3.– Le processus de l’invention : approche cognitive
p. 75-90
Texte intégral
1En considérant maintenant l’ensemble des homininés, y compris les Homo sapiens, on peut s’interroger sur les processus cognitifs liés à l’invention et à l’innovation. Avant toute chose, il convient de préciser ce que ces deux termes désignent. À partir des définitions proposées par les historiens des techniques et les économistes, on peut considérer que l’invention consiste à concevoir quelque chose d’original et de nouveau, qu’il s’agisse d’une idée, d’un comportement ou d’un objet. C’est le premier stade de l’innovation, laquelle est le processus complet qui conduit de la conception d’une idée nouvelle à son acceptation par le groupe et à son application généralisée. De ce fait, une invention ne débouche pas toujours sur une innovation.
2Si l’archéologue ne perçoit les inventions qu’une fois qu’elles se sont diffusées et sont devenues des innovations, il peut aussi s’interroger sur le mécanisme responsable de l’invention première, c’est-à-dire sur la façon dont les inventions ont vu le jour. Ce sont les raisons de leur succès et le processus qui mène de l’invention à l’innovation qui ont surtout retenu l’attention des préhistoriens. Cette question touchant davantage au contexte plus ou moins favorable à la diffusion de l’invention, qu’il soit environnemental, social, économique ou technique, elle ne sera pas traitée ici (cf. sur ce point de Beaune, 2008).
3Jugée inaccessible, la question de l’origine d’une invention a le plus souvent été soit purement et simplement éludée, soit réduite à une explication un peu courte, telle que le recours au hasard ou au génial inventeur. On a aussi invoqué un heureux concours de circonstances tel qu’un environnement naturel propice, mais si celui-ci peut favoriser les conditions d’éclosion d’une invention, il n’en est pas la cause.
4Dans l’Antiquité, l’invention était attribuée, selon les cas, au hasard ou à une simple imitation de la nature. Elle pouvait être attribuée à un être divin, ou à un héros inspiré par la nature, et résultait ainsi de la découverte d’un secret de la nature auquel on donnait une nouvelle forme (Badel, 2006). Quant au hasard, il est surprenant qu’aujourd’hui encore, nombre de préhistoriens lui attribuent les mérites de l’invention, que ce soit pour la taille de la pierre, l’usage de percuteurs tendres, l’invention du feu ou encore la cuisson des aliments ou la poterie. Claude Lévi-Strauss a dénoncé en son temps cette fausse croyance, selon laquelle les inventions se seraient cueillies avec autant de facilité que les fruits et les fleurs (Lévi-Strauss, 1961 : 57).
5Le hasard ne peut suffire à expliquer l’invention puisque celle-ci suppose la capacité de composer, à partir d’éléments épars, un tout dont la cohérence n’apparaîtra qu’une fois ce tout constitué. Elle ne peut se faire sans une pensée capable de prévision et d’imagination créatrice, capable de projeter du virtuel dans le réel (Simondon, 1958 : 57). Ceux qui croient pouvoir accorder une valeur explicative au hasard sont victimes d’une illusion rétrospective : la fracturation aléatoire d’outils en pierre sur de l’os ou du bois évoque assurément les percuteurs tendres... pour qui connaît déjà de tels percuteurs. En réalité, les accidents peuvent toujours se produire, mais ils restent nuls et non avenus tant que l’esprit n’est pas capable de percevoir leur fécondité possible. Et c’est de cette capacité qu’il faut rendre compte.
6Qu’une invention soit due au hasard ou à quelque génie solitaire, rien n’est possible si elle ne s’insère pas dans un contexte favorable. Celui-ci joue un rôle important dès le stade de l’invention, avant même la généralisation et la diffusion de celle-ci. André Leroi-Gourhan (1945) a distingué le milieu extérieur du milieu intérieur du groupe. Le premier comprend l’environnement géologique, climatique, animal et végétal, mais aussi la culture matérielle et les idées des groupes voisins. Le second constitue le capital intellectuel du groupe. Il est évident que le milieu extérieur joue un rôle important dans la mesure où il crée les conditions matérielles de l’invention. Ainsi, la métallurgie ne pourra voir le jour que dans les régions du monde où il existe effectivement du cuivre natif. Mais il n’explique cependant pas tout. En effet, pour reprendre le même exemple, il existe des régions riches en métaux natifs, comme par exemple la Suède, où aucune métallurgie n’a cependant surgi. Quant au milieu intérieur, il rejoint la notion de système technique, indispensable pour comprendre comment une invention peut être adoptée puis se diffuser (Simondon, 2005).
7Si le moment exact de l’émergence de l’invention est pratiquement hors de portée, on peut tenter d’aborder la question en essayant d’en comprendre les mécanismes. Plusieurs auteurs ont remarqué qu’il n’existe pas d’invention ex nihilo et que la création d’idées nouvelles réside dans la rencontre et la recombinaison d’idées ou de techniques préexistantes (entre autres Haudricourt, 1987 ; Poincaré, 1908). Cette hypothèse a été testée en confrontant les données archéologiques et les données apportées par la psychologie cognitive et la neuropsychologie (de Beaune, 2009).
8À partir de l’analyse du matériel lithique non taillé, on peut déceler de véritables inventions dans le domaine des techniques gestuelles. Ces inventions ont débouché sur la création de nouveaux outils (broyeurs, molettes, pilons, meules, mortiers...) destinés à des activités nouvelles telles que le broyage, la mouture, le polissage, le corroyage... Certaines d’entre elles ont vu le jour grâce à un simple transfert opérant, toutes choses égales par ailleurs, soit sur la matière traitée, soit sur le matériau façonné, soit sur les dimensions de l’outil (pour le détail de cette analyse, cf. de Beaune, 2000 et 2008). Nous ne citerons que trois exemples. La taille de la pierre apparaît lorsqu’un geste utilisé jusque-là pour le concassage est appliqué dans une intention nouvelle à une matière également nouvelle1. Le broyage est apparu lorsqu’un mouvement jusque-là réservé à la découpe a été imprimé à un outil jusque-là destiné au concassage. Le polissage sur polissoir dormant du Néolithique résulte de la fusion du geste du polissage effectué sur de petits polissoirs à main avec l’ample geste de mouture en va-et-vient connu dès le Paléolithique supérieur.
9De nouveaux outils ou de nouveaux gestes techniques sont ainsi nés non d’une accumulation de connaissances ou d’une invention ex nihilo, mais de glissements tels que la fusion de deux gestes déjà connus, ou l’utilisation d’un geste déjà connu sur un nouveau matériau, ou encore l’utilisation d’un outil déjà connu en un geste réservé jusque-là à un autre outil. À chaque fois, l’invention revient à combiner d’une manière nouvelle des éléments déjà présents.
10À la réflexion, presque toutes les inventions de la préhistoire peuvent s’expliquer de cette manière. Ainsi, le façonnage de l’os au Paléolithique moyen n’est au fond que le transfert sur l’os des techniques de débitage et de retouche de la pierre. La poterie semble avoir résulté de la rencontre de deux techniques déjà existantes : la fabrication des récipients en matière végétale, animale ou minérale, et la cuisson de l’argile (de Beaune, 2000). La hache polie résulterait de la rencontre de deux inventions préexistantes, celle de l’herminette et celle du polissage (Cauvin, 1978).
11Cela pourrait expliquer pourquoi certaines inventions nous semblent aller de soi alors que d’autres, à l’inverse, ne sont pas apparues dans certaines cultures, la « rencontre » ne s’étant pas produite. En effet, la « rencontre » entre deux idées techniques n’a rien de systématique ou de nécessaire, et deux idées peuvent ne jamais se rencontrer. Il en est ainsi par exemple de la fusion entre l’idée de la roue et celle du transport qui ne s’est tout simplement pas faite chez les anciens Mexicains. L’usage de la roue était réservé à la fabrication d’animaux à roulettes et n’a pas été adapté à des besoins techniques. Peut-être l’absence de l’élevage et de certaines métallurgies explique-t-elle que les Mexicains n’aient pas inventé le chariot, mais, eussent-ils été présents, rien n’assure qu’il aurait nécessairement été inventé.
12Ce modèle rend compte de la nécessité d’un milieu technique favorable pour que la rencontre ou la fusion entre deux inventions puisse se produire, sans pour autant tomber dans un schéma simpliste de relation de cause à effet entre changements du milieu et changements technologiques.
13L’analyse qui précède nous autorise à faire remonter au Paléolithique moyen et peut-être même inférieur cette capacité à produire de l’inédit en combinant des éléments épars sans laquelle il n’est pas d’invention. Ce qui signifie non seulement que l’homme moderne a été, dès son apparition, capable d’invention, mais que d’autres représentants du genre Homo l’ont été aussi. La frontière passerait donc non pas entre Homo sapiens et le reste du monde animal, mais quelque part au-delà. À l’intérieur du genre Homo ou plus loin encore ? Pour tenter de cerner plus précisément en quoi consisterait cette spécificité de l’homme, si spécificité il y a, faisons un détour par les sciences de la cognition.
14Le processus conduisant à l’invention technique par transfert, fusion ou glissement de deux éléments disjoints qui vient d’être présenté résulterait en effet d’une aptitude cognitive bien connue des cognitivistes : le processus analogique.
15L’analogie, qui va au-delà de la simple comparaison, consiste à associer des éléments qui ne se donnent pas d’emblée pour comparables, et donc à rapprocher des éléments provenant de domaines qu’on tenait jusque-là pour éloignés. Elle fonctionne entre autres dans la résolution de problèmes, la génération d’hypothèses scientifiques ou l’acquisition de connaissances déclaratives. Elle « repose toujours sur l’application à des situations nouvelles de solutions fondées sur des représentations anciennes, antérieures » (Le Ny, 1997 : xiv).
16C’est donc une stratégie qui suppose deux types de représentations mentales : d’une part celles qui sont stockées dans la mémoire à long terme, d’autre part des représentations « transitoires », c’est-à-dire les représentations mobilisées au cours du traitement d’une information, et qui sont stockées dans la mémoire de travail. Outre les représentations anciennes ou transitoires, deux autres outils cognitifs sont également indispensables à son utilisation : l’abstraction et la généralisation (Gentner, 1983 ; Gineste, 1997).
17Bien sûr, il existe des différences d’aptitude selon que l’individu est un « expert », qui a déjà été confronté à un problème de même type et qui possède des connaissances structurées stabilisées dans la mémoire à long terme, ou bien un « novice », confronté à un problème pour la première fois, et qui aura plus de mal à trouver la bonne solution à partir de l’examen de situations analogues antérieures qu’il puisse rapporter à la situation à laquelle il doit faire face.
18Posée en termes de cognition, la question se ramène à celle de savoir à quel moment de l’hominisation est apparue la capacité de produire un raisonnement analogique, en d’autres termes depuis quand l’homme ou les premiers homininés disposeraient de cette aptitude.
19Le degré de complexité cognitive nécessaire à la réalisation d’un biface implique de prévoir et de planifier plusieurs étapes à l’avance, et il est clair que la mémoire de travail ne suffit pas et qu’il faut également disposer de la capacité de rappel de la mémoire à long terme. On peut en conclure qu’Homo erectus disposait des capacités mnésiques qui sont la condition préalable au raisonnement analogique. Si l’on remonte dans le temps, on a vu que la taille de la pierre est vraisemblablement née du transfert d’un geste d’un matériau à un autre, ce qui signifie que les homininés qui ont réalisé les premiers galets aménagés étaient déjà capables d’opérations analogiques.
20S’il est confirmé que la capacité d’invention par raisonnement analogique est bien spécifique à l’homme et à ses prédécesseurs immédiats, on peut se demander si elle est liée à une conformation neurologique qui lui est propre. Ce qui nous oblige, là encore, à faire un détour par les neurosciences. Tous les chercheurs reconnaissent que la croissance du cerveau au cours de l’hominisation a eu pour conséquence une nette amélioration des compétences cognitives. La croissance du cerveau s’est surtout traduite par un développement du néocortex et plus précisément du lobe frontal, particulièrement important chez l’homme puisqu’il représente près d’un tiers du volume cérébral (cf. de Beaune, ch. i.i du présent volume).
21Si l’on cherche à savoir ce qu’il en est exactement de la relation entre les compétences cognitives de l’homme et l’organisation de son cerveau, on se heurte à deux thèses principales contradictoires : celle des localisationnistes et celle des connexionnistes. Les localisationnistes établissent une correspondance entre les facultés psychiques et les régions corticales. Cette théorie, née au début du xixe siècle, semble confirmée par l’imagerie cérébrale développée ces dernières années. Ainsi, le lobe frontal semble le siège de la conscience réfléchie et du psychisme supérieur. C’est dans le lobe frontal que prennent naissance les intentions et que s’effectuent la programmation, l’initialisation et le contrôle des comportements volontaires. Certains apprentissages complexes (comme la résolution d’équations algébriques, la connaissance de plusieurs langues ou l’habileté motrice) mettent en jeu des aires associatives préfrontales.
22L’examen par PET (Positron Emission Tomography) des zones cérébrales activées lors de l’activité de taille de la pierre chez un expérimentateur a montré que les zones impliquées, en particulier le néocortex et le cervelet, correspondent précisément à celles qui se sont le plus accrues au cours de l’hominisation (Stout et al., 2000). Plusieurs neuropsychologues n’hésitent d’ailleurs pas à mettre en parallèle l’accroissement du lobe frontal au cours de l’hominisation avec celui des capacités cognitives et langagières (Bradshaw, 1997 ; Gärdenfors, 2004).
23Pour les connexionnistes, le cortex cérébral aurait une certaine homogénéité et les différentes fonctions ne seraient pas prises en charge par des aires corticales particulières, mais largement distribuées à travers le tissu cérébral. Ainsi, chaque aire corticale serait plus ou moins impliquée dans des fonctions différentes. Cela suppose une faible spécialisation fonctionnelle des neurones corticaux et une plasticité énorme du cerveau, qui expliquerait sa capacité d’apprentissage et sa faculté à se modifier en fonction de l’expérience (Cocude & Jouhaneau, 1993).
24La plasticité du cerveau est largement admise aujourd’hui ; elle explique qu’il puisse y avoir, après une lésion en un point donné, prise en charge par une autre région de la fonction qui était primitivement assurée par la zone détruite. De plus, les circuits connectant les neurones ne sont pas uniques mais redondants, des milliers de cellules effectuant des tâches semblables en parallèle. La meilleure preuve de cette redondance est que la mort quotidienne de nombreux neurones jamais remplacés n’entraîne pas de dysfonctionnement apparent. Cela prouve bien que le même souvenir est codé dans de nombreuses parties du cortex et non pas localisé dans un seul réseau.
25Comment alors expliquer que certaines lésions semblent bien correspondre à des aires particulières, d’ailleurs visibles grâce à l’imagerie cérébrale ? Les deux thèses seraient toutes deux exactes : la spécialisation fonctionnelle des aires corticales existe bien, mais ces aires sont très richement interconnectées les unes aux autres et elles se regroupent en ensembles fonctionnels très vastes, beaucoup plus globaux (Changeux & Ricœur, 2000). Il existe donc bien des invariants dans le cerveau, en même temps qu’une plasticité avec « une balance entre stabilité et remodelage » (Lambert, 2006).
26Mais si toutes les aires du cerveau peuvent être concernées par une activité cérébrale donnée, il existe une hiérarchie du perceptuel au conceptuel, les aires préfrontales étant impliquées dans les opérations les plus abstraites. En d’autres termes, « les parties anciennes du cerveau, en bas, s’occupent de la régulation biologique fondamentale, tandis qu’en haut, le néocortex réfléchit avec sagesse et subtilité » (Damasio, 1995 : 180). Par ailleurs, des travaux récents semblent montrer qu’il existe une relation entre d’une part l’expansion du cerveau et le degré de spécialisation de ses différentes régions, et d’autre part la complexité et le caractère imprévisible de l’environnement. Ainsi, à taille corporelle équivalente, les singes frugivores ont un néocortex plus développé que ceux qui se nourrissent de feuilles. Les premiers ont en effet davantage besoin de se souvenir où et quand ils ont vu des fruits comestibles, sous peine de mourir de faim. Leur néocortex plus développé leur permet d’héberger une capacité mnésique accrue (Allman et al., 1993). Or, si la mémoire à long terme semble recruter l’ensemble des territoires du cortex, la mémoire de travail – tout aussi indispensable au raisonnement analogique – semble bien liée au cortex frontal.
27Ce qui précède confirme le lien entre accroissement du cortex préfrontal et optimisation des opérations d’abstraction et de planification, donc des conditions du raisonnement analogique permettant l’invention technique. L’existence d’une « géographie » des capacités cognitives autorise à admettre que le développement du lobe frontal a joué un rôle important dans l’évolution psychique, culturelle et technique de l’homme, probablement en lui permettant d’innover et d’adapter ses connaissances.
28Enfin, si le cerveau a une forte plasticité et d’importantes capacités d’automodification, cette fonction adaptative est liée aux réseaux neuroniques qui empruntent des cheminements variables. Et plus la surface corticale est importante, plus ces réseaux sont nombreux. Or la surface corticale des circonvolutions cérébrales est beaucoup plus importante chez les humains que chez les autres hominidés. Donc, même en l’absence d’information sur la localisation précise des capacités cérébrales, on peut en conclure que la croissance exponentielle du volume du cerveau des homininés est bien à mettre en relation avec l’accroissement de leurs capacités cognitives.
***
29Il est assez tentant de mettre en relation les trois phénomènes suivants : 1/la complexité croissante de l’outillage et de toute autre production, matérielle ou non ; 2/les processus de raisonnement analogique mis en place dès les débuts de l’hominisation ; 3/le développement de la surface corticale et du cortex préfrontal favorisant le stockage de traces mnésiques, lui-même permettant le raisonnement analogique susceptible de conduire à l’invention.
30Si cette mise en parallèle peut paraître triviale, elle a le mérite de montrer que les conditions de l’invention technique étaient en place beaucoup plus tôt que ce qu’on pourrait imaginer a priori, c’est-à-dire dès l’apparition des premiers outils taillés, il y a au moins 2,3 millions d’années.
31Et si les inventions techniques semblent se multiplier et se diversifier selon un rythme exponentiel au cours des millénaires de la préhistoire, cela n’est peut-être pas dû à une amélioration des conditions neuronales ou cognitives, déjà en place, mais à des circonstances externes, comme une plus grande densité de peuplement accroissant la probabilité de rencontres entre deux idées ou deux techniques.
32Les travaux de Stanislas Dehaene, spécialiste de la neuro-imagerie cognitive, tendent à montrer que les contraintes neurophysiologiques joueraient un rôle important lors de l’éclosion d’inventions culturelles. Celles-ci ne seraient adoptées que dans la mesure où elles envahiraient des régions cérébrales initialement vouées à des fonctions suffisamment proches. Ce qui revient à dire d’une part que les conditions neurophysiologiques étaient réunies très tôt, d’autre part que « les variations culturelles que notre espèce est susceptible d’inventer ne sont pas illimitées » et « sont étroitement contraintes par les représentations et les mécanismes cérébraux que nous héritons de l’évolution et qui définissent notre matière humaine » (Dehaene, 2003 : 198). Ainsi, le succès instantané ou, au contraire, la difficulté d’apprentissage d’un objet culturel pourrait s’expliquer par sa plus ou moins bonne adéquation avec les représentations façonnées par notre cerveau. On rejoint ici finalement l’idée d’exaptation développée par Stephen Jay Gould.
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Notes de bas de page
1 Qu’il soit bien clair que nous ne prétendons pas que la taille de la pierre et l’action de concasser des noix sont équivalentes. La taille est éminemment humaine puisqu’« elle implique un état réel de conscience technique » (Leroi-Gourhan, 1964, I : 134). S’il s’agit bien de percussion lancée dans les deux cas, il y a un saut cognitif de l’un à l’autre que personne ne songe à nier. C’est précisément ce saut cognitif qui est analysé ici : le processus par lequel une activité technique évolue pour en faire naître une autre (de Beaune, 2004).
Auteur
Sophie A. de Beaune (préhistoire), professeur à l’université Jean-Moulin – Lyon 3, centre d’histoire des techniques et de l’environnement, Conservatoire national des arts et métiers (Paris).
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Informatique et sciences cognitives
Influences ou confluence ?
Catherine Garbay et Daniel Kayser (dir.)
2011