2.– Choix et décision, sens et émotions : le début des études de perception
p. 233-255
Texte intégral
« La décision est un choix : le cerveau choisit ce qu’il veut croire réel » (Berthoz, 2003)
De l’homme qui subit à l’homme qui agit
1Depuis le xviiie siècle les notions de choix et de décision en tant que facteurs de l’évolution humaine sont, de façon plus ou moins implicite, au cœur de réflexions philosophiques, historiques et anthropologiques. L’homme préhistorique est tantôt conçu comme un être impuissant face à une nature féroce et dominatrice qui lui impose ses contraintes et détermine ses actes, tantôt comme une créature accueillie au sein d’une nature généreuse, à l’image du « bon sauvage »1. Ce sont les mêmes données de terrain qui vont mettre en scène ces deux visions opposées qui dominent dans les travaux de l’archéologie naissante au xixe siècle.
2L’interprétation du passage « du sauvage » à l’homme civilisé, de la mise en place de nouveaux systèmes de subsistance et d’organisation sociale, est animée par ces mêmes concepts. Le passage des sociétés de chasseurs-cueilleurs aux sociétés pratiquant l’agriculture au début du Néolithique serait une réponse concrète face à des contraintes climatiques, démographiques, économiques et sociétales. Quand Jacques Cauvin, à contre-courant, propose en 1998 que la naissance de l’agriculture soit avant tout le fruit de mutations mentales et symboliques (Cauvin, 1998), il suscite de vives réactions (Testart, 1998).
3Car c’est cette vision d’une évolution humaine résultant de choix raisonnés qui est véhiculée actuellement à la fois dans les œuvres destinées au grand public et dans les travaux scientifiques. C’est une succession d’étapes où l’homme est l’acteur dynamique, que présentent le livre et le film L’Odyssée de l’espèce ou le roman de Jean Guilaine au titre évocateur : Pourquoi j’ai construit une maison carrée. Dans les publications archéologiques l’homme, dans une interaction dynamique avec son milieu, devient acteur : il choisit ses territoires, ses matières premières, son mode de subsistance, décide de mettre en place de nouvelles techniques d’acquisition et de transformation. Ces actes intentionnels s’inscrivent enfin dans des systèmes d’anticipation et de planification.
4En jetant ce nouveau regard sur l’homme du passé, en s’interrogeant sur les paramètres qui président à ses choix, sur les modalités qui conduisent à leur réalisation, les travaux archéologiques vont se pencher sur les processus mentaux inhérents à ces opérations. Les sciences cognitives, en plein développement, vont, à partir des années 1970 (cf. Treuil, « L’archéologie et les sciences de la cognition » dans le présent volume), être mobilisées dans cette direction. Mais par leur pluralité – tant disciplinaire qu’épistémologique – les sciences de la cognition offrent un éventail d’approches et imposent aux archéologues un nouveau choix : adopter selon leur problématique et leur domaine d’application les démarches les plus appropriées.
Éclairer les choix et les décisions des hommes pré-et protohistoriques à l’aide des sciences cognitives : quelle approche ?
5La mise en place des sciences cognitives à partir des années 1950, mobilisant des spécialistes d’horizons variés – psychologie, neurosciences, intelligence artificielle, linguistique, philosophie2 – va renouveler les connaissances sur la nature et la structure des opérations mentales (Fodor, 1983) et éclairer les rapports entre « représentation, acte et action » (Berthoz & Petit 2006 : 13-16).
6L’interdisciplinarité croissante et la naissance d’écoles de pensée, souvent opposées, vont caractériser leur développement. Si les fonctionnalistes ont considéré les processus cognitifs « comme des processus computationnels opérant sur des représentations selon un système de règles formelles » (Houdé et al, 1998 : 85-86), d’autres, comme le neurobiologiste Antonio Damasio (1995), vont montrer que les émotions, considérées dans la pensée cartésienne comme antagonistes de la raison, ont une fonction essentielle dans le raisonnement et l’anticipation. Dans le domaine de l’action, Alain Berthoz démontre que l’acte, toujours soutenu par une intention, se fait organisateur de la perception : « la perception est en fait non seulement une action simulée mais aussi une décision. Percevoir, ce n’est pas seulement combiner, pondérer, c’est sélectionner. C’est dans la masse des informations disponibles, choisir celles qui sont pertinentes par rapport à l’action envisagée. C’est lever les ambiguïtés, c’est donc décider » (Berthoz, 2003 : 10 et 313).
7De nouvelles réponses sont ainsi fournies, preuves scientifiques à l’appui, sur les rapports entre choix, décision et action débattus depuis l’Antiquité par les philosophes. Dans la conception aristotélicienne, action et décision sont certes volontaires, mais la part respective de l’intelligence, de l’imagination, du désir s’avèrent essentielles afin de les interpréter (Ethique à Nicomaque ; pour une analyse, cf. Frère, 2003). Quand Hegel propose la notion de l’esprit du peuple, « une disposition à penser et à agir qui varie [...] en fonction de l’État dont celui-ci fait partie3 », il met l’accent sur l’interdépendance entre action et perception du monde par la société considérée. L’approche psychanalytique de Freud l’avait déjà conduit à envisager une perception active, « où le moi envoie périodiquement de petites quantités d’investissement dans le système de perception » (Freud, 1925 : 220), et à proposer, concernant la pensée primitive, qu’« au commencement était l’action » (Freud, 1913 : 121). Bachelard prône que « ce qu’on imagine commande ce qu’on perçoit » (Bachelard, 1948 : 65), tandis que Cornelius Castoriadis évalue la part de l’imaginaire dans la constitution de la société, qui présente toujours « une chose irréductible au fonctionnel, un investissement du monde qui n’est pas dicté par les facteurs réels », mais qui constitue son fondement initial (Castoriadis, 1975 : 193).
8Jusqu’à présent, les applications archéologiques ont surtout tenté de retracer l’évolution des capacités psychomotrices, des processus d’apprentissage, de transmission, d’invention ou de création. Le domaine de la perception, même s’il a été intégré dans la définition même de l’archéologie cognitive (Renfrew et al., 1993), est, comme le souligne René Treuil (« L’archéologie et les sciences de la cognition » dans le présent volume), tombé rapidement dans l’oubli. Les sciences cognitives peuvent cependant éclairer les actions, palpables, à travers les traces qu’elles ont imprimées, dans la terre, la pierre, l’espace, vestiges réels, témoins directs de l’impalpable perception du monde. A travers une telle lecture l’archéologie pourrait acquérir sa place non pas comme une science passive tirant profit des avancées des sciences de la cognition, mais comme une science active qui fournira des éléments essentiels sur l’évolution de la perception et de l’action.
9À la lumière des sciences cognitives, la variabilité des techniques, des formes, de l’esthétique, ne peut pas être conçue comme résultant uniquement de choix conscients4 et raisonnés, liés au contexte économique, social et culturel, mais doit être vue aussi comme le reflet d’une perception du monde. Éclairer ces choix, dans un contexte archéologique donné, permet ainsi d’aborder des aspects peu explorés : à travers l’étude des habitudes alimentaires la perception des odeurs et des saveurs, à travers l’étude des matériaux la perception de leurs propriétés, à travers les études sur les techniques de fabrication la perception des formes et des volumes, des états de surfaces et du toucher... Loin d’une synthèse globale sur ces différents domaines, nous proposons, à travers des études de cas issues de notre propre terrain d’application, d’aborder l’apport mais aussi les limites de l’analyse de la perception en archéologie.
L’alimentation, les saveurs et les odeurs
10De l’Eat Art au design culinaire5, du fooding6 au régime macrobiotique, de la mise en valeur des cuisines exotiques épicées, où les sirops succulents coulent à flot, aux régimes hypocaloriques dictés par le souci de la préservation de la ligne et du bon fonctionnement cardiovasculaire, l’alimentation est partout : dans les médias, les programmes scolaires et ceux de prévention de la sécurité sociale, les livres et les musées, en suscitant plaisir, création, imagination d’une part, équilibre, peurs et soucis de l’autre.
11Nourries, si l’on peut dire, par ce contexte, les études sur les alimentations du passé, en plein développement, sont guidées par ces mêmes problématiques. Elles nous proposent ainsi d’ancrer notre attirance pour des matières grasses et caloriques, inadaptée au mode de vie occidental, dans les temps où les chasseurs-cueilleurs luttaient pour leur survie. Selon Steven Pinker (1997), cette attirance est en effet génétiquement inscrite dans notre cerveau, dont la morphologie s’est adaptée à la transmission des gènes. Bien que vivement critiquée7, cette approche biologique de la cognition humaine sert parfois à appuyer des reconstitutions de l’alimentation préhistorique et à retracer son évolution (Mithen, 2001).
12À l’opposé de cette vision d’un régime déterminé par l’adaptation au milieu, une réhabilitation des saveurs préhistoriques, qui pourraient même nous « sauver des maladies de la civilisation » (Souccar, 2006), se développe. Le goût, les saveurs, le plaisir qui en découle, se diffusent à travers des livres de cuisine destinés au grand public, dont les recettes sont le plus souvent fondées sur des données archéologiques de terrain. En effet, le développement des études carpologiques8 et zoologiques, celle des résidus alimentaires, révèlent à présent une variabilité des régimes et des évolutions différentes dans le temps et l’espace.
13Quels sont donc les facteurs, fonctionnels ou imaginaires, qui ont présidé à la mise en place de régimes variés et comment peut-on, à travers les simples vestiges archéologiques, les aborder ?
14Dans le bassin égéen se met en place durant l’Âge du Bronze une polyculture fondée sur les céréales, les légumineuses, la vigne et l’olivier, qui est promise à un long avenir : malgré l’arrivée de nouveaux produits au cours des siècles, ces mêmes espèces constituent les ingrédients de base de « la cuisine égéenne » jusqu’au milieu du xxe siècle. À l’image du concept de régime méditerranéen, véhiculé dans les travaux des nutritionnistes modernes (Hubert, 1998), les bienfaits de cette cuisine, dont seules les grandes lignes sont considérées, sont mis en avant dans les publications archéologiques. Ce régime alimentaire équilibré, garantissant le bien-être des habitants, aurait même contribué, selon Riley, à la mise en place du système palatial en Crète (Riley, 1999).
15Mais l’utilisation des mêmes ingrédients n’implique en aucun cas le même type de transformation, le même type de cuisson, le même mets, la même texture, la même saveur, la même odeur. Des actions et des gestes, guidés par l’intention, le mets recherché, s’opèrent : l’analyse doit donc dépasser les simples ingrédients et rechercher, à travers des données concrètes – récipients, outils, structures de transformation, restes végétaux, textes et iconographie –, ces choix techniques.
16Le fait que les grains d’orge soient décortiqués dans un mortier ou tout simplement moulus sur la meule implique un produit farineux d’une pureté et d’une texture distinctes. Notre étude des outils de transformation et des farines protohistoriques dans les Cyclades a mis en évidence des mets céréaliers comparables à ceux fabriqués encore aujourd’hui et où la forte présence des glumes (enveloppes des grains de graminées) garantit, selon les consommateurs actuels, la saveur (Procopiou, 2003).
17Que la farine d’orge de l’Antiquité classique (alfita) soit produite à base de grains précuits, pétrie et consommée sous forme de boulettes comme accompagnement du repas (maza triptè), ou diluée dans l’eau, le vin, le lait et consommée comme une boisson (maza atriptè), elle acquiert une valeur gustative, sociale et symbolique particulière. Le breuvage sacré de Déméter, le cycéon, n’est en effet qu’une variante de ce mélange. Si l’on peut encore considérer des paramètres environnementaux et climatiques qui auraient favorisé la prédominance de l’orge dans la région – bien que les facteurs gustatifs ne doivent pas être négligés –, la variabilité des recettes et des modes de consommation n’est que le témoin de la perception des saveurs, aussi nombreuses que les sociétés qui les engendrent9.
18Comment aussi expliquer l’utilisation privilégiée d’un type de légumineuses, le lathyrus clymenum, à Théra et en Crète protohistorique ? L’adaptation de cette plante aux sols arides et sa résistance ont été avancées. Quant aux troubles neurologiques provoqués par sa consommation soutenue, ils auraient été minimisés par la mise en place de techniques de trempage (Sarpaki & Jones, 1990). Une explication rationaliste couvre toute sa chaîne opératoire, depuis sa mise en culture jusqu’à sa consommation. Mais si c’était son goût particulier qui était recherché ? Si la purée de cette légumineuse10, plat régional apprécié encore de nos jours, était aussi un marqueur d’identité ? Des études récentes en sociologie et en anthropologie mettent l’accent sur le rôle que les habitudes alimentaires jouent dans la création du sentiment d’appartenance à un groupe et dans la construction des identités, qu’elles soient culturelles, ethniques, sociales ou religieuses. Le qualificatif « mangeur de... » abonde dans les textes antiques : les Béotiens sont des mangeurs de pain en forme d’anneau (kollikophagoi), les habitants de la Thrace des mangeurs de légumineuses (ospreophageontes), tandis que les Romains ne sont que des mangeurs d’une préparation semi-liquide à base de farine d’eau et de lait, le « puls » (pultiphagoi et pultiphagonides). Et si les habitants de la Crète et des Cyclades étaient perçus comme des mangeurs de gesse ? Les petites quantités de cette plante trouvées à Tell el Nami en Israël au Bronze Récent sont importées et aucune mise en culture n’est attestée au Proche-Orient. S’agit-il, dans ce site à forte influence minoenne, d’un ingrédient pour la fabrication d’un plat par les immigrés égéens, plat qui les relie à leurs racines ?11 Pouvons-nous appréhender l’odeur, support privilégié pour la reconnaissance voire pour le refus de l’autre (Le Guérer, 2002), que ce plat exhalait ? Pouvons-nous enfin envisager que la coriandre, le cumin, le fenouil, la menthe, le céleri, le cresson, attestés dans les textes mycéniens, aient apporté aux mets égéens une odeur caractéristique et reconnue en Méditerranée orientale ?
19En dernier lieu, quels sont les facteurs qui guident les interdits alimentaires, aussi omniprésents et variés que les civilisations qui les inventent ? Concernant les légumineuses dont, on vient de le voir, la consommation soutenue peut provoquer des troubles neurologiques, l’interdit « s’abstenir des fèves » a été introduit par les pythagoriciens. Les travaux de Mirko Grmek (1983 : 329-340) ont mis en évidence que la présence d’un acide aminé12 toxique dans ces légumineuses, associé à un déficit en glucose (favisme)13, courant dans les populations méditerranéennes, peut provoquer des crises hémolytiques. Ces crises ont d’abord été interprétées à travers le filtre de la magie, mais elles ont été ensuite rejetées par le rationalisme d’Hippocrate et d’Aristote. La découverte moderne des modalités particulières du favisme, si elle réhabilite partiellement l’ancien tabou, n’explique pas pour autant la persistance de la consommation des fèves ni leur répartition autour de la Méditerranée.
20De nombreux travaux sur les interdits alimentaires ont en effet prêté une rationalité médicale aux diverses prohibitions (Assouly, 2002), présentes souvent dans les textes sacrés. « Tu ne mangeras d’aucune chose abominable », prescrit la Bible (Deutéronome, XIV, 3) aux enfants de l’Éternel. Mais aussi bien les études ethnographiques qu’archéologiques mettent en évidence que c’est la perception de l’abominable qui varie selon les sociétés et que c’est cette perception qui est guidée, en grande partie, par des paramètres irrationnels et imaginaires.
21La consommation des champignons est représentative à cet égard. En l’absence d’interdit religieux ou d’une quelconque prohibition, comment interpréter leur consommation disparate14 ?
22De nombreuses variétés de champignons sont consommées dans le monde grec et romain, bien que les risques soient connus et transmis par les sources écrites. Des critères liés à leur couleur et à leur aspect durant la cuisson, ainsi que des suggestions concernant leur lieu de ramassage, se mettent en place en même temps que les antidotes15. En parallèle, ingrédients pour la fabrication de poisons ainsi que de préparations médicamenteuses, ils peuvent aussi être exploités pour leur valeur psychotrope.
23De nos jours, une cartographie de la consommation des champignons, dans le monde égéen et en Europe en général, fait défaut, mais une disparité se dessine à travers un survol des données disponibles. Crétois et habitants des Cyclades en sont friands, mais les habitants de la Grèce Centrale s’en abstiennent.
24C’est une multitude de choix, guidés par l’intention, le mets recherché, mais aussi par la perception du goût, des saveurs, des valeurs – réelles ou imaginaires-, qui caractérise les habitudes alimentaires et les sciences cognitives offrent une approche privilégiée afin de les aborder.
Les matériaux : choisir et percevoir
25Enjeu majeur dans le monde industriel, le choix des matériaux mobilise de nombreux critères : aptitudes lors des opérations de mise en forme et de mise en œuvre, performance et résistance lors de l’utilisation, coût. Analyses technologiques à l’appui, les ingénieurs tentent actuellement de définir des qualités optimales pour un objectif donné (Ashby, Bréchet & Salvo, 2001).
26Quel est l’impact de cette vision actuelle d’optimisation de la matière sur les travaux archéologiques ? L’homme protohistorique a-t-il délibérément choisi les matériaux les plus aptes ou des contraintes environnementales, sociales, économiques ont-elles déterminé ses choix ?
27Une vision d’un déterminisme environnemental est véhiculée dans les études sur les matériaux de construction. Malgré les analyses récentes sur les propriétés de la terre, sur les savoir-faire requis pour sa transformation et sa réhabilitation à la fois pour la valorisation des patrimoines architecturaux et pour les constructions « écologiques16 », l’opposition entre architecture de terre et architecture de pierre perdure. La terre est encore perçue comme la matière la plus disponible, la plus facile à transformer, à l’inverse de la pierre dont l’extraction et la transformation témoignent d’un investissement technique plus poussé.
28Mais la coexistence de la pierre et de la terre, dès les premières phases de sédentarisation au Proche-Orient (phase khiamienne), ainsi que la coexistence ou la succession d’agglomérations privilégiant l’un ou l’autre matériau dans une même zone géographique, suggèrent que d’autres facteurs, liés à la perception des matériaux et de leurs propriétés, interviennent. Si l’Empire romain va exploiter dans la région de Palmyre en Syrie de nombreuses carrières et marquer l’espace par des constructions monumentales en pierre, celle-ci ne supplantera pas la terre, qui restera omniprésente dans les constructions byzantines et islamiques.
29À l’inverse, pour les îles cycladiques, perçues dans l’imaginaire actuel comme des îles rocailleuses balayées par le vent, des « chevaux en pierre à la crinière dressée17 », la pierre est perçue comme le seul matériau de construction disponible18 Les Cyclades possèdent cependant des terres argileuses d’une qualité exceptionnelle, exploitées par des potiers itinérants, dès la protohistoire et jusqu’à nos jours, terres fertiles qui offrent les « merveilleux moyens de subsistance » dont Théophraste (Recherches sur les plantes, VIII, 2, 8) fait encore l’éloge au ive siècle avant notre ère.
30Concernant les productions artisanales, dès la naissance de la discipline archéologique l’accent est mis sur l’importance de l’exploitation de matériaux variés selon les contextes chronoculturels, comme en témoigne la théorie même des trois âges (pierre, bronze, fer) de Christian Jürgensen Thomsen au xixe siècle. Mais c’est André Leroi-Gouhan, en abordant les techniques d’acquisition, qui va montrer l’importance de cette étape dans la chaîne opératoire de la production et qui va susciter de nombreux travaux dans le domaine.
31Les paramètres qui présidaient au choix durant la préhistoire et la protohistoire sont ainsi abordés, en particulier dans les travaux sur les industries lithiques. La localisation des sources et les possibilités d’accès pour les populations, la forme sous laquelle se présente la matière première, le comportement des roches pendant la mise en forme (la taille, l’abrasion...) et pendant l’utilisation sont successivement pris en considération. Ces comportements dépendent des caractéristiques mécaniques des roches (dureté, ténacité, etc.), que des travaux en géologie et en mécanique tentent actuellement d’identifier (Santallier et al., 2002 ; Vargiolu, 2008). Le choix, associé à des possibilités d’approvisionnement, à des contraintes techniques et/ou à des finalités fonctionnelles, est ainsi marqué par l’anticipation et implique une série de décisions. Plus récemment, l’application dans les travaux archéologiques de la design theory, inspirée de la psychologie et de l’économie cognitives, propose que ces décisions reflètent un compromis plus ou moins raisonné entre ces différents paramètres (Horsfall, 1987). Le matériau choisi, ramassé ou extrait, transformé et enfin utilisé, serait ainsi le matériau perçu comme le plus apte à une fonction première. Mais est-ce que la perception des différents critères de sélection est la même dans les différents contextes ? Est-ce que l’étude de l’évolution de la perception pourrait aussi éclairer la variabilité des matériaux observés dans les différents contextes archéologiques ?
Une étude de cas : la perception de la pierre meulière
32En appliquant des critères inspirés de la meunerie actuelle, de nombreux chercheurs ont qualifié de bons ou de mauvais les matériaux employés durant la protohistoire. À titre d’exemple, le grès friable, roche majoritaire pour la confection de l’outillage de broyage et de mouture durant le Néolithique et l’Âge du Bronze en Argolide, est considéré comme une roche de mauvaise qualité, car elle contamine fortement la farine par des particules minérales (Runnels, 1981).
33Les données de l’Âge du Bronze en Crète minoenne m’ont conduite à proposer qu’un calcaire gréseux vacuolaire friable ait été recherché pour ses qualités pendant la période des seconds palais crétois (Procopiou, 1998). Cette roche poreuse, qui contamine fortement le produit broyé, ne pourrait certes pas être employée de nos jours où les normes exigent une farine pure, exempte de toute particule exogène. Mais l’introduction, dans cette phase d’apogée de la civilisation minoenne, d’une roche certes friable, mais dont la surface se régénère automatiquement, peut refléter la recherche d’une minimisation de l’entretien des outils. Dans cette perspective, cette roche peut être perçue comme meilleure qu’une roche plus résistante, qui nécessite des ravivages manuels successifs. À la lumière des sciences cognitives, ce passage de roches plus résistantes à des roches plus friables serait le reflet d’un changement de perception de la qualité dans la société minoenne.
34C’est cette même évolution de la perception qui se dégage à travers les sources du xixe siècle en France. Selon le Syndicat des Grains et Farines de Paris (1883-1884), « la qualité – bonne ou mauvaise-des produits finis dépendait du goût du consommateur et de l’usage auquel il les destinait ». De même selon Ours-Pierre-Armand Dufrénoy (1834 [2002]), « les meuniers sont loin d’être d’accord sur le meilleur emploi de chaque meule ». En effet, comme le souligne François Sigaut (2002), la supériorité des meules de la Ferté-sous-Jouarre fut reconnue grâce à l’évolution des techniques de mouture. L’introduction de la mouture économique au xviiie siècle, impliquant des passages successifs des grains moulus et la séparation, après chaque passage, des différents produits obtenus (farine, gruau, son), a eu comme corollaire la nécessité de réglages spécifiques, au sein desquels la rugosité et la résistance de la meule jouaient un rôle primordial.
35De même la généralisation des meules à carreaux au xixe siècle va rendre adéquates des roches jusqu’alors inexploitées, plus compactes et moins poreuses que celles utilisées pour les meules monolithes (Ward, 2002). Enfin, les changements de goût et de la valeur nutritionnelle attribuée aux aliments vont influer sur la perception de la pierre meulière. Au xviiie siècle, la meulière était recherchée pour la fabrication de la farine blanche : le son était fendu, sans être concassé avec la farine, permettant ensuite le criblage. Actuellement, la meulière serait considérée comme la meilleure pour la farine complète, puisque ce même criblage serait volontairement omis : jadis bonne pour le pain blanc, elle serait aujourd’hui idéale pour le pain complet.
36Une fois la qualité de la roche définie, la sélection des blocs et leur transformation constituaient des étapes décisives, demandant une connaissance approfondie de la matière première et un savoir-faire qui ne pouvait s’acquérir que suite à un long apprentissage, visant à « respecter la pierre », à reconnaître au son du marteau ses qualités, à déterminer à l’œil sa texture (Barboff, 2002). Mais nombreux sont les critères d’identification des meilleurs blocs sur le terrain, témoignant ainsi de la pluralité des paramètres entrant en jeu lors de la sélection. La couleur bleue, par exemple, si c’est une marque de qualité pour Jean-Étienne Guettard (1758 [2002]) et Dufrénoy (1834 [2002]), est considérée comme secondaire par Charles Touaillon (1867) : l’acheteur « ne peut pas se fier à la couleur ».
37Il en ressort une multiplicité de critères de choix et de décision, intimement liés à la perception de la matière et à l’anticipation concernant sa mise en œuvre et son utilisation.
Les roches que l’on broie : action, transformation et perception
38De nos jours des meules, des broyeurs à cylindres, à mâchoires, à marteaux ou encore à boulets, sont mis en œuvre afin de transformer des centaines de produits, de nature végétale, animale ou minérale, introduits ensuite dans la chaîne alimentaire et industrielle. Durant la protohistoire et l’Antiquité, les matières premières disponibles étaient certes moins nombreuses, mais elles ont subi ce même traitement, pris alors en charge par les seuls couples meule/molette et mortier/pilon.
39La transformation des matières minérales, peu étudiée jusqu’à présent, intervient dans de nombreux artisanats : broyage de minerais dans les mines ou dans les ateliers de métallurgie, broyage de matières siliceuses pour la réalisation de faïences, broyage d’abrasifs (quartz, pierre ponce, émeri) pour le polissage d’outils, de vases, de statuettes en pierre, broyage de roches ou de minerais pour la fabrication de teintures et de colorants (teinture de textiles, peintures corporelles, peintures murales, décors céramiques).
40Les textes hippocratiques (Hippocrate, Plaies·, Pseudo-Hippocrate, Les pierres efficientes) et les lapidaires grecs (Lapidaire orphique, Kérygmes, Lapidaires d’Orphée, Socrate et Denys) décrivent le broyage intensif de roches diverses (obsidienne, agate, alun...), auxquelles on attribuait différentes vertus médicamenteuses et/ou magiques. La poudre issue de ce broyage était utilisée soit telle quelle, au sein de rites, soit mélangée à des matières organiques et ensuite appliquée sur les plaies (cataplasmes) ou encore consommée à des fins thérapeutiques.
41Quelle que soit la finalité fonctionnelle de ce broyage, des choix concernant l’outillage, les gestes, le temps et l’intensité de l’action, s’opèrent. Cette transformation mécanique, qui va d’abord modifier l’aspect, la texture, la granulométrie et par conséquent le comportement de la matière, va aussi lui conférer un nouveau statut. Dans le mythe de Lugal-e en Mésopotamie, la poudre obtenue par le broyage de la pierre sammum, fort probablement de l’émeri, se répand « comme de la farine » et s’élève au rang de seigneur lors du percement de la cornaline (travaux inédits de Cécile Michel ;19 cf. la discussion dans Boleti, 2009).
42Dans les sources grecques (supra), quand les roches broyées sont destinées à une consommation par voie orale, les auteurs n’hésitent pas à qualifier l’action de mouture au lieu de broyage et le produit de farine à la place de poudre.20 L’action confère ainsi à la matière un nouveau statut, qui autorise sa consommation. Quant à la farine, elle a aussi, grâce à la mouture, revêtu une nouvelle identité : « la farine est une nourriture inachevée21 », une étape transitoire vers l’étape finale, sa consommation sous forme de pain. La mouture n’est pas une simple transformation mécanique de grains en une substance de granulométrie inférieure, mais elle est suivie d’une transformation chimique des constituants du grain et d’une modification de leur valeur nutritive et gustative.
43Ainsi l’absorption de la pierre appelée galactite, qui une fois broyée laisse couler une liqueur laiteuse, est prescrite pour les femmes en cours d’allaitement, mais cette même roche, avant sa transformation, portée par les fidèles, apaise les divinités (Lapidaires grecs, Kérygmes, Lapidaires d’Orphée·. 2). L’hématite, tenue en main ou portée, contribue à la victoire devant les tribunaux, mais transformée et prise avec de l’eau, elle devient un médicament prophylactique contre tous les animaux venimeux (ibid. : 22). Enfin si l’agate, administrée en potion avec du vin, guérit les morsures de vipère, portée, elle est prophylactique et rend celui qui la porte éloquent, puissant, charmant, persuasif, robuste (Lapidaires grecs, Damigéron-Evax, XVII).
44Qu’il soit guidé par des facteurs réels, comme l’optimisation des qualités abrasives, ou des facteurs imaginaires, comme les propriétés thérapeutiques des roches, le broyage des matières minérales permet d’aborder la perception de la matière et d’éclairer les actions impliquées dans cette opération.
Les techniques de fabrication : la perception des formes, des surfaces et du toucher
45Selon Platon, si l’artisan « fixe les yeux sur l’idée » pour réaliser ses productions, ce même artisan est dans l’incapacité de façonner l’idée, « il n’en a aucun moyen22 ». Et si l’apport des sciences cognitives était d’éclairer l’évolution des idées comme celles du lit et de la table – pour reprendre les exemples employés par l’auteur de La République – dans le temps et l’espace ?
46Des maquettes/miniatures de tables et de sièges ont été mises au jour dans le monde égéen protohistorique et antique. Depuis les petites tables basses de la Thessalie néolithique et les tabourets et chaises du Bronze Ancien dans les Cyclades jusqu’aux figurines archaïques béotiennes, ce sont quelques siècles de l’évolution de la perception des meubles qui défilent. Les études ont jusqu’alors porté sur leur typologie, leur rôle symbolique, voire magique ou religieux, en négligeant leur apport comme témoins de gestes et de pratiques.
47La hauteur de la table témoigne en effet de la position corporelle et de la gestuelle de l’utilisateur, accroupi, en tailleur, assis, allongé, autour de cette table, et de l’appropriation de l’espace dans la maisonnée. Selon les caractéristiques de cette même table, les gestes du consommateur vont aussi varier. Quelle que soit l’interprétation du buveur23 – figurine cycladique représentant un homme assis sur un tabouret et soulevant sa coupe-, elle reflète des gestes de consommation qui se déroulent dans un espace qui n’est pas seulement géométrique, mais est aussi « représentatif », à savoir visuel, tactile, moteur24. C’est ainsi que de nombreuses études ont montré que nos mouvements dans l’espace non seulement transforment la structure du champ sensoriel (Paillard, 1984), mais contribuent aussi, de façon décisive, à son développement25.
48Si les données archéologiques nous conduisent dans un premier temps à aborder cet espace dans ses trois dimensions, elles peuvent aussi, à travers la répartition spatiale des objets et des structures, de leur couleur et de leur texture, nous permettre d’appréhender la façon dont ces artefacts s’inscrivent dans l’espace vécu, en reflétant, dans une perspective bergsonienne, la liberté des actions humaines26.
49La réalisation des objets manufacturés, selon Aristote (Œuvres morales, I, 34, 1197a, 4-13), n’est que l’expression de notre croyance en la solidité de la matière et en la véracité du toucher. Mais si les travaux archéologiques abordent la matière et la forme, les études sur les aspects de surface ne font que débuter. Certes, les analyses fonctionnelles des outils archéologiques se sont fondées, à partir des années 1960, sur l’observation des stigmates d’usure. Mais ce sont les surfaces usées, témoins des actions sur la matière, qui sont considérées et dans une moindre mesure les surfaces initiales (brillantes, lisses, mates, rugueuses...) qui reflètent l’intention de l’artisan lors des opérations de finition. Chaque état de surface confère à l’objet manufacturé de nouvelles propriétés, qu’elles soient réelles ou symboliques. Le polissage d’une hache la rend efficace durant la coupe, mais modifie aussi sa couleur, son aspect, sa brillance, et peut, comme en témoignent de nombreux exemples ethnographiques, lui conférer une valeur symbolique, la transformer en objet de prestige, voire en objet cultuel intervenant dans des rites (Pétrequin & Pétrequin, 2000 [1993]).
50Comment appréhender l’état de surface d’une lame polie archéologique ? Dans les publications, les mots « lisse, poli, lustre », caractérisent souvent les surfaces telles qu’elles sont perçues visuellement par l’archéologue et rendent la comparaison entre les objets issus de différents contextes malaisée. Plus récemment, une collaboration avec des ingénieurs de la discipline qui traite des phénomènes de frottement, d’usure et de lubrification, la tribologie, a permis de quantifier ces polis et d’appréhender la perception tactile à travers la mise en place d’un doigt instrumenté (Procopiou et al., 2009). Nous avons en effet comparé les signatures morphologiques de surfaces, analysées par des méthodes de caractérisation en laboratoire, avec les signatures de brillance, mesurées avec un système optique, ainsi qu’avec celles obtenues lors de la palpation d’une surface. Tandis que les signatures optiques se sont avérées tributaires de la nature du lubrifiant, les signatures sensorielles obtenues avec le doigt coïncident avec les signatures morphologiques de rugosité.
51Mais qu’en est-il de la perception d’une surface lisse durant l’Antiquité ? La définition aristotélicienne – « (quelque chose est) lisse, en tant que ses parties sont pour ainsi dire alignées, et rugueux, en tant que certaines dépassent, alors que les autres sont en retrait » (Catégories, VII, 20-24) –, proche de celle employée de nos jours en topographie des surfaces, témoigne de l’importance de la perception visuelle. Les données ethnographiques montrent cependant que, pendant les opérations de polissage, le toucher joue un rôle prépondérant pour la perception du relief.
52Si depuis la Renaissance, le monde occidental a dénigré le toucher, qui occupe le rang le plus bas dans l’échelle des sens27, ce sens, par qui « se révèle toute souffrance intérieure de l’organisme, ou bien au contraire le plaisir provoqué par l’acte de Vénus » (Lucrèce, De la Nature, II, 434-436), est au cœurs de l’univers sensoriel antique. L’importance de la perception tactile chez Aristote apparaît d’emblée : « le toucher par lequel nous avons défini la vie » (De l’âme, III, 13, 435 b, 16). C’est grâce à l’excellence de son toucher que l’homme est le plus intelligent des animaux28, car l’acuité tactile est signe de l’intelligence : « les individus à chair dure sont peu doués pour la pensée, les hommes à chair molle sont bien doués » (De l’âme, II, 9, 421a, 19-26).
53Les tailleurs de lames protohistoriques égéens seraient des hommes « à chair molle », capables de palper avec les doigts, de caresser avec la joue, de sentir avec la langue les surfaces en cours de transformation. La perception tactile et la proprioception, articulaire et musculaire29, permettent ainsi d’opérer des choix techniques afin d’obtenir les surfaces recherchées.
54Comme les enfants inuit qui s’initient à la sculpture de la pierre en touchant les surfaces polies et les indentations des incisions (Classen, 1999 : 274), les apprentis égéens ont dû mobiliser leur toucher afin d’acquérir le savoir-faire requis. Cette transmission des savoirs par le toucher, longuement délaissée dans les systèmes éducatifs occidentaux, n’a été que récemment réhabilitée30, grâce aux travaux en psychologie cognitive.
55Depuis la réalisation d’une surface polie jusqu’à la préparation des mets, les actions humaines mobilisent la vue, le toucher, le goût, l’ouïe, l’odorat. Aborder ces sens, à travers des analyses concrètes du mobilier archéologique et en tirant profit des nouvelles avancées des sciences cognitives, permettrait d’éclairer des univers perceptifs aujourd’hui disparus. Les maisonnées protohistoriques, que l’uniformité des plans et des matériaux de construction a conduit à reconstituer de façon homogène dans des contextes archéologiques variés31, retrouveraient les couleurs, les textures, les bruits, les odeurs qui les caractérisaient. Les mets des marmites retrouveraient leurs saveurs, les consommateurs protohistoriques regagneraient leur place dans l’espace représentatif, tel qu’ils l’ont conçu, réalisé, occupé et abandonné.
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Notes de bas de page
1 Pour cette évolution concernant la vision de l’homme préhistorique, cf. Stoczkowski, 1994. Pour la vision de l’abondance, cf. Sahlins, 1976.
2 Et plus particulièrement la philosophie de l’esprit. Pour la définition et la discussion, cf. Houdé et al., 1998 : 17-21.
3 Pour l’opposition entre l’action chez Hegel et l’action morale chez Kant et Fichte, cf. Bouton, 2004 : 57.
4 Pour l’apport de la psychologie cognitive concernant le rôle de l’inconscient durant la perception, cf. Pacherie, 2004 : 27-28.
5 Cf. respectivement les œuvres de Daniel Spoerri (Kamber, 1990) et de Marc Brétillot (http://www.marcbretillot.com/).
6 Food + feeling : « il s’agit de manger avec sa tête et son esprit, avec son nez, avec ses yeux, et pas simplement avec son palais », Alexandre Cammas (http://www.lefooding.com/).
7 Pour une critique de la « psychologie darwiniste » en général et plus particulièrement des travaux de Pinker, cf. Fodor, 1998.
8 La carpologie étudie les fruits et les graines conservés dans les sédiments archéologiques.
9 Pour cette variabilité infinie des saveurs, cf. les travaux sur l’anthropologie des sens de Le Breton, 2006.
10 La fava actuelle ou l’etnos de l’Antiquité classique.
11 Pour la persistance des habitudes alimentaires dans les groupes d’immigrés, cf. Le Breton, 2006.
12 Acide bêta-(n)-oxaly-Laminé-L-alanine (BOAA).
13 Déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6DP).
14 Je remercie François Sigaut d’avoir attiré mon attention sur cette consommation différentielle des champignons.
15 Éviter de les ramasser à proximité d’un nid de serpents, d’un clou, d’un fer rouillé... Le nitre, la queue des poires, le vinaigre, figurent parmi les antidotes.
16 Voir le laboratoire CRATerre, http://terre.grenoble.archi.fr/accueil.php et bibliographie.
17 Extrait du poème Axion Esti, d’Odysséas Élytis.
18 Mes vifs remerciements vont à René Treuil, qui a attiré mon attention sur cet aspect.
19 Je remercie vivement Cécile Michel de m’avoir communiqué ces résultats.
20 Alein à la place de tribein, alfita à la place de konya.
21 Plutarque, Questions romaines, 109 (289 e-f) : « La farine est une nourriture inachevée et non cuite... car elle n’est pas demeurée ce qu’elle était, le blé, et elle n’est pas non plus devenue ce qu’elle doit devenir, le pain, mais elle a perdu sa puissance germinative sans avoir pour autant acquis l’utilité de la nourriture céréalière. »
22 La République X, 595 b-c : « Mais tous ses meubles se ramènent à deux idées seulement, une idée de lit et une idée de table... N’avons-nous pas aussi coutume de dire que l’ouvrier qui fabrique l’un et l’autre de ces meubles fixe les yeux sur l’idée pour faire d’après elle, l’un le lit, l’autre les tables dont nous nous servons, et ainsi des autres objets ; car pour l’idée elle-même il n’est aucun ouvrier qui la façonne : comment le pourrait-il ? Il n’en a aucun moyen. »
23 Pour les différentes interprétations du rôle des figurines cycladiques, cf. Treuil et al., 2008 [1989] : 118-119.
24 Pour la notion d’espace représentatif, voir Poincaré, 1902. Pour les débuts des études sur la perception tactile de l’espace, voir les dialogues philosophiques de Berkeley (cf. Collingridge, 1978) et aussi Montgomery, 1885.
25 Held & Hein, 1963 : cette expérience réalisée sur 10 paires de chatons a montré que l’absence de mouvement pendant la simulation visuelle provoque des déficits sensoriels.
26 Bergson, 1939 : 280 : « L’esprit emprunte à la matière les perceptions d’où il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté. »
27 Pour les études anthropologiques sur le toucher, cf. Le Breton, 2006 : 175-243, et Classen, 2005.
28 Pour l’importance attribuée au sens du toucher chez Aristote, cf. Bourgey, 1955 ; Byl, 1991 ; Romeyer-Dherbey, 1991.
29 Pour la proprioception et le débat concernant son éventuel statut comme sixième sens, cf Massin & Monnoyer, 2003.
30 Cf. Gentaz, 2009, concernant l’apprentissage visio-haptique de la lecture.
31 Cf. les parcs archéologiques européens, où les maisonnées de différentes cultures protohistoriques sont reconstituées de façon presque identique. Mes vifs remerciements vont à Marie-Chantal Frère-Sautot pour avoir attiré mon attention sur cet aspect.
Auteur
Haris Procopiou (archéologie), maître de conférences à l’université de Paris-I – Panthéon-Sorbonne, archéologie et sciences de l’Antiquité, Maison de l’archéologie et de l’ethnologie (Nanterre).
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Informatique et sciences cognitives
Influences ou confluence ?
Catherine Garbay et Daniel Kayser (dir.)
2011