Chapitre 3. La cognition spatiale
p. 101-142
Texte intégral
1La question de l’espace et des comportements qui lui sont associés occupe une place privilégiée en psychologie et dans les sciences cognitives. Cette question a constitué, dès les origines de la psychologie, un sujet par excellence pour les comportementalistes, à commencer par les analystes du comportement animal. De façon intéressante, c’est aussi sur la question de l’espace que des vues particulièrement originales se sont exprimées et ont contribué à l’émergence de l’approche cognitive en psychologie, avec la prise en considération non plus seulement des comportements, mais aussi des représentations génératrices de ces comportements. C’est le cas du célèbre concept de « carte cognitive » introduit par Tolman (1948). On relèvera également que la question de l’espace, depuis longtemps présente dans les grandes disciplines classiques au premier rang desquelles les mathématiques et la philosophie, s’est vite avérée être un lieu de convergence pluridisciplinaire au cours des années de construction des sciences cognitives. En particulier, la psychologie et les neurosciences cognitives se sont très vite rencontrées sur ce terrain. Enfin, les chercheurs en linguistique, en intelligence artificielle, en communication homme-machine, en robotique, ont largement contribué à l’avancée des connaissances dans ce domaine, parallèlement au développement des technologies de plus en plus sophistiquées mises au service du déplacement humain.
2Aborder la question de la cognition spatiale impose de considérer les diverses acceptions de la notion d’espace, à commencer par les différentes « tailles » de l’espace, tel que celui-ci est appréhendé par l’esprit humain. Dan Montello (1993) a proposé de distinguer trois classes d’espace qualitativement distinctes, définies à partir de la relation que le corps humain entretient avec elles. Ainsi, l’espace dit « figurai » est un espace plus petit que le corps humain. C’est un espace proximal, qui peut être appréhendé à partir d’un point de vue unique et dont les propriétés sont perceptibles en l’absence de locomotion. Un espace de plus grande taille, caractérisé comme espace « panoramique » (vista) par Montello, est au moins aussi large, voire plus large, que le corps de l’individu, tout en pouvant encore être appréhendé à partir d’un seul point d’observation sans locomotion. Enfin, l’espace dit « environnemental » est plus étendu que le corps humain et en quelque sorte « contient » celui-ci. 11 n’est appréhendé que par la locomotion et sa représentation requiert l’intégration d’informations saisies à partir d’une succession de points de vue (cf. également Montello 2009).
3Dans une approche similaire, Barbara Tversky (2003) a proposé de distinguer trois types d’espaces fonctionnels : l’espace du corps, l’espace qui entoure le corps et l’espace de navigation. L’idée introduite est que ces espaces se distinguent les uns des autres au plan conceptuel, en relation avec les fonctions cognitives et les formes d’activité qu’ils mettent en œuvre. Non seulement les espaces de différentes échelles impliquent des mécanismes cognitifs distincts, mais le traitement de l’information, dans chaque cas, fait appel à des structures cérébrales différentes. Ainsi, les tâches spatiales portant sur des objets spatiaux de taille réduite (comme les tâches classiques de rotation mentale) sont associées à une activité pariétale, tandis que l’acquisition de connaissances spatiales à propos d’environnements étendus est connue pour impliquer l’hippocampe et les régions temporales.
4Un autre aspect de la diversité des réalités touchant à l’espace est la variété des conduites mises en œuvre, parmi lesquelles les plus étudiées ont certainement été les conduites de déplacement visant à l’atteinte de buts (visibles ou cachés) soit par reproduction de déplacements précédemment appris, soit par la création de cheminements inédits. Une forme spécifique de ces conduites est celle du « retour au gîte », très largement exploré en éthologie (cf. Bovet 1991 ; Ellen et Thinus-Blanc 1987). À un niveau plus complexe, on trouve les conduites d’« intégration de trajets » (path integration), qui permettent de trouver des solutions économiques à des problèmes spatiaux inédits, comme la création de raccourcis (cf. Loomis, Klatzky, Golledge et Philbeck 1999). Différentes formes de navigation « intelligente » s’appuient ainsi sur des formes de raisonnement qui vont bien au-delà des compétences spatiales proprement dites (cf. Hayes-Roth et Hayes-Roth 1979).
5Devant la diversité des conduites spatiales, dont plusieurs taxonomies pertinentes ont été proposées (cf. Allen 1999 ; Golledge 1999 ; Wiener, Büchner et Hölscher 2009), on est conduit à se demander si le traitement des différentes échelles de l’espace est sous-tendu par des mécanismes communs ou bien au contraire foncièrement distincts. Une étude particulièrement éclairante a été consacrée par Mary Hegarty à cette question (cf. Hegarty, Montello, Richardson, Ishikawa et Lovelace 2006). Dans cette étude, deux familles de tâches spatiales ont été considérées. Un premier groupe de tâches était composé de tests psychométriques classiques d’aptitudes spatiales, faisant appel à l’inspection, à l’imagination, à la transformation mentale de formes géométriques ou d’objets manipulables de petite taille (correspondant à la notion d’échelle « figurale » décrite par Montello). Le second groupe comprenait des tâches de navigation au sein d’espaces de grande étendue, requérant l’intégration des vues successives collectées le long d’un trajet (échelle « environnementale »). Par une étude corrélationnelle, cette investigation devait permettre d’établir si les capacités individuelles dans le traitement de l’information visuo-spatiale étaient également mobilisées dans la navigation au sein d’environnements étendus. Les résultats montrent que les aptitudes révélées sur des espaces de petite taille sont effectivement prédictives de la performance dans des tâches spatiales exécutées au sein d’environnements réels (mais aussi d’environnements simulés par des dispositifs de réalité virtuelle). Ce résultat est compatible avec l’hypothèse d’un recouvrement au moins partiel entre les capacités requises pour les deux échelles spatiales. Des arguments complémentaires proviennent d’études montrant que l’exécution de tâches distractives faisant appel aux ressources de la mémoire de travail visuo-spatiale a un impact négatif spécifique sur les performances de navigation au sein d’un environnement urbain réel (Garden, Cornoldi et Logie 2002) ou virtuel (Meilinger, Knauff et Bülthoff 2008).
6La complexité et la diversité des questions posées par la connaissance de l’espace sont encore accrues si l’on considère la variété des sources d’information permettant d’élaborer des connaissances spatiales et de guider des conduites adaptées. La vision et la kinesthésie/proprioception sont certainement les sources majeures des apprentissages spatiaux, le plus souvent combinées, mais susceptibles d’être mises en œuvre de manière séparée lorsque l’une seulement des deux modalités est fonctionnelle (cf. Berthoz 1997). L’étude de la navigation chez les personnes privées de vision atteste leurs capacités d’apprentissage et d’exécution de nombreuses tâches spatiales (cf. Klatzky, Loomis, Beall, Chance et Golledge 1998). En l’absence d’accès à l’information visuelle, les différences observées entre les personnes voyantes et les personnes aveugles se ramènent d’ailleurs souvent à des différences dans la durée d’exécution de la tâche (cf. Loomis et alii 1993 ; Tinti, Adenzato, Tamietto et Cornoldi 2006). Par ailleurs, l’acquisition de connaissances spatiales peut s’appuyer sur des substituts symboliques, en particulier cartographiques, qui permettent, moyennant la capacité, pour l’individu, d’interpréter des cartes et de mettre en correspondance leur contenu avec l’environnement, de créer des représentations d’un environnement non encore connu. L’aspect intéressant de l’information cartographique est de permettre la formation d’une représentation en survol d’une entité spatiale, ce qui crée des contraintes spécifiques lorsqu’il va s’agir d’utiliser cette connaissance pour effectuer des déplacements sur le terrain. Enfin, une autre sorte d’information symbolique susceptible de transmettre des connaissances spatiales en l’absence de contact perceptif avec un environnement particulier est le langage (cf. Bloom, Peterson, Nadel et Garrett 1996). La question se pose évidemment de savoir si la nature des représentations construites à partir de ces différentes sources d’information est la même, ou bien si ces représentations possèdent des traits qui retiennent des caractéristiques spécifiques de ces sources.
L’infrastructure cérébrale des conduites spatiales
7Les relations de l’individu à l’espace ont toujours constitué un sujet d’élection pour les comportementalistes. Les conduites de navigation constituent des observables qui sont généralement considérés comme l’expression comportementale de connaissances spatiales qui leur sont préexistantes. À partir de ce postulat, la psychologie cognitive a développé des stratégies visant à accéder aux représentations internes (non observables) à partir desquelles s’élaborent les conduites de navigation. Elle s’est également donné pour objectif de rendre compte des opérations calculatoires effectuées sur ces représentations et qui s’expriment au bout du compte par la performance spatiale.
8Comment saisir ces représentations internes ? L’individu ne doit pas nécessairement être « mis en mouvement » pour fournir au chercheur des informations sur les représentations qui guident ses déplacements. Les représentations spatiales s’expriment à travers une large panoplie d’indicateurs comportementaux n’impliquant pas le déplacement physique, mais permettant néanmoins d’évaluer indirectement le contenu et la structure de ces représentations. Une technique largement utilisée est celle du pointage en direction de repères au sein d’un environnement, offrant la possibilité d’une mesure de la déviation du pointage par rapport à la direction effective. L’erreur angulaire est alors utilisée comme révélateur des distorsions systématiques susceptibles de biaiser les représentations mentales d’un environnement. Il en va de même des estimations de distances, fortement affectées par la densité des repères situés le long des trajets correspondants (cf. Byrne 1979 ; Moar et Bower 1983 ; Thorndyke 1981 ; Thorndyke et Hayes-Roth 1982). Les chercheurs utilisent d’autres détours, comme la reconstruction cartographique ou le positionnement de repères sur des cartes muettes d’un environnement familier. L’analyse des « cartes cognitives » reconstruites à partir de telles procédures révèle à la fois la richesse de leur contenu, mais aussi leurs limites (cf Giraudo et Pailhous 1994 ; Tversky 1981). Enfin, moyennant la mise en œuvre d’outils d’analyse adéquats, les protocoles verbaux permettent de reconstituer les stratégies développées lors de la planification de déplacements complexes (cf. Spiers et Maguire 2008).
Corrélats cérébraux des représentations mentales de l’espace
9En complément aux études comportementales, la psychologie s’est donné pour objectif de saisir les corrélats cérébraux des représentations spatiales. Même si d’éminents chercheurs ont maintenu un cap cognitivo-comportemental sans engagement marqué du côté des neurosciences, la cognition spatiale offre un vaste terrain sur lequel la psychologie a rencontré de façon productive les neurosciences cognitives. La tendance s’exprime, on le sait, dans tous les domaines de la psychologie, mais le champ particulier de la cognition spatiale a pour intérêt de se rattacher à une tradition ancrée depuis longtemps dans les conceptions touchant au rôle de l’hippocampe dans la mémoire spatiale (cf O’Keefe et Nadel 1978) et, plus récemment, aux travaux sur les cellules de lieu (cf. Alvernhe, Van Cauter, Save et Poucet 2008 ; Dudchenko 2010 ; Moser, Kropff et Moser 2008).
10Chez l’homme, le rôle de l’hippocampe dans la représentation de l’espace a été spectaculairement confirmé par les travaux d’Eleanor Maguire, qui a choisi de s’intéresser à des personnes pouvant être considérées comme des « professionnels » de la navigation. Dans la ligne des travaux pionniers de Pailhous (1970), Maguire et alii (2000) se sont consacrés à l’étude des chauffeurs de taxi londoniens, qui sont connus pour être soumis à un apprentissage particulièrement approfondi et de longue haleine avant d’être autorisés à exercer leur profession. Les analyses en imagerie par résonance magnétique structurale montrent que le volume de la partie postérieure de l’hippocampe des chauffeurs de taxi est plus important que celui d’une population contrôle. Ceci est vrai également lorsque l’on compare les chauffeurs de taxi à des conducteurs de véhicules n’ayant pas à développer au quotidien une activité de planification spatiale, comme les chauffeurs de bus (cf. Maguire et alii 2003). En outre, chez les chauffeurs de taxi, cette région cérébrale est d’autant plus développée qu’ils ont une plus longue expérience de la conduite, fournissant ainsi un bel exemple de plasticité cérébrale dépendante de l’exercice. Par ailleurs, on sait que les lésions de l’hippocampe s’accompagnent de perturbations mesurables de la mémoire spatiale (Burgess 2002 ; Spiers, Maguire et Burgess 2001 ; Wolbers et Hegarty 2010).
11L’activation de l’hippocampe n’est pas seulement à l’œuvre pendant la construction des « cartes cognitives », mais aussi pendant la récupération en mémoire de l’information spatiale. Ainsi, cette activation est attestée dans diverses tâches de mémoire spatiale. Par exemple, la tomographie par émission de positrons (TEP) révèle que les régions postérieures et médianes de la structure sont impliquées lorsque l’individu simule mentalement un épisode de navigation le long d’un trajet précédemment mémorisé (cf. Ghaëm et alii 1997 ; Mellet et alii 2000). On notera que cette forme de navigation mentale se développe selon des paramètres chronométriques qui reflètent les durées correspondantes de l’exploration effective de l’environnement. Cette donnée parle en faveur du caractère analogique des représentations mentales de l’espace, tout au moins dans leur aspect dynamique, tout en restant compatible avec les hypothèses plus récentes sur le caractère supramodal de certaines formes de représentation spatiale (cf. Struiksma, Noordzij et Postma 2009).
12Si l’hippocampe est reconnu comme le site des représentations neurales de l’espace, d’autres régions ont également été identifiées pour leur rôle dans les conduites spatiales. Ainsi, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) révèle que le gyrus parahippocampique présente une activité spécifique pendant l’apprentissage et pendant la réactivation en mémoire de l’information topographique relative à un environnement spatial complexe, un labyrinthe virtuel par exemple (cf. Aguirre, Detre, Alsop et D’Esposito 1996). Les lésions de ce site sont également connues comme étant responsables de la désorientation topographique (cf. Epstein 2008). Les travaux de Gabriele Janzen ont également montré que le gyrus parahippocampique réagissait de façon différenciée aux repères visuels qui ont une signification pour guider le déplacement et aux repères dépourvus d’une telle signification. Ainsi, après l’apprentissage de déplacements au sein d’un environnement virtuel, l’IRMf révèle une activation parahippocampique plus élevée pendant la reconnaissance des repères qui étaient placés à des points de réorientation que pendant la reconnaissance des repères n’ayant pas de fonction d’aide à la prise de décision. Cette distinction de la pertinence des repères visuels semble d’ailleurs s’installer dès la première exposition de l’individu à l’environnement en question et se maintenir en mémoire à long terme. Enfin, la connectivité fonctionnelle entre le gyrus parahippocampique et l’hippocampe est corrélée avec les capacités navigationnelles (auto-évaluées) des individus (cf. Janzen, Wagensveld et Van Turennout 2007 ; Wegman et Janzen 2011).
La question des cadres de référence
13Une dimension importante de la cognition spatiale a suscité des recherches approfondies, tant sous l’angle comportemental que neurobiologique. Il s’agit de la question des cadres de référence utilisés par l’individu dans l’apprentissage et dans la navigation spatiale. Deux systèmes de référence sont généralement contrastés, un système égocentrique et un système allocentrique. Dans un cadre de référence égocentrique, le sujet (l’observateur) est le point de référence autour duquel s’organise l’espace environnant. Dans un tel cadre, les représentations que l’observateur garde en mémoire maintiennent la perspective en fonction de laquelle l’information a été codée. Par contraste, dans un cadre de référence allocentrique, la localisation des objets et leur orientation sont définies indépendamment de la position et de l’orientation de l’observateur. En d’autres termes, les représentations construites dans un tel cadre sont centrées sur les objets présents dans l’environnement. Pour résumer, tandis que dans un cadre de référence égocentrique, la position des objets est représentée en fonction de la perspective particulière adoptée par un observateur, un cadre allocentrique localise les points au sein d’un système qui reste extérieur à cet observateur et indépendant de la position de ce dernier (cf. Berthoz 1991 ; Klatzky 1998 ; McNamara 2003 ; Paillard 1991).
14L’enjeu est alors de rendre compte de la manière dont ces systèmes de référence se mettent en place, comment ils se développent à partir des expériences sensorielles et de l’activité locomotrice, comment les deux systèmes interagissent, et quelles structures cérébrales sont responsables de leur fonctionnement. La distinction entre les deux types de cadres de référence a été initialement documentée dans des situations de raisonnement spatial portant sur des matériels n’impliquant pas la navigation. Par exemple, on compare, d’une part, des jugements portés sur des éléments dont la position varie dans le champ visuel d’un sujet statique et, d’autre part, des jugements portant sur des éléments dont la position ne change pas, alors que c’est le sujet qui change de position et modifie donc sa perspective sur la scène (cf. Kozhevnikov et Hegarty 2001). L’expérimentation atteste que les capacités nécessaires à la production de jugements impliquant ces deux cadres de référence coexistent chez les individus, mais surtout qu’il est possible de changer de système en fonction des situations. Ainsi, après apprentissage d’une scène à partir d’une expérience perceptive (impliquant des changements de perspective en cours d’apprentissage, donc la mise à jour de représentations égocentriques), on demande aux participants de porter des jugements sur des relations allocentriques entre les objets composant la scène (cf. Avraamides, Loomis, Klatzky et Golledge 2004). Sur des scènes de taille plus restreinte qu’un espace de navigation, il a été montré que les modifications d’une perspective égocentrique sont associées à une augmentation de l’activité corticale au niveau de la jonction pariéto-temporo-occipitale gauche, ainsi que du cortex frontal gauche (cf. Zacks, Rypma, Gabrieli, Tversky et Glover 1999).
15L’étape expérimentale ultérieure consiste à mettre en évidence les interactions entre représentations égocentriques et allocentriques. Neil Burgess (2006) a suggéré que la distinction entre le cadre de référence égocentrique et le cadre allocentrique se superpose à la distinction entre la voie dorsale et la voie ventrale du traitement visuel. La coopération entre les deux systèmes se traduirait notamment par la possibilité pour le cortex pariétal de former des représentations égocentriques, qui constituent ensuite des entrées pour la création de cartes allocentrées au niveau de l’hippocampe. De façon symétrique, des représentations allocentriques disponibles en mémoire à long terme pourraient être mises à contribution pour créer des représentations égocentrées lorsque celles-ci doivent être orientées vers l’action.
16Dans des tâches plus directement liées à la navigation (même si, pour des raisons expérimentales, les espaces de déplacement sont souvent simulés à l’aide de dispositifs de réalité virtuelle), des possibilités de passage d’un cadre de référence égocentrique à un cadre allocentrique ont été attestées dans la mémorisation de déplacements, y compris de déplacements exécutés dans les trois dimensions de l’espace (cf. Vidal, Amorim et Berthoz 2004). Dans des tâches d’orientation topographique, l’IRMf a permis de mettre en évidence le rôle du cortex rétrosplénial, venant en complément de l’activation de l’hippocampe, dans la mise à jour des positions de l’individu lors des changements de cadre de référence (cf. Iaria, Chen, Guariglia, Ptito et Petrides 2007). Plus récemment, d’autres études ont permis de dégager certaines similitudes dans l’activation cérébrale induite par des tâches mobilisant des représentations égocentriques ou bien allocentriques, notamment au niveau de l’hippocampe, du gyrus parahippocampique, du cortex angulaire postérieur et du cortex rétrosplénial (cf. Latini-Corazzini et alii 2010).
17Si les neurosciences cognitives ont encore beaucoup à apporter à la compréhension des mécanismes cérébraux responsables de la représentation de l’espace, il faut aussi tenir compte des apports convergents provenant de la neuropsychologie. En particulier, un champ considérable, ouvert par Edoardo Bisiach (Bisiach et Luzzatti 1978), connaît un développement soutenu, permettant de rendre compte des circuits neuronaux concernés par le syndrome de négligence spatiale (cf. Denis, Beschin, Logie et Della Sala 2002 ; Guariglia, Padovani, Pantano et Pizzamiglio 1993 ; Iachini, Ruggiero, Conson et Trojano 2009).
Le langage et l’espace
18Si l’on peut raisonnablement penser que toutes les espèces animales forment des représentations de leurs espaces de déplacement et en font usage pour leurs propres comportements, les humains disposent d’un instrument privilégié, le langage, qui leur permet de communiquer à autrui leurs expériences spatiales et, de manière réciproque, de prendre connaissance de celles de leurs congénères. Ainsi, le monde spatial peut être codé sous forme d’énoncés linguistiques, tandis qu’en retour le traitement de tels énoncés permet de créer des représentations d’un espace non encore expérimenté. La description de scènes spatiales et des objets qu’elles contiennent, la délivrance d’aides verbales au déplacement d’autrui, la communication verbale d’événements, constituent autant de situations qui invitent le chercheur à rendre compte des mécanismes d’interfaçage entre les deux systèmes de représentation. Il conviendra toutefois de rester prudent vis-à-vis de l’idée d’une simple « traduction » d’un système dans l’autre. Ce ne sont, en général, que certains aspects de l’information portée par un système qui sont susceptibles d’être réexprimés par l’autre. Ainsi, la métrique inhérente à une scène n’est que rarement portée par l’énoncé qui décrit cette scène. Le chercheur devra donc identifier les aspects préservés et les aspects ignorés lors de cet interfaçage.
Les prépositions spatiales
19Pour les chercheurs en sciences du langage, la situation canonique de référence a longtemps été celle qui apparie une scène visuelle regroupant un petit nombre d’objets et une phrase locative décrivant cette scène (ou plutôt une relation entre deux ou plusieurs objets de cette scène). La description peut s’appliquer à des contenus statiques (« Le vase est sur le guéridon ») ou à des contenus de type événementiel (« Le chien passe derrière le fauteuil »). On doit à d’éminents linguistes, véritables pionniers dans le domaine, d’avoir décrit de façon détaillée la manière dont les prépositions permettent de spécifier la localisation d’entités physiques au sein de l’espace (cf Herskovits 1986 ; Vandeloise 1986). Cette inspiration s’est également exprimée dans d’autres approches, comme celle, remarquable, par laquelle Barbara Landau et Ray Jackendoff (1993) ont traité dans un même cadre théorique la manière dont le langage se réfère aux objets et celle dont il assure l’expression des relations spatiales entre ces objets. Alors que le lexique abonde en unités permettant d’étiqueter les objets, les relations spatiales entre ces objets sont portées par un nombre limité d’opérateurs linguistiques, à savoir les prépositions spatiales. Le schéma classique consiste à se référer à l’objet qui est à localiser (souvent désigné comme la « figure » ou le « thème ») et à l’objet par rapport auquel est localisée la figure (le « fond », la « référence », le relatum, selon les auteurs). La relation entre les deux objets est alors codée par une préposition qui, par rapport à l’objet de référence, définit la portion de l’espace où l’objet-figure est situé. On sait que les prépositions constituent les éléments d’une classe fermée du lexique. Ainsi, il existe un nombre limité de prépositions et de locutions prépositives spatiales dans toutes les langues (moins d’une centaine en français ou en anglais), en fort contraste avec le nombre de mots permettant de désigner des objets (plusieurs dizaines de milliers).
20Les noms et les prépositions s’appliquent à des ensembles de représentations distinctes. Les termes spatiaux de classe fermée correspondent aux représentations des relations spatiales entre objets (ou entre un observateur et des objets). Ils n’assurent qu’une fonction de localisation, sans se référer aux propriétés des objets qui occupent ces localisations. Les noms, pour leur part, correspondent aux représentations des objets. De fait, la distinction linguistique entre les noms et les prépositions s’ajuste de façon intéressante au contraste mis en évidence par la neurobiologie entre la représentation du « quoi » et la représentation du « où », et donc entre les circuits cérébraux mis en œuvre par ces deux types de représentations (cf. Ungerleider et Mishkin 1982 ; Borst, Thompson et Kosslyn 2011). Cette approche a contribué à illustrer, au sein des sciences cognitives, l’idée que l’on peut acquérir de l’information sur les processus de représentation mentale de l’espace en s’intéressant à la manière dont les humains s’expriment à propos de l’espace.
21Sans doute convient-il de modérer l’idée d’une applicabilité aveugle des opérateurs prépositionnels à tous les contextes, et donc de tenir compte des propriétés fonctionnelles des objets auxquels s’appliquent les prépositions spatiales. L’exemple bien connu de la préposition « sur » nous rappelle que cet opérateur inclut l’idée de support (sur un axe vertical) complétée par celle de contact. Cependant, le français enregistre comme acceptable la phrase « L’affiche est sur le mur » (qui ne prend en compte que la notion de contact). Des définitions purement géométriques des relations spatiales ne parviennent pas à rendre compte de la sémantique des prépositions dans toute sa complexité (cf. Aurnague, Vieu et Borillo 1997).
22Par ailleurs, la comparaison entre les langues a l’intérêt de faire apparaître que celles-ci considèrent de façons très diverses les situations auxquelles s’appliquent les énoncés utilisant des prépositions spatiales. Ainsi, Melissa Bowerman (1996) a montré que d’une langue à l’autre, différentes situations spatiales ne relèvent pas des mêmes catégories sémantiques, et qu’elles conduisent donc à l’utilisation de différents morphèmes spatiaux. La figure 1 illustre des situations impliquant des relations de contact, de support et de contenance. Dans beaucoup de langues, dont l’anglais et le français, les relations de contact et de support par une surface verticale (comme « la poignée sur la porte du placard ») sont traitées de la même manière que les relations de contact et de support par une surface horizontale (comme « la tasse sur la table »). Une préposition différente est utilisée pour traiter la relation de contenance (comme « la pomme dans le saladier »). Le finnois, de son côté, regroupe les trois situations d’une autre manière. La situation est encore différente pour le néerlandais, qui utilise pour sa part trois morphèmes distincts, et pour l’espagnol, qui ne différencie pas linguistiquement les trois situations.

Figure 1. – Le regroupement de trois situations spatiales dans quatre langues (anglais, finnois, néerlandais et espagnol). D’après Bowerman (1996 : 394).
23Cette variété dans l’usage des termes spatiaux nous introduit à une question plus générale : dans quelle mesure nos représentations mentales de l’espace sont-elles tributaires de la manière dont le langage nous apprend à découper le monde ? La question de la relativité linguistique, dans ses rapports avec une supposée relativité cognitive, va se poser à propos d’une autre dimension des représentations spatiales, celle des cadres de référence utilisés dans la production et la compréhension de descriptions verbales.
Cadres de référence et perspectives spatiales
24Lorsqu’il est présent sur une scène, un observateur a sur celle-ci une perspective, et une seule, celle que lui imposent la position actuelle de son corps et l’orientation de ses yeux. Mais grâce au langage, l’humain dispose d’une capacité importante, celle de pouvoir s’affranchir de la perspective qui s’impose perceptivement à lui à un moment donné. À cet effet, à l’aide d’une terminologie adéquate, un nouveau cadre de référence peut être créé par l’imagination, au sein duquel les objets vont être placés selon la nouvelle perspective adoptée.
25Si tous les genres grammaticaux contribuent à la terminologie spatiale, nous avons noté que les prépositions jouent un rôle descriptif essentiel en permettant, sur les trois axes de tout objet présent dans une scène (y compris l’observateur de cette scène), de délimiter des régions de l’espace et de caractériser la position d’un objet référent par rapport à son relatum. Les six opérateurs de base sont exprimés par six prépositions ou locutions prépositives : « devant », « derrière », « à gauche de », « à droite de », « au-dessus de », « au-dessous de » (cf. Franklin et Tversky 1990). À partir de ces ingrédients, il existe diverses manières de décrire la position des objets dans l’espace. Mais dans tous les cas, il est nécessaire pour le locuteur d’adopter (et de faire adopter par son interlocuteur) un cadre de référence particulier.
26Le cadre de référence qualifié classiquement de « déictique » est celui qui est centré sur l’observateur. Un objet sera déclaré « à gauche » d’un autre objet en prenant en compte factuelle gauche et factuelle droite de l’observateur-locuteur. Il s’ensuit que la description n’aura de sens pour le tiers à qui elle est destinée que si ce dernier connaît la perspective du locuteur. Ce cadre de référence est celui qui correspond à la notion de perspective égocentrique décrite plus haut. La même terminologie spatiale est également utilisable dans un contexte différent, lorsque le système de coordonnées utilisé pour positionner les objets est centré sur l’un de ceux-ci. Il s’agit alors du cadre de référence « intrinsèque », où les coordonnées sont définies en tenant compte des caractéristiques du relatum. Cette possibilité n’est guère offerte que pour les objets qui ont un avant, un arrière et des côtés identifiables. Enfin, le cadre de référence « extrinsèque » (ou « absolu ») repose sur l’existence d’axes arbitrairement fixés, généralement les directions cardinales. La référence est donc externe à la scène. La position d’un objet par rapport à un autre (« Le ballon est au nord de la bicyclette ») est déclarée sans référence à la position d’un observateur-énonciateur, ni aux caractéristiques intrinsèques des objets.
27Il existe des variantes de cette distinction classique. Ainsi, Levinson (1996) a suggéré une classification fondée sur le contraste entre le cadre de référence intrinsèque et non pas le cadre déictique classique (impliquant un observateur-énonciateur), mais un cadre pouvant impliquer tout observateur, y compris un observateur distinct de l’observateur énonciateur. La centration sur l’observateur conduit alors à concevoir un cadre de référence dit « relatif », dans lequel sont pris en considération le référent, le relatum, mais aussi la position de l’observateur. La figure 2 (page suivante) illustre les trois cadres de référence ainsi reconsidérés. Dans le cas relatif, une relation ternaire est considérée, incluant l’observateur. Pour celui-ci, « l’homme est à gauche de la maison », c’est-à-dire à gauche de la maison de son point de vue d’observateur, compte tenu de sa position et de son orientation courantes.
28On peut penser qu’une bonne communication implique que l’énonciateur choisisse un cadre de référence et s’y tienne, en maintenant le type de lexique adéquat pendant toute la description. En réalité, dans beaucoup de situations courantes, les locuteurs passent d’un cadre à un autre et les destinataires de la communication s’y adaptent sans forcément marquer de difficulté. Un joli exemple, fourni par Klein et Nüse, est celui de l’annonce d’un pilote aux commandes d’un avion qui arrive au-dessus de la Grèce : « La Grèce est juste au-dessous de nous. La grande île au-dessous de la Grèce, un peu à droite, est la Crète, et la petite tache blanche derrière la Crète est l’île de Karpathos » (1997 : 4). Au fil du discours, les locuteurs passent aisément d’une définition de l’espace à une autre (notamment, d’une interprétation déictique à une interprétation intrinsèque de « au-dessous »).

Figure 2. – Trois cadres de référence. D’après Levinson (1996 : 139).
29Le cadre de référence déictique est souvent présenté comme le cadre dominant, voire le cadre par défaut, lié à la perspective égocentrique. Du point de vue développemental, cette conception a en effet longtemps prévalu, avec l’hypothèse d’une apparition plus tardive du cadre de référence absolu, de la perspective allocentrique et du langage spatial qui leur est associé (cf. Piaget et Inhelder 1948 ; Siegel et White 1975). Pourtant, les travaux menés à la jonction de l’anthropologie et de la linguistique nous ont, depuis lors, révélé l’existence de langues qui, pour la description des positions d’objets, utilisent préférentiellement des axes arbitraires, assimilables à ceux de nos directions cardinales. C’est le cas d’une langue maya, le tzeltal, où l’expression des directions est dérivée des caractéristiques topographiques de l’environnement. Ainsi, « en descendant » est l’équivalent approximatif de « au nord », tandis que « en montant » est l’équivalent de « au sud » (cf. Levinson 2003). À Bali, également, un cadre de référence géocentrique est utilisé par les locuteurs dès leur plus jeune âge, permettant de distinguer ce qui se trouve « vers la montagne » et ce qui se trouve « vers la mer » (cf. Dasen et Mishra 2010 ; et aussi Haviland 1998 ; Hickmann et Robert 2006).
30Ces données nous ramènent à la question de savoir jusqu’à quel point le langage structure les représentations mentales de l’espace. À cet égard, des études montrent que les locuteurs de langues qui leur font adopter une perspective absolue dans leurs descriptions restent attachés à cette perspective lorsqu’ils traitent d’autres situations spatiales, même sans sortie verbale. Il existe en effet une tendance pour le cadre de référence dominant dans une langue donnée de rester le cadre de référence dominant dans d’autres modalités (comme des tâches spatiales non verbales). Cette conception whorfienne, défendue par Levinson (1996), mais discutée par Levelt (1996), doit toutefois tenir compte de l’existence de connaissances spatiales prélinguistiques. Il existe certainement des schémas cognitifs des situations spatiales (la relation de contenance, la relation de support) qui préexistent au langage (Bowerman 1996). Pour autant, il est avéré que dès que le langage s’installe, il contraint les processus cognitifs et contribue substantiellement au formatage de la cognition humaine.
Descriptions spatiales et modèles mentaux spatiaux
31Faire décrire une structure multidimensionnelle par un système de représentation unidimensionnel n’est pas chose aisée. C’est précisément ce qui rend si délicat l’exercice du langage, lorsque celui-ci est mis en œuvre en vue de décrire une entité spatiale bi- ou tridimensionnelle. Dans la mesure où, par construction, le langage produit des sorties de structure linéaire, son utilisation suppose des choix quant à l’ordre dans lequel les différentes parties d’une configuration ou d’un environnement doivent être verbalisées. L’activité littéraire offre des exemples de la difficulté éprouvée parfois par l’écrivain dans le choix des séquences linguistiques. Les manuscrits de l’Hérodias de Gustave Flaubert, par exemple, font apparaître, au fil des quatorze versions successives, les efforts de l’écrivain pour trouver la meilleure formulation de sa description de la citadelle de Machærous, dans l’incipit (cf. Grésillon, Lebrave et Fuchs 1991).
32La question de la linéarisation se pose avec une acuité particulière lorsque les objets à décrire possèdent une structure non contraignante, qui n’impose pas au locuteur de recourir à une structure discursive pré-codée et disponible dans son répertoire. Ainsi, il existe de nombreuses manières de décrire une même scène spatiale, dont un sous-ensemble seulement aura les caractéristiques d’un discours aisé à comprendre par l’interlocuteur. Il reste cependant possible d’identifier des structures dominantes reflétant des modes consistants de propositionalisation des scènes perçues. Par exemple, l’analyse linguistique des descriptions d’appartements fait apparaître que la représentation spatiale qu’un locuteur a de son environnement est spontanément traduite sous la forme d’une séquence pseudo-narrative dont la temporalité reflète celle d’un déplacement au sein de l’environnement (cf. Linde et Labov 1975). En complément de cette verbalisation de déplacements locomoteurs simulés (walking tours), on trouve également les discours adoptant la structure d’une exploration visuelle (gaze tours) (cf. Ehrich et Koster 1983 ; Shanon 1984). Le déplacement physique et le parcours du regard sont des modes naturels de prise de connaissance d’un environnement. Il n’est pas surprenant qu’ils en soient également les modes naturels de description (cf. Tversky, Taylor et Mainwaring 1997).
33Le processus de linéarisation dans la production du discours spatial a été spécialement étudié par Levelt (1982, 1989), qui s’est intéressé à des situations comportant une contrainte sur le point de départ de la description, obligeant donc le locuteur à choisir l’ordre dans lequel sera décrit un ensemble d’objets distribués dans un espace à deux dimensions. Levelt a montré que la majorité des descripteurs résolvaient le problème de la linéarisation de façon non aléatoire, c’est-à-dire en adoptant des stratégies minimisant le nombre d’éléments à maintenir simultanément en mémoire de travail (ou la durée de ce maintien). De façon intéressante, lorsque des personnes doivent décrire leurs images mentales de ces mêmes configurations d’objets, leurs modes de linéarisation révèlent de grandes similarités avec ceux utilisés pendant la description de configurations présentes à la perception (Robin et Denis 1991).
34Dans la description d’environnements spatiaux, une distinction majeure a été introduite par Taylor et Tversky (1992) entre perspective « en trajet » et perspective « en survol », et entre les deux types de textes reflétant ces perspectives. Une description en trajet est celle qui conduit le lecteur ou l’auditeur à adopter le point de vue d’une personne qui se déplace au sein d’un environnement. La description adopte une vue frontale, égocentrique, sur l’environnement, continuellement modifiée en fonction des réorientations successives. Le langage utilise principalement des termes égocentriques. Dans une description en survol, en revanche, l’environnement est décrit depuis un point surélevé. La description fournit une vue globale de la scène, depuis un point de vue allocentrique qui reste le même pendant toute la description. La terminologie cardinale a une probabilité élevée d’apparaître dans ce type de description.
35Comme on peut s’y attendre, le traitement de ces deux sortes de perspectives n’impose pas les mêmes contraintes cognitives. Au-delà des différences tenant au lexique utilisé, les modes d’appréhension de l’espace portés par ces deux formes de discours ont toutes chances de susciter la création de représentations mentales différentes chez le lecteur ou l’auditeur (cf. Perrig et Kintsch 1985). La théorie des « modèles mentaux » (ou « modèles de situation ») s’est avérée très utile pour rendre compte de ces représentations et de leur possible différenciation. Pour leur part, Taylor et Tversky (1992) ont été les premières à argumenter en faveur de modèles mentaux suffisamment abstraits et schématiques pour coder les relations spatiales entre objets décrits en trajet ou en survol, en tout cas non forcément biaisés par la perspective particulière adoptée pendant le traitement de la description spatiale.
36Par la suite, on a assisté à une floraison de travaux sur les propriétés comparées des modèles mentaux construits à partir des deux sortes de descriptions. Ainsi, Noordzij et Postma (2005) ont montré que l’information sur les distances pouvait être codée après l’une ou l’autre sorte de description, mais que les descriptions en survol conservaient une supériorité relative, en aidant l’auditeur à construire des représentations spatiales dans lesquelles la localisation des éléments est caractérisée par un grain plus fin que ce que permettent les descriptions en trajet. Les descriptions en trajet s’avèrent par ailleurs plus favorables à la construction de modèles spatiaux pour les personnes aveugles que pour les voyants (cf. Noordzij, Zuidhoek et Postma 2006). D’autres études ont confirmé que l’information métrique était codée de manière moins précise dans les représentations issues des descriptions en trajet (cf. Péruch, Chabanne, Nesa, Thinus-Blanc et Denis 2006). Par ailleurs, plusieurs études ont montré que des composantes distinctes de la mémoire de travail étaient sollicitées par les deux perspectives. Ainsi, la composante spatiale de la mémoire de travail visuo-spatiale est spécialement impliquée dans le traitement des descriptions en survol (cf. Deyzac, Logie et Denis 2006 ; Pazzaglia, Meneghetti, De Beni et Gyselinck 2010), et la transition cognitive accompagnant un changement de perspective est plus facile à effectuer lorsque l’apprentissage initial a porté sur une description en survol plutôt que sur une description en trajet (cf. Brunyé, Rapp et Taylor 2008).
37Les données cognitives et neurocognitives convergent sur la notion d’une authentique capacité des individus à construire des modèles spatiaux « véridiques » à partir de descriptions verbales et à y effectuer des calculs et des mises à jour efficaces (cf. Klatzky, Lippa, Loomis et Golledge 2003 ; Loomis, Lippa, Klatzky et Golledge 2002). Ces modèles mentaux, moyennant un apprentissage suffisant, peuvent incorporer une information métrique précise, comme en attestent les mesures chronométriques de l’exploration mentale des distances mémorisées (cf. Afonso et alii 2010 ; Denis 2008 ; Denis et Cocude 1992 ; Denis et Kosslyn 1999 ; Rinck et Denis 2004). De façon intéressante, la TEP permet de dégager la similitude des structures cérébrales mises en jeu pendant l’inspection des représentations construites après l’audition d’une description spatiale ou après l’étude de la carte d’un environnement (en l’occurrence, un réseau pariéto-frontal). Mais au-delà de cette similitude, une activation spécifique du gyrus angulaire et des zones du langage apparaît pendant le traitement de l’information issue de la description. Le cerveau paraît en somme conserver une trace de l’origine verbale de l’information spatiale gardée en mémoire (cf. Mellet et alii 2002).
Les descriptions d’itinéraires
38Les descriptions d’itinéraires constituent un genre très spécifique de discours spatial. Il s’agit d’un discours guidé par un objectif : aider au déplacement d’une personne dans un environnement avec lequel celle-ci n’est pas familière. Les descriptions d’itinéraires sont constituées d’une suite d’énoncés de natures très diverses. Elles contiennent tout d’abord un ensemble d’instructions relatives au déplacement (instructions de progression, de réorientation, de contournement, de dépassement, etc.), ce qui les fait relever d’un genre très particulier, le discours « procédural ». En outre, certaines parties du discours sont de nature essentiellement descriptive, fournissant à l’interlocuteur une représentation plus ou moins détaillée de l’environnement à traverser, notamment des éléments ayant valeur de repères. La partie descriptive du discours a pour fonction d’indiquer les points où chaque action critique doit être exécutée et, plus généralement, de permettre à l’interlocuteur de disposer à l’avance d’un « modèle visuel » de l’environnement. Enfin, les descriptions d’itinéraires sont le plus souvent produites dans le cadre d’une interaction sociale, impliquant un questionneur et un descripteur, ce qui a pour conséquence d’introduire dans le discours des actes de langage à faible contenu informatif, mais relevant plutôt de la sécurisation ou de la vérification.
39Une des premières approches notables des descriptions d’itinéraires a été développée par Wolfgang Klein (1982) dans une perspective linguistique, avec une focalisation sur l’usage des expressions déictiques inhérentes à ce type de discours. Plusieurs modèles ont été proposés par la suite, inspirés des concepts de la géographie cognitive (Couclelis 1996) ou guidés par des approches plus spécifiques de la psychologie cognitive (Allen 1997 ; Denis 1997). Chacun de ces modèles a ses particularités, mais tous convergent sur un même ensemble de traits. Tout d’abord, l’accent est mis sur les représentations mentales sollicitées chez le locuteur par le processus de description, sur celles que construit l’interlocuteur et sur le mécanisme d’expression linguistique qui établit le lien entre les unes et les autres, par la création d’un cadre de référence commun. Par ailleurs, il s’agit de décrire les caractéristiques de ce type de discours, notamment son organisation structurale. Cette organisation est essentiellement linéaire, mais l’opération de linéarisation n’est pas particulièrement problématique dans la mesure où elle s’applique à un objet – l’itinéraire – qui est lui-même linéaire. Ensuite, les analyses conduites sur les corpus recueillis visent à identifier, puis à catégoriser, les actes de langage impliqués dans la description d’itinéraires. Enfin, l’objectif est de dégager les principes susceptibles de réguler la production de ces actes de langage pour assurer leur meilleure efficacité dans la communication (cf. Allen 2000 ; Daniel et Denis 2004 ; Denis, Michon et Tom 2006 ; Hirtle, Richter, Srinivas et Firth 2010).
40Une fois identifiés ces principes rédactionnels, les spécialistes du comportement humain peuvent entreprendre de tester leur valeur effective dans des situations de navigation en environnement réel, en combinant éventuellement cette étude avec celle des caractéristiques individuelles présumées favorables à la construction de modèles mentaux spatiaux, comme les capacités d’imagerie visuo-spatiale (Gyselinck, Meneghetti, De Beni et Pazzaglia 2009 ; Pazzaglia et De Beni 2001). Les spécialistes en communication homme-machine et en ergonomie peuvent alors travailler à l’élaboration de dispositifs destinés à assister les personnes en déplacement dans des environnements complexes. Une attention particulière peut être apportée aux personnes souffrant de limitations sensorielles qui affectent leur perception de l’environnement, comme les personnes aveugles (cf. Klatzky, Marston, Giudice, Golledge et Loomis 2006). Éventuellement, d’autres caractéristiques individuelles peuvent être prises en considération pour leur impact négatif sur la performance, comme l’anxiété spatiale (cf. Lawton et Kallai 2002).
41Lorsqu’on demande à un échantillon de personnes familières avec un environnement de décrire un trajet particulier au sein de celui-ci, on est frappé par la grande diversité des productions recueillies. La taille des descriptions d’un même trajet peut varier du simple au triple ; les repères visuels peuvent être très divers d’un descripteur à l’autre ; la propension de ces derniers à fournir des détails de confirmation peut elle-même être très variable. Comment se fait-il que certains descripteurs entrent dans des détails apparemment excessifs tandis que d’autres illustrent au contraire un effort extrême de concision ? Ces constatations débouchent en fait sur deux questions, heureusement accessibles à la recherche. Tout d’abord, peut-on trouver des indicateurs qui permettent de classer les descriptions en fonction de leur valeur de communication ? Des évaluations globales produites par des juges permettent d’attribuer de tels « scores » à un ensemble de descriptions en langage naturel, mais une appréciation plus objective est souhaitable. En second lieu, peut-on trouver, au-delà de la diversité des protocoles individuels, une structure sous-jacente, l’équivalent d’une « macrostructure », qui résumerait adéquatement l’itinéraire et serait le « fil conducteur » dont chaque protocole constituerait une variation plus ou moins approchée ?
42Par une méthode statistique simple, il est possible de dégager, à partir d’un ensemble de protocoles individuels formatés sous forme propositionnelle, une « description squelette », c’est-à-dire le sous-ensemble d’énoncés nécessaires et juste suffisants pour permettre à une personne d’effectuer le déplacement sur l’itinéraire en question (Denis 1997). Cette description squelette est supposée avoir des qualités particulières comme aide au déplacement. Une fois cette opération effectuée, il est possible, à l’aide d’indices bien sélectionnés, de calculer la « distance » de chaque description individuelle par rapport à la description squelette. De façon intéressante, on s’aperçoit que les descriptions mesurées comme les plus proches de la description squelette sont justement celles que des juges, dans une estimation comparative, ont identifiées comme « les meilleures ». Enfin, le test ultime de la qualité des descriptions est leur capacité à aider un navigateur à se déplacer dans l’environnement décrit. L’efficacité des descriptions squelettes et des descriptions individuelles jugées « les meilleures » par des juges indépendants (opposées à des descriptions jugées « les moins bonnes ») a été attestée dans divers environnements, depuis des environnements urbains très complexes (comme la ville de Venise ; cf. Denis, Pazzaglia, Cornoldi et Bertolo 1999) jusqu’à des espaces plus ouverts (comme des campus universitaires ; cf. Daniel, Tom, Manghi et Denis 2003). Des personnes placées pour la première fois dans de tels environnements et invitées à utiliser diverses versions d’une description d’itinéraire manifestent des conduites contrastées, mesurables par la fréquence des erreurs directionnelles, le nombre de pauses pendant la locomotion et les demandes d’assistance à l’expérimentateur. Des propriétés objectives du langage spatial s’avèrent ainsi prédictives des performances de navigation auxquelles ce langage est supposé apporter son assistance.
Modélisation et systèmes d’aide au déplacement
43Les interactions de la psychologie avec les sciences de l’artificiel sont particulièrement notables dans le domaine de la cognition spatiale. Elles ont permis d’aborder conceptuellement au sein d’un même cadre toutes les sortes d’agents cognitifs concernés par le traitement de l’espace, qu’il s’agisse d’agents naturels ou d’agents artificiels, et que ces agents existent effectivement dans le monde physique ou bien correspondent à des notions décrites par des formalismes abstraits. On doit à Christian Freksa, promoteur d’ambitieux programmes de recherche en informatique sur la cognition spatiale, d’avoir proclamé la nécessité de soumettre ces différents systèmes à une approche commune si l’on veut identifier les principes sous-jacents qu’ils partagent en matière de traitement de l’information spatiale. En maintenant une relation étroite entre les concepts spatiaux manipulés par l’homme et par les agents artificiels, le cogniticien inscrit dans son cahier des charges la question de la communication entre les uns et les autres. Il contribue alors au développement de systèmes d’aide qui viennent compléter (plutôt que remplacer) les capacités cognitives humaines (Freksa 2004). En développant des modèles cognitivement plausibles du raisonnement spatial humain, les sciences de l’artificiel visent la création de systèmes computationnels mieux ajustés aux capacités et aux attentes des utilisateurs.
Contributions de l’intelligence artificielle et de la robotique
44Au cours des dernières années, les contributions de l’intelligence artificielle ont été illustrées sous la forme de divers modèles computationnels. Le plus ancien est sans doute le modèle TOUR (Kuipers 1978), qui s’appuyait sur la notion de carte cognitive, vue à la fois comme réseau et comme répertoire de trajets. Le modèle incluait des représentations correspondant aux connaissances spatiales, une mémoire de travail représentée par un pointeur de localisation et des règles d’inférence permettant de manipuler les connaissances spatiales. Plus tard, le projet VITRA GUIDE (Herzog et Wazinski 1994 ; Maass 1993) a proposé un modèle computationnel dans lequel la description d’itinéraires était soumise à un processus incrémental, par lequel le parcours était progressivement affiné au cours de la navigation. Pour sa part, le modèle PLAN (Chown, Kaplan et Kortenkamp 1995) a présenté l’originalité d’assurer une représentation intégrée des processus de construction et d’utilisation des cartes cognitives dans la recherche de trajets, en s’inspirant directement de la distinction neurobiologique entre le traitement du « quoi » et le traitement du « où ».
45Plus récemment, plusieurs thématiques ont été fortement mises en avant par les chercheurs en intelligence artificielle intéressés par les questions touchant à l’espace. L’une d’elles concerne le raisonnement qualitatif. Dans le domaine spatial, où l’approche géométrique permet de calculer avec précision les relations spatiales à partir de mesures quantitatives, le raisonnement qualitatif ouvre la possibilité de manipuler des représentations de faible résolution pour décrire de façon néanmoins satisfaisante l’état de ces relations. Plusieurs programmes ont été engagés en vue de développer des modèles formels du raisonnement qualitatif utilisables au sein d’un système computationnel (cf. Ligozat 2005). Bien des efforts ont également été développés autour de la relation de voisinage. Cette relation qualitative est vague et largement dépendante du contexte. De plus, la perception du voisinage ou de la proximité n’est pas toujours symétrique. En dépit de cela, la relation de voisinage est souvent utilisée avec efficacité dans le raisonnement humain. Dans le développement des interfaces de systèmes d’information géographique (SIG) mieux équipés pour répondre aux attentes des utilisateurs, le développement de modèles fondés sur la notion d’espace vectoriel qualitatif aboutit à un compromis adéquat entre les exigences computationnelles et la prise en compte de la perspective cognitive (cf. Duckham et Worboys 2001 ; Worboys et Duckham 2004). Par exemple, des systèmes permettent d’atteindre des formes acceptables de dialogue collaboratif à propos de concepts spatiaux imprécis dans les interactions entre un SIG et son utilisateur (cf. Cai, Wang et MacEachren 2003).
46La robotique est évidemment un terrain d’élection pour tester les possibilités de développement de conduites spatiales inspirées du comportement humain. Au-delà des différences caractérisant les capacités sensorielles et comportementales des humains et des robots, les problématiques touchant à la navigation s’avèrent souvent très similaires dans les deux cas. Ainsi, la fonction des repères, tant dans la navigation humaine que dans la navigation robotique, est aujourd’hui bien documentée (cf. Hirtle 2008). Par ailleurs, la possibilité de guider des agents artificiels par des instructions en langage naturel est depuis longtemps un fort enjeu de recherche (cf. Werner, Krieg-Brückner, Mallot, Schweizer et Freksa 1997).
47Des illustrations en ont été offertes dans divers programmes de recherche. Un bon exemple est la définition d’architectures pour des systèmes de dialogue capables d’extraire, à partir d’instructions verbales fournies par un utilisateur, des procédures de déplacement exécutables par un robot. Le robot, qui dispose d’une base de données construite à partir de tâches précédemment apprises, exécute l’instruction nouvelle qui lui est adressée (« Va jusqu’au bureau de poste »). Si le trajet lui est inconnu, il demande à l’utilisateur d’expliquer comment, étape par étape, il doit l’exécuter. Au terme de ce dialogue, le robot dispose de la procédure qu’il vient de construire et l’incorpore à sa base de connaissances (cf. Lauria, Bugmann, Kyriacou, Bos et Klein 2002). De la même façon, des dispositifs mobiles autonomes peuvent être destinataires d’instructions verbales délivrées en langage naturel. Quand le système reçoit une commande (« Traverse la pièce »), il construit une représentation en s’appuyant sur le lexique dont il dispose et crée un « script » qui sélectionne le but à atteindre par le dispositif (cf. Tellex et alii 2011). L’objectif est alors de donner un degré de généralité suffisant au processus pour que le système soit fonctionnel dans une variété de contextes « situés ».
Les aides au déplacement
48Même si les descriptions spatiales produites par les humains sont très variables, voire parfois sous-optimales (cf. Hölscher, Tenbrink et Wiener 2011), il n’en reste pas moins que la conception de systèmes informatisés d’aide au déplacement a tout intérêt à tenir compte des caractéristiques de la cognition humaine et à les inclure dans le processus de communication entre l’homme et la machine. Par exemple, il peut être judicieux que le système sélectionne de préférence des itinéraires qui minimisent la complexité de leur description, même s’ils sont un peu plus longs à parcourir (cf. Duckham et Kulik 2003). Par ailleurs, on sait que lorsqu’un individu délivre à quelqu’un des instructions de déplacement, un locuteur « amical » aura tendance à adapter son discours à ce qu’il sait (ou présume) être l’état des connaissances de son interlocuteur. Les systèmes d’aide à la navigation, pour leur part, supposent classiquement l’absence de connaissances (ou un niveau très limité de connaissances) chez l’utilisateur. Une bonne manière de personnaliser l’assistance à la navigation consiste donc à déterminer le niveau de connaissances du demandeur et à fournir à celui-ci des instructions adaptées, c’est-à-dire individualisées. Richter, Tomko et Winter (2008) ont proposé une formalisation de ce problème et ont développé un algorithme pour la génération d’instructions fondée sur un dialogue préalable. De leur côté, Tenbrink et Winter (2009) ont examiné la question de la granularité variable au sein des descriptions spatiales. Certaines parties d’une description d’itinéraire, notamment sur des trajets comportant des degrés variables de complexité, requièrent une granularité plus fine que d’autres. Les humains montrent une grande flexibilité dans le passage de descriptions à grain grossier à des descriptions à grain plus fin, et vice versa. C’est un défi pour les concepteurs que d’inclure cette capacité dans les systèmes de génération automatisée de descriptions d’itinéraires.
49Dans la conception de tels systèmes, une question importante est celle de la sélection des repères au sein de l’environnement et de leur inclusion dans les descriptions. En particulier, il s’agit de savoir si l’extraction des repères est un processus à un certain degré automatisable. Il se trouve que nombre de services d’aide à la navigation produisent des instructions qui s’appuient principalement sur le réseau géométrique des voies, qui est souvent la seule base de données disponible. Les auteurs de systèmes de navigation souhaitent pourtant enrichir les descriptions en y incluant la référence à des repères visuels, tout comme le font les descripteurs humains. Raubal et Winter (2002) ont développé une approche formelle visant à extraire, parmi les caractéristiques visuelles d’un environnement, les éléments susceptibles de se voir conférer le statut de repères, sur la base d’une mesure de leur saillance perceptive. Ainsi, la saillance d’un bâtiment résulte de la combinaison d’un ensemble de traits : dimension de la façade, forme, couleur, contraste figure/fond. Dans une fraction donnée de l’environnement, à un point du trajet impliquant une décision critique, le bâtiment possédant les mesures les plus élevées de saillance est sélectionné automatiquement et est inclus dans une instruction (cf Klippel et Winter 2005 ; Nothegger, Winter et Raubal 2004). De façon intéressante, la sélection des repères par cette procédure automatisée s’avère fortement corrélée avec les choix effectués par les humains.
Conclusions et extensions
50Le lecteur aura compris que ce chapitre, sans prétendre couvrir l’intégralité des travaux du domaine, visait à montrer l’étendue des disciplines présentes dans le champ de la cognition spatiale et la richesse de leurs interactions. En prenant pour perspective de départ la discipline la mieux équipée pour traiter à la fois des comportements et des représentations, éléments essentiels du domaine en question, il est aisé de montrer comment les autres disciplines trouvent des articulations avec la psychologie et contribuent solidairement à l’avancement du projet des sciences cognitives, jusque dans les réalisations technologiques les plus sophistiquées où se rencontrent le naturel et l’artificiel.
51Il est juste de mentionner, en conclusion, un domaine en pleine expansion, qui articule la recherche scientifique à des réalisations technologiques avancées : le domaine de la réalité virtuelle. On a vu que plusieurs des travaux cités dans ce chapitre utilisaient les ressources de la réalité virtuelle comme cadre expérimental pour étudier le traitement cognitif de l’espace et les stratégies de navigation. Des synthèses sur cette question sont disponibles dans plusieurs chapitres du Traité de la réalité virtuelle (cf. Denis et Donikian 2009 ; Péruch et Latini-Corazzini 2006). Une contribution notable dans ce domaine est celle de Hanspeter Mallot, qui a fait un usage particulièrement créatif de la réalité virtuelle pour étudier les mécanismes cognitifs mis en œuvre dans la planification de trajets. La création d’un environnement de grande échelle (l’environnement Hexatown) lui a notamment permis d’étudier la manière dont les lieux se regroupent en régions pour former des nœuds de niveau supérieur dans une représentation en graphes de l’espace (cf. Hölscher, Schnee, Dahmen, Setia et Mallot 2005 ; Mallot et Gillner 2000 ; Wiener et Mallot 2003). Et ce n’est pas l’une des moindres réussites de Mallot et de son équipe que d’avoir créé des environnements virtuels spécifiquement destinés à l’étude de la navigation chez le rat !
52Dans beaucoup de cas, la réalité virtuelle est utilisée comme pur substitut d’une situation réelle, avec le postulat implicite que l’expérience d’immersion en réalité virtuelle est un reflet véridique de celle qu’une personne connaît dans un environnement spatial réel. En réalité, la fonction de substitution a ses limites ; mais il reste pleinement justifié aujourd’hui d’intégrer dans la recherche les modes spécifiques de connaissance de l’espace rendus possible par cette technologie, ainsi que les possibilités de transfert d’apprentissage lorsque l’information acquise dans un environnement virtuel doit être réutilisée en environnement réel.
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Auteur
Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (LIMSI-CNRS), Groupe Cognition, perception, usages, BP 133, 91 403 Orsay Cedex
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Informatique et sciences cognitives
Influences ou confluence ?
Catherine Garbay et Daniel Kayser (dir.)
2011