De la merveille à la connaissance. Vocation anthropologique de la narration médiévale
p. 173-194
Texte intégral
1Les lignes qui suivent seront orientées par l’hypothèse que voici : la séduction énigmatique de la plupart des œuvres narratives du Moyen Âge tient à ce qu’elles expriment des significations qui relèvent de ce que, sans trop de précision pour l’instant, on pourrait appeler leur dimension anthropologique.
2On partira comme il se doit de la nature de l’objet étudié. La réponse ne fait pas de doute : qu’on le veuille ou non, notre réflexion est assujettie à ces significations, ces valeurs, spécifiques aux belles-lettres médiévales qui s’élèvent sur « un substrat mythique et folklorique [né] des traditions étrangères à la culture de référence, cléricale et chrétienne1 ». En d’autres mots, le regard de quiconque observe le récit médiéval porte sur un domaine d’investigation nourri, selon Claude Lecouteux, de « contes, légendes, croyances, y compris celles que l’on taxe trop vite de superstitions, mythes, rites, fêtes. Avec notamment tous les êtres de la mythologie populaire, leur diabolisation et leurs transformations, la réécriture des mythes et leur adaptation, etc.2 ». Ces affirmations, qui n’ont rien d’étonnant, sont illustrées par le nombre et la vitalité des enquêtes que suscitent ces lettres et leurs significations même si, bizarrement, on en trouve peu d’indices dans les revues ou les bibliographies internationales, qui connaissent pourtant les rubriques Indo-European et Psychocriticism, mais ignorent superbement « Anthropologi(qu)e ».
3Mais la spécificité de cette littérature constatée, qu’en faire ? Quel est, en d’autres mots, le but de notre pratique de médiéviste ? L’argumentation suivie se voudra plutôt « conceptuelle » (ce qui ne veut pas dire « abstraite »), adjectif qui reprend celui que choisit Jean-Claude Schmitt dans la conclusion de son Guinefort : « Ni les historiens “médiévistes”, ni les spécialistes de folklore contemporain ne manquent de documents en eux-mêmes très passionnants. […] Les documents font moins défaut que les outils conceptuels pour les comprendre3. » Il faut y insister : Jean-Claude Schmitt dit « comprendre », non pas « sentir » ou « lire » ou encore « décrire ». La réponse à notre « Que faire ? » se devine, le but de notre démarche est un acte de compréhension. Mais cette visée engage. Tout d’abord, à chercher des explications au-delà de ce que l’on appelle l’analytique des descriptions. Car, pour continuer à citer Kant et montrer ainsi que ces problèmes sont transversaux et, donc, abordés en dehors de notre champ propre, on sait qu’« une connaissance qui n’offre qu’une certitude empirique n’est appelée qu’improprement savoir4 ». Bref, cette résolution oblige, qu’on le veuille ou non, à se situer dans une perspective précise : placer la recherche dans un cadre conceptuel et simplificateur (dans un modèle théorique, donc) transformant le fait observé en objet de connaissance lui-même non observable. C’est une définition de l’explication. En conséquence, on s’accordera pleinement à cette affirmation suggestive faite par Jean Petitot dans « De la physique à la forme et au sens. Actualité de la philosophie transcendantale ». Elle vise les philosophes, mais on peut sans peine l’étendre à tous ceux qu’intéressent les questions de signification :
Les philosophes sont des savants et non pas des artistes. Husserl s’interrogeait déjà à ce propos dans la Krisis : « Pourquoi les grands philosophes sont-ils restés prisonniers de leur style, ce n’étaient pourtant pas des poètes du concept ? » […] j’ai décidé de considérer qu’une œuvre philosophique [notre travail critique] n’est pas une œuvre littéraire ou une œuvre artistique, mais une œuvre de connaissance, que, sous-jacents à de telles œuvres de connaissance, il existe des questionnements, des idées problématiques qui transcendent le morcellement des systèmes5.
4Le choix adopté engage ensuite à éviter des pistes stériles, connues également autour de nous dans les disciplines de la connaissance, notamment celles qui confondent explication et exercice « poétique » ou celles qui s’arc-boutent sur les thématiques universelles. On y reviendra. Quittons ces rives un peu arides et abordons, sous forme de question, une première série d’observations. Il y en aura quatre.
Est-il légitime de porter, sur la fiction médiévale tout particulièrement, un regard anthropologique ?
5Commençons par une réponse positive. En ce xxie siècle, nous sommes, nous « sujets critiques », dans une position unique pour entreprendre l’effort de compréhension annoncé. Depuis plus d’un siècle, en effet, la réflexion occidentale a installé l’homme au cœur des connaissances positives, en faisant de lui un objet de savoir. Née de sa rencontre avec les sociétés sans histoire, l’anthropologie s’est préoccupée des traditions et des cultures (incluant leurs expressions narratives), celles de l’Europe notamment. Elle a fait de la notion de « bonne distance » l’un de ses piliers les plus robustes, avant que cette notion serve également de socle à diverses disciplines de la connaissance de l’homme, notamment la psychiatrie, l’histoire et l’ethnologie. Or les œuvres du Moyen Âge sont désormais étrangères à nos repères culturels, non seulement par la langue et les conditions matérielles, par les cadres esthétiques et spirituels qui les bordent, mais aussi par les conditions codicologiques contraignant désormais leur accès6. Aussi, constat presque banal, conviendrait-il de les considérer comme un ensemble d’œuvres marquées par l’altérité. Cependant, certains médiévistes, et ils sont nombreux, refusent cette distance. Soit en campant sur leur modernité, soit au contraire en la niant pour se conformer à l’hypothétique « mentalité » des contemporains de l’œuvre médiévale7. Voici deux exemples de cette sourcilleuse fidelitas : « Pour notre part, fidèle, pensons-nous, à l’esprit du temps, c’est sur un plan délibérément métaphysique et théologique que nous n’hésiterons pas à nous placer8 ». Soutenant un point de vue descriptif différent, un autre érudit s’appuie toutefois sur un impératif identique : « L’interprétation d’un texte médiéval nécessite la restitution autour de ce texte d’un système de pensée médiéval qui lui est contemporain9. »
6Cette persévérance rêvée comblerait l’écart entre la littérature médiévale, ses glorieux ancêtres et notre culture contemporaine. De telles idées, on le sait, loin d’être naïves, sont des réponses réfléchies, édifiées sur l’hypothèse d’une continuité synthétique et d’une esthétique de la ressemblance. Continuité et ressemblance, ces deux notions s’inscrivent précisément, Thomas Golsenne le rappelle10, dans un courant de pensée toujours dynamique, dont elles ne sont que des expressions privilégiées : le courant « humaniste ». On sait les deux célébrissimes principaux caractères que Michel Foucault lui assigne : il pose le sujet, « la souveraineté de sa conscience », comme point d’origine de tout « devenir et de toute pratique » ; il s’appuie sur la thématique dite des « totalités culturelles »11. Les thèses anthropologiques et leur souci de la bonne distance s’y opposent. Voici trois exemples concrets et sensibles de ces choix différents.
7Le premier touche l’interprétation des lettres médiévales, particulièrement celle des récits dits mythiques ou mythologiques. Saisis de trop loin, ils ne retiennent l’attention que pour leur universalité creuse et sans intérêt heuristique; c’est la dérive bien connue de la « mythologie générale ». Sous l’angle humaniste maintenant, leur signification (non pas leur transmission ou leur réécriture) est vue comme l’effet des influences qu’exercent sur eux d’autres textes, leurs hypothétiques sources bibliques, antiques ou folkloriques. Ainsi conçu, le sens de l’œuvre médiévale considérée ne paraît être que l’effet de la recréation narrative. Bref, « La littérature n’obéit pas au mythe : c’est elle qui le crée » comme l’écrit Daniel Poirion12. Sans parler d’un legs complémentaire – à respecter également et les choses s’aggravent. Dans l’héritage qu’il reçoit, le clerc médiéval trouve non seulement les thèmes narratifs (mythologiques) mais les interprétations nécessaires à leur compréhension. Selon l’affirmation de Laurence Harf-Lancner : « Le mode d’emploi est fourni avec le matériel13. » Il s’agit, en l’occurrence de trois interprétations dominantes qui s’imposent à nous, ne laissant guère de place à une interprétation complémentaire, précisément celle qui nous intéresse : l’interprétation historique (l’évhémérisme); l’interprétation physique et cosmique (alchimique et astrologique) et, enfin, l’interprétation morale et allégorique14. Celle-ci est massive dans nos études, notamment du côté de ce que l’on pourrait appeler l’allégorie archétypale, qui conduit à assimiler les héros ou les fées peuplant nos récits à des êtres ou des corporations recensés parmi divers panthéons (indien, mésopotamien, grec, romain, celtique, etc.). Conséquence : l’élaboration de tableaux d’identifications aussi imprécises que confuses – ces fameuses nomenclatures pseudo-scientifiques – assignant des identités sur le modèle, Gauvain ou Galaad, c’est… ; Mélusine, serait, selon les critiques, la femme de Gargantua, la déesse primordiale, la vierge éternelle. Cette dernière est d’ailleurs douée d’une remarquable polyvalence. Pour Gilbert Durand, la mère Louise-Mélusine est la réincarnation de « l’éternel féminin »15.
8Le deuxième choix se pose au traducteur de textes médiévaux. Idéalement, il s’agirait de garder la « bonne distance » conçue, ici, à la fois comme refus de toute fascination unitaire à l’égard de l’objet à traduire (il n’est plus nous) et comme rejet de la tendance inverse, qui absorbe et assimile cet objet dans le prétendu raffinement d’une modernité nivelante (ce ne serait plus lui). Ces principes laissent caresser l’espoir d’éviter les deux rhétoriques qui convertissent techniquement dans le champ de la traduction le double piège évoqué à l’instant : le « mot à mot », la « traduction littéraire », recherche d’élégantes et spirituelles16 équivalences. En conséquence, convaincu par l’« esthétique de la bonne distance », et en s’adossant aussi fermement que possible aux données positives de l’histoire et de la philologie – celles que l’édition a préalablement imposées –, on pourrait choisir d’accentuer les marques énonciatives qui révèlent (ou « expriment ») la signification du récit, indispensable préalable. Comme le dit justement un spécialiste de la traduction des textes savants :
La traduction d’une œuvre étrangère devait […] s’efforcer de représenter la culture et le savoir de l’Autre, non sous une forme […] en laquelle nous pourrions nous retrouver et nous reconnaître, mais au contraire en accentuant ses traits distinctifs17.
9Troisième choix, enfin, celui de la distance à entretenir avec les textes lors du travail d’édition. « Trop éloignés », certains éditeurs corrigent l’orthographe et la syntaxe de la langue vulgaire qui leur paraît « un enfant qui bégaie et cherche à échapper aux langes dont l’enveloppe le latin », comme l’écrivait Achille Jubinal en 183718. Cette attitude n’a pas disparu, en témoigne Frankwalt Möhren :
Nous tressaillons d’horreur en pensant à Constant [sic]19 qui, comme tant d’autres avant et après lui, a rectifié la langue de son manuscrit de base de l’édition du Roman de Thèbes […] Mais nous semblons accepter sans broncher qu’on affuble une variante intégrée dans un texte critique de traits graphiques du manuscrit de base, même si la scripta en diffère20.
10Côté continuiste, c’est le respect ombrageux de la supposée pureté du texte qui s’exprime de deux façons. Soit dans la recherche de l’archétype que, selon la méthode lachmanienne, l’on s’efforce de reconstruire dans l’authenticité prêtée à un Urtext, le moins différent possible de l’original, et que l’on souhaite réécrit dans la langue même de l’auteur, « dans la bonne langue française telle qu’elle devait se parler et s’écrire au milieu du xie siècle », comme l’écrit Gaston Paris dans son édition princeps de la Vie de saint Alexis, datée de 187221. Soit, avec Joseph Bédier, dans la quête d’une autre pureté, d’un autre respect de l’authenticité. Chacun connaît les fameuses premières lignes de son article de 1928 consacré à la tradition manuscrite du Lai de l’Ombre22
Il en est de l’art d’éditer les anciens textes comme de tous les autres arts : il a évolué au gré des modes qui meurent et renaissent.[…] Pour le restituer [le texte des ouvrages] en sa pureté première d’après ses copies plus ou moins nombreuses […] diverses méthodes ont été pratiquées.
11Pour Bédier, finalement, le goût, outil d’une méthode reconnue comme empirique, reste le seul critère sérieux. Si l’on se pique de collationner les textes, comme l’avait fait avant lui Francisque Michel, c’est au nom d’un « principe d’ordre purement moral23 ». Principe, explique-t-il à l’encontre des partisans de l’édition dite « critique », inspirant ceux qui se posent en « juges du bien et du mal24 ». Mais la morale de la pureté, évacuée d’un côté, revient par l’autre. Car, pour Bédier, la « méthode la plus recommandable » et idéale est régie par un « extrême conservatisme » qui persuade l’éditeur, par respect de son objet, de « ne [le] toucher […] qu’en cas d’extrême et presque évidente nécessité »25. Plus « purs » encore, les partisans du document, de l’édition imitative (toujours l’esthétique de la ressemblance) ou diplomatique ou encore de l’usage servile de l’ordinateur, qui fuient toute prétention rationnelle. Au contraire, orienté par le principe de la « bonne distance », on est ici convaincu que, les causes de corruption textuelle étant nombreuses, le manuscrit-objet n’est pas pur, ce qui impose de corriger chaque exemplaire à partir « d’une lecture “raisonnée” » selon l’heureuse expression que l’on trouve dans les Conseils pour l’édition des textes médiévaux26.
12Certes, l’approche anthropologique est loin d’avoir la propriété de ces positions rationnelles qu’elle partage avec bien d’autres critiques desquelles l’éloigne sa détermination à expliquer conceptuellement les phénomènes. Mais son orientation s’éclaire grâce à ces débats autour de la « bonne distance » qu’elle revendique hautement et « constitutivement ». Car, pour mener sa propre explication, elle s’adosse à des requêtes exactement inverses à celles que les thèses « irrespectueuses » ou humanistes jugent évidentes. Prenant leur contre-pied, elle juge que la compréhension des beautés littéraires médiévales invite, au contraire, à les observer avec des yeux non familiers. Il faut se méfier, comme en avertit Paul Zumthor :
[…] de projeter sur lui [le texte médiéval] notre histoire et notre culture, afin de nous l’approprier en quelque manière, que du moins cette projection évite l’écueil des analogies simplifiantes et des justifications mythiques27.
13Cette méfiance incite à ne pas s’inscrire dans une perspective continuiste, à éviter de concevoir le sens des œuvres médiévales comme la résurgence de thématiques venues de leur passé littéraire et à ne pas se sentir contraints par les modes d’emploi fournis par la translatio.
Histoire littéraire et culture médiévale
14La naissance de la légende arthurienne offre une deuxième raison à notre entreprise. Le recours à l’écriture a été, pour la langue vulgaire, une nouveauté et une conquête qui marquent l’apparition, dans les dernières années du xie siècle, de la littérature romane. Le passage de l’oralité chantée celtique à l’écrit arthurien introduit une dimension qui lui est propre, totalement différente du roman antique et de l’historiographie des rois bretons. C’est que la séparation de l’histoire et du roman à laquelle on assiste à la fin du xiie siècle s’adosse à un facteur déterminant : la brusque apparition « d’une vieille culture populaire, folklorique, jusqu’alors refoulée du discours écrit par les traditions d’origine antique et par les superstructures historiques ». Dans une large mesure, poursuit Paul Zumthor, « le roman, expression aristocratique et cléricale, apparaît comme un moyen de défense contre ce bouleversement des perspectives », comme une « tentative pour réintroduire dans ce chaos une raison »28. C’est une bonne définition de la fonction des fables mythiques, on aura l’occasion d’y revenir. En d’autres mots, le « commencement, peu s’en faut, absolu29 » du roman doit être conçu, à la fois, comme mise en écrit de la culture dite « populaire » et comme contrainte pour « les lettrés à un prodigieux effort d’invention pour tenter de la rationaliser30 ». C’est donc bien l’histoire de notre objet lui-même qui impose de s’éloigner radicalement des thèses humanistes. Plusieurs conséquences viennent à l’esprit.
15La première a trait au fameux rapport entre culture cléricale et culture populaire. Dire, comme le fait Jacques Le Goff que « le fossé culturel réside ici surtout dans l’opposition entre le caractère fondamentalement ambigu, équivoque, de la culture folklorique […] et le “rationalisme” de la culture ecclésiastique, héritière de la culture aristocratique gréco-romaine31 » ne va pas de soi. En effet, la logique de la « pensée sauvage » alléguée explicitement par Jacques Le Goff n’était pas le propre des seules expressions ecclésiastiques. Elle animait également les créations narratives des clercs révélant certains thèmes venus du substrat mytho-folklorique. C’est pourquoi on mettra en doute cette observation d’un collègue littéraire : « Ce fonds de païennerie […] renvoie à […] une période qui, pour l’historien des mentalités, marque le début de l’essor médiéval et la fin de la pensée sauvage32. »
16D’où la deuxième conséquence, inhérente d’ailleurs à la tentative de « domestication » pour parler comme Goody, à laquelle se livrent ces nouvelles fictions : le recours à la matière de Bretagne a eu des effets majeurs sur la structure du roman. L’errance aventure et l’aventure merveilleuse suscitées par l’acceptation de l’épreuve et du défi construisent l’identité héroïque autour d’une crise centrale qui structure le récit en deux phases contraires mais non contradictoires33.
17Une dernière conséquence mérite l’attention. On touche un point délicat, il ne sera qu’effleuré : la place éminente accordée au clerc n’empêche pas que nous ayons essentiellement à étudier des œuvres dont les auteurs sont quasiment inconnus. Cet anonymat « réel » fournit un nouvel argument en faveur de l’explication anthropologique. Voyons maintenant comment elle s’éclaire, comme en négatif, à la lumière des traits qui la distinguent d’attitudes qu’elle récuse.
Positivisme et « poétiques »
18Au stade descriptif, rien n’est gênant dans cette requête du positiviste Gustave Lanson : il faut se livrer « avec patience à l’analyse précise et ordonnée des faits, en éliminant toute implication individuelle34 ». Dans la mesure où la critique positiviste « n’est rien d’autre », comme l’écrit par exemple Roland Barthes, que son projet affirmé, qui est « l’établissement des faits biographiques ou littéraires », on ne voit pas ce qui pourrait convaincre de la repousser. « Les acquis du positivisme, ses exigences mêmes, sont irréversibles35. » Mais, on l’a dit, on ne peut confondre cette description des faits avec une explication.
19En revanche, la thèse anthropologique s’oppose à l’idée « poétique » selon laquelle le discours et ses stratégies d’écriture se suffisent à eux-mêmes, thèse éminemment formaliste qui tend à exclure les contenus et leurs articulations riches de sens. Opposée en cela au slogan « le texte, rien que le texte », l’explication anthropologique (toujours la « bonne distance ») bâtit les significations des narrations au moyen de figures concrètes, issues des codes que proposent l’histoire et la culture (ainsi que le monde empirique). Bref, idée notoire rappelée ici par Jean Petitot, elle s’élève « contre l’influence exercée sur l’épistémè contemporaine par le positivisme et l’empirisme logique dans leur volonté dogmatique d’éradiquer la question ontologique [celle du contenu] de la théorie de la connaissance36 ».
20Autre dérive « poétique », celle qu’inspire la métapsychologie lacanienne. Dans un article de 1999, Charles Méla rappelle ce qui fait le « relativisme généralisé37 » du sophiste Gorgias : il niait que quelque chose soit, et que, dans le cas contraire, on pût en dire ou en connaître quoi que ce soit :
Si Parménide affirme que le non-être ne peut être pensé, un Gorgias argumente à l’inverse que l’être ne peut faire l’objet d’aucune certitude, tout devenant égal et, selon la formule de Protagoras, à la seule mesure de l’homme38.
21Cette non-certitude radicale conduit Méla, avec Lacan, à accentuer l’escroquerie de la psychanalyse, celle du discours du patient et celle des œuvres littéraires : « Il y a un mentir inaugural à toute parole et le sophiste vient à l’incarner39. » Bref, privée de fondation dans le réel, la littérature n’est que langage poétique40, donc mensonge. De là naît la conviction que la singularité de la littérature est ce fameux génie de la lettre, conçu comme espace de jeu des possibilités signifiantes du langage puisque sa « vérité » ne réside que dans le signifiant, c’est-à-dire dans la substance phonique41. On sait les conséquences de ces thèses sur la compréhension de la littérature : toujours portée vers « une signification constamment différée42 » et finalement inaccessible, toute œuvre devient illisible ou, pire, vit sous la menace du « caractère négatif et destructeur43 » de la lettre, racine du « jeu pervers de l’écriture44 ».
22Les deux méthodes « poétiques » se retrouvent devant le miroir aux alouettes de l’autoréférentialité : l’œuvre serait elle-même pourvoyeuse des modalités de sa lecture, source singulière de son propre enseignement réflexif45. Inutile d’y insister, ce n’est pas le lieu, sur la catastrophe qu’ont représentée les conceptions mystiques du rapport à l’autre et le mécanisme délirant du recours à la catégorie de signifiant, recours qui, devenu inconditionné, a dégénéré en usage sophistique. Le caractère majeur du discours sophistique réside, dit justement Barbara Cassin, dans l’écrasement magique de la complexité du signe à la seule dimension de l’identité signifiante, ce qu’on pourrait appeler « une réduction à la surface46 ».
L’explication anthropologique dans ses œuvres
23Ces balises posées, regardons pour preuve quelques travaux venus de la médiévistique française et anglo-saxonne, négligeant fort injustement la germanistique qui a fait de certaines recherches anthropologiques l’un de ces domaines d’élection47.
24Une première voie a été suivie par les médiévistes pour qui la notion de culture équivaut à celle de société. Bien entendu, cette piste rapproche des historiens. On s’en souvient, c’est l’article de Le Goff et Vidal-Naquet, « Lévi-Strauss en Brocéliande48 » qui a fait entrer l’auteur des Mythologiques dans l’univers de la médiévistique. Proche des idées de Georges Duby, l’article de Christiane Marchello-Nizia, « De l’Énéide à l’Eneas : les attributs du fondateur49 », reprend à son compte les observations du grand historien sur les juvenes et éclaire les écarts entre le roman médiéval et l’Énéide par le propos lignager du premier. Pour montrer que ce point de vue est bien vivant hors de l’Hexagone et ne connaît pas de frontières nationales, rappelons les articles de Matilda T. Bruckner, « From genealogy to romance and continuation in the fabulous history of Partonopeu de Blois50 » et de Stacey L. Hahn, « Genealogy and adventures in the cyclic prose51 ».
25Selon une seconde option, vivace également, la notion de culture est considérée comme l’ensemble des systèmes symboliques dont la transmission caractérise un groupe suprafamilial. C’est dans ce cadre que l’anthropologie structurale a favorisé l’approche de nouveaux objets d’étude, celui des faits de parenté notamment. Dans ce domaine, le lien entre nature et culture s’instaure grâce à une structure opposant une prohibition (celle de l’inceste) et une prescription (celle du bon usage de l’alliance matrimoniale)52. Le don de la femme reste un cadeau empoisonné, lié à l’agressivité sexuelle, que la source de la parenté, c’est-à-dire l’échange matrimonial, doit canaliser. Ses « pathologies » – adultère et inceste –, très actives dans la littérature médiévale, ont fait l’objet de nombreuses études. Concentrons l’attention sur celles qui rendent sensibles l’orientation brièvement tracée53.
26Pionnier dans ces provinces parfois ténébreuses, Jean-Guy Gouttebroze a offert, dès la fin des années 1970, un éclairage fortement influencé par Les Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss. « L’arrière-plan psychique et mythique de l’itinéraire de Perceval dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes54 », article consacré à l’inceste révoqué entre Perceval et sa cousine, annonçait dès 1976 l’idée reprise et amplifiée dans Qui perd gagne. Le Perceval de Chrétien de Troyes comme représentation de l’Œdipe inversé55. Mais il revient à la critique anglo-saxonne, moins perméable peut-être que sa collègue européenne aux influences des disciplines historiques et folkloriques, d’avoir donné un contour ferme à ces premières ébauches. C’est à quoi participent les travaux de Donald Maddox. Structure and Sacring. The Systematic Kingdom in Chrétien’s Erec et Enide56 en offre une claire illustration. L’auteur revendique l’usage de certains dispositifs théoriques et méthodologiques venus de la poétique, de la sémiotique et de l’anthropologie structurale. Ils lui permettent de délacer les tensions de ce roman, notamment l’opposition entre agnatic vs matrilineal kinship identities, chasse collective vs combat singulier. Ces distinctions constitutives sont nouées au rôle éminent dévolu aux femmes, medium de l’échange et de la consolidation, par le mariage, de la prospérité, des généalogies, des prérogatives sociales et du pouvoir. Plus récemment, Fictions of Identity in Medieval France57offrait un nouveau regard sur ces rencontres où les protagonistes découvrent dans un miroir les traits de leur identité. Lieu par excellence des discours concernant les lignages (sociaux) et l’identité (individuelle), la « rencontre spéculaire » est donc le cœur des romans familiaux du Moyen Âge. Avec The Romance of Adultery. Queenship and Sexual Transgression in Old French Literature58, Peggy McCracken porte également une vue ni socio-historique ni folklorique sur l’une des questions qui hantent la narration médiévale, celle de l’adultère, non seulement celui de Guenièvre et de Iseut, mais celui qui voit une reine séductrice, froissée du refus de sa virtuelle proie (Le Roman des sept sages, Le Roman de Silence, notamment). C’est la grande question anthropologique de l’alliance et de la filiation qui explique la stérilité des reines adultères : elle exorcise l’angoisse de naissances illégitimes. Un intérêt particulier s’attache aux publications de notre collègue d’Oxford, Roger Pensom, proche des modern anthropologists qui s’accordent à dire que les formes sociales sont, au moins partiellement, « the creations of the symbolic activity of a given culture59 ». Reading Béroul’s Tristan. A Poetic Narrative and the Anthropology of its Reception60offre un excellent poste d’observation pour découvrir les facettes essentielles de la critique qu’inspire l’anthropologie structurale. Première d’entre elles : l’approche de Lévi-Strauss a établi, dit l’auteur, que la vie matérielle doit être étudiée selon ses structures, celles-ci étant identiques à celles du langage où les traits individuels acquièrent leur capacité à signifier au sein des structures qui les relient avec les autres traits. C’est ainsi que s’efface la différence ontologique entre le « concret » et le « mental » et qu’émerge – on y reviendra à propos de la « pensée mythique » – une conception du monde humain où tout, un animal, un élément de nourriture, un détail géographique, peut être compris comme un élément de sens.
27Grâce aux lumières de l’anthropologie structurale, on y voit moins mal dans un domaine obscur, celui de ces entités venues du fond des âges, véritable « matériel roulant » de la littérature médiévale, et que l’on nomme indifféremment « motifs » ou « stéréotypes (narratifs) »61. Ces vestiges de cultures anciennes ont longtemps servi de pâture à l’école folkloriste. D’esprit positiviste et empirique62, elle recense toutes les leçons connues d’un récit transmis par la tradition orale avant de les découper en motifs, sans savoir clairement « en quoi consiste un fait de folklore », sans se demander quelles sont ses conditions de possibilité. « Ou plus exactement, elle reconnaît comme fait tout élément que l’appréciation subjective de l’observateur lui désigne pour tel en se fondant sur le contenu apparent du récit. » Au contraire, les motifs deviennent des (micro) récits lourds de significations, dès que, cessant de les considérer comme séparés sur le plan superficiel de la figuration du récit, on les met en rapport de transformation, « de sorte que le caractère de fait scientifique n’appartient pas à chaque motif ou à tels d’entre eux, mais au schème qui les engendre ». Encore une fois, le sens de ces décombres narratifs, de ces « agrégats fortuits » ne se dévoile qu’en présence de son contraire. Ainsi « là où l’école historique et folklorique cherche à repérer des liaisons contingentes et les traces d’une évolution diachronique, on découvre un système intelligible dans la synchronie »63. Guidé par ces principes, l’ouvrage Motifs et thèmes du récit médiéval64 s’applique à montrer que la compréhension de ces entités stéréotypées, celle de l’entrelacement de leurs motifs ainsi que des mécanismes qui les insèrent dans les textes d’accueil ne satisfont pas seulement un projet formel (la mise en lumière du schème fondateur). La compréhension de ces unités demande en effet un pas de plus : celui qui conduit vers leur fonction, leur vocation sémantique et culturelle. Or, la plupart de ces topoi s’élèvent très précisément sur des bases anthropologiques, dans le sens où ils expriment ces prégnances que la culture doit régulariser pour s’instaurer en tant que telle : la sexualité, le contrôle de la matrimonialité, la communication verbale, la rivalité virile, la violence sauvage, etc. Ce sont ces questions culturelles que le schème en question organise et transforme en narration. Regardons quelques exemples. Peggy McCracken renforce doublement la thèse de son ouvrage65 qui fait s’équivaloir symboliquement la souveraineté du roi et l’intégrité sexuelle de la reine. Tout d’abord grâce à l’examen de deux motifs confirmant la chasteté de la reine (le manteau que seule l’épouse fidèle peut porter ; la corne dont le vin se répand sur la femme adultère) ; le second renfort vient d’un exemple fameux de rite stéréotypé : l’épisode probatoire du lépreux dans le Tristan de Béroul. Du même auteur, on lira « Damesls an Severed Heads : More on Linking in the Perslesvauz66 » dans lequel Peggy McCracken, afin d’explorer ce somptueux roman et les motifs barbares qui le ponctuent, « turn briefly to anthropological studies of ritual headhunting in tribal societies » pour commencer à expliquer les retours successifs de la séquence de la « tête coupée ». Mais ce n’est qu’en dégageant l’économie symbolique bien particulière qui régit l’apparition de ces têtes suppliciées qu’apparaissent leurs valeurs spécifiques et la signification de la narration.
28Très suggestive, selon nous, une dernière illustration enrichira ces exemples de (micro)narrations stéréotypées et régulatrices : le motif de la « libération d’une femme immergée dans l’eau par un jaloux ». Il paraît, notamment, dans une copie67 du roman en vers du xiiie siècle, L’Âtre périlleu68. La scène est aussi surprenante que cruelle. Brun sans pitié inflige à son amie, la plus belle dame du monde, un féroce traitement, il l’oblige à s’immerger nue dans une fontaine :
Qui mout estoit froide et obscure,
Veuille ou non, jusc’a la chainture,
La fait entrer ens encor plus,
Si qu’il em pert tout par desus
Le teste et toute le poitrine,
Plus blanche que n’est flor d’espine
Ains est ilec toute jour,
En le fontaine, a le froidour (v. 41-48)
29De plus, il décapite tout chevalier qui prétendrait la secourir. Ce sauvage traitement trouve sa justification dans la jalousie de Brun envers les chevaliers de la Table ronde dont les mérites, selon son amie, seraient supérieurs aux siens. Gauvain libèrera la jeune fille en combattant victorieusement contre son terrible compagnon69. Plusieurs autres récits médiévaux racontent une histoire qui présente un incontestable air de famille avec cet épisode. Dans Le Haut Livre du Graal70, par exemple, persuadé que son épouse l’a trompé avec Gauvain, Marin le Jaloux du Petit Gomoret la force à se plonger dans l’eau glacée d’un lac et la fouette sauvagement. Mais inutile d’aller plus avant dans les illustrations textuelles. L’explication des fonctions anthropologiques de notre motif serait guidée par l’idée suivante : le supplice infligé par le mari jaloux trouve son site au sein des diverses réactions anticulturelles qui particularisent ce brutal époux. Le conflit mimétique est au cœur de notre motif, mais dans une position et avec une signification originale puisque le chevalier ombrageux et vindicatif déclenche ce conflit par la prétention surhumaine d’être sans rival. Gauvain, mais aussi Perceval, Gérard de Nevers et Gaheriet le feront rentrer dans l’ordre des relations matrimoniales et chevaleresques « normales ».
30Observons, enfin, que, à sa manière, René Girard s’est penché sur les stéréotypes en des termes qui ne peuvent qu’intéresser cette petite exploration. La volonté d’occulter les contenus primitifs, sauvages et violents gouverne, dit-il, « l’évolution de la mythologie ». À mesure qu’une communauté évolue, elle idéalise ses mœurs originelles. « Les dieux et toutes leurs actions, même les plus maléfiques, ont d’abord servi de modèles dans les rites. » Plus le sens du rituel primitif (amoral) s’affaiblit, plus se renforce le dualisme moral (la distinction du bien et du mal). « La tendance idéalisante transforme, en somme, ou efface tous les stéréotypes, la crise, les signes victimaires, la violence collective71. »
31On abordera, pour conclure, une problématique centrale afin de mieux appréhender la vocation anthropologique de nombreux récits du Moyen Âge. Elle touche au cadre conceptuel annoncé au début de ces lignes.
Fonction symbolique, pensée mythique et réalité de la connaissance
32Déjà en 1978, Sara Sturms-Maddox remarquait à juste titre que de nombreuses études regardant le cap suivi dans ces lignes donnaient « an excessively limited view of Lévi-Strauss contrastive analysis72 ». Pour leur donner toute leur ampleur il faut prendre égard à une requête jusqu’ici laissée en suspens : pour l’anthropologie structurale, il existe des lois de la pensée qui génèrent la connaissance, y compris lorsqu’il s’agit de la pensée dite « sauvage ». Ces lois rationnelles jouent dans tous les systèmes symboliques et les expressions qui les manifestent, qu’elles soient sociologiques, comme les règles de parenté et les rituels d’initiation, ou esthétiques, comme les masques et les récits mythiques. Il est donc légitime de mettre au jour ces jeux de la pensée symbolique dans les textes d’allure mythique que nous a légués le Moyen Âge.
33Faisons un pas de plus pour mieux cerner le statut de ces « jeux » spéculatifs. Comme toute forme artistique, la création littéraire utilise des signes qui sont des truchements matériels. Mais les fictions animées par la logique symbolique ne « représentent » pas ces données extérieures. Comment travaille alors la création littéraire ? Affronté au désordre et à l’incompréhension du monde, l’homme tente de le rendre intelligible. Aucun code, aucune source de sens n’échappe alors aux branchements qu’effectue la pensée sur la réalité, parfois confuse et inadmissible. Les matériaux détachés de tous « les étages du vivant » par la sensibilité et l’observation (eau/sang, homme/femme, nu/vêtu, etc.) sont, alors, dénaturés sous l’effet d’une véritable « frénésie associative »73. Ainsi mises en ordre (ou « structurées ») par « construction transcendantale » dit Lévi-Strauss74, les figures du sensible, venues de domaines entre lesquels l’expérience peut ne suggérer aucune connexion, sont transformées et élevées à la dignité de « moyens de réflexion et d’outils de connaissance75 », des symboles.
34Ajustage soudé de figures ainsi lourdement chargées de sens, les fictions médiévales, et les motifs « régulateurs » qui les nourrissent, sont d’excellents témoins de cet effort spéculatif, propre à la pensée mythique, qui transforme le sensible en intelligible. Elles témoignent des constructions intellectuelles de l’homme médiéval médiatisant son rapport au réel, aux côtés du langage, des mythes, de l’art et de la religion. On trouvera une illustration convaincante de ces observations un peu abstraites dans « Lévi-Strauss in Camelot. Interrupted communication in Arthurian feudal fiction76 » de Donald Maddox.
35Un autre exemple est offert par la narration de Chrétien de Troyes qui met en vers le « mythe percevalien », le Conte du Graal. On a pu montrer à ce sujet que le sort de son « héros » consistait à rapprocher, tout à la fois, des termes opposés venant de divers domaines de sens77. Trop bavard comme trop muet, glouton et sobre, oublieux mais trop proche de certains souvenirs, nice mais détenteur de connaissances intransmissibles, mobile mais égaré en lui-même, jeune homme mais stérile et chaste, Perceval incarne la médiation périlleuse mais fédératrice78. Il n’assume donc pas seulement le rôle d’anti-Œdipe représentant des « communications interrompues », il figure les déploiements multiples mais réglés de la structuration mythique mise en fable aventureuse. À travers son destin, le Conte du Graal raconte l’effort pour « comprendre » (associer et faire signifier) la diversité désespérante des mots, des actes et des êtres qui se présentent comme inadmissible-ment séparés. Bref, c’est seulement à la condition de reconnaître que ces fictions, bien particulières, comme toute autre institution symbolique et culturelle, présupposent des fonctions mentales opérant au niveau inconscient qu’on se met en mesure d’atteindre leur sens79. Sous cette optique, les œuvres médiévales dont la séduction ouvrait ce propos n’ont évidemment aucun rôle mimétique. Mais ce que l’on perd d’un côté est rendu de l’autre. Car – toujours la « bonne distance » –, en ne cédant ni aux mirages de la mimèsis ni à ceux d’une fictionnalité poétique trompeuse, on accède à l’un des efforts de la pensée médiévale pour comprendre le monde et les questions qu’il soulève. Dans cette perspective, il n’est pas paradoxal d’écrire que la véritable réalité de ces narrations penche du côté de leur activité symbolique de compréhension ou de « conscientisation ».
36L’hypothèse est la suivante : la séduction énigmatique de la plupart des œuvres narratives du Moyen Âge tient à ce que leurs significations relèvent de ce que l’on pourrait appeler leur dimension anthropologique. Après avoir établi la spécificité de ces narrations, l’introduction justifie l’importance d’une méthode « conceptuelle ». On montrera alors qu’il est légitime de ne pas concevoir ces fictions seulement comme les résurgences de thématiques venues de leur passé. La relation entre histoire littéraire et culture médiévale, via la vocation du roman face à l’apparition d’une culture folklorique jusqu’alors refoulée du discours écrit, fournit des raisons solides. On aborde alors l’originalité de la thèse anthropologique : au-delà des descriptions positivistes et du relativisme « poétique » de certains courants postmodernes, elle s’efforce de bâtir rationnellement le sens des récits du Moyen Âge au moyen de figures concrètes, issues des codes historiques, culturels et empiriques. Bien des médiévistes ont éclairé la richesse de cette piste qui lie étroitement fonction symbolique, pensée mythique et réalité de la connaissance.
Notes de bas de page
1 F. Dubost et J.-R. Valette, « Merveilleux médiéval : synthèse des recherches les plus récentes », Perspectives médiévales, numéro jubilaire, mars 2005, p. 127-151.
2 « Les études mytho-folkloriques », ibid., p. 285-302 (p. 288-289).
3 J.-C. Schmitt, Le Saint lévrier. Guinefort, guérisseur d’enfants depuis le xiiie siècle, Paris, Flammarion, 1979, p. 233 (nouv. éd. augm. 2004).
4 I. Kant, Premiers Principes métaphysiques des sciences de la nature, J. Gibelin (trad.), Paris, Vrin, 1990, p. 8.
5 Jean Petitot, « De la physique à la forme et au sens. Actualité de la philosophie transcendantale », dans La Philosophie transcendantale et le problème de l’objectivité, Les entretiens du Centre Sèvres, Éd. Osiris, 1991, p. 59-110 (p. 61).
6 Pour K. Busby : « The alterity of medieval literature is due in large part to the preservation and transmission in manuscripts form. » Codex and Context. Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, vol. I, Amsterdam-New York, Rodopi, 2002, p. 1.
7 Voir notre « Transfert des cultures et art narratif médiéval. Les enjeux de la translatio », dans C. Galderisi et G.-L. Salmon (éd.), Translatio médiévale. Actes du colloque, 11-12 mai 2000, Mulhouse, publié dans le supplément au n° 26 de Perspectives médiévales, 2000, p. 215-229.
8 J. Ribard, Du philtre au Graal. Pour une interprétation théologique du Roman de Tristan et du Conte du Graal, Paris, H. Champion, 1989, p. 13.
9 P. Walter, Canicule. Essai de mythologie sur Yvainde Chrétien de Troyes, Paris, SEDES, 1988, p. 6.
10 Voir son article ici même, p. 223.
11 M. Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard/NRF (Bibliothèque des sciences humaines), 1969, p. 22 et p. 21.
12 D. Poirion, « L’ombre mythique de Perceval dans Le Conte du Graal », Cahiers de civilisation médiévale, 3, 1973, p. 191-198 (p. 195).
13 Pour une mythologie du Moyen Âge, L. Harf-Lancner et D. Boutet (éd.), Paris, ENS (Collection de l’École normale supérieure de jeunes filles), 41, 1988, p. 3.
14 Ibid., p. 4.
15 G. Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire. Introduction à l’arché-typologie générale, Paris, Bordas, 1969, p. 260.
16 « La rhétorique embellissante consiste à produire des phrases “élégantes” en utilisant pour ainsi dire l’original comme matière première. L’ennoblissement n’est donc qu’une réécriture, un exercice de style. » A. Berman, La Traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999, p. 57.
17 P. Charvet, « Traduction des textes de savoir et savoir partagé », Traduire 2, CRTH, textes réunis par D. Delas, Cergy-Pontoise, CRTH, 2002, p. 99-114 (p. 99-100).
18 A. Jubinal, Mystères inédits du quinzième siècle, Genève, Slatkine repr., [1837] 1977, préface, p. ix.
19 L. Constans, Le Roman de Thèbes, Paris, Firmin-Didot (Société des anciens textes français), 1890.
20 F. Möhren, « Éditionet lexicographie », dans M.-D. Glessgen, F. Lebsanft (éd.), Alte und Neue Philologie, Tübingen, Niemeyer, 1997, p. 153-166.
21 Gaston Paris (éd.), Vie de saint Alexis, Paris, A. Franck, 1872, p. 135.
22 Joseph Bédier, « La tradition manuscrite du Lai de l’Ombre. Réflexions sur l’art d’éditer les anciens textes », Romania, t. LIV, 1928, p. 161-196 et p. 321-356 (p. 161).
23 Ibid., p. 163.
24 Ibid., p. 183.
25 Ibid., p. 356.
26 P. Boutgain et F. Vielliard (dir.), Conseils pour l’édition des textes médiévaux, fasc. 3, Paris, Éd. du CTHS, 2002.
27 P. Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 20.
28 P. Zumthor, « Genèse et évolution du genre », Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, IV/1, Heidelberg, C. Winter, p. 60-73 (p. 64 pour ces deux mentions).
29 Id., La lettre et la voix, Paris, Seuil, 1987, p. 307.
30 Ibid., p. 136.
31 J. Le Goff, « Culture cléricale et traditions folkloriques dans la civilisation mérovingienne », dans id., Pour un autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 1977, p. 223-235, (p. 231, note 22).
32 F. Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale. L’Autre, l’Ailleurs, l’Autrefois, t. I, Paris, H. Champion, 1991, p. 227 (c’est l’auteur qui souligne).
33 Voir R. Warning, « Formen narrativer Identitätskonstitution im höfischen Roman », dans O. Marquard et K. Stierle (éd.), Identität, Munich, Fink, 1979, p. 550-589.
34 G. Lanson, « La méthode de l’histoire littéraire », dans id., Essais de méthode de critique et d’histoire littéraire, H. Peyre (prés.), Paris, Hachette, [1910] 1965, p. 31-56 (p. 40).
35 R. Barthes, « Les deux critiques », Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, p. 246-251 (p. 246).
36 J. Petitot, Morphogenèse du sens. Pour un schématisme de la structure, Paris, PUF, 1985 (p. 26).
37 C. Méla, « L’hameçon. À propos du Sophiste : mimétique et pêche à la ligne », dans J. Berchtold et C. Lucken (éd.), L’Orgueil de la littérature. Autour de Roger Dragonetti, Genève, Droz, 1999, p. 37-45 (p. 37).
38 Ibid., p. 38.
39 « Dans son séminaire du 26 février 1977, Jacques Lacan tournait ainsi en dérision la psychanalyse : notre pratique est une escroquerie, du moins considérée à partir du moment où nous parlons de ce point de fuite [le réel, objet de la science] : bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué. » Ibid., p. 40.
40 « La fiction […] est le produit d’un langage dont l’équivocité est identiquement celle-là même de la poésie » écrit Roger Dragonetti dans La Vie de la lettre au Moyen Âge, Le Conte du Graal, Paris, Seuil, 1980, p. 35.
41 Voir R. Dragonetti, « Propos sur l’étymologie », dans Études sur Mallarmé, réunies et présentées par W. Smekens, Gand, Romanica Gandensia, xxii, 1992, p. 59-97, notamment p. 96 et 97 : « Ce qui détermine, selon Quintilien, la justesse d’un mot, ce n’est pas le profond, mais sa qualité sonore […] le rythme de la lettre cratylienne, productrice de toutes les fables des dieux et des hommes, [a] depuis toujours rendu la langue à son état de jouissance et de vibration dans les jeux de l’allitération perpétuelle qui ouvrent et structurent à défaut du propre, son essence symbolique. »
42 C. Lucken, « Le génie orgueilleux », dans J. Berchtold et C. Lucken (éd.), L’Orgueil de la littérature. Autour de Roger Dragonetti, Genève, Droz, 1999 p. 11-35 (p. 21 et 22).
43 « La pratique des lettres pervertit et détourne subrepticement les codes rhétoriques dont l’écrivain lui-même feint de respecter la règle » écrit R. Dragonetti dans La Vie de la lettre au Moyen Âge. Le Conte du Graal, Paris, Seuil, 1980 (p. 46). Il évoque l’« initiative démonique de la lettre », p. 51.
44 Ibid., p. 38.
45 À l’origine de cette conception ? L’absolu littéraire, cher au « romantisme d’Iéna », sa poétique qui identifie le sujet avec sa propre production et la littérature avec la loi de son engendrement. Voir P. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, L’Absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Seuil, 1978.
46 B. Cassin (éd. critique et comm.), Si Parménide : letraité anonyme Sur Mélissus, Xenophane et Gorgias, Villeneuve-d’Ascq-Paris, Publications de l’université de Lille III-Éd. de la Maison des sciences de l’homme (Cahiers de philologie, 4), 1980, p. 79.
47 Considérable bibliographie de C. Kiening, « Anthropologische Zugänge zur mittelalterlichen Literatur : Konzepte, Ansätze, Perspektiven », Forschungsbe richte zur germanistischen Mediävistik, 5/1, 1996, p. 11-129.
48 J. Le Goffet P. Vidal-Naquet, « Lévi-Straussen Brocéliande », Critique, 325, 1974, p. 541-571.
49 C. Marchello-Nizia, « De l’Énéide à l’Eneas : les attributs du fondateur », dans Lectures médiévales de Virgile. Actes du colloque organisé par l’École française de Rome (25-28 oct. 1982), Collection de l’École française de Rome, 80, 1985, p. 251-266.
50 M. T. Bruckner, « From genealogy to romance and continuation in the fabulous history of Partonopeu de Blois », L’Esprit créateur, 33-4, 1993, p. 27-39.
51 . S. L. Hahn, « Genealogy and adventures in the cyclic prose », dans K. Busby et N. J. Lacy (éd.), Conjunctures. Medieval Studies in Honor of Douglas Kelly, Amsterdam, Rodopi, 1994, p. 139-151.
52 Voir L. de Heusch, « Introduction à une ritologie générale », Pour une anthropologie fondamentale, t. III, Paris, Seuil (Points), 1974, p. 213-247.
53 La plupart suivent plutôt une direction psychanalytique ou socio-historique. Pour compléter les travaux de J.-C. Huchet, de C. Méla et de G. Duby, voir J. Flori, « Amour et société aristocratique au xiie siècle. L’exemple des lais de Marie de France », Le Moyen Âge, 98, 1992, p. 17-34, et A. M. Rasmussen, Mothers and Daughters in Medieval German Literature, Syracuse, Syracuse University Press, 1997. Pour une perspective résolument esthétique, lire D. Poirion, Résurgences. Mythe et littérature à l’âge du symbole (xiie siècle), Paris, PUF (Écriture), 1986.
54 J.-G. Gouttebroze, « L’arrière-plan psychique et mythique de l’itinéraire de Perceval dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes », Senefiance, 2, 1976, p. 339-352. Également, id., « Cousin, cousine, dévolution du pouvoir et sexualité dans le Conte du Graal », dans J. Stiennon, K. Busby, F. Suard, et al., Chrétien de Troyes et le Graal, Paris, Nizet (Lettres médiévales), 1984, p. 77-87.
55 J.-G. Gouttebroze, Qui perd gagne. Le Perceval de Chrétien de Troyes comme représentation de l’Œdipe inversé, Nice, Centre d’études médiévales de Nice (Textes et essais), 1983.
56 D. Maddox, Structure and Sacring. The Systematic Kingdom in Chrétien’s Erec et Enide, Lexington, French Forum Publishers (French Forum Monographs, 8), 1978.
57 D. Maddox, Fictions of Identity in Medieval France, Cambridge, Cambridge University Press (Cambridge Studies in Medieval Literature), 2000, annoncé par « Specularstories, family romance and the fictions of courtlyculture », Exemplaria, 3, 1991, p. 299-326.
58 P. McCracken, The Romance of Adultery. Queenship and Sexual Transgression in Old French Literature, Philadelphie, University of Pennsylvania Press (The Middle Ages Series), 1998.
59 Il ajoute : « Poetry, then, is part of social reality. » R. Pensom, Aucassin et Nicolete :The Poetic of Gender and Growing up in the French Middle Ages, Berne-Paris, P. Lang, 1999, p. 13.
60 R. Pensom, Reading Béroul’s Tristan. A Poetic Narrative and the Anthropology of its Reception, Berne-Berlin-Paris, P. Lang, 1995.
61 « Le roman médiéval, et surtout le roman arthurien, s’est écrit sous le signe de l’éternel retour : retour des personnages, réécriture des motifs et des scénarios aux inépuisables ressources, remploi de “formules romanesques” analogues aux clichés épiques » écrit E. Baumgartner dans son article « Le roman médiéval : approches poétiques et narratologiques », Perspectives médiévales, numéro jubilaire, mars 2005, p. 39-57 (p. 53).
62 Pour une critique de la mythologie comparée, voir E. Cassirer, La Philosophie des formes symboliques, vol. II : La pensée mythique, J. Lacoste (trad.), Paris, Éd. de Minuit, 1972, p. 33-45.
63 Citations successives de C. Lévi-Strauss, L’Origine des manières de table, Paris, Plon, 1968, p. 186-187.
64 J.-J. Vincensini, Motifs et thèmes du récit médiéval, Paris, Nathan, 2000.
65 P. McCracken, The Romance of Adultery. Queenship and Sexual Transgression in Old French Literature, Philadelphie, University of Pennsylvania Press (The Middle Ages Series), 1998.
66 P. McCracken, « Damesls an severed heads : more on linking in the Perslesvaus », dans K. Busby et C. M. Jones (éd.), Por le soie amisté. Essays in Honor of Norris J. Lacy, Amsterdam-Atlanta, Rodopi (Faux Titre, 183), 2000, p. 339-355 (p. 343).
67 Manuscrit BnF fr. 1433.
68 Roman de la Table ronde, B. Woledge (éd.), Paris, H. Champion, 1936.
69 Pour la formation du corpus et pour l’explication, nous renvoyons à notre étude : « Comprendre, décrire, interpréter un motif narratif. L’exemple de la libération d’une femme immergée dans l’eau par un jaloux », dans D. James-Raoul et C. Thomasset (éd.), Dans l’eau, sous l’eau. Le monde aquatique au Moyen Âge, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 387-411.
70 Le Haut Livre du Graal. Perlesvaus, l. 1302-1309, W. A. Nitzeet T. A. Jenkins (éd.), Chicago, The Chicago University Press, 1932-1937. Au cours du combat qui l’oppose à Gauvain, Marin tue son épouse.
71 R. Girard, Le Bouc émissaire, Paris, Grasset, 1982, p. 117 pour ces citations.
72 S. Sturms-Maddox, « Lévi-Strauss in the Waste Forest », L’Esprit créateur, 18, 1978, p. 82-94 (p. 87).
73 C. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p.25 pour ces mentions successives.
74 C. Lévi-Strauss, La Potière jalouse, Paris, Plon, 1985, p. 80.
75 C. Lévi-Strauss, Des symboles et leurs doubles, Paris, Plon, 1989, p. 13.
76 D. Maddox, « Lévi-Strauss in Camelot. Interrupted communication in Arthurian feudal fiction », dans Culture and the King. The Social Implications of the Arthurian Legend. Essays in Honor of Valerie M. Lagorio, M. B. Schictman et J. P. Carley (éd.), Albany, State University of New York Press, 1994, p. 35-53.
77 Voir, entre autres, J.-J. Vincensini, Pensée mythique et Narrations médiévales, Paris, H. Champion, 1996, p. 267-299.
78 Idées développées dans : J.-J. Vincensini, « Impatience et impotence. L’étrangeté des rois du château du Graal dans le Conte du Graal », Romania, 116, 1-2, 1998, p. 112-130, et id., « Échange de mets, échange de mots, échange de corps dans le Conte du Graal », Senefiance, 38, 1996, p. 495-509. Voir également B. Nitsche, « Die literarische Signifikanz des Essens und Trinken im Parzival Wolframs von Eschenbach. Historisch-anthropologische Zugänge zur mittelalterlichen Literatur », Euphorion, 94, 2000, p. 245-270.
79 Précurseur dans ce domaine, E. Cassirer précise ainsi cette vocation intellectuelle : « Ce n’est que dans la fonction fondamentale de la symbolisation [...] que se substitue à l’abandon passif à l’égard d’un être-là extérieur une activité autonome qui impose à cet être-là certains caractères par lesquels il se scinde pour nous en divers domaines et formes de réalité. En ce sens, le mythe et l’art, le langage et la science construisent et imposent l’être […ce sont] les lignes directrices générales du mouvement de l’esprit, du procès idéel par lequel le réel se constitue pour nous comme unité et pluralité, unifiées par l’activité signifiante. » E. Cassirer, La Philosophie des formes symboliques, vol. II : Le Langage, O. Hansen-Løve et J. Lacoste (trad.), Paris, Éd. de Minuit, 1972, p. 51.
Auteur
Jean-Jacques Vincensini est professeur de langue et littérature médiévales à l’université de Corse, membre du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale du CNRS et de l’équipe d’épistémologie des modèles sémiotiques et cognitifs de l’EHESS. Il collabore à l’Histoire des traductions en français, sous la direction de Y. Chevrel et J.-Y. Masson, préparée par les éditions Verdier. Il a également dirigé la partie « Le Moyen Âge » du Dictionnaire des lieux et pays mythiques, à paraître aux éditions Robert Laffont (Bouquins). Il a aussi publié « Médiévistique et anthropologie », Perspectives médiévales, mars 2005, numéro jubilaire, p. 447-466, et édité le roman de Jean d’Arras, Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan, Paris, Librairie générale française (Lettres gothiques), 2003.
Courriel : vincensini@wanadoo.fr
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