Chapitre 6. Compréhension du langage : un paradigme pour la cognition1
p. 201-224
Texte intégral
1En s’inspirant directement dans son intitulé de celui du livre de Walter Kintsch (1998), ce chapitre va traiter de la compréhension d’une phrase, d’un texte, d’un discours, du point de vue de la psycholinguistique, tout en abordant les questions qui font l’objet de collaborations avec différentes disciplines appartenant aux sciences cognitives, et en particulier avec la linguistique générale et la linguistique computationnelle. Cela nous amènera également à cerner les questions qui, en l’état, demeurent des thèmes de discussion, voire de polémique entre disciplines.
2Le modèle de compréhension de textes, dit de « construction-intégration », de Walter Kintsch nous servira de fil rouge, et nous aborderons quelques aspects connexes liés au lexique et à la syntaxe. Dans nos développements, nous soulignerons les principales caractéristiques des méthodes propres à la psycholinguistique pour étudier les processus de traitement qui aboutissent à la compréhension.
3Se focaliser sur les activités cognitives qui conduisent un individu à construire la signification d’une phrase, d’un texte, d’un discours, c’est ouvrir une porte vers un monde de recherches foisonnant en psychologie cognitive, mais aussi en neuropsychologie, en linguistique, en intelligence artificielle, et voir les passerelles, nombreuses même si le plus souvent locales, qui se sont établies entre ces disciplines sur cet objet. D’autres domaines de recherche que la compréhension pourraient faire l’objet d’un intérêt analogue – par exemple, la production de phrases, de textes –, mais l’histoire en est sensiblement plus récente, donc moins riche globalement en illustrations, débats et collaborations avérées entre disciplines. Nous entendons par collaboration non seulement le fait de se tenir informé des modèles, analyses et expérimentations proposés par les autres disciplines, mais surtout le fait de tester, chacun avec ses outils propres, les mêmes conceptualisations.
4Si les travaux sur la compréhension s’entendent généralement une fois que certains processus sont réalisés comme la perception de la parole, l’identification des mots, le traitement de la syntaxe, nous ne négligerons pas pour autant ces recherches en amont, si celles-ci nous apportent des éléments de discussion pertinents quant à la compréhension. En ce qui concerne la psychologie cognitive, nous soulignerons que les processus cognitifs qui aboutissent à la construction de la signification impliquent la mémoire à long terme qui « organise » les représentations, ainsi que le fonctionnement de la mémoire de travail et ses contraintes de charge et de temps de traitement. Ces aspects mnésiques relèvent de préoccupations proprement psychologiques pour finaliser une théorisation de l’activité de compréhension, préoccupations qui ne sont pas forcément de premier plan pour les autres disciplines. C’est en effet l’étude expérimentale des traitements cognitifs qui fonde la plausibilité des modèles psycholinguistiques (et neuropsychologiques). Nous insisterons sur cet aspect dans la section finale sur les méthodes.
Le modèle de construction-intégration de Kintsch
5Le modèle de Kintsch (1988, 1998) assimile et élargit le modèle de la compréhension de textes proposé par van Dijk et Kintsch en 1983. La compréhension d’un texte, sur le plan de l’organisation des connaissances, repose sur deux structures représentationnelles, respectivement la base de texte et le modèle de situation, et, pour ce qui est du traitement, sur deux types de processus, un processus de construction des structures et un processus d’intégration. En ce qui concerne les structures représentationnelles, la base de texte est constituée de propositions, venant de l’analyse du texte (processus guidés par les données textuelles), et des relations de cohérence qui peuvent y être ajoutées localement (nous développerons les questions liées à la cohésion et à la cohérence ultérieurement). La base de texte comprend elle-même deux sous-structures : une microstructure qui est un chaînage propositionnel pas à pas des informations du texte, et une macrostructure, sorte de résumé des informations importantes de la microstructure, obtenue par l’application de règles, les macrorègles. Celles-ci sont guidées par des structures d’informations préétablies, relativement rigides, comme les scripts ou les scènes.
6Dans la deuxième version du modèle de Kintsch (1998), c’est toute la base de connaissance de l’individu qui participe directement à l’édification de cette macrostructure, et le contenu du texte se trouve finalement intégré dans cette structure d’information plus large, le modèle de situation. Celui-ci est une sorte de micromonde évoqué par le texte. Le modèle de situation est modélisé comme un réseau de connaissances en mémoire, réseau associationniste de concepts, de propositions, de schémas, de connaissances liées au domaine dont parle le texte, sans oublier la connaissance de la langue et la représentation de la situation de communication. Alors que dans la première version du modèle de Kintsch, la construction de la macrostructure était guidée de manière rigide par des structures d’information préétablies, la base de connaissance agit dans la deuxième version de manière plus flexible sur l’élaboration de la base de texte, produisant, de manière très transitoire, des informations sans intérêt, redondantes, voire contradictoires et inacceptables, jusqu’à stabilisation du réseau (dans une modélisation connexionniste). Les informations liées à la base de texte sont très sensibles à l’oubli, et ceci rapidement, en particulier pour ce qui concerne l’information de surface. Une phrase est oubliée dès que l’on passe à la suivante. Seuls des éléments sémantiques vont perdurer (Jarvella 1971)2. Les éléments appartenant au modèle de situation sont beaucoup plus résistants en mémoire, y compris sur le très long terme.
7Sur le plan théorique, « plonger » la représentation du texte dans l’ensemble des connaissances de l’individu permet à la fois d’utiliser celles-ci pour interpréter le texte et d’avoir un outil de modélisation d’une évolution – une acquisition – des connaissances. Les déterminants de la compréhension qui relèvent de l’individu (ses connaissances spécifiques, voire son expertise d’un domaine de connaissance et son expertise linguistique) jouent de manière importante dans cette configuration d’ensemble. Nous en présenterons des détails plus bas.
8Attardons-nous un moment sur la notion de proposition, importée de la logique, mais que les psycholinguistes ont interprétée et adaptée à leur démarche. Le principe de l'analyse prédicative est d’exprimer le contenu sémantique de la phrase, du texte, en propositions atomiques. À ce niveau, la compréhension peut être vue comme un processus d’assemblage d’informations (l’individu construit des propositions et les assemble). Adopter une représentation de l’information sous un format propositionnel se trouve motivé par la pertinence de ce format par rapport aux traitements sémantiques.
Le système de représentation dont nous avons besoin doit assurer plusieurs fonctions : il doit servir pour la représentation mentale des textes, mais aussi pour d’autres structures de mémoire, comme les connaissances générales, les concepts, les significations lexicales, ainsi que les expériences personnelles (les traces de la mémoire épisodique). Les représentations mentales d’un texte étant en partie dérivées des connaissances et de l’expérience, il est souhaitable que toutes puissent être décrites dans le même format. (Kintsch 1998 : 34)
9La proposition est donc à la fois un format sémantique de base dans lequel s’expriment les processus langagiers et un outil pour décrire la signification portée par un texte. C’est la congruence entre cet outil et le fonctionnement de la mémoire qui en fait tout le potentiel et la robustesse.
10Les indices expérimentaux de cette congruence sont nombreux. Le temps de lecture d’un texte (court) est lié, non au nombre de mots, mais au nombre de propositions. Un indicateur plus grossier, le rappel indicé, réagit lui-même au découpage propositionnel : les individus à qui l’on donne un indice de rappel pour une phrase donnée rappellent plus souvent le mot attaché à la même proposition qu’un autre relevant d’une autre proposition, même si sa proximité dans la structure de surface de la phrase est comparable. Ainsi, après lecture de la phrase : « The mausoleum that enshrined the tzar overlooked the square » avec l’indice de rappel « overlooked », le rappel de « square » est plus probable que celui de « tzar » (Wanner 1974).
11Sur le plan formel, plusieurs notations possibles de ces propositions atomiques ont été discutées. La psycholinguistique utilise largement, pour ses descriptions, la formalisation standard du langage des prédicats. La notation de Davidson (1993) introduit la possibilité d’une quantification des événements, ce qui permet de leur conférer une structure conceptuelle analogue à celle des prédicats d’objets ou d’individus (un verbe désignateur d’événements désigne ainsi non pas un événement unique, mais un ensemble d’événements de même type)3. Cette notation présente l’intérêt majeur de pouvoir considérer formellement les événements qui se ressemblent comme des sortes de catégories, des catégories de situations (Le Ny 2000).
12Les analyses propositionnelles standards ne prennent pas en compte des éléments considérés comme secondaires, comme les articles, les quantificateurs implicites, le temps, l’aspect, des éléments syntaxiques porteurs de signification (voix active ou passive), ainsi que les aspects pragmatiques et rhétoriques qui relèvent de la situation d’énonciation et qui, de ce fait, sont éminemment variables. Certaines analyses, cependant, enrichissent ce découpage propositionnel de base. François et Tapiero (1997) réintroduisent notamment le temps et l’aspect dans la notation.
13Ces différentes possibilités soulignent que les aspects dits « secondaires», lorsqu’ils sont pris en compte, conduisent inévitablement à une augmentation du nombre des propositions. Cette augmentation ne remet pas en cause l’essentiel : l’enregistrement d’un lien entre nombre de propositions et temps de traitement, qui conduit à identifier une homologie entre l’unité en mémoire et le découpage sémantique du texte4. Par ailleurs, les éléments considérés comme « de second ordre » ne sont pas à négliger quelle que soit la finalité de l’étude. La complexité syntaxique joue également un rôle dans les temps de lecture, ce que l’on peut repérer dans l’étude de Kintsch et Keenan (1973), et en particulier parce que les textes sont brefs. En ce qui concerne les données aspectuelles, signalons que Ferretti, Kutas et McRae (2007), dans un cadre plus restreint que celui de la compréhension de textes, ont enregistré des effets de l’opposition perfectif/imperfectif sur des indicateurs comportementaux et électro-encéphalographiques.
14Les travaux de Gernsbacher (1990) permettent d’illustrer le rôle de la situation d énonciation en compréhension. L’étude montre que la position relative de différents personnages telle qu’elle est annoncée au début d’un récit a des effets sur la construction de la signification, comme l’indique leur taux relatif d’activation en mémoire tout au long du déroulement du récit. Les personnages sont d’autant plus saillants en mémoire (temps de reconnaissance plus brefs) qu’ils ont été évoqués par un nom propre, en première position, indépendamment de la voix (active ou passive) si ce facteur est testé. Ils conservent ce caractère privilégié tout au long du texte, même s’ils n’apparaissent pas dans tous les épisodes. Ils restent facilement accessibles, quelles que soient les marques linguistiques qui y font référence. Ce résultat n’est pas retrouvé pour les personnages secondaires. De manière analogue, les éléments secondaires, qui sont en quelque sorte « muets » dans un découpage propositionnel sommaire, sont importants pour la construction de la signification en mémoire de travail.
15Ces études systématiques de l’impact des modalités de référenciation sur les traitements cognitifs ont été rarement étendues à des cas particuliers, comme les référents évolutifs (redénomination après transformation) qui sont sources de difficultés spécifiques (Boucheix et Fayol 1997). Les référents évolutifs introduisent en effet une situation particulière dans la notation prédicative, dans la mesure où le référent n’est plus le même au départ et après une série de transformations matérielles (cas des recettes de cuisine, notices de montage, énoncés de problèmes ; on pourra relire Les Métamorphoses, d’Ovide, pour des transformations moins familières). Cette situation entraîne en particulier, pour ce qui est de la référenciation, des contraintes linguistiques sur l’emploi des pronoms. Nous empruntons l’exemple suivant à Charolles (1997) :
Prenez quatre pommes, pelez-les, coupez-les et évidez-les. Faites-les cuire pendant une demi-heure, broyez-les jusqu’à ce qu’elles soient complètement réduites, et après les avoir laissé refroidir, servez-les avec des petits gâteaux/servez-la avec des petits gâteaux.
16Dans cet exemple, on peut penser que la reprise répétée du pronom amène à une réactivation – ou au moins au maintien de l’activation – de l’objet présenté en première position. La question que se pose le psychologue est de savoir à quel moment « compote », non mentionné dans le texte, est activé dans la représentation de l’individu. La continuité référentielle assurée par l’organisation de surface du texte n’implique pas que la représentation de l’objet transformé soit hors du champ cognitif du lecteur, et il serait intéressant de tester lequel, du concept de pommes ou de celui de compote, est le plus activé à la fin de la lecture.
Cohésion et cohérence
17Les questions liées à la référenciation nous amènent naturellement à évoquer les problèmes de cohésion/cohérence dans la compréhension du texte. Le terme « cohésion » renvoie aux propriétés linguistiques d’un texte. La cohésion peut être locale, entre phrases adjacentes (l’emploi des anaphores, le recouvrement d’arguments, les marques interpropositionnelles sont des marques de cohésion locale), ou elle peut être globale, entre paragraphes (les titres, les thèmes du texte sont des marques de cohésion globale). Des textes qui ont une bonne cohésion locale mais manquent de cohésion globale donnent lieu à de mauvais scores en compréhension et en rappel. Des textes qui ont une mauvaise cohésion locale, mais une bonne cohésion globale, peuvent être difficiles à lire et à comprendre. Cependant, des lecteurs dont l’arrière-plan de connaissances est bon montrent des bénéfices indéniables à lire des textes dont la cohésion est faible, dans la mesure où ces textes stimulent l’activité inférentielle (McNamara, Kintsch, Songer et Kintsch 1996).
18Les marques linguistiques joueraient non seulement comme apport d’information, mais également comme instructions de traitement. « Mais » ou « soudain », par exemple, annonçant un événement inattendu, en faciliterait le traitement. Mouchon, Fayol et Gaonac’h (1995) observent les effets de la présence de ces connecteurs dans de courts textes narratifs, présentés à l’écran de l’ordinateur selon une technique assurant le décryptage progressif du texte (par mots, dans ce cas).
Paul était heureux. Il venait de poser du papier peint dans sa chambre.
Mais/Soudain/…/ une porte cogna contre le mur.
Elle déchira le papier peint. C’est un courant d’air qui avait provoqué l’ouverture.
19Des temps de lecture plus courts sont enregistrés pour l’information qui suit immédiatement le connecteur (par rapport à la situation contrôle sans connecteur), et uniquement à cette localisation. Des études de même type ont également été faites sur des marques paralinguistiques comme la ponctuation (rôle du point en particulier, de l’alinéa, la présence de virgules n’ayant pas donné de résultats stables).
20Des travaux de Roen (1984) ne démontrent pas l’impact des connecteurs ou des éléments rhétoriques sur la vitesse de lecture ou sur une performance mnésique. Mais ces travaux s’attachent à des éléments qui caractérisent la macrostructure des séquences d’événements proposées au lecteur. Si au contraire, comme ci-dessus, on s’intéresse à l’impact des connecteurs sur les processus relevant de la microstructure, on relève des différences dans le temps de lecture selon la présence ou non d’un connecteur.
21La cohérence d’un texte, quant à elle, tient dans les interactions entre les caractéristiques du texte et celles du lecteur. Elle est une propriété de la représentation mentale construite. Un texte peut conduire à une représentation cohérente pour un lecteur et peu cohérente pour un autre. Des facteurs tels que la maîtrise de la lecture ont été largement étudiés dans le cadre des différences individuelles liées à la compréhension (Snow 2002). Plusieurs types de cohérence ont été distingués : référentielle, temporelle ou causale (locale ou globale). L’établissement de la cohérence est en relation avec la production réussie d’inférences. Ces inférences peuvent enrichir la base de texte ou permettre à l’individu d’augmenter la cohérence du modèle de situation. Certaines inférences (causales en particulier) semblent plus critiques que d’autres à cet égard. Il paraît maintenant bien établi que certaines élaborations d’informations ont un statut optionnel (spécification d’un concept, d’un instrument, inférence sur les conséquences d’une action, par exemple) (Campion 2006 ; Millis et Graesser 1994).
22Des collaborations entre linguistique générale, linguistique computationnelle et psycholinguistique ont donné lieu à la construction d’outils dont le but est d’améliorer la qualité des textes proposés aux lecteurs, voire de les adapter à un public ciblé. COH-METRIX est un outil de ce type, qui exploite les indices linguistiques de cohésion du texte (Louwerse 2002) et, sur le plan de la cohérence, détermine la conformité, le degré d’adaptation du texte, pour un type de lecteur donné (Graesser et alii 2007). Kintsch, avec CoLit (Colorado Literacy Tutor), propose un outil de même type (http://www.colit.org/).
Les rôles thématiques : verbes d’action et neurones miroirs
23Revenons brièvement sur des questions liées à la notation propositionnelle en évoquant la place des arguments des prédicats polyadiques (exprimant une relation entre plusieurs termes), qui dépend de leur nature (de la hiérarchisation des rôles). Lorsqu’on évoque les relations actancielles, les rôles thématiques (en linguistique) ou les arguments (dans une formalisation logique), on analyse la situation particulière de ces composants par rapport au verbe et à leurs caractérisations conceptuelles. Cette caractérisation des rôles thématiques (en adoptant cette expression) donne lieu à beaucoup de débats (cf. François 2003 pour une récapitulation des approches proposées). Lakoff (1977) par exemple, en arrive à proposer 14 caractéristiques combinatoires pour l’agentivité. Dowty (1991), pour sa part, défend une conception unificatrice qui a reçu un bon accueil chez les psycholinguistes : « [...] nous ne devrions pas postuler un type de rôle thématique qui soit limité à seulement un ou deux verbes (ou à un petit ensemble de quasi-synonymes), mais nous devrions plutôt souhaiter que chaque type de rôle soit applicable à un nombre raisonnable de significations verbales » (Dowty 1991 : 556)5. Dowty réduit ainsi la liste des rôles thématiques aux rôles d’agent et de patient, les deux seuls rôles qui lui semblent pertinents, si l’on fait un examen contrastif des langues. Cette conception unificatrice s’inspire elle-même d’un type de distribution des propriétés analogue à celle qui a été défendue par Rosch et Mervis (1975) pour les catégories d’objets (cf. également Kleiber 1990, pour la théorie de l’air de famille). Plus précisément, si l’on détaille les propriétés du rôle de l’agent, cinq propriétés sont avancées :
- implication intentionnelle dans l’événement ou l’état,
- sensation ou perception,
- cause un événement ou un changement d’état sur un autre participant,
- mouvement (relatif à la position d’un autre participant),
- existe indépendamment de l’événement désigné par le verbe.
24Les propriétés avancées pour le patient sont d’une manière générale inversées. Dowty ne définit pas ces deux rôles comme des catégories discrètes, mais comme des concepts dotés d’une structuration en « air de famille ». Un agent/patient prototypique présente l’ensemble de ces propriétés, au contraire des agents/patients non prototypiques, qui n’en présentent qu’un sous-ensemble. Les agents les moins représentatifs dans ce cadre sont l’expérienceur (« Marie rougit ») et l’entité en déplacement (« L’avalanche dévale la pente »). Ce différentiel de représentativité des agents a été testé expérimentalement (François et Cordier 1996). Si les résultats de cette étude sont globalement en faveur des propositions de Dowty, il faut néanmoins, pour en faire une interprétation pleinement satisfaisante, faire intervenir un facteur supplémentaire : le poids relatif des propriétés. Par exemple, si la propriété +/– humain appliquée à l’agent est centrale, cette propriété appliquée au patient ne semble pas décisive.
25Au-delà des questions liées à la répartition et au poids des propriétés quant aux rôles thématiques, l’intérêt des psycholinguistes pour Dowty vient de ce que les rôles thématiques sont clairement conceptuels, mettant les préoccupations sémantiques au premier plan et les préoccupations grammaticales au second. Pour les psycholinguistes travaillant sur la compréhension, il y a bien une insistance à placer la sémantique au cœur du dispositif. Ce choix trouve un écho, en linguistique, dans « les grammaires cognitives qui rejettent totalement la primauté et l’autonomie accordées par les grammaires génératives à la syntaxe » (Victorri 2004 : 75).
26Des travaux psychologiques vont au-delà des présupposés de Dowty sur les propriétés qui s’attachent aux rôles d’agent et de patient, en prenant en compte la connaissance du monde des individus, et notamment leur connaissance des situations spécifiques évoquées par les verbes (des micromodèles de situation, en quelque sorte). Le Ny (2005 : 273) donne une illustration de la signification en extension d’un verbe d’action, « chasser ».
27Pour un verbe donné, les individus sont capables, en moyenne, de lister entre cinq et six propriétés par rôle. Par extension, on peut donc dire qu’ils ont une bonne connaissance de ce qui peut être agent ou patient d’un verbe donné. Les travaux de McRae, Ferretti et Amyote (1997) sont représentatifs de ces recherches. Leur hypothèse est que la connaissance des locuteurs quant aux rôles thématiques des verbes serait liée à leur représentation des événements, représentation qui se construit au cours de leurs expériences quotidiennes. Ils savent « qui » et « ce qui » joue des rôles spécifiques dans les événements exprimés par des verbes. L’existence de représentants typiques pour les agents et pour les patients a été mise en évidence pour de nombreux verbes. On pourra se reporter pour des exemples à SEMASIT (Pariollaud, Cordier, Granjon et Ros 2007). La pré-activation par le verbe des agents ou patients typiques, hors associations lexicales, a été testée positivement, dans des contraintes chronométriques fortes (McRae et alii 1997 ; Pariollaud 2008). La question du degré d’automaticité de ces processus d’activation reste cependant ouverte. Il est probable que des facteurs liés à la fréquence d’usage (les verbes très fréquents sont généralement très polysémiques) et au type de verbe (les expériences ont été faites essentiellement sur des verbes de relations interpersonnelles) viennent moduler ces résultats.
28Les connaissances possédées par les locuteurs sur qui fait quoi, sur qui subit quoi, sont le résultat d’expériences, plus ou moins familières, vécues ou observées par le sujet, aussi bien directement que par confrontation linguistique (orale ou écrite). Ainsi, les fréquences de co-occurrences linguistiques viennent-elles s’ajouter aux occurrences perçues pour créer le lien conceptuel entre verbe et rôle thématique. Declercq et Le Ny (2008) ont testé l’hypothèse selon laquelle les données normatives obtenues pour des patients de verbes transitifs dans les expérimentations psycholinguistiques, et en particulier les patients typiques, pouvaient être retrouvées comme co-occurrences verbe-patient dans des bases de données textuelles (1 500 fragments de discours testés). De fait, une bonne corrélation a été obtenue entre les deux sources. Les données textuelles contribuent donc, à travers la répétition dans l’exposition aux écrits, à la représentativité des rôles thématiques.
29Sur le thème de la représentation des verbes d’action, de nouvelles pistes de recherche ont été ouvertes récemment dans le cadre de la cognition incarnée (Kemmerer et Gonzalez-Castillo 2010). Elles s’opposent à une autre position théorique, qui suppose que les connaissances sémantiques, par rapport aux perceptions, émotions et actions, sont représentées de manière qualitativement différente (Mahon et Caramazza 2008). Les chercheurs qui défendent la cognition incarnée stipulent que les connaissances sémantiques ne sont pas purement amodales, mais se trouvent ancrées dans des systèmes spécifiques, de manière telle que beaucoup de formes de traitement conceptuel impliquent la récapitulation transitoire d’aspects variés des expériences sensorimotrices et affectives. Des systèmes de mémoire intégratifs se trouveraient sollicités à cette étape du traitement. Les questions actuelles explorent l’activation potentielle des mêmes neurones miroirs dans les trois situations suivantes : 1/ le traitement linguistique de la signification des verbes d’action ; 2/ l’exécution des actions correspondantes ; et 3/ l’observation de ces mêmes actions. Ces études se font pour le noyau verbal, d’une part, et pour les rôles thématiques, d’autre part.
30Ces recherches apportent des éléments de discussion en faveur de l’utilisation de bases de données venant de la linguistique computationnelle (comme LSA) pour modéliser la compréhension, dans la mesure où les représentations verbales peuvent refléter de manière fondée les représentations d’une autre nature, perceptive ou motrice.
Modélisation et bases de données
31Au-delà de la représentation des situations, de larges corpus textuels sont exploités pour fournir une représentation statistique de la connaissance du monde des individus. Dans le modèle de construction-intégration, la construction de la représentation textuelle repose sur un modèle de propagation de l'activation dans un réseau de concepts et de propositions interconnectés. Lorsqu’un mot est lu, son signifiant est activé, ainsi que le réseau des significations associées, de sorte qu’un élément du réseau peut se trouver activé soit directement (via le texte), soit par un effet de la diffusion de l’activation dans le réseau. Dans ce type de modèle, la signification est, en mémoire de travail, la partie momentanément activée du réseau sémantique. La signification doit être créée à partir des associés immédiats et des voisins sémantiques. Étant donné les contraintes mnésiques, seule une petite partie du réseau peut être activée à un moment donné, et seules les propositions de ce réseau alors activées contribuent à la signification d’un concept donné (Denis et Le Ny 1986).
32Les processus d’intégration vont permettre de renforcer les éléments appropriés (en tenant compte du contexte) et d’inhiber les éléments indésirables de la représentation du texte. Le système va ajuster progressivement ses pondérations, et en sortie, l’information se présente sous la forme d’un réseau associatif. Les nouvelles connaissances qui en résultent en mémoire sémantique s’expriment par de nouvelles connexions et pondérations dans le réseau6.
33La linguistique computationnelle développe des outils complexes capables d’analyser un texte sur de multiples dimensions (syntaxiques ou sémantiques). L’analyse en sémantique latente (LSA ; Landauer et Dumais 1997), comme son nom l’indique, donne priorité aux facteurs sémantiques. C’est le cas également de HAL (Hyperspace Analogue to Language ; Lund et Burgess 1996). La LSA est sollicitée notamment par Kintsch (1998) dans le modèle de construction-intégration pour simuler l’ensemble des connaissances que les lecteurs sont susceptibles d’activer lors de la compréhension.
34Dans ces deux modèles, la mémoire est conceptualisée sous la forme d’un espace de n dimensions (300 pour LSA, 200 pour HAL), espace dans lequel les mots sont représentés par des vecteurs. Ces vecteurs n’ont pas de signification en eux-mêmes, mais leur signification vient de leur comparaison. La signification est ainsi complètement liée aux contextes dans lesquels les termes apparaissent. Dans LSA, ce sont des paragraphes qui constituent les contextes d’occurrence de chaque terme. HAL utilise comme unité contextuelle de base non des paragraphes, mais des fenêtres de 10 mots. Ces deux corpus se différencient également par leurs sources (textes littéraires au sens large pour LSA, forums sur la toile pour HAL) et le mode de calcul des co-occurrences. Les corpus sont, des deux côtés, importants, afin d’être le plus représentatifs possible de l’environnement langagier auquel les individus sont confrontés (pour plus d’informations sur ces deux modèles, on pourra consulter Belissens, Thérouanne et Denhière 2004).
35Ces modèles ne permettent cependant pas de rendre compte de manière entièrement satisfaisante de résultats expérimentaux en psycholinguistique et ne peuvent être des théories satisfaisantes de la sémantique7. Kintsch (2001) a proposé d’associer à LSA un algorithme de prédication afin de simuler la propagation de l’activation, de manière à tenir compte du sens de la comparaison. Le modèle de construction-intégration intègre cette non-réversibilité de la prédication.
Par exemple, dans LSA [...] tous les traits du prédicat (P) sont combinés à ceux de l’argument (A). Par conséquent, OISEAU (pélican) sera équivalent de PÉLICAN (oiseau). Or il n’est pas identique de comprendre que « l’oiseau est un pélican » ou que « le pélican est un oiseau ». En revanche, quand LSA est combiné avec l’algorithme de prédication, alors seuls les traits pertinents sont combinés. (Pariollaud 2008)
36Des remises en cause et critiques ont été apportées à l’usage qui est fait de ces bases de données computationnelles dans le modèle de construction-intégration. Elles sont de deux types :
371/ Le problème des relations entre mots et concepts dans le modèle de Kintsch
38Butler (2007) souligne que les relations entre les mots d’une langue donnée et les concepts sous-jacents sont complexes et déterminées culturellement. Cet aspect a été abordé en psycholinguistique notamment par le biais du rôle des données perceptives versus celui des données linguistiques dans la catégorisation. Le traitement cognitif des objets et la dénomination des mêmes objets n’obéissent pas obligatoirement aux mêmes règles, même si les deux comportements sont sans nul doute fortement connectés. Nous en donnerons un seul exemple, tiré de l’article de Malt, Sloman, Gennari, Shi et Wang (1999). L’étude porte sur une comparaison inter-langues (chinois, espagnol et anglais) de la dénomination de contenants divers associée parallèlement à une tâche de recherche de similarité entre les objets. Les questions suivantes sont posées dans cette étude : 1/ Est-ce que la répartition des objets entre différentes dénominations varie selon les langues ? 2/ Est-ce que la perception de la similarité entre les objets diffère selon l’appartenance à une langue ? 3/ Est-ce que ces différences se recoupent ? Les résultats montrent que les relations entre similarité et dénomination ne sont pas rigides, et en particulier que les différents patterns de dénomination ne relèvent pas seulement des différences perçues entre les objets. Étant donné la variabilité des appellations pouvant exister entre les locuteurs d’une même langue, la notion de dénomination linguistique fixée apparaît également illusoire. La dénomination est déterminée conjointement par la connaissance ou les croyances quant à l’objet lui-même, par les influences venant de l’histoire de la langue, de l’histoire personnelle du locuteur et de l’arrière-plan commun entre le locuteur et son interlocuteur (Malt et Sloman 2004, 2007). Cette critique sur la non-superposition du réseau lexical et du réseau conceptuel apparaît néanmoins secondaire : « Ceci peut ne pas être d’une importance cruciale pour une théorie psychologique de la compréhension du discours » (Butler 2007 : 52).
392/ L’absence d’analyseur syntaxique
40Kintsch (1998) signale à plusieurs reprises que la présence d’un analyseur syntaxique ne lui paraît pas nécessaire pour éclairer le processus de compréhension :
En pratique, il n’est pas nécessaire de passer par toutes les étapes de cette analyse. La construction en temps réel, pas à pas, de la base de texte est souvent de peu d’intérêt. Tout ce que nous devons connaître (par exemple dans les études sur le rappel de textes) est le produit final, c’est-à-dire les représentations sous forme de propositions complexes. Ainsi, dans la plupart des travaux de recherche, il suffit de construire la représentation propositionnelle finale, mais sa genèse peut être négligée. (Kintsch 1998 : 64)
41Ce point, également discuté par Butler (2007), est moins acceptable de son point de vue, et il suggère de travailler sur une synthèse des approches de Kintsch et de Werth (1999), Werth ayant le grand mérite à ses yeux d’intégrer un analyseur syntaxique dans son modèle. De plus, l’analyse syntaxique prônée par Werth ne fonctionne pas de manière modulaire, autonome par rapport au niveau sémantique, mais bien de manière intégrée, en prenant en compte des informations de nature diverse. Ce souhait ou non d’un analyseur syntaxique semble l’élément qui cristallise le mieux à l’heure actuelle les différences entre les approches linguistiques et psycholinguistiques de la compréhension.
Finalité des recherches et procédures
42Dans la mesure où le but de la psycholinguistique est d’atteindre les processus de traitement qui aboutissent à la compréhension, certaines distinctions considérées comme fondamentales en linguistique ne rencontrent pas le même écho en psycholinguistique. Ainsi, la distinction entre homonymie et polysémie dans le domaine de l’ambiguïté lexicale a un statut pour le moins incertain à l’heure actuelle chez les psychologues, car elle ne se manifeste pas de façon stable dans les indicateurs de traitement. En faveur d’un statut psychologique commun de l’homonymie et de la polysémie, il est vrai que peu de natifs adultes sont spontanément conscients de la parenté de sens entre des mots polysémiques, entre la lentille-légume et la lentille-verre de contact, ou entre le biscuit-gâteau et le biscuit-porcelaine. Le statut psychologique des mots polysémiques doit certainement être clarifié avant expérimentation.
43Sur le plan de la modélisation, certains réseaux connexionnistes introduisent le facteur du nombre possible de significations dans les conceptualisations théoriques. Ce nombre aurait un effet dans la structure des bassins d’attraction mise en place durant l’apprentissage : des mots ayant peu de significations différentes engendreraient des bassins d’attraction profonds et étroits, au contraire des mots à significations nombreuses, qui engendreraient des bassins d’attraction larges et peu profonds (Rodd, Gaskell et Marslen-Wilson 2004). Ces modèles font davantage jouer le nombre des significations que leur nature.
44Sur le plan expérimental, des études, peu nombreuses, ne font pas apparaître de différences de traitement. Pour Klein et Murphy (2002), les acceptions de mots polysémiques seraient représentées séparément dans le lexique mental au même titre que les homonymes. Cependant, d’autres études, rares également, présentent des résultats contraires, à savoir des différences de traitement entre homonymie et polysémie, mais le matériel utilisé est fondé sur des distinctions qui dépassent largement les cas classiques évoqués ci-dessus (Klepousniotou 2002 ; Klepousniotou, Titone et Romero 2008).
45Dans l’étude de la compréhension de texte, et sur un plan méthodologique, on distingue classiquement les méthodes on line (qui visent à atteindre les processus en temps réel) et les méthodes off line (appliquées après lecture du texte, et visant donc les traces mnésiques qui résultent de la compréhension). Les indicateurs on line et off line sont le plus souvent couplés.
46Les plus classiques des méthodes off line sont des tests de mémorisation (rappel ou reconnaissance), dont les variantes sont nombreuses (délais de rappel, consignes). La principale difficulté réside dans l’analyse des protocoles de rappel : il convient de définir une unité de comptage (la proposition apparaît comme l’unité la plus pertinente) et d’analyser le taux de recouvrement entre les propositions relevées dans les protocoles des participants et celles du texte original. L’épreuve de reconnaissance peut être assortie d’un jugement de certitude. De façon classique, un lecteur reconnaîtra avec une certitude forte les informations correspondant à des inférences qu’il a produites. Couplé à une mesure du temps, cet indicateur permet de tester l’accessibilité des informations en mémoire. D’autres tâches souvent utilisées consistent à demander aux participants de faire un résumé du texte. On s’intéresse alors plutôt aux propriétés de la macrostructure du texte.
47Les méthodes off line en général ne permettent pas de préciser à quel moment a eu lieu le traitement : en cours de lecture et/ou après la lecture ? Au moment de l’encodage ou au moment de la récupération des informations en mémoire ? De fait, les méthodes on line sont privilégiées, car elles peuvent être considérées comme des fenêtres sur ce qui se passe au cours même de la lecture. On peut donner trois raisons à leur développement rapide : 1/ la complexification des modèles théoriques, qui nécessitent, pour être départagés, des analyses et des mesures de plus en plus fines des processus en jeu (par exemple la distinction entre processus automatiques et stratégiques) ; 2/ le développement des outils informatiques, qui permettent des présentations très variées du matériel et la récupération d’indicateurs nombreux ; 3/le développement d’outils statistiques appropriés, en particulier la régression multiple, estimant le poids respectif de nombreux facteurs.
48Enfin, on distingue les techniques chronométriques et celles liées à la verbalisation en cours de lecture. Pour les techniques chronométriques, la technique ADFM (auto-décryptage par fenêtre mobile) consiste à présenter un texte segment par segment sur un écran d’ordinateur, cette présentation étant commandée par le lecteur. Le temps pendant lequel chaque segment reste exposé est souvent assimilé (cela est discuté) au temps de traitement du segment. L’APS (auto-présentation segmentée) fournit des indications d’effets concernant la nature des mots (effets lexicaux), de la phrase (complexité syntaxique) ou de la structure du texte (niveau textuel).
49La technique RSVP (présentation visuelle sérielle rapide) se caractérise par un défilement des informations contrôlé par l’expérimentateur. Le principe n’est donc pas d’utiliser le temps comme indicateur mais plutôt comme révélateur : imposer des temps courts, c’est tester les limites de capacités de traitement des lecteurs. Cette technique est ordinairement couplée avec une tâche secondaire que le lecteur doit mener à bien avec les capacités de traitement restantes. Le moment où le lecteur ne parvient plus à résoudre correctement la tâche secondaire signe indirectement les besoins en ressources cognitives dévolues à la tâche principale de lecture-compréhension.
50Pour approcher les contenus activés en mémoire de travail, on peut recueillir des verbalisations du lecteur pendant son activité de lecture (penser à voix haute). Leur utilisation est limitée à l’étude des processus contrôlés. Cette technique est à manier avec beaucoup de précautions, dans la mesure où l’activité de verbalisation peut interférer avec l’activité de lecture-compréhension proprement dite.
51De nouvelles techniques issues des neurosciences (tomographie par émission de positrons ; imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ; potentiels évoqués) sont appliquées à l’étude de la compréhension. Elles sont prometteuses si leurs résultats permettent d’aller au-delà des relevés comportementaux. On pourra se reporter à Ferstl (2007) ou Schmalhofer et Perfetti (2007) pour des études portant sur les inférences, la construction de la cohérence et les régions cérébrales activées au cours du traitement. On y trouvera également une approche critique des techniques de neuroimagerie.
Conclusion
52Dans un chapitre écrit pour la collection Cogniprisme en 2004, Jean-François Le Ny faisait un historique des relations que la psycholinguistique et la psychologie cognitive du langage ont entretenues avec les disciplines cognitives associées, en particulier la linguistique. Les relations actuelles entre ces disciplines se font sur un mode interactionnel et se caractérisent par la nature plus ponctuelle de leurs échanges. Sur le thème de la compréhension, la philosophie du langage, le traitement automatique des langues interagissent également fortement avec la psychologie cognitive, et les neurosciences sont appelées à occuper une place de plus en plus visible dans ce paysage.
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Notes de bas de page
1 Je remercie Jacques François et Hiltraud Dupuy-Engelhardt pour nos discussions autour de ce chapitre. Je remercie également Marie-Françoise Crété pour sa relecture.
2 Cette observation peut conduire à préconiser, en didactique des langues, les stratégies favorisant un apprentissage plus systématique du lexique (Cordier et Dupuy-Engelhardt 1994).
3 Les verbes faisant référence à des événements sont considérés ici comme des représentants typiques de l’ensemble des verbes.
4 Autrement dit, les effets sont additifs, et non pas de l’ordre de l’interaction.
5 Cf. Van Valin (2005) pour une discussion de cette position.
6 On se reportera aux analyses d’Andler (1990) sur le thème « connexionnisme et cognition ».
7 La plausibilité de la simulation a été testée dans les domaines suivants : compréhension des métaphores (Kintsch et Bowles 2002), jugements de similitude (Heit et Rubenstein 1994), inférences causales (Singer, Graesser et Trabasso 1994), résolution de problèmes (Quesada, Kintsch et Gomez 2002).
Auteur
Centre de recherche sur la cognition et l’apprentissage (CeRCA), Université de Poitiers, Maison des sciences de l’homme et de la société, 5, rue Théodore-Lefebvre, 86 000 Poitiers
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Informatique et sciences cognitives
Influences ou confluence ?
Catherine Garbay et Daniel Kayser (dir.)
2011