Chapitre 3
Raffinement progressif des hypothèses dans les recherches utilisant un support vidéo
Entrées d’index
Mots-clés : raffinement d'hypothèses, interactions en classe, comparaison d'extraits vidéos, développement conceptuel
Texte intégral
1Dans1 les recherches sur l’apprentissage (sciences de l’apprentissage), l’investigation scientifique traite souvent la formation d’hypothèses et leur évaluation dans une sorte de processus dialectique. Nous pensons que pour mieux comprendre cette investigation il est important, au contraire, de se concentrer sur leur interaction, au lieu de les séparer comme cela a été le cas dans le passé dans certains travaux (par exemple la distinction que fait Popper (1959) entre le contexte de la découverte et le contexte de la justification). Ainsi, dans de nombreuses recherches dans le domaine de l’apprentissage, les chercheurs ne se contentent pas de vérifier, de façon classique, des hypothèses qui sont posées avant la collecte de données, et de mettre au point des expériences qui permettent leur réfutation définitive ou leur confirmation provisoire. En même temps, la manière dont beaucoup d’entre nous opèrent ne se caractérise pas par une approche ethnographique naïve, les chercheurs s’efforçant de ne pas avoir d’a priori, et se limitant aux hypothèses qui seraient uniquement liées aux tendances observables dans les données. Au lieu de cela, le type de recherches que beaucoup d’entre nous mènent se caractérise par le raffinement progressif des hypothèses, où la théorie et les données interagissent pendant toute la durée du processus.
2Plus précisément, dans le processus de raffinement progressif des hypothèses, un chercheur commence par poser une question d’ordre général, puis il recueille les données empiriques dans un contexte pertinent, en ayant décidé au préalable de la manière dont il peut les utiliser pour en apprendre davantage. Une première analyse des données permet d’émettre des hypothèses plus précises qui peuvent ensuite être abordées par l’étude des autres parties des données. Ces résultats rendent possible l’élaboration de questions encore plus précises qui sont étudiées avec une autre partie des données, ceci débouchant sur des hypothèses explicatives qui peuvent à leur tour être évaluées par rapport à d’autres parties de données, puis modifiées et rendues encore plus précises par rapport à ces dernières et ainsi de suite. L’élaboration et l’évaluation des hypothèses mettent en jeu une sorte de contrainte de satisfaction en prenant en compte la cohérence entre des hypothèses et la concordance de ces dernières et des données.
3Nous pensons qu’une grande partie des progrès accomplis dans la recherche scientifique est liée au recours à l’une ou l’autre version de cette approche. Habituellement, cette approche est mise en œuvre dans de multiples études avec des données et des propositions théoriques suggérées par de nombreux chercheurs. Cependant, avec l’arrivée de supports comme la vidéo, qui sont relativement polyvalents et permettent des visionnages répétés, il est désormais possible de procéder par étapes à partir d’une même série d’enregistrements. Ainsi, les enregistrements vidéo permettent à une même étude d’évoluer en facilitant de multiples réitérations de production d’hypothèse et d’évaluation, rendant les conclusions qui en résultent plus solides qu’elles ne l’auraient été autrement. Par plus solides, nous entendons que les résultats ont été vérifiés et modifiés en tenant compte d’un plus grand nombre de caractéristiques des données et qu’ainsi, ils sont plus en mesure de résister à des investigations plus approfondies.
4Dans ce chapitre, nous présenterons un projet de recherche qui montre comment des enregistrements vidéo peuvent faciliter le raffinement progressif des hypothèses sur la question de l’engagement et de l’apprentissage de l’élève. Tout d’abord, nous traiterons de la manière dont le projet global a été construit pour permettre d’enclencher ce processus, en s’intéressant tout particulièrement aux possibilités pratiques offertes par la vidéo pour y parvenir. Nous discuterons ensuite d’une étude spécifique que nous avons menée (Engle et Conant 2002) pour montrer comment le processus de raffinement progressif peut fonctionner au cours d’une étude menée à partir d’enregistrements vidéo. Nous montrerons notamment comment des cas comme le nôtre peuvent être utilisés, soit seuls, soit en conjonction avec des études ultérieures en vue d’émettre des hypothèses d’un plus grand degré de généralité. Nous pensons ainsi que cette étude met en lumière que le développement et l’évaluation d’hypothèses peuvent interagir de manière productive, surtout lorsqu’il s’agit d’une recherche où l’on utilise une quantité importante d’enregistrements vidéo comme source de données.
Support pour le raffinement progressif des hypothèses dans la conception d’un projet de recherche
5Quand nous (Greeno et Engle) avons proposé un projet de recherche sur le rôle du discours dans l’apprentissage conceptuel, nous n’avons formulé aucune hypothèse qui puisse être faussée par les données que nous proposions de recueillir. Pourtant nous avons fait bien plus qu’une simple identification d’un cadre d’étude potentiellement intéressant (promouvoir des communautés d’apprenants dans la classe2), en espérant que d’une manière ou d’une autre on en retirerait des résultats à la hauteur de nos investissements. Nous avons posé le problème en termes théoriques et nous avons aussi déterminé comment nous avions l’intention d’utiliser les enregistrements vidéo pour développer des hypothèses plus précises pour ensuite les évaluer.
6Plus précisément, le but de la recherche que nous avons mise en place était de mieux comprendre les processus du développement conceptuel dans les classes qui travaillent à partir de projets. Notre but théorique consistait à élaborer, développer puis évaluer des hypothèses sur la manière dont la participation des élèves aux activités de la classe pouvait expliquer les progrès de leur compréhension conceptuelle. Nous avons proposé de combiner des méthodes de psychologie cognitive développementale, pour évaluer la compréhension conceptuelle des élèves avant et après la séquence d’enseignement3 étudiée, à des méthodes d’analyse du discours et des représentations cognitives de l’information, pour nous permettre notamment d’analyser les discussions des professeurs et des élèves pendant la séquence.
7Les enregistrements vidéo des interactions en salle de classe ont constitué une composante essentielle de notre projet de recherche. Nous avons fait des enregistrements vidéo de groupes d’élèves, alors qu’ils travaillaient sur des tâches d’évaluation avant et après la séquence, et ce sont ces éléments que nous avons analysés pour caractériser le développement conceptuel que nous avions prévu de documenter et d’expliquer. Nous avions aussi besoin d’observer l’activité en salle de classe pendant plusieurs semaines, afin de pouvoir repérer des changements significatifs dans la compréhension conceptuelle des élèves. Pour cela, nous avons fait des enregistrements vidéo au cours des quelque douze semaines pendant lesquelles les classes ont travaillé sur la séquence concernant les espèces en voie de disparition, tirée du programme du FCL (Brown et Campione 1994 ; Kohl et Wingate 1995). Nous avons suivi tout particulièrement deux groupes cibles d’élèves dans chaque classe, et nous avons enregistré à la fois leurs interactions et les activités faites en classe entière.
8C’est par l’étude et l’analyse de ces vidéos que nous avons envisagé de développer puis d’évaluer des hypothèses susceptibles d’expliquer le développement conceptuel. Notre plan, que nous avons d’ailleurs suivi, était d’utiliser les évaluations antérieures et postérieures à la séquence, pour identifier les sujets sur lesquels la compréhension conceptuelle des élèves avait progressé, puis d’examiner les épisodes de la séquence où ces sujets avaient été abordés, et d’analyser comment le discours utilisé dans ces séquences avait donné aux élèves l’occasion de faire avancer leur compréhension de manière cohérente avec les changements que nous avions observés. Nous nous attendions à découvrir différents groupes (et élèves de ces groupes) qui montreraient des modèles contrastés de changement sur les évaluations, qui fourniraient des cas contrastés pour limiter les explications que nous pourrions générer sur la manière dont le développement conceptuel des élèves pourrait se produire.
9Bien qu’au départ nous ne disposions d’aucune hypothèse vérifiable empiriquement, nous voulions fortement développer et évaluer des hypothèses de plus en plus raffinées au cours de notre étude. Nous anticipions les résultats sur la nature du développement conceptuel en nous basant sur la partie évaluation de notre étude, et nous avions l’intention de chercher des preuves dans la partie discours en classe, que nous aurions utilisée pour expliquer les résultats obtenus à partir de la partie évaluation. Notre idée nous semblait plausible d’autant que les méthodes utilisées s’inscrivaient dans la lignée de celles qui l’avaient été, avec succès, dans des programmes de recherche proches du nôtre (par exemple, Rosebery, Warren et Conant 1992 ; Yackel, Cobb, et Wood 1991), et nous avions déjà participé à des projets qui utilisaient ces méthodes (par exemple, Engle et Greeno 1994 ; Greeno et Engle 1995 ; Greeno et al. 1993 ; Linde et al. 1994).
10Notre projet était compatible avec une stratégie de recherche de raffinement progressif des hypothèses. Nous avions besoin de mettre en place et d’enregistrer les évaluations antérieures et postérieures à la séquence afin d’identifier les aspects du domaine conceptuel sur lesquels la compréhension des élèves avait progressé. Une fois établies des preuves de développement conceptuel, nous avions besoin d’enregistrements de séquences d’enseignement et d’apprentissage pour développer et évaluer des hypothèses sur la manière dont cet apprentissage conceptuel avait eu lieu.
11Pensez à ce que nous aurions pu faire en l’absence de ce genre de données. Si nous n’avions pas fait d’enregistrements – audio ou vidéo –, nous aurions été tributaires de notes prises sur le terrain ou de grilles d’observation que nous aurions été obligés d’élaborer avant la phase d’observation des séquences d’enseignement, et avant de pouvoir identifier les sujets de discussion au cours desquels la compréhension des élèves avait changé. Nul doute que notre travail aurait été tout à fait dénaturé. Bien que nous ayons correctement anticipé les thèmes généraux sur lesquels les élèves avaient de fortes chances de progresser (par exemple, une meilleure compréhension des habitats et de l’adaptation), nous ne disposions d’aucune base pour prévoir les contenus spécifiques correspondants aux progrès conceptuels. Par exemple, une des caractéristiques du développement conceptuel de nombreux élèves se manifestait dans la façon dont ils considéraient des taux de natalité comme des variables quantitatives influencées par des causes multiples et à effets multiples (Engle 2006). Rétrospectivement cela n’a rien de surprenant, mais nous ne possédions aucune donnée préalable pour conférer à ce thème une priorité suffisante, qui aurait justifié de l’attribution d’un code spécifique pour permettre son observation en salle de classe. Au lieu de cela, nous avons décidé de recueillir une quantité considérable d’enregistrements vidéo des activités en salle de classe, nous donnant ainsi toutes les chances, une fois identifiés avec précision les moments où un développement conceptuel avait eu lieu chez des élèves particuliers, de disposer de suffisamment de matériaux sur ce qui s’était passé pendant la séquence, pour élaborer des explications suffisamment fondées (justifiables) sur le déroulement du processus.
12Il est important de souligner que l’usage d’une grille d’observation aurait signifié que nous étions en mesure d’anticiper avec précision le type d’interactions susceptibles de faire l’objet de nos hypothèses explicatives. Par ailleurs, pour que les notes prises sur le terrain soient efficaces, il aurait fallu que nous soyons capables d’identifier des interactions potentiellement significatives au fur et à mesure qu’elles se produisaient et nous assurer que nous relevions les détails les plus pertinents. Nous n’étions tout simplement pas en mesure d’anticiper le genre d’événements qui, comme nous l’avons décidé rétrospectivement, contribuent à expliquer les types d’apprentissage et de compréhension conceptuels qui semblent s’être produits. Par exemple, après coup nous avons conclu que le fait que les professeurs attribuent une paternité des idées et des informations aux élèves, était un facteur décisif dans l’apprentissage de ces derniers (Engle 2006 ; Engle et Conant 2002). Là aussi, une telle attribution de la paternité était prévisible, mais il est peu probable que nous aurions accordé à cette caractéristique, plutôt qu’à beaucoup d’autres, une grande priorité, quel que soit le système de codage que nous aurions élaboré à l’avance. Même si nous l’avions fait, il nous aurait été impossible d’imaginer comment nous aurions pu consigner de manière suffisamment précise les événements que nous identifions maintenant comme le positionnement des élèves en tant qu’auteurs, sans avoir pu se reporter à des données assez complètes des interactions. Toutefois, grâce à la vidéo, tout cela a été possible.
13De plus, il s’est avéré que les enregistrements vidéo ont permis l’analyse d’une question que nous n’aurions pas pu anticiper puisqu’elle concernait l’analyse d’une série d’événements qui ne faisaient pas partie du programme initial. En fait, notre attention a été attirée sur cette question par des collaborations imprévues.
14Après la collecte d’enregistrements vidéo, réalisée comme prévu, Greeno, Engle et leurs collègues ont commencé à analyser les enregistrements à partir des évaluations et quelques-uns des enregistrements des interactions provenant de la séquence, afin d’élaborer des comptes rendus de développement conceptuel (Benke 1999 ; Engle 2006 ; Greeno et al. 1998 ; Greeno, Brown, Campione 1999 ; Lachapelle 1997 ; Wiebe 1999). Faith Conant et Frederick Erickson, de passage pour une année, ont eu envie de travailler avec nous. Erickson nous a dit qu’il souhaitait creuser la question suivante : « Qu’est-ce qui fait qu’une conversation prend ? » Pendant nos enregistrements vidéo FCL, nous avions remarqué que le groupe cible qui étudiait les baleines s’était engagé, de manière aussi inattendue que passionnée, dans une discussion sur l’appartenance des orques (les baleines tueuses) au groupe des baleines ou à celui des dauphins (ce que nous allions appeler la controverse des orques). Ceci s’était produit bien que le problème de la classification des espèces n’ait pas fait partie de la tâche assignée aux élèves, puisqu’ils devaient simplement expliquer pourquoi les baleines sont en voie de disparition.
15Nous n’avions pas prévu de nous intéresser à cette série d’événements, puisque le thème abordé ne correspondait en rien aux items des évaluations antérieures et postérieures à la séquence, mais l’intérêt porté par Erickson nous a fait prendre conscience de sa valeur potentielle pour notre compréhension de l’apprentissage conceptuel. Ces incidents ont mis en évidence que la compréhension conceptuelle n’est pas uniquement « informationnelle » mais qu’elle est aussi fondamentalement affective et historique. Par exemple, alors qu’un élève rendait compte du travail du groupe, à un professeur stagiaire qui venait juste d’arriver dans l’école, une simple allusion à la question des orques a fait resurgir le débat avec une grande intensité émotionnelle, l’élève faisant remarquer au passage que le groupe avait eu une sacrée discussion (« a big ol’argument ») à ce sujet quelque temps auparavant. Cela nous a laissé supposer que notre explication sur la compréhension conceptuelle devait inclure de tels aspects affectifs et historiques, au même titre que le contenu informationnel. Nous avions « saisi » l’activité des élèves dans nos enregistrements vidéo, mais c’était à notre tour d’être saisis par ces derniers, surtout par l’intensité affective et intellectuelle du discours des élèves. Ainsi, cette série de débats est devenue un point central de l’analyse.
16Dans la suite de ce chapitre, nous nous proposons d’expliciter quelques-unes des possibilités que les enregistrements vidéo nous ont offertes pour l’exploitation des données utilisées dans notre recherche et relativement à la question d’Erickson, à savoir, ce qui fait qu’une « conversation prend », en se servant tout d’abord d’Engle et Conant (2002), le premier article que notre groupe d’analyse de la controverse des orques a écrit, à partir de notre travail d’équipe4. Tout d’abord, nous expliquerons comment nous avons interagi avec les bandes vidéo pour saisir le phénomène d’une « conversation qui prend ». En particulier, nous exposerons comment le fait de s’être posé cette question centrale a joué sur la sélection initiale des enregistrements vidéo à analyser, comment nous avons utilisé des transcriptions pour représenter nos interprétations de ces données, et comment le fait de partager nos vidéos avec d’autres chercheurs et de les coder de manière formelle a facilité la vérification et l’enrichissement de nos hypothèses initiales. Ensuite, nous montrerons comment nous avons exploité nos données vidéo pour expliquer pourquoi la conversation a pris son envol. Il convient d’insister sur notre volonté de sortir du cas observé pour généraliser, il s’agissait donc d’identifier des facteurs explicatifs possibles, de restructurer notre explication en un modèle général simplifié, de nous appuyer sur toute la série d’enregistrements vidéo pour le raffiner et le spécifier et finalement de chercher à savoir si les concepts théoriques de notre modèle pouvaient permettre d’expliquer d’autres cas donnés dans la littérature.
Raffinement progressif pendant la captation et la communication d’un phénomène
Sélection de vidéos pour l’analyse
17Comme c’est souvent le cas, avec les projets d’observation en classe qui utilisent la vidéo, nous avons recueilli une bibliothèque entière de bandes vidéo que nous aurions pu analyser. Comment savoir ce qu’il faut analyser en réalité ? La question de notre recherche a guidé notre sélection. Nous nous sommes souvenus que la conversation avait « pris » pour la première fois, le lendemain de la visite que les élèves avaient faite au Marine World alors qu’ils travaillaient sur leur tableau d’affichage, et que le compte rendu oral au cours duquel le débat avait resurgi avait eu lieu sept semaines plus tard. Nous avons commencé nos analyses par ces deux incidents, puis nous avons cherché les autres moments, avant et après, où les élèves avaient discuté du problème des orques.
18Il nous a été possible de retrouver les épisodes pendant lesquels ce thème avait été abordé, car nous avions fait des carnets de bord des contenus de nos enregistrements vidéo (Jordan et Henderson 1995). Un carnet de bord des contenus est écrit par une personne qui regarde un enregistrement, avec des retours en arrière minimes, afin de fournir une liste minutée des thèmes abordés. Ces carnets de bord ont été utilisés pour sélectionner les parties d’enregistrement à regarder et à transcrire5. De plus, nous avons été très attentifs aux références faites par les élèves eux-mêmes aux événements passés potentiellement intéressants et aux événements futurs anticipés. En utilisant nos enregistrements, nous avons découvert que le thème des orques avait été abordé à au moins huit reprises, lors des huit dernières semaines de l’étude de la séquence. Bien qu’il y ait, avec le temps, des différences dans l’intensité avec laquelle certains élèves continuaient à s’impliquer dans le débat, il était évident, pour ce groupe, que ce sujet ne pouvait pas n’être abordé qu’une seule fois, mais qu’au contraire il méritait une étude soutenue de leur part.
Représentation des preuves pour les interprétations
19Par rapport aux notes prises sur le terrain et aux grilles d’observation, les enregistrements vidéo sont des sources d’information relativement sous-exploitées6. À cause de cela, travailler sur des supports vidéo implique toujours une seconde phase au cours de laquelle les chercheurs se demandent comment ils vont interpréter les événements qui ont été enregistrés. De plus, ces supports contiennent tellement d’informations, qu’une partie du processus consiste à choisir parmi toutes les données audio ou vidéo celles qui présentent un intérêt pour l’interprétation du phénomène auquel on s’intéresse.
20Dans notre cas, nous voulions comprendre dans quelle mesure on peut dire qu’une conversation académique a « décollé »7 : ce que nous avons finalement décrit en élaborant le concept d’engagement disciplinaire productif. En bref, il y a engagement disciplinaire productif quand des élèves sont profondément engagés dans une discussion (engagement), leur engagement leur faisant prendre contact de manière significative avec les idées et les méthodes de la discipline (disciplinaire), et à travers cet engagement ils progressent sur le sujet en question (productif)8. À partir des enregistrements, il était évident que les élèves étaient, c’est le moins que l’on puisse dire, intensément impliqués dans ce débat sur les orques, mais il nous fallait être plus explicites, sur ce qui constituait les éléments déclencheurs et sur d’autres interprétations, pour pouvoir les examiner plus systématiquement et les discuter avec d’autres chercheurs. Nous avons donc procédé par étapes, ce qui implique un raffinement progressif de nos représentations des événements et de nos assertions, concernant la nature de l’engagement des élèves.
21En regardant les vidéos, nous avons remarqué que les élèves se disputaient souvent la prise de parole, attiraient l’attention sur leurs points de vue de manière dramatique, faisaient avancer mutuellement leurs idées, et manifestaient leur joie quand ils avaient défendu une position avec succès. Cependant, de nombreuses actions que nous considérions comme des preuves de l’engagement des élèves – par exemple, les chevauchements des interventions, les manifestations émotionnelles, les accentuations catégoriques – n’avaient pas été inclues de manière systématique dans les transcriptions grossières dont nous disposions. Si nous voulions décrire, à d’autres, l’intensité de l’engagement dont nous étions témoins, il nous fallait consigner ses caractéristiques significatives. Ces dernières ont été inclues, avec d’autres, dans les transcriptions plus détaillées que nous avons élaborées dans un deuxième temps. Par exemple, une partie de la transcription faite à partir du big ol’argument qui avait tout d’abord été rédigée de la manière suivante (en note, la transcription en anglais9) :
Liana : ET probablement elle ne le savait même pas, parce qu’elle n’était là que depuis un petit moment, et puis elle a juste imaginé ça.
Brian : Elle n’est là que depuis deux ans !
Liana : Ouais, donc elle n’en savait pas beaucoup, alors elle a juste pensé à ça et puis, à ce moment-là parc’que elle a probablement pensé aux DAUPHINS !
Brian : Exactement ! (Brian et Toscan se tapent dans les mains)
22a été revue et corrigée ainsi (en note, la transcription en anglais10) :
409 Liana : (agitant frénétiquement la main droite alors que Brian acquiesce énergiquement de la tête et des épaules)
410 OH . . oh . . oh . .
411 E : : :ET . probablement elle ne le savait même pas.
412 parce qu’elle n’était là que depuis un petit mo : :ment
413 et puis elle a juste imaginé [ça
414 Brian : [ELLE n’est là : que depuis deux
415 a : : :[ :ns
416 Liana : [OUAIS ! . . donc elle n’en savait pas beaucoup, alors elle/elle a juste pensé
417 à ça à ce . moment-là parc’qu’elle a probablement pensé aux . DAU : :PHINS
418 Brian : (grand sourire) . . exa : :ctement (Brian et Toscan se tapent dans les mains) . . . . . . .
419 Liana : ouais
420 Racquel : (tape Laina dans le dos et elles se font des signes du regard)
pour faire apparaître le degré d’insistance, les interventions qui se chevauchent, les manifestations émotionnelles, et les implications des non-intervenants qui étaient caractéristiques de cette discussion11. En réalité, nos décisions sur les catégories de choses à noter dans nos transcriptions nous ont aidés à préciser certaines particularités qui pourraient fournir des preuves de l’engagement des élèves. Ainsi, nos transcriptions sont devenues une trace écrite de nos hypothèses émergentes comme matérialisées dans les spécificités d’une interaction particulière (voir aussi Ochs 1979).
Raffinement des hypothèses à l’aide de comparaisons, de l’apport d’autres analyses et du codage
23Grâce à des transcriptions suffisamment détaillées, nous avons pu être beaucoup plus explicites sur ce que nous avions remarqué dans les discussions sur les orques, ce qui nous a amenés à la conclusion que les élèves s’y étaient fortement engagés. Cependant, pour donner des preuves que ces caractéristiques étaient significatives, nous avions besoin d’autres discussions pour faire des comparaisons. Pour nous procurer ces données, nous avons réexaminé la vidéo du compte rendu fait par les élèves au nouveau professeur stagiaire, car il contenait aussi une présentation du reste du travail fait par les élèves pendant la séquence. À l’aide de cette vidéo, nous avons pu comparer leur engagement dans ces autres thèmes à celui sur les orques, afin de vérifier notre impression qu’ils s’étaient plus impliqués dans ce dernier que dans les autres. Comme nous l’avons mentionné plus haut, il semble qu’il y ait eu un changement spectaculaire au moment où Brian, l’un des élèves, a fait allusion à la controverse dans son compte rendu sur les caractéristiques des baleines12. Nous avons passé la vidéo au ralenti, en la regardant parfois sans le son, et nous avons remarqué à la fois la manière dont Brian a fait signe pour indiquer l’arrivée imminente du sujet et la rapidité avec laquelle les élèves ont répondu à ses signes, preuve de leur engagement. Par exemple, dès que Brian a mentionné la question des orques, tout le groupe s’est resserré, certains ont commencé à secouer la tête en signe d’approbation ou de désapprobation, et plusieurs élèves ont manifesté le désir de prendre la parole (soit dit en passant, ces phénomènes n’auraient pas pu être observés si nous n’avions disposé que d’un enregistrement audio).
24Notre impression d’un changement a été confirmée par la suite par un groupe de collègues, à qui nous avons demandé de visionner la vidéo, et de noter à quel moment ils avaient observé un changement (si changement il y avait) – dans le niveau d’engagement des élèves. Les repères qu’ils nous ont proposés étaient proches des nôtres, nous confortant ainsi dans l’idée que le changement s’était bien produit à ce moment-là. Sur cette base, Engle et Conant (2002 : 417-419) ont écrit une description analytique du changement, complétée par une transcription revue et corrigée du compte rendu complet de Brian (ibid. : 465-473).
25Pour fournir des preuves extraites des enregistrements vidéo aux lecteurs qui n’y ont pas accès, et pour mettre en lumière les caractéristiques de l’interaction qui pourraient faire la preuve des changements dans l’engagement des élèves, nous avons alors codé et comparé statistiquement, dans le rapport de Brian, les 70 secondes qui ont précédé son allusion à la question des orques, aux 70 qui l’ont suivie. En particulier, nous avons montré que, lors de la discussion sur le problème des orques, comparativement au reste du compte rendu de Brian :
la prise de parole a été beaucoup mieux répartie entre les élèves ;
les élèves ont eu beaucoup plus tendance à échanger leurs points de vue entre eux, plutôt qu’à ne s’adresser qu’au professeur stagiaire ;
les élèves se sont engagés beaucoup moins souvent dans des activités extérieures à la discussion ;
il y a eu beaucoup plus de manifestations émotionnelles de la part des élèves ;
il y a eu beaucoup plus de chevauchements d’interventions pertinentes, quand ils se disputaient la parole ou qu’ils complétaient réciproquement leurs idées (ibid. : 419 pour les résultats, et 473-476 pour les détails méthodologiques).
26Ce codage comparatif nous a donné des indicateurs de comportement, qui ont permis de mesurer et de mettre en évidence le plus grand engagement des élèves dans la question des orques (que dans le reste du travail pendant la séquence). En même temps, il a fait apparaître certaines caractéristiques qui pourraient être utiles pour évaluer l’engagement dans d’autres contextes.
27Nous avons ensuite suivi un même processus de raffinement progressif, afin d’établir comment l’engagement des élèves dans la question des orques était à la fois « disciplinaire » et « productif » (ibid. : 420-424 et 424-429, respectivement).
Raffinement progressif tout en élaborant une explication généralisable du phénomène
28Tout en utilisant les enregistrements vidéo pour expliquer comment les discussions sur les orques constituaient un cas d’engagement disciplinaire productif, nous avons exploré, à un autre niveau d’analyse, une série supplémentaire de questions de recherche connexes. Tout d’abord, nous voulions comprendre pourquoi ce groupe d’élèves de CM2 s’était autant impliqué dans cette question particulière, a priori assez technique, de la classification des orques. Étant donné qu’elle ne faisait pas partie des tâches qu’on leur avait assignées, comment se faisait-il qu’à leurs yeux elle présentait de l’intérêt, et pourquoi avaient-ils continué à en débattre tout au long de la séquence ? En même temps, nous voulions déterminer s’il y avait quoi que ce soit dans la conception de l’environnement d’apprentissage du FCL qui puisse expliquer un tel engagement des élèves. Si nous y parvenions, cela pourrait nous aider à mieux comprendre comment ces classes fonctionnent. Enfin et surtout, nous voulions théoriser sur ce qu’il faut mettre en place dans un environnement d’apprentissage, s’il y a des chances qu’il favorise un tel engagement disciplinaire progressif. Si nous pouvions préciser des aspects de l’environnement d’apprentissage du FCL, qui puissent nous aider à expliquer l’engagement des élèves à un niveau de généralité suffisamment élevé, alors notre recherche fournirait des hypothèses pour déterminer, d’une manière plus générale, comment l’engagement disciplinaire pourrait être favorisé. Nous avons donc commencé par essayer d’expliquer l’engagement des élèves du groupe des baleines, par rapport à la question sur les orques, dans le but d’expliquer les événements spécifiques qui étaient associés à leurs discussions, tout en créant des hypothèses qui pourraient être adaptables à d’autres contextes.
Identifier des facteurs explicatifs possibles en visionnant et revisionnant
29La phase initiale, qui visait à expliquer l’engagement des élèves, a nécessité pour notre groupe de cinq beaucoup de visionnages collectifs des vidéos au cours desquels nous avions des brainstormings, pour trouver des explications à l’engagement disciplinaire productif.
30Dans une grande partie du travail d’analyse vidéo que nous avons fait, une phase de ce genre, qui implique une certaine forme d’exploration collective des vidéos, s’est révélée essentielle car chacun a eu l’occasion de s’approprier les données. En regardant une même vidéo à différentes reprises, des interprétations et des hypothèses multiples peuvent être avancées puis évaluées, pour qu’elles soient en accord avec les données et cohérentes entre elles. Si l’on court-circuite cette phase, on peut facilement être amené à tirer des conclusions hâtives et injustifiées. Dans notre cas nous avons noté des idées sur un tableau, au fur et à mesure qu’elles nous venaient à l’esprit, pour finalement identifier environ une douzaine de facteurs possibles, qui auraient pu contribuer à l’engagement disciplinaire productif dans la question sur les orques.
Améliorer la communication et la généralisation à l’aide d’un modèle simplifié
31Beaucoup de facteurs auraient pu contribuer à ce qui s’était passé pendant la controverse des orques. Comment pouvions-nous tous les décrire, a fortiori les expliquer, dans un entretien ou un article ? Ce problème est endémique à l’analyse vidéo. À cause de la richesse des données, le problème n’est pas d’avoir quelque chose à dire, mais de faire un choix parmi toutes les choses et de les rassembler dans un rapport cohérent.
32Pour aborder ce problème nous avons pris la douzaine de facteurs qui avaient joué un rôle et les avons classés dans quatre catégories :
33Problématisation : encourager l’émergence de questions intellectuelles ouvertes qui sont considérées comme non résolues et qui ont de l’importance aux yeux des apprenants, tout en introduisant des sujets que les apprenants sont censés apprendre.
34Autorité : autoriser les apprenants à aborder les questions à leur manière13, en leur accordant publiquement la paternité de leurs réponses (comme parties prenantes), et en les encourageant à devenir des autorités locales (experts locaux) dont les idées peuvent commencer à influencer celles des autres (contributeurs).
35Responsabilité : encourager les élèves à justifier comment leurs contributions répondent bien aux normes communes de qualité et aux contributions pertinentes des autres acteurs de l’environnement d’apprentissage local et au-delà14.
36Ressources : aider les apprenants à trouver les diverses ressources dont ils ont besoin et leur en procurer, pour favoriser directement leur engagement disciplinaire productif (par exemple, leur donner assez de temps et des instructions pour des connaissances techniques clés, pour qu’ils soient capables de s’engager de façon efficace et veiller aussi aux trois autres principes ; leur apprendre à construire des arguments fondés sur des preuves prises dans une discipline donnée, afin d’encourager la responsabilité dans l’apport de preuves).
37À l’origine, la création de ces catégories avait pour objectif de fournir une proposition qui ne provoque pas de controverse et qui puisse intégrer les facteurs spécifiques que nous utilisions pour expliquer le cas des orques.
38Cependant, en examinant la littérature se rapportant à ce sujet, nous avons remarqué que les quatre catégories qui étaient ressorties de notre analyse étaient souvent discutées séparément, et dans des termes quelque peu divergents par différents chercheurs. En même temps, nous avons été amenés à reconnaître qu’elles étaient souvent mobilisées ensemble dans les conceptions d’environnements d’apprentissage innovants. Ainsi, nous nous sommes rendu compte qu’ensemble ces quatre catégories étaient, en réalité, un modèle de ce qui pouvait être nécessaire, d’une manière générale, pour favoriser un engagement disciplinaire productif (voir surtout Engle et Conant 2002 : 408-410). Elles permettaient de caractériser les conceptions partagées implicitement par les concepteurs actuels de beaucoup d’environnements d’apprentissage. Donc, en proposant ces quatre catégories comme principes directeurs pour expliquer de manière générale l’engagement disciplinaire productif, nous avons aussi identifié une trame commune sous-jacente à de nombreux travaux – dans des cas très divers.
Ajuster et préciser le modèle avec un ensemble plus large de données
39Du moment que nous disposions d’un modèle permettant d’aborder l’engagement disciplinaire productif, comment pouvions-nous utiliser nos enregistrements vidéo pour préciser comment ce modèle pouvait fonctionner ? Comme nous disposions des enregistrements complets de la séquence, nous avons pu utiliser non seulement ceux faits au cours des discussions sur la controverse des orques, mais aussi ceux qui avaient trait à la plupart des choses auxquelles ce groupe d’élèves avait participé pendant la séquence, y compris des discussions que le professeur avait eues avec la classe entière, discussions qui ont contribué à mettre en évidence les normes de fonctionnement de la classe. Avec nos carnets de bord de contenu et nos transcriptions, nous avons pu faire une recherche systématique sur ce qui avait précédé l’éclatement de la controverse, pour explorer comment, d’une manière plus générale, chaque principe était matérialisé dans l’environnement d’apprentissage de la salle de classe. Nous avons pu alors associer cela aux analyses sur la manière dont les principes étaient matérialisés : quand la controverse a éclaté, pendant la discussion décisive du big ol’argument, et tout au long du reste de la séquence (voir les résumés dans Engle et Conant 2002 : 449 et 452, ainsi que la discussion complète : 430-447).
40Nous avons trouvé notre explication convaincante dans la mesure où nous avons pu repérer un système de liens entre les aspects spécifiques de l’engagement disciplinaire productif des élèves et les manières spécifiques dont chaque principe s’était matérialisé dans cet environnement d’apprentissage particulier, avec des élèves particuliers, et autour de ce thème particulier (voir surtout ibid. : 448-451). Notre théorisation a été limitée de manière significative par le fait que nos observations, pendant la collecte des données, laissaient penser que ce problème particulier avait provoqué le niveau d’engagement disciplinaire productif le plus élevé pendant la séquence parmi tous les quatre groupes cibles. Par conséquent nous n’avons pas pu façonner une explication qui ne s’applique qu’à des facteurs globaux, qui se vérifient dans l’environnement d’apprentissage d’une manière générale. Au lieu de cela, il nous a fallu combiner l’analyse de tels facteurs globaux avec ceux qui s’appliquent spécifiquement à ce groupe de discussion sur la question des orques. En codant la manière dont les élèves se positionnaient et en positionnaient d’autres, nous avons pu démontrer que ce n’était pas uniquement le professeur et l’environnement d’apprentissage qui avaient positionné les élèves comme parties prenantes responsables dans le débat, mais que les élèves aussi s’étaient eux-mêmes positionnés de cette manière (ibid. : 447-448 pour les résultats, et 480-483 pour la méthodologie).
Généraliser par l’explication d’autres cas
41Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous avons cherché à identifier des facteurs qui pouvaient expliquer l’engagement disciplinaire productif en général. Certains critiques pourraient soutenir que réussir à établir une telle généralité est, dans un projet d’étude comme le nôtre, chose risquée à cause de la spécificité de nos enregistrements, ou parce que nous n’avions pas spécifié d’hypothèses falsifiables avant la collecte et l’analyse de nos données. L’alternative que nous jugeons plus productive et plus réaliste, consiste à utiliser de tels enregistrements pour alimenter le développement de concepts et de principes capables de rendre compte de manière cohérente et explicative des résultats dans un large éventail d’activités et d’environnements. Dès le début, nous avons considéré les discussions sur les orques comme un « cas » de quelque chose de plus général (voir Shulman 1992), l’engagement disciplinaire productif. Nous avons ensuite cherché à expliquer ce cas d’engagement disciplinaire productif en proposant quatre principes généraux pour susciter un tel engagement. Nous avons combiné un raisonnement théorique expliquant pourquoi ces principes peuvent contribuer à rendre compte de l’engagement disciplinaire productif en général avec des analyses empiriques détaillées sur la manière dont ces principes étaient matérialisés dans ce cas particulier, pour aider à expliquer ses aspects spécifiques.
42Nous avons ensuite évalué la généralité de ces principes en voyant s’ils pouvaient être utilisés pour permettre d’expliquer plusieurs autres publications de cas d’engagement disciplinaire productif (voir Engle et Conant 2002 : 451-459). Dans cet article, nous choisissons de nous intéresser à deux de ces cas contrastés, tirés de la littérature sur la réforme des sciences et des mathématiques :
l’approche japonaise « Hypothèse-Expérience-Enseignement » dans laquelle les élèves s’engagent dans des discussions productives autour de concepts de mathématiques et scientifiques, en débattant sur le choix de la bonne réponse dans un questionnaire à choix multiples (QCM) bien conçu (par exemple, Hatano et Inagaki 1991 ; Wertsch et Toma 1995) ;
l’enquête du « Water Taste Test » au cours de laquelle une classe haïtienne d’élèves de cinquième et de quatrième de collège (grades 7 et 8) s’est profondément impliquée dans une enquête scientifique sur le goût de l’eau consommée dans leur école et le risque qu’elle pouvait poser pour la santé (Rosebery, Warren et Conant 1992)15.
43Nous avons appliqué ces principes avec succès, pour comprendre des cas qui diffèrent encore plus des trois premiers, par leurs cadres institutionnels, les sujets enseignés, l’âge des élèves, et le niveau atteint dans l’engagement disciplinaire productif. Par exemple, Conant et sa collègue Marilyn Webster ont trouvé que les principes étaient utiles pour comprendre l’engagement productif des élèves d’âge préscolaire, dans les méthodes d’alphabétisation (littératie) d’une classe influencée par l’approche de Reggio Emilio (Webster et Conant 2003). Engle et ses collègues les ont aussi trouvés efficaces pour expliquer pourquoi une série de pratiques destinées à orchestrer des discussions autour de tâches de mathématiques de niveau élevé, avaient toutes les chances de favoriser l’engagement productif des étudiants dans cette discipline (Stein et al. 2008).
44Notre modèle a été encore approfondi en appliquant les principes pour comprendre des cas où l’engagement disciplinaire productif est important et d’autres où il est limité avec des professeurs de mathématiques débutants dans des cours sur l’enseignement des mathématiques (de didactiques de mathématiques) et de psychologie de l’éducation (Engle 2004 ; Engle et Faux 2006). Dans ces études, nous avons eu la preuve que l’engagement disciplinaire productif n’atteignait pas le niveau escompté quand un des principes ou plus n’était pas complètement en jeu. À partir de là, nous avons développé des hypothèses sur ce qu’il faut réunir pour que ces principes soient effectifs dans de nouveaux environnements d’apprentissage. En particulier, nous émettons maintenant l’hypothèse que lorsque les apprenants ont l’habitude de méthodes scolaires traditionnelles, il convient de mettre en jeu tout d’abord le principe d’autorité avant d’essayer de considérer les élèves comme responsables envers la discipline (Engle 2004 ; Engle et Faux 2006). Nous avons observé que lorsqu’on essayait de donner à l’élève la responsabilité envers la discipline, avant que l’autorité n’ait été pleinement établie, les élèves semblaient interpréter les efforts du professeur pour les tenir comme responsables par rapport aux disciplines comme un signe que leur propre autorité ne comptait pas (Engle et Faux 2006 ; voir Hamm et Perry 2002).
45Ces idées nous ont aussi servis dans une étude sur la façon dont se construisent les compétences des élèves, en tant qu’apprenants de mathématiques, lors de plusieurs cours de collège (Gresalfi et al. 2005). Ces élèves avaient différentes sortes de capacités, allant de l’aptitude à simplement appliquer des méthodes de résolution de problèmes qu’on leur avait montrées, jusqu’à la capacité à inventer des symboles pour représenter des propriétés d’un événement, en passant par la capacité à générer des exemples d’une idée mathématique. Gresalfi et al. (2005) ont découvert que la nature des responsabilités construites de manière interactive était un facteur important de construction de compétence : par rapport à qui et dans quel but les élèves étaient en position de responsabilité ?
46Le modèle a été utilisé et étendu à une autre analyse d’épisodes enregistrés dans une classe de niveau cinquième en biologie (grade 7) (Greeno 2003). La classe faisait partie d’un vaste projet mis en place par Richard Lehrer et Leona Schauble dans lequel les élèves étudiaient la croissance des plantes qui poussent vite16. Dans l’épisode analysé par Greeno (et d’autres participants à un atelier sur les méthodologies comparatives dans la recherche sur l’interaction), les élèves ont construit des représentations d’une série de données provenant des mesures des hauteurs des plantes, relevées au cours d’une même journée. Cette analyse a montré la nécessité de différencier nos concepts d’autorité et de responsabilité. Les élèves étaient mis en situation d’autorité et de responsabilité pour construire une variété de représentations, ceci les a conduit à produire des représentations alternatives et ainsi à les aider à « problématiser » et à rendre compatible les questions de la pratique des représentations. Dans les épisodes que Greeno a analysés, les élèves n’étaient pas en situation d’autorité ou de responsabilité pour aborder ces questions, mais la problématisation s’est opérée sous la direction des adultes. Greeno en a conclu qu’il pourrait être productif de traiter la « problématisation » et la compatibilité entre les questions comme des aspects de la pratique à inclure dans le modèle, et de considérer séparément l’autorité et la responsabilité avec lesquelles les élèves sont positionnés, pour ce qui est de ces deux aspects de pratique.
47Actuellement, nous développons ces idées pour étudier dans quelle mesure la problématisation, l’autorité, la responsabilité et les ressources pourraient aussi être utiles pour expliquer des collaborations productives à long terme qui ne sont pas nécessairement axées sur des problèmes spécifiques à une discipline. Engle et ses collègues regardent comment ces principes pourraient expliquer les collaborations, généralement très productives, que les chercheurs et les concepteurs de programmes ont eues pendant plusieurs années avec les professeurs de mathématiques et des professionnels utilisant les mathématiques dans l’élaboration de programmes innovants faisant partie du projet sur l’enseignement des mathématiques au collège (Engle 2006 ; Engle et Goldman 2006 ; Greeno, Brown et Campione 1999). Sur la base des entretiens avec des participants et des enregistrements vidéo des réunions sur le projet, Engle et ses collègues trouvent que celui-ci s’est systématiquement appuyé sur les quatre principes. Voici un bref aperçu des résultats relatifs à la question de l’autorité des professeurs. Tout d’abord, le projet a donné aux professeurs la possibilité d’être des acteurs à part entière (agency) pour concentrer leurs efforts sur les activités qui leur semblaient les plus importantes, beaucoup d’entre elles consistant à élaborer des programmes ou autres matériaux pour d’autres professeurs. Deuxièmement, les professeurs se percevaient comme de vrais collaborateurs du projet, d’autant plus que leurs suggestions ont été incorporées dans des versions ultérieures de la séquence d’enseignement. Pour que les professeurs soient des agents actifs, les séquences du projet ont été construites à partir des repères clefs de la pratique professionnelle, ce qui a encouragé ces professeurs à continuer à participer activement et d’une manière extrêmement productive.
48Enfin et surtout, ces idées commencent à être reprises par d’autres chercheurs qui ont utilisé les principes de manière générative dans leurs propres recherches. Quelques-unes de ces recherches ont fourni de nouveaux cas d’engagement disciplinaire productif qui peuvent se comprendre à l’aide de ces principes (Cornelius et Herrenkohl 2004 ; Leinhardt et Steele 2005). D’autres ont développé les principes dans de nouvelles directions comme par exemple étudier comment l’étayage peut aider à la problématisation (Reiser 2004) et analyser comment des collaborateurs interdisciplinaires négocient efficacement leurs responsabilités disciplinaires (Nikitina 2005).
49Ainsi, le test de généralisation que nous avons appliqué et que nous continuerons à appliquer à nos principes et à d’autres similaires qui découlent de ce genre de recherche basée sur la vidéo, a pour but de chercher à savoir si ces principes permettent de rendre compte d’une grande variété d’activités et d’environnements de façon cohérente, ce qui dans certains cas est mentionné comme étant le « caractère fructueux » que l’on discute dans les cercles de philosophie des sciences (Kuhn 1977 ; McMullin 1976). Si c’est le cas, le discours explicatif du domaine s’en trouvera affecté, sinon on cessera d’y prêter attention. Certes, ce n’est pas aussi simple que la méthode qui consiste à falsifier des hypothèses. Pourtant, cette clarté apparente est probablement illusoire, comme l’ont montré bon nombre d’analyses de pratiques scientifiques (Lakatos 1970).
Bibliographie
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10.2307/749187 :Notes de bas de page
1 Ce chapitre est la traduction française de l’article de Engle, Conant et Greeno (2007).
2 Fostering Communities of Learners classrooms (FCL).
3 Nous avons traduit « unit » par séquence d’enseignement, ce qui correspond à une série de séances centrées sur un thème.
4 Le groupe central comprenait Conant, Engle, Erickson, Greeno et Muffie Wiebe Waterman.
5 Nous avons pu profiter aussi du fait que des transcriptions grossières avaient déjà été faites pour une autre analyse sur l’apprentissage de ce groupe (Engle 2006).
6 Cependant, bien que des interprétations spécifiques ne soient pas nécessairement reliées à des enregistrements vidéo particuliers, le genre d’interprétation que l’on peut être facilement amené à faire, peut être profondément influencé par les choses que l’on choisit de mettre en valeur en dirigeant sa caméra et par le genre d’informations audio que l’on enregistre (Hall 2000). Néanmoins, ces contraintes et ces possibilités d’interprétation sont les unes comme les autres infimes par rapport à celles caractéristiques des grilles d’observation. Pour que ces dernières fonctionnent, chacun doit déterminer à l’avance ses propres catégories interprétatives. Cela signifie qu’une partie déterminante de l’interprétation des événements est faite avant qu’ils ne se produisent, alors que d’autres aspects de celle-ci sont faits au fur et à mesure que l’on remplit les grilles d’observation. Le degré et le type de changements dans l’interprétation, faits dans une série donnée de notes prises sur le terrain, dépendent des connaissances et des engagements méthodologiques de celui qui les prend, mais il n’est ni possible ni souhaitable d’éliminer toutes les interprétations qui y sont liées. Comme il est seulement humainement possible, quand on prend de telles notes, de ne consigner qu’une petite partie de ce que l’on peut observer, pour le moins, ce qu’un individu sélectionne finit par refléter son interprétation de l’événement. Étant donné ce caractère sélectif, une prise de notes relativement « sèche » peut devenir incompréhensible. De tels problèmes sont bien connus des ethnographes et des chercheurs expérimentés qui procèdent par observation, donc nous n’insisterons pas davantage, dans ce livre consacré à l’usage de la vidéo.
7 « Taken off » dans l’édition anglaise originale.
8 Voir Engle et Conant (2002) : 402-403 pour des définitions plus complètes.
9 Liana: AND she probably didn’t even know, because she was just there for a little while, and then she just made it up.
Brian: She was only there for two years!
Liana: Yeah, so she didn’t know that much, so she just thought of it then, at that time ‘cause she probably was thinking about DOLPHINS!
Brian : Exactly ! (Brian and Toscan do a « high-five »)
10 409 Liana: (waving right hand wildly as Brian nods head and shoulder emphatically)
410 OH . . oh . . oh . .
411 A:::ND . she probably didn’t even know.
412 because she was probably there for a little whi::le.
413 and then she just made it [up
414 Brian: [SHE WAS ONLY THE:RE FOR TWO
415 YEA:: [:RS
416 Liana: [YEAH! . . so she didn’t know that much she/she just thought of
417 it that . time cuz she probably was thinking about . DO::LPHINS
418 Brian: (big grin) . . exa::ctly (Brian “high five’s Toscan) . . . . . . .
419 Liana: yup
420 Racquel: (pats Liana on the back and they exchange nodding looks)
11 Dans cette transcription, deux points représentent l’allongement des voyelles ; les points entre les espaces indiquent les longueurs des pauses ; les mots soulignés et l’utilisation de majuscules représentent une accentuation vocale supplémentaire ; et les crochets ouverts superposés indiquent le début d’un chevauchement des interventions. Nous sommes reconnaissants à Fred Erickson d’avoir écrit cette version de la transcription et d’avoir aussi guidé nos efforts pour la création de transcriptions dans lesquelles sont consignées systématiquement les caractéristiques théoriquement pertinentes des discussions.
12 La controverse des orques avait un rapport avec les caractéristiques des baleines, car lors de la discussion précédente, les élèves avaient essayé de résoudre le problème en comparant plusieurs traits distinctifs d’une orque, notamment la nageoire dorsale, à ceux caractéristiques de différentes espèces de baleines et de dauphins.
13 « Agency » dans le texte original.
14 Notez le contraste entre cette notion de responsabilité et celle, plus tournée vers l’extérieur, dont on discute plus communément dans l’éducation, où des personnes extérieures jugent si le niveau requis a été atteint. Ici il est question d’une notion de responsabilité, davantage tournée vers l’intérieur, dans laquelle les élèves expliquent comment leurs contributions sont logiques dans le contexte de leur environnement d’apprentissage.
15 Comme Conant avait participé à l’enregistrement et à l’analyse des discussions du Water Taste Test, on nous a demandé d’expliquer une plus grande quantité de données que de coutume dans les articles publiés.
16 Les plantes qui poussent vite ont un cycle de vie d’environ quarante jours, ce qui permet de mener des recherches basées sur le recueil d’informations sur la biologie des plantes et sur des sujets qui s’y rapportent.
Auteurs
University of California, Berkeley, USA.
Five Colleges (Massachusetts), Inc. USA.
University of Pittsburgh, USA.
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