rattacherait au Préboréal et le second, constitué de triangles scalènes, de pointes de Sauveterre et de triangles de Montclus, pourrait correspondre aux deux dates radiocarbones obtenues : 8150 ± 190 BP, Gif-1597, 8490 ± 170 BC, Ly-863.
370Les couches 2 et 3 du gisement de La Fru, sur la commune de Saint-Christophe-la-Grotte (Les Echelles, Savoie), datées respectivement de 8580 ± 200 BP et de 6790 ± 200 BP, possèdent également des affinités sauveterriennes caractérisées par la présence de pointes de Sauveterre.
371Sur le gisement de Fontfaurès en Quercy, dans le Lot (Barbaza et al. 1991), les couches C5a et C4b contenaient un niveau du Sauveterrien moyen caractérisé par la présence de nombreux scalènes, majoritairement latéralisés à droite, dont un bon nombre d’exemplaires sont retouchés sur les trois côtés. Les pointes de Sauveterre occupent une place importante et les lamelles à bord abattu atteignent 34 % de l’industrie. La forte représentativité des pointes de Sauveterre et des lamelles à bord abattu constitue la principale différence entre cette série et celle de Ruffey-sur-Seille.
372Les corrélations que l’on peut effectuer entre l’industrie de R2 et celle de gisements sauveterriens sont nombreuses. Elles se définissent par la supériorité des scalènes, dont les formes « ordinaires » dominent les formes allongées, par la présence d’exemplaires retouchés sur les trois côtés, dont certains sont proches du triangle de Montclus, et de pointes de Sauveterre ainsi que par le faible nombre de pointes à base transversale. La latéralisation préférentielle à droite des triangles, qui atteint 93 % dans ce niveau, semble constituer un autre élément de rapprochement avec les industries sauveterriennes.
373Il semble que dans nos régions le Sauveterrien, culture méridionale par excellence, fasse au Boréal une remarquable montée, partageant le massif jurassien en deux unités, l’une à industrie d’affinité sauveterrienne (Ruffey-sur-Seille), l’autre appartenant à un Mésolithique moyen défini par la présence de pointes à base transversale (Ranchot, Bavans).
4.1.4.4 Le Mésolithique récent de Ruffey-sur-Seille (niveau R1)
374Trois datations radiocarbones ont été effectuées sur ce niveau :
7650 ± 160 BP, soit 6956-6136 av. J.-C., OxA-6776 (Lyon-381) ;
6760 ± 80 BP, soit 5746-5479 av. J.-C., OxA-5642 (Lyon-172) ;
6560 ± 75 BP, soit 5576-5326 av. J.-C., OxA-6777 (Lyon-380).
375La première appartient à la première moitié de l’Atlantique ancien, tandis que les deux autres se situent dans la seconde moitié. L’homogénéité de ces datations sera discutée à partir des données industrielles.
376Le Mésolithique récent correspond à la période de pleine utilisation du trapèze, dont le développement en France est situé aux environs de 7850 BP par Rozoy (1978). Malgré l’existence d’une documentation importante, il est difficile de rapprocher l’industrie de R1 de celle des gisements du Mésolithique récent de l’est de la France, défini par des séries peu importantes dont l’insertion chronologique est souvent incertaine en l’absence de datations 14C.
377En Franche-Comté, les séries à trapèzes sont peu nombreuses et seules la couche 5 de Bavans, dans le Doubs (Aimé 1993), et l’industrie d’Aillevans, en Haute-Saône (Aimé et al. 1994) (fig. 129), ont livré des ensembles conséquents. La couche 5 de Bavans, datée entre 5700 et 5100 av. J.-C., a révélé une industrie abondante du Mésolithique récent et final, dont la particularité est d’avoir fourni en association de la céramique. Cependant, l’absence de repères stratigraphiques fins a contraint les archéologues à subdiviser arbitrairement cet horizon en une partie inférieure, médiane et supérieure. La partie inférieure a livré des trapèzes, des lamelles Montbani, ainsi que des tessons de céramique de deux types (céramique commune non décorée et céramique de type la Hoguette). Les autres sous-ensembles sont marqués par l’utilisation de trapèzes associés à des fléchettes et pointes de Bavans et de tessons de céramique du Rubané récent.
378La couche RI de Ruffey-sur-Seille ne possède ni céramique, ni pointes de Bavans, ni fléchettes. L’absence d’armatures évoluées rapproche cet ensemble de la partie inférieure de la couche 5, malgré son effectif de 2 trapèzes sur les 66 mis au jour à Bavans. En l’état actuel des données, il est donc difficile de rapprocher les industries, et cela malgré l’existence de datations assez proches (7130 ± BP, soit 6445-5510 cal BC, Lv-1415 pour la base de la couche ; 6500 ± 100 BP, soit 5705-5205 av. J.‑C., Lv 1588 et 6410 ± 95 BP, soit 5615-5090 av. J.-C., Lv 1590 pour le milieu de la couche). Le style des trapèzes est d’une manière générale assez comparable et caractérisé par la prédominance des asymétriques, parmi lesquels les exemplaires à grande troncature longue et les trapèzes de Vielle sont les plus nombreux. Ces deux séries se différencient par l’existence d’un effectif de trapèzes symétriques plus important à Bavans et par la présence d’un trapèze à base décalée dans la série de R1. Leur style s’oppose légèrement et se traduit par l’existence dans la couche 5 de trapèzes morphologiquement proches des triangles scalènes.
379Le gisement de plein air d’Aillevans, en Haute-Saône, exploité par ramassages de surface, a livré une abondante industrie du Mésolithique récent. Se pose évidemment le problème de l’homogénéité de cet ensemble, qui paraît toutefois garantie par le nombre conséquent de trapèzes découverts et par le style de débitage. Ce dernier, réalisé à partir de nucléus prismatiques à un plan de frappe, est illustré par un débitage de style Montbani, caractérisé par la présence de lamelles à coches jumelles, multiples, décalées, et de lamelles à retouche uni ou bilatérale continue. La fragmentation des lamelles par la technique du microburin est attestée par la présence de déchets caractéristiques. Les trapèzes symétriques sont bien représentés, mais ils demeurent moins nombreux que les asymétriques. Ils sont dominés par des exemplaires à grande troncature courte, parmi lesquels sont absents les trapèzes de Vielle. La série est complétée par 7 armatures évoluées dont 5 pointes de Bavans. Ce gisement a pour particularité de révéler une latéralité des trapèzes principalement senestre, que l’on retrouve de manière exclusive sur le site de Ruffey-sur-Seille. Il faut souligner l’absence d’armatures évoluées, qui peut être interprétée en termes chronologiques et attesterait une phase ancienne du Mésolithique récent. Dans l’est de la France, l’Atlantique correspond à une phase de peuplement importante représentée par des gisements aux données parfois ténues :
la couche H de l’abri du Mannlefelsen I à Oberlarg, dans le Haut-Rhin (Thévenin 1979) ;
le niveau A2 de l’abri de Rochedane à Villars-sous-Dampjoux, dans le Doubs (Thévenin 1982b) ;
la couche 2 de l’abri de Gigot à Bretonvillers, dans le Doubs (Vuaillat et al. 1984) ;
l’occupation de plein air des Champs Traversains, à Saint-Vit, dans le Doubs (David et al. 1983) ;
l’abri de la Roche aux Pêcheurs, à Villers-le-Lac, dans le Doubs (Perrenoud-Cupillard, Cupillard 1995).
380Des séries attribuables au Mésolithique récent ont été également mises au jour dans le département de l’Ain. Ainsi, l’abri de Sous Vargonne, à Andert-Condon (Combler 1962), a révélé une importante série du Mésolithique récent comprenant de nombreux trapèzes à latéralisation strictement senestre, parmi lesquels on reconnaît des trapèzes de Vielle. Cette industrie semble assez proche de celle de Ruffey-sur-Seille.
381La Suisse, en raison de sa proximité géographique et de ses nombreux gisements mésolithiques, constitue une importante source de comparaison.
382Le gisement des Gripons, à Saint-Ursanne, dans le Jura (Pousaz 1993) (fig. 129), a livré un petit niveau d’occupation du Mésolithique récent correspondant à une halte de courte durée, qui malheureusement n’a donné qu’un petit nombre d’artefacts dont seulement 4 armatures. Trois datations radiocarbones ont été obtenues dont une paraît aberrante ; les deux retenues sont les suivantes : 6510 ± 110 BP UZ- 2371/ETH 3695, soit 5530-5340 av. J.-C. et 5965 ± 80 BP UZ-2479/ETH 4714, soit 4943-4782 av. J.-C. Ces datations sont plus jeunes que celle de Ruffey-sur-Seille, mais assez proches de la couche 5 de Bavans.
383En raison des données quantitatives assez faibles de la série des Gripons, les rapprochements typologiques sont limités. Les caractères technologiques semblent quant à eux assez proches. Les lamelles sont caractérisées par un nombre important de talons facettés (27,3 % contre 32 % sur le site de Ruffey-sur-Seille) et par la présence de lèvre et de bulbe bien marqué. Ces caractères technologiques, en relation avec la percussion indirecte, constituent un marqueur chronologique assez fort. Malheureusement, trop peu de séries ont fait l’objet d’observations à caractère technologique.
384Le Mésolithique récent à trapèzes et lames ou lamelles Montbani a également été reconnu sur les sites de Birsmatten, abri de Basisgrotte (Bandi 1963 ; Rozoy 1978) (fig. 129), dans l’abri de Tshäpperfels, (Seldmeier 1967), dans l’abri de Liesbergmühle (Hoffmann-Wyss 1978), dans l’abri Freymond (Crotti, Pignat 1986), dans l’abri du Col des Roches et dans l’abri de Roggenberg-Ritzigrund (Jägher 1989) (fig. 129).
385L’abri de Roggenberg-Ritzigrund a livré une industrie abondante, constituée de 1 744 pièces, dont 8 % par l’outillage retouché. Les armatures se composent de 11 trapèzes, parmi lesquels dominent les asymétriques courts. Ces derniers, comme pour l’ensemble des séries du Mésolithique récent, sont accompagnés de lames et lamelles retouchées, de lamelles Montbani et de quelques grattoirs.
386Les trapèzes asymétriques dominent dans nos régions, avec une nette tendance à la latéralité senestre qui est stricte sur le site de Ruffey-sur-Seille. La présence d’exemplaires à troncature très oblique (trapèze de Vielle), dont la répartition géographique va de la vallée de la Saône à la Lorraine et au Luxembourg, caractérise également ces séries. Les trapèzes à base décalée, représentés à Aillevans et Ruffey-sur-Seille, rares dans nos régions mais abondants en Belgique et aux Pays-Bas, évoquent quelques contacts avec les régions septentrionales.
387Le Mésolithique récent, tel qu’il a été reconnu dans l’industrie de R2, peut être défini de la manière suivante :
présence de débitage de style Montbani ;
place importante des lamelles à retouche latérale et à encoches ;
faible nombre des grattoirs ;
nombre significatif d’éclats retouchés ;
réduction des types d’armatures au seul trapèze ;
absence d’armatures évoluées ;
caractères technologiques spécifiques marqués par la présence de nombreux talons de lamelles facettés, associés à des bulbes marqués, et par la présence de lèvres ;
nucléus prismatiques à 1 plan de frappe souvent facetté ;
technique du microburin.
388D’un point de vue chronologique, l’occupation de Ruffey-sur-Seille se place durant la phase de pleine utilisation des armatures évoluées, située entre 6700 et 6450 BP dans le N-E de la France, dont l’apparition remonterait à environ 7100 BP (Aimé 1993).
389L’absence de ces éléments et le caractère exclusif des trapèzes dans l’industrie du niveau R1 soulèvent un certain nombre d’interrogations. Est‑ce que ces divergences sont le reflet de groupes utilisant exclusivement les trapèzes, alors que d’autres utiliseraient trapèzes et armatures évoluées ? Est-ce que la présence de ces dernières est liée à une utilisation particulière pouvant impliquer par exemple une chasse spécifique ? Est-ce que leur absence illustre simplement un décalage chronologique ? Cette dernière interrogation trouve des éléments de réponse dans les datations, qui, malgré une date apparemment trop ancienne, situent l’occupation de manière légèrement antérieure à celle de Bavans, caractérisée par une utilisation importante d’armatures évoluées.
4.2 La faune
A.L.
4.2.1 Données générales
4.2.1.1 État de conservation du matériel osseux
390La surface des os non brûlés du niveau R4 de Ruffey-sur-Seille présente des stigmates de corrosion provoqués par l’action de deux agents (tabl. XVIII) : l’un dynamique, qui abrase de façon active la surface de l’os, par des passages d’eau par exemple, et l’autre passif, qui produit les mêmes stigmates par un séjour prolongé dans un milieu très humide (Brugal 1994). Peu de lissage et d’abrasion par roulement ont été observés, ce qui abonderait dans le sens d’une érosion passive des restes dans un milieu humide peu dynamique. Les données malacologiques (c/? supra Limondin-Lozouet, annexe 2) ont montré que le milieu était globalement assez sec.

TABL XVIII
Données taphonomiques en %. Cor° corrosion, Ox° oxydation, Dq° desquamation, Rlé roulé, L fragmentation longitudinale, T fragmentation transversale, E fragmentation en escalier, f frais, Rad. radicelle.
391La corrosion de type passif par un milieu humide est à proscrire et ne peut être considérée comme le principal acteur de la détérioration de la surface de l’os. Il est ainsi possible d’expliquer ce type de stigmates, au sein même du sédiment, par les différentes attaques chimiques qui n’ont pu se produire qu’après ensevelissement. La présence d’empreintes de radicelles complète les informations sur la détérioration des ossements ; elles apparaissent généralement après fragilisation de l’os à l’intérieur du sédiment et, par conséquent, après les attaques chimiques du sol.
392Les différentes descriptions ne concernent que les os non brûlés, soit 1 143 restes. Les observations sur les os brûlés montrent que le chauffage permet d’offrir une meilleure résistance aux agents destructeurs édaphiques et climatiques.
393L’étude taphonomique et l’examen de l’état de surface des restes osseux soulignent la probabilité d’un ensevelissement relativement lent, évoqué par l’importance des stigmates du weathering (Klein 1975 ; Berhensmeyer 1978 ; Auguste 1994 ; Bridault 1994). Pour une meilleure compréhension de la dynamique de destruction des vestiges osseux, nous avons ajouté aux différentes catégories de stigmates de fragmentation (Bridault 1994) celle constituée par les cassures fraîches, appartenant à un stade intermédiaire de la détérioration de l’os. En effet, elles nous renseignent sur la définition dynamique des modalités de dépôt (Lena 1995).
394Il est possible d’envisager deux phases dans la dynamique postdépositionnelle : la première où le matériel osseux, à l’air libre, s’altère sous les effets du weathering ; la seconde est liée à l’agression des agents chimiques durant l’ensevelissement. Il faut d’ores et déjà admettre la possibilité d’une destruction assez importante du matériel osseux.
395Les vestiges osseux du niveau C2 de Choisey ont une surface généralement faiblement altérée (tabl. XVIII). Cette altération est caractérisée par des cupules qui résultent généralement d’une attaque dynamique de l’eau. Aussi, l’origine anthropique de certaines esquilles est-elle parfois difficile à préciser, car elles sont fréquemment roulées.
396Le niveau R3 a livré des ossements généralement bien conservés qui présentent 60 % de stigmates de détérioration par corrosion (tabl. XVIII). Les autres formes de destruction sont peu représentées, à l’exception d’une fragmentation naturelle des restes, dont la proportion dépasse à peine les 13 %.
397Dans ce niveau, l’effet du weathering semble très intense et évoque un ensevelissement relativement lent des restes. Les données issues de l’examen de la surface des restes osseux tendent à montrer que le sédiment encaissant est aussi agressif que pour le niveau R4. La faible représentativité des empreintes de racines peut s’expliquer soit par une meilleure consistance de la matière osseuse, soit par l’existence d’une végétation moins développée lors du stade postdépositionnel.
398De son abandon à sa récolte, le mobilier osseux semble avoir connu deux phases taphonomiques distinctes. Tout d’abord, un ensevelissement relativement rapide qui a préservé l’homogénéité de l’os, puis une conservation dans le sédiment, qui s’est accompagnée d’une altération assez faible de la surface.
399Parmi les 641 restes non brûlés du niveau R2, une grande proportion a subi une altération de surface (tabl. XVIII) ; en revanche, la mauvaise représentation des autres types de détérioration garantit une activité taphonomique peu intense. Quelle que soit leur taille, les restes non brûlés du niveau R1 présentent, pour une très large part (56,5 %), une surface corrodée, lissée ou présentant des petites cupules d’abrasion dont l’agent est difficile à déterminer (tabl. XVIII). Ce type de corrosion, qui apparaît également sur de nombreux restes dentaires, se caractérise par de profonds creusements de la surface de la dent. Les différentes observations ont montré une fragmentation fréquente en cassures longitudinales ou en escalier. Vu la proportion de ces stigmates, ce fait résulte d’un ensevelissement très lent du mobilier.
4.2.1.2 Fragmentation du matériel osseux
400L’importante quantité de restes indéterminés est fréquente dans les séries mésolithiques. Aucune explication valable n’a encore été trouvée à ce caractère commun ; nous apportons quelques éléments de réflexion afin d’essayer de répondre d’une part, à la question de la nature anatomique des esquilles et, d’autre part, à celle de l’origine anthropique ou non de leur production.
401Chaque reste a été classé selon sa taille et son poids. La taille est simplifiée par un calibre allant de 1 à 7 représentant successivement les valeurs en mm de 0 à 10, 10 à 20, 20 à 30, 30 à 40, 40 à 50, 50 à 100 et 100 et plus.
402La comparaison de la taille des vestiges à partir des différents niveaux souligne l’existence de proportions identiques (tabl. XIX). On observe d’abord une diminution croissante en fonction de leur taille avec une quasi-disparition des ossements au-delà de 100 mm, et on constate l’écrasante majorité des esquilles de moins de 10 mm.

TABL. XIX
Répartition des restes par calibre. 1 0 à 10 mm ; 2 10 à 20 mm ; 3 20 à 30 mm ; 4 30 à 40 mm ; 5 40 à 50 mm ; 6 50 à 100 mm ; 7 100 mm et plus.
403Les sites de Choisey et Ruffey-sur-Seille ont livré deux types de données :
à Choisey, les classes de tailles montrent une plus grande dispersion dans les calibres ; le calibre 2 (10 à 20 mm) est assez bien marqué (tabl. XIX) ;
à Ruffey-sur-Seille, les ossements de taille inférieure à 20 mm s’accompagnent d’une évolution marquée par une plus faible réduction comme le montre le rapport de 15 vers 9, caractérisant le passage du Mésolithique ancien au Mésolithique récent.
404Au-delà de la classe 2, les différentes proportions ou rapports sont d’une relative constance sur les deux gisements (tabl. XX).

TABL. XX
Rapport de fréquences de classe.
405La réduction des ossements peut être due à une fracturation intentionnelle ou à une dégradation progressive de la matière osseuse en fonction des contraintes taphonomiques du milieu. Ces deux origines sont étroitement liées, car un os réduit, intentionnellement ou non, résistera moins aux agents destructeurs (climatiques ou édaphiques), ce qui entraînera sa réduction de plus en plus poussée. En définitive, on note systématiquement une grande proportion d’esquilles de petite taille sur l’ensemble des sites. Dans le détail, les deux gisements étudiés semblent évoluer différemment et possèdent leurs propres caractéristiques de fragmentation, aussi est-il naturel d’imaginer que ces différences soient largement liées à la nature pédologique et aux agents taphonomiques des gisements.
406Cette hypothèse semble être vérifiée au vu des résultats obtenus lors de l’étude de la conservation des restes. En effet, on observe généralement une meilleure conservation des ossements sur le site de Choisey, ce qui expliquerait la plus faible réduction des restes osseux sur ce site, alors qu’à Ruffey-sur-Seille la conservation est très mauvaise.
407S’il est possible d’expliquer ainsi le particularisme des deux sites, l’origine des variations de conservation au sein d’un même gisement paraît obscure. Ainsi les témoins osseux de Ruffey-sur-Seille montrent de grandes variations de conservation (cf. supra § 4.2.1.1) qui ne correspondent pas aux données de format ni de taille. Les niveaux R3, R2, R1, qui présentent généralement une bonne conservation, ont des ossements qui se situent assez haut dans la proportion de petites esquilles de moins de 10 mm, avec 1 esquille de classe 2 pour 11 de classe 1 pour R3, idem pour R2 et enfin 1 pour 9 sur R1. Seul le niveau R4, avec une mauvaise conservation, vérifierait l’hypothèse d’une fragmentation naturelle accentuée (1 de classe 2 pour 15 de classe 1).
408En l’état actuel des recherches, il est assez délicat d’expliquer le fort esquillement des vestiges osseux par la fragmentation ou la fracturation intentionnelle. Dans tous les cas nous tiendrons compte des deux propositions, bien qu’il semble que l’activité anthropique soit principalement à l’origine de cet esquillement suggéré par l’étude détaillée des esquilles carbonisées. En effet, pour le Mésolithique, la grande homogénéité de la distribution de la taille des restes peut apparemment rendre compte d’un traitement des ossements. Mais un processus de dégradation naturelle peut tout à fait aboutir au même résultat. Il est donc nécessaire de comparer ces données à celles de matériel qui ne possède pas les mêmes valeurs de résistance aux agents physico-chimiques : c’est-à-dire comparer in situ le format des vestiges non brûlés à celui de vestiges brûlés.
409Afin de compléter les données générales de la fragmentation, nous avons tenté d’évaluer la part de cette fragmentation sur les différentes parties des os longs : les épiphyses et la diaphyse. À cet effet, les esquilles corticales ont été séparées de celles présentant des parties spongieuses compactes. On peut admettre que les premières sont susceptibles d’être le produit d’une réduction sur les diaphyses des os longs et que les secondes sont issues de leurs épiphyses. Pour parvenir à cette évaluation, nous avons croisé les données de présence des deux types d’esquilles et leur indice de poids respectif. Les calibres donnent une idée tronquée du format des esquilles et par conséquent de la fragmentation ; l’indice de poids (Poids/NR) peut contribuer à en donner une meilleure vision. Le taux de présence correspond à la proportion d’esquilles compactes par rapport aux esquilles corticales. Le calcul est donné par NR Cp./ NR Co. x 100 et s’effectue sur les calibres de 1 à 3. Au-delà, les restes sont généralement déterminables. La diaphyse, par sa taille, est susceptible de produire, pour un même calibre, beaucoup plus d’esquilles que les épiphyses. Par conséquent, les résultats que l’on obtient sont quantitativement sans réel intérêt, mais permettent de dégager les caractères généraux. En revanche, ils peuvent refléter une fréquence relative des parties de l’os à condition d’avoir un corpus de comparaisons approprié.
410A Ruffey-sur-Seille, la proportion d’esquilles compactes augmente en même temps que les calibres et inversement pour les corticales : les esquilles de diaphyses se situent proportionnellement davantage dans les petits formats que dans les grands (tabl. XXI à XXIV).

TABL XXI
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Répartition par calibre des esquilles compactes et corticales.

TABL XXII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Répartition par calibre des esquilles compactes et corticales.

TABL XXIII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Répartition par calibre des esquilles compactes et corticales.

TABL XXIV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Répartition par calibre des esquilles compactes et corticales.
411À Choisey (niveau C2), la situation s’inverse totalement et montre une diminution notable de la proportion d’esquilles compactes tout au long du spectre des calibres (tabl. XXV). Il en est de même pour le niveau C1, mais l’insuffisance des données incite à la prudence. Dans le détail des calibres, la comparaison des indices de poids montre, tous niveaux confondus, un gabarit légèrement plus fort des esquilles d’épiphyses (fig. 130 a-e).

TABL XXV
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Répartition par calibre des esquilles compactes et corticales.

FIG. 130
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Comparaisons du format des esquilles compactes et corticales : a niveau R4 ; b niveau R3 ; c niveau R2 ; d niveau R1 ; e niveau C2.
412Que ce soit par le biais des données de présence ou des indices de poids, la conclusion est identique. Les esquilles issues des diaphyses semblent avoir subi une plus forte fragmentation que celles des épiphyses ; même si, sur le site de Choisey, la fréquence des esquilles d’extrémités diminue en faveur des mésiales. Dans tous les cas, les petits fragments d’épiphyses de Choisey sont toujours plus grands que ceux issus de la diaphyse.
413Les conclusions sur la nature de l’esquillement sont tranchées. Les diverses expériences menées sur la conservation différentielle des ossements montrent en général que l’épiphyse a davantage tendance à disparaître que la partie diaphysaire (Binford 1981). Or, nous avons établi sur les deux sites que le gabarit des esquilles épiphysaires est sensiblement plus grand que son homologue diaphysaire, ce qui est en tout point paradoxal avec les données expérimentales de conservation différentielle. Il serait prématuré de répondre à la question de la nature des esquilles, mais le résultat de ces comparaisons semble une nouvelle fois prouver l’origine anthropique de l’esquillement.
4.2.2 Les espèces présentes
4.2.2.1 Mésolithique ancien
Niveau R4
414C’est dans ce niveau que les vestiges osseux sont les plus nombreux avec 4448 restes au total et 10 % environ de déterminés. Le poids total des ossements représente environ 7,6 kg pour une moyenne de 1,7 g par reste. On observe une très grande disproportion entre le poids des restes déterminés (73,2 %) et celui des indéterminés (26,8 %). Ceci complète l’idée d’une forte détérioration des plus petites parties anatomiques dont l’absence ne peut être totalement imputée aux prélèvements différentiels compte tenu du soin apporté à la fouille.
415La faune est dominée par le sanglier avec 250 restes, soit environ 60 % de la totalité des déterminés. Le cerf lui succède avec 20 %. Les autres 20 % sont occupés par quelques taxons déterminés spécifiquement (tabl. XXVI).

TABL XXVI
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Répartition de la faune par niveau.
416Avec 60 % des vestiges osseux et un effectif minimal de 14 individus, le sanglier domine largement. Sa prédominance est également attestée par le poids de ses restes qui représente 57,2 % du total. La taille moyenne des ossements de sanglier varie de 30 à 40 mm, avec quelques pièces de très grande taille (plus de 100 mm). Il s’agit de tailles moyennes, qui peuvent être corrigées par l’indice poids/NR de 12,8 qui correspond davantage à des calibres 5 ou 6.
417Seules quelques parties anatomiques ont pu faire l’objet d’une étude biométrique significative. Le fait que les sangliers soient quasiment tous d’âge adulte limite les risques de variations de mensurations dues à l’âge. L’humérus, bien représenté, n’a pu faire l’objet de mesures que dans cinq cas (cf. infra annexe 3). Les comparaisons avec les sites épipaléolithiques et mésolithiques de l’est de la France (Bridault 1993) montrent que la marge de variations des distum d’humérus de Ruffey-sur-Seille se trouve déplacée vers le bas (fig. 131). En effet, les données métriques tirées de la faune de la couche Q du Mannlefelsen I et de Rochedane sont pour ces parties assez élevées (DTdm et DTm troch).

FIG. 131
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Biométrie de l’humérus et comparaison. Mann I Mannlefelsen I ; Ro Rochedane.
418Conformément aux tables d’âges dentaires de Matchke (1967), la majorité des individus est âgée de plus de 24 mois. L’estimation de l’âge par l’épiphysation donne des résultats peu précis, assez proches cependant de ceux obtenus par les données dentaires. Seule une fibula de très petite taille atteste la présence d’un jeune individu. Le calcul du NMI par appariement sur les séries dentaires donne 14 individus, dont 1 marcassin, 4 subadultes, 6 adultes et 3 séniles (fig. 132). La mauvaise conservation de certains restes a rendu impossible le calcul du sex-ratio par les données biométriques ; seule la présence de plusieurs canines inférieures et supérieures a permis d’identifier 4 individus mâles et 2 femelles.

FIG. 132
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Courbe d’abattage du sanglier et NMI.
419Le cerf, deuxième espèce chassée, est représenté par 87 restes et 3 fragments de bois. Les restes ont une taille moyenne comprise entre 40 et 50 mm pour un indice de poids/NR de 29,1.
420Si l’on considère le rapport à leur poids moyen, la taille moyenne paraît sous-estimée et correspondrait plus à des tailles supérieures à 50 mm. Quelques ossements ont fourni des données métriques intéressantes, notamment un calcanéum entier d’adulte, dont la longueur totale est de 122,2 mm. Un talus bien conservé a pu également être mesuré ; cette pièce sans épiphyse ne constitue pas un bon indicateur de la stature, car elle ne nous renseigne pas sur l’âge de l’individu. La faiblesse de la série des mesures limite les comparaisons avec le corpus métrique du cerf des sites régionaux et contemporains.
421La faible quantité de dents, souvent isolées et fragmentées, n’a pas permis de définir une courbe d’abattage précise, indispensable à une approche de la gestion possible de cette espèce. En raison de la faiblesse de l’échantillon, mais surtout du caractère imprécis de leurs informations (Watson 1978), les stades d’épiphysation n’ont pas été retenus. En revanche, il a été possible de situer les trois individus présents dans une tranche d’âge subadulte ou adulte ; aucun individu jeune ou sénile n’a été identifié.
422Une des conséquences de la faiblesse des données est de ne pas pouvoir envisager une attribution sexuelle des individus. La discrimination par la biométrie n’a évidemment pas été concluante, seul un bois de massacre a permis l’attribution certaine à un mâle.
423Quatre autres taxons ont été isolés pour un nombre confondu de restes de 28, soit environ 6 % du total.
4248 restes, exclusivement des dents isolées, entières ou fragmentées, appartiennent au chevreuil, dont au moins 1 individu adulte a été isolé.
425L’aurochs est représenté par 6 restes d’assez grand calibre, notamment 2 gros fragments de bassin, comme le montre l’indice du poids moyen qui est d’environ 55 pour un calibre moyen de 6. Malgré l’absence de mensuration, un individu d’assez petite taille a pu être identifié par la gracilité de certaines pièces ; comme la suture épiphysaire d’un métatarse est achevée, il est peu probable que nous ayons affaire à un jeune individu, mais peut-être à une femelle. Ce grand ruminant, souvent lié à la forêt claire ou à la prairie, a été rarement reconnu dans les gisements régionaux contemporains (Chaix et al. 1991 ; Bridault 1993).
426Un proximum de radius carbonisé et fracturé appartient au renard. La consommation de cette espèce, suggérée par la nature des vestiges en présence, n’est pas démontrable.
427La présence du castor est attestée par 13 restes, dont 12 dentaires et 1 fragment d’humérus qui caractérisent un NMI de trois. Il est difficile de prouver l’origine anthropique de cette espèce sur les gisements archéologiques de bord de rivière.
Niveau C2
428Le niveau C2 de Choisey a livré une série moyenne avec un effectif de 1 833 restes, dont seuls 16 % ont été déterminés par espèce (tabl. XXVII). La comparaison du poids des restes déterminés et indéterminés est assez proche du niveau R4 de Ruffey-sur-Seille. Ce faible écart est sans doute lié à la présence d’ossements de petite taille déterminés et au nombre proportionnellement élevé des esquilles de taille moyenne. Le spectre de la faune est dominé par les espèces forestières de grandes et moyennes tailles, comme le cerf, le sanglier et le chevreuil.

TABL XXVII
Choisey/Aux Champins. Répartition de la faune par niveau.
429Le cerf est le mieux représenté avec 35 % des restes et 2 individus au minimum. En général, il a été impossible d’utiliser les différents critères permettant de déterminer l’âge d’abattage des animaux ; d’après les quelques données utilisables, il semblerait que l’essentiel des individus soit adulte ou subadulte.
430Le sanglier est caractérisé par 77 restes, qui sont d’assez petite taille dans l’ensemble comme le montre l’indice de poids de 3,8 g/reste. Le sanglier n’est également attesté que par 2 individus au minimum, dont 1 mâle âgé probablement de 18 à 24 mois et 1 femelle de 12 à 18 mois.
431Le chevreuil est relativement bien représenté avec 15 % des restes et 4 individus au minimum. En général, ce taxon est peu présent sur les gisements au Mésolithique ancien. Certains restes dont la détermination est incertaine ont été attribués aux petits ruminants et peuvent sans doute appartenir au chevreuil. D’après les données dentaires, les trois tranches d’âge (jeune, adulte et sénile) sont présentes.
432Le castor est essentiellement représenté par des restes dentaires et 2 phalanges. Les dents, généralement détériorées, n’autorisent pas une détermination précise du NMI. L’ensemble des autres espèces ne dépasse pas les 3 % de la faune déterminée.
433Un fragment d’humérus a été attribué génériquement à Canis devant l’impossibilité de trancher entre le loup et le chien.
4.2.2.2 Sauveterrien ancien (niveau R3)
434Plus d’un millier de restes composent l’échantillon de ce niveau, avec un taux de déterminés d’environ 12 % (tabl. XXVI). Le poids total des ossements est d’environ 3,7 kg, avec deux tiers du poids pour les déterminés. L’indice de poids par esquille donne un résultat assez bas, avec 1,3 g/reste, pour un calibre moyen de 1. Ce faible indice est le témoin d’une fragmentation intense.
435Le spectre de la faune est dominé par le sanglier avec 55 restes, soit environ 38 % des déterminés, au nombre de 144. Le cerf et l’aurochs, les deux seules espèces représentant les grands ruminants, sont attestés respectivement par 22 et 23 restes, soit environ 16 % chacune. De petites espèces, comme le chevreuil et le renard, ne sont représentées que par quelques restes. Il faut souligner la présence possible d’un ours.
436Avec 55 restes de sanglier, 4 individus au minimum ont été identifiés. Son apparente prédominance est à relativiser en fonction du poids total assez faible des vestiges osseux. L’indice de poids moyen remarquablement bas (5,5) indique une forte fragmentation. La taille moyenne observée, comprise entre 20 et 30 mm, confirme ce fort esquillement. La fragmentation implique évidemment une multiplication des restes et par conséquent une surestimation possible de la présence réelle d’une espèce. Ainsi, la dominance de ce taxon n’est pas absolue. Les moyens de quantification NR et poids sont insuffisants pour affirmer que cette espèce est la principale dans ce niveau. Seul le NMI, donnée très aléatoire, semble confirmer la prédominance du sanglier.
437Les mensurations, quantitativement et qualitativement insuffisantes, ne permettent de tirer aucune information concernant la stature et le sexe ; seule une canine de forte taille peut être attribuée à un mâle. Les différents stades d’épiphysation des os longs indiquent généralement la présence d’individus adultes, mise à part une fibula très gracile appartenant à un jeune individu. 16 restes, correspondant pour la plupart aux pattes postérieures et aux maxillaires, portent des traces de carbonisation.
438L’aurochs, grand ruminant, est attesté par 23 restes d’assez gros gabarit comme le montre l’indice de poids qui est de 63 g/reste de taille comprise entre 50 et 100 mm. Le calcul du NMI par appariement n’a donné qu’un individu. Les ossements ne semblent pas avoir fait l’objet d’une réduction importante. Une mesure (DTfac. art. d) sur un radius a donné 93,7 mm. C’est une valeur assez proche de celle des aurochs mâles Scandinaves, pour les périodes préboréale et boréale (Degerböl, Fredskild 1970). Une partie distale de métatarse de 77,9 mm pour le diamètre transverse (DTdm) se situe encore au sein de la marge de variation de l’aurochs mâle d’Europe du Nord pour cette époque. La faiblesse des données ne permet pas d’être catégorique quant à l’attribution sexuelle de ce boviné, mais il semblerait que l’on ait affaire à un mâle.
439Le cerf, attesté par 22 restes, soit environ 16 %, est relativement peu représenté, compte tenu de son habituelle fréquence sur les gisements mésolithiques. La fragmentation des ossements est relativement faible comme le montre l’indice des poids moyens de 16,6 g/reste pour un calibre moyen de 4. Un individu au minimum a été décompté. La seule donnée métrique a été obtenue sur une M3 inférieure. Cette mesure ne permet pas d’estimer la stature, ni de déterminer le sexe de l’individu en présence.
440Le renard est caractérisé par 14 restes, tous brûlés. Toutes les parties squelettiques sont présentes, à l’exception du rachis et des bas de pattes. La présence de ces restes pose la question de la consommation de cette espèce. Y a-t-il eu consommation ou seulement prélèvement de la peau ? Quelle que soit la réponse, le renard a joué un certain rôle dans l’économie de chasse de cette occupation.
441Un fragment de phalange 3 de carnivore a été attribué pour sa grande taille à l’ours brun (Ursus arctos L.).
4.2.2.3 Mésolithique moyen
Niveau R2
442Sur un total de 1 428 restes, 208 ont pu être déterminés, soit un taux de 14,6 %. Le spectre est essentiellement composé des deux espèces reconnues classiquement dans les gisements de chasse de cette période : le cerf, suivi du sanglier. L’aurochs occupe également une bonne place avec plus de 16 % des déterminés et environ 50 % du poids total des restes (tabl. XXVI).
443Le cerf représente plus du tiers des espèces. Cette dominance est également confirmée par le poids total de ces restes qui avoisine les 30 %. Le calcul du NMI par appariement a donné deux cerfs d’âge adulte. Malgré le faible nombre de prises de mesures, quelques-unes révèlent un certain intérêt. C’est le cas d’un métacarpe entier de 272 mm de long ; cet os, de taille et de robustesse importantes, semble appartenir à un individu mâle. La taille au garrot a été estimée à 1,27 m (d’après les coefficients de Godynicki). Deux bois de massacre appartiennent à deux individus mâles.
444Le sanglier est attesté par 51 restes d’assez petite taille, indice d’une assez forte fragmentation. La représentation de cette espèce est largement surestimée, comme l’indiquent les 80 % de restes constitués de dents très fragmentées. Le calcul du NMI n’a donné qu’un seul individu âgé probablement de plus de 24 mois. Une canine, en très mauvais état, permet une attribution à un individu mâle. Quelques restes, composés d’un fragment d’occipital et de quelques dents, présentent des stigmates de chauffe.
445Moins bien représenté en nombre de restes que le sanglier, l’aurochs l’est largement plus par son poids. Les ossements de ce grand ruminant représentent environ 50 % de la masse totale de l’échantillon. L’indice de poids correspondant en est d’autant plus grand. Quatre individus, adultes ou subadultes, semblent avoir été chassés et préparés sur le site (NMI = 4). L’essentiel du squelette est représenté, pour une bonne part de l’échantillon, du membre supérieur et notamment de la scapula. Deux connexions anatomiques, l’une radio-ulnaire proximale et l’autre tarsienne, ont été reconnues (fig. 133).

FIG. 133
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Connexion radio-ulnaire d’aurochs.
446La bonne conservation des restes de ce taxon a permis d’effectuer quelques mensurations. La comparaison avec le matériel boréal de Scandinavie (zone V et VI, Degerböl, Fredskild 1970) montre sans conteste la présence d’au moins un mâle. En effet, une scapula se situe exactement dans la marge de variation de l’aurochs mâle Scandinave (fig. 134 a). Cette attribution est confirmée par les différentes comparaisons de mesure sur un radius (fig. 134 b).

FIG. 134
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Aurochs, diagrammes de dispersion : a de la scapula ; b du radius.
447La présence du chevreuil est confirmée par 14 restes, pour la plupart dentaires ainsi que par des os de l’avant-bras et du tarse. Le NMI correspond à un individu adulte. Seul un fragment de métapode présente des traces de chauffe.
448Le castor est toujours attesté par quelques restes exclusivement dentaires.
449La fréquence des restes d’aurochs et de cerf peut être sensiblement augmentée par la considération des vestiges attribués aux groupes taxinomiques plus généraux comme celui des grands ruminants.
Niveau C1
450Le niveau C1 a livré moins de 200 restes osseux, parmi lesquels une vingtaine seulement ont pu être rattachés à un genre ou à une espèce (tabl. XXVII). La part des esquilles s’élève à 83 %.
451Le sanglier et le cerf sont ici les seuls taxons susceptibles d’être en relation directe avec une économie de chasse. Le sanglier est essentiellement attesté par les bas de pattes, les dents et quelques restes du membre supérieur (distum d’humérus et radius). Ces parties témoignent classiquement d’une préparation bouchère. Sommes-nous en présence d’une zone de déchet ? Un os pénien et un fragment de radius ont été attribués au genre Canis, puisqu’il était impossible de trancher entre le chien et le loup.
4.2.2.4 Mésolithique récent (niveau R1)
452Les vestiges osseux sont représentés par 2558 restes dont 226 ont été déterminés, soit environ 9 % du total. Il n’a été possible de déterminer spécifiquement que 172 restes (tabl. XXVI). Le poids total de l’échantillon, de plus de 12 kg, est constitué à plus de 80 % par les restes attribués, avec un indice de poids de 45 g/reste.
453Ce spectre faunique est exclusivement constitué d’espèces sauvages à l’exception d’un reste de chien, qui ne peut être en aucun cas classé dans l’une ou l’autre des séries, sauvage ou domestique. En effet, il faut tenir compte pour ces périodes de ses habitudes commensales (Poplin 1980).
454La liste de la faune est majoritairement constituée de grands artiodactyles dominés par l’aurochs et le cerf et dans une moindre mesure par le sanglier. La présence de carnivores est attestée par des restes dentaires.
455Une des originalités de cette occupation réside dans la forte proportion de l’aurochs habituellement peu représenté dans ce type d’occupation (Chaix et al. 1991). Il constitue la principale espèce avec 81 restes, soit environ 37,3 % des restes déterminés. Le poids des vestiges osseux, de 8,5 kg environ, confirme sans conteste sa dominance. La masse d’un bucrane n’a pas été intégrée au poids total, car il a fait l’objet d’un prélèvement en bloc ; cette découverte exceptionnelle donne un caractère singulier au gisement (fig. 135). Ce type de trouvaille, peu fréquente pour cette période, a également été faite sur le gisement d’Auneau (Eure-et-Loir), mais en contexte funéraire (Verjux 1992).

FIG. 135
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Bucrane d’aurochs, vue nuchale.
456La cheville osseuse du bucrane a été découverte posée sur la face frontale et orientée au nord. On constate une légère dissymétrie des pointes. La cheville droite montre un rayon de courbure sensiblement plus petit que le gauche. Le côté droit du bucrane est nettement moins bien conservé que le gauche. Cette différence de conservation est étonnante, car l’ensemble se situe dans le même contexte sédimentaire. En admettant que le résultat produit par les agents taphonomiques soit équivalent sur les pièces de mêmes structures, on pourrait imputer cette conservation sélective à des activités anthropiques ou animales. Dans tous les cas, la détérioration ne procède pas d’agents naturels (excepté animal).
457L’ensemble des vestiges de ce taxon appartient au minimum à trois individus dont le calcul a été effectué par appariement sur les restes dentaires. L’examen dentaire a permis d’identifier la présence de deux individus âgés de plus de 4 ans et d’un plus jeune. La totalité des os longs est épiphysée.
458La discrimination sexuelle a été effectuée, selon le principe des comparaisons biométriques (Driesch 1976 ; Chaix 1983 ; Degerböl, Fredskild 1970). Les mesures sur la cheville osseuse (cf infra annexe 3) montrent sans conteste l’appartenance de cet aurochs à un individu mâle ; la valeur relevée (723 mm) place cette pièce dans le haut de la marge de variation des aurochs mâles d’Europe (fig. 136).

FIG. 136
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Chevilles osseuses d’aurochs (L. courb. ext.), mesures discriminantes du sexe.
459Un tarse droit (talus, calcanéum et centrotarsal) a été retrouvé en connexion lâche. Les dimensions prises sur le talus et le centrotarsal montrent une incompatibilité sexuelle. Le talus se situe parfaitement dans les marges de variations de l’aurochs mâle tandis que le centrotarsal appartiendrait plutôt à une femelle (fig. 137, 138).

FIG. 137
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Talus d’aurochs, mesures discriminantes du sexe.

FIG. 138a
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Centrotarsal d’aurochs, mesures discriminantes du sexe.

FIG. 138b
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Centrotarsal d’aurochs, mesures discriminantes du sexe.
460Deux phalanges, antéro-internes (1) et post-externes (2), ont fourni quelques données métriques. Elles sont caractéristiques d’un individu femelle. Les phalanges, toutes deux totalement épiphysées, indiquent un adulte (fig. 139).

FIG. 139
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Phalange 1 d’aurochs, mesures discriminantes du sexe.
461Trois individus ont été décomptés, l’un mâle, l’autre femelle, tous deux adultes, et le troisième est probablement un jeune adulte. Une mandibule avec une 4e prémolaire lactéale assez usée confirme la jeunesse de l’individu.
462Le cerf est la deuxième espèce représentée avec 57 restes, soit environ 26 % des déterminés. Ce taxon représente plus de 1,3 kg pour un poids moyen par reste de 23 g (tabl. XXVI). De nombreux bois ont été récoltés ; la plupart correspondent à des bois de chute ramassés. En admettant qu’ils l’aient été lors de l’occupation, celle-ci se situe probablement au début de printemps.
463Malgré l’apparente bonne conservation des vestiges, très peu de mesures ont pu être prises. Un talus mesure 57,9 mm de longueur externe pour 53,3 mm de longueur interne ; cette valeur se situe dans la marge d’incertitude proposée pour le cerf holocène de l’est de la France (Bridault 1993). La discrimination sexuelle est impossible à partir de cet os. En revanche, un mâle est attesté par un bois de massacre. Le NMI, calculé par appariement, donne au minimum deux individus.
464Seulement 21 restes ont été attribués au sanglier ; leur représentation en poids est remarquablement faible avec 19 g. Le poids moyen des restes, dans la quasi-totalité brûlés, est inférieur au gramme. Un seul individu est présent et une épiphyse de métapode isolée indique un âge de moins d’un an. La gracilité de quelques restes encore « lisibles », comme la fibula, confirme la jeunesse de cet individu. La majeure partie de l’échantillon provient des bas de pattes avec une bonne fréquence des phalanges et des métapodes. Le remontage de quelques-unes de ces phalanges toujours brûlées indique la pratique de fracturation de ces pièces.
4658 restes sont attribués au chevreuil, dont 3, appartenant au bas de pattes inférieures, présentent des traces de chauffe. Quelques dents et os longs constituent le spectre anatomique. Une 3e molaire inférieure usée appartient à un individu déjà adulte (NMI = 1).
466Les canidés ne sont attestés que par des restes dentaires : le loup par un fragment de canine et deux M1, une inférieure, l’autre supérieure, et le renard par une prémolaire. Une carnassière inférieure déjà usée a été attribuée au chien (Canis familliaris L.). Les mesures prises sur cette dent sont sans équivoque. Elles donnent une longueur (DAP) de 19,6 mm et une largeur (DT) de 8,0 mm. Celle du loup de ce niveau est de 27,9 mm et 11,8 mm. Le chien est connu sur de nombreux sites européens dès l’Allerød (Nobis 1979), mais la distinction entre le chien et le loup reste bien souvent délicate.
4.2.3 Répartition anatomique des restes
4.2.3.1 Mésolithique ancien
Niveau R4
467Malgré une conservation assez moyenne et une importante fragmentation des ossements de sanglier, il est assez étonnant de constater l’existence d’une symétrie latérale bien respectée qui nous renseigne sur le mode de partage des carcasses et la nature des pratiques bouchères.
468L’analyse de la répartition par partie anatomique montre l’absence systématique du rachis dans sa totalité, ainsi que des bas de pattes au niveau des phalanges. Deux grandes zones anatomiques sont cependant surreprésentées : le squelette crânien et sa mandibule ainsi que le train avant, sans la ceinture scapulaire (fig. 140, 141). Les observations sur les os longs (fig. 142) mettent en évidence la fragmentation des humérus et des radio-ulnas, caractérisée par l’absence des proximaux d’humérus et des distaux de radio-ulnas. Cette absence n’est en aucun cas liée à une disparition naturelle de ces parties. En effet, les traces observées sur les diaphyses attestent une réduction de l’os frais. Le cas du membre inférieur est moins explicite malgré la plus forte représentation de la partie distale du fémur. La partie tibiale est caractérisée par une représentation à peine plus forte de la zone distale.

FIG. 140
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Répartition des parties anatomiques du sanglier.

FIG. 141
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Représentation des parties anatomiques du sanglier (en noir).

FIG. 142
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Présence et absence des parties des os longs de sanglier.
469Le spectre anatomique du cerf est sensiblement identique à celui du sanglier, avec une absence systématique du rachis. Les éléments les mieux représentés sont les métapodes et les os carpiens, suivis des os du bras et du squelette crânien et mandibulaire (fig. 143). Les extrémités des os longs sont rares, et seuls quelques humérus et radio-ulnas montrent une fracturation volontaire de leurs zones proximale et distale. Les os de grande taille sont ainsi souvent réduits, naturellement ou non, à des fragments de diaphyses qu’il est parfois difficile d’attribuer spécifiquement ou de latéraliser. Ce fait explique la fréquence parfois élevée de restes attribués à la catégorie des grands ruminants.

FIG. 143
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Répartition des parties anatomiques du cerf.
Niveau C2
470Chez le cerf, toutes les parties du squelette sont représentées, à l’exception des côtes et du rachis (fig. 144). Le membre postérieur ainsi que les bas de pattes, les plus fréquents, sont suivis par les parties crânienne et dentaire. La théorie voudrait que les parties de la tête, productrices d’un grand nombre de restes, soient largement majoritaires, à l’instar des zones appendiculaires. Ce phénomène n’est évidemment pas vérifié ici, il est au contraire totalement inversé. On remarque également que la répartition anatomique du sanglier est, qualitativement et au NMI près, comparable à celle du cerf, sans pourtant reproduire les mêmes différences de rapports entre les parties (fig. 145). Chez ce dernier, la nature de ces disproportions provient sans aucun doute de la forte fragmentation des restes des os longs et de la grande quantité des pièces podiennes dans le squelette.

FIG. 144
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Répartition des parties anatomiques du cerf.

FIG. 145
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Répartition des parties anatomiques du sanglier.
471Ainsi, il est possible d’envisager un traitement différent, selon qu’il s’agisse du cerf ou du sanglier.
4.2.3.2 Sauveterrien ancien (niveau R3)
472Les principales parties squelettiques de sanglier recueillies sont la tête et le membre inférieur. La partie crânienne est surtout représentée par des dents isolées ou en connexion à des fragments de maxillaire ou de mandibule. Le rachis, les côtes ainsi que la zone proximale des tibias sont totalement absents du dépôt (fig. 146 a). Bien que cette partie de l’os soit d’une faible résistance aux agents édaphiques et climatiques (Binford 1981), son absence s’explique par une activité anthropique caractérisée par des stigmates de fracturation sur os frais.

FIG. 146
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Représentation des parties anatomiques : a du sanglier ; b de l’aurochs ; c du cerf.
473L’essentiel des vestiges d’aurochs consiste en des dents isolées et en quelques os de bas de pattes. La présence d’un fragment d’atlas résulterait d’une décapitation de l’animal sur le site (fig. 146 b).
474La répartition des parties anatomiques du cerf est sensiblement la même que pour l’aurochs avec toutefois une plus grande proportion de restes dentaires. Le squelette rachidien n’est jamais représenté ainsi que les ceintures et une grande partie du bras et de la cuisse (fig. 146 c).
4.2.3.3 Mésolithique moyen (niveau R2)
475Toutes les parties du squelette du cerf sont présentes, à l’exception du rachis et de la cage thoracique. L’absence de cette dernière n’est pas nécessairement liée à sa faible résistance aux agents taphonomiques. Elle résulterait d’un traitement boucher particulier (Binford 1978 ; Bridault 1993). Il faut également noter la quasi-absence de restes crâniens, malgré la présence de deux bois de massacre (fig. 147). Les trains avant et arrière sont remarquablement bien représentés, la cuisse et le bras par leurs zones distales tandis que la jambe et l’avant-bras le sont par toutes les parties.

FIG. 147
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Répartition des parties anatomiques du cerf.
476La plupart des os longs ont été fracturés et présentent quelques traces de désarticulation et de coups de sectionnement en relation avec un débitage des carcasses sur le site. En revanche, l’absence de zones brûlées laisse supposer que le cerf n’a pas été consommé sur place.
477Le sanglier est représenté à plus de 70 % par des restes crâniens et dentaires, souvent fragmentés. On note l’absence systématique de l’axe vertébral et la présence de quelques vestiges de bas de pattes.
4.2.3.4 Mésolithique récent (niveau R1)
478L’ensemble du squelette de l’aurochs est attesté, à l’exception des vertèbres caudales et des phalanges 3. Mis à part le tibia, qui semble être la pièce la mieux représentée, aucune autre ne paraît être en sureffectif (fig. 148, 149). Les pièces mandibulaires bien attestées sont généralement bien conservées. Les ossements du bras portent les traces de sectionnement intentionnel de leurs parties distales. Le rachis est représenté par tous les types de vertèbres, notamment l’atlas et l’axis ; les vertèbres cervicales, les plus nombreuses, sont probablement le fait d’une décapitation sur le site.

FIG. 148
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Répartition des parties anatomiques de l’aurochs.

FIG. 149
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Représentation des parties anatomiques de l’aurochs (en noir).
479Le cerf est caractérisé par une abondance d’éléments crâniens, de fragments de mandibules et de dents, avec un pourcentage voisin de 40 % (fig. 150). Le rachis est principalement représenté par les cervicales, dont l’atlas et l’axis qui peuvent être les indicateurs d’une décapitation sur le site. Notons également la présence d’une vertèbre thoracique. Le membre inférieur n’est représenté que par les bas de pattes. L’existence de deux phalanges 3 est sans doute liée à un dépeçage de l’animal sur place. La présence de l’atlas-axis et des phalanges 3 permet de penser que les cerfs abattus ont été acheminés sur le site en entier et non dépecés.

FIG. 150
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Répartition des parties anatomiques du cerf.
480La majeure partie des restes de sanglier provient des bas de pattes avec une bonne fréquence des phalanges et des métapodes. Le remontage de quelques-unes de ces phalanges, toujours brûlées, montre la fracturation volontaire de ces pièces.
4.2.3.5 Comparaison diachronique des données anatomiques du cerf et du sanglier
481Comme l’a montré l’étude de la faune du niveau C2 de Choisey, il existe entre les deux principales espèces que sont le cerf et le sanglier des différences notables concernant la fréquence de certaines parties anatomiques. Ces fréquences sont en grande partie liées au NMI, important si l’on considère le NR. C’est pourquoi l’ensemble des données sera sous la forme NR/NMI, ceci afin d’établir des comparaisons entre sites en pourcentage (NR/NMI). L’objectif de cette étude est de tenter, en comparant ces deux espèces, d’aborder le problème de la gestion des produits de la chasse. Les éléments de comparaison sont issus des couches A4, A3 et A2 du site de Rochedane dans le Doubs, les seules dont les données soient suffisamment détaillées pour être confrontées.
482On constate tout d’abord que, quelle que soit l’espèce, les diagrammes de répartition anatomique sont relativement identiques du Mésolithique ancien au récent (fig. 151). Chez le sanglier, la grande majorité des restes est constituée par les parties crâniennes, suivies par celles du membre antérieur et enfin par celles du membre postérieur. Chez le cerf, ces trois grandes parties anatomiques sont également dominantes avec toutefois un plus faible taux de présence du crâne et des dents tandis que le membre postérieur domine légèrement. Les séries dentaires doivent être considérées avec toutes les réserves qu’impose la variabilité, selon l’espèce, du nombre de dents et de la fragilité du crâne. En revanche, ces caractères n’expliquent pas les variations quantitatives des autres parties du squelette. Bien que tout différencie un cerf d’un sanglier, ils possèdent tous deux le même nombre d’os longs (métapodes exceptés) et une résistance relativement identique. À partir du moment où des variations numériques entre les mêmes parties anatomiques de ces deux espèces sont observées dans un même contexte sédimentaire, il est possible d’envisager un traitement différentiel de ces parties. La figure 152 illustre de manière simplifiée les tendances générales des fréquences des parties. Jusqu’au membre inférieur, ces tendances sont décroissantes au sein des deux espèces. Une différence apparaît au niveau du membre inférieur, mieux représenté chez le cerf que chez le sanglier, ce qui traduit une plus grande fragmentation de ces parties chez le premier. Ces données pourraient ainsi refléter une gestion du membre inférieur différente selon les espèces.

FIG. 151
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Représentation diachronique des parties anatomiques du sanglier (a) et du cerf (b) ; A gisement de Rochedane ; C Choisey.

FIG. 152
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Représentation diachronique simplifiée des parties anatomiques du sanglier et du cerf ; A gisement de Rochedane ; C Choisey.
4.2.4 Essai de reconstitution du dépôt osseux d’origine
483L’objectif de cet essai est de tenter d’évaluer la perte d’informations liées à la disparition du matériel osseux sur la majorité des sites préhistoriques. Nous proposons de reconstruire un dépôt initial « virtuel » ou théorique, qui permettrait de réajuster la valeur des données ostéologiques et ainsi de mieux appréhender les problèmes de gestion des ressources carnées. Nous entendons par « dépôt initial » la situation des vestiges au sol après l’abandon du site et avant l’action des effets destructeurs des agents édaphiques et climatiques.
4.2.4.1 Méthode de reconstitution du dépôt initial théorique
484Les différents échantillons obtenus dans toutes les périodes sont caractérisés par la présence de nombreuses esquilles indéterminées (de 80 à 90 %). La situation de plein air des occupations conditionne en grande partie l’état de conservation des vestiges. Le matériel, généralement altéré, suggère la fonte des restes les moins résistants.
485La principale question qui découle de ces constatations est la détermination du rôle plus ou moins actif du facteur humain et naturel dans la composition de l’assemblage osseux mis au jour. Afin d’appréhender ce problème délicat, nous nous sommes inspirés de divers travaux (Binford 1978 ; 1981 ; Bridault 1991). La méthodologie exposée est directement tirée de récentes études menées sur le site néolithique de La Roche aux Pêcheurs à Villers-le-Lac, dans le Doubs. La finalité de cette méthode est d’établir un schéma théorique des parties du squelette à l’origine du dépôt ainsi que de mettre en évidence celles qui ont été prélevées et transportées ou simplement consommées.
486Les différentes études ethnologiques de L.R. Binford à propos des populations Nunamiut ont pour but de présenter des données expérimentales réalisées sur le caribou. Elles ont permis d’élaborer un corpus de comparaison utile à l’archéozoologie. Tout d’abord, une analyse poussée a permis, pour le caribou, de quantifier la valeur alimentaire de chaque partie anatomique (Binford 1978). Des travaux ultérieurs ont rationalisé la connaissance de la résistance des ossements aux agents destructeurs, édaphiques, climatiques ou liés aux espèces carnivores (Binford 1981 ; Lyman 1984). Le principe est de comparer ce corpus expérimental aux données archéologiques recueillies et de tirer des tendances générales pour la compréhension de la dynamique du dépôt initial. Deux niveaux d’analyse sont envisageables.
487Le premier a pour but de mettre en évidence la part des effets naturels sur l’assemblage archéologique. On comparera un à un le rang de présence de chaque partie du squelette avec la valeur de son espérance de vie (% de survie) obtenue expérimentalement (Binford 1981 : tabl. 2.04). Nous avons volontairement exclu les données concernant les maxillaires et les mandibules qui, par leur composition (os et dents), ne peuvent être considérés comme un élément de même nature (Lena 1995).
488Comme c’est souvent le cas en archéozoologie ou dans d’autres disciplines, l’analyse se trouve confrontée à des problèmes de quantification. Il s’agit ici d’adopter une base de calcul ne faussant pas l’intégrité de l’échantillon récolté. Deux méthodes peuvent être utilisées.
489Quantification par les fréquences relatives des parties squelettiques : cette méthode consiste à calculer un nombre de parties squelettiques à partir de l’échantillon archéologique et de le comparer au nombre attendu et théorique de ces mêmes parties (Grigson, Mellars 1987). Ce nombre théorique est calculé sur la base d’un individu entier multiplié par le NMI. Ainsi, par exemple, pour 5 individus d’une même espèce, on décompte 4 humérus droits, le nombre de cette partie attendu théorique est de 5, soit une fréquence relative de 4/5 (x 100) pour cette pièce, soit 80. Cette méthode a le grand avantage de corriger les effets de la fragmentation, mais elle admet dès le départ que la totalité de l’animal a été déposée sur le site.
490Utilisation du NR comme base de calcul : cette méthode est liée à une erreur de quantification, car elle a tendance à surestimer les os les plus fragmentés (Bridault 1991), mais elle ne préjuge pas des dépôts sur le site.
491Aussi chaque méthode présente-t-elle ses avantages et ses inconvénients. Tandis que la première offre une bonne approche quantitative, mais une lourde erreur méthodologique, la seconde produit des résultats totalement opposés. Choisir entre l’une ou l’autre des méthodes, c’est opter pour une erreur qualitative (méthode des fréquences) ou une erreur quantitative (méthode du NR). Comme l’étude que nous proposons ne donne pas de résultats chiffrés directement utilisables, nous adopterons une base de travail fondée sur le NR. Aussi le rang de présence (RP) sera-t-il calculé d’après le nombre de restes de chaque taxon. Il sera ensuite rapporté à une échelle qui correspond au meilleur rang de présence (RP), qui fera office de rang maximal. La comparaison des SP (survival percentage, Binford 1981) et des RP donne la possibilité de s’orienter vers une dynamique taphonomique naturelle ou anthropique : par exemple, un RP proche du SP tend à montrer une logique naturelle de disparition.
492Dans un second temps, on croisera les précédentes données avec celles de leurs valeurs alimentaires, afin de juger de la part des activités anthropiques. En effet, en associant à la fois les données de résistance ostéologique (Binford 1981), la fréquence des parties anatomiques sur le site et enfin leurs valeurs alimentaires (MGUI), on peut interpréter les tendances anthropiques sur les espèces considérées. Ces tendances sont synthétisées en trois catégories : prélevé et consommé, abandonné et disparu, et enfin abandonné et récolté lors de la fouille.
4.2.4.2 Application de la méthode sur le niveau R4
493Il est évident que la conservation différentielle est un problème majeur qui doit être abordé, avec le plus de précision possible, afin de permettre une définition cohérente du dépôt initial. Nous ne développerons cette analyse que sur les deux espèces prédominantes du site : le sanglier et le cerf.
Le sanglier
494Malgré sa taille, cette espèce ne peut être comparée au caribou sans remarque préalable. La résistance des ossements est liée à la fois à la taille et à l’âge des individus (Berhensmeyer 1978). Il faudra admettre la possibilité d’une comparaison de la résistance des parties anatomiques du sanglier et du caribou, compte tenu de l’inadéquation des tailles.
495La plupart des parties anatomiques ne respectent pas l’ordre des rangs donnés par les SP du caribou (tabl. XXVIII). Peu de corrélations sont à noter, mis à part dans le haut du tableau et pour la scapula. Seules quelques parties sont susceptibles de suivre une logique de disparition naturelle (post ou paradépositionnelle). En croisant les données de résistance (SP), de présence et de valeurs économiques des parties anatomiques (Binford 1978 : 74), il est possible de produire des éléments contribuant à la connaissance du dépôt original (tabl. XXIX).
Caribou | SP | Sanglier | RP |
Phalanges 3 | 10 | Phalanges 3 | 0 |
Phalanges 2 | 13 | Humérus proximal | 0 |
Humérus proximal | 17 | Côtes | 0 |
Phalanges 1 | 17 | Vert. cervicale | 0 |
Côtes | 25 | Vert. thoracique | 0 |
Carpiens | 25 | Axis | 0 |
Tibia proximal | 25 | Atlas | 0 |
Vert. cervicale | 31 | Phalanges 1 | 5,6 |
Fémur distal | 35 | Tibia proximal | 5,6 |
Vert. thoracique | 36 | Fémur proximal | 5,6 |
Talus | 36 | Vert. lomb. | 5,6 |
Calcaneus | 36 | Phalanges 2 | 11,1 |
Métapodes | 38 | Radio-ulna distal | 11,1 |
Tarsiens | 40 | Talus | 16,7 |
Radio-ulna proximal | 41 | Carpiens | 22,2 |
Vert. lombaire | 49 | Calcaneus | 22,2 |
Radio-ulna distal | 50 | Pelvis | 22,2 |
Axis | 54 | Scapula | 27,8 |
Scapula | 54 | Tibia distal | 27,8 |
Humérus distal | 58 | Métapodes | 38,9 |
Atlas | 71 | Tarsiens | 50,0 |
Tibia distal | 71 | Radio-ulna proximal | 83,3 |
Pelvis | 88 | Humérus distal | 100 |
TABL. XXVIII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Comparaison de la résistance des parties anatomiques du sanglier et du caribou.

TABL. XXIX
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Reconstitution du dépôt originel des restes de sanglier.
496Lors de l’occupation de ce niveau archéologique, il semblerait qu’un tri sélectif ait été fait (fig. 153). Plusieurs sections anatomiques ont été abandonnées sur le site, sans nécessairement nous être parvenues : la partie distale de l’humérus, le radius proximal, le carpe et tout le membre postérieur à partir du distum du fémur. En revanche, la scapula et l’humérus proximal, le squelette axial, le coxal et le proximum du fémur ont été prélevés, soit dans un but de consommation sur place, soit dans celui d’un transport de ces parties. Le dépeçage sur le lieu de chasse expliquerait l’absence des phalanges, sauf si celles-ci ont naturellement disparu.

FIG. 153
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Schéma du dépôt initial théorique : a parties anatomiques prélevées ou consommées ; b parties anatomiques abandonnées et disparues ; c parties anatomiques abandonnées et conservées.
Le cerf
497Les remarques faites sur la taille du sanglier sont caduques pour le cerf. De plus, les trois individus au minimum sont tous adultes ou subadultes.
498On peut constater l’absence de nombreuses pièces et la grande proportion de carpiens et de métapodes. Les premiers rangs du tableau semblent présenter de bonnes corrélations avec les données du caribou, ce qui, à ce stade de l’étude, conforterait l’idée d’une fonte importante du matériel (tabl. XXX).
Caribou | SP | Cerf | RP |
Phalanges 3 | 10 | Phalanges 3 | 0 |
Phalanges 1 | 17 | Vert. thoracique | 0 |
Carpiens | 25 | Atlas | 0 |
Tibia proximal | 25 | Tibia proximal | 0 |
Vert. thoracique | 36 | Phalanges 2 | 0 |
Talus | 36 | Radio-ulna distal | 0 |
Calcaneus | 36 | Fémur distal | 0 |
Métapodes | 38 | Pelvis | 0 |
Tarsiens | 40 | Vert. cervicale | 4 |
Radio-ulna proximal | 41 | Phalanges 1 | 4 |
Vert. lombaire | 49 | Scapula | 4 |
Radio-ulna distal | 50 | Talus | 8 |
Axis | 54 | Tarsiens | 8 |
Scapula | 54 | Calcaneus | 16 |
Atlas | 71 | Radio-ulna proximal | 48 |
Tibia distal | 71 | Carpiens | 96 |
TABL. XXX
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Comparaison de la résistance des parties anatomiques du cerf et du caribou.
499Les modalités de dépôts concernant les restes de cerf sont sensiblement les mêmes que celles du sanglier (tabl. XXXI). L’absence de l’atlas et de l’axis, résistants aux agents destructeurs, est insuffisante pour attester une opération de décapitation hors du site. Malgré l’absence de nombreuses parties anatomiques, il est probable que les cerfs abattus ont été rapportés sur le site en entier ou sous forme de carcasses non débitées.
Parties anatomiques | Résistance | Présence | Valeur éco. (MGUI) | Remarques |
Atlas-Axis | bonne | absence | mauvaise | Peut-être lié à la séparation tête/corps |
Vertèbres cervicales | moyenne | absence | mauvaise | |
Vertèbres thoraciques | moyenne | absence | bonne | |
Côtes | mauvaise | absence | bonne | |
Vertèbres lombaires | moyenne | mauvaise | mauvaise | |
Scapula | bonne | bonne | bonne | |
Humérus distal | bonne | bonne | mauvaise | |
Humérus proximal | mauvaise | absence | bonne | Partie délibérément supprimée |
Radio-ulna proximal | moyenne | bonne | mauvaise | |
Radio-ulna distal | moyenne | moyenne | mauvaise | Partie délibérément supprimée |
Carpes | mauvaise | moyenne | mauvaise | |
Pelvis | bonne | moyenne | bonne | |
Fémur proximal | moyenne | mauvaise | bonne | |
Fémur distal | moyenne | moyenne | mauvaise | |
Tibia proximal | mauvaise | mauvaise | mauvaise | |
Tibia distal | bonne | bonne | mauvaise | |
Talus | moyenne | moyenne | mauvaise | |
Calcaneus | moyenne | moyenne | mauvaise | |
Tarses | moyenne | bonne | mauvaise | |
Métapodes | moyenne | moyenne | mauvaise | |
Phalanges 1 | mauvaise | mauvaise | mauvaise | Peut-être lié au dépeçage |
Phalanges 2 | mauvaise | moyenne | mauvaise | Peut-être lié au dépeçage |
Phalanges 3 | mauvaise | absence | mauvaise | Peut-être lié au dépeçage |
Phalanges 3 | mauvaise | absence | mauvaise | Peut-être lié au dépeçage |
TABL. XXXI
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Reconstitution du dépôt initial des restes de cerf.
4.2.5 Les activités anthropiques
4.2.5.1 Mésolithique ancien
Niveau R4
500Les actions anthropiques se manifestent de différentes manières : chauffage, traces en creux et réduction de l’os.
501Environ 64 % des restes présentent des traces de carbonisation qui sont de deux sortes : blanches et noires. Elles attestent, pour les premières, une combustion longue et/ou intense et, pour les secondes, une combustion courte et/ou de faible intensité. La quasi-totalité des restes brûlés (99 %) se distribue dans la classe de calibre 1 (entre 0 et 10 mm) pour un poids moyen de 0,4 g avec une bonne représentation des vestiges brûlés à blanc, soit 88 % (tabl. XXXII).

TABL. XXXII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Répartition des esquilles brûlées.
502Peu de restes déterminés présentent des traces de carbonisation ou de traces de découpe (fig. 154). La faible proportion de ces dernières est sans doute liée au mauvais état de surface des os, ce qui n’a permis de lire que les marques de forte pénétration.

FIG. 154
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Localisation des traces en creux et de carbonisation : a sur le sanglier ; b sur le cerf.
503Certains ensembles osseux examinés lors de la fouille ont montré, sans stigmates visibles, une activité anthropique. Une mandibule de sanglier très endommagée semble avoir été disloquée avant son dépôt. Il s’agit probablement d’une opération visant au prélèvement de la langue. L’examen en laboratoire n’a pas permis de vérifier cette hypothèse (fig. 155). 26 fragments d’os longs présentent des stigmates de cassures sur os frais, avec, sur certains, la marque du coup porté. Ces opérations, généralement visibles sur les humérus et les radius, visent une réduction de la partie proximale pour l’humérus et distale pour le radius. Quelques fractures de ce type ont été également décelées sur le tibia et le fémur.

FIG. 155
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Restes de sanglier, dépôt après dislocation.
504Une large entaille a été observée sur un merrain de bois de cerf correspondant probablement à une opération de sciage.
Niveau C2
505Les vestiges osseux brûlés représentent 34 % de l’échantillon de ce niveau, parmi lesquels dominent les esquilles brûlées à blanc avec 30 % de l’ensemble des restes osseux et 80 % du matériel brûlé. Les os déterminés carbonisés sont faiblement représentés, avec environ 25 restes, parmi lesquels domine le cerf (tabl. XXXIII).

TABL. XXXIII
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Répartition des esquilles brûlées.
506Les différentes marques anthropiques de réduction de l’os se limitent à l’observation de rares traces en creux et à quelques indices de fractures intentionnelles.
4.2.5.2 Sauveterrien (niveau R3)
507L’action humaine est représentée par la chauffe d’ossements de sangliers et par la fracturation intentionnelle de quelques os longs. Aucune trace en creux n’a été relevée.
508Sur les 1 146 restes osseux que compte ce niveau, 768 possèdent des traces de chauffe, soit environ 67 %. Le calibre de ces restes brûlés est à 96 % dans la classe 1 pour un poids moyen de 0,4 g. Les os brûlés-blanc sont six fois mieux représentés que les vestiges brûlés-noir (tabl. XXXIV).

TABL. XXXIV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Répartition des esquilles brûlées.
50960 restes environ, soit 5 % du NR total, possèdent des stigmates de fracturation sur matière fraîche. Les vestiges qui ont subi cette réduction sont généralement de deux catégories. La première est constituée de témoins de petite taille, ne dépassant pas les 20 mm, et la seconde d’éléments de taille supérieure à 50 mm. L’essentiel de ces traces a été identifié sur les os longs, notamment sur les tibias pour le sanglier et sur les métapodes pour les grands ruminants.
4.2.5.3 Mésolithique moyen
Niveau R2
510Dans ce niveau, les activités anthropiques sont uniquement caractérisées par des marques de chauffe, exclusivement sur les restes de sanglier (tabl. XXXV). L’essentiel des traces se situe sur le crâne et sur une extrémité de radius.

TABL. XXXV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Répartition des esquilles brûlées.
Niveau C1
511La faible quantité de restes de ce niveau minimise la signification des observations. Ici, plus de 75 % des vestiges ont été portés au feu (tabl. XXXVI). S’agit-il d’une caractéristique de l’ensemble du niveau ou simplement un fait lié à l’échantillonnage imposé par la surface de fouille ? Dans tous les cas, cette grande proportion de vestiges osseux brûlés s’oppose radicalement aux autres indices anthropiques. Malgré la conservation d’esquilles de grandes tailles, aucune marque de boucherie ou de préparation n’a été identifiée, seule une trace de sciage a été observée sur un distum d’humérus de cerf.

TABL. XXXVI
Choisey/Aux Champins. Niveau C1. Répartition des esquilles brûlées.
4.2.5.4 Mésolithique récent (niveau R1)
512Les trois quarts des restes sont brûlés, parmi lesquels plus de 78 % attestent un chauffage intense. La taille de ces vestiges est en moyenne assez petite ; ils ne dépassent que très rarement les 30 mm (tabl. XXXVII). On peut également ajouter que, quel que soit le type de chauffage, les calibres et les indices sont quasiment identiques. Plus de 12 % des restes portent des stigmates d’activités sur os frais.

TABL. XXXVII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Répartition des esquilles brûlées.
4.2.5.5 Synthèse des activités anthropiques
513Sur les 6 niveaux reconnus, les ossements portent fréquemment des stigmates de chauffage. Les autres indices, très ténus, rendent assez délicate la reconnaissance de techniques particulières de découpe ou plus généralement de gestion des carcasses. Ainsi, les principales données liées à la transformation des animaux chassés sont apportées par les traces de chauffe.
514Il est surprenant de constater l’importante similitude qui existe entre les différents niveaux, si l’on considère le croisement entre NR brûlés et calibres (tabl. XXXVIII). Une distribution identique s’observe tant sur le plan chronologique que sur celui des calibres. Les grands ossements (à partir de 40 mm) ne présentent jamais ou très rarement de carbonisation.

TABL. XXXVIII
Répartition des esquilles brûlées par catégorie et par niveau.
515L’idée qu’un processus puisse se reproduire durant le temps et l’espace permet d’engager une réflexion sur les habitudes de traitement des carcasses au Mésolithique. En effet, la question de l’origine des esquilles brûlées pose celle de la nature des activités domestiques productrices de ce type de restes. Ces activités qui impliquent l’utilisation des foyers sont liées à l’alimentation sous des formes pouvant être très diverses. Les accumulations d’ossements brûlés, structurées ou non, sont généralement considérées comme les reliquats de différents gestes quotidiens d’hygiène. Or, on connaît assez mal le déroulement des activités génératrices de ces vestiges. À quel niveau de la transformation de l’os intervient le passage au feu : avant ou après la fracturation intentionnelle des pièces osseuses ? Quelle est la relation qui existe entre ossements brûlés et non brûlés ?
516La comparaison des calibres des ossements chauffés et non chauffés montre qu’il y a une relative homogénéité dans la taille et la forme. Aussi, retrouve-t-on pour chaque niveau une distribution quasi identique dans les différents calibres. Ces considérations de forme peuvent rendre compte d’une chaîne de traitements de réduction de l’os qui aboutit aux mêmes résultats, quel que soit le type d’esquilles. Aussi, peut-on poser l’hypothèse que le passage au feu des vestiges osseux ne se produit que lorsque ceux-ci sont déjà sous la forme d’esquilles. La réduction des grands ossements se produirait donc systématiquement avant le dépôt dans le foyer (on observe d’ailleurs que les gros ossements conservés ne présentent jamais de marques de chauffe).
517Cette dernière observation permet d’engager une réflexion sur les modalités de réduction très poussée des ossements pour ces périodes. En effet, le produit de la fragmentation des os entiers ou quasi entiers avant le chauffage offre deux possibilités de profit. Les esquilles non brûlées peuvent être utilisées dans le cadre d’activités diverses, notamment alimentaires. Les esquilles pourraient être brûlées dans un but purement sanitaire (fig. 156).

FIG. 156
Schéma synthétique du processus d’esquillement.
518Il est évidemment difficile de trancher entre l’une ou l’autre des hypothèses. En introduisant la notion de rentabilité maximale, l’hypothèse d’un usage alimentaire paraît probable. Cependant, l’utilisation alimentaire, par bouillon et extraction de la graisse entre autres, ne peut être imputée à un besoin biologique de matière grasse, compte tenu qu’il est possible d’obtenir ces lipides directement sur les parties molles. Cette pratique pourrait correspondre à des préoccupations gustatives. Un problème réside dans le nombre d’esquilles d’épiphyses également plus nombreuses dans les fragments non brûlés. Peut-être s’agit-il de restes issus des extrémités d’os longs de quartiers de viandes préparées à la broche et enfin fragmentées. Ce mode de cuisson semble être anecdotique, vu le type de préparation auquel nous avons affaire. En effet, pour libérer la diaphyse en vue de sa réduction, la décarnisation est nécessaire et il est donc probable que la viande était cuisinée désossée.
4.2.6 Synthèse et comparaisons
519Comme dans la plupart des gisements mésolithiques, à Ruffey-sur-Seille et à Choisey moins de 20 % des restes ont pu être déterminés.
520La fragmentation des ossements suit le même processus du Mésolithique ancien au Mésolithique récent. Elle est caractérisée par une quantité importante de restes de taille inférieure à 10 mm. Les études de fragmentation sur les esquilles brûlées et non brûlées confirment cette récurrence diachronique. Il a toujours été observé sur ces sites une proportion énorme de vestiges brûlés de fort chauffage (blanc), qui disparaît à partir du seuil des 20 mm. En revanche, la proportion des restes non brûlés est stable, quelle que soit leur taille. Y a-t-il eu fragmentation préférentielle d’une partie ou d’une autre de l’os ? Les données sont insuffisantes pour y répondre précisément. Il semblerait que la réduction des diaphyses soit plus poussée que celle des épiphyses.
521Pourquoi une telle réduction des ossements ? L’hypothèse la plus commune explique ce phénomène par la consommation de la matière grasse des os. En tenant cette hypothèse pour vraie, elle n’explique cependant pas la forte proportion des restes brûlés. En effet, la récupération de la matière grasse contenue dans les os ne peut s’obtenir que par bouillon, ce qui ne laisse pas de trace de chauffage. Il est probable qu’après le passage au bouillon et la récupération de la graisse, les esquilles sont rejetées dans un foyer.
522Les occupations reconnues sur les deux sites sont toujours dominées par les quatre espèces classiques pour ces périodes : le cerf, le sanglier et l’aurochs ou encore le chevreuil pour le niveau C2 (tabl. XXXIX). Bien que toujours présentes, elles n’apparaissent pas dans les mêmes proportions et surtout elles ne semblent pas, d’un point de vue diachronique, posséder la même vocation. Nous avons choisi de ne traiter comparativement que la situation du cerf, du sanglier et de l’aurochs, qui sont les meilleurs représentants des faunes chassées sur les sites mésolithiques régionaux étudiés.

TABL. XXXIX
Comparaison du pourcentage et du nombre d’individus par niveau des sites de Choisey et de Ruffey-sur-Seille.
523La représentativité des faunes de Ruffey-sur-Seille est caractérisée par une inversion des proportions de sanglier et d’aurochs, alors que le cerf se maintient plus ou moins sur la totalité des 6 niveaux. L’aurochs est une espèce assez mal représentée pour cette époque. Il a été rarement identifié dans les spectres de faune des autres gisements (fig. 157). Aussi, sa forte présence au Mésolithique récent paraît-elle assez surprenante.

FIG. 157
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Représentativité des principales espèces du Mésolithique ancien au Mésolithique récent.
524Il ressort de la comparaison des différents ensembles de l’Epipaléolithique et du Mésolithique ancien des données assez semblables (tabl. XXXIX et fig. 158). L’essentiel des gisements de cette époque se caractérise par une forte présence du cerf comme c’est le cas dans le niveau C2 de Choisey. En revanche, quelques occupations s’opposent catégoriquement à ce schéma, comme R4 et R3 de Ruffey-sur-Seille, caractérisées par une large prédominance du sanglier. Dans tous les cas, on note une absence systématique ou une présence anecdotique de l’aurochs.

FIG. 158
Comparaison des principales espèces de l’Épipaléolithique et du Mésolithique ancien dans l’est de la France.
525Les sites du Mésolithique moyen reproduisent sensiblement le même schéma avec toutefois une plus grande variété illustrée notamment par le niveau R2 de Ruffey-sur-Seille (fig. 159). C’est au Mésolithique récent que la diversification des espèces chassées est la plus grande. Les gisements s’opposent très nettement par leurs spectres de faune (fig. 160). Le niveau R1 de Ruffey-sur-Seille, qui est sans doute le site de la moitié nord de la France où l’aurochs est le mieux représenté, s’oppose catégoriquement à la couche 5 des abris de Bavans, à la couche H de l’abri du Mannlefelsen ou encore au site de Larchant (Bridault, Bautista 1993), sur lesquels est attestée principalement la chasse du cerf mais surtout du sanglier.

FIG. 159
Comparaison des principales espèces du Mésolithique moyen dans l’est et le nord de la France.

FIG. 160
Comparaison des principales espèces du Mésolithique récent dans l’est et le nord de la France.
526À Ruffey-sur-Seille, l’évolution s’accompagne d’une variation du rôle de certaines espèces, illustrée en particulier par le sanglier. Au Mésolithique ancien, il constitue la ressource principale ; à partir du Sauveterrien ancien, il devient une ressource complémentaire au caractère fondamental, car c’est la ressource alimentaire du « quotidien ».
527À partir de cette période, le sanglier et les petites espèces comme le chevreuil ne semblent plus être transportés, mais consommés sur place. À l’inverse, les grandes espèces, comme l’aurochs, vont devenir les protagonistes d’une chasse préférentielle. Il semble qu’après le Mésolithique ancien la fréquentation de ce lieu ne soit plus liée à la chasse préférentielle du sanglier, mais davantage à celle des grands ruminants comme le cerf et l’aurochs.
528Les éléments anatomiques mis au jour sont diachroniquement sensiblement identiques. L’essentiel de ces vestiges est le produit des différentes préparations bouchères ainsi que de leur consommation. Jusqu’au Mésolithique récent, on constate une absence des parties rachidiennes et thoraciques, quelles que soient les espèces ; cette absence n’est pas nécessairement liée à la fonte de ces parties. L.R. Binford, dans ses travaux sur la population nunamiut (Binford 1978), a décrit une opération bouchère ayant livré des vestiges semblables à ceux de Ruffey-sur-Seille. Elle consiste à séparer la portion rachis cage thoracique du corps et à la transporter vers le lieu d’habitation, afin de la faire sécher. Cette technique appliquée au caribou peut l’avoir été sur les petits et les grands artiodactyles reconnus sur les gisements préhistoriques.
529Du Mésolithique ancien au Mésolithique récent, on constate une évolution dans la prédation, sans réelle modification de la diversité taxonomique, comme c’est généralement le cas sur les sites du nord et de l’est de la France (Bridault 1995 : 99). Cette évolution apparaît à la fois dans le choix de la faune, mais aussi dans la durée des occupations qui semblent diminuer. Le passage d’une chasse au sanglier à une chasse à l’aurochs rend compte du type de gibier rencontré à proximité de l’aire d’occupation et d’une modification de l’environnement. Ainsi, cette chasse préférentielle résulte-telle d’un choix délibéré ou simplement d’une adaptation aux ressources du secteur ?
4.3 La sépulture à incinération du niveau R2
I.L.
530Plus rares encore que les sépultures à inhumation, chaque nouvel ensemble d’os humains brûlés découvert contribue à étoffer notre connaissance des pratiques funéraires mésolithiques, ou du moins pousse à s’interroger sur la nature du témoignage encore énigmatique qu’apportent ces vestiges fugaces. Plusieurs questions se posent en effet : souvent mal brûlé, le défunt est-il vraiment engagé dans un processus de crémation ? Quel est en fait l’usage du feu ? Compte tenu de la discrétion des structures recélant des os brûlés, de leur caractère peu structuré, peut-on finalement considérer les quelques exemples de « dépôts cinéraires » connus comme des sépultures ?
4.3.1 Le défunt
4.3.1.1 L’état du matériel
531L’analyse anthropologique d’un squelette repose sur de nombreuses observations morphologiques et métriques, aussi s’applique-t-elle difficilement au matériel osseux incinéré. Le squelette, altéré et fragmenté lors de la crémation, n’est pas forcément intégralement ramassé et placé dans la sépulture, ce qui réduit en fin de compte l’approche biologique des ossements à l’énoncé des quelques indices anthropologiques disponibles.
532Le cas de la structure de Ruffey-sur-Seille est particulièrement ingrat : la sépulture ne comprend que 87 g d’ossements, alors qu’un squelette sec, complet, non incinéré, pèse entre 2 et 4 kg. Bien que la fouille minutieuse de l’amas osseux ait évité la fragmentation des restes osseux fissurés par la crémation, les os furent déposés déjà fortement fragmentés dans la tombe : le plus grand morceau de calotte crânienne n’atteint que 4 cm, la plus grande portion de diaphyse d’os longs dépasse à peine 6 cm.
533La dimension des fragments n’est pas sans conséquence car l’identification d’un fragment osseux, surtout lorsque celui-ci est brûlé, est étroitement liée à son état de conservation, notamment en ce qui concerne les os longs car l’absence d’une courbure spécifique du fût, d’une crête ou d’un trou nourricier limite la détermination de la diaphyse. Afin de minimiser la part des ossements indéterminés, nous avons travaillé avec des catégories anatomiques larges –crâne, tronc, membres identifiés, membres indéterminés, extrémités– ce qui n’excluait pas un inventaire plus précis, lorsque cela a été possible.
534La proportion d’os non déterminés atteint 4,6 % du poids total (4 g), la catégorie « membres indéterminés » représente 16 % (14 g), à laquelle s’ajoute celle « ulna/radius »1 qui regroupe 2,4 % (2 g) des fragments qui posent également des problèmes de détermination. Une part importante des vestiges (77,3 %) a néanmoins pu être identifiée avec plus de précisions. Leur poids respectif est indiqué dans le tableau XL. Notons que plus de la moitié des fragments provient du calva, zone aisément reconnaissable, même réduite à la dimension d’une esquille. Plus précisément, sont inventoriés des fragments du frontal (bosse orbitaire), de l’occipital, du pariétal (branche de l’artère méningée-bord inférieur) et du temporal (mastoïde gauche ?, portion du conduit auditif interne droit ?, secteur pétreux de la mastoïde, cavité glénoïde préglasérienne, écaille). On observe la présence de morceaux de diaphyses tibiales et fémorales et quelques sections de fibulas et de radius. En revanche, parmi les vestiges, ne se trouve aucune vertèbre, ni côte, ni éléments de ceintures scapulaire ou pelvienne.

TABL. XL
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Quantification des différentes parties anatomiques présentes dans l’incinération.
4.3.1.2 La caractérisation
535En l’absence de doublet ou de pièces incompatibles, les restes osseux appartiennent probablement à un seul individu. Aucun vestige animal n’a été reconnu.
536L’ensemble correspondrait à un sujet adulte d’après l’épaisseur de la calotte crânienne ou celle de la partie corticale des os longs. En ce qui concerne la diagnose sexuelle, l’imprécision est grande, car les critères les plus fiables, apportés par les coxaux, n’ont pu être observés. De même, les rares fragments de sutures disponibles se révèlent illisibles ou attribuables à la lambdoïde, suture qui se synostose tardivement, ou même jamais, ce qui ne contribue guère à cerner mieux l’âge du défunt (Masset 1982).
4.3.2 Composition de la sépulture
537Le bord de fosse est demeuré illisible, de sorte que la forme et les dimensions de la structure sépulcrale sont inconnues. Hormis une boule d’ocre de 2 cm et un petit éclat de silex placés sur les ossements, les éléments assemblés dans cette sépulture se réduisent pratiquement au défunt. Le sédiment de remplissage de la tombe ne contient ni charbon de bois ni autres traces du bûcher. Les vestiges humains se présentent sous la forme d’une concentration de forme grossièrement circulaire d’un diamètre de 13 cm environ (fig. 161, 162).

FIG. 161
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Vue de l’incinération avec l’effet de paroi sur la bordure sud.

FIG. 162
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2 Effet de paroi de l’amas osseux.
538L’aspect concentré de l’amas ainsi que sa forme permettraient, a priori, d’envisager l’existence d’un contenant périssable souple. Toutefois, il convient d’examiner les indices d’une contention laissés sur le pourtour de l’amas d’os car il a été montré, au cours d’une reconstitution expérimentale, que des os déversés sur le sol ou placés dans une enveloppe souple, peu contraignante, pouvaient constituer avec la même régularité un tas de forme circulaire. Or, en détourant complètement le dépôt osseux de Ruffey-sur-Seille jusqu’à sa base, aucun indice vraiment probant n’est apparu (effet de paroi, os en équilibre instable, superposition de fragment...).
539La lecture des pourtours est délicate puisque sur les trois quarts du contour, l’amas présente une très faible épaisseur –1 cm environ– ce qui correspond à une seule couche d’os posés à plat sur le fond de la fosse. La limite du quart nord de l’amas est trop lâche et aérée pour avoir connu une contention. Sur la bordure sud de l’amas, en revanche, la superposition d’esquilles sur 4 cm pourrait s’expliquer par la présence d’une paroi, celle du bord de fosse ou d’une enveloppe en matière organique (fig. 161).
4.3.3 Traitement des vestiges humains incinérés
4.3.3.1 La collecte des restes osseux
540Grâce notamment aux travaux de Herrmann sur des séries berlinoises issues de crémations en four (1976), on sait que le poids des résidus osseux de la crémation humaine varie considérablement, entre 970 g et 2 680 g, en raison de la variabilité de l’ossature du squelette. D’autres facteurs, tels que le mode de crémation et la taphomonie pour les sépultures anciennes jouent un rôle sur le résultat de l’opération. Avec ses 87 g, le poids du dépôt osseux de Ruffey-sur-Seille est bien inférieur au poids minimum attendu. La modestie du dépôt osseux n’est pas à imputer aux mauvaises conditions de conservation mais pourrait refléter un acte intentionnel. L’ensemble des vestiges du squelette n’est pas enseveli, la tête est mieux représentée que le squelette post-crânien tandis que le tronc est absent. Les fragments de crâne proviennent principalement du temporal et de la partie arrière du calva. La quantité2 de fragments crâniens représente plus de la moitié des esquilles déposées dans la tombe (57 %). Elle dépasse nettement le pourcentage théorique de représentation du crâne, établi d’après le traité de W.M. Krogman (1978), soit 20 %. La composition de l’amas ne correspond donc pas aux proportions anatomiques théoriques ; le crâne est surreprésenté (fig. 163, 164). L’importance toute relative des vestiges du squelette céphalique ne s’explique ni par un problème d’identification différentielle (Duday 1989 : 464), puisqu’il s’agit d’un secteur du squelette facilement identifiable, ni par un taux d’indéterminé élevé qui fausserait les proportions

FIG. 163
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Composition de l’amas osseux.

FIG. 164
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Taux de représentation des restes du défunt par grandes catégories anatomiques.
541À quel geste funéraire correspondent ces observations ? Considérant le poids moyen d’un crâne (entre 500 et 600 g d’après les données de W.M. Krogman), celui-ci a pu perdre les 2/3 de son poids initial, si l’on extrapole les résultats des travaux de C. Muller sur les os longs (Muller 1921). Ainsi, la collecte des vestiges du crâne ne fut probablement pas exhaustive. D’après l’analyse spatiale, l’opérateur aurait puisé au niveau de la tête environ 50 g d’os, ce qui équivaut en volume à une poignée. Découverts groupés au sein de l’amas, ils sont sans doute réunis lors de la collecte, dans un même geste de ramassage (poignée, bolée...).
542Il est plus difficile de comprendre le mode de ramassage des os longs, car leur détermination est trop imprécise. Quant à l’absence du tronc, plusieurs hypothèses sont envisageables. A-t-il été brûlé et laissé sur le bûcher ? Était-il déjà réduit en cendres au moment de la collecte ? La fragilité de la structure osseuse pourrait expliquer sa fréquente absence des dépôts cinéraires. Toutefois, la situation observée à Ruffey-sur-Seille élargit le champ des interprétations possibles.
4.3.3.2 La crémation du défunt
543Le premier constat concerne l’intensité de l’exposition au four du squelette. Celle-ci n’aurait pas dépassé 550° (Buiskra, Swegle 1989), comme en témoigne la présence de matière organique incomplètement brûlée qui colore en noir ou gris foncé plus de la moitié des esquilles (stade 1 de la figure 165). Le reste des vestiges conserve la coloration de l’os non brûlé (stade 0). On note en second lieu que les différentes parties du corps n’ont pas été exposées de la même manière : la tête et un fragment de radius sont carbonisés, alors que les fragments d’os longs (membres inférieurs probablement) ne seraient qu’à peine altérés par le feu, comme l’indiquent les premières analyses menées par A. Person (Laboratoire de géologie des bassins sédimentaires, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris). Néanmoins, ils ont bien été exposés au feu, comme l’atteste un fin dépôt de matière noire brillante (carbone ?) trouvé à la surface des fragments osseux. Des analyses sont en cours afin de préciser la nature et l’origine de cette substance. B. Herrmann (1972) distingue la coloration noire due à la crémation de la matière organique propre à l’os de celle due à l’infiltration de carbone exogène provenant du bûcher. Pour des raisons diverses –situation en périphérie du bûcher, temps d’exposition trop bref...– le feu n’a pas altéré les os des membres inférieurs lorsqu’est entreprise la collecte des fragments osseux. La crémation n’a pas été poussée jusqu’à l’obtention d’ossements uniformément et complètement brûlés. En fait, le feu aurait pour effet de décharner le cadavre et non de réduire le squelette en cendres.

FIG. 165
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Stades de crémation des esquilles osseuses.
544Si le squelette céphalique est carbonisé et les ossements de la jambe quasi intacts, dans quel état se trouvait la partie centrale du corps au moment de l’intervention de l’opérateur ? Toutes les parties molles avaient-elles disparu ? Toutes les articulations étaient-elles disjointes ? Une des grandes difficultés de la combustion cadavérique est la lenteur de l’incinération des tissus humains dans lesquels l’élément liquide occupe une grande part. « Les viscères thoraciques et abdominales résistent très longtemps à la destruction, en particulier le cœur, le foie et la rate qui disparaissent les derniers, quand tout le reste est depuis assez longtemps réduit en cendres. » (Vallin 1880 : 859.) L’auteur précise dans le même ouvrage qu’au bout de 45 minutes, apparaissent les crêtes blanches des os mais que l’opération dure 2 heures au plus. Précisons que l’incinération se déroule dans un four.
545L’état du cadavre, en partie carbonisé, a pu embarrasser l’opérateur au moment du ramassage, ce qui expliquerait l’absence du tronc dans la sépulture.
4.3.4 Éléments de comparaison
546Les éléments de comparaison sont peu nombreux et de plus le traitement du défunt n’est pas toujours pris en compte dans le descriptif des pratiques funéraires. On connaît plutôt des cas d’individus mal brûlés : par exemple, le site de Mungo en Australie, daté entre 25 000 et 32 000 ans, a livré les restes de deux individus incomplètement brûlés et sans doute volontairement fragmentés (Bowler et al. 1970). D’autres crémations imparfaites sont mentionnées en Europe, dès le Paléolithique supérieur, comme par exemple le gisement de plein air de Predmost en Moravie centrale, où l’on a découvert un sujet (sépulture no 2) qui reposait sur de la cendre et présentait des traces de brûlures (Binant 1991a). Toujours en Moravie, la sépulture 1 du site de Dolni Vestonice contient des os humains comportant des traces de feu, placés sur des os d’animaux à moitié brûlés (Binant 1991a).
547Quant aux véritables incinérations, elles se révèlent rares. On peut citer celle de Barma Grande, découverte en Ligurie à la fin du XIXe s. Elle contiendrait les restes d’une incinération en place, dont le squelette « a été soumis sur place à une forte chaleur » (Verneau 1899). Il a gardé sa position d’inhumation sans que les os soient dérangés ; les membres inférieurs sont en hyperflexion, les talons proches des ischions. L’auteur ne précise pas la couleur des os.
548Sur le site d’habitat de Oirshot V, aux Pays-Bas, les restes d’un enfant âgé de 10-13 ans ont fait l’objet d’une datation aux alentours de 7790 ±130 BP. Le dépôt cinéraire regroupe une faible quantité d’esquilles, soit 87 g, provenant de toutes les parties du squelette, avec pourtant une nette prépondérance des os longs au détriment du squelette céphalique (Arts, Hoogland 1987). La crémation est plus poussée que celle du sujet de Ruffey-sur-Seille. Autre différence : le dépôt cinéraire se compose de cendres et d’un matériel lithique abondant. Est-ce bien une sépulture ?
549L’association de restes humains et de matériel lithique ou osseux est attestée également sur le site de la Chaussée-Tirancourt, dans la Somme. Une des fosses, datée de 8460 ± 70 BP, contient 1,5 kg de restes humains brûlés qui correspondent aux vestiges mêlés de 3 sujets, deux adultes et un enfant (Ducrocq et al. 1991). À nouveau, l’assemblage des vestiges paraît si peu structuré que l’on peut s’interroger sur la fonction sépulcrale de la fosse. En revanche, il s’agit d’ossements incinérés ayant pour la plupart atteint un stade de combustion avancé. La volonté de traiter le cadavre par le feu au Mésolithique semble maintenant bien attestée. Toutefois si, dans le cas qui nous occupe, l’usage du feu ne semble pas correspondre à celui d’une crémation, la contexture de l’amas d’os, le dépôt d’ocre ne sont pas sans évoquer une structure funéraire, qui rappelle celle du site de Vionnaz, recélant elle aussi un amas circulaire et compact (Crotti, Pignat 1983).
550Le dernier point original soulevé par la découverte de la structure de Ruffey-sur-Seille concerne sa localisation au sein d’une unité d’activités, datée de 8735 ± 85 BP, Lyon 238 (Oxa), soit 7940-7572 cal BC. Située en périphérie d’une zone de taille, elle se trouve à 1 m environ d’un foyer qui contient à peu près 40 g de restes osseux brûlés très fragmentés. La présence d’ossements de faune brûlés dans et aux alentours de foyers est observée au sein de plusieurs autres unités domestiques de la même période sur le gisement. 10 g sont attribuables de façon certaine à des restes d’animaux. Seule une portion d’1 cm de vertèbre cervicale, parfaitement incinérée, est assurément humaine (surfaces articulaires, supérieures et inférieures droites avec amorce du trou transverse) ; c’est un indice trop ténu pour concevoir ce petit foyer de 50 cm de long pour 40 cm de large comme le lieu de crémation du défunt. Il n’en est pas moins troublant, d’autant plus qu’on retrouve quelques esquilles non brûlées, recouvertes d’une pellicule noire semblable à celle observée sur les restes humains.
551Un deuxième cas, signalé à Dalfsen, aux Pays-Bas, associe plusieurs foyers et une incinération. Il s’agit des restes d’un sujet adulte, sans doute féminin, et de ceux appartenant peut-être à un enfant. L’auteur s’appuie sur le contexte domestique, le mélange os humain et animal, et sur l’absence de caractéristiques funéraires, comme le dépôt d’ocre, pour interpréter la structure comme résultant d’un fait à vocation rituelle, peut-être du cannibalisme.
552Avec la découverte de la tombe de Ruffey-sur-Seille, l’hypothèse d’un espace sépulcral établi au sein d’une unité domestique devient tout à fait envisageable, sans qu’il faille forcément l’expliquer par des pratiques anthropophagiques. Le phénomène n’est peut-être pas si rare : l’association de pierres brûlées et d’os brûlés (humains et animaux) nous a également été relatée par L. Lang, responsable de la fouille du secteur mésolithique du site de Rueil-Malmaison, Les Closeaux (Hauts-de-Seine). Bien que le matériel soit dispersé sans que l’on note de structuration, l’aire de répartition des quelque 215 g d’os humains calcinés coïncide avec celle des pierres brûlées.
4.4 Autres témoins
F.S.
4.4.1 Les pierres brûlées
553Les différentes occupations de Ruffey-sur-Seille et de Choisey ont systématiquement livré des pierres brûlées, vestiges qui appartiennent à des structures de combustion ou qui correspondent à des éléments rejetés. Les données lithologiques évoquent des approvisionnements locaux, à partir des étages séquaniens et rauraciens affleurant à proximité immédiate du site de Choisey et à partir de la grave calcaire présente sur le site de Ruffey-sur-Seille.
554À l’utilisation de plaquettes calcaires dans l’occupation du niveau C2, s’oppose celle de galets pour les campements de Ruffey-sur-Seille.
555Les variations des données quantitatives montrent une plus faible utilisation des pierres brûlées dans l’occupation du niveau C2. En effet, elle a livré 284 éléments (soit 3,6 % du total des vestiges mis au jour), contre 437 pour le niveau R4 (3 %), 330 pour le niveau R3 (7 %), 1 933 pour le niveau R2 (29,7 %) et 276 pour le niveau R1 (6 %).
556L’action de la chaleur se traduit par une fracturation plus importante des plaquettes que des galets et par une altération de la structure de ces derniers, qui tend à devenir pulvérulente.
557La variation de l’intensité thermoclastique s’explique également par le module des éléments utilisés, de taille inférieure à 10 cm pour les occupations de R1, R2, R3 et R4. Elle est accompagnée d’un taux de fragmentation assez faible, qui augmente pour les plaquettes dont la longueur peut atteindre 30 cm.
558Sur ces deux gisements, on observe l’utilisation de matériaux locaux, dont les caractères morphologiques impliquent des aptitudes variables à accumuler et à restituer la chaleur.
559L’intégration plus ou moins forte de ces éléments aux vestiges domestiques est à mettre en relation avec l’intensité plus ou moins forte de l’activité à l’origine de leur utilisation. Ce fait est particulièrement bien illustré sur le site de Ruffey-sur-Seille qui, pour 3 des 4 niveaux, possède des effectifs situés entre 276 et 437, tandis que le niveau R2 se distingue par une série de 1 933 individus. Ces divergences quantitatives peuvent s’expliquer par la pratique d’activités dont la nature et la finalité sont en l’état actuel des données difficilement caractérisables, mais dont l’intensité est parfois telle qu’elle confère, comme au niveau R2, un caractère particulier. A titre d’hypothèse, il est possible d’envisager la chauffe d’éléments liquides, la pratique de cuisson spécifique ou bien encore le traitement particulier de quartiers de viande comme le boucanage. S’il est possible de rattacher une partie de ces données à des critères purement fonctionnels, on peut également supposer l’existence de données culturelles dont l’impact, difficilement perceptible, pourrait se traduire par la mise en œuvre plus fréquente de foyers à pierres calcaires chauffantes, comme c’est le cas pour le niveau R2.
4.4.2 L’ocre
560La présence de cette matière colorante, fréquente dans les campements de chasseurs préhistoriques, est généralement expliquée par son utilisation en tant qu’antiseptique lié au tannage des peaux (Audoin, Plisson 1979). En l’absence de tamisage, seuls les fragments d’ocre les plus volumineux ont été récoltés ; ils n’ont pas révélé l’existence de traces d’utilisation et n’étaient pas associés à des objets spécifiques qui auraient permis de déterminer la destination exacte de ce colorant (Couraud 1983).
561L’ocre est présente de manière très ténue au sein des campements de Ruffey-sur-Seille. Il s’agit principalement de nodules dont la taille est comprise entre 5 et 10 mm, de couleur rouge carmin, dont le plus grand nombre (23 boulettes) est retrouvé dans le Mésolithique récent. La faiblesse des données quantitatives associée à l’absence de secteurs d’activité spécifique indique un emploi marginal de ce matériau qui joue ainsi un rôle très mineur au sein des différentes occupations.
562Si l’ocre a fait l’objet d’un usage intensif durant le Paléolithique supérieur et plus particulièrement durant le Magdalénien (Pincevent ; Leroi-Gourhan, Brézillon 1972), il semble qu’au Mésolithique, sa fonction domestique perde de l’importance. En effet, les nombreux gisements fouillés n’en ont livré que de rares traces, bien souvent sous la forme de nodules de petite taille ; c’est le cas en particulier du gisement des Gripons, en Suisse (Pousaz 1991), où ont été recueillis au tamisage 200 nodules de taille comprise entre 2 et 5 mm.
563En revanche, sa fonction mortuaire est attestée sur le site de Téviec, en Bretagne, où l’ocre a été retrouvée associée aux sépultures, et sur le site de Ruffey-sur-Seille, dans le niveau R3, où une boulette d’ocre surmonte le petit dépôt d’os humains incinérés (cf supra. § 4.3.2).
4.4.3 Les coquilles de noisettes
564La mise au jour de ce type de macroreste indique clairement, pour ces groupes de chasseurs, un mode de subsistance tourné également vers la cueillette. Malheureusement, la mauvaise conservation des témoins végétaux en milieu terrestre, à l’exception des éléments carbonisés, engendre une vision réduite de la diversité des produits végétaux consommables (baies, champignons...).
565Les occupations C1 de Choisey, R2, R3 et R4 de Ruffey-sur-Seille ont livré des coquilles de noisettes dans des proportions variables. En effet, la représentativité la plus forte est associée aux occupations du Mésolithique ancien de Ruffey-sur-Seille (niveau R4) et plus globalement du Mésolithique moyen (niveaux R3 et R2), qui appartiennent à la fin du Préboréal et au Boréal, période marquée par l’extension maximale du noisetier.
566Spatialement, les coquilles ont été récoltées en association plus ou moins directe avec les foyers, posant ainsi la question de leur statut. Leur présence peut s’expliquer de différentes manières : résultent-elles uniquement de la consommation ou, attenantes à des branches utilisées en combustible, ont-elles été carbonisées au sein des foyers ? Dans ce dernier cas, et à condition que les branches aient été cueillies, leur présence pourrait signifier une saisonnalité de l’occupation, située à l’automne, période de maturité des noisettes. La consommation, envisagée par les nombreux restes, peut, elle, être différée du moment de récolte en raison d’un stockage possible, notion compatible avec le statut de chasseurs-cueilleurs. En résumé, elles caractérisent, tout au plus, la pratique de la cueillette.
4.4.4 Les galets
567L’ensemble des occupations a livré en nombre restreint des galets aux caractères morphologiques assez proches. Il s’agit d’exemplaires de forme globalement allongée, ayant la particularité de posséder une face relativement plane. Ils témoignent de critères de choix précis, tant par la forme que par la matière à dominante siliceuse, comme le quartzite ou la chaille.
568Chaque phase d’occupation, à l’exception du Mésolithique récent, en a livré entre 2 et 3 exemplaires, qui, dans leur grande majorité, ne portent aucune trace d’utilisation. Seul un individu du niveau ancien de Ruffey-sur-Seille (R4) porte des stigmates d’utilisation constitués de stries, d’une face d’usure et de grignotage au niveau d’une corniche (fig. 166). Composé d’un calcaire de couleur verte, différent des éléments appartenant à la grave, il mesure 15,2 cm de long, 2,6 cm de large et 2,9 cm d’épaisseur. Il possède une face plane, régulière, lustrée par un poli d’utilisation atténuant par endroits 3 traits parallèles discontinus. La face opposée présente ce même lustré d’utilisation. La corniche, définie par la surface plane et les côtés, est altérée par un grignotage faiblement marqué qui se répartit sur toute la longueur.

FIG. 166
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Galet calcaire allongé à face plane.
569S’il est difficile de définir la fonction de la majorité de ces éléments, il nous semble toutefois possible d’envisager qu’ils soient liés à la fracturation des lamelles. Un doute subsiste néanmoins en l’absence d’expérimentation. En effet, à l’exception des bandes d’usure qui témoignent d’une phase d’utilisation en tant que polissoir (travail de l’os), les stigmates évoquent un usage lié à la fracturation des lamelles par grignotage, en prenant appui sur l’angle le plus vif, constitué par la rencontre entre la face plane et le bord.
570Sans qu’il soit véritablement possible de préciser la fonction de ces galets, les exemplaires recueillis au sein d’occupations mésolithiques possèdent une véritable convergence morphologique, comme l’atteste le caractère souvent allongé de ces éléments qui possèdent d’avance une face à peu près plane et souvent lisse. Des exemplaires de ce type ont été découverts sur le site de Birsmatten (Suisse), dans les niveaux H1, H3 et H4 (Bandi 1963), ou encore sur le site de Rouffignac (Dordogne), dans les niveaux 4 et 5b (Barrière 1973).
571Il faut également signaler l’absence dans les séries de Ruffey-sur-Seille et de Choisey de galets bouchardés ou aux extrémités biseautées, fréquents dans le Mésolithique, comme par exemple sur le site de Kinloch en Ecosse (Wickham-Jones 1991), ou encore de Rouffignac, mais également de galets portant des traces de percussion pouvant être interprétés comme étant de véritables percuteurs.
4.5 Organisation spatiale
F.S., A.L.
572Les occupations de Choisey et de Ruffey-sur-Seille offrent une remarquable occasion de parfaire nos connaissances sur la structuration des campements de chasseurs mésolithiques. En effet, les opportunités et les orientations de la recherche ont généralement conditionné des analyses à caractère techno-typologique, voire économique, qui constituent des approches souvent dénuées de caractère ethnographique.
573Si, pour le Magdalénien, ce genre d’étude est réalisé depuis plusieurs dizaines d’années dans le Bassin parisien, son application en contexte mésolithique est envisageable pour une des toutes premières fois. Cela a été possible grâce aux conditions de sédimentation des gisements qui ont favorisé un enfouissement rapide à l’origine de l’excellente conservation des vestiges.
574Il a donc été possible d’observer une répartition que l’on peut considérer comme l’image assez fidèle du campement au moment du départ du ou des groupes de chasseurs. Cependant, des phénomènes de bioturbation et la présence de paléochenaux, dont l’effet fut destructeur, nuancent ce cadre général que l’on aurait pu considérer comme idéal. Grâce à un enregistrement rigoureux des données permettant de visualiser spatialement les vestiges et d’effectuer postérieurement un dépouillement sur plan par catégories de témoins, il a été possible de proposer des modèles d’organisation, vérifiables spatialement mais également d’un point de vue diachronique. En effet, la chronologie conjointe de la fréquentation des sites de Choisey et de Ruffey-sur-Seille couvre un large éventail de la période mésolithique (2 500 ans).
575Malgré le caractère extensif des occupations, il a été possible d’aborder le problème des relations entre les différents îlots d’implantation grâce à la pratique des remontages lithiques. La méthodologie adoptée pour l’analyse des vestiges s’inspire de celle utilisée pour le Paléolithique supérieur, en raison, d’une part, des nombreuses similitudes de conditions de gisement et, d’autre part, de l’absence de références pour le Mésolithique. Cette carence nous a également contraints à nous inspirer de la terminologie définie à partir des travaux réalisés sur les gisements de plein air du Paléolithique supérieur et, plus particulièrement, sur le gisement de Pincevent.
4.5.1 Les structures évidentes
576Il s’agit, pour reprendre la définition d’André Leroi-Gourhan, « d’un groupe de témoins dont la structuration est directement perceptible » (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972) caractérisant ainsi les foyers, les amas de débitage... S’oppose à cette conception, celle de la structure latente qui est « une structure dont la pertinence n’est décelable que par l’analyse microtopographique ». Sa perception a posteriori résulte de la phase de dépouillement sur plan. Les différentes implantations ont révélé un nombre important de structures évidentes, composées principalement de foyers, ainsi que de quelques amas de débitage et amas de galets.
4.5.1.1 Les foyers et structures connexes
577À l’instar de la majorité des campements de chasseurs, les foyers jouent un rôle attractif pour les vestiges lithiques et osseux ou, à l’inverse, ne sont associés à aucune concentration particulière.
578Le foyer est une structure clé dans l’organisation spatiale, ce qui se traduit par une densité tout à fait exceptionnelle. On en compte 8 exemplaires sur le site de Choisey et 55 sur le site de Ruffey-sur-Seille, ce qui souligne l’intense fréquentation de ces gisements. Morphologiquement, ils s’apparentent à des types de foyer caractérisés par une importante récurrence de leurs éléments de configuration (tabl. XLI à XLV). La principale catégorie est celle du foyer à plat, défini par l’absence de bordure et de cuvette (Julien 1972) et repéré uniquement par la rubéfaction du sédiment. Le second type est celui du foyer à galets calcaires chauffants qui se caractérise par une légère cuvette et une charge plus ou moins forte de galets disposés sur la zone rubéfiée (fig. 167). D’autres types moins fréquents coexistent : le foyer à plat avec bordure et le foyer en cuvette.

FIG. 167
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Foyer à galets calcaires chauffants.

TABL. XLI
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Caractères de configuration des foyers.

TABL. XLII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Caractères de configuration des foyers.

TABL. XLIII
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Caractères de configuration des foyers.

TABL. XLIII (suite)
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Caractères de configuration des foyers.

TABL. XLIV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Caractères de configuration des foyers.

TABL. XLV
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Caractères de configuration des foyers.
579Des structures en relation avec les foyers ont également été mises au jour et se distinguent principalement par la présence de pierres brûlées, sans traces de rubéfaction du sédiment. Cette dernière, généralement visible sur le site de Ruffey-sur-Seille, apparaît de façon plus sporadique sur le site de Choisey dont le sédiment révèle une teneur argileuse beaucoup moins importante. Cette variation de la rubéfaction d’un site à l’autre semble être étroitement liée aux données sédimentologiques, fait confirmé par la présence sur le site de Choisey d’un foyer à rubéfaction dans le seul secteur à dominante argileuse.
580Ces structures appelées « connexes », parce que dépendantes ou similaires aux structures de combustion, résultent du déplacement hors des zones foyères de pierres brûlées, dans l’intention de renouveler la charge calcaire ou de l’employer à des fins que l’on ne peut préciser.
581En l’absence de caractères pertinents, nous ne parlerons pas de structures de vidange, terme à connotation plus fonctionnelle. Elles sont représentées de façon très ponctuelle, même dans les niveaux où l’utilisation de pierres chauffées est énorme. Il s’agit d’amas de pierres brûlées, situés à l’écart des zones de concentration, et définis par une morphologie proche de celle des foyers, mais surtout par la taille plus importante des éléments chauffés dont le poids moyen est d’environ 50 g contre 15 g pour les éléments provenant des foyers. Les niveaux R4 et R2 ont livré chacun 2 de ces structures.
582Parce que les foyers mis au jour sur ces deux gisements sont nombreux et qu’ils appartiennent à des phases chronologiques distinctes, il est possible d’envisager une approche évolutive, malgré l’existence d’un certain nombre de convergences. Ces dernières concernent tout d’abord la typologie des structures, qui évoque généralement la mise en œuvre de foyers principalement à plat, exclusive pour le niveau R4 de Ruffey-sur-Seille. En effet, les foyers en cuvette, aménagés par un creusement de la surface foyère, sont présents dans le niveau C2 de Choisey mais attestés de façon plus significative dans l’occupation du niveau R3. Ce niveau, daté du Mésolithique moyen, se distingue par l’intégration fréquente de galets calcaires à la sole foyère, dont la quantité varie de 640 fragments pour un poids de 26,3 kg (F27) à 29 fragments pour un poids de 400 g (F42). Ces variations de données peuvent résulter du stade d’abandon ou évoquer différentes fonctions.
583Malgré la difficulté de préciser la fonction de ces foyers, il est possible d’envisager la coexistence de structures à fonctions complémentaires (niveau R2, F27 et F28), ainsi que le passage d’un type de foyer à un autre, en relation avec un changement probable de fonction. Cette évolution est suggérée par la présence dans certaines structures d’une quantité insuffisante d’éléments chauffés pour prétendre à une quelconque utilisation, ainsi que par l’existence de zones de rejet de pierres brûlées, à proximité de foyers qui n’en associent aucune. Si, dans certains cas, le passage d’un type de foyer à l’autre est probable, la chronologie des processus indique en première utilisation celles de pierres brûlées. La complémentarité se retrouve au sein de l’occupation de R3 où coexistent foyers simples et foyers à galets calcaires chauffants.
584Si la fonction des foyers à plat, sans ou avec très peu de pierres brûlées, semble purement domestique (cuisson, éclairage, chauffage, activités diverses), celle des foyers à pierres calcaires chauffantes paraît, comme le souligne leur environnement archéologique, beaucoup plus spécifique. Ils associent peu de faune, une importante quantité de pierres brûlées, des produits de débitage en nombre conséquent, mais souvent peu d’outils. Les deux exemplaires du niveau R3 occupent une position particulière, marginale.
585Les structures de combustion connues pour le Mésolithique présentent de nombreuses similitudes avec les exemplaires de Ruffey-sur-Seille et de Choisey. La densité des foyers sur un même gisement est variable, mais leur répétition est fréquente comme l’illustrent en particulier le site de Montbani II, dans l’Aisne, où 22 foyers ont été mis au jour sur une surface de 190 m2 (Parent 1972), ou le site de Bavans, dans le Doubs, avec une quarantaine de structures de combustion (Aimé 1993). Leurs dimensions sont hétérogènes et se situent entre 20 et 30 cm de diamètre (Montbani II) à plus d’1 m, comme sur le camp mésolithique de Gramari dans le Vaucluse (Paccard 1971). Le type le plus fréquent est constitué par le foyer en cuvette aménagé ; les exemples sont nombreux : Baume de Montclus (Escalon de Fonton 1966), le gisement du porche de Rouffignac (Barrière 1973),... Le type à galets chauffants, présent sur le site de Ruffey-sur-Seille, possède des points communs avec les structures de La Baume de Montclus ou du site de Gramari, où elles ont été dénommées « aires plates circulaires » ou « foyers fosses ». Elles se caractérisent par une charge de galets et de pierres, disposée sur un lit de braises afin de procéder à un chauffage indirect. Les exemples de structures « connexes » sont beaucoup plus rares et la présence d’amas de cailloutis de grès et de meulières rubéfiés sur le site de Montbani II constitue le seul véritable élément de rapprochement.
586Les données des sites de Choisey et de Ruffey-sur-Seille montrent une importante récurrence des caractères de configuration des foyers, différenciés d’un site à l’autre par le niveau de lisibilité de la rubéfaction. Le nombre élevé de structures de combustion et leur faible niveau de structuration plaident pour des occupations d’assez courte durée au caractère successif.
4.5.1.2 Les amas
587Toujours pour reprendre la définition d’André Leroi-Gourhan, il s’agit « de vestiges groupés sur plusieurs épaisseurs et formant saillie sur une surface de sol relativement plane » (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972). Ces ensembles, dénommés également structures de volume, constitués soit de galets ou de graviers, soit de produits de débitage, sont exceptionnels.
588La première catégorie composée de galets ou de graviers appartient exclusivement au Mésolithique ancien.
589L’occupation du niveau C2 a livré un amas de graviers contigu à un foyer simple à plat (F3). De forme globalement circulaire, cette structure mesure 80 cm de long pour une largeur de 65 cm. Elle comprend plusieurs centaines d’éléments calcaires et siliceux, non brûlés, totalisant un poids de 5,4 kg, originaires de la grave qui affleure par endroits sur le site. La relation avec le foyer semble évidente, mais la fonction d’un tel aménagement reste difficile à définir. Le calibre des graviers est incompatible avec l’idée d’une réserve visant à alimenter le foyer en pierres de chauffe : cet aménagement ponctuel répond à d’autres impératifs, dont la motivation nous échappe.
590Le niveau R4 a livré un amas de galets calcaires non chauffés, en périphérie d’une importante zone de concentration de vestiges. Cette structure, de forme irrégulière, présente un étalement des galets sur une surface d’environ 1 m2, mais le centre, à plus forte densité, constitué d’un véritable empilement, mesure 60 x 30 cm (fig. 168). Cet amas, dont le poids est de 5,4 kg, associe 210 galets de module moyen, d’environ 5 cm de long, qui proviennent de la grave calcaire affleurante. S’il est difficile de préciser les motivations à l’origine de cet ensemble, plusieurs hypothèses peuvent être proposées. Le secteur d’occupation, situé à 2 m au nord, présente au niveau du sol archéologique une remontée de grave, marquée par la présence de nombreux galets. Cet empilement pourrait résulter du nettoyage de l’aire d’implantation ou correspondre à un stock de galets susceptibles d’alimenter les foyers à pierres chauffantes : en effet, leur module correspond à celui des galets utilisés dans les foyers.

FIG. 168
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Amas de galets.
591La seconde catégorie d’amas, dont la finalité est plus évidente, concerne l’activité de taille. Si elle s’observe sur les deux gisements, c’est rarement sous la forme d’amas de débitage ; il s’agit essentiellement d’amas de petites dimensions, qui associent un nombre réduit de produits lithiques. Les exemples les plus nombreux appartiennent à l’occupation du Mésolithique ancien de Choisey, où 6 amas ont été individualisés. De dimensions très modestes, ils concernent une surface inférieure au mètre carré. À l’exception de deux d’entre eux, ils s’inscrivent dans un secteur dont la spécificité est liée à la répétition et à la proximité de ces postes de taille. Hormis la phase de façonnage des supports, ils concernent toutes les étapes du débitage : le dégrossissage et la mise en forme, le plein débitage et la fracturation des supports. La pratique des activités de taille, à l’écart des secteurs d’autres activités, est également attestée par la présence de deux amas à proximité du foyer F3. Ils ont pour particularité d’être pour l’un, consacré au débitage exclusif de la chaille, et pour l’autre, au débitage du silex. Le premier est constitué de 141 esquilles, 125 éclats, 25 lamelles, 3 cassons et 1 microburin. Le second se compose de 10 esquilles, 119 éclats, 28 lamelles et 2 cassons. L’importance de ce type de structure semble être en relation avec un schéma particulier d’occupation de l’espace, fondé sur la division de l’aire d’occupation en secteurs d’activité, dont les plus évidents concernent la taille.
592Un seul amas de débitage, appartenant au niveau R3, a été mis au jour sur le site de Ruffey-sur-Seille (fig. 169). Situé dans la partie est de la surface de fouille, il se trouve à 75 m au S-E du pôle principal d’occupation, en position marginale. Son isolement s’explique en partie par la destruction d’une large superficie de ce secteur d’occupation par des chenaux. Caractérisé par des dimensions modestes (50 x 40 cm), il concentre l’ensemble des activités de production et de façonnage, avec 357 éclats, 75 lamelles, 14 cassons, 4 nucléus, 2 microburins et 22 outils. L’analyse qualitative des produits, répartis sur une épaisseur de 5 cm, révèle, grâce aux remontages, l’alternance de deux phases de débitage avec deux phases de façonnage des supports.

FIG. 169
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Amas de débitage.
593Les mentions d’amas de débitage au Mésolithique sont rares : une structure similaire est signalée sur le site d’Hangest Gravière II Nord dans la Somme (Ketterer 1992). L’indigence des données peut s’expliquer par les mauvaises conditions de conservation des occupations de plein air, pour lesquelles, l’activité de taille se résume à la notion très générale d’atelier de débitage. C’est le cas du gisement du Bois de Chinchy à Villeneuve-sur-Fère, dans l’Aisne (Hinout 1989), où est signalée, autour d’un bloc de grès, la mise au jour sur un mètre carré de plus d’un millier d’éclats marquant vraisemblablement l’emplacement d’un amas de débitage. Si les contextes de conservation ne se prêtent pas à l’identification de leurs caractères de configuration, leur faible fréquence résulte probablement d’une évolution de l’économie de la matière première, qui rompt avec la tradition du Paléolithique supérieur où standardisation et production massive constituent les règles de base. La production au Mésolithique semble davantage liée à des besoins plus ponctuels, régis par des exigences qualitatives moins contraignantes, dont l’expression la plus directe pourrait être la rareté des amas de débitage.
4.5.2 Analyse topographique des vestiges et organisation spatiale
4.5.2.1 Méthodologie
594Cette approche constitue la suite logique de la mise en œuvre des modalités d’enregistrement imposées par les conditions de préservation des vestiges. Le principe de base a consisté, à partir d’un enregistrement exhaustif des données, à en restituer les plans, garantissant aussi une analyse spatiale objective. Cette dernière passe par la considération des données topographiques par catégorie de témoins ; elle permet d’évaluer le caractère plus ou moins aléatoire de leur répartition. Cette démarche a pour objectif de définir si les critères de spatialisation répondent à une organisation spécifique, avec la distinction des secteurs d’activités.
595La caractérisation de ces critères et leur interprétation s’appuient largement sur les travaux réalisés pour le Paléolithique supérieur. Aussi, en raison du caractère très superficiel de la pratique de l’analyse spatiale en contexte mésolithique, était-il impossible de définir si le choix de cette méthodologie était pertinent et quel serait le niveau des conclusions dégagées. En effet, les quelques tentatives réalisées dans ce domaine se sont heurtées à des problèmes méthodologiques, mais surtout à la difficulté d’appliquer une telle approche à des contextes de conservation qui, bien souvent, s’ils ne garantissaient pas l’homogénéité des occupations, ne favorisaient également pas la préservation des restes osseux, enlevant ainsi à la perception spatiale une grande part d’informations.
596À ces données contextuelles, il convient d’adjoindre le caractère subjectif de l’enregistrement qui, dans certains cas, contribue également à restreindre le domaine de la vision du spatial. A l’exemple du site de Sonchamp III (Bailloud 1967), seuls les outils et les microburins ont été relevés en plan alors que les produits de débitage ont été prélevés par mètre carré. Cette méthode d’enregistrement mixte, également appliquée sur d’autres gisements, comme celui du Bois de Chinchy, à Villeneuve-sur-Fère (Hinout 1989) ou de la Grotte « À la Peinture », à Larchant, en Seine-et-Marne (Hinout 1993), explique en partie l’assertion suivante qui veut que « la seule spécification qui apparaisse parfois est celle très générale entre armatures et outils communs » (Rozoy 1978 : 1100).
597Le caractère extensif de l’ensemble de ces occupations pose bien évidemment le problème de la contemporanéité des différents secteurs de concentration de vestiges. Cet aspect nous a conduits à envisager différentes échelles d’analyse spatiale, qui couvrent d’une part, la totalité des occupations chronologiquement distinctes et, d’autre part, des secteurs plus restreints dont la composition précise les grandes lignes de l’organisation spatiale.
598La pratique non exhaustive de remontages dans une perspective essentiellement spatiale a permis d’établir un certain nombre de relations offrant une vision générale beaucoup plus dynamique. Aux stades de l’observation et de la définition a succédé celui de l’interprétation qui nécessite une terminologie dont les fondements sont inexistants pour le Mésolithique et qui, une fois de plus, a dû largement s’inspirer des travaux du Paléolithique supérieur (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972).
4.5.2.2 Le Mésolithique ancien
Le niveau C2
599Bien que l’extension de ce niveau d’occupation au sein de l’emprise ait été évaluée à 5 000 m2, seule une surface de 1 800 m2 a pu être fouillée. La reconnaissance de plusieurs secteurs de concentration de densité et de niveau de structuration variable a suscité une réflexion sur les problèmes d’organisation spatiale.
600Le niveau archéologique, de stratification horizontale, possède une dispersion verticale d’une dizaine de centimètres, conséquence de perturbations d’origine biologique (cf. supra § 2.2.1). Si au nord et à l’ouest les limites sont bien définies, il n’en est pas de même à l’est et au sud, où elles sont artificielles et correspondent aux limites d’emprise.
601La reconnaissance par bande du gisement reflète les modalités d’investigations appliquées au niveau protohistorique, pour lequel la terre a été déposée en merlons de part et d’autre des bandes de décapage, ce qui a engendré une vision prédéterminée et parfois inadaptée aux composantes spatiales du gisement (fig. 170). C’est pourquoi la reconnaissance de petits secteurs de concentration en limite sud et ouest du décapage offre tout au plus une vision du caractère extensif de l’occupation. En raison de leur configuration spatiale artificiellement réduite, ces secteurs ne constituent pas des pôles d’analyse aux données suffisamment complètes. Aussi, l’étude topographique s’est-elle limitée à la partie centrale du secteur de fouille d’une surface de 250 m2, caractérisée par la plus forte densité de vestiges et la structuration la plus nette (fig. 171). La durée réduite de l’intervention s’est traduite par l’absence d’enregistrement des éléments de spatialisation de certains secteurs de fouille, à l’exception des structures de combustion.

FIG. 170
Choisey/Aux Champins. Localisation de la surface de fouille sur l’emprise autoroutière.

FIG. 171
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de distribution de l’ensemble des vestiges.
602L’analyse de la répartition générale des vestiges fait ressortir le caractère extensif de l’occupation, reconnue sur une bande de 80 m de long, ainsi que la distinction de secteurs de concentration en vestiges, plus ou moins bien délimités par des espaces pauvres en mobilier et complétés par la présence de foyers en association plus ou moins directe.
603La partie centrale du secteur de fouille, marquée par l’occupation la plus dense, est complétée latéralement par des groupements de vestiges, comme celui situé au sud de F1 et F4, distant de 26 m du pôle principal d’occupation. En l’état actuel des données, l’articulation avec ces secteurs marginaux demeure incertaine ; aussi, leur intégration à l’analyse topographique se résumerait-elle à l’exposé de caractères non interprétables.
604Le secteur analysé se compose de plusieurs concentrations en vestiges dont les limites se distinguent ou se confondent en fonction de la nature de leur environnement archéologique. Les foyers F3, F5 et F9, en association plus ou moins directe avec la répartition du mobilier, jouent vraisemblablement un rôle différent dans l’organisation spatiale (fig. 172). Ainsi, le foyer F3 occupe une position relativement centrale dans un espace à forte densité de vestiges, tandis que le foyer F5 se trouve en position marginale et que le foyer F9 s’inscrit dans un espace à faible densité.

FIG. 172
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de distribution de l’ensemble des vestiges du secteur d’analyse spatiale.
Distribution spatiale des artefacts
Le matériel lithique
605Le débitage
606Le secteur 1, individualisé à l’ouest de F5, possède l’ensemble des données qualitatives qui définissent un secteur de taille, associant phase de production et phase de façonnage (esquilles, éclats, lamelles, nucléus, microburins) (fig. 173).

FIG. 173
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des produits de débitage.
607Le secteur 2, périphérique au foyer F3, se divise en 4 sous-ensembles dont 3 amas de débitage. Le premier, situé à l’est de la structure de combustion, est consacré à la taille exclusive du silex, tandis que les deux autres sont liés au débitage de la chaille (fig. 174). Les éléments lithiques, également abondants au nord et à l’ouest de F3, semblent correspondre davantage aux activités d’utilisation des supports, évoquées par une densité plus faible mais surtout par le caractère exclusif des éclats et des lamelles.

FIG. 174
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition de l’industrie lithique par grandes catégories de matières premières.
608Les postes de débitage, répartis autour du foyer, évoquent des activités d’intensité variable qui ont pour point commun de ne livrer aucun nucléus. Les secteurs de taille se trouvent à proximité du foyer, à une distance variant entre 50 cm et 1 m.
609La confrontation des données liées aux matières premières permet d’obtenir une vision spatiale très tranchée, caractérisée par la différence de répartition qui oppose la chaille et le silex (fig. 174). Ce fait est d’autant plus remarquable qu’il caractérise les secteurs de production, mais également les secteurs d’utilisation. Il est donc possible d’envisager une complémentarité des matières passant par une finalité différente du débitage, marquée, pour la chaille, par l’obtention de produits d’assez gros module, tandis que le silex a fourni des supports de plus petites dimensions à tendance plus lamellaire. La présence quasi exclusive de la chaille au nord du foyer pourrait définir un secteur d’activité spécifique, lié à l’utilisation de plus gros supports.
610Le secteur 3 se trouve à l’est de l’ensemble organisé autour de F3. Il est caractérisé par la présence de nombreux éclats, de lamelles, de quelques lames ainsi que par l’absence de nucléus. Cette zone semble plutôt liée à l’utilisation des supports qu’à leur production, comme en témoignent l’absence d’esquilles et de nucléus et la répartition assez lâche des vestiges.
611Le secteur 4, dans la partie S-E de la zone d’analyse, révèle une forte densité de vestiges lithiques dont les catégories évoquent la pratique d’activités de débitage. Cet ensemble à vocation productrice se compose de plusieurs postes de débitage matérialisés par 4 petits amas plus ou moins imbriqués qui associent chacun un type de silex bien différent. Les catégories de produits reflètent toutes les phases de la chaîne opératoire, y compris celle du façonnage des supports attestée par la présence de microburins et d’outils.
612Le secteur 5, à 4 m au S-O de F9, présente l’essentiel des caractères de configuration d’un poste de débitage, définis par la faible dispersion horizontale des vestiges et par les catégories de témoins en présence. Cet ensemble occupe une position marginale sans aucune relation évidente avec d’autres concentrations.
613Le secteur 6, au sud du foyer F5, possède une densité moyenne de vestiges dont la qualité ne permet pas de préciser le statut, malgré la présence de 3 nucléus. La partie centrale de cette zone, vierge, de 1,85 m de long sur 1,25 m de large, reflète vraisemblablement un effet de paroi à mettre en relation avec une superstructure ou une aire de couchage. Le secteur 7, associé au foyer F5, délimite une petite concentration de vestiges lithiques. La vocation de cet ensemble ne peut être définie précisément.
614L’outillage
615Sa distribution spatiale confirme l’ensemble des conclusions tirées de l’analyse des produits de débitage (fig. 175). Elle souligne la pratique de l’ensemble des activités de production et de façonnage sur un même lieu, attestée par la présence d’outils et de microburins, plus particulièrement à partir des grandes zones de taille comme les secteurs 1 et 4 et, de façon beaucoup plus ponctuelle, à partir des petits amas de débitage des secteurs 3 et 5. Elle confirme pour le secteur 2 et pour le secteur 6, situé au S-E de F5, une fonction autre que le traitement des matières siliceuses, nécessitant cependant l’utilisation d’outils. La dispersion de l’outillage n’indique pas de corrélation étroite avec les foyers, mais une distribution assez lâche, en marge des structures de combustion. La distinction catégorielle de l’outillage ne constitue pas un critère suffisamment pertinent pour nuancer ce schéma d’ensemble, comme le souligne la répartition sensiblement identique des outils du fonds commun et des armatures. Elle distingue le foyer F3, associé principalement aux triangles isocèles, et le secteur du foyer F5, aux pointes à troncature oblique, illustrant ainsi probablement l’existence de secteurs d’activité à vocation plus ou moins complémentaire (fig. 176).

FIG. 175
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition de l’outillage et des microburins.

FIG. 176
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des principaux types d’outils.
616• Les remontages lithiques
617Malgré l’identification d’une liaison entre les secteurs 1 et 2, de l’ordre de 9 m, et entre les secteurs 3 et 4, de l’ordre de 6 m, la pratique des remontages (fig. 177), non exhaustive, n’a pas fourni d’arguments suffisants pour confirmer l’existence de relations entre les différents secteurs de concentration. La majorité des remontages et raccords effectués se situe sur des aires restreintes délimitant les postes de débitage.

FIG. 177
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des remontages lithiques.
618• Les vestiges lithiques brûlés
619La distribution spatiale des éléments lithiques brûlés (fig. 178) se caractérise par la faible représentativité des produits de débitage et outils ayant subi une action thermique. Cette catégorie de témoins, attestée de la façon la plus significative sur le secteur 3, s’intègre de manière très anecdotique dans l’organisation spatiale générale.

FIG. 178
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des vestiges lithiques brûlés.
620Les plaquettes calcaires brûlées, à l’exception de celles appartenant au foyer F9 et au secteur 4, se répartissent indifféremment sur l’ensemble de la zone. Leur dispersion uniforme illustre une intégration spatiale de faible intensité, qui n’est cependant pas incompatible avec l’existence possible de secteurs à plus forte densité, non détectés. Cette éventualité est évoquée par le secteur 4, situé en limite de fouille.
La faune
621Témoins osseux
622La distribution spatiale reprend globalement les grandes lignes de répartition des autres catégories de témoins (fig. 179). Elle révèle une corrélation assez étroite avec les secteurs 2, 3, 4, 6 et 7 et confirme le caractère plus ou moins attractif des structures de combustion.

FIG. 179
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des restes de faune.
623Le secteur 2 présente une répartition non aléatoire des restes de faune, suggérée par la présence exclusive d’éléments brûlés dans sa partie centrale. L’absence de relation directe entre cet ensemble et une des structures de combustion reconnues constitue un obstacle à la définition de son statut (zone de rejet, zone de consommation...).
624Le secteur 3 se caractérise par une distribution concentrique des restes osseux autour du foyer. La distinction des éléments brûlés permet d’affiner notre perception spatiale en isolant la périphérie immédiate du foyer F3, ainsi qu’un groupement d’ossements brûlés dans la partie N-O du secteur. La zone de foyer, caractérisée par la présence de nombreux os brûlés, pourrait attester la pratique d’activités culinaires marquées par la cuisson, la consommation et le rejet. La petite concentration située à 2 m au N-O de F3 évoque une action de vidange de foyer, comme semble l’attester le regroupement des ossements. Les restes osseux non brûlés dessinent globalement une vaste couronne ayant pour épicentre l’amas de gravier et pour point d’intersection le foyer. Le caractère particulier de cette répartition illustre vraisemblablement le rejet de l’ensemble de ces vestiges.
625Sur le secteur 4, les éléments osseux, majoritairement non brûlés, définissent 2 ensembles dont la signification spatiale est limitée, principalement en raison de la méconnaissance du contexte archéologique du côté est.
626Le secteur 8, individualisé par la seule présence de faune, se trouve immédiatement au sud du secteur 1 associant en grande majorité des témoins lithiques. Il possède une composition bipartite, dont un groupement d’ossements brûlés, à 2,5 m à l’ouest de F5, qui s’inscrit dans un ensemble plus vaste aux limites assez floues. La proportion importante d’esquilles brûlées et la proximité du foyer F5 incitent à intégrer ce secteur à un ensemble articulé autour de ce dernier.
627Distribution spatiale par espèce
628Elle montre une division bipartite de l’espace opposant l’ensemble du foyer F5, constitué par les secteurs 1, 6, 7, 8, associé aux restes de sanglier, et l’ensemble du foyer F3, constitué par les secteurs 2 et 3, dominé par les restes de chevreuil et de cerf (fig. 180). Ce type de répartition soulève plusieurs questions concernant le problème de la contemporanéité de ces secteurs d’occupation, de la nature des activités pratiquées et d’une possible complémentarité évoquée par la distinction spatiale du traitement du gibier par espèce. Cependant, la présence de restes de sanglier dans l’ensemble du foyer F3 ne confirme pas cette dernière hypothèse.

FIG. 180
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des restes de faune par espèces.
629La répartition de ces ossements résulte, dans la majorité des cas, d’une action de rejet, déduite de leur position concentrique et en partie périphérique. Leur composition anatomique, qui associe des éléments du squelette crânien et mandibulaire ainsi que des ossements de bas de patte, confirme cette interprétation (fig. 181). Ces éléments, et plus particulièrement ceux de l’ensemble du foyer F3, évoquent une fonction de dépotoir.

FIG. 181
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de répartition des restes de faune par parties anatomiques.
Synthèse
630Les grandes lignes structurelles de cette organisation spatiale se définissent par la convergence et la divergence de certains caractères (fig. 182).

FIG. 182
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
631Le foyer constitue un centre d’attraction autour duquel se dessinent des secteurs liés aux différentes catégories de témoins. Les caractères qualitatif et quantitatif de ces derniers définissent des secteurs d’activités dont la nature et la finalité sont plus ou moins bien perceptibles. Ainsi, les secteurs articulés autour des foyers F5 et F3 résultent d’une organisation sensiblement identique, fondée sur la distinction spatiale caractérisée par l’opposition de secteurs à faune et de secteurs à industrie lithique. L’ensemble du foyer F5 possède 3 secteurs liés au débitage et/ou à l’utilisation de l’industrie lithique et 2 à la consommation et aux rejets de la faune. Une des parties de la périphérie du foyer correspond à une aire qui intègre préférentiellement les pointes à troncature oblique. Le tout est complété par une zone vide, provoquée par un effet de paroi situé à 2,5 m au S-E du foyer, qui peut matérialiser l’emplacement d’une superstructure ou d’une simple aire de couchage.
632Les mêmes observations sont applicables au secteur du foyer F3, dont l’espace est constitué par 2 ensembles liés aux produits de débitage et par 2 autres aux restes osseux. L’activité de taille, sous forme de postes limités, est déduite de la présence d’amas de débitage autour du foyer. À cette activité intense de débitage s’oppose celle de secteurs à densité plus faible, qui concerne l’ensemble de la périphérie de F3 et une zone située à l’est du foyer.
633D’une manière générale, la faune présente sensiblement la même répartition que les autres catégories de témoins, mais avec une extension plus importante qui dépasse les marges des secteurs à forte densité. La récurrence de ce phénomène plaide pour une évacuation d’une partie des restes osseux en périphérie des pôles principaux d’activités. Cette pratique d’évacuation est également illustrée par la présence d’une aire de vidange située à l’ouest de F3. Cet ensemble, défini par la présence de nombreux vestiges, intègre une aire vaguement circulaire de 2,5 m de diamètre, exempte de témoins archéologiques à l’exception du foyer à bordure F9. Cette zone marginale, délimitée par la répartition semi-circulaire du mobilier évoquant un effet de paroi, pourrait donc correspondre à l’emplacement d’une superstructure non définie ou simplement à une aire de couchage.
634Les assemblages de secteurs d’activités, régis par des normes spatiales récurrentes, définissent une conception de l’espace rattachée à la notion d’unité d’habitation qui, pour reprendre la définition d’André Leroi-Gourhan, correspond à un « ensemble comportant les éléments domestiques et les structures d’évacuation ou les annexes » (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972 : 326). Ainsi, les secteurs du foyer F5 appartiennent à une première unité d’habitation d’une superficie de 63 m2, tandis que la seconde, d’une superficie de 50 m2, correspond au secteur des foyers F3 et F9 (fig. 183).

FIG. 183
Choisey/Aux Champins. Niveau C2. Plan de détail du secteur des foyers F3 et F9.
635La notion de territoire domestique, appliquée essentiellement à l’aire de pratiques d’activités, se distingue de celle de l’espace domestique qui, selon la définition d’André Leroi-Gourhan, illustre « les surfaces délimitant la partie construite de l’habitation » (Leroi-Gourhan 1972 : 326). Le degré de structuration de ce campement mésolithique n’autorise bien souvent que la seule perception du zonage des secteurs d’activités et limite les considérations liées à l’espace domestique.
636Ces deux unités sont complétées par le secteur 4 qui, par sa position marginale et sa composition archéologique, marque l’emplacement d’un secteur d’activité spécifique lié à la transformation des matériaux siliceux. Ce caractère est souligné par la présence de plusieurs amas de débitage, ce qui renforce cette impression de partition de l’espace et implique la notion de secteurs à vocation complémentaire. La présence de restes osseux, essentiellement non brûlés, pourrait traduire l’existence d’un environnement archéologique plus complexe, situé hors de la surface de fouille.
637La marginalisation de certains secteurs consacrés à la taille est également attestée par le secteur 5 qui correspond à un poste de débitage sans relation évidente avec les zones à plus forte densité.
638Les principes régissant cette organisation spatiale peuvent être définis de la manière suivante :
le foyer joue un rôle attractif et définit une organisation de type radial ;
le territoire domestique, constitué de l’ensemble des secteurs d’activités, possède des limites plus ou moins nettes. Il reflète à la fois les principes de la superposition et de la distinction spatiale des zones d’activités qui s’expriment de la façon la plus dense aux abords immédiats du foyer. Ce dernier est le centre des activités de taille qui peuvent être reléguées dans des secteurs beaucoup plus marginaux, sous la forme de poste isolé, ou appartenir à de véritables ateliers (secteur 4). La marginalisation concerne également une partie de la faune, placée ainsi en position de rejet ;
l’espace domestique est déduit de la seule présence d’effet de paroi, dont un intègre le petit foyer à bordure F9 ;
le principe de la complémentarité est envisageable à partir des quelques remontages de produits lithiques, qui mettent en relation l’unité du foyer F5 et celle du foyer F3. L’individualisation spatiale de ces unités se traduit par l’absence de recoupement de structures, ce qui implique également une contemporanéité stricte.
Le niveau R4
Analyse topographique
639La distribution des vestiges définit deux ensembles principaux : le premier se situe aux abords du chenal 8 et le second au sud du chenal 7. La surface concernée par cette phase d’occupation, de l’ordre de 2 400 m2, se divise en 5 grandes zones de concentration (fig. 184).

FIG. 184
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Localisation des vestiges et des secteurs d’analyse spatiale.
640Le plus fort pôle d’occupation, dans la partie nord, se compose de 3 grands secteurs à forte densité de vestiges et de zones plus modestes, avec les foyers F15 et F9. La partie sud n’a livré qu’une seule zone de concentration partiellement tronquée par le chenal 7. L’aspect extensif de cette occupation et le regroupement des concentrations sont le reflet probable d’une seule et même occupation.
641L’absence de corrélation systématique entre la distribution des vestiges et celle des foyers est illustrée par la position marginale de la majorité d’entre eux. Les rares cas d’association, comme le foyer F21, témoignent de l’absence de répartition systématique des témoins en périphérie.
642La distribution de la chaille et du silex est identique, à l’exception de deux petits secteurs, l’un situé au N-O du foyer F14 et l’autre au S-O de F16, où s’observe une utilisation quasi exclusive du silex (fig. 185, 186).

FIG. 185
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition de l’industrie lithique en chaille.

FIG. 186
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition de l’industrie lithique en silex.
643La répartition des restes osseux montre une forte présence au cœur des concentrations (fig. 187). Ce fait, vrai pour la moitié nord de l’occupation, résulte d’une répartition beaucoup moins lâche que pour l’industrie lithique. Les secteurs des foyers F15 et F16 se distinguent par la quasi-absence de restes osseux, ce qui suggère l’existence probable de secteurs d’activités de nature différente.

FIG. 187
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des vestiges osseux.
644L’introduction du critère de distinction d’espèces, en ne considérant que les plus importantes, permet, dès ce stade de l’analyse, d’obtenir une vision plus précise. La répartition spatiale comparée des restes de cerf et de sanglier montre que c’est la répartition de ces derniers qui, en raison de leur importante supériorité numérique, reproduit le plus fidèlement les ensembles spatiaux (fig. 188, 189).

FIG. 188
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des restes de cerf.

FIG. 189
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des restes de sanglier.
645Les pierres brûlées sont très faiblement représentées (fig. 190) ; deux concentrations se dessinent au nord du foyer F9 et au nord du chenal 8. Si la première est associée de manière évidente à un foyer, la seconde est en relation avec une zone charbonneuse qui, en raison de sa configuration, est difficilement interprétable comme étant une structure de combustion. Cette distribution hétérogène révèle, dans deux cas seulement, l’existence de secteurs associés à un nombre conséquent de pierres brûlées. Expriment-elles la pratique d’une activité spécifique ? Permettent-elles d’envisager la complémentarité de secteurs dont certains seraient producteurs d’éléments brûlés et d’autres non ? Cette dernière interrogation pose le problème de la contemporanéité de ces différents ensembles.

FIG. 190
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des pierres brûlées.
646La distribution des armatures et des outils du fonds commun montre leur appartenance stricte aux zones de concentrations (fig. 191, 192), tandis que les foyers périphériques ne livrent jamais d’outils. L’opposition de ces deux grandes catégories définit une dispersion sensiblement moins lâche des outils du fonds commun que des armatures.

FIG. 191
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des outils du fonds commun.

FIG. 192
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des armatures.
647Les nucléus appartenant également aux principaux secteurs de concentration révèlent une dispersion périphérique qui correspond aux limites des zones de concentration (fig. 193). Il s’agit selon toute vraisemblance de produits rejetés aux abords immédiats du territoire domestique ; leur position constituerait un excellent marqueur des limites de ces unités spatiales.

FIG. 193
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de répartition des nucléus.
648Cette approche très générale jette les bases indispensables à une première réflexion. Elle nécessite cependant une échelle d’analyse plus réduite, avec l’étude ponctuelle et détaillée des principaux secteurs de concentration.
Le secteur 1
649Cette concentration, localisée en limite est de l’emprise, couvre une surface d’environ 63 m2 (fig. 194). La fouille de ce secteur a livré une série de 3 174 objets, dont 49 nucléus (1,5 %), 1 877 produits de débitage (59 %), 55 armatures (1,7 %), 72 outils du fonds commun (2,3 %), 69 pierres brûlées (2,2 %) et 1 052 restes de faune (33,1 %).

FIG. 194
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de détail.
650La distribution de l’ensemble des vestiges montre des variations de répartition, plus marquées dans le quart S-E. Le tiers nord de la concentration est délimité au sud par la présence d’une zone de vestiges raréfiés, d’environ 1 m de large. Un amas de galets non brûlés, situé à 2,5 m au S-O, complète cet ensemble (fig. 195).

FIG. 195
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des vestiges.
651La répartition des artefacts lithiques est relativement homogène ; leur densité est plus forte au sud de la bande transversale à vestiges raréfiés (fig. 196). Ce caractère est illustré par la présence d’une densité plus importante dans la moitié est, contiguë à un espace central d’environ 3 m2 où les vestiges sont plus ténus.

FIG. 196
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition de l’industrie lithique.
652Les nucléus sont associés à une distribution périphérique que l’on peut assimiler à une action de rejet et ils matérialisent ainsi les limites probables du territoire domestique, voire de l’unité d’habitation. La partie nord se distingue par une concentration importante de nucléus à enlèvements limités qui, dans certains cas, témoignent davantage d’une action de test ou de dégrossissage que d’une activité de plein débitage. La partie sud correspond à un secteur où l’activité de taille semble être plus importante, avec des densités plus fortes de produits de débitage.
653Les armatures, réparties préférentiellement dans le secteur sud de la concentration, sont distribuées concentriquement autour d’une zone vide et parallèlement à l’axe de la bande transversale (fig. 197). Ce dernier point permet d’envisager en ce lieu l’existence d’une zone de passage qui a conditionné la répartition des objets immédiatement proches et matérialise l’opposition entre les parties sud et nord.

FIG. 197
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des armatures.
654Les triangles isocèles présentent la répartition la plus concentrée, tandis que les pointes à base transversale ont une distribution plus lâche. Les pointes à base naturelle apparaissent uniquement dans la partie septentrionale de la concentration. Les rares lamelles à dos, réparties de manière aléatoire, se situent en périphérie.
655Il est difficile de discerner une organisation spécifique à partir de la dispersion des différents types d’armatures. On note cependant une étroite corrélation entre les triangles isocèles et les pointes à base transversale. Si nous considérons la répartition comme le reflet de secteurs d’activités, ces deux catégories d’outils se trouvent sur la même aire consacrée à leur façonnage, à leur réfection et à leur rejet.
656Les outils du fonds commun montrent sensiblement la même distribution que les armatures (fig. 198) avec, au sud de la zone, une concentration plus importante dominée par les éclats retouchés et les troncatures. Les remontages, non exhaustifs, définissent des liaisons principalement orientées N-S et transversalement peu importantes. Ils déterminent la présence de 3 secteurs de taille, sans raccord intermédiaire (fig. 237).

FIG. 198
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition de l’outillage du fonds commun.
657Contrairement aux autres catégories de vestiges, la faune a une distribution beaucoup moins aléatoire (fig. 199). La majorité des vestiges se répartit sur une surface d’environ 16 m2, subdivisée en deux sous-ensembles est et ouest, séparés par une petite zone vide orientée N-S. Le secteur situé au nord de la « zone de passage » se distingue par une densité très faible. Le caractère principal de cette répartition est le regroupement très important des ossements sur une aire restreinte.

FIG. 199
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des vestiges osseux.
658Les restes de sanglier sont peu nombreux et se superposent à la partie la plus dense de la concentration (fig. 200). Les quelques restes de cerf ont une répartition beaucoup plus marginale, qui ne correspond pas à la localisation stricte des concentrations. Cette différenciation spatiale pose le problème de la contemporanéité de ces vestiges, mais également de l’existence de secteurs spécifiques liés au traitement du sanglier ou du cerf. Pour le sanglier, on a principalement retrouvé les parties crâniennes et mandibulaires ainsi que celles du membre supérieur (humérus et radio-ulna) (fig. 201).

FIG. 200
Ruffey-sur-5eille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des vestiges osseux par espèce.

FIG. 201
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des restes de sanglier par partie anatomique.
659Les éléments brûlés se répartissent de manière homogène sur un secteur de forte concentration d’une surface de 10 m2 (fig. 202). L’association de produits de débitage et d’os brûlés est plus importante au centre de cette zone. Elle est divisée par un petit espace vide en deux ensembles qui sont, à l’ouest, l’emplacement de la zone de foyer et, à l’est, un secteur d’évacuation. La périphérie de cette zone, riche en éléments brûlés, montre une nette diminution du nombre des produits de débitage et un nombre croissant de restes osseux.

FIG. 202
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de répartition des vestiges brûlés.
660Les pierres brûlées, absentes du cœur de la concentration, sont présentes dans le quart S-O. Les données spatiales permettent difficilement de faire le lien entre cette zone et la concentration principale, mais sa proximité suggère une relation de dépendance marquée par l’évacuation des pierres brûlées.
661L’analyse, séparée puis conjointe, des différentes catégories de témoins devrait théoriquement permettre d’obtenir une image relativement précise de l’organisation spatiale.
662Le caractère extrêmement imbriqué des vestiges constitue un obstacle à une vision claire de la structuration spatiale de cette zone. Ses composantes pourraient être celles d’une unité d’habitation, dont l’espace domestique reste cependant indéterminé. Ce dernier pourrait se trouver en position marginale et être ainsi archéologiquement non détectable : l’encombrement important du sol constitue un obstacle à la conception d’une zone de couchage ou à la mise en place d’une superstructure. Cette organisation correspond au territoire domestique, constitué par la somme des secteurs d’activités.
663Les activités liées au débitage, au façonnage et à la consommation sont pratiquées aux abords de la zone foyère (fig. 203). En revanche, l’évacuation des pierres brûlées et la préparation de certains blocs de chaille (tests, débitage limité) ont été effectuées à l’écart de cette zone. Le secteur principal d’activité concerne ainsi une surface de l’ordre de 30 m2 et associe en un même lieu production et évacuation des éléments les moins encombrants (os brûlés, silex brûlés).

FIG. 203
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 1. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Le secteur 2
664Situé à une quinzaine de mètres à l’ouest du secteur 1, il est partiellement tronqué dans sa partie sud par le chenal 8. Sur une surface de 40 m2, ont été recueillies 2274 pièces, soit 25 nucléus (1,1 %), 1 057 produits de débitage (66,2 %), 45 armatures (2 %), 59 outils du fonds commun (2,6 %), 111 pierres brûlées (4,8 %) et 527 restes osseux (23,2 %) (fig. 204).

FIG. 204
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de détail.
665Le nombre de vestiges augmente dans la moitié sud au contact du chenal 8 (fig. 205). Cette concentration, aux limites très nettes, s’organise autour d’une structure charbonneuse, riche en coquilles de noisettes, qui occupe une position relativement centrale. La répartition est la même pour les produits de débitage (fig. 206). L’examen de la répartition par types de matières premières ne dégage pas de caractères particuliers.

FIG. 205
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des vestiges.

FIG. 206
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition de l’industrie lithique.
666La distribution des nucléus révèle le même type de répartition périphérique que le secteur 1 et matérialise les limites de cette concentration, possible reflet d’un territoire domestique (fig. 207).

FIG. 207
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des nucléus.
667Les armatures sont exclusivement présentes dans la partie sud, aux abords de la zone charbonneuse (fig. 208). La répartition la moins aléatoire concerne les triangles isocèles et les pointes à base transversale ; les autres catégories, minoritaires, montrent une distribution beaucoup plus lâche.

FIG. 208
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des armatures.
668Il ressort de l’analyse de l’outillage commun une homogénéité de répartition beaucoup plus grande (fig. 209) sur l’ensemble de la zone. Les grattoirs sont cependant principalement présents sur la moitié nord, et plus particulièrement sur le quart N-O. Quant à la moitié sud, elle se distingue par la forte représentation des pièces tronquées et des pièces retouchées. Les armatures se répartissent différemment, ce qui reflète probablement une diversité d’activités ; leur distribution est étroitement liée à la zone charbonneuse.

FIG. 209
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des outils du fonds commun.
669Par les remontages d’éléments lithiques, on peut distinguer deux secteurs principaux de débitage : le premier se situe au nord de la structure charbonneuse et le second au S-O (fig. 227).
670Les restes osseux sont surtout présents dans la moitié est et se répartissent selon une nappe homogène (fig. 210). La distinction des espèces, dominées par le sanglier, ne modifie pas ce caractère général, puisque la majorité des restes déterminés est répartie uniformément sur l’ensemble de la zone (fig. 211). L’introduction du critère anatomique isole, en périphérie de la zone charbonneuse, un secteur dominé par les éléments dentaires et crâniens (fig. 212) ; sa limite S-O est marquée par un dépôt linéaire. La partie nord est caractérisée par une plus grande diversité de restes, avec en particulier ceux des membres supérieurs et inférieurs. Le cerf est exclusivement représenté par des éléments du membre inférieur et du bas de patte et le chevreuil par des dents isolées.

FIG. 210
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des vestiges osseux.

FIG. 211
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des restes osseux par espèce.

FIG. 212
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des restes osseux par partie anatomique.
671Les éléments osseux brûlés appartiennent à un secteur plus restreint, localisé à proximité de l’amas charbonneux qui, pour cette raison, pourrait correspondre à une structure de combustion (fig. 210). Les produits de débitage brûlés ont une répartition sensiblement identique, liée à la présence de cet amas charbonneux (fig. 213). La parfaite superposition des os brûlés et des produits de débitage brûlés et leur association à cet amas confirment cette idée d’un foyer dont la rubéfaction n’est plus visible.

FIG. 213
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des artefacts brûlés.
672Les pierres brûlées, distribuées périphériquement, sont regroupées en 3 ensembles (fig. 214), dont les plus importants se situent à l’est et à l’ouest. La répartition de ces témoins est à mettre en parallèle avec celle des nucléus, dans la mesure où ils semblent marquer les limites de la concentration. Le nombre important de galets chauffés et l’absence de foyer à galets calcaires chauffants posent, d’une part, la question de l’évolution possible des structures de combustion (cf. supra §4.5.1) et, d’autre part, celle de la vocation de ces éléments chauffés.

FIG. 214
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de répartition des pierres brûlées.
673La répétition des éléments spatiaux de cet ensemble correspond à la définition et à la notion de l’unité d’activités. En raison de l’absence de l’espace domestique, ce secteur ne correspond pas à une unité d’habitation de conception paléolithique. Les limites de l’unité sont soulignées par la présence de pierres brûlées et de nucléus, rejetés en périphérie (fig. 215). L’impression générale est celle d’une pratique de l’ensemble des activités sur un même espace, avec une imbrication importante des vestiges. La synthèse spatiale définit une organisation à partir d’un point de polarisation : le foyer. Il concentre la majorité des activités liées à la taille, au façonnage et à l’utilisation des outils, à la consommation et au rejet. Dans cet environnement, d’apparence désordonnée, le caractère le plus singulier est lié au rejet systématique en périphérie des éléments les plus encombrants, témoignant d’une volonté de préserver un espace central consacré aux activités domestiques.

FIG. 215
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 2. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Le secteur 3
674Localisé au sud du chenal 8, il se trouve à environ 5 m au sud du secteur 2. Le mobilier archéologique se compose de 2 058 pièces dont 21 nucléus (1 %), 1 652 produits de débitage (80,2 %), 38 armatures (1,8 %), 40 outils (1,9 %), 26 pierres brûlées (1,2 %) et 281 restes osseux (13,6 %).
675Les vestiges répartis sur une surface d’environ 30 m2 sont associés au foyer F21, de type simple et à plat, situé à la limite sud de la concentration, en position périphérique (fig. 216). La distribution de l’ensemble des témoins est marquée par une intensité des vestiges légèrement plus importante dans la moitié ouest. Cette concentration de forme circulaire présente des limites nettes (fig. 217).

FIG. 216
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de détail.

FIG. 217
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des vestiges.
676La répartition des produits de débitage montre une densité plus forte dans la partie ouest (fig. 218). Malgré la présence de quelques nucléus en périphérie, leur distribution est concentrée et se superpose à la partie ouest. La forte corrélation entre les nucléus et les produits de débitage est la preuve de l’existence d’un secteur de taille. Les principales catégories d’armatures connaissent une répartition identique, sur une surface d’environ 16 m2 à partir du foyer (fig. 219). Les outils du fonds commun ont sensiblement la même distribution, mais les pièces tronquées sont situées au N-E du foyer (fig. 220).

FIG. 218
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition de l’industrie lithique.

FIG. 219
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des armatures.

FIG. 220
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition de l’outillage.
677Les remontages lithiques (fig. 227) permettent de définir deux secteurs où les raccords sont plus nombreux. Le premier, localisé au N-O du foyer, correspond à une première zone de taille, tandis que le second, de densité plus faible, se situe à l’est.
678Les vestiges osseux se répartissent de manière hétérogène. Une concentration d’os brûlés est située immédiatement au nord du foyer, alors que dans le reste du territoire domestique, on retrouve des os brûlés et des os non brûlés (fig. 221).

FIG..221
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des vestiges osseux.
679Les restes de sanglier, dominants, sont présents essentiellement dans la partie nord. Ils sont à l’écart du secteur de foyer où se retrouvent les os brûlés de petite taille (fig. 222). Il est ainsi possible d’opposer deux ensembles : le premier serait lié aux activités de cuisson, de consommation et de rejet, le second correspondrait davantage à un dépotoir situé sur les marges du territoire domestique. Ce fait est attesté par la distribution des parties anatomiques, globalement toutes représentées avec cependant une plus forte représentation des éléments crâniens et mandibulaires (fig. 223).

FIG. 222
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des vestiges osseux par espèce.

FIG. 223
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des vestiges osseux par partie anatomique.
680Les vestiges lithiques brûlés montrent une dispersion aléatoire, avec un nombre très faible de galets calcaires chauffés, présents systématiquement dans les concentrations (fig. 224).

FIG. 224
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de répartition des vestiges lithiques brûlés.
681L’organisation générale est liée à un point de polarisation excentré, le foyer (fig. 225). Aux abords immédiats de la structure de combustion sont présents les restes de consommation et de préparation culinaire constitués par les os brûlés, puis les témoins d’activités de taille, de façonnage et d’utilisation des outils. Malgré l’imbrication importante des différents secteurs, leur superposition imparfaite contribue à les définir comme des zones d’activités spécifiques. Cet ensemble est complété par une zone de rejet des restes osseux dans le quart N-O.

FIG. 225
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4, secteur 3. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Synthèse
682La récurrence des caractères de configuration tend à prouver l’existence de règles régissant l’organisation spatiale. La principale est constituée par l’imbrication des secteurs d’activités, dont l’intensité est plus marquée aux abords du foyer qui concentre l’ensemble des activités domestiques. L’ensemble des secteurs d’activités constitue le territoire domestique dont la périphérie est vouée à l’évacuation des éléments encombrants, comme les nucléus et les pierres brûlées.
683L’organisation des vestiges est définie par la pratique d’activités ponctuelles, dont la segmentation dans le temps se traduit par l’absence de postes de travail. Cela correspond bien au schéma de répartition des produits de débitage, caractérisé par l’absence d’amas, que l’on peut expliquer par une production répondant à des besoins ponctuels.
684Les vidanges de foyer, marquées par le rejet de petits éléments (os et silex brûlés), sont pratiquées au sein de la zone principale d’activité articulée autour du foyer. Ce dernier constitue la structure fondamentale qui conditionne les deux principaux types d’organisation mis en évidence :
une organisation de type radial, dont le point central est constitué par le foyer (secteurs 1 et 2) ;
une organisation de type excentré, dont le point de polarisation, le foyer, est situé en périphérie (secteur 3).
685Ces deux principes d’organisation répondent au même schéma, caractérisé par la localisation sensiblement identique des secteurs d’activité. Ces derniers définissent le territoire domestique dont la surface varie entre 63 m2 (secteur 1) et 40 m2 (secteur 2). Malgré des variations quantitatives importantes des vestiges, de 3 174 à 2 058 pièces, la densité au mètre carré est sensiblement identique, avec un taux de 50,4 pour le secteur 1, 56 pour le secteur 2 et 49 pour le secteur 3. Qualitativement, nous observons une répartition homogène des différentes catégories de témoins avec de légères variations concernant les activités liées aux produits de débitage et à la faune (fig. 226). Ces données laissent supposer une très probable contemporanéité des occupations, orientées vers le même type d’activité.

FIG. 226
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Représentativité des principales catégories de témoins par secteur.
686Le problème de la contemporanéité de ces occupations a été abordé grâce aux remontages lithiques, dont le taux de raccord est de 3,5 % (fig. 227). Cette pratique, conçue dans le but de détecter une éventuelle articulation entre les différents secteurs de concentration, ne se voulait pas exhaustive. Elle a néanmoins permis d’obtenir une vision spatiale dynamique, grâce à la mise en relation des secteurs 1, 2 et 3. Les liaisons ainsi obtenues sont de l’ordre de 20 m entre les secteurs 1 et 2 et de 10 m entre les secteurs 2 et 3 ; aucune liaison directe n’a été établie entre les secteurs 1 et 3. Contrairement à ce que l’on pouvait attendre du caractère qualitatif de tels remontages, ils concernent des produits de débitage bruts, principalement des éclats. Ils prouvent de manière indubitable la contemporanéité de ces 3 secteurs, bien définis et configurés de la même façon. Cependant, la possibi lité d’un diachronisme est envisagée à partir de la répartition différente et beaucoup plus lâche des vestiges de la moitié sud de l’occupation. La composition très proche des assemblages de vestiges s’oppose à l’idée d’une complémentarité fonctionnelle de ces différents ensembles et confirme leur individualité, en relation avec la notion de campement constitué de plusieurs unités. Bien qu’elles ne correspondent pas à la définition précise de l’unité d’habitation, elles s’en rapprochent par de nombreux aspects (individualisation spatiale et présence d’un territoire domestique) : c’est pourquoi nous souhaitons introduire la notion d’unité d’activités, qui correspond à cette conception spatiale spécifique au Mésolithique. Elle se distingue en particulier de l’unité d’habitation par l’absence de détermination de l’espace domestique. En l’état actuel des données, il est impossible de définir s’il correspond rigoureusement à l’emplacement des unités d’activités ou s’il se trouve en dehors. Cette dernière hypothèse est suggérée en particulier par la présence de foyers marginaux, sans ou avec très peu de vestiges associés, dont la signification spatiale nous échappe : ils pourraient marquer l’emplacement des lieux de couchage, de superstructures de type tente ou de simple abri tendu entre des arbres, ou encore correspondre à des foyers d’éclairage ou de protection.

FIG. 227
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R4. Plan de localisation des remontages des secteurs 1, 2 et 3.
4.5.2.3 La transition Mésolithique ancien/Mésolithique moyen (niveau R3)
687D’une surface d’environ 400 m2, le pôle principal d’implantation, situé à l’ouest de l’emprise au nord du chenal 5, est complété par un amas de débitage, tronqué par le chenal 2 et distant de 75 m à l’est (cf. supra § 4.5.1.2) (fig. 228, 229).

FIG. 228
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Localisation des vestiges dans la surface fouillée.

FIG. 229
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de détail.
688Cette phase d’occupation se prête particulièrement bien à l’étude de l’organisation spatiale, grâce à la présence de nombreux vestiges répartis sur une aire restreinte et associés à plusieurs structures de combustion.
689L’analyse a été conçue de manière unitaire, à partir du secteur principal, en raison de la contemporanéité probable de l’ensemble des concentrations de vestiges. Ce caractère est suggéré par la forte densité des témoins archéologiques sur une surface réduite et leur appartenance à des concentrations bien individualisées qui semblent spatialement s’exclure (absence de recoupement). Malgré la disparité des datations radiocarbones, l’industrie possède un fort caractère d’homogénéité par les types de matières premières utilisées et l’outillage (présence de triangles isocèles). La contemporanéité de cette occupation est également définie par les remontages qui mettent en relation plusieurs zones de foyer.
Analyse topographique des vestiges
690La distribution des vestiges permet de distinguer trois ensembles dont la densité de la répartition est variable (fig. 230) :
le premier correspond au secteur des foyers F44, F45 et F58 ; il est accompagné d’une densité de vestiges importante, plus marquée pour F45 et F58 ;
le second, défini par les foyers F53, F54 et F55, occupe une position médiane dans la surface d’occupation. Il est caractérisé par une densité moyenne, plus forte au niveau du foyer F53 ;
le troisième intègre les foyers F59 et F60, à densité moyenne, et marque la limite nord de l’occupation.
691Il convient d’adjoindre à ces trois ensembles une zone marginale, située au sud, sans aucun foyer associé.

FIG. 230
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des vestiges.
692La répartition générale montre une dispersion, en corrélation étroite avec les zones de foyer. Ce caractère correspond à un habitat composé de plusieurs unités d’activités.
Le matériel lithique
Le débitage
693Cet aspect se retrouve également dans la distribution des produits de débitage (fig. 231), plus nombreux au niveau des foyers F45 et F58, auxquels peut être associée une activité de taille importante. Cette dernière est mise en évidence dans le secteur sud par la présence de nombreux produits de débitage.

FIG. 231
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition de l’industrie lithique.
694Les deux grandes catégories de matière première permettent de définir des zones de secteurs spécifiques comme ceux des foyers F58 et F59 qui intègrent de nombreux éléments de chaille. Le foyer F59 se distingue par l’opposition spatiale entre le silex et la chaille, présente de manière significative dans la partie ouest. Dans le secteur du foyer F58, on observe la superposition de ces deux types de matière première, tandis que dans le secteur sud, l’utilisation de la chaille est quasi exclusive. Les foyers F45, F53, F54 et F55 montrent une activité de taille principalement réalisée à partir du silex. Les variations d’intensité de l’activité de débitage s’observent d’une façon plus ou moins évidente dans les secteurs de taille : elle apparaît de manière claire pour le secteur sud, au S-O et au N-E de F58 ainsi qu’au S-E de F45. Ces zones d’activités, sur lesquelles s’est déroulé un processus opératoire, ne s’accompagnent généralement pas d’amas de débitage, à l’exception de F45 où l’on peut identifier vraisemblablement l’existence d’un poste de débitage.
695Malgré la présence de quelques nucléus sur les zones de concentration, leur répartition en périphérie témoigne d’une action de rejet (fig. 231). Ils pourraient ainsi marquer les limites de territoires domestiques.
L’outillage
696Les armatures montrent une répartition générale directement liée aux foyers (F58 et F45) ou marginale (F59) (fig. 232). Les secteurs les plus denses se trouvent autour des foyers F58 et F43 ; les zones des foyers F53, F54 et F55 sont caractérisées par un plus faible nombre d’armatures ; le foyer F60 se singularise par l’absence de ces éléments, fait à mettre en relation avec sa position marginale. Le secteur sud a livré quelques éléments dont la présence résulte de la spécificité de cette zone consacrée à la taille et au façonnage des supports. Les dimensions plus importantes de ces derniers résultent de l’utilisation de la chaille.

FIG. 232
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des armatures.
697L’armature la mieux représentée, le triangle scalène, est présente sur l’ensemble de l’aire d’implantation. Sa supériorité écrasante par rapport aux autres types d’armatures donne aux secteurs des foyers F58 et F45 un caractère spécifique, renforcé pour le foyer F45 par la faible diversité des types rencontrés.
698La distribution de l’outillage microlithique n’est pas aléatoire dans le territoire domestique. Il peut, comme pour le foyer F59, se concentrer à 1,5 m à l’est ou encore, pour le foyer F45, se répartir en arc de cercle à l’ouest. Quant à F58, il montre une dispersion plus concentrique.
699Les triangles isocèles, représentés dans des proportions identiques sur l’ensemble de la zone, sont directement associés au foyer (F45) ou occupent une position plus marginale (F58 et F59). La relation étroite qu’ils entretiennent avec F45 est démontrée par la découverte de 4 triangles isocèles, regroupés et alignés, qui appartiennent vraisemblablement au même outil composite (fig. 233) ; répartis sur une longueur de 10 cm et équidistants de 5 mm, 3 d’entre eux présentaient un alignement parfait et tous avaient le bord retouché tourné du même côté. Dans l’hypothèse où ils détermineraient l’emplacement d’une flèche, l’extrémité était soit armée par l’isocèle non aligné ou par une pointe d’un autre type (en silex ou en os), les trois autres (ou les 4) formant les barbelures, soit non armée et constituée par la hampe appointée, renforcée par 4 barbelures unilatérales.

FIG. 233
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Alignement de 4 triangles isocèles dans le foyer F45 pouvant marquer l’emplacement d’une flèche.
700Les segments de cercle sont uniquement associés à F45 et de manière plus significative à F58. Situés à proximité immédiate des foyers, ils se trouvent sur le secteur opposé à la zone de concentration des triangles scalènes.
701Les pointes de Sauveterre sont caractérisées par une répartition beaucoup plus aléatoire due en grande partie à leur faiblesse numérique.
702La distribution des outils du fonds commun, plus lâche, dessine une seule concentration évidente au sud de F58 (fig. 234). Cette dispersion est liée d’une part, à la faiblesse des données quantitatives et d’autre part, à la faible diversité de types qui associent principalement des pièces retouchées et tronquées.

FIG. 234
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des outils du fonds commun.
La faune
Témoins osseux
703Les restes osseux montrent une répartition qui oppose des secteurs riches en faune (F44, F45, F53, F54, F55 et F58) à des zones à rares éléments (F59 et F60). Alors que les foyers F44, F45 et F58 possèdent un nombre important d’esquilles carbonisées, les structures F53, F54 et F55 se différencient par des restes abondants, de grande taille, rarement brûlés (fig. 235).

FIG. 235
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des restes osseux.
Distribution spatiale par espèce
704Les restes de sanglier présentent une plus grande densité au niveau du foyer F58 (fig. 236, 237). Ils sont généralement carbonisés, y compris au niveau des foyers F45, F44, F53, F54 et F55. Le taux d’éléments brûlés est encore plus significatif pour le renard, dont la majorité des restes se trouve autour du foyer F58.

FIG. 236
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des restes osseux par espèce.

FIG. 237
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des restes de sanglier par partie anatomique.
705La répartition des restes d’aurochs est particulière à deux égards. En effet, les témoins ne sont pas en relation directe avec les foyers et appartiennent à des dépôts distincts en fonction des parties anatomiques. Une première aire comprise entre F58 et F45 se définit uniquement par des restes crâniens et mandibulaires tandis qu’une autre, située vers F54 et F55, n’est constituée que par des éléments du squelette appendiculaire (fig. 238). Les restes d’aurochs sont rarement carbonisés et leur position en lignes, reconnue au sud de F54 et de F55 et entre F58 et F45, pourrait être le résultat d’axes de circulation.

FIG. 238
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des restes d’aurochs par partie anatomique.
706Tout comme ceux de l’aurochs, les vestiges de cerf ne sont jamais brûlés, à l’exception d’un fragment de métapode. Leur répartition lâche s’explique par le petit nombre des restes représentés par toutes les parties du squelette, mis à part les ceintures et le rachis (fig. 236).
707Les principales observations concernent les restes d’animaux de petite et moyenne tailles, brûlés dans les secteurs de foyers F44, F45 et F58 alors qu’ils ne le sont pas dans ceux des foyers F53, F54 et F55. Les ossements de grandes espèces, telles que l’aurochs, jamais brûlés, se situent dans les secteurs de foyer F53, F54 et F55. Ces données évoquent l’existence de secteurs d’activités différents et complémentaires, dont le premier serait lié à la consommation des petites et moyennes espèces, tandis que le second serait consacré à la préparation du grand gibier.
Éléments brûlés
708Ils montrent, par leur répartition, leur plus grande appartenance aux foyers F58 et F53 (fig. 239). F58 est ceinturé par de nombreux éléments lithiques et osseux brûlés dont l’épandage est lié d’une part, aux pratiques de nettoyage de la structure de combustion et d’autre part, à la consommation. Les pierres brûlées sont directement associées à F60 et à F44, foyers à galets calcaires chauffants, qui occupent une position marginale ; leur morphologie spécifique leur confère un statut particulier dans l’organisation spatiale. La présence significative de galets brûlés entre F44 et F45 pourrait correspondre à une zone de rejet.

FIG. 239
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de répartition des vestiges brûlés.
709Le problème de la contemporanéité de cet ensemble a été résolu en grande partie grâce aux remontages (fig. 240). Le taux de remontage qui est de 2,2 % s’explique par le caractère délibérément non exhaustif mais surtout par la taille des éléments souvent très petite et l’utilisation importante du silex aux caractères macroscopiques peu différenciés. Deux types de liaisons ont été mis en évidence : des liaisons d’assez courtes distances, de quelques centimètres à 5 m, qui appartiennent exclusivement au cœur des concentrations ; des liaisons plus longues, de plus de 5 m, qui marquent la relation évidente entre ces ensembles. Ainsi F58 a été relié à F45, eux-mêmes reliés à F59. Aucune liaison n’a pu être établie entre ces secteurs et F53, F54, F55 et la petite zone sud.

FIG. 240
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de localisation des remontages lithiques.
Synthèse
710L’ensemble des données met en évidence la cohabitation de plusieurs unités d’activités (cf. supra § 4.5.2.2) définies par la présence de témoins qui appartiennent à un espace articulé autour du foyer. Quatre unités ont été reconnues à partir de ces caractères de configuration. La première correspond au secteur du foyer F58, la deuxième au foyer F45, la troisième à l’association F53, F54 et F55 et la quatrième à F59 (fig. 241). Malgré la constitution particulière de la troisième unité, elles révèlent toutes une organisation de type radial, dont le point central est le foyer.

FIG. 241
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
711L’unité 1, d’une surface d’environ 34 m2, est composée de deux secteurs de même composition séparés au niveau du foyer. De part et d’autre, s’observent deux zones de débitage qui se superposent à un secteur lié au façonnage et à l’utilisation des microlithes. Une zone d’utilisation spécifique des segments se situe au N-E de F58. Ce foyer est également flanqué de deux zones riches en produits de débitage et os brûlés, qui attestent une consommation culinaire et une activité de rejet. Le reste du territoire domestique est marqué par la pratique des activités de débitage, de façonnage, de consommation et de rejet, sans secteurs spécifiques. Cette première unité est complétée par une zone périphérique, avec rejet des gros ossements, au S-E du foyer (fig. 241).
712L’unité 2, d’une surface de 30 m2, se trouve immédiatement à l’est de l’unité 1. Si le territoire domestique est consacré à la pratique des différentes activités, elles s’expriment de manière plus forte aux abords du foyer. Un poste de débitage pour la production des supports lamellaires s’individualise au S-O de F45, dans un vaste secteur consacré au façonnage et à l’utilisation des triangles scalènes. La zone qui correspond à la localisation des quelques segments est opposée à celle des triangles. En absence d’éléments lithiques et osseux brûlés, cette unité ne possède pas de zone consacrée à la consommation culinaire et à l’évacuation de ses rejets. La pratique de rejet est attestée par la présence de pierres brûlées dans la périphérie S-E (fig. 241).
713L’unité 3, d’une surface de 28 m2, possède 3 foyers proches les uns des autres. Seul le secteur du foyer F53 est partiellement structuré de la même façon que les unités 1 et 2, avec la présence d’une zone de rejet marquée par la présence d’os et d’artefacts brûlés, ainsi que d’un secteur lié à l’utilisation des triangles scalènes. La position marginale des deux autres foyers et leur environnement archéologique leur confèrent un statut particulier ; en effet, ce secteur est limité au sud par une vaste zone de rejet composée de restes d’aurochs (fig. 241).
714L’unité 4, conservée sur 26 m2, possède une unique zone d’activité consacrée soit au façonnage, soit à l’utilisation des triangles. L’ensemble du territoire domestique est lié à la pratique d’activités domestiques de faible intensité (taille, consommation culinaire...) non individualisées spatialement (fig. 242).

FIG. 242
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R3. Représentativité des principales catégories de témoins par unité.
715Ces unités sont complétées par une zone de débitage et de façonnage, située au sud de l’unité 1, ainsi que par les foyers à galets calcaires chauffants F44 et F60 qui occupent une position marginale. Ces caractères semblent évoquer une fonction complémentaire, dont la pratique se situe à l’écart des secteurs à forte activité, liée soit à un mode de cuisson spécifique, soit à la chauffe de galets utilisés au sein des unités domestiques.
716Le centre de ce campement correspond aux unités 1 et 2, caractérisées par une concentration d’activités classiques, domestiques, consacrées au débitage mais surtout à la consommation de petites et moyennes espèces (sanglier, chevreuil, renard). Les unités 3 et 4 ont une vocation complémentaire, évoquée par leur organisation spécifique, mais surtout par la composition de l’unité 3 qui, associée à une aire de rejet de restes d’aurochs, constitue une zone de préparation du grand gibier.
4.5.2.4 Le Mésolithique moyen (niveau R2)
717Seul le Mésolithique moyen de Ruffey-sur-Seille (niveau R2) est abordé ici : le niveau C1 de Choisey ne se prête pas à une analyse spatiale pertinente en raison de la faible densité des vestiges, répartis de manière extensive, et des nombreuses perturbations occasionnées par le creusement de structures protohistoriques.
Analyse topographique
718La distribution de l’ensemble des vestiges révèle un caractère extensif pour la quasi-totalité de la surface fouillée ainsi qu’un caractère morcelé par la présence de nombreuses concentrations d’importance variable (fig. 243). Le grand nombre de secteurs d’implantation constitue un obstacle à une approche topographique globale. Nous sommes également confrontés au problème évident de la contemporanéité ainsi qu’à celui plus pratique de la présentation des données sur une surface aussi importante. Pour ces raisons, nous nous limiterons à la présentation de trois secteurs dont les caractères spatiaux représentent le mieux l’organisation de cette phase d’occupation du Mésolithique moyen.

FIG. 243
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2. Localisation des vestiges et des secteurs d’analyse spatiale.
Le secteur 1
719Situé le plus à l’ouest du gisement, il est flanqué au nord, du chenal 4, au sud du chenal 7 et à l’ouest du chenal 5. Malgré la proximité de ces chenaux, il semble qu’il soit conservé dans son intégralité, comme l’ont montré les 325 m2 fouillés. La série recueillie est assez faible avec un effectif de 667 objets, dont 381 produits de débitage (57,1 %), 6 nucléus (0,9 %), 27 armatures (4 %), 9 outils du fonds commun (1,3 %), 194 restes osseux (29 %) et 50 pierres brûlées (7,5 %).
720La distribution générale des vestiges définit une sorte d’arc de cercle composée de 3 sous-secteurs, au nord du foyer F31, de type simple et à plat (fig. 244). Ils sont caractérisés par des densités de vestiges très moyennes et délimitent un espace vide situé immédiatement au nord du foyer. Cette tendance est confirmée par le décalage important, par rapport au foyer, des zones d’activités avec produits de débitage (fig. 245) ; la structure de combustion se trouve ainsi en position excentrée. L’absence de corrélation entre la distribution de la chaille et du silex est liée à l’existence de secteurs d’activité consacrés soit à l’une soit à l’autre de ces matières. Ainsi, les deux secteurs les plus au nord associent principalement la chaille, alors que le troisième, au sud, est lié essentiellement au silex. Les nucléus peu nombreux se situent en périphérie et sont donc en position de rejet.

FIG. 244
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition des vestiges.

FIG. 245
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition de l’industrie lithique.
721Quant à la répartition des armatures, les triangles scalènes s’intègrent parfaitement aux 3 secteurs de concentrations, consacrés également à une activité de façonnage (fig. 246). Les outils du fonds commun, constitués principalement de pièces retouchées, se retrouvent essentiellement dans le secteur le plus septentrional (fig. 247) ; ils témoignent d’une répartition complémentaire par leur présence dans les secteurs où les armatures sont quasiment absentes. Par leur complémentarité et leur caractère exclusif, ces zones correspondent vraisemblablement à des aires d’activités spécifiques liées au traitement des matériaux siliceux (débitage et façonnage).

FIG. 246
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition des armatures.

FIG. 247
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition des outils du fonds commun.
722Ce caractère exclusif se dégage également par la faible corrélation de la répartition des os et des pierres brûlés (fig. 248). Les deux secteurs les plus au nord montrent essentiellement des restes de faune brûlés, ce qui résulte d’une activité de consommation culinaire. La troisième concentration se divise en une partie nord, avec os et pierres brûlés et une partie sud, qui associe exclusivement des pierres brûlées. Ces dernières, localisées à 4 m au N-E du foyer, correspondent à une nappe de rejet dont l’association avec F31 est plus que probable. Cependant, le foyer n’a livré que des os brûlés, ce qui semble confirmer l’hypothèse de l’évolution morphologique et fonctionnelle de certaines structures de combustion. Une petite zone de concentration, située dans l’espace central à faible densité de vestiges, comprend quelques os et pierres brûlés.

FIG. 248
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition des vestiges brûlés.
723Les os non brûlés se retrouvent dans les différents secteurs mais aussi sur l’espace central, où ils sont seuls présents (fig. 249) ; une petite zone de restes osseux se remarque à l’est du troisième secteur de concentration.

FIG. 249
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de répartition des vestiges osseux.
724L’organisation spatiale, définie à partir de l’analyse topographique, ne semble pas correspondre à celle d’une unité d’activité, telle qu’elle a pu être définie (fig. 250). En effet, s’opposent à cette conception le caractère extensif du secteur et principalement l’absence de corrélation évidente entre les secteurs d’activités et le foyer. Les zones d’activités, qui regroupent l’ensemble des pratiques domestiques (débitage, façonnage, utilisation, consommation culinaire, rejet), font partie de cette organisation mais ne semblent pas en constituer l’élément fondamental. Ce secteur pourrait être voué, comme l’indique l’espace central caractérisé par la présence exclusive de restes osseux de taille importante, à l’abattage et au dépeçage des animaux chassés. La polyvalence de cette zone, qui intègre l’ensemble des processus liés à l’acquisition de ressources animales, se traduirait-elle par cette organisation particulière excentrée et en arc de cercle ?

FIG. 250
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 1. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Le secteur 2
725Situé au sud du chenal 7 et reconnu sur une surface de 25 m2, il a livré une série de 737 individus, composés de 506 produits de débitage (68,7 %), de 6 nucléus (0,8 %), de 33 armatures (4,4 %), de 4 outils du fonds commun (0,5 %), de 108 pierres brûlées (14,6 %) et de 80 os (10,8 %).
726L’ensemble des vestiges se répartit concentriquement autour du foyer F61, de type simple et à plat, au sein d’un territoire domestique aux limites très marquées (fig. 251, 252). La morphologie de cet ensemble correspond parfaitement à la définition exacte de l’unité domestique, caractérisée par une organisation de type radial.

FIG. 251
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de détail.

FIG. 252
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de répartition des vestiges.
727Cette unité a pour particularité d’avoir livré une structure funéraire, avec des restes humains incinérés, déposés à 1 m au S-O du foyer (cf. supra I. Le Goff § 4.3). Elle s’inscrit dans un espace apparemment réservé et dessine une sorte d’enclave à vestiges raréfiés, qui peut ainsi marquer l’opposition entre une aire réservée aux activités domestiques et une aire imprégnée d’une certaine symbolique.
728La distribution des produits de débitage ne montre pas de secteurs d’activités spécifiques. La distinction des deux principales catégories de matière première que sont la chaille et le silex ne s’accompagne pas de répartition spécifique (fig. 253). Cependant, les remontages nuancent cette vision (fig. 254) : en effet, la majorité d’entre eux, concentrés à l’est du foyer, semblent indiquer l’existence d’une activité de taille particulièrement bien développée. Il s’agit de liaisons courtes et longues avec un raccord de 13 m entre un nucléus et quelques produits de plein débitage. Cela est à mettre en relation avec l’action de rejet général qui caractérise cette catégorie de produits. Ce comportement est également déduit du fait que la majorité des nucléus sont situés en position périphérique, aux marges du territoire domestique.

FIG. 253
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de répartition de l’industrie lithique.

FIG. 254
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de localisation des remontages.
729L’outillage se retrouve autour du foyer, avec de manière exclusive les triangles scalènes recueillis dans et aux abords de la structure (fig. 255). Ces triangles, souvent brûlés, montrent une relation étroite avec le foyer, ce que l’on pourrait expliquer par la réfection de flèches, opération qui nécessite leur collage à l’aide de résine chauffée. La faiblesse numérique des autres catégories d’outils ne permet pas de tirer de conclusion d’ordre spatial, si ce n’est leur présence dans un rayon qui ne dépasse pas 2 m autour du foyer.

FIG. 255
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de répartition de l’outillage.
730Les éléments lithiques brûlés sont essentiellement concentrés à l’ouest du foyer (fig. 256) ; ils se composent de produits de débitage localisés dans et autour du foyer, ainsi que sur le bord ouest de l’unité. Quant aux pierres brûlées, elles ne sont quasiment pas associées au foyer mais sont majoritairement présentes dans le secteur ouest ; quelques rares exemplaires sont également associés dans la partie est. Ces deux catégories de témoins, présents dans des proportions significatives dans le secteur ouest de l’unité, correspondent à une action de rejet sur une aire apparemment à usage spécifique. Il nous faut une fois de plus souligner l’absence de relations évidentes entre un foyer à plat sans pierre brûlée et une zone de rejet avec une forte concentration de ces éléments.

FIG. 256
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de répartition des vestiges lithiques brûlés.
731Cette organisation spatiale correspond typiquement à celle de l’unité domestique, composée d’un territoire articulé autour du foyer, associé aux activités liées aux triangles scalènes et plus globalement à l’outillage (fig. 257). Ce foyer a également joué un rôle important dans la crémation des restes humains (cf. supra I. Le Goff § 4.3). Deux autres secteurs ont été définis en relation avec le débitage et avec le rejet des pierres brûlées. L’imbrication des secteurs d’activités, forte dans les phases d’occupation précédentes, est ici faible ; ceci pourrait s’expliquer par une organisation spatiale spécifique ou par une occupation de plus courte durée. Cette unité se singularise également par la présence d’une incinération, ainsi que par la quasi-absence de restes de faune.

FIG. 257
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 2. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Le secteur 3
732Il appartient à la zone d’occupation située au N-E du gisement. Tronqués dans sa partie S-O par une tranchée de diagnostic, les 20 m2 conservés ont permis de recueillir une série de 917 éléments composés de 261 produits de débitage (28,4 %), de 5 outils (0,5 %), de 2 armatures (0,2 %), de 583 pierres brûlées (63,6 %) et de 66 os (7,2 %) (fig. 258). La distribution de l’ensemble des vestiges correspond à une concentration aux limites nettes, située autour d’un foyer en cuvette à galets calcaires chauffants. Le mobilier est plus dense dans la partie ouest (fig. 259).

FIG. 258
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de détail.

FIG. 259
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de répartition des vestiges.
733Les produits de débitage présents sur l’ensemble du secteur, plus nombreux en périphérie ouest, ne forment pas de véritables zones spécifiques. Ce caractère se retrouve également dans la dispersion de la chaille et du silex (fig. 260). Le faible nombre d’outils ne permet pas de dégager des caractères spatiaux, mais constitue une des originalités de cette implantation (fig. 261).

FIG. 260
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de répartition de l’industrie lithique.

FIG. 261
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de répartition de l’outillage.
734La principale caractéristique de ce secteur est constituée par la masse énorme de pierres brûlées rejetées en périphérie du foyer (fig. 262). La production de ces éléments est à mettre en relation avec le type de foyer en présence qui, en raison de sa charge importante (13,8 kg) et des nombreux éléments rejetés, a dû faire l’objet de plusieurs recharges en galets calcaires. S’il est difficile de préciser le rôle et la fonction de cette production, elle constitue vraisemblablement, en raison de ses données quantitatives, l’activité principale de cette occupation.

FIG. 262
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de répartition des vestiges brûlés.
735Les restes osseux appartiennent à deux zones principales : l’une, située à l’ouest du foyer, comprend des restes brûlés, l’autre, au sud, des os non brûlés (fig. 263). Il est ainsi possible d’envisager l’existence d’un premier secteur consacré à la consommation et d’un second, lié au rejet.

FIG. 263
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de répartition des vestiges osseux.
736Ce secteur correspond bien à une unité d’activités au caractère spécifique dont la nature nous échappe. Elle témoigne de la pratique du débitage, sans zonage particulier, de la faible présence de l’outillage, du faible nombre de restes osseux, mais surtout de l’utilisation massive de pierres brûlées associée à un foyer à galets calcaires chauffants (fig. 264). Cette unité est représentative du type d’organisation qui caractérise la partie N-E du gisement et le secteur des foyers F27 et F28 (fig. 265).

FIG. 264
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur 3. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.

FIG. 265
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R2, secteur des foyers F27, F28. Plan de détail.
Synthèse
737L’ensemble de ces unités répond à une organisation de type radial, à l’exception du secteur 1. Le territoire domestique, généralement bien délimité, montre une division plus ou moins marquée de son espace en secteurs d’activités. Ces derniers, assez bien individualisés pour le secteur 2, sont fortement imbriqués pour le secteur 3.
738Ces unités ont également un certain nombre de points communs : l’existence de zones périphériques de rejets des pierres brûlées, la rareté des restes de faune et la surface moyenne du territoire domestique qui est de l’ordre de 20 m2.
739Les données quantitatives appliquées aux différentes superficies montrent des densités moyennes très variables, qui vont de 2 pièces au mètre carré pour le secteur 1, à 45 pour le secteur 3, tandis qu’elle est de 29 pièces pour le secteur 2. Ces variations peuvent s’expliquer par l’intensité et la nature des activités ou par la durée de l’occupation, à condition que le nombre de vestiges évolue de manière proportionnelle.
740L’activité de débitage est généralement dominante avec un taux de produits de 55 à 75 % selon les secteurs. Si les nucléus sont présents dans des proportions identiques, la faune est généralement peu abondante. Les proportions de pierres brûlées varient fortement, avec plus de 60 % pour le secteur 3.
741Si les activités sont pratiquées aux abords du foyer, le secteur 1 s’oppose à cette conception spatiale et reflète une organisation extensive. Ce fait est lié à la présence d’un foyer qui n’a pas polarisé la pratique des activités. Il s’accompagne d’une plus forte proportion de restes osseux, ce qui donne à cette zone une vocation particulière, en relation avec le traitement de la faune.
742Le secteur 3, avec une forte proportion de galets chauffés, diffère radicalement des unités de la partie S-O du gisement. Il est ainsi possible de distinguer deux zones d’implantation, dont la première semble liée aux activités domestiques courantes (secteurs 1 et 2), alors que la seconde correspond davantage à une activité particulière, dont la finalité nous échappe (secteur 3). Dès lors se pose la question d’une possible complémentarité fonctionnelle ; elle impliquerait la contemporanéité stricte de ces zones, ce qui, malgré un ensemble de datations au radiocarbone cohérent, ne paraît guère probable. En effet, l’éloignement de ces deux zones, la faible intensité des occupations liée probablement à des campements de courte durée et l’absence de remontages vont plutôt dans le sens d’un diachronisme. L’ensemble de ces unités montre un degré de structuration spatiale très faible que l’on peut associer à une courte durée d’occupation ou à un caractère spatial caractéristiques des campements du Mésolithique moyen. Le caractère extensif et la disparité des occupations sont les témoins d’un diachronisme probable. Ce gisement peut être considéré comme un site d’agrégation.
4.5.2.5 Le Mésolithique récent (niveau R1)
Analyse topographique
743Cette quatrième phase d’occupation se prête assez mal à une analyse globale de la topographie des vestiges, en raison des faibles densités qui caractérisent la moitié sud de l’occupation et de son extension hors de l’emprise.
744Les vestiges, répartis dans le quart N-E du gisement sur une surface de 1 000 m2, se concentrent autour des foyers (fig. 266, 267). Ils témoignent d’une occupation plus intense dans la partie nord, située entre le chenal 9 et le chenal 12.

FIG. 266
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Localisation des vestiges dans la surface fouillée.

FIG. 267
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des vestiges et localisation des secteurs d’analyse spatiale.
745La superposition des structures de combustion avec les zones de passage des chenaux peut s’expliquer par une topographie particulière, légèrement déprimée qui, postérieurement à l’implantation des foyers, a canalisé les circulations d’eau. Si tel est le cas, il est probable que bon nombre de secteurs ont été plus ou moins tronqués. Ce fait, partiellement observé pour les occupations antérieures, apparaît nettement avec cette phase d’occupation.
746La répartition des artefacts lithiques montre les grandes lignes de l’organisation générale et reproduit fidèlement les zones de concentration (fig. 268). La distinction des matières premières met en évidence la plus large utilisation de la chaille et, parallèlement, l’existence de secteurs à forte utilisation de silex comme le foyer F5, la concentration située au sud du chenal 9 et le foyer F1 (fig. 269, 270). Toutes les zones de foyers semblent avoir eu une activité de transformation d’intensité plus ou moins importante. Cette pratique généralisée de la taille est également attestée par la distribution des nucléus, qui sont abondants et répartis sur l’ensemble de la zone d’occupation. Dans la majorité des cas, ils s’intégrent parfaitement aux zones de concentrations, plutôt à leurs limites (fig. 271).

FIG. 268
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition de l’industrie lithique.

FIG. 269
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition de l’industrie lithique en silex.

FIG. 270
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition de l’industrie lithique en chaille.

FIG. 271
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des nucléus.
747La distribution des restes osseux confirme le caractère plus marqué de l’occupation dans sa moitié nord, dont la limite correspondrait à la zone du foyer F12 (fig. 272). II est possible de distinguer deux secteurs de concentration ; le premier se situe au niveau du foyer F11 et le second au sud du chenal 9.

FIG. 272
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des vestiges osseux.
748Les dépôts osseux sont systématiquement associés aux foyers, à l’exception d’un secteur situé au sud du chenal 9. Du nord au sud, la représentation de l’aurochs diminue au profit du cerf, alors que le sanglier apparaît essentiellement dans la zone située au sud du chenal 9 (fig. 273, 274).

FIG. 273
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des restes osseux par espèce.

FIG. 274
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1vlan de répartition des restes osseux de sanglier par partie anatomique.
749Les secteurs du foyer F11 et du foyer F12 s’opposent par leur composition avec, pour le premier, la présence de restes de cerf et, pour le second, celle de restes d’aurochs. Ils encadrent des concentrations qui associent des restes de cerf et d’aurochs.
750Des vertèbres cervicales d’aurochs, dont un axis et un atlas, ont été mises au jour au niveau du foyer 12. Les vertèbres présentes également dans le secteur des foyers F4 et F6 appartiennent à la partie lombaire du rachis. Cette même répartition sectorielle est illustrée par les bas de patte supérieure et inférieure dont les premiers sont associés au secteur du foyer F12, alors que les seconds sont bien représentés dans la zone située au sud du chenal 9 (fig. 275). L’ensemble des secteurs, à l’exception du foyer F11, a livré des restes du squelette crânien et mandibulaire. La répartition du cerf correspond à ces mêmes restes dentaires et crâniens. Une nouvelle fois, on remarque la position marginale d’une série de vertèbres cervicales à proximité de F11 (fig. 276).

FIG. 275
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des restes osseux d’aurochs par partie anatomique.

FIG. 276
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des restes osseux de cerf par partie anatomique.
751La principale information tirée de cette étude spatiale est liée au décalage des zones de répartition des restes de cerf et d’aurochs. Au nord, domine le cerf, au sud, l’aurochs. Ces zones de répartition sont limitées par des dépôts caractéristiques de vertèbres cervicales et ont en commun la partie centrale de l’occupation, très riche en vestiges de rejet. On peut supposer l’existence de deux zones spécifiques consacrées à la décapitation, l’une à l’extrême nord pour le cerf et l’autre à l’extrême sud pour l’aurochs, non contemporaines, mais suffisamment proches dans le temps et différentes des zones de dépôts déjà constituées.
752La division bipartite de cette aire d’occupation est confirmée par la répartition des pierres brûlées dont la densité plus importante dans la partie sud peut s’expliquer par la présence de foyer à galets calcaires chauffants comme F3. Elles définissent trois petites zones de concentration en relation avec F2, F3 et F7 et une plus importante située à environ 4 m à l’est de F2. Pour la partie nord, seul le foyer F6 a livré quelques pierres brûlées. En effet, les foyers de type simple et à plat n’intègrent aucun de ces éléments au moment de leur abandon (fig. 277).

FIG. 277
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition des pierres brûlées.
753D’une manière générale, les outils ont une répartition identique à celle des autres catégories de témoins et appartiennent aux secteurs de concentration ainsi qu’aux zones intermédiaires (fig. 278). L’opposition entre la partie nord et la partie sud est soulignée par les variations de densité ainsi que par la distribution des trapèzes, présents essentiellement dans la partie nord.

FIG. 278
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de répartition de l’outillage.
754L’ensemble des vestiges montre globalement une étroite relation avec les structures de combustion et définit des zones de concentration, plus ou moins importantes, qui correspondent vraisemblablement à des unités d’activités. L’opposition d’une partie nord et d’une partie sud permet d’envisager soit l’existence de deux secteurs d’occupation diachronique, dont la nature et l’intensité des vestiges peuvent correspondre à des activités de nature différente, soit l’existence de deux secteurs contemporains qui entretiennent une relation de complémentarité.
Le secteur 1
755Partiellement tronqué par le chenal 12, il correspond à la concentration située la plus au nord (fig. 267). La surface préservée, d’environ 20 m2, a livré une série composée de 1 083 objets, dont 6 nucléus (0,5 %), 432 produits de débitage (39,8 %), 12 armatures (1,1 %), 54 outils (5 %), 21 pierres brûlées (1,9 %) et 558 restes osseux (51,7 %). La distribution générale des vestiges dessine une concentration aux limites bien marquées, avec des témoins plus nombreux aux abords du foyer, dans une bande N-S qui intègre la structure de combustion (fig. 279).

FIG. 279
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 1. Plan de répartition des vestiges.
756La distribution des produits de débitage, sensiblement identique à celle de l’ensemble des données, définit au sud du foyer une zone semi-circulaire à rares vestiges (fig. 280). Les secteurs d’activités, qui concernent le débitage et le façonnage des matières siliceuses, se trouvent ainsi légèrement en retrait par rapport à la zone de foyer.

FIG. 280
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 1. Plan de répartition des produits de débitage et outils.
757La distinction par catégorie de matière première montre d’une part l’utilisation massive de la chaille et d’autre part l’absence de secteurs particuliers liés à l’utilisation de la chaille ou du silex (fig. 281). Quant aux nucléus, leur répartition périphérique a été souvent observée au cours des différentes analyses spatiales : ils sont intimement liés aux limites du territoire domestique.

FIG. 281
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 1. Plan de répartition de l’industrie lithique par type de matière première.
758La répartition des nombreux outils, identique à celle des produits de débitage, permet d’associer les secteurs d’activité de taille, de façonnage et d’utilisation des supports (fig. 280). L’outillage, représenté essentiellement dans la moitié sud de la concentration, montre une dispersion excentrée par rapport au foyer dont les abords immédiats sont caractérisés par la rareté des outils.
759Les vestiges brûlés, en relation avec le foyer, appartiennent à cette même bande N-S évoquée précédemment (fig. 282). Dans leur grande majorité, les os brûlés directement associés au foyer se concentrent à l’est de ce dernier, sur une aire d’environ 3 m2. Ils occupent également une position plus marginale à environ 2 m au sud du foyer, ainsi qu’à l’ouest. Les produits de débitage brûlés, localisés principalement aux abords du foyer, définissent une zone exclusive, située entre les deux principaux secteurs de répartition des os brûlés.

FIG. 282
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 1. Plan de répartition des vestiges brûlés.
760Le secteur de foyer, avec de nombreux restes osseux brûlés, correspond vraisemblablement à une aire d’évacuation et de consommation. Les zones plus marginales témoignent, par leurs faibles données quantitatives, d’activités de consommation plutôt que d’évacuation. La présence de nombreux témoins lithiques brûlés s’explique plus difficilement : si bon nombre d’entre eux se sont trouvés accidentellement au contact du feu, ce caractère fortuit explique tout de même assez difficilement les 22 % de produits de débitage qui ont subi l’action du feu. Il nous faut envisager l’hypothèse de la chauffe intentionnelle de certains produits à des fins qui ne concerneraient pas le débitage, mais peut-être le façonnage.
761Les remontages ont mis en évidence des liaisons à courte distance, principalement dans les secteurs au sud du foyer. Elles sont à mettre en relation avec la pratique du débitage, comme le souligne la nature des éléments remontés qui appartiennent à toutes les étapes du processus de transformation. Parallèlement à ces liaisons internes, des liaisons externes soulignent les relations avec d’autres unités. Elles permettent d’envisager un système d’organisation spatiale fondé sur l’unité d’activités et sur la notion de complémentarité. Le secteur 1 est ainsi en relation avec le secteur du foyer F17 situé à 9 m au S-O (fig. 291).
762Ce secteur d’occupation appartient à une unité d’activités dont l’organisation est de type radial (fig. 283). Presque tous les éléments de l’unité d’activités sont représentés : le foyer, ainsi que le territoire constitué de zones d’activités, fortement imbriquées et délimitées en partie par les nucléus. Il faut toutefois souligner l’absence de zone de rejet périphérique. La synthèse des données permet de subdiviser l’espace habité en trois ensembles de même composition qui, variables en importance, se situent en périphérie du foyer. Chacun d’entre eux est constitué d’un secteur lié à la taille (présence de produits de débitage), d’un autre lié aux outils (fabrication, utilisation) et d’un dernier lié aux os brûlés (consommation, évacuation).

FIG. 283
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 1. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
Le secteur 2
763D’une surface d’environ 80 m2, on y a trouvé 938 objets, dont 412 produits de débitage (43,9 %), 9 nucléus (0,9 %), 8 armatures (0,8 %), 40 outils (4,3 %), 43 pierres brûlées (4,6 %) et 426 restes osseux (45,5 %). Ce secteur, constitué des foyers F5, F6 et F8, se trouve sous la zone de passage du chenal 9 qui ne semble pas avoir provoqué d’effets destructeurs (fig. 267).
764L’ensemble des vestiges montre une densité uniforme qui s’accentue au niveau des foyers F5, F6 et F8, sans pour autant délimiter un espace que l’on pourrait assimiler à un territoire domestique (fig. 284, 285).

FIG. 284
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 2. Plan de répartition de l’industrie lithique par type de matière première.

FIG. 285
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 2. Plan de répartition de l’outillage et des restes osseux.
765Les produits de débitage définissent des aires plus restreintes en étroite relation avec les zones de foyer (fig. 284). Si F5 et F6 montrent une densité assez importante, F8 se distingue par une intensité de vestiges beaucoup moins forte. La répartition de cette catégorie de témoins permet de subdiviser l’espace en trois zones associées chacune à un foyer. Les matières premières, avec la chaille en premier ordre d’importance, se retrouvent sur des secteurs à utilisation préférentielle. Le silex est ainsi présent en densité assez importante à l’ouest de F5 et de manière plus ponctuelle à l’ouest de F6. Les 9 nucléus, associés à ces trois foyers, se répartissent une fois de plus en limite de concentration.
766Les armatures et outils s’intégrent aux zones riches en produits de débitage et se trouvent en position légèrement décalée par rapport aux foyers (fig. 285). Ainsi, situés à l’ouest de F5 et de F6, les secteurs liés à leur façonnage et à leur utilisation sont excentrés.
767Contrairement aux produits de débitage, les restes osseux ont une répartition plus uniforme, marquée toutefois par un accroissement de la densité aux abords des foyers. Ce fait est particulièrement sensible au niveau de F6, flanqué à l’ouest d’une concentration d’ossements brûlés qui correspond soit à une activité de consommation, soit à une action de nettoyage et d’entretien des foyers (fig. 286).

FIG. 286
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 2. Plan de répartition des vestiges brûlés.
768Les remontages, avec des liaisons dans et entre les concentrations de produits de débitage, suggèrent la contemporanéité de ces 3 ensembles et la notion de « complémentarité ». L’ensemble des données évoque la coexistence de trois unités définies par l’association foyer et territoire domestique aux limites souvent floues (fig. 287). Ces dernières peuvent être précisées, pour le foyer F5 et F6, grâce à la localisation des nucléus. Comme pour le secteur 1, les activités de débitage, de façonnage et d’utilisation des supports se trouvent légèrement décalées par rapport au foyer.

FIG. 287
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 2. Plan de synthèse de l’organisation spatiale.
769Ces trois unités, d’une surface minimale de 10 m2, ont pour particularité d’avoir un territoire de même assemblage, avec des zones de débitage, de façonnage, avec des restes osseux brûlés. La densité moyenne au mètre carré est variable, avec pour l’unité 1 une densité moyenne de 23 pièces, pour l’unité 2 de 28 pièces et pour l’unité 3 de 9 pièces. Elles se différencient également par la représentativité des principales catégories de témoins qui révèlent une forte activité de débitage pour l’unité 1, tandis que les unités 2 et 3 se distinguent par leur forte proportion de restes osseux. Ces données correspondent à des variations de l’intensité des activités, ce qui confère aux différentes unités une certaine spécificité fonctionnelle.
Le secteur 3
770Ce secteur, situé au sud du chenal 9, constitue la seule zone de concentration non associée à un foyer (fig. 267). La mise au jour d’un bucrane d’aurochs est à signaler ; cette découverte exceptionnelle lui confère un caractère particulier. D’une surface d’environ 40 m2, on y a recueilli 882 objets, dont 233 produits de débitage (26,4 %), 6 nucléus (0,7 %), 18 outils (2 %), 5 armatures (0,6 %), 605 restes osseux (68,6 %) et 15 pierres brûlées (1,7 %).
771L’ensemble des vestiges correspond à une importante concentration dont la densité plus forte dans la partie nord contraste avec la zone marginale de dépôt du bucrane, à 3,5 m au S-E de l’épicentre de la zone (fig. 288).

FIG. 288
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 3. Plan de répartition de l’ensemble des vestiges.
772Les éléments lithiques ne se retrouvent dans aucune zone privilégiée du secteur (fig. 289). La distinction entre la chaille et le silex ne définit aucun caractère particulier et seuls les nucléus semblent délimiter un secteur précis, marqué par la présence de 6 exemplaires sur une surface d’à peine plus de 4 m2. Les outils sont plutôt localisés au centre du secteur (fig. 288).

FIG. 289
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 3. Plan de répartition de l’industrie lithique par type de matière première.
773Les abondants restes osseux, surtout brûlés, forment un espace central à densité élevée (fig. 290). La forte représentativité de cette catégorie de témoins évoque l’existence d’un foyer proche, qui se trouverait en position excentrée hors de l’emprise. Cette possibilité expliquerait cette répartition sous forme de nappe liée vraisemblablement à une action de rejet.

FIG. 290
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1, secteur 3. Plan de répartition des vestiges brûlés.
774Les caractères de ce secteur ne sont pas ceux d’une unité d’activités : en effet, aucun foyer n’est associé et les caractères de configuration du territoire domestique, marqués par l’existence de secteurs d’activités, ne sont pas représentés. La surabondance des restes osseux brûlés, l’absence d’organisation et la présence du bucrane font penser à l’existence d’une zone à vocation particulière, en relation avec la faune.
Synthèse
775L’organisation spatiale est définie à partir de modules d’implantation qui correspondent à des unités d’activités de superficie variable (10 à 20 m2), dont l’organisation de type radial associe un territoire domestique à un foyer de type simple et à plat.
776La structure de combustion peut être centrale (F11) ou excentrée (F5, F6, F8) et définit périphériquement un espace réservé, au-delà duquel se pratiquent les activités de débitage, de façonnage, de consommation et de rejet. La règle est celle de l’imbrication spatiale qui résulte de l’absence de véritable structuration de l’espace.
777Les quelques remontages effectués suggèrent la contemporanéité d’au moins quelques secteurs, avec une complémentarité marquée par le déplacement de produits de débitage (fig. 291). L’exemple du secteur 1 indique que des éléments produits au sein de son territoire domestique ont été emportés vers F17. La forte activité de débitage et de façonnage qui caractérise ce premier secteur lui donne une certaine spécificité que l’on ne retrouve pas en F17. Quant au secteur 3, il se différencie par la présence de nombreux restes osseux, ainsi que par son organisation particulière en relation avec sa vocation liée au traitement de la faune. Il est donc possible d’envisager une organisation spatiale fondée sur la complémentarité de secteurs, dont la spécificité s’exprime par une intensité d’activités nettement plus forte que dans les unités d’activités courantes, telles que F5, F6 et F8.

FIG. 291
Ruffey-sur-Seille/À Daupharde. Niveau R1. Plan de localisation des remontages.
778Si ce principe de complémentarité est essentiellement fondé sur des activités domestiques usuelles (taille, façonnage...), l’opposition des parties nord et sud pourrait illustrer une véritable spécialisation des zones pour lesquelles, s’il est possible de définir les composantes archéologiques, il est très difficile de préciser la nature. Ainsi, la partie sud se distingue par la présence de nombreux galets chauffés associés à des foyers à galets calcaires chauffants, par le faible nombre de restes de faune, par l’absence d’armatures et par une plus faible densité de produits de débitage.
779Les unités d’activités reflètent des occupations de très courte durée, liées à une organisation spatiale simple caractérisée par la pratique de l’ensemble des activités sur le lieu d’implantation, sans poste particulier.
4.5.3 Organisation spatiale et nature des occupations au Mésolithique
780L’étude de l’organisation spatiale mésolithique a été rarement abordée, faute de sites favorables à une telle approche. C’est grâce aux conditions de conservation des gisements de Ruffey-sur-Seille et de Choisey, mais également à la méthodologie d’enregistrement et d’analyse, qu’il a été possible de préciser les composantes spatiales et de proposer des modèles vérifiables spatialement et susceptibles d’être confrontés d’un point de vue chronologique.
781L’introduction d’une terminologie spécifique est motivée par les caractères originaux et récurrents de l’organisation mésolithique. En effet, c’est à partir des travaux réalisés sur le site de la Grande Paroisse, à Pincevent, que l’étude de l’organisation spatiale de campements de chasseurs-cueilleurs a acquis ses lettres de noblesse, en offrant une dimension nouvelle, beaucoup plus dynamique (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972). Ces références au Paléolithique supérieur constituent, au vu de la rareté des données spatiales mésolithiques, le seul moyen de confronter nos données et de dégager les caractères spécifiques des campements de Choisey et de Ruffey-sur-Seille.
4.5.3.1 Principes généraux de l’organisation spatiale
782Le module d’implantation correspond à l’unité d’activités dont le caractère plus ou moins répétitif définit le campement. La structure de base correspond au foyer, autour duquel s’organise le territoire domestique, composé de la somme des secteurs d’activités. Ce dernier se définit par des limites plus ou moins marquées, généralement matérialisées par le rejet périphérique des nucléus. Le foyer concentre l’ensemble des pratiques domestiques sur un espace de surface variable. Toutes les activités sont pratiquées en ce même lieu sans véritable secteur privilégié. Elles concernent le débitage, le façonnage, l’utilisation des supports et la consommation, effectués aux abords immédiats du foyer, tandis que sont évacués en périphérie les vestiges encombrants comme la faune, les pierres brûlées ou les nucléus. La rareté ou l’absence de vrais postes d’activités résulte de ce que nous appelons la règle de l’imbrication.
4.5.3.2 Une structure clé : le foyer
783Comme nous l’avons déjà évoqué, le foyer joue un rôle clé et conditionne le type d’organisation. Généralement dominé par des exemplaires de type simple et à plat, il connaît, d’un point de vue chronologique, une évolution typologique sensible. Ainsi, le Mésolithique ancien se caractérise par la mise en œuvre de foyers de type simple et à plat avec quelques exemplaires en cuvette sur le site de Choisey. De forme circulaire, ils sont au niveau C2 systématiquement associés aux zones de concentration, alors qu’au niveau R4 ils ne le sont que dans quelques cas. Leurs dimensions varient entre 25 et 80 cm de diamètre avec des exemplaires de petite taille.
784Le niveau R3 est marqué par la présence de foyers simples et à plat, à l’exception de deux exemplaires à galets calcaires chauffants. Leurs dimensions varient entre 60 et 80 cm de diamètre. Le niveau R2 associe des foyers simples et à plat et en cuvette, d’un diamètre compris entre 60 et 110 cm, avec de nombreux galets calcaires chauffés. À l’exception d’un exemplaire à galets calcaires chauffants, le niveau R1 a livré des foyers de type simple et à plat dont la longueur varie entre 40 et 90 cm. Morphométriquement, le Mésolithique moyen possède les plus grands exemplaires, contrairement au Mésolithique ancien, qui a les plus petits. Les foyers des niveaux R1 et R3 sont de taille moyenne (la disparité morphométrique la plus faible concerne ceux de R3).
785Les nombreux foyers mis au jour ne comportent pas de caractères originaux : l’ensemble de ces types a été observé dans de nombreux gisements, et en particulier dans le site régional de Bavans dans le Doubs (Aimé 1993), où coexistent foyers simples et à plat et foyers en cuvette.
786Comme cela a été souligné à maintes reprises au cours des différentes analyses spatiales, il est probable qu’une partie de ces structures a connu une évolution morphologique parallèle à celle de leur fonction. Ce fait est attesté par la présence de foyers avec des galets calcaires chauffés (niveaux R3, R2) ainsi que par celle de zones de rejet de pierres brûlées à proximité de foyers n’en comportant aucune.
4.5.3.3 La structure d’abri : présence ou absence ?
787Cette configuration spatiale pose le problème de l’espace domestique qui correspond « aux surfaces délimitant la partie construite de l’habitation » (Leroi-Gourhan, Brézillon 1972 : 326). Son identification, liée à l’existence d’effets de paroi ou de rares trous de poteau, est souvent très délicate, aussi la distinction de ces structures dites « latentes » est possible à condition qu’elles s’intègrent dans des espaces associant un nombre de vestiges suffisant pour les isoler ou que la configuration de l’abri soit propice à sa matérialisation au sol. En effet, dans le cas d’un simple abri tendu entre des arbres, il est évident que sa lecture sera des plus délicates.
788Les seuls effets de paroi reconnus l’ont été sur le site de Choisey et définissent ainsi l’espace domestique, élément de l’unité d’habitation de conception paléolithique. Le même cas de figure a été observé sur le gisement du Bois de Plaisance à Sonchamp III dans les Yvelines (Hinout 1995), où, au sein d’une structure spatiale principale de 80 m2, on remarque une surface ovale d’environ 3 x 4 m pouvant marquer l’emplacement d’une hutte avec en son centre un foyer appareillé. Cette configuration est extrêmement proche de celle de l’unité du foyer F3 de Choisey pour laquelle l’espace délimité par l’effet de paroi mesure environ 2 x 2 m. Aucun cas similaire n’a été observé sur le gisement de Ruffey-sur-Seille sur lequel, en conséquence, l’espace domestique n’a jamais pu être déterminé.
789La superposition de l’espace domestique avec le territoire domestique paraît peu probable, en raison de la présence de nombreux vestiges encombrant le sol qui auraient, dans le cas de tente ou autre structure, permis d’en marquer les limites. Se pose donc la question de l’emplacement de cet espace, voire même de son existence. Dans le niveau R4, plusieurs foyers excentrés, sans mobilier associé, pourraient correspondre à ce type d’espace lié aux abris et au couchage mais d’autres fonctions peuvent également être envisagées, comme la protection ou simplement l’éclairage. Ce cas de figure ne s’observe pas dans les autres niveaux d’occupations pour lesquels la majorité des foyers est associée à des vestiges d’activités. L’existence de ces superstructures est envisageable par le biais de la saisonnalité de l’occupation, qui peut être propice à une implantation sans structure d’abri, ou par celui de la durée et de la nature des occupations qui peuvent avoir une incidence sur le type d’abri, voire sur sa nécessité. Dans le cas d’expédition de chasse, il semble évident que l’encombrement minimum nécessaire au transport de quartiers de viandes se traduise sur le campement soit par des abris très sommaires, soit même par leur absence.
790Les données sur le type de structure d’abri sont peu nombreuses et en rendent la restitution délicate. Les observations archéologiques ne sont pas incompatibles avec le concept généralement avancé de la tente ou de la hutte. Ainsi, l’abri Freymond, en Suisse (Crotti et al. 1986), a livré en son centre une série de trous de piquet dessinant une aire d’habitation de 2,5 x 2 m qui peut correspondre à une construction légère avec un foyer central. La couche J de l’abri du Mannlefelsen à Oberlarg (Thévenin 1972) a livré une structure semi-circulaire de pierres, avec 4 trous de poteau, interprétée comme une aire d’habitation de type tente. La rareté des structures d’abri mésolithiques, dont la légèreté est imposée par les contraintes d’un mode de vie nomade, s’explique par la difficulté d’en détecter les traces très fugaces.
791Le site de Ruffey-sur-Seille, qui concentre plusieurs dizaines d’unités d’activités, n’a pas livré le moindre indice qui permette d’identifier l’espace domestique. Grâce à cette multiplicité spatiale et chronologique, il offre une certaine garantie et un raccourci intéressant de nombreuses questions spatiales, dont celle des abris, souvent posées à partir de gisements considérés comme inaptes à y répondre parce que faiblement structurés. Mais justement, n’est-ce pas là la réalité spatiale propre au Mésolithique ?
792À l’exception du site de Choisey proche du concept spatial du Paléolithique supérieur, les campements mésolithiques sont caractérisés par un niveau de structuration spatiale assez faible, avec l’imbrication plus ou moins forte des secteurs d’activités et l’absence de véritable espace domestique.
4.5.3.4 L’espace domestique
793Le second élément constitutif de ces unités est celui du territoire domestique qui marque le lieu de pratiques d’activités. L’évolution la plus caractéristique concerne celle de sa superficie, de l’ordre de 60 m2 pour le niveau C2, de 50 m2 pour le niveau R4, de 30 m2 pour R3, de 20 m2 pour R2 et de 15 m2 pour R1. La tendance évolutive, marquée par une diminution de surface, reste difficile à interpréter car elle peut aussi bien exprimer différents modules type d’implantation que refléter de simples variations de l’intensité de l’occupation. À ce titre, il faut souligner le fait que les superficies les plus importantes appartiennent aux occupations dont la densité de vestiges est la plus forte.
4.5.3.5 Deux types de modèles d’implantation
794Ces deux gisements ont révélé deux types de modèles d’implantation, dont celui de Choisey, qui possède un certain nombre de composantes spatiales similaires à celles des unités d’habitation du Paléolithique supérieur. La définition d’un véritable espace domestique et l’existence de postes d’activités bien individualisés constituent des points de rapprochement certains, mais qui intègrent une conception spatiale spécifique marquée par une distribution plus ou moins concentrique des vestiges autour du foyer. Cette répartition appartient à une organisation de type radial, à partir du point de polarisation que constitue le foyer.
795La division spatiale proposée pour le Magdalénien montre la participation de l’espace domestique aux activités, caractérisée pour l’abri par un espace interne d’activité non reconnu sur le site de Choisey. Il en est de même pour les espaces d’évacuation qui, pour le Paléolithique, sont divisés en zones individualisées par l’intensité des vestiges décroissante en fonction de leur éloignement par rapport au foyer. A Choisey mais également à Ruffey-sur-Seille, l’évacuation concerne l’ensemble du territoire domestique et son intensité augmente à mesure de l’éloignement du foyer. L’organisation reconnue à Choisey marque une véritable opposition spatiale entre le lieu de pratiques domestiques et le lieu de couchage (simple aire de couchage ou superstructure). Ce caractère discriminant pourrait constituer un des aspects spécifiques au Mésolithique et expliquer l’absence d’espace domestique reconnu sur le site de Ruffey-sur-Seille, car probablement situé à l’écart des concentrations qui définissent les lieux d’activités.
796Cette mise en parallèle des caractères de configuration spatiale d’occupations magdaléniennes et mésolithiques confirme la pertinence et l’originalité des observations dégagées de l’étude des gisements de Ruffey-sur-Seille et de Choisey. Ce dernier possède des traits d’organisation spatiale proches du Paléolithique supérieur, que l’on peut expliquer par son ancienneté dans la séquence mésolithique. Ce n’est qu’avec les occupations de Ruffey-sur-Seille que se met en place l’organisation type du Mésolithique, de type radial à point de polarisation central ou excentré.
4.5.3.6 La notion de campement
797Les différentes unités définies appartiennent à des campements d’importance variable. À l’exception du Mésolithique moyen de Ruffey-sur-Seille, chaque niveau d’occupation reflète l’image de campements intégrant plusieurs unités mises en relation grâce aux remontages lithiques. En conséquence, ces différentes phases d’implantation sont le résultat d’occupations au nombre limité voire au caractère unique comme pour le niveau R3. Ce caractère est également défini par l’absence de superposition de structures spatiales. Ces données montrent l’existence de campements importants dont la subdivision en unités d’activités pourrait correspondre à des regroupements familiaux ou illustrer la pratique d’activités complémentaires. Pour les niveaux d’occupations anciens, aucun élément n’autorise la mise en évidence de cette relation de complémentarité. En effet, les unités associent dans des proportions sensiblement identiques les mêmes catégories de vestiges. Cette relation de complémentarité est assez forte pour le niveau R3, comme le soulignent la configuration et la composition archéologique des différentes unités, dont une est consacrée au traitement du gros gibier. Ce type de relation est également attesté pour le Mésolithique récent avec le rapprochement de secteurs liés à la pratique du débitage et d’autres où elle est quasiment absente. Au-delà de cette contemporanéité admise pour de nombreuses unités, joue une seconde règle spatiale qui est celle de la complémentarité. Si cette dernière est envisagée à partir d’unités domestiques, elle l’est également à partir de secteurs plus vastes, comme semble l’attester, pour le Mésolithique récent, l’opposition entre deux secteurs marqués par la présence de structures de nature différente et de catégories de témoins inégalement représentées. Cette complémentarité a été évoquée pour le Mésolithique moyen, mais à partir de secteurs dont la contemporanéité est loin d’être certaine.
4.5.3.7 Impact du milieu physique sur l’organisation spatiale
798Les gisements de Choisey et de Ruffey-sur-Seille sont exceptionnels en raison de la distinction spatiale relativement nette de la majorité des unités. Ce caractère nuance l’image habituelle de gisements mésolithiques où l’ensemble des vestiges et structures se mêle sur des surfaces parfois réduites. Les exemples sont nombreux et nous pouvons citer le gisement de la Sablonnière de Coincy dans l’Aisne (Parent 1967) où, sur 40 m2, 10 foyers ont été mis au jour, ou encore celui de Montbani II dans l’Aisne (Parent 1972) où, sur 190 m2, 22 foyers ont été identifiés. Ces données évoquent la superposition d’occupations dont l’exemple le plus spectaculaire est celui de Kongemosen au Danemark (Jörgensen 1956) où, sur une surface de 1 200 m2, on a estimé la présence d’environ un million d’objets. Ces différentes configurations s’expliquent en grande partie par la nature des occupations (habitat, halte de chasse...) qui, dans la majorité des cas, sont agrégées sur des espaces restreints. Aussi, la réoccupation d’un même lieu est-elle possible à la condition que le milieu physique s’y prête. C’est pourquoi, l’évolution du milieu de Ruffey-sur-Seille a limité les possibilités de superposition d’occupations, en raison du déplacement des bandes d’activités des chenaux, modifiant ainsi les zones propices à l’implantation. Cette modification a également eu une incidence sur l’organisation spatiale en favorisant un développement plus ou moins extensif des occupations : cela est illustré par celle du Mésolithique moyen, au caractère très extensif, alors que les autres phases d’occupation sont davantage concentrées. Les contraintes du milieu physique ont engendré une répartition en mosaïque, limitant les superpositions et les mélanges d’industries. Cette répartition particulière peut également résulter d’un choix d’implantation en relation avec le couvert végétal ou avec des topographies particulières. Ce dernier point a été soulevé lors de l’étude du Mésolithique récent pour lequel les foyers se superposent aux zones de passage des chenaux, ce qui peut illustrer un choix d’implantation en relation avec des secteurs en légère dépression.
799Le Préboréal et le Boréal sont caractérisés par des débordements peu fréquents, limités spatialement aux abords immédiats du chenal. Le milieu apparaît ainsi stable lors de cette période. La plaine se développe à un rythme lent, alors que la formation végétale dominante est la forêt dont le taux de couverture est inégal sur l’ensemble de la plaine. Les terrains à proximité de la grave devaient connaître la végétation la moins fournie et ainsi être plus favorables à une implantation. Les topographies étaient encore assez diversifiées et, malgré la pente d’ensemble, des dépressions modelaient cet espace. Leur origine pouvait être liée à des irrégularités du toit de la grave, à des incisions consécutives à des crues, à des colmatages différentiels... Ces secteurs déprimés semblent avoir servi de points de fixation aux différentes périodes d’installation. Une partie du niveau R4 se trouve ainsi au bord d’une cuvette. On retrouve cette position pour le niveau R2 dans le secteur occidental du site. Une partie des vestiges s’organise de part et d’autre du chenal 5 qui n’était pas fonctionnel, mais correspondait vraisemblablement à une dépression qui allait guider par la suite les écoulements. La répartition à proximité de ces dépressions semble donc bien être un choix d’implantation, la récurrence du phénomène pour chacune des périodes du Mésolithique étant trop importante pour ne relever que du hasard. Les raisons de ce choix semblent obscures. Des conditions édaphiques différentes dans ces dépressions sont peut-être à l’origine de cette répartition. On peut ainsi imaginer que ces secteurs déprimés étaient occasionnellement occupés par les eaux de débordement comme tendent à le prouver les éléments grossiers qui soulignent cette cuvette. Cette plus grande fréquence des écoulements pourrait alors contrarier le développement de la végétation et correspondre à un milieu plus ouvert. La recherche de milieux ouverts semble bien être un élément important ayant guidé les choix d’implantation.
800L’incidence du milieu physique paraît assez forte sur le gisement de Ruffey-sur-Seille car elle a conditionné certains caractères de l’organisation spatiale dont le plus sensible concerne l’aspect plus ou moins extensif. Cette interaction de l’environnement se manifeste de façon moins évidente sur le site de Choisey, dominé par la superposition des occupations.
4.5.3.8 Nature et intensités des activités
801Malgré les différences de configuration de ces campements, ils traduisent des règles spatiales récurrentes régissant une organisation qui peut être en partie définie par la nature et la durée des occupations. Les données quantitatives et qualitatives du mobilier nous renseignent en partie sur la nature des activités et indirectement sur celle des occupations. Il est évident qu’en l’absence de certaines catégories d’objets, non conservés, nos informations sont incomplètes. Ce caractère commun à l’ensemble des occupations ne nuit pas à une confrontation de la représentativité des témoins d’activités par phase chronologique.
802Les témoins les plus abondants concernent le traitement des matières siliceuses divisé en une phase de débitage et une phase de façonnage représentée par l’ensemble de l’outillage. D’un point de vue quantitatif, l’activité de débitage est représentée par 60 et 75 % des témoins, à l’exception du Mésolithique récent pour lequel le taux est seulement de 40 %. L’outillage varie quant à lui entre 3,5 et 5,1 %. Les variations de taux entre les outils communs et les armatures peuvent constituer, selon certains auteurs (Rozoy 1978), un marqueur de la nature des occupations. Plus le nombre d’outils communs sera élevé, plus la tendance sera à un caractère polyvalent des activités, appartenant habituellement au « camp de base ». Le taux d’outils commun le plus important (82,5 %) appartient au Mésolithique récent de Ruffey tandis que le plus bas (20,9 %) appartient au Mésolithique ancien de Choisey. Toutes les étapes concernant la transformation des matières premières siliceuses sont représentées et il est difficile, aux vues de ces seules données, de définir la nature de ces occupations. Bien que l’activité de taille joue un rôle important, elle ne constitue pas l’objectif principal, comme en témoigne l’importation de matières premières sur les deux sites ; elle permet le renouvellement des supports indispensables aux activités nécessitant leur mise en œuvre.
803L’étude de la faune répond de manière plus précise au problème du statut et de la vocation de ces implantations. La composition des cortèges fauniques, la surreprésentation de certaines espèces ainsi que la présence de certaines parties anatomiques sont à mettre en relation avec le caractère plus ou moins spécifique de ces occupations.
804La faune du Mésolithique ancien de Choisey, dont le taux de représentativité est de 21,2 %, dominée par le cerf, le chevreuil et le sanglier, ne possède pas de caractères particuliers liés à une spécialisation de la chasse. Le spectre faunique est diversifié et l’ensemble des parties anatomiques est représenté. L’association de ces données à celles des autres témoins d’activités et à un niveau de structuration spatiale assez fort plaide pour un habitat du type camp temporaire dont malheureusement aucun élément ne précise la durée.
805L’étude de la faune a livré des informations plus précises sur les occupations de Ruffey-sur-Seille. L’ensemble des animaux chassés dans le niveau R4, dont le taux de représentativité est de 34,4 %, a sans doute été transporté sur le site en entier ou sous forme de carcasses. Soit le transport a été effectué à pied du lieu de chasse au lieu de préparation, il implique dans ce cas un éloignement réduit, soit il a été réalisé en profitant de la rivière, par flottage ou à l’aide d’embarcations, soit il a été limité au minimum en rabattant le gibier au plus près du lieu de préparation. Qu’il s’agisse du cerf ou du sanglier, la démarche dans l’acquisition des ressources carnées est identique : elle se traduit par une réduction importante des os porteurs de chair (humérus, fémurs), vraisemblablement afin de limiter la charge et le volume des quartiers en vue de leur transport. L’absence de la scapula et du coxal exclut une décarnisation complète de ces ossements. Les portions ainsi obtenues sont soit des demi-gros (ceinture et membre associés), soit de détail (ceinture et membre séparés). Les prélèvements ont donc été faits par grandes portions sur lesquelles ont été supprimées les parties peu rentables. La faune semble traduire le mieux la spécificité de l’occupation dont la nature se rapproche de la notion de camp de chasse et dont la durée paraît supérieure à la simple halte de chasse. Cette impression est suggérée par les données quantitatives du mobilier et par la mise en relation de plusieurs concentrations importantes.
806La faune du niveau R3, dont le taux de représentativité est de 24 %, est dominée par l’aurochs, le sanglier et le cerf. Cette occupation ne semble pas être liée à une chasse spécifique car chaque espèce semble avoir une vocation particulière, illustrée par la consommation apparemment exclusive des petites et moyennes espèces comme le sanglier et le renard. Cette pratique ne concerne pas l’aurochs et le cerf dont l’abattage résulte d’une chasse plus spécialisée et à risque élevé (Bridault 1993). Cette consommation préférentielle de petites et moyennes espèces induit l’idée d’un transport possible de quartiers de viandes des grandes espèces. L’ensemble de ces caractères évoque l’existence d’une occupation que l’on pourrait assimiler à un campement de chasse de durée assez courte, mais suffisamment longue pour impliquer un niveau de structuration spatiale relativement important.
807La caractérisation de l’occupation du niveau R2 par l’étude de la faune s’est heurtée à la faiblesse de l’échantillon déterminé, dominé par la triade classique, cerf, sanglier et aurochs. L’analyse détaillée souligne le caractère prédominant du cerf et de l’aurochs, parmi lesquels sont essentiellement représentés des individus mâles. Les restes brûlés appartiennent exclusivement aux espèces de taille moyenne comme le sanglier et le chevreuil ainsi qu’à différents taxons de petite taille. La nature de cette occupation est identique dans ses grandes lignes à celle du niveau R3, marquée par la chasse spécialisée aux grands ruminants et la consommation sur place des animaux de plus petite taille. La notion de halte de chasse semble s’accorder avec la densité moyenne des vestiges et le caractère disparate et extensif des zones de concentrations. Cette phase d’occupation s’individualise par la présence de nombreuses pierres brûlées qui, si elles reflètent une spécificité de l’occupation, ne permettent pas d’en définir la nature. La présence d’une incinération n’est pas incompatible avec l’idée d’occupation de courte durée comme semblent d’ailleurs l’évoquer l’intensité moyenne des vestiges et le degré de structuration de l’unité domestique associée.
808La faune du niveau R1 est représentée par le taux exceptionnel de 55,6 %. Mis à part quelques restes comme ceux des canidés, tous proviennent de la chasse. L’aurochs et le cerf dominent le spectre et jouent un rôle important dans la dynamique du dépôt. La première espèce, représentée par 3 individus, constitue sans doute la principale ressource carnée ; sa présence est illustrée par une grande quantité de restes postpréparatoires liés à un découpage en quartiers. Les étapes du débitage des carcasses concernent la décapitation et la préparation des parties charnues. La présence du bucrane a posé le problème de la possibilité de dépôt cultuel, peu probable compte tenu de la structuration spatiale anarchique du secteur associé et de l’absence de structures pouvant justifier un tel dépôt. Le cerf est illustré pour l’essentiel par des restes de squelette crânien et de bas de pattes qui n’appartiennent pas aux parties riches en viande. Le dépôt de carcasses entières sur le site est incontestable et leur préparation suivie de leur rejet se traduit par la présence d’ossements sur une surface assez grande. Les problématiques de transport se posent de la même manière que pour les niveaux précédents.
809Cette occupation correspond vraisemblablement à un campement de chasse de courte durée, lié à l’abattage de grandes espèces, plus particulièrement de l’aurochs, dont certains éléments prélevés ont été exportés vers un autre lieu du gisement (extension de l’occupation hors emprise) ou vers un autre site.
810L’ensemble des témoins fauniques semble caractériser le mieux la nature de ces campements dont la préoccupation principale paraît liée à l’acquisition de ressources animales. Les conclusions dégagées à partir des vestiges en présence s’inspirent également de l’absence de certaines catégories de témoins fréquemment recueillies sur les gisements mésolithiques. Parmi les principales, il faut souligner l’absence d’industrie en matière dure animale récoltée régionalement dans la majorité des occupations en abri comme celles de l’abri des Cabônes à Ranchot ou des abris de Bavans (Aimé 1993). Ce manque peut s’expliquer par la nature des activités ne justifiant pas la mise en œuvre de tels outils ou par la durée assez courte de l’occupation qui n’aurait pas permis le travail de la matière osseuse dont la production nécessite un investissement en temps assez important.
811L’absence de parures, constituées habituellement de craches de cerf, de canines et de coquilles, exprime également l’idée de pratiques d’activités sélectives, mais surtout celle d’occupations de courte durée. Ces données semblent traduire un caractère temporel court, évoqué également par l’absence de fosses, présentes en particulier sur le gisement du Petit Marais à La Chaussée-Tirancourt dans la Somme (Ducrocq, Ketterer 1995) où l’intensité de l’occupation nettement plus forte fait également penser à des implantations de plus longue durée.
812Malgré la présence de rivières à proximité de ces deux gisements, aucun indice de pratique de la pêche n’a été recueilli. Cette absence peut s’expliquer en raison d’une part de la non pratique de tamisage et d’autre part d’une fonte possible des ossements de poissons. En conséquence, il est impossible de juger de l’importance de cette activité qui a pu jouer un rôle majeur. À ce titre, la présence des foyers à galets calcaires chauffants du Mésolithique moyen (R3), de morphologie proche de ceux de Montclus, pourrait illustrer une activité de fumerie de poisson.
813Si l’activité la plus spécifique semble être liée à la chasse, il est possible qu’elle ne constitue pas l’unique motivation à ces implantations. En effet, la cueillette illustrée par la présence de coquilles de noisettes a pu jouer un rôle important.
814L’occupation de Choisey s’accompagne d’une structuration de l’espace assez forte, d’une importation massive de matières premières et d’un traitement habituel de la faune illustré par sa consommation in situ ; ces données sont proches de celles d’occupations de type habitat. Les données de Ruffey-sur-Seille possèdent un caractère plus singulier marqué par l’association d’activités domestiques classiques à des activités plus spécifiques comme celle de la préparation de quartiers de viandes à transporter. Cette dualité confère un statut particulier à ces occupations assimilées à des campements de chasse, illustrés par une densité de vestiges variable et une organisation spatiale aux caractères récurrents.
Annexe
Annexe 3 Tableaux ostéologiques
Liste des abréviations
DAP Diamètre antéro-postérieur
DAP cav. gl. Diamètre antéro-postérieur de la cavité glénoïde
DAP mi olé. Diamètre antéro-postérieur au milieu de l’olécrâne
DAP pr. art. Diamètre antéro-postérieur au processus articulaire
DAP proc. anc. Diamètre antéro-postérieur au processus anconé
DAPm Diamètre antéro-postérieur maximal
DAPpm Diamètre antéro-postérieur proximal maximal
Dist Ig crb Distance le long de la courbure
dist mi Distance minimale
Dist tgm entre bd ext. Distance tangentielle maximale entre les bords extérieurs
DT Diamètre transversal
DT cav. gl. Diamètre transversal de la cavité glénoïde
DT fac. art. d Diamètre transversal de la facette articulaire distale
DT fac. cr. Diamètre transversal de la facette craniale
DT mi dia Diamètre transversal minimal de la diaphyse
DTdm Diamètre transversal distal maximal
DTfac. art. p Diamètre transversal de la facette articulaire proximale
DTm Diamètre transversal maximal
DTm f. art. d. Diamètre transversal maximal de la facette articulaire distale
DTm fac. art. p. Diamètre transversal maximal de la facette articulaire proximale
DTm pr. tr. Diamètre transversal maximal proximal de la trochlée
DTm surf, artc Diamètre antéro-postérieur maximal de la surface articulaire
DTm troch. Diamètre transversal maximal de la trochlée
DTmi b Diamètre transversal minimal de la base
DTmi dia. Diamètre transversal minimal de la diaphyse
DTpm Diamètre transversal proximal maximal
DTtroch. Diamètre transversal de la trochlée
Eextm Épaisseur extérieure maximale
Eintm Épaisseur intérieure maximale
H der. M3 Hauteur derrière M3
H dev. M1 Hauteur devant M1
H dev. P2 Hauteur devant P2
L dias. Longueur du diasthème
Larc dors. Longueur de l’arc dorsale
Lcext Longueur de courbure extérieure
Lm ext. Longueur maximale extérieure
Lgcd... bord post. for. ment. Longueur du gonion caudal au bord postérieur du foramen mentonier
Lgcd... P2 ant. Longueur du gonion caudal à la P2 antérieur
Lgcd... M3post. Longueur du gonion caudal à la M3 postérieur
Lj Longueur des dents jugales
LM Longueur des molaires
Lm Longueur maximale
Lm fac. cr.... cd. Longueur maximale de la facette craniale à la facette caudale
Lm int. Longueur maximale intérieure
LM3 Longueur de la M3
IM3 Largeur de la M3
LPM Longueur des prémolaires
Lt Longueur totale
Pmi dia. Périmètre minimal de la diaphyse
NR Nombre de restes
NMI Nombre minimum d’individus
NMPS Nombre minimum de parties du squelette
Pd Poids
Cp Compacte
Co Corticale
Toutes les mesures ont été prises selon von den DRIESH (1976). Elles sont données en millimètres.
Aurochs (Bos primigenius)
Cheville osseuse

Maxillaire
Lj | LM | LPM | ||
R1 | 7115 | 153 | 97,8 | 55,1 |
R1 | 5571 | 151 | 97,8 | 55,5 |
R1 | nord | 156,4 | 97,8 | 57,8 |
Mandibule

Atlas

Axis
Lt | DT fac. cr. | DTm pr. tr. | ||
R1 | 4549 | 115,4 | 131,3 | 76,4 |
Humérus
DTmi dia. | DTdm | DTm troch. | ||
| R1 | | 4550 | 55,2 | 90 | 78 |
Radius

Ulna
DAP proc. | DAP mi olé. | DTm surf, artc | ||
R1 | 1670 | 88,8 | 73,5 | 52,1 |
R1 | 5522 | 51 |
Carpe
DTm | |||
R1 | 7102 | 50 | capitato-trapéz. |
Métacarpe
DTpm | DTdm | ||
R3 | 17511 | 60,2 | |
R2 | 11196 | 63 | |
R2 | 19054 | 86,5 | |
R2 | 18899 | 69,6 |
Tibia Os malléollaire

Talus

Naviculocuboïde
DTm | ||
R1 | 1675 | 70,3 |
R2 | 8237 | 76,5 |
Métatarse
DTmi dia. | Pmi dia. | DTdm | ||
R3 | 16994 | 38,9 | 134 | 77,9 |
Phalange 1 ou 2

Cerf (Cervus elaphus)
Mandibule
LM3 | IM3 | ||
R3 | 16236 | 35,1 | 13,1 |
R2 | 8986 | 30 | 14,1 |
R2 | 18248 | 30,8 | 15,1 |
R2 | 19935 | 35 | 13,7 |
R2 | 28957 | 33 | 13,8 |
C2 | – | 33,3 | 15,1 |
C2 | 2829 | 33,2 | 15,1 |
Humérus
DTmi dia. | DTdm | DTtroch. | ||
R4 | ? | 28,8 | ||
C1 | 15 | 57,9 | 52,8 |
Scapula
DAP pr. art. | DAP cav. gl. | DT cav. gl. | ||
R1 | 13443 | 62,2 | 47,2 | 47 |
R1 | 1437 | 60 | 47 | 41,7 |
R2 | 19264 | 39,5 | ||
R4 | 24238 | 47 | 43,9 |
Radius

Carpe
DTm | |||
R3 | 15741 | 14,6 | pyramidal |
R3 | 15742 | 24,5 | semi-lunaire |
R4 | 28967 | 19,1 | scaphoïde |
R4 | 10463 | 26 | os crochu |
Métacarpe

Tibia
Dtmi dia | DTdm | |||
R2 | | | 8999 | 29,6 | 48,8 |
Talus

Calcaneus
Lm | DTm | ||
R4 | 5285 | 122,2 | 37,6 |
Naviculocuboïde
DTm | ||
R2 | 19149 | 42,6 |
Métatarse
DTpm | DAPpm | DTdm | ||
R1 | 3887 | 37,6 | 45,1 | |
R1 | 5594 | 35,2 | ||
R4 | 29116 | 44,1 | ||
C2 | 719 | 42,2 |
Phalange 1 ou 2
DTpm | Désignation | |||
R2 | | | 19976 | 21,5 | Phalange 2 |
Sanglier (Sus scrofa)
Mandibule
LM | LM3 | IM3 | ||
R3 | 17469 | 34,7 | 15,1 | |
R3 | 16123 | 39 | ||
R3 | 8393 | 37,9 | 17,4 | |
R2 | 20189 | 38,1 | 17,1 | |
R4 | 10279 | 39,3 | 18,1 | |
R4 | 12637 | 32,9 | 15,2 | |
R4 | 8584 | 38,7 | 17,2 | |
R4 | 8571 | 43,6 | 18,7 | |
R4 | 8569 | 38,9 | 18,2 | |
R4 | 8579 | 39,6 | 16,9 | |
R4 | 13018 | 41,7 | 18,2 | |
R4 | 28129 | 36,1 | 16,3 | |
R4 | 28855 | 37,6 | 15,8 | |
R4 | déc | 34,3 | 14,7 | |
R4 | 23664 | 76,5 | 38,7 | 18 |
R4 | 27974 | 78 | 36,9 | 17,8 |
R4 | 27808 | 42,5 | 18,4 | |
R4 | 24416 | 75,8 | 39,9 | 17 |
R4 | 21979 | 37,6 | 16,9 | |
R4 | 26234 | 37,8 | 18,2 | |
R4 | 25897 | 40,1 | 17,5 | |
R4 | 25865 | 37,6 | 17,2 | |
R4 | 12799 | 34,9 | 16,7 | |
C2 | 3682 | 36,7 | 16,1 | |
C1 | 95 | 38,5 | 20,6 |
Humérus
DTmi dia | DTdm | DTm troch. | ||
R4 | 27970 | 23,1 | 50,2 | 43,2 |
R4 | 27880 | 47,4 | 40,6 | |
R4 | 12952 | 50 | 37 | |
R4 | ? | 22,2 | 47,5 | 36,3 |
R4 | 10721 | 22,9 | 51,7 | 38,5 |
C2 | 2380 | 46,1 |
Radius
DT pm | DTdm | DTfac. art. d | ||
R3 | 17503 | 36,6 | ||
R4 | 5278 | 58,5 | 50,3 | |
R4 | 28534 | 34,5 | ||
R4 | 28856 | 35,2 |
Métacarpe

Fémur
DTdm | ||
R4 | 27973 | 55,4 |
Tibia
DTdm | ||
R3 | 14991 | 34,6 |
Talus

Phalange 1
Chevreuil (Capreolus capreolus)
Mandibule
Humérus
DTdm | ||
C2 | 5070 | 21,2 |
Talus
Lm int | Eextm | Eintm | ||
R2 | 20262 | 27,3 | 15,4 | 15,2 |
Loup (Canis lupus) M/1
DAP | DT | |
R1 | 27,9 | 11,8 |
Chien (Canis familiaris) M/1
DAP | DT | |
R1 | 19,6 | 8 |
Notes de bas de page
1 – Type d’os créé afin de tirer partie de la moindre information livrée par la pièce osseuse lors de l’analyse de la représentation du corps ou de la répartition spatiale des ossements dans l’amas.
2 H. Duday a montré que la quantification relative des différentes parties du corps ne peut se fonder sur un décompte mais sur le paramètre poids (Duday 1989 : 468).
Auteurs
Inrap, associé à l’UMR 8591 du CNRS
Inrap
Inrap
Inrap
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Les origines de la fortification privée au Moyen Âge
Daniel Mouton
2008
Géoarchéologie de sites préhistoriques
Le Gardon (Ain), Montou (Pyrénées-Orientales) et Saint-Alban (Isère)
Dominique Sordoillet
2009
L’enceinte des premier et second âges du Fer de La Fosse Touzé (Courseulles-sur Mer, Calvados)
Entre résidence aristocratique et place de collecte monumentale
Ivan Jahier (dir.)
2011
Lyon, Saint-Georges
Archéologie, environnement et histoire d’un espace fluvial en bord de Saône
Grégoire Ayala (dir.)
2012
Les gisements précolombiens de la Baie Orientale
Campements du Mésoindien et du Néoindien sur l’île de Saint-Martin (Petites Antilles)
Dominique Bonnissent (dir.)
2013
L’Îlot du palais de justice d’Épinal (Vosges)
Formation et développement d’un espace urbain au Moyen Âge et à l’époque moderne
Yves Henigfeld et Philippe Kuchler (dir.)
2014
Bettencourt-Saint-Ouen (Somme)
Cinq occupations paléolithiques au début de la dernière glaciation
Jean-Luc Locht (dir.)
2002
Campements mésolithiques en Bresse jurassienne
Choisey et Ruffey-sur-Seille
Frédéric Séara, Sylvain Rotillon et Christophe Cupillard (dir.)
2002
Productions agricoles, stockage et finage en Montagne Noire médiévale
Le grenier castral de Durfort (Tarn)
Marie-Pierre Ruas
2002