1 Il y a sans doute allusion ici à la pièce Pandora de Goethe, où la scène est divisée en deux : le « côté de Prométhée » et le « côté d’Épiméthée ». Épiméthée (dont le nom signifie « celui qui réfléchit après coup ») languit dans le souvenir de la bienaimée Pandora ; son frère Prométhée représente le principe actif. Bloch voudrait donc dire que, bien que son travail le situe encore du côté de Prométhée, il appartient pourtant au côté d’Épiméthée.
2 Surnom affectueux (littéralement : petit casque).
3 Sommet des Alpes bernoises qui domine Interlaken où le couple Bloch vécut de juin 1918 à janvier 1919.
4 Gershom Scholem se reconnut comme l’inventeur de cette image lorsqu’il la lut dans Traces, un ouvrage de 1930 où Bloch l’avait reprise (trad. fr. par Pierre Quillet et Hans Hildenbrand, Paris, Gallimard 1968, p. 216 sq.) ; cf. Walter Benjamin et Gershom Scholem, Théologie et utopie : correspondance 1933-1940, trad. fr. par Didier Renault et Pierre Rusch, Paris, Éditions de l’Éclat 2010, p. 138.
5 Erna Maria (Enja) Baur (1888-1939), épouse du médecin et psychiatre Hans Ritter von Hattingberg, fréquentait à l’époque le même cercle d’artistes munichois que Bloch (Willy Geiger, Else Lasker-Schüler, etc.).
6 Else Lasker-Schüler (1869-1945), poétesse.
7 Goethe, Faust, deuxième partie, vers 12094-12095 (trad. fr. par Suzanne Paquelin, dans Goethe, Théâtre complet, Paris, Gallimard (Pléiade) 1988, p. 1518).
8 Sur la « forme de la question inconstructible » et la « rencontre de soi », voir Bloch, Esprit de l’utopie (édition originale en 1918), trad. fr. par Anne-Marie Lang et Catherine Piron-Audard, Paris, Gallimard 1977, p. 203 sq. et 321 sq.
9 Citation approximative de Hanneles Himmelfahrt, pièce de Gerhart Hauptmann (1893 ; rééd. : G. Hauptmann, Sämtliche Werke, t. 1 : Dramen, Frankfurt/M. /Berlin, Ullstein 1966, p. 575 ; trad. fr. par Jean Thorel : L’Assomption de Hannele Mattern, Paris, Plon 1894).
10 Margarete Susman (1872-1966), poétesse et philosophe, fut très liée à Bloch dans les années 1910.
11 Bloch, Thomas Münzer, théologien de la révolution (édition originale : 1921), trad. fr. par Maurice de Gandillac, Paris, Julliard 1964.
12 Friedrich Burschell (1889-1970), écrivain originaire de Ludwigshafen-sur-le-Rhin comme Bloch.
13 “Die Güte der Seele und die Dämonie des Lichts” [La bonté de l’âme et le démonisme de la lumière], publié seulement en 1969 dans Bloch, Philosophische Aufsätze zur objektiven Phantasie, Frankfurt/M., Suhrkamp, pp. 219-223.
14 Les études de Bloch sur Job n’ont paru qu’en 1968, dans son ouvrage L’Athéisme dans le christianisme : la religion de l’exode et du royaume (traduction par Éliane Kaufholz et Gérard Raulet, Paris, Gallimard 1978), chapitre 24.
15 Le manuscrit de logique de Bloch fut perdu sous le régime nazi.
16 Ces textes ont été rassemblés par Martin Korol dans Bloch, Kampf, nicht Krieg : Politische Schriften 1917-1919, Frankfurt/M., Suhrkamp 1985.
17 Allusion probable à l’article “Über motorisch-mystische Intention in der Erkenntnis” [Sur l’intention motrice-mystique dans la connaissance] paru en 1922 (repris dans Bloch, Tendenz-Latenz–Utopie, Frankfurt/M., Suhrkamp 1978, pp. 108-117).
18 Certains éléments d’une histoire des hérésies sont présents dans la deuxième édition d’Esprit de l’utopie (1923), dans Thomas Münzer et dans L’Athéisme dans le christianisme.
19 « Forme » doit être pris ici au sens platonicien du terme et renvoie à l’idée d’une sphère de sens indépendante de toute genèse historique. Bloch s’est opposé toute sa vie à pareille conception ; dans son œuvre de jeunesse, c’est en particulier contre la notion de forme mise en œuvre par Lukács dans L’âme et les formes (1911 ; trad. fr. par Guy Haarscher, Paris, Gallimard 1974) que Bloch a exprimé ces réserves ; cf. notamment sa lettre du 12 juillet 1911 à Lukacs (Bloch, Briefe 1903-1975, p. 40 sq.) et Esprit de l’utopie (pp. 263-267).
20 Emil Lederer (1882-1939), économiste, et son épouse Emma Lederer (1897-1933), historienne hongroise.
21 Eduard Mörike, Le Voyage de Mozart à Prague (édition bilingue), trad. fr. par Raymond Dhaleine, Paris, Aubier Montaigne 1931, p. 72. Si Mozart et son épouse Constance sont bel et bien présents dans la nouvelle de Morike, le personnage féminin dans le passage cité par Bloch est non pas Constance mais Eugénie, un personnage fictif. Évoquant à nouveau cette même scène dans Le Principe Espérance, Bloch y verra une description de « l’effet prolongé du rayonnement » d’une rencontre : « Ici, une réalité fugace mais exceptionnellement riche de signification, s’est pour ainsi dire décantée ; tout au moins sa représentation imaginaire et ce qu’elle renferme de promesse utopique subsisteront-ils, survivront-ils à un amour impossible » (Le Principe Espérance, tome 1, trad. fr. par Françoise Wuilmart, Paris, Gallimard 1976, p. 385 sq.).
22 “Die Fahrt zur Geliebten” est un poème célèbre de Herder.
23 Karl Konrad Düssel (1872-1940), journaliste et critique d’art.
24 Alfred Seidel (1895-1924), philosophe. Son ouvrage Bewusstsein als Verhängnis [La conscience comme fatalité] parut à tire posthume (1927) ; Bloch en fit un bref commentaire (Literarische Aufsätze, Frankfurt/M., Suhrkamp 1965, pp. 66-71).
25 Albert Salomon (1891-1966), sociologue. Il fréquenta le cercle de Max Weber à Heidelberg au début des années 1910 ; c’est sans doute là qu’il lia amitié avec Lukács et Bloch.
26 Marta Karlweis (1889-1965), écrivaine et psychologue. Jakob Wassermann (1873-1934), romancier.
27 Voir supra, note 20.
28 Emmy Hennings (1885-1948) et Hugo Ball (1886-1927), poètes dont Bloch fit la connaissance et avec lesquels il collabora étroitement lors de l’exil en Suisse (1917-1919).
29 Chanson composée par Ludwig Senfl (dates approximatives : 1486-1543).
30 Chanson populaire allemande.
31 Wilhelm Furtwängler (1886-1954), compositeur et chef d’orchestre.
32 Willy Geiger (1878-1971), peintre.
33 « Le vainqueur sera donc revêtu de blanc ; et son nom, je ne l’effacerai pas du livre de vie, mais j’en répondrai en présence de mon Père et de ses Anges » (traduction de la Bible de Jérusalem).
34 Jean Paul Richter, Titan, traduit sous la responsabilité de Geneviève Espagne, Lausanne, L’Age d’homme 1990, p. 690 sq.
35 Citation approximative du chant de la guilde des cordonniers, dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner (acte III, scène 5). Ce passage, ainsi que le conte hassidique dont il va bientôt être question, semblent des allusions aux temps de disette du couple Bloch, que la débrouillardise d’Else avait pu égayer de menus festins.
36 Bloch fait allusion au conte “Le triple rire” publié par Martin Buber en 1908 dans La Légende du Baal-Shem. Cette histoire raconte que le Baal-Shem (fondateur de la secte des hassidim) avait vu à distance, un soir qu’il était attablé pour célébrer le sabbat, un vieux couple danser autour de la table. Sans le sou, le mari était rentré chez lui avec l’idée de jeûner au lieu de festoyer comme il en avait l’habitude les soirs de sabbat, mais ce fut pour découvrir que la table était servie grâce à la débrouillardise de sa femme : « J’ai regardé ma femme et j’ai vu son bon visage refléter ma joie. Je me suis senti à l’aise, et j’ai oublié les nombreux jours de misère. J’ai pris ma femme et l’ai entraînée dans une danse tout autour dans la pièce. Puis j’ai mangé la soupe de sabbat, et je me suis senti de plus en plus léger et de plus en plus reconnaissant ; j’ai dansé alors dans la joie et dans le rire une seconde fois, et quand j’ai mangé le dessert, j’ai fait pareil une troisième fois. » Ce qui entraîne le commentaire suivant du Baal-Shem : « Sachez-le, toutes les armées célestes ont jubilé avec lui et ont dansé en rond avec lui. Et moi, qui ai vu tout cela, j’ai ri les trois fois » (La Légende du Baal-Shem, trad. fr. par Hans Hildenbrand, Monaco, Éditions du Rocher 1984, pp. 156 sq.).
37 Ludwig Klages (1872-1956), psychologue et philosophe.
38 Dans les deux premières éditions de Geist der Utopie (1918 et 1923), la section dont est tiré ce passage s’intitule “Fondement dans l’amour” ; ce titre est modifié dans l’édition de 1964 et, par conséquent, dans la traduction française faite à partir de cette dernière (cf. Esprit de l’utopie, p. 253).
39 En français dans le texte. Allusion au texte de Bergson “Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance”, publié en 1908 et intégré au recueil L’Énergie spirituelle en 1919. Il s’agit d’une analyse du sentiment de « déjà vu ». Bloch s’est intéressé à ce phénomène et à son interprétation par Bergson dans son texte de 1924 “Bilder des Déjà vu” [Images du déjà vu], publié dans Literarische Aufsätze, pp. 232-242.
40 Il s’agit d’un numéro spécial des Weisse Blätter (Les Cahiers blancs), intitulé “Problèmes sociologiques du présent”, sous la direction d’Emil Lederer (Nouvelle série, no 1, Berlin, Paul Cassirer 1921). L’article de Bloch a été repris sous une forme remaniée dans la deuxième édition d’Esprit de l’utopie (Berlin, Cassirer, 1923, pp. 266-271), puis dans Philosophische Aufsätze zur objektiven Phantasie (pp. 204-210).
41 Il s’agit d’une édition de contes des frères Grimm. Voir en particulier les contes “Frère La joie”, “La gardienne d’oies” (où intervient le cheval Fallada), “Les sept corbeaux” et “Talents d’étoiles” (où une jeune fille devient riche lorsque, après avoir donné tout ce qu’elle possédait à des miséreux, elle reçoit du ciel une pluie d’étoiles qui se transforment en un manteau fait de thalers ou « talents »).
42 Célèbre ouvrage de piété morave du comte de Zinzendorf, datant du xviiie siècle.
43 Karl May (1842-1912), un des principaux auteurs d’expression allemande pour la jeunesse. Bloch en fut toute sa vie un enthousiaste admirateur.
44 Annette von Droste-Hülshoff (1797-1848) et Suzanne von Klettenberg (1723-1774) sont deux auteurs reconnus pour leur piété.
45 À titre complémentaire, signalons ici un autre texte fortement autobiographique de Bloch, “L’image posthume de l’amour”, paru plus de trente ans plus tard. L’auteur y distingue entre une image posthume stérile, faite de pure nostalgie du passé, et une « image posthume bien comprise, qui n’a plus rien de commun ni avec le culte des morts, ni avec une régression par jouissance rétrospective [...] elle rayonne dans ces sphères où le passé offre lui aussi la promesse d’un Non-devenu venant à notre rencontre. » Se référant à la Béatrice de Dante, il précise : « La Sancta éclaire l’au-delà de la mort, qui est, lui aussi, un avenir à partir duquel elle tend les bras et s’avance, attend, accueille et parfait. Dans tous les cas où naît cette sorte d’incompréhensible consolation, la bien-aimée dépeinte dans l’image posthume est de la race de Béatrice. Et si l’image ne mène guère à une promesse, il est tout aussi certain que la fidélité, fondée, envers elle, arbore l’étendard de l’espérance, non seulement devant la tombe, mais aussi dans la représentation du souvenir » (Le Principe Espérance, t. 1, p. 398). Suivant cette distinction, on peut considérer que dans le Mémorial qu’on vient de lire, l’image d’Else est régressive par certains traits et féconde par d’autres. Ce texte nous fait assister aux débuts d’un labeur affectif qui mènera à la décantation de ces deux aspects.