Chapitre 2. Sensorimotricité et performance motrice
p. 71-99
Texte intégral
L’intelligence sensorimotrice
1Considérer la motricité humaine comme un objet d’étude scientifique est une motivation relativement récente, puisqu’à peine plus d’un siècle s’est écoulé depuis les études de Woodworth (1899). Depuis ces travaux fondateurs, que de chemin parcouru ! Parmi les facteurs pouvant expliquer cet intérêt, le principal est sans doute notre curiosité à comprendre comment nous, êtres humains, bougeons. Bien que certains animaux puissent se déplacer plus vite, quelquefois de façon plus élégante, sauter plus haut, etc., la motricité humaine demeure singulière et complexe. Les capacités motrices particulières de l’homme, qui est capable de se tenir et de se déplacer debout, de communiquer verbalement, de planifier des actions futures, d’anticiper des événements, ont suscité le développement rapide des recherches sur la motricité. Comprendre, soigner, suppléer, accompagner sont autant de motivations pour tous les chercheurs, issus de différents champs disciplinaires, pour analyser et étudier le comportement moteur de l’homme.
2Pour les sciences du mouvement humain, le défi premier est de comprendre comment, parmi une infinité de solutions possibles, le cerveau parvient à coordonner les mouvements des multiples segments corporels afin de produire une performance motrice efficiente. Le problème identifié par Bernstein en 1967 – comment réduire les degrés de liberté du corps humain pour rendre le système contrôlable – peut être vu comme la question principale à résoudre. Historiquement parlant, trois disciplines traditionnelles s’y sont attelées : la physiologie, la neurologie et la psychologie. Cependant, certains concepts, originellement conçus pour d’autres disciplines (par exemple, les sciences de l’ingénieur), ont également contribué au développement des connaissances sur le contrôle moteur, notamment la sensorimotricité. C’est le cas de la théorie de l’information de Shannon et Weaver (1949) et de la théorie des systèmes ou cybernétique (Wiener 1948), qui ont inspiré Paul Fitts lorsqu’il a proposé sa fameuse loi en 1954. En effet, les neurosciences intégratives et comportementales, dans leur effort pour mieux comprendre la façon dont le cerveau contrôle nos actions, ont souvent emprunté des cadres et des modèles théoriques, ainsi que des méthodologies, à d’autres disciplines comme la physique ou les sciences de la communication. Durant les années 1960, du fait de l’émergence de l’électronique, de l’automatique et de l’informatique, les psychologues et les neurophysiologistes ont été fascinés par des approches rigoureuses et efficaces fondées sur des outils théoriques tels que la cybernétique, le traitement du signal, la théorie de l’information. Ce contexte a considérablement formaté leur façon de penser. Plus récemment, de nouvelles théories telles que l’approche des systèmes dynamiques non linéaires ou la synergétique (Kelso 1984) ont émergé, influençant la façon dont les psychologues abordent les sciences du mouvement humain.
3D’autre part, le développement des techniques non invasives, qui fournissent des indices indirects et plus globaux des changements d’activité neuronale pendant la performance motrice, s’est récemment accéléré : les études d’imagerie cérébrale par émission de positrons (TEP), l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf), l’électro-encéphalographie (EEG) ou la magnéto-encéphalographie (MEG) fournissent des corrélats fonctionnels des changements localisés de l’activité cérébrale induits lors du comportement moteur. Encore plus récemment, la réalité virtuelle est devenue un outil de choix pour l’étude du comportement moteur et en particulier de la sensorimotricité.
4À ce jour, la connaissance des systèmes sensorimoteurs a considérablement évolué grâce aux approches multidisciplinaires dont nous venons de parler. Le cheminement de l’information sensorielle, du récepteur le plus périphérique jusqu’à la production finale de l’acte moteur, commence à révéler ses secrets. Le début du chapitre décrit un ensemble de faits expérimentaux et de théories se rapportant aux liens entre systèmes sensoriels et moteurs. L’information sensorielle, à l’origine de notre perception du monde, affecte directement les actes que nous réalisons. Une étape importante de ce processus est constituée par la chaîne de transformation sensorimotrice, permettant en particulier les changements de métrique entre les versants sensoriels et moteurs. Ces chaînes de transformation sont plastiques, adaptables. En effet, afin de maintenir la performance, l’évolution a fait apparaître un mécanisme appelé « adaptation sensorimotrice ». Par cette expression, on se réfère à des processus neuronaux agissant sur, ou influençant, la plupart des comportements moteurs et permettant de maintenir une performance lorsque les propriétés du corps et/ou celles de l’environnement évoluent. Cet ensemble de propriétés définit ce que Nicolas Franceschini appelle « l’intelligence sensorimotrice des animaux » (Franceschini, Pichon et Blanes 1997), intelligence sans aucun doute plus nécessaire à la survie que celle qui se mesure en quotient. La suite du chapitre, plus méthodologique, décrit les dernières techniques permettant d’analyser et de mieux comprendre les systèmes sensorimoteurs, avec un accent particulier mis sur les technologies liées à l’image interactive.
Systèmes sensorimoteurs : définitions et caractérisation
5Les êtres vivants disposent de mécanismes sensorimoteurs qui leur permettent d’établir des relations entre eux et le milieu environnant. L’exécution de ces fonctions de relation nécessite le plus souvent un contrôle permettant la comparaison entre les actes moteurs et les informations sensorielles, que celles-ci soient directement la conséquence du mouvement ou non. Ces contrôles permettent en particulier de compenser les erreurs pendant l’exécution ou d’adapter cette exécution soit à des contraintes environnementales, soit à une altération de la perception ou, sur un plus long terme, à une évolution des paramètres corporels au cours du développement ou du vieillissement (longueur des membres, efficacité des muscles, etc.).
6L’approche cybernétique des systèmes biologiques, développée à la fin des années 1960 et qui a connu un essor majeur de son application au contrôle moteur dans les années 1970 et 1980, a introduit dans l’étude de la sensorimotricité un vocabulaire propre dont un exemple important est le mot « contrôle », qui n’est pas utilisé ici dans son sens courant de « surveillance » ou de « supervision », mais plutôt dans le sens de « commande » et de « régulation ». Les neurosciences comportementales ont fait leurs (parfois abusivement) des termes apportés par les ingénieurs. Ainsi, « rétroaction » (feedback) est souvent utilisé en lieu et place d’« afférence » (vision, proprioception), bien que le second terme fasse référence au signal (ou même à l’information véhiculée), alors que le premier concerne plutôt l’action de ce signal sur le système.
7On décompose classiquement un système sensorimoteur susceptible d’accomplir une fonction déterminée en un étage sensoriel périphérique d’entrée, un étage central de commande, un étage périphérique d’exécution et des relations permettant l’asservissement, au sens cybernétique du terme. Cet asservissement fournit à tout instant à l’organe de contrôle les informations de correction issues de la comparaison entre l’action souhaitée et l’action réalisée.
8Pour établir une correspondance en neurosciences, nous dirons que l’étage sensoriel est constitué des récepteurs périphériques, des voies qui transmettent au système nerveux central (SNC) les informations sensorielles (otolithiques, vestibulaires, proprioceptives, tactiles, auditives et visuelles) et des aires corticales traitant ces informations primaires. L’étage central de commande est constitué par le cortex frontal (mouvements volontaires) et par des zones spécialisées des cortex pariétaux et moteurs (mouvements effectués en réponse à des stimuli extérieurs). Certaines structures sous-corticales impliquées dans le mouvement (cervelet, thalamus, ganglions de la base) sont considérées comme faisant partie de la commande, mais également de la régulation. L’étage d’exécution est à l’origine des diverses activités motrices, qu’elles soient volontaires ou automatiques. Le cortex cérébral, par l’intermédiaire des voies pyramidales et extrapyramidales, agit sur les motoneurones du tronc cérébral (oculomotricité) et de la corne antérieure de la moelle épinière (motricité des membres). L’étage de régulation est constitué principalement par le cervelet et les noyaux gris de la base, qui jouent le rôle que l’on sait dans la posture et le mouvement volontaire, en particulier en permettant la coordination des activités des muscles agonistes et antagonistes impliqués dans le mouvement.
Modéliser le mouvement pour le comprendre
9Nombreux sont les modèles expérimentaux qui visent à décrire le fonctionnement des systèmes sensorimoteurs. Nous nous intéresserons essentiellement dans ce qui suit au système oculomoteur et au système moteur du bras, l’ensemble constituant une entité fonctionnelle : le système visuo-oculo-manuel. L’interaction profonde qui s’établit entre le système oculomoteur et le système manuel permet à ces deux systèmes d’évoluer en harmonie. Les problèmes que doit résoudre le cerveau pour permettre au corps de bouger et ainsi assurer la réussite de ses actions sont, bien entendu, d’abord des problèmes de mécanique (Massion 1997). La psychologie l’a longtemps oublié, tant elle était fascinée par le langage et convaincue que les fonctions supérieures du cerveau sont essentiellement de nature cognitive. Pour comprendre comment nous bougeons, il faut donc d’abord comprendre la mécanique, et c’est le rôle de la biomécanique de nous y aider. Les neurosciences nous permettent de mieux comprendre comment une telle performance est réalisée, mais l’exercice consistant à proposer un modèle cohérent, et surtout consensuel, est ardu, beaucoup plus qu’en physique, ou même en biologie cellulaire et moléculaire. Cette difficulté s’explique par la grande redondance du système, qui empêche de proposer une solution unique à la question : comment générer une commande permettant un mouvement donné ?
10Le corps humain est caractérisé par un grand nombre de degrés de liberté (ddl), chaque articulation correspondant à un à trois ddl. En fait, la plupart du temps, il en faut bien moins. Les biomécaniciens étant ainsi confrontés à un problème sans solution unique, des contraintes supplémentaires sont nécessaires pour réduire le nombre de ddl à contrôler. Le problème essentiel que doivent résoudre les sciences du mouvement humain est alors celui de cette réduction. On doit à Bernstein (1967) d’avoir, pour la première fois, formulé ce problème. Bernstein voulait ainsi montrer à quel point il est complexe de contrôler les systèmes qui nécessitent la coordination de plus de deux ddl. Il insistait sur le fait que le problème essentiel est celui de la coordination. Les centaines de ddl qui caractérisent l’organisation anatomique du squelette auraient rendu le contrôle du mouvement impossible si n’étaient apparues, au cours de l’évolution, des stratégies pour réduire à la fois le nombre de ddl mécaniques par l’organisation de la géométrie du squelette, mais aussi le nombre de ddl que le SNC doit contrôler. Un des buts de l’étude du contrôle moteur est de comprendre quelles solutions la nature a trouvées pour réduire les ddl à contrôler. La plupart des modèles actuels considèrent que cette réduction se fait soit en introduisant dans le système d’équation des contraintes d’optimisation, soit en groupant les ddl entre eux sous forme de variables complexes dont les sous-éléments covarient.
11Cette redondance (ou plutôt multiplicité) des ddl a pour conséquence (mais aussi avantage) que pour déplacer un segment du corps d’une posture à une autre, une infinité de trajectoires sont possibles, et se valent toutes a priori. Pourquoi alors en choisir une plutôt qu’une autre ? La solution pourrait consister à étudier les contraintes auxquelles le corps est soumis, ou les principes qu’il est amené à respecter. Un de ces principes a été proposé par Hogan et Flash en 1987, celui du minimum jerk (secousse minimale, la secousse étant la dérivée de l’accélération). Ce principe propose que les trajectoires produites par les différents segments du corps sont celles qui minimisent la secousse.
12L’application de ce critère a pour résultat de limiter grandement le nombre de trajectoires possibles (en théorie, une seule trajectoire correspond réellement à une minimisation de ce critère). De plus, selon Hogan et Flash, lorsque ce critère est respecté, les mouvements paraissent naturels et « gracieux ». Il a été montré par la suite que lorsque ce critère était respecté pour tous les mouvements du corps d’un humanoïde, ces mouvements étaient perçus par un observateur comme « naturels » et similaires à ceux d’un être vivant.
13Comment ces trajectoires sont-elles contrôlées par le SNC ? Deux grandes conceptions s’opposent. Pour la première, le SNC génère des commandes adressées aux muscles sur la base d’une intention. La trajectoire résulte donc essentiellement de l’activité neuronale. Pour l’autre conception, la trajectoire émerge de contraintes diverses (dont la mécanique) et l’activité du SNC n’est qu’une contrainte parmi d’autres.
14Le concept de programme moteur a été introduit dans le domaine de l’organisation du mouvement volontaire dans la mesure où celui-ci peut encore être réalisé après désafférentation du membre et en l’absence de contrôle visuel. La notion de programme a également été introduite sur la base d’autres arguments, considérant que les mouvements rapides s’exécutent sans que les afférences liées à l’exécution puissent intervenir pour en contrôler le cours. On en a déduit que les commandes centrales étaient organisées avant le début du mouvement, stockées, puis rejouées. C’est généralement ainsi que fonctionnent les robots industriels.
15Pour expliquer la grande diversité de nos gestes et leur adaptabilité au contexte, Schmidt (1988) a introduit le concept de « programme moteur généralisé ». Il existerait pour une classe d’activités un programme unique intégrant un certain nombre d’invariants et qui pourrait être ensuite ajusté sur le plan spatiotemporel pour répondre aux différents paramètres exigés par un mouvement donné dans cette classe d’activités. L’exécution de mouvements monoarticulaires de différentes amplitudes ou vitesses en serait un exemple. L’invariant serait la forme de la trajectoire, celle-ci pouvant être dilatée dans le temps ou en amplitude selon les exigences de l’acte.
16Ce concept a récemment évolué et a donné naissance à celui du « modèle interne », qui permet de produire la commande motrice et d’en prédire les conséquences mécaniques. Avant d’aller plus loin, il faut comprendre le « problème inverse ». Supposons que vous souhaitiez dessiner un cercle et que les neurones du cortex moteur déchargent en produisant sur les motoneurones du bras une activation qui corresponde au mouvement requis pour faire un cercle. Cette commande neuronale va activer des muscles qui ont une géométrie, une raideur et une viscosité, lesquels vont activer le bras qui a une inertie, etc. La commande motrice va donc passer au travers des propriétés (bio)mécaniques du membre. Pour que la commande motrice soit fidèlement exécutée, il faudrait la transformer au préalable d’une façon qui soit en quelque sorte le miroir des déformations que va lui imposer le membre. On appelle cela le problème inverse, parce qu’il faut appliquer à la commande motrice une transformation inverse (au sens mathématique) de celle qu’elle va subir. Pour planifier une trajectoire définie, il faudrait donc tenir compte à l’avance de ce filtrage du membre. Une solution consiste à disposer, avant la commande motrice finale, d’un modèle interne dont les propriétés (les transformations qu’il impose aux signaux) sont exactement l’inverse de celles du bras, c’est-à-dire de l’objet contrôlé. Lorsque le mouvement sera exécuté, ce modèle interne, dénommé « modèle interne inverse », et le bras seront mis en série, afin que le mouvement produit corresponde au mieux à l’intention.
17Un autre problème qui trouve sa solution dans le concept de modèle interne est l’existence de délais (latences, temps de réaction, etc.) dans le système et en particulier dans les rétroactions. Un ingénieur vous dira que de tels délais (de la dizaine à la centaine de millisecondes) conduiront certainement à des instabilités. La théorie du modèle interne propose que le SNC effectue une simulation des conséquences sensorielles du mouvement, résultat de l’exécution d’une commande motrice. Cette simulation génère un signal de rétroaction prédisant l’afférence sensorielle (par exemple, proprioceptive) qui sera produite par le mouvement lorsque celui-ci sera effectué. Cette prédiction est produite par un modèle interne direct, car il représente une image dynamique du système effecteur. L’existence d’un tel prédicteur a été proposée pour la première fois par David Robinson (1986) dans le cadre du contrôle de la saccade oculaire, sous le terme de « feedback interne ». Kawato (1990) et Miall et Wolpert (1996) ont suggéré que l’adjonction de ces deux modèles internes, prédicteurs de la commande (modèle inverse) et des rétroactions (modèles directs) à la boucle « conventionnelle » de contrôle en ligne, permettait de régler la plupart des problèmes posés par les dynamiques du système contrôlé (figure 1).
18Bien que fonctionnant parfaitement pour le contrôle de robots, ce point de vue est controversé lorsqu’il est appliqué aux êtres vivants. Supposons une nouvelle fois que je veuille déplacer mon bras d’un point à un autre : la solution adoptée par des roboticiens serait de disposer de capteurs pour mesurer les angles articulaires, puis de générer une commande contrôlant les moteurs que sont les muscles. Une commande en couple serait la variable contrôlée, et le déplacement serait la variable mesurée par les capteurs musculaires. Bernstein a proposé que le SNC commande une autre grandeur, le point d’équilibre entre les deux muscles antagonistes, par exemple le biceps et le triceps dans le cas du bras. Il est parti de l’idée que le bras sera dans une position donnée lorsque les forces exercées par ces deux muscles, qui dépendent de l’activation des neurones moteurs et de leurs propriétés mécaniques, sont égales. Définir une position dans l’espace ou maintenir un certain rapport des forces musculaires sont donc équivalents. Ainsi, l’espace n’est pas codé de façon explicite, mais la trajectoire qui s’y inscrit résulte de cet équilibre dynamique. Pour Bizzi, Hogan, Mussa-Ivaldi et Giszter (1992), la variable contrôlée est la raideur musculaire. Selon Feldman et Levin (1995), la variable contrôlée est la longueur de repos du muscle (celle pour laquelle aucune force n’est générée) et le mouvement serait un glissement progressif de points d’équilibre successifs. Le SNC ne contrôlerait donc pas directement les forces produites, ni même la raideur musculaire, mais plutôt la longueur de repos du muscle (celle pour laquelle aucune force résultante n’est produite et le mouvement s’arrête).

Figure 1. - Modèle interne inverse et direct. D’après Miall et Wolpert (1996).
19La théorie des modèles internes est une façon de rendre compte de la capacité du cerveau à simuler les relations avec l’environnement pour anticiper. Mais elle n’est pas la seule, et ses hypothèses de départ (par exemple, que le SNC disposerait d’une représentation de la trajectoire du bras) sont contestées. Depuis quelques années, une autre école de pensée part d’un point de vue différent, celui de la théorie des systèmes dynamiques, qui considère le comportement du système nerveux comme assimilable à des oscillateurs interagissant de façon non linéaire. Cette théorie a pour principal objectif de définir un paradigme d’étude des bases du mouvement. Elle cherche à substituer au paradigme stimulus-réponse celui d’oscillateurs couplés. Lorsque ces oscillateurs sont en fonctionnement interactif, ils tendent à revenir à des états stables. Cette tendance à reprendre un mode d’oscillation privilégié lorsqu’on écarte le système de son fonctionnement est donc considérée comme reflétant des propriétés internes du système. L’approche des systèmes dynamiques utilise cette propriété. Elle consiste à écarter le système de l’état stable pour étudier comment il y revient ou comment il se réorganise afin d’atteindre un autre état stable. Stable ne veut pas dire immobile. Ainsi, le rythme de marche est un état dynamique stable. Tapez sur la table avec un doigt de chaque main en même temps. Spontanément, vous aurez tendance à adopter un certain rythme de frappe, donc à établir un état dynamique stable. Essayez maintenant de taper un peu plus vite avec la main droite : vous perturbez ce régime dynamique stable.
20Cette conception de la motricité rencontre actuellement un succès certain, car elle donne une vision globale, simplifiée, d’un système complexe par essence (Temprado et Montagne 2001). Elle ne donne cependant pas accès à des niveaux plus fins d’analyse. Du fait de leur développement en parallèle par des groupes de chercheurs bien distincts, ces différentes conceptions (programme moteur, modèle inverse, approche dynamique, approches synergétiques) apparaissent aujourd’hui comme incompatibles et inconciliables. À y regarder de plus près, cependant, on perçoit que ce qui distingue les conceptions relève plus de la philosophie que de la physiologie. La nouvelle génération de chercheurs, moins sectaire, parviendra, espérons-le, à concilier ces points de vue. L’étude de systèmes sensorimoteurs simples aidera également à dépasser ces incompatibilités. De ce fait, le système oculomoteur, responsable des mouvements des yeux, mérite qu’on s’y attarde un peu.
Le système oculomoteur : un exemple de système sensorimoteur
21La multiplicité des modèles décrivant comment nous contrôlons nos mouvements peut conduire le lecteur non averti à un sentiment de confusion intense : quel est le bon modèle ? Lequel puis-je utiliser pour résoudre mon problème ? Pourquoi ces conceptions extrêmement élaborées sont-elles en contradiction ? Une partie de la réponse est d’ordre mathématique. Elle tient à la nature « mal posée » du problème qui nous amène à vouloir comprendre l’activité du SNC en observant le résultat de cette activité au niveau du seul comportement moteur : trop de ddl effectifs au niveau du corps humain, alors que bien moins seraient nécessaires. Il devient alors impossible de déterminer une relation univoque entre commande motrice et mouvement. Si cette indétermination permet indéniablement la grande plasticité et la flexibilité des mouvements humains (il y a toujours plusieurs façons de faire la même chose), pour les neuroscientifiques, elle ouvre la voie à de multiples interprétations, qui sont évoquées ci-dessus. Il se trouve qu’un système sensorimoteur échappe à cette logique : celui qui contrôle les mouvements du regard. Nous allons voir pourquoi. On notera que la collaboration entre ingénieurs et neuroscientifiques a été particulièrement fructueuse dans le champ de l’oculomotricité. Nous n’aurions pu atteindre un tel niveau de compréhension du contrôle de la saccade oculaire, de la vergence, de la poursuite lente et du système visuo-vestibulaire, prototypes classiques de la sensorimotricité, sans la collaboration étroite entre ingénieurs et physiologistes au cours des décennies 1960-1990.
22La première question que l’on doit se poser lorsqu’on s’intéresse aux mouvements des yeux est : pourquoi bougeons-nous les yeux ? La question n’est pas triviale, bien que la réponse qui vient en premier à l’esprit soit la bonne : pour y voir. En fait la question devrait être : pourquoi est-il nécessaire de bouger les yeux pour voir ? Chez certaines espèces animales (le hibou, la poule), les yeux sont fixes et c’est la tête qui bouge. Chez d’autres, comme le caméléon, les yeux ont une mobilité indépendante étonnante. Il est possible de diviser grossièrement les espèces en deux classes selon qu’elles disposent ou non d’une fovéa. Les animaux sans fovéa n’ont pas besoin de contrôler la position de l’image sur la rétine, leur seul souci est que cette image soit stable lorsque le corps est en mouvement. Les animaux avec fovéa ont conservé ces mécanismes de stabilisation, mais en ont développé de nouveaux, dont le rôle est d’amener l’image d’un objet intéressant sur la fovéa, et de l’y maintenir. Chez ces espèces, dont l’homme, pour une bonne perception visuelle, l’image de l’objet qui attire notre attention doit se projeter sur la fovéa. Le fonctionnement harmonieux est assuré par un système coordonnateur extrêmement fin : le système oculomoteur.
23Ce système est composé des muscles extra-oculaires (pour les différencier des muscles intra-oculaires qui servent à l’accommodation) et des réseaux nerveux qui les pilotent. Le globe oculaire est maintenu dans son orbite par des tissus, dont le nerf optique, les ligaments, la conjonctive et les muscles. La faible masse du globe, le fait qu’il ne soit jamais soumis à des forces externes et la puissance des tissus suspenseurs font que contrairement aux muscles squelettiques, les forces visco-élastiques constituent l’essentiel, pour ne pas dire la totalité des forces s’opposant au mouvement. La motricité oculaire est donc le pur résultat de l’activation d’un petit nombre de muscles, une paire pour chacun des trois axes de rotation : le droit latéral et le droit médian dans le plan horizontal (adduction/abduction ou mouvements horizontaux), le droit supérieur et le droit inférieur dans le plan vertical (élévation/abaissement ou mouvements verticaux), le grand oblique et le petit oblique pour la torsion dans le plan frontal (selon un axe horizontal confondu avec l’axe de visée). Seuls les deux premiers types de mouvements, l’horizontal et le vertical, sont importants pour l’orientation du regard. Parmi les douze muscles impliqués, deux (un pour chaque œil) reçoivent à chaque instant une innervation analogue. En revanche, pour chaque œil, deux muscles reçoivent une innervation conjuguée, mais opposée : lorsque le muscle agoniste est excité, le muscle antagoniste est inhibé.
24Depuis Dodge (1903), on distingue classiquement cinq types de mouvements oculaires : le réflexe vestibulo-oculaire (RVO), qui stabilise le regard lorsque la tête bouge, sur la base de la stimulation vestibulaire ; le réflexe optocinétique (ROC ou OKN), qui stabilise le regard lorsque la scène visuelle bouge ; la saccade oculaire, qui permet de déplacer rapidement le regard vers un objet d’intérêt ; la poursuite lente oculaire, qui permet de maintenir le regard au contact de l’objet lorsque celui-ci bouge ; la vergence, le seul mouvement déconjugué, qui maintient une vision unique d’un objet, quelle que soit sa distance. Tous ces types de mouvements partagent bien sûr la même voie finale commune constituée par les noyaux oculomoteurs et les muscles extra-oculaires. La différenciation entre ces mouvements est donc due au fonctionnement de structures et de voies en amont de cet étage périphérique. Cela signifie que les différences de caractéristiques entre les mouvements lents et rapides ne sont pas dues aux propriétés de l’appareil mécanique. On distingue les mouvements oculaires dont le but est de stabiliser l’image rétinienne lorsque le corps bouge de ceux qui permettent de repérer un nouvel objet et de continuer à le voir si celui-ci bouge.
25Trois lois formulées à la fin du xixe siècle constituent les premiers essais d’une modélisation des mouvements oculaires. Ces lois (loi de Donders, loi de Listing et loi de Hering) reposent sur un postulat qui est tellement tenu pour acquis aujourd’hui que son énormité est rarement réalisée : le mouvement du globe oculaire dans l’orbite est comparable à celui d’une boule dans une rotule. Techniquement, le terme de rotule implique que la partie mobile (le globe) n’est jamais en translation par rapport à la partie fixe (l’orbite). Les seuls mouvements possibles sont des rotations. Un point particulier du globe ne bouge jamais par rapport à l’orbite : c’est le centre de rotation, dont la particularité est d’être à l’intersection de tous les axes de rotation. Ce type de mouvement requiert, pour être parfaitement défini, trois paramètres indépendants. Partons d’une position dans laquelle l’œil fixe droit devant lui. Toute autre position peut être définie par une combinaison de rotations nécessaires pour déplacer l’œil de sa position initiale vers cette position finale. Ceci peut être fait par la spécification de l’orientation du nouvel axe de visée et de la quantité de mouvement à appliquer aux trois axes ; nous obtenons trois angles : deux pour spécifier l’inclinaison de l’axe de visée par rapport aux coordonnées de base (les plans horizontal et frontal), et un autre pour spécifier la quantité de rotation du globe selon l’axe de visée. L’inclinaison d’un méridien vertical de la rétine par rapport à la verticale, ou cyclotorsion, aura une valeur donnée lorsque l’œil arrive dans sa position finale par une seule rotation. Cette valeur sera différente si le mouvement est effectué par une combinaison de rotations verticale et horizontale, car les rotations d’une boule dans une rotule, contrairement aux translations, n’obéissent pas à la règle d’additivité vectorielle.
26Selon la loi de Donders (1864), seule compte la position finale. Le codage nerveux correspond à la position oculaire finale plutôt qu’au mouvement effectué pour l’atteindre. Sont associés à cette rotation un axe donné et une certaine quantité de rotation selon cet axe. Or, dans le cas de la rotule, la quantité de cyclotorsion produite par un tel mouvement dépend de la position initiale. La loi de Donders établit pourtant que la posture torsionnelle associée à une position oculaire donnée est indépendante du mouvement qui a permis d’atteindre cette position. Une autre façon de voir les choses est de postuler qu’il existe une relation univoque entre chaque position oculaire et l’état d’excitation neuromusculaire. Une saccade ne serait alors que le changement d’état périphérique entre un état d’excitation et un autre, la position finale étant déterminée par la position d’équilibre imposée par les forces appliquées au globe. La loi de Donders peut être reformulée de la façon suivante. L’œil n’utilise que deux ddl : l’horizontal et le vertical. Le troisième ddl, la cyclotorsion, dépend directement des deux premiers. Lorsque la position primaire est connue, la loi de Listing1 détermine la quantité de cyclotorsion pour toutes les directions du regard. Lorsqu’on fixe dans une direction oblique, les méridiens de la rétine ne sont plus verticaux. La posture prise par le globe oculaire correspond à celle qui aurait été prise si le globe avait tourné autour d’un axe oblique, ce qui n’est mécaniquement pas vrai. Bien que Listing ne se soit pas occupé de ces considérations mécaniques, on sait maintenant que ceci est rendu possible par une coordination étroite entre les trois ddl, et donc les douze muscles.
27Contrairement aux lois de Donders et de Listing, qui s’appliquent à chaque œil séparément, la loi de Hering (1868) s’applique aux mouvements des deux yeux. Dans la plupart des circonstances, en effet, les deux yeux se comportent comme un seul objet. La loi de Hering, dite aussi loi d’égale innervation, signifie que lors de mouvements de version (sans changement de profondeur de la cible), les mouvements des yeux sont conjugués, chaque paire de muscles analogues recevant la même innervation. Lors d’une saccade, par exemple, si on mesure le mouvement d’un œil, on mesure également le mouvement de l’autre, et ceci même si l’œil qu’on mesure est masqué.
28Au total, la particularité essentielle du système oculomoteur, parmi les autres systèmes moteurs, est double : 1/ l’œil n’est pratiquement pas soumis à des contraintes externes comme la gravité, et 2/ il n’y a pas de redondance de ddl : deux ddl sont nécessaires (gauche/droite et haut/bas) et deux sont contrôlés à cet effet. La conséquence immédiate est que l’œil est le seul système pour lequel il n’existe qu’une commande possible pour un mouvement donné et pour lequel un seul mouvement est produit par une commande donnée.
Apprentissage sensorimoteur et adaptation
29Le système oculomoteur, comme tout système sensorimoteur, n’est pas une entité prédéterminée, statique, figée dans son fonctionnement. Lorsque la relation qui nous lie à l’environnement à travers les sens (en particulier la vision) est modifiée, notre comportement (la performance) est altéré aux niveaux sensoriel, moteur et cognitif. Ces altérations concernent par exemple des aspects perceptifs, comme la perception de la taille, de la forme et de l’orientation des objets, mais aussi de leur position et de leur vitesse dans l’environnement. Ces altérations de perception vont générer des erreurs motrices qui peuvent être importantes et engendrer de graves conséquences (Semmlow, Gauthier et Vercher 1990). Les altérations peuvent également concerner des changements de propriétés mécaniques du corps ou de l’environnement, ce qui aura des conséquences directes sur la motricité. Heureusement, la nature nous a dotés de capacités adaptatives (plasticité) qui, au fil du temps, vont permettre de diminuer les erreurs d’exécution des systèmes moteurs en dépit de ces altérations. En d’autres termes, après avoir découvert et expérimenté la nouvelle relation sensorimotrice, le cerveau se met à appliquer explicitement, pour les transformations sensorimotrices nécessaires à l’action, une relation appropriée à l’altération. On décrit cette modification fonctionnelle comme le résultat de l’activation d’un contrôle spécifique, le contrôle adaptatif. Ce contrôle permet à un système sensorimoteur de retrouver sa performance initiale à la suite d’une altération durable de la relation fonctionnelle qui caractérise ce système.

Figure 2. – Adaptation prismatique.
L’observateur est assis face à des cibles dont il doit, avec la main, indiquer la position. Il ne voit pas sa main dans les conditions d’évaluation de performance avec ou sans les prismes. Cette situation est dite « de pointage en boucle visuelle ouverte ». Pendant la période d’adaptation aux prismes, l’observateur voit sa main et la cible et peut alors corriger l’erreur de localisation. Cette situation est dite « de pointage en boucle visuelle fermée ».
30Un des exemples les plus étudiés est l’adaptation prismatique, qui survient lorsqu’on porte des lunettes qui dévient latéralement le champ visuel (figure 2). Une des premières observations, sinon la première, conduite dans le domaine de l’adaptation à une altération externe de la relation visuo-motrice est celle, très souvent citée comme modèle du genre, de Helmholtz qui, en 1867, décrivait les modifications plastiques de la relation visuo-manuelle en réponse à l’utilisation de prismes qui modifient la position apparente des objets. L’expérience la plus spectaculaire est celle de Stratton (1897), qui a entrepris de décrire sa propre adaptation à une inversion gauche/droite et haut/bas du champ visuel, générée par des prismes de Dove. Stratton a porté ces prismes sans interruption pendant une dizaine de jours. Malgré les perturbations radicales imposées ainsi à l’image visuelle de l’environnement, celle-ci réapparut progressivement stable et normalement orientée. De plus, le comportement moteur du chercheur, initialement très affecté par la discordance entre ses expériences visuelle, kinesthésique et tactile, redevint presque normal au bout d’une semaine. Parmi les changements spectaculaires perceptifs et moteurs rapportés par l’auteur, on notera par exemple qu’aux premiers jours du port des prismes, la simple action de servir une tasse de thé réclamait une énorme mobilisation d’attention et « d’interprétation de la situation ». En effet, le thé versé dans une tasse à partir d’une théière manipulée par la main droite paraissait être versé par la main gauche, s’écouler vers le haut dans une tasse apparaissant sens dessus dessous, à partir d’une théière tout aussi déplacée et désorientée. Après plusieurs jours de port des prismes, la même opération de service du thé « apparaissait » à nouveau normalement effectuée par la main droite dans un espace visuel normal et avec les ustensiles orientés dans le sens habituel.
31Sans aller jusqu’à la condition extrême décrite par Stratton, nous sommes souvent confrontés à des situations comparables. Par exemple, l’utilisation d’un masque de plongée, d’un microscope optique ou de jumelles modifie la perception du monde qui nous entoure et affecte nos actions en conséquence. Ajuster la position d’un curseur sur un écran vertical à l’aide d’une souris déplacée dans un plan horizontal, de même que piloter le déplacement d’un godet le long du bras d’une grue à l’aide d’un jeu de manipulateurs sont des opérations qui sollicitent les capacités d’apprentissage et d’adaptation du cerveau, qui va devoir apprendre la métrique au sens large (amplitudes, directions, dynamiques) qui lie les déplacements de la main et de l’objet téléopéré. Tous les systèmes visuo-moteurs (tel que le système visuo-oculo-manuel), c’est-à-dire ceux qui sont sous la dépendance directe de la vision, possèdent, entre autres modes de contrôle, un contrôle en ligne et un contrôle adaptatif. On admet que les phénomènes qui se développent dans le cerveau, par exemple en réponse à une altération optique de la vision comme celle qui résulte de la correction des erreurs de réfraction ou celle que l’on applique pour les études en laboratoire (Droulez et Cornilleau 1986), sont de même nature que ceux qui se développent d’une manière plus discrète, mais en permanence, pour recalibrer les relations visuo-motrices lentement dégradées, faute d’utilisation, par les instabilités naturelles et par l’avancée en âge.
32L’existence de mécanismes adaptatifs est avérée par des propriétés qui les distinguent des mécanismes de régulation en ligne du mouvement. Parce que ces mécanismes plastiques nécessitent des modifications du fonctionnement des réseaux nerveux, ils ne sont pas immédiats. L’erreur, facteur déterminant et déclenchant du processus, doit se répéter. La correction apparaît de façon progressive et prend donc du temps pour compenser plus ou moins complètement la perturbation (on modélise généralement le décours temporel du processus par une courbe exponentielle). Lorsque la perturbation disparaît soudainement, le système ne revient pas immédiatement à son état normal (c’est ce qu’on appelle l’effet consécutif ou post-effect). Ce décours constitue la signature dynamique des processus adaptatifs d’origine sensorimotrice.
33Il existe d’autres formes d’adaptation, plus motrices. Shadmehr et Mussa-Ivaldi (1994) ont montré, à l’aide d’un robot générant un champ de force complexe (dépendant de la position et de la vitesse de la main), que des sujets étaient capables de s’adapter assez rapidement à ce type de perturbation, en retrouvant une trajectoire rectiligne. Dans ce cas comme dans le précédent, lorsque la perturbation disparaît, le mouvement reste perturbé, et le bras suit une trajectoire dont la déformation ressemble à une image en miroir de celle observée au tout début de l’exposition au champ de force (figure 3).
34Cette expérience est considérée comme une des premières démontrant l’existence de modèles inverses dans la chaîne de commandes sensorimotrices. En effet, l’interprétation qu’en donnent les auteurs est que le système apprend par l’expérience les nouvelles dynamiques de l’effecteur. Ces dynamiques sont inversées afin que la commande motrice tienne compte du nouveau contexte dynamique. Lorsque la perturbation disparaît, la commande continue à prendre en compte la perturbation, ce qui déforme le mouvement, génère une erreur et déclenche à nouveau un processus adaptatif jusqu’au retour à la normale (Roby-Brami et Burnod 1995). Le schéma de la figure 4 (page 90) représente l’intégration de la boucle adaptative dans le modèle de contrôle.
Sensorimotricité et cognition
35La description des fonctions sensorimotrices dans ce chapitre pourrait laisser penser que la cognition n’est pas ou peu impliquée dans la production et le contrôle du mouvement. L’approche cybernétique en vogue dans les années 1970 et 1980 ne tenait aucun compte des fonctions cognitives et ne s’intéressait qu’aux relations entrée/sortie et sortie/entrée des systèmes considérés. Le célèbre schéma d’Allen et Tsukahara (1974), qu’il est sans doute inutile de reproduire ici et qui peut être considéré comme un des premiers formalismes du type « boîte noire » décrivant de façon générale le contrôle du mouvement, se contentait d’une flèche brisée entre « l’idée » et le cortex associatif afin de représenter l’image interne du mouvement et la volonté d’exécuter ou non celui-ci. Les théories écologique et dynamique non linéaire n’ont pas fait plus de cas des processus cognitifs dans la compréhension de la production de nos actes moteurs. Or il est aujourd’hui évident que sensorimotricité et cognition sont deux systèmes majeurs dans la production et le contrôle des comportements moteurs. Jacques Paillard l’avait d’ailleurs remarqué dès les années 1980, lorsqu’il présentait dans une de ses nombreuses publications un schéma général de la production du mouvement impliquant à la fois un versant sensorimoteur et un versant cognitif (Paillard 1987).

Figure 3. – Adaptation dynamique.
A : un robot est utilisé pour à la fois mesurer la trajectoire de pointage et la perturber en générant un champ de force. B : trajectoires sans champ de force. C : trajectoires immédiatement après application du champ. D : cartographie du champ de force. E : trajectoires après suppression du champ de force. F : trajectoires en fin de session, après désadaptation. D’après Shadmehr et Mussa Ivaldi (1994).

Figure 4. – Modèle de contrôle intégrant la boucle adaptative.
Le signal de contrôle de l’adaptation est l’erreur motrice obtenue en comparant l’état désiré à l’état produit. Lorsque l’erreur est accidentelle et transitoire, les boucles de rétroaction suffisent à la compenser. Lorsque l’erreur se répète, il devient plus économique de modifier le contrôleur en ligne et les modèles internes (en mettant à jour la dynamique qui y est représentée). D’après Guédon, Gauthier, Cote, Vercher et Blouin (1998).
36Quelques années plus tard, le même Jacques Paillard utilisait le terme de « pénétrabilité cognitive » des systèmes sensorimoteurs afin de mettre en avant un rôle potentiel de la couche cognitive sur le fonctionnement de la couche sensorimotrice (Paillard 1991). Pourtant, les courants cognitifs, cybernétiques, écologiques et issus de la dynamique non linéaire ont longtemps ignoré ce dialogue. Paillard l’avait d’ailleurs noté explicitement :
J’ai souvent insisté sur le fait que les neuroscientifiques, naturellement préoccupés par l’universalité de leurs modèles expérimentaux, ont généralement tendance à négliger la plasticité des mécanismes sensorimoteurs de base sous l’influence des processus mentaux de haut niveau. (1991 : 244)
37Cette séparation entre processus cognitifs et processus sensorimoteurs impliqués dans la production du comportement moteur a été le point central d’un débat apparu dans la dernière décennie sur les relations entre perception et action, dans la façon dont l’information visuelle est traitée par le SNC. Des données issues de la neuropsychologie, de la neurophysiologie et de la psychophysique ont fourni des attestations expérimentales du traitement distinct de l’information spatiale par le système visuel : perception visuelle pour la reconnaissance d’objets ou perception visuelle pour l’exécution de mouvements spatialement dirigés (Milner et Goodale 1995). L’observation des effets des illusions visuelles a d’ailleurs apporté des arguments psychophysiques forts en faveur de cette dissociation.
38Les réflexions plus récentes menées autour de ces notions et les différents travaux cités en exemple amènent à penser que la compréhension des processus neuronaux produisant l’acte moteur (de la perception à l’action) ne peut plus faire l’économie d’une réflexion globale, intégrant ces niveaux de traitement et analysant de façon plus poussée leur interrelation. Sicre et alii (2008) ont proposé un modèle du contrôle moteur intégrant à la fois les niveaux sensorimoteurs et cognitifs (figure 5, page suivante).
39Ce modèle intègre au schéma des modèles internes présenté en figure 4 un niveau cognitif. Bien que certainement imparfait, il tente de modéliser les relations que les deux systèmes peuvent entretenir lors de la production du mouvement. Il tente de montrer que différents niveaux de représentations peuvent exister (par exemple, des représentations spatiales de mon espace de travail, représentations cognitives, et des représentations des dynamiques des segments corporels dans le cadre des modèles internes, représentations sensorimotrices). Ce modèle permet sans doute d’apporter une vision nouvelle sur les résultats de Flanagan et Beltzner (2000). Ces auteurs ont montré, en utilisant la fameuse illusion taille/poids2, que le système sensorimoteur peut tout à fait produire un comportement ajusté alors que la sortie du système cognitif conduit à une illusion perceptive. D’autres études semblent venir appuyer ce modèle général. Par exemple, certains auteurs s’intéressent à l’effet de la peur de tomber ou du sentiment de vertige sur les comportements posturaux jusqu’à présent considérés comme typiquement sensorimoteurs. Adkin, Frank, Carpemer et Peysar (2002) ont montré que des facteurs psychologiques liés à la peur de tomber peuvent produire des modifications de l’activité corticale associée aux réactions posturales engendrées par des perturbations imprévisibles.

Figure 5. – Modèle intégrant l’influence cognitive sur les niveaux sensorimoteurs. Modifié de Sicre et alii (2008).
40Ainsi, des travaux récents semblent démontrer l’existence de relations entre niveau cognitif et niveau sensorimoteur. Il restera à mieux décrire et comprendre ces relations. Pour cela, l’utilisation de techniques de réalité virtuelle semble être une voie prometteuse. Grâce aux techniques d’immersion par réalité virtuelle, nous pourrons facilement imposer des contraintes spécifiques aux sujets, par exemple les placer virtuellement sur un pont de singe afin d’induire des sentiments de vertige, et faire le lien avec l’organisation sensorimotrice des mouvements d’atteinte, de pointage ou de saisie dans de telles conditions. Le travail de Bringoux et alii (2009) en est un exemple récent. Il démontre que la nature des informations visuelles présentes dans un environnement virtuel accentue le phénomène de capture visuelle de la direction gravitaire, mesuré à l’aide du test Rod and Frame.
41Le cas de la locomotion est un autre exemple frappant de la rencontre de deux courants du contrôle moteur, celui de la psychologie cognitive, qui s’est longtemps intéressée aux seuls problèmes du langage, de la résolution de problèmes et de la mémoire (activités hautement cognitives), et le courant cybernétique, qui a considéré durant des décennies que le niveau sensorimoteur suffisait à expliquer les productions motrices dans leur ensemble. Aujourd’hui, la locomotion est décrite comme une activité complexe, faisant appel aux processus sensorimoteurs et cognitifs. Les travaux d’un groupe de chercheurs québécois au début des années 1990 (Lajoie, Teasdale, Bard et Fleury 1993) ont marqué ce tournant. Jusqu’alors, la locomotion était considérée comme une activité très automatique, dans laquelle des générateurs centraux de patterns (CPG, en anglais), localisés au niveau de la moelle épinière, produisaient l’activité rythmique typique de la marche (pour une revue, cf. MacKay-Lyons 2002). L’équipe québécoise d’Yves Lajoie a montré au début des années 1990 que l’activité locomotrice n’était pas si automatique que cela et que des modulations du pattern d’ordre supérieur pouvaient intervenir. Cette approche multi-niveaux de la production et du contrôle de la locomotion pourrait être résumée en suggérant que la locomotion est produite et contrôlée par une série de processus réactifs, prédictifs, mais aussi par des stratégies anticipatrices. Les travaux de Rossignol (1996) ont également montré que la locomotion pouvait être modulée intentionnellement. Ainsi, une vue plus intégrée de la locomotion apparaît dans les années 1990. Elle devient le résultat de l’intégration des contrôles en ligne, adaptatifs et stratégiques, la contribution de chacun des niveaux variant en fonction de la situation.
Le futur : l’apport des techniques de réalité virtuelle
42En plus d’un siècle d’existence, si les méthodes et les outils d’étude de la performance motrice ont considérablement évolué en bénéficiant des progrès et apports technologiques, notre conception de la façon de mener des recherches est restée assez stable. Ainsi, au-delà de l’amélioration indubitable des données quantitatives apportées par les systèmes de capture du mouvement, le concept reste cependant très proche de celui développé par Marey à la fin du xixe siècle : décomposer le mouvement en le discrétisant pour mieux le comprendre. Quelques sauts quantiques ont cependant permis des ruptures importantes : c’est le cas sur le plan théorique dans les années 1950, avec l’émergence des théories des systèmes, de l’information et des systèmes dynamiques non linéaires ; c’est aussi le cas dans le domaine purement technologique avec le développement de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, et plus récemment avec la réalité virtuelle (RV).
43La RV est historiquement issue de l’interface entre des domaines tels que l’informatique graphique, la téléopération et la robotique. Visant initialement à simuler de façon réaliste3 un environnement de travail (pris au sens large), la RV a emprunté à la téléopération. Ainsi, la définition généralement admise relève nettement d’une vision technocentrée, mettant en avant les outils d’interaction, de calcul, de visualisation. On voit bien qu’il est extrêmement réducteur de définir un domaine uniquement par les techniques qu’il emploie ou qu’il contribue à développer. Les psychologues préféreront sans doute la définition de Philippe Fuchs dans le Traité de la réalité virtuelle, plus anthropocentrée :
La finalité de la réalité virtuelle est de permettre à une personne (ou à plusieurs) une activité sensorimotrice et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement, qui peut être imaginaire, symbolique ou une simulation de certains aspects du monde réel. (Fuchs, Berthoz et Vercher 2006 : 5)
44Cette définition resitue en effet l’homme à la place qui est la sienne, au cœur du dispositif de RV. Cette conception permet de faire émerger deux concepts majeurs : l’interactivité (l’humain agit sur le système, qui agit sur l’humain, le tout constituant une boucle en temps réel) et l’immersion (l’humain se comporte dans le système virtuel comme s’il était dans un environnement réel). Ceci ouvre au chercheur un monde fascinant de possibilités, en particulier celles de fournir un environnement riche en stimuli, et donc en informations, de pouvoir manipuler à souhait ces informations, de faire se répéter la même situation, etc. Si la RV est encore aujourd’hui majoritairement utilisée comme outil de conception par l’industrie dans une logique de « tout numérique », pour la formation sur simulateur, et bien entendu comme base de produits plus ludiques (les jeux de console), elle est aussi de plus en plus répandue dans les laboratoires de psychologie.
45Bill Warren (Warren et Fajen 2004) est l’un des premiers à l’avoir compris, quand en manipulant l’information visuelle produite pendant le déplacement (le flux optique), il est parvenu à proposer une loi de déplacement lors de la locomotion. Loomis, Blascovitch et Beall proposaient en 1999 une théorisation de l’apport de la RV à l’étude de la psychologie humaine (figure 6, page suivante) : le scientifique, ce grand réductionniste, cherche désespérément à contrôler ses conditions expérimentales afin de découvrir les lois qui régissent le comportement. Il garde aussi l’espoir de pouvoir transférer le gain de connaissance acquis au laboratoire vers une meilleure compréhension de l’humain dans son environnement naturel (la validité écologique). Pour Loomis, les deux (contrôle expérimental et validité écologique) sont inconciliables : tout gain en direction de l’un fait perdre un peu de l’autre, du moins lorsqu’on utilise les méthodes classiques en psychologie expérimentale. L’apport fondamental de la RV à la discipline consiste à délinéariser la fonction d’échange : on peut alors, en augmentant le réalisme de l’environnement et de l’interaction, gagner en validité écologique sans (trop) perdre en contrôle expérimental.
46Les exemples fructueux d’utilisation de la RV en psychologie expérimentale (comme, par exemple, l’étude de la mémoire spatiale ; cf. Bringoux et alii 2009 ; Denis et Loomis 2007), en neurosciences, en médecine, en ergonomie (Mestre 2006), etc. sont maintenant innombrables. Avec l’amélioration constante des techniques et du matériel, on doit s’attendre à un foisonnement sans doute aussi riche pour l’étude du comportement sensorimoteur que l’a été l’imagerie fonctionnelle pour l’étude du cerveau et des fonctions cognitives.

Figure 6. – Contrôle expérimental et validité écologique.
Dans un processus classique d’expérimentation en psychologie, disposer d’un contrôle expérimental total est incompatible avec l’obtention d’une validité écologique. Le chercheur va devoir régler un compromis entre ces deux objectifs : tout gain en validité écologique fait perdre du contrôle expérimental. L’utilisation de techniques de RV ne remet pas en cause ce concept, mais change la nature du compromis, qui devient hautement non linéaire : il est alors possible d’atteindre un haut niveau de validité écologique en sacrifiant un minimum de contrôle. D’après Loomis, Blascovitch et Beall (1999).
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Notes de bas de page
1 Cette loi, nommée d’après le mathématicien Johann Benedict Listing (1808-1882), a été vérifiée expérimentalement au xixe siècle par Hermann von Helmholtz (1867).
2 Lorsqu’on soulève deux objets de volumes différents mais de poids identiques, les sujets jugent l’objet le plus gros comme étant le plus lourd. Cette illusion a été décrite pour la première fois par Charpentier (1891) ; cf. Murray, Ellis, Bandomir et Ross (1999).
3 Notons que le terme « réalité virtuelle » est, du point de vue rhétorique, un oxymore : figure de style réunissant deux termes sémantiquement opposés.
Auteurs
Institut des sciences du mouvement (ISM), Université de la Méditerranée, Faculté des sciences du sport, CP 910, Avenue de Luminy, 13 288 Marseille Cedex 9
Institut des sciences du mouvement (ISM), Université de la Méditerranée, Faculté des sciences du sport, CP 910, avenue de Luminy, 13 288 Marseille Cedex 9
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Informatique et sciences cognitives
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Catherine Garbay et Daniel Kayser (dir.)
2011