1 Il existe dans les Monts Tamgak, en Aïr septentrional, une vallée dénommée Âwăy. Celle-ci fut le lieu d'arrivée des premiers nomades que l'on appela par la suite : les Kәl Ăwãy. Cette vallée principale comporte un certain nombre d'affluents qui ont donné leur nom à toutes les tiwshitin (sg., tăwshet) qui composent l'ensemble des Kәl Ăwăy, placés sous l'administration juridique de l'anastafidet, mandataire et défenseur des intérêts des imajәghǎn (« aristocrates » Kәl Ăwãy) à l'égard de l'extérieur. L'appellation Kәl Ăwăy semble dater de la création du sultanat d'Agadez (1406). Lors du retour des « Tribus du privilège et du pacte », convoyeurs du sultan Yunis, premier sultan de l'Air, certains « clans » issus de cette vallée Ăwãy offrirent en guise de soumission au sultan, un buf, (ewey) d'où leur nom de Kәl Ăwăy : « ceux du bœuf ». Ăwăy est un mot qui appartient au parler tamasheq de l'Ouest, la tanastaram, alors que le bœuf, en parler de l'Est, la takelowey se dit azgăr.
2 . J'utilise ici la terminologie courante en usage au Niger et au Mali qui désigne par Kal Tamasheq les populations touarègues.
3 Ce recueil généalogique a été fait en collaboration étroite et permanente avec Nokha Ag Lelo, Akhudan Ag Atakhmo et sous la vérification de Akhmadu Ag Dogari, vieillard d'environ quatre-vingt dix ans détenteur d'un savoir généalogique et d'une lucidité assortis de bien d'autres qualités qui forcent le respect.
4 Tous les cousins sont appelés ibûbazãn terme qui désigne partout ailleurs, les cousins croisés matri- et/ou patrilatéraux.
5 Plusieurs cas concrets confirment cette tendance.
6 La traduction de ce terme pose problème.
7 Par contre, la fatiha est récitée à l'occasion d'une union entre deux esclaves appartenant au même maître. Les mariages unissant deux esclaves appartenant respectivement à des maîtres différents est une pratique relativement récente et représente une légère amélioration de la condition d'esclave non assortie pour autant d'une autonomie résidentielle ou d'une modification quelconque du statut.
8 8. Tewǎhǎy caractérise une femme d'origine esclave qui est devenue libre par le biais du mariage avec son maître. Ce terme se distingue de teghăwelt, femme d'origine esclave, devenue affranchie et/ou appartenant à la classe des affranchis. Tewăhăy fait référence à une origine captive mais son nouveau statut social est assimilé à l'aristocratie au même titre qu'une femme noble (tamajәght) dont la souche est connue sur plusieurs générations. Etre tewǎhǎy revient à acquérir une parenté et un « nom » procurés par l'époux. En cas de répudiation, la tewǎhǎy devenue aristocrate, conserve sa nouvelle noblesse, et sa progéniture appartient à la classe des imajeghăn. Le mariage avec une tewǎhǎy est considéré comme étant de « qualité » car il permet de soustraire sa descendance de l'emprise des maternels et donc de créer ou de renforcer la patrilignée. Les stratégies de pouvoir se fondent souvent sur ce type d'union. En cas de polygynie avec une épouse tamajeght et une épouse tewǎhǎy ce seront les descendants de cette seconde qui pourront accéder au pouvoir politique. Inversement, il existe des cas, rares, où des femmes nobles ont affranchi juridiquement et économiquement leurs propres esclaves afin de pouvoir les épouser dans une période ultérieure.
9 D. Casajus attribue à la relation inәmula une connotation parentale (consanguinité). Il semble qu'une erreur se soit glissée dans l'interprétation de l'alliance (p. 64). En effet, l'union nouée entre deux cousins croisés et deux soeurs caractérise une alliance de type inәmula. Par contre, cette union réalisée, les deux cousins croisés peuvent alors s'appeler entre eux anәmalu, et non pas la progéniture issue de ces deux alliances comme le souligne Casajus. Par ailleurs, lorsque deux frères épousent deux sœurs appartenant à deux groupes de descendance différents, l'union est également appelée inәmula, unions les plus fréquentes selon le recensement très partiel de mes généalogies. A ceci, il faut ajouter l'hypothèse suivante : anәmalu (pl., inәmula selon la prononciation en vigueur en Aïr) peut être l'équivalent de nemeli (pl. inmela) en tahaggart (cf. Foucauld, 1951-52, T. III : 976) dont la signification est : « avoir ensemble (avoir en commun) ; posséder ensemble (posséder en commun) // peut avoir pour suj. et pour reg. dir. des p, des ans, ou des ch. se dit de tout ce que des p. peuvent posséder en commun, enfants, esclaves, an ch. ;... ». Cette hypothèse semble relever de la structure indifférenciée d'une part et, de l'autre, elle paraît confirmer les capacités de contrôle sur la progéniture.
En effet, dans les deux cas tous les parents sont des pères et mères et lors du décès du ou des conjoints respectifs, leur descendance appartient, des deux côtés, aux père et mère classificatoires restants quelle que soit la résidence de ceux-ci. En outre, ce type de mariage est l'homothétique du sororat de la cadette. En cas de décès de l'aînée des épouses, le défunt cherchera à épouser la sœur cadette de sa belle-sœur pour reproduire le mariage inәmula. Dans ces conditions peut-on faire dériver anә malu du « verbe neutre primitif oulou ? » être pareil (être semblable) //... s'emploie pour exprimer toutes les parités, surtout celles qui ne se mesurent pas numériquement, com, la parité dans le bien, le mal, la beauté, la laideur, la dignité, la puissance, la condition sociale, l'intelligence, les qualités morales, les qualités physiques non mesurables numériquement, etc. // » (Foucauld. p. 978).
10 Par contre le sororat de l'aînée est sévèrement condamné bien qu'exceptionnellement pratiqué...
11 Une union est considérée comme « mariage par enlèvement » à partir du moment où une femme, avec son consentement, a été promise à un homme. Dès l'instant où cette femme engage les travaux préparatoires à ce mariage en fabricant des nattes, l'union devient impossible avec un autre prétendant. S'il y a transgression, il faut détruire la case élevée en vue d'abriter le couple, tout détruire et nettoyer à grande eau l'emplacement et procéder à une aumône rituelle (takoté) en sacrifiant une chèvre consommée par tous les gens du campement. Par ailleurs, cette transgression provoquera la mort de huit personnes dont les parents de la femme, le religieux qui a consacré l'union et des membres de sa famille.
12 Des animaux mãles sont également attribués mais il faut alors les transformer, par vente ou échange, en des animaux femelles qui n'appartiennent pas nécessairement à la même catégorie de bétail. Par ailleurs, la destruction ou la disparition des biens de ce type oblige à un remplacement immédiat.
13 Cf. à propos de l'akh-әdderăn l'article de C. Oxby dans ce volume et A. Bourgeot, « Le lait vivant et sa mousse : le rôle des femmes dans la circulation des biens indivis en pays touareg (Kәl Ăwãy de l'Ayr oriental, Niger), Gis, Aix-en-Provence, à paraître.