La paix par le droit ?
Division confessionnelle et juridiction dans le Saint-Empire
p. 281-303
Texte intégral
1L’étude des évolutions et des difficultés spécifiquement « allemandes » issues du champ des « juridictions » et du « droit confessionnel »1 remplirait des volumes entiers. La singularité du système politique de l’Empire imprègne toutes les tentatives menées au centre de l’Europe pour rendre la division confessionnelle politiquement maniable. Partout, bien sûr, le droit a joué un rôle : on peut même dire que c’est en juridicisant la confrontation confessionnelle que l’Empire a tenté de limiter son impact politique. Y a-t-il pourtant quelque chose, dans le travail historien mené sur pareils processus, qui ressortirait particulièrement et qui inciterait à la comparaison avec d’autres traditions savantes, par exemple en France ? Je ne suis pas sûr d’avoir trouvé l’accès à cette question d’historiographie. Dans la suite, je m’en tiendrai à un ensemble d’observations et de démonstrations de détail dont on pourra dire, dans le meilleur des cas, qu’elles présentent un air de famille.
I
1.a
2Il y a peu de temps que nous voyons à nouveau ce qui, pour les savants et publicistes de l’époque moderne, allait parfaitement de soi : l’histoire de l’Empire est, dans son essence, une histoire du droit. Loin de constituer un assemblage solide, la constitution de l’Empire s’est apparentée à une juxtaposition souple, et sujette à plusieurs déplacements tectoniques2. Larges tolérances, donc, plutôt que travail de précision – mais là se trouvait, précisément, le secret de la réussite. De là, pour l’observateur moderne, une impression d'efficacité limitée, de frottement : les engrenages n’entrent pas les uns dans les autres, cela crisse et gémit dans toutes les charnières, mais la machine a fonctionné pendant des siècles. Parmi les lois fondamentales de l’Empire, plusieurs étaient formulées d’une manière remarquablement ouverte, et le compromis, au lieu de s’arrêter à mi-chemin entre deux revendications maximalistes, s’exprimait le plus souvent dans des formules extensibles à souhait, dans des termes qui pouvaient satisfaire divers intérêts de diverses manières : ce n’est guère qu’au moment de la paix d’Augsbourg que ce procédé n’a pas été payant, chose qui d’ailleurs n’est pas sans signification pour notre propos. Pour le reste, le cadre – le droit – était rigide, mais les possibilités d’interprétation, jamais fermées, et même délibérément ouvertes, accompagnaient le changement. Ce conflit permanent des interprétations, qui fait de l’histoire de l’Empire une histoire du droit, peut certes aujourd’hui nous rebuter dans notre approche du système impérial, mais ce sont bien ses lacunes normatives, ainsi que les marges d’interprétation qu’elle se donnait d’emblée, qui ont rendu la constitution de l’Empire tellement solide en son temps, et qui ont permis sa longévité.
3C’est d’une manière toute particulière que l’âge des confessions en Allemagne s’est placé sous le signe de ce conflit, par ailleurs bien connu, des interprétations. Tous les conflits à l’intérieur de l’Empire à partir des années 1580 ont tourné autour de l’interprétation de la paix d’Augsbourg, et même la grande guerre confessionnelle allemande – je veux dire la guerre de Trente Ans – fut, avant de se déconfessionnaliser et de s’internationaliser à l’orée des années 1630, essentiellement un conflit autour de la législation d’Augsbourg3. Lorsqu’en 1629, après dix années d’une guerre destructrice, l’un des partis – en l’occurrence le camp catholico-impérial – finit par s’imposer sur toute la ligne, il s’empressa d’octroyer, avec l’édit de Restitution, un commentaire (par ailleurs partial) des dispositions d’Augsbourg. Manifestement, et à ses propres yeux, c’est pour cela, c’est-à-dire pour sa lecture de la paix de religion, qu’il s’était battu si longtemps, au prix de tant de sacrifices.
1.b
4Comment l’historiographie allemande s’y est-elle prise avec la division du droit caractéristique de l’âge confessionnel4 ? Celle-ci n’apparaît pas dans ses grands récits. La phase de formation de la discipline se caractérise par Tardent désir de faire advenir par l’écriture, cum ira et studio, un État national allemand. Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant de voir à quel point les principaux protagonistes de la discipline durent se rattacher au mainstream de la bourgeoisie cultivée, celui de la realpolitik. Ainsi Johann Gustav Droysen avait-il, dès 1849, émis son idée sur l’échec de l’Assemblée de la Paulskirche : « Les réalités commencèrent à triompher sur les idéaux, les intérêts sur les abstractions [...]. Ce n’est pas avec la “liberté”, pas non plus avec des décisions nationales que l’unité allemande devait être forgée. Il fallait une puissance s’élevant contre les autres puissances5. » Sans surprise, cette puissance aux yeux de Droysen était incarnée par la Prusse, mais ce qui compte le plus pour nous est l’accent mis, de façon aussi unilatérale que résolue, sur la « puissance ». Le ton était donné pour longtemps. Non que l’Allemagne n’ait pas produit son contingent d’excellents historiens du droit, travailleurs et amoureux du détail ! Mais pour ces figures de proue de la discipline, qui forgèrent la conception de l’histoire des élites bourgeoises cultivées aussi bien que des masses, à travers les manuels scolaires, les positions juridiques ne faisaient que recouvrir d’un voile le motif réel de toute action historique, à savoir la soif de puissance. La puissance était fin en soi, son accroissement, principe de vie : elle fondait son propre droit. Dès lors que Frédéric II de Prusse était « en mesure » d’envahir la Silésie, « pourquoi n’aurait-il pas dû l’envisager ? » – cette question, remarquablement immorale, Ranke déjà l’avait posée6.
5Dans ce contexte, les apories juridiques de l’âge confessionnel avaient peu de chances de rencontrer de la compréhension7. Le mythe historiographique le plus fécond au cours de la phase de formation de notre discipline ne porte-t-il pas sur la « mission allemande de la Prusse »8 ? Les mythes politiques fonctionnent selon un code binaire9 : il fallait que le bien incarné par la Prusse puisse se détacher sur quelque chose ; le Phénix devait prendre son envol sur un tas de cendres. Il fallait donc, par contraste avec l’histoire du salut kleindeutsch qui s’esquissait là10, décrire une désolation, laquelle réclamait aussi son acte fondateur. J’ai montré il y a quelques années que celui-ci a correspondu, précisément, à 164811. « Abîme de l’histoire allemande », la paix de Westphalie, qui fut une deuxième paix de religion, devint ainsi un élément constitutif dans la cosmogonie de l’État bismarckien, un de ses mythèmes principaux12. Dès lors que les débuts de la « mission allemande de la Prusse » étaient identifiés au règne du Grand Électeur13, il devenait impossible d’accorder la même attention à la première paix de religion, signée un siècle plus tôt, qui devait constituer la source de toutes les controverses juridiques de l’âge confessionnel en Allemagne. C’est donc seulement à titre de motif secondaire que les « effets destructeurs delà paix d’Augsbourg » furent intégrés à l’histoire du salut kleindeutsch14. Pour Droysen, l’Empire en 1555 « s’était pour toujours dissout dans ses territoires », « la liberté devenait un état impossible, un chaos politique. Voilà ce que signifie l’ordre fixé en 1555 ». « C’était la banqueroute politique complète » de cette « malheureuse République des Princes, l’Allemagne »15.
6Johann Gustav Droysen fut le héraut le plus talentueux du prussianisme. Le plus énergique, Heinrich von Treitschke, tonnait pour sa part dans ces termes : « Je pose la question : a-t-on jamais vu un tel exemple d’automutilation de la part d’une grande, riche et puissante nation ? » Son but était de faire apparaître « ce que fut en réalité cette époque la plus scandaleuse de notre passé », « ce temps où notre peuple, par sa seule faute, tomba dans la discorde et la lâcheté », à savoir « les jours de la prétendue paix d’Augsbourg [...]. C’est alors que fut accumulée la dette de péché politique dont nous autres, rejetons tardifs, n’avons pas encore pu nous décharger »16. C’est cela qui donna le ton pour des générations. Je ne peux ici le montrer que ponctuellement, par exemple par ce jugement de 1902 : « Le recès de la diète d’Augsbourg de 1555 [...] stoppa les engrenages de la machine d’Empire [...]. À cet instant, notre peuple, découragé, s’effondra17. » Je cite encore un manuel scolaire de 1931 : « Après la paix d’Augsbourg, l’Allemagne resta divisée en deux camps religieux. Ce fut un malheur national pour notre patrie allemande par ailleurs si profondément déchirée [...]. Ces conflits internes [...] dissocièrent le peuple allemand et condamnèrent l’Empire à l’impuissance et à l’inaction, en un temps où d’autres peuples se partageait le monde entre eux18.»
7Cette tonalité qui devait rester négative pour des générations se double de l’idée, importante pour notre propos, selon laquelle les actes signés en 1555 ne valaient rien, justement parce qu’ils étaient des actes, du papier, du droit. Comme si des conflits entre intérêts vitaux pouvaient être canalisés par de sèches séries de paragraphes ! La certitude qu’il y avait là une naïveté était, autour de 1900, tellement puissante qu’elle gagna aussi les historiens de l’Église. Même des auteurs résolument catholiques accompagnèrent le courant majoritaire du protestantisme culturel. Je m’en tiendrai au cas de Felix Stieve et à ses efforts pour montrer que lui aussi s’y entendait en matière de realpolitik : « Jamais des contrats et des lois ne pourront arrêter ou inverser la poussée d’une évolution ; seule la force réfléchie le peut19.» Un historien aussi démonstrativement protestant que Ludwig Schwabe le savait aussi : « Il est clair [...] que la détermination juridique de l’Église protestante ne signifiait pour ainsi dire aucune avancée [...]. Les questions politiques sont toujours des questions de pouvoir, et cela vaut aussi pour la politique des Églises20.» C’est donc d’une autre manière qu’il eût fallu venir à bout des catholiques, par attaques et infiltrations.
8Les citations les plus frappantes proviennent certes des années 1900, mais les deux motifs qu’on vient d’extraire de la réception historiographique de la paix d’Augsbourg firent très clairement entendre leur écho jusque dans les années 1950. Les deux paix de religion sont censées avoir été à l’origine du « morcèlement » de l’Allemagne, le simple fait qu’elles aient tenté de régler des conflits entre intérêts vitaux avec de l’encre et du papier, alignant les paragraphes mesquins là où elles eussent dû laisser libre cours aux grandes passions, les fait apparaître sous leur jour dérisoire21. Parmi les études consacrées à la paix d’Augsbourg au moment du jubilé de 1955, on n’en trouvera pas une seule pour célébrer ou même pour simplement percevoir le mérite spécifique et l’élément novateur d’une paix de religion qui, quatre cents ans plus tôt, avait délibérément fait abstraction de la question de la vérité. On négligea que la modernité de la première paix de religion allemande tient précisément à ce qu’au lieu de chercher à surmonter théologiquement le désaccord confessionnel, on essaya de le rendre politiquement maniable en le juridicisant. Au lieu de cela, au mépris de toute tentative de compréhension historique, on lui fit grief de son caractère « purement politique », « extérieur », souvent à travers des pseudo-parallèles d’actualité avec l’emballement de l’antagonisme Est-Ouest, dans lequel l’acceptation de l’autre ne devait pas impliquer la tiédeur des convictions, et encore moins évacuer la question de la vérité22.
1.c
9Depuis quand s’applique-t-on avec un minimum de sérieux à comprendre le Saint-Empire comme une réalité juridique sui generis ? L’Allemagne de l’après-guerre avait perdu la Prusse. On ne cherchera pas ici à savoir si la République fédérale a ou non bricolé son propre mythe de fondation (la réforme monétaire, peut-être ?). En tout état de cause, le symbole vénéré n’était plus l’Aigle noir, mais l’argent du Deutsche Mark, et l’icône ne se courbait plus, émaciée, sous le poids d’airain du devoir d’État : elle était bien plutôt anormalement corpulente et fumait le cigare23. Tout regard sur l’époque faisait perdre sa vertu explicative, légitimatrice et motivante au mythe de la « mission allemande de la Prusse », lequel conséquemment commença à pâlir24. Et pourtant : de façon étonnante, c’est très tardivement que le pays du miracle économique, qui ne voulait plus être un État et rêvait de bientôt se dissoudre dans l’Europe, a redécouvert le Saint-Empire, qui lui non plus ne fut ni un État national, ni une puissance. Au mieux, cette « guilde de protection juridique » n’aura tenu que deux décennies dans la liste des principaux sujets pour historiens, pour ensuite reculer de nouveau significativement dans les années 199025 : on voulut d’abord à nouveau écrire une histoire nationale allemande (« Nous sommes le peuple » – et l’avons toujours été), puis vint la succession toujours plus frénétique des « tournants » historiographiques, en opposition très nette avec la recherche obsessionnelle des racines nationales des années 1990 ; et c’est à présent l’Europe et le monde censément toujours plus petit de la mondialisation qui sont à l’agenda des historiens. L’histoire de l’Empire est redevenue provinciale.
10Si nous reculons à présent de la fin de cette courbe de conjoncture jusqu’à son début, nous pouvons demander : où une hausse aurait-elle pu s’enraciner26 ? Parmi les pionniers, on nommera Friedrich Hermann Schubert, qui publia en 1966 un livre important pour l’époque sur les diètes d’Empire27, ainsi que des études substantielles sur l’âge confessionnel28. Sur ce dernier sujet, Fritz Dickmann, à peu près à la même époque, a sans doute également joué un rôle important. Ce marginal de la discipline – il n’obtint sa chaire que vers soixante ans, et aucun dictionnaire ne le mentionne29 – fit paraître en 1959 une monographie sur la paix de Westphalie, qui à y regarder de près n’est pas sans conséquence sur le sujet que nous traitons ici. Il ne faut pas lire ce livre à l’envers : la fin résume l’opinion devenue habituelle depuis un siècle : « La Paix fut pour notre peuple un malheur national et pour le Saint-Empire, le début de la maladie mortelle à laquelle il finit par succomber [...]. L’année 1648 est dans notre histoire une grande année de catastrophe30.» Treitschke aurait pu écrire cela. Et pourtant, les cinq cents pages qui précèdent décrivent minutieusement – avec par ailleurs un sens des grandes lignes qui fait que cet imposant opus, en dépit des progrès accomplis entre-temps dans le détail, résiste au temps – comment, en Westphalie, c’est pour le droit qu’on se battit. Les sources juridiques de l’âge confessionnel étonnent au premier regard par leur mélange de pathos et de calcul, de grandes passions et d’arguties minuscules. Dickmann est celui qui a enfin pris les deux choses au sérieux. On peut même aller plus loin : voilà enfin quelqu’un qui a pris les sources au sérieux.
11La même année 1959 paraissait un article tout aussi important pour notre sujet. Son point de départ se trouvait non plus dans les actes juridiques, mais dans la littérature de controverse de l’âge confessionnel. Sous le titre, à coup sûr très énigmatique pour l’époque, de « Autonomia und Pacis compositio », le juriste Martin Heckel, spécialiste de droit ecclésiastique, présentait une étude de plus de cent pages consacrée à deux traités catholiques, que cet auteur résolument protestant prenait – il faudrait redire : enfin – au sérieux, ou au mot31. Ce qu’il y trouvait, c’était, à nouveau, la lutte pour le droit. Les deux textes étudiés argumentent avec passion et beaucoup d’investissement intellectuel en faveur de positions de droit et entendent révéler ce qui leur apparaît comme l’injustice abyssale commise par la partie protestante. Depuis lors, Martin Heckel a publié de nombreux travaux sur le droit divisé de l’âge confessionnel, en suscitant aussi plusieurs thèses qui permettent de les éclairer. Il se place de la sorte dans la longue série de juristes spécialistes de droit ecclésiastique32 dotés d’une véritable sensibilité historique qui s’est formée à partir de la fin du xixe siècle33.
12De fait, c’est à des juristes que nous devons une bonne partie de notre savoir sur ce qui apparaît comme le problème central de l’Allemagne de l’âge confessionnel : le problème juridique34. Ceux-ci ont avant tout les normes en vue, avec les sources qui leur sont propres, celles d’une littérature juridique imprimée, exigeante, à la hauteur de leurs attentes intellectuelles. À côté de ces sources de la réalité juridique, ou plutôt constitutionnelle, de l’âge confessionnel, les innombrables écrits de polémique destinés à un plus large public retiennent moins leur intérêt. Il en va de même, à vrai dire, chez nous autres historiens – les flots de publicistique déversés par le combat confessionnel constituent une source immense et à peine travaillée35. Et puisque j’en suis à critiquer : tout bien considéré, il me semble que les juristes spécialistes de droit ecclésiastique protestant portent un regard trop général sur la partie catholique. Le plus souvent, ils ne peuvent s’aider que des deux traités catholiques, l’Autonomia et la Pacis compositio, que Heckel avait minutieusement étudiés en 195936. À l’origine de cela il y a une erreur de jugement que les historiens ont entre-temps perpétuée, celle qui veut qu’aux alentours de 1600 la supériorité savante soit revenue aux protestants. Les protestants de l’âge confessionnel étaient pour leur part persuadés du contraire et se voyaient comme publiquement diffamés, en permanence poussés dans leurs retranchements37. L’Autonomia et la Pacis compositio sont deux textes parmi d’autres souvent bien plus cruels pour les protestants, qu’ils dénonçaient comme des voleurs ou de la racaille sans foi ni loi en affirmant que la paix de religion n’était depuis longtemps plus en vigueur, ou que depuis le début elle n’avait revêtu aucune force de loi.
13À coup sûr, cette ironie envers les réalisations du droit ecclésiastique protestant ferait mauvais effet auprès des historiens allemands. Il se peut que la forte intervention de facteurs extérieurs au droit dans l’élucidation des apories juridiques de l’âge confessionnel soit un phénomène typiquement allemand, ou du moins qu’il en aille différemment en France – comme je le lisais encore récemment chez Christophe Duhamelle : « Il n’y a pas de Martin Heckel français38. Assurément, l’objet du travail historiographique, je veux dire : les problèmes juridiques eux-mêmes, sont différents en Allemagne et en France. La couronne, en France, a dû elle aussi organiser la coexistence de deux conceptions du monde, mais celles-ci n’ont jamais été à égalité. Le catholicisme est resté religion d’État : peut-on mieux le symboliser que par le cordon sanitaire de cinq lieues imposé aux calvinistes autour de Paris ? Aux réformés étaient concédés quelques droits exorbitants à la religion du pays, quelques exceptions, donc, à la règle catholique. Celles-ci du reste ne purent s’imposer, car l’absolutisme eut tôt fait de rogner toute particularité au profit de la norme unique du pouvoir central. Comme on le sait, les places de sûreté pour les réformés disparurent rapidement, à la suite de la neuvième ou dixième campagne contre les huguenots – et l’on ne parlera pas des tristes suites. Il en va tout autrement des fondements juridiques de l’âge confessionnel au centre de l’Europe : la première paix de religion en Allemagne n’est certes pas paritaire – une telle catégorie ne convient qu’à la seconde paix de religion, celle de 1648, pas à celle d’Augsbourg39. Reste qu’en 1555 la coexistence de deux confessions juridiquement reconnues dans l’Empire fut officiellement consacrée, sans la moindre restriction dans le temps ou dans le statut. Par là, l’Empire recouvrait non seulement deux conceptions du monde, mais aussi deux ordres juridiques40. La division des Églises a mené au centre de l’Europe à la division des droits.
II
2.a
14La division juridique fut l’un des grands problèmes qu’eut à affronter le système juridique de l’Empire, on peut même dire que ce fut la difficulté principale dans l’Allemagne de l’âge confessionnel. C’est en effet à ce moment que l’indispensable consensus sur l’Empire, le droit et la loi, et avec lui la confiance en la crédibilité et l’efficacité des acteurs politiques s’effondrèrent de ruineuse manière41. Il est vrai que les partis confessionnels ne combattaient alors pas véritablement – mais avec quelle férocité dans les années 1600 – pour des positions juridiques, mais bien au service d’une vérité que chacun pensait détenir exclusivement. Ils combattaient – quelque réticence que nous éprouvions, comme historiens, à employer ce mot – pour les âmes. Dès lors toutefois qu’il avait été décidé en 1555 que l’échange discursif avec la partie adverse, sur la scène politique de l’Empire, passait par le medium du droit, que la monnaie de cet échange, déposée sur la table de négociations, consistait, plutôt qu’en articles de foi, en un ensemble de paragraphes composant une paix de religion, la vérité que chacun devait défendre prenait la forme d’une interprétation des dispositions juridiques d’Augsbourg. Rien ne dit pourtant qu’on ait alors cyniquement utilisé les deux paix de religion en se contentant d’agiter des slogans mensongers. Non que les hommes de cette époque aient été nécessairement plus sincères et plus nobles que l’homo occonomicus du capitalisme (qui pourrait le mesurer ?) ; simplement, le droit, la politique et la théologie se mêlaient chez eux d’une manière intime au cœur de leur pensée. Ils combattaient ainsi pour bien plus que de « simples » positions juridiques, mais rien ne dit non plus qu’ils n’aient pas été convaincus d’avoir le droit de leur côté : ils combattaient pour leur bon droit, dont ils ne pouvaient s’extraire dès lors qu’il leur paraissait renvoyer à leur vérité et à leur justice. C’est pourquoi on ne pouvait pas simplement « laisser courir », ou, pour le dire avec les sources juridiques et les écrits polémiques de l’époque, durch die Finger sehen.
15Tout cela devait influer profondément sur le cours de la justice d’Empire, à laquelle je voudrais encore consacrer quelques réflexions – ce sera mon ultime sondage dans le droit d’Empire. Conséquence nécessaire du jugement négatif porté sur celui-ci, les deux plus hautes juridictions d’Empire furent pendant longtemps les parents pauvres de la recherche42. S’agissant du tribunal de la Chambre impériale (Reichskammergericht), il semble cependant qu’un solide remède ait été élaboré à partir des années 1960, au point d’en faire un objet privilégié de la recherche en histoire du droit de l’époque moderne : depuis lors, il constitue l’un des organes d’Empire les mieux connus43. Si les travaux à son sujet furent d’abord dominés par des juristes dotés d’une sensibilité historique, beaucoup d’historiens se sont depuis une vingtaine d’années mis de la partie44. En comparaison, le Conseil impérial aulique (Reichshofsrat) reste étonnamment sous-étudié45 – je laisse ouverte la question de savoir si cela tient à des « préjugés confessionnalo-prussoétatistes », comme le suppose l’article que lui consacre le Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte46, ou si le problème n’est pas plutôt à chercher dans l’état des sources. L’état de la recherche relative aux procès de religion, objets d’affrontements passionnés à l’époque confessionnelle, est pour sa part étonnamment similaire pour les deux juridictions : ces procès ont traditionnellement peu intéressé la recherche sur le Reichskammergericht, qui ne leur a consacré qu’une seule monographie, premier travail pionnier à ce sujet, exactement comme pour le Reichshofrat47 (il se peut qu’on puisse ici établir des parallèles avec la tradition française ; en tout état de cause, on a pu dire il y a quelques années au sujet du parlement de Paris que « la question confessionnelle n’a pas été étudiée systématiquement48 »). Bernhard Ruthmann s’est penché en détail sur les procès de religion devant le tribunal de la Chambre impériale dans un travail de 199649, et Stefan Ehrenpreis a récemment renouvelé l’information sur les procédures analogues devant le Conseil impérial aulique50. Tous deux se livrent à une tentative de réhabilitation de « leur » institution, ce que je trouve plutôt sympathique : on ne passe pas des années de labeur dans les archives pour en ramener des problèmes et des échecs. Je voudrais clore mon esquisse par quelques gloses laudatrices et d’autres plus perplexes sur ces deux excellentes monographies.
16Bernhard Ruthmann ne nie pas que les litiges spectaculaires issus de la paix de religion ne produisirent que très peu de jugements réellement exécutoires ; il part bien plutôt de l'effet stabilisateur des procédures judiciaires en tant que telles. Le propos de sa substantielle étude est de souligner leurs diverses fonctions pacificatrices : prévention des excès d’une violence éruptive, promotion du compromis négocié, « contrôle des affects ». Pourtant, le matériel patiemment assemblé par Ruthmann ne vient-il pas contredire son jugement plutôt euphorique sur les effets produits sur le système politique ? Bien des litiges laissaient les parties en présence dans l’incapacité de déclencher une procédure, ne serait-ce que parce que l’égalité des votes (paria vota) paralysait les sénats extra-judiciaires ! Dans des cas comme celui-ci, il est naturellement impossible d’évoquer la vertu canalisatrice de la procédure.
17L’évaporation du consensus sur l’Empire, le droit et la loi ne put à mes yeux être compensée par le Reichskammergericht. L’affaiblissement de cette plateforme normative commune dont tout système politique a besoin pour fonctionner requérait de nouvelles normes plutôt qu’un compromis judiciaire ou, pour le dire autrement, des solutions législatives et non juridictionnelles. Dans leur entreprise pour faire sortir la France du tumulte des guerres de religion, les « politiques » autour de Bodin misèrent ainsi sur un souverain fort, créateur de normes : « le poinct principal de la maiesté souveraine » résidait pour eux dans la compétence législative. Le pouvoir ne s’épuise plus dans une résolution de conflits à partir de règles préexistantes, il est avant tout création de droit ; le souverain peut et doit « casser, ou changer, ou corriger les loix selon l’exigence des cas, des temps et des personnes »51. À l’inverse, le système de l’Empire ne situait pas la « souveraineté » dans un point précis ; il fallait que l’Allemagne fût « gouvernée en allemand52 ». Certes Bodin tenta de formaliser l’irregulare monstrum à partir de ses régularités, et comme on sait il plaça la souveraineté germanique dans l’intégralité des États de l’Empire assemblés dans la Diète. Dans les faits, en un temps où la politique versait de toutes parts dans le juridisme, la Diète n’était tout simplement pas en mesure de résoudre l’état de détresse institutionnelle où se trouvait l’Empire, et cela pour des raisons structurelles bien plutôt qu’à cause de la mauvaise volonté de ses membres.
18Assurément les assesseurs du tribunal de la Chambre impériale, qui pour la plupart étaient des têtes bien faites et bien formées juridiquement, eurent tôt fait de comprendre que bien des dispositions de la paix de religion ne permettaient pas de résoudre les conflits juridiques et qu’il fallait s’en remettre encore au législateur. En conséquence, ils prirent l’habitude d’énumérer des dubia, cas douteux qui régulièrement menaient à une égalité de votes (paria vota) et qu’il fallait donc d’abord régler politiquement53. Ces directives politiques, ils ne les reçurent cependant jamais, et c’est ainsi que plusieurs questions brûlantes, car liées à la paix de religion, perdirent toute capacité à être réglées en justice. Était-on alors obligé, dans l’incertitude où l’on était de voir l’affaire engagée aboutir jamais à un jugement exécutoire, de créer un fait accompli avant même la contestation du litige, de façon à aborder d’éventuelles négociations de compromis dans une position favorable ? Ce calcul inévitable jouait – puisque naturellement tous les membres de l’Empire n’étaient pas en mesure de susciter de tels faits accomplis – à l’avantage des principaux États de l’Empire, et donc à l’encontre d’une tendance par ailleurs puissante et efficace de cette ligue de protection juridique qu’était l’Empire54. Mais lorsque l’enjeu était celui du salut des âmes ou de la damnation éternelle, la durée des procédures posait un problème spécifique (celui qui, dans ces domaines, avait suscité le fait accompli, s’assurait pour des années, voire des décennies, le contrôle des reins et des cœurs de ses « brebis »), et l’incertitude sur la survenue d’un jugement avait en général des effets déstructurants. Ce n’est que lorsqu’on pouvait attendre avec confiance des jugements exécutoires que l’on pouvait le cas échéant les contourner. Si la fonction d’un système politique est de « garantir la décidabilité de tous les problèmes qui lui sont posés55 », on peut dire que le Reichskammergericht cessa de l’exercer à partir des années 1580.
2.b
19Stefan Ehrenpreis de son côté renonce, avec à mon sens davantage de réalisme, à parler d’un effet stabilisateur de « sa » juridiction, le Conseil impérial aulique (Reichshofrat), dont il a très précisément décrit les méthodes de travail56. En revanche, cette instance aurait selon lui réussi à stabiliser, et pour le coup dans la longue durée, la position de l’Empereur comme juge suprême. En ce sens, le Reichshofrat à l’époque de Rodophe II pourrait être considéré comme un succès57.
20Deux hypothèses étaient jusqu’ici en vigueur à propos du Conseil impérial aulique dans les années 1600 : la crise du tribunal de la Chambre impériale lui aurait permis de monter en puissance58, et le règne de Rodolphe II serait allé de pair avec une notable politisation de son fonctionnement59. La première hypothèse paraît vraie, et la seconde, pas fausse. Pour autant, Ehrenpreis insiste sur le fait que le Reichshofrat aurait, dans tous les cas douteux, fait passer la perspective d’un triomphe à court terme de la Contre-Réforme derrière l’objectif politique d’une stabilisation à long terme de la position de l’Empereur comme juge suprême60. Ehrenpreis qualifie ainsi la critique protestante du Conseil impérial aulique sous Rodolphe de « caricature propagandiste », ce qu’elle fut sans doute – mais surtout pour un regard catholique61.
21Il ne nous appartient certes pas, aujourd’hui, de rendre la justice depuis notre bureau. Ce qu’il nous faut retracer, et rendre compréhensible pour un monde radicalement sécularisé comme le nôtre, c’est la profonde scission juridique de l’âge confessionnel, où chacune des parties protestait de son bon droit. Le fossé ainsi ouvert fut encore élargi par le Reichshofrat. Une fois retombée la poussière du combat rhétorique, il demeure un noyau de vérité politique et institutionnelle dans la critique des protestants affirmant que la Cour – pour reprendre les termes d’une liste de doléances du 7 avril 1613 – « interprétait les constitutions de l’Empire avec des préjugés [pour eux] très défavorables, alors même que cette prérogative ne revient qu’à sa majesté l’Empereur et aux États rassemblés de l’Empire62 ». Derrière des formulations comme celle-ci s’ouvre un abîme dans la législation, qui n’apparaît pas forcément tout de suite à des yeux d’aujourd’hui. Sur quoi exactement portaient les reproches des protestants au Conseil, lorsqu’ils déploraient ses interprétations indûment partiales ? L’idée était que le Reichshofrat interprètait la paix de religion d’après la compréhension que les catholiques se faisaient à l’avance de ce texte, que ces représentations catholiques guidaient l’intégration de la paix d’Augsbourg dans le tout de la législation impériale63, et que les vides juridiques mêmes étaient remplis d’une manière conforme aux attentes de représentants de l’ancienne foi64. Pour les États protestants de l’Empire, de tels agissements étaient à la fois contestables dans leur contenu, car clairement partiaux, et illicites formellement, car les principes de l’interprétation de la paix de religion ne devaient à leurs yeux être soumis ni à des décisions de justice ni à des votes à la majorité, mais devaient être négociés librement entre les deux camps confessionnels. Or un tel procédé, qui pour les protestants était censé réduire des privilèges catholiques aussi injustes à leurs yeux qu’ils étaient ancrés dans la structure de l’association entre les territoires de l’Empire, menaçait aux yeux des catholiques la capacité du système politique tout entier à opérer efficacement65. Le slogan selon lequel « il n’y a pas de juge dans les affaires de religion » avait selon eux pour effet non seulement de « bloquer la justice », mais il menait en outre à « la ruine et la dissolution de tout l’Empire »66. Le déroulement très mouvementé de la dernière Diète précédant la guerre de Trente Ans s’explique entre autres par le conflit autour des « procès de la cour |de justice impériale] ». Pour notre propos, moins orienté vers les diètes d’Empire, c’est toutefois un autre constat qui devrait prévaloir : le consensus sur les compétences et le Stylus d’une instance aussi élevée dans la hiérarchie impériale que le Reichshofrat avait fini par s’évanouir.
22La chose, bien sûr, était catastrophique pour le système politique de l’Empire. D’une manière générale, je veux dire : quel que soit le cas traité, par exemple en matière confessionnelle, on aura soin de ne pas surestimer l’efficacité des tribunaux impériaux, pas plus que celle des assemblées des états de l’Empire. Avant même que la polarisation confessionnelle devînt un problème central du système politique impérial, la question de savoir dans quelle mesure chaque état d’Empire devait se soumettre aux décisions impériales, quelles qu’elles fussent, était toujours restée dans l’incertitude. Tout était demeuré dans une zone grise qui pourra rebuter un regard moderne, mais qui s’était imposée sans difficulté comme l’une des valeurs centrales de la « liberté allemande », plus encore s’agissant du caractère obligatoire des décisions issues des diètes électorales, où cette incertitude voulue jouait à plein67. Dans quelle mesure un jugement du Conseil impérial aulique particulièrement défavorable à un accusé pouvait être exécuté, en trouvant sur place un commissaire exécutif à la fois compétent et bien disposé, voilà qui avait depuis toujours fait l’objet des délibérations préparatoires des conseillers de la Cour, avant même l’élaboration d’un jugement ; depuis toujours aussi cette question était entrée dans l’établissement des faits préliminaires au jugement lui-même68. Mais il y a malgré tout une grande différence entre d’une part le petit comte d’Empire ou la petite ville impériale censément ruinée qui déclare protestando n’être pas à même de s’acquitter immédiatement, ou à plein montant, d’un impôt nouvellement voté à la majorité, et d’autre part une fraction suffisamment importante des états d’Empire qui, lors de délibérations touchant aux valeurs ultimes, fait valoir son incapacité à se laisser convaincre. Et il y a encore une grande différence entre le cas où, dans l’élaboration d’un jugement portant sur un cas particulier, on doit réfléchir en outre à la question de savoir si une tentative plus ou moins en règle pour exécuter le jugement ne risquerait pas de compromettre la tranquillité juridique et l’autorité du tribunal plutôt que de les stabiliser – et le cas où un groupe important issu des États d’Empire déclare la Cour tout entière purement et simplement incompétente pour régler les litiges qui sont pour lui les plus importants, c’est-à-dire ceux qui se rapportent à la paix de religion.
23Un facteur d’affaiblissement inédit de la justice d’Empire devait venir, à la fin du xvie siècle, de son incapacité à produire en nombre suffisant des jugements contraignants et non révisables (crise du Reichskammergericht), et de ce que ceux qu’elle parvenait malgré tout encore à prononcer se trouvaient dénués d’un consensus minimal69. De fait, pour une moitié de l’Empire, les « procès de la Cour » sur les matières touchant à la paix de religion étaient purement et simplement illégaux, et les décisions qui en sortaient ne disposaient pour elle d’aucune forme de légitimité. L’effet pacificateur et stabilisateur de ces procédés pour le système politique s’en trouva considérablement amputé ; il se peut même que les effets contraires aient prévalu.
24Je voudrais pour finir citer encore une fois le Nestor de la théorie systémique, qui analysait de la manière suivante les effets des procédures juridiques : chacune des parties en présence s’y retrouve comme « quelqu’un qui confirme les normes dans leur validité et les acteurs de la décision dans leur fonction, en s’ôtant à lui-même la possibilité de généraliser ses intérêts pour construire à partir d’eux le consensus, ainsi que de bâtir des alliances sociales ou politiques plus vastes pour atteindre ses fins. Il s’est lui-même isolé. Une rébellion contre la décision prise a peu de sens, et dans tous les cas plus aucune chance d’aboutir. La possibilité même d’exprimer publiquement une souffrance en raison d’un tort moral qui lui serait causé, cette possibilité lui est refusée70 ». La fonction des procédures est d’« isoler argumentativement et socialement l’individu, d’une façon telle que sa protestation reste sans résultat71 ». Ces effets ne peuvent pas être tous attribués aux « procès de la Cour » dont nous avons parlé : les accusés protestants, qui étaient persuadés de la réalité de ces effets, interprétèrent les « normes » en débat, en l’occurrence le recès de la Diète de 1555, d’une manière tout autre que le tribunal que, depuis le début et jusqu’à la douloureuse fin, ils ne cessèrent de dénoncer comme inapproprié. Dès lors qu’un très grand nombre d’États protestants de l’Empire rejetaient l’exégèse juridique du Reichshofrat en mettant en doute ses compétences, tout perdant dans un procès pouvait, pour le coup, bâtir des alliances pour parvenir à ses fins, mobiliser l’indignation collective dans une assemblée confessionnelle, faire de la défaite un scandale, ou un gravamen. Les tribunaux d’Empire avaient cessé de produire des jugements immédiatement exécutoires et des protestations sans suite ; ils fabriquaient désormais de la protestation suivie d’effets et des jugements inexécutables.
Notes de bas de page
1 Pour reprendre l’intitulé proposé par les organisateurs du colloque. La forme orale de la communication a été conservée ; seules quelques nuances ont été ajoutées, ainsi que l’appareil de notes.
2 Comme on le sait, il ne s’agit pas d’une constitution au sens actuel d’un volume unique divisé en paragraphes ! Une excellente introduction, très précise sur le versant normatif, est fournie par Helmut Neuhaus, Das Reich in der Frühen Neuzeit, 2e édition, Munich, Oldenbourg (Enzyklopädie deutscher Geschichte, 42), 1997,2003. Voir aussi Peter Claus Hartmann, Das Heilige Römische Reich deutscher Nation in der Neuzeit, 1486-1806, Stuttgart, Reclam, 2005. Récemment sont parues de très bonnes présentations événementielles de l’histoire de l’Empire à l’époque moderne : Georg Schmidt, Geschichte des Alten Reiches. Staat und Nation in der Frühen Neuzeit 1495-1806, Munich, Beck, 1999 ; Klaus Herbers et Helmut Neuhaus, Das Heilige Römische Reich. Schauplätze einer tausendjährigen Geschichte (843-1806), Cologne, etc., Böhlau, 2005 ; Barbara Stollberg-Rilinger, Das Heilige Römische Reich Deutscher Nation. Vom Ende des Mittelalters bis 1806, 4e édition corrigée, Munich, Beck, 2009. Pour un essai d’histoire structurelle de la politique impériale, entre normes et réalités constitutionnelles, voir Axel Gotthard, Das Alte Reich 1495-1806, 3e édition, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2003, 2006.
3 Pour une caractérisation critique de la guerre de Trente Ans comme « guerre confessionnelle », voir Axel Gotthard, « Der deutsche Konfessionskrieg seit 1619 – ein Resultat gestörter politischer Kommunikation », Historisches Jahrbuch, 122, 2002, p. 141-172. Plus généralement, sur le phénomène « guerre de Religion » dans l’Europe moderne, voir le recueil substantiel de Franz Brendle et Anton Schindling (dir.), Religionskriege im Alten Reich und in Alteuropa, Münster, Aschendorff, 2006.
4 La présente étude se concentre sur cette période et se contente d’aperçus sur la Réforme et la deuxième partie de l’époque moderne. Le sujet qui m’a été proposé serait sinon trop vaste et perdrait en contours, et une prise en compte des procès de religion postérieurs à 1648 aurait peu de sens. Sur ces procès, un panorama utile (bien que non dénué d’inexactitudes, comme sur la « parité religieuse du Reichshofsrat [Conseil impérial aulique] » présentée comme une obligation, p. 81) est proposé par le travail de Jürgen Luh, qu’on continuera de consulter pour les documents qu’il contient : Unheiliges Römisches Reich. Der konfessionelle Gegensatz 1648 bis 1806, Potsdam, Verlag für Berlin-Brandenburg (Quellen und Studien zur Geschichte und Kultur Brandenburg-Preußens und des Alten Reiches, 1), 1995, en particulier p. 79-92, avec la bibliographie ancienne et (dans une moindre mesure) récente. Le mérite de Luh est d’avoir rappelé que la déconfessionnalisation de la politique d’Empire, à la suite de la paix de Westphalie, fut loin d’être un phénomène global. Pour une analyse succincte des principaux problèmes de politique confessionnelle à la fin du xviie et au xviiie siècle, voir A. Gotthard, Das Alte Reich..., op. cit. (note 2), p. 127-132.Voir encore Frank Kleinehagenbrock, « Die Erhaltung des Religionsfriedens. Konfessionelle Konflikte und ihre Beilegung im Alten Reich nach 1648 », Historisches Jahrbuch, 126, 2006, p. 135-156. Plus généralement sur l’âge confessionnel, voir Maximilian Lanzinner, Konfessionelles Zeitalter 1555-1618, Stuttgart, Klett-Cotta (Gebhardt. Handbuch der deutschen Geschichte, 10e édition, 10), 2001, p. 1-203 ; jusqu’en 1617, voir Johannes Burkhardt, Das Reformationsjahrhundert. Deutsche Geschichte zwischen Medienrevolution und Institutionenbildung 1517-1617, Stuttgart, Kohlhammer, 2002.
5 Johann Gustav Droysen, « Preussen und das System der Grossmächte », publié en juin 1849 sous le titre « Rapport d’un habitant du Schleswig-Holstein » et réimprimé dans : id., Abhandlungen zur neueren Geschichte, Leipzig, Veit, 1876, p. 135-152, citation p. 145.
6 Leopold von Ranke, Zwölf Bücher Preussischer Geschichte [livre IV], in : Leopold von Ranke's Sämmtliche Werke. Zweite Gesammtausgabe, Leipzig, Duncker & Humblot, vol. 28, 1876, p. 327. Il y aurait quelque chose de ridicule à vouloir dénigrer l’immense Ranke. Le fait est pourtant que son sens du droit (et plus encore du droit international) et de la morale (normes et valeurs intériorisées des décideurs de l’époque) n’était pas des plus développés. J’ajoute encore une trouvaille faite par hasard, sans doute moins spectaculaire que le texte de Ranke, mais significative dans sa banalité même : Johannes Haller inaugure dans les termes suivants un tour d’horizon ironique de la publicistique allemande aux premiers mois de la guerre de Hollande : « Elle part, comme on pouvait s’y attendre à cette époque, de la question juridique » (Die Deutsche Publizistik in den Jahren 1668-1674. Ein Beitrag zur Geschichte der Raubkriege Ludwigs XIV, Heidelberg, Winter, 1892, p. 48). La légitimation par Lisola de l’emprisonnement du francophile Wilhelm Egon von Fürstenberg, à l’endroit même où se déroulaient les négociations de paix de Cologne, est commentée par Haller de la façon suivante : « Le point faible était et demeure que la neutralité de Cologne s’en trouvait lésée ; même Lisola n’est pas parvenu à le contester. Mais s’agissait-il vraiment de se réclamer du droit formel ? »
7 La substantielle introduction de Moriz Ritter, Deutsche Geschichte int Zeitalter der Gegenreformation und des Dreissigjährigen Krieges (1555-1648), Stuttgart, Cotta, vol. 1, 1889, p. 88, situe la quintessence de cent années d’histoire allemande à partir de 1550 dans le fait que « les princes » travaillèrent à « l’élargissement de leur pouvoir ». La chose devait bien entendu mener, comme Ritter l’avait dit peu avant en ouverture du dernier paragraphe de l’introduction, à la « chute de l’Empire ». Pour autant, on ne contestera pas tout sens des questions juridiques au manuel de Ritter, qui pendant trois quarts de siècle demeura insurpassé. Le panorama de l’époque confessionnelle qu’on se sentira peut-être le plus en droit de rapprocher de Ritter, l’ouvrage de Karl Brandi, Deutsche Geschichte im Zeitalter der Reformation und Gegenreformation (j’utilise la troisième édition, Leipzig, Köhler & Amclang, 1941), ne parle pas du tout de droit. La catégorie principale est ici celle du « pouvoir » ou, comme Brandi le dit plus souvent (et manifestement de manière synonyme), celle du « poids » respectif des différents pays et territoires (significatif, de ce point de vue, est le « Bilan du siècle », p. 422 sq.). Il ne s’agit que de poids et contrepoids, et d’équilibre de la balance. Outre les intérêts politiques, les passions personnelles, en particuliers religieuses, jouent aussi un rôle, mais les positions juridiques ne méritent pas d’être évoquées. Les points de vue juridiques facteurs de compromis, tels qu’ils dominèrent les diètes de l’époque, donnent selon Brandi une « image de ce que les rapports de force dans l’Empire pouvaient avoir de chancelant ».
8 Voir Axel Gotthard, « Preuβens deutsche Sendung », in : Helmut Altrichter, Klaus Herbers et Helmut Neuhaus (dir.), Mythen in der Geschichte, Fribourg-en-Brisgau, Rombach, 2004, p. 321-369.
9 Cette remarque, bien entendu, ne vaut pas que pour les mythes politiques. On se souviendra du système d’opposition entre mythèmes dans lequel Claude Lévi-Strauss résout le mythe d’Œdipe : voir Claude Lévi-Strauss, Strukturelle Anthropologie, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1967, p. 234-238. Je ne peux ici entrer dans les détails du fonctionnement et de la structure des mythes en général ; voir note précédente.
10 NDT : Kleindeutsch désigne l’option « petite-allemande » privilégiée par la Prusse lors de l’unification allemande, par opposition à l’option « grande-allemande » comprenant (comme le faisait le Saint-Empire) l’Autriche.
11 Voir A. Gotthard, « Preußens deutsche Sendung », art. cit. (note 8), p. 348-367 ainsi qu’en plus condensé A. Gotthard, Das Alte Reich..., op. cit. (note 2), p. 96-97.Voir aussi à présent les pertinentes remarques de Johannes Burkhardt, Vollendung und Neuorientierung des frühmodernen Reiches 1648-1763, Stuttgart, Klett-Cotta (Gebhardt. Handbuch der deutschen Geschichte, 10e édition, 11), 2006, p. 32-35.
12 « Ce fut l’abîme – le plus profond de notre histoire » : Erich Mareks, « Tiefpunkte des deutschen Schicksals in der Neuzeit. Vortrag vor den Deutschen Vereinen in Stockholm zur Feier des 18. Januar 1924 », in : id., Geschichte und Gegenwart. Fünf historisch-politische Reden, Stuttgart, etc., Deutsche Verlags-Anstalt, 1925, p. 88. Oublié aujourd’hui, cet historien comptait à l’époque parmi les plus importants représentants de la discipline.
13 De façon significative, l’opus maximum de la prussianité militante suit ici un autre chemin : Droysen remonte jusqu’au fiasco de la dynastie des Staufer au xiiie siècle.
14 Il me faut ici beaucoup condenser, ce qui m’empêchera d’éclairer suffisamment les raisons et les fins de ces condamnations. Voir plus précisément Axel Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, Münster, Aschendorff, 2004, p. 622-638, sur la bibliographie entre 1850 et 1950.
15 Johann Gustav Droysen, Geschichte der Preuβischen Politik, Leipzig, Veit, respectivement vol. 2-2, 1859, p. 390 ; vol. 3-1,1861, p. 8 ; vol. 2-2, p. 386.Tel père, tel fils ! Pour Gustav Droysen, Geschichte der Gegenreformation, Berlin, Grote, 1893, p. 15, l’année 1555 correspond au moment où « l’Empire se retrouva atomisé en particules territoriales » et où fut réalisée la « scission de la nation ».
16 Heinrich von Treitschke, « Die Republik der vereinigten Niederlande », réimprimé dans : id., Historische und Politische Aufsätze, vol. 2, Die Einheitsbestrebungen zertheilter Völker, 5e édition, Leipzig, Hirzel, 1886, p. 411 et 408-409.
17 Martin Spahn, Die Wiedergeburt Deutschlands im 17. Jahrhundert. Der Groβe Kurfürst, Mayence, Kirchheim (Weltgeschichte in Karakterbildern, Abt. 4 : Die Neuere Zeit), 1902, p. 20-21. Il s’agit d’une vaste étude sur l’histoire allemande des xvie-xviie siècles dont, malgré le titre, la prussophilie ne détonne aucunement pour l’époque.
18 Max Stoll, Deutsches Werden. Mittelstufe, vol. 3, Neuzeit, Bamberg, Buchner, 1931, p. 66-67.
19 L’évolution en question est celle du mouvement kleindeutsch, alors assimilé au protestantisme ! Voir Felix Stieve, Die Reichsstadt Kaufbeuren und die baierische Restaurations-Politik. Hin Beitrag zur Vorgeschichte des dreissigjährigen Krieges, Munich, Rieger, 1870, p. 1.
20 Ludwig Schwabe, « Kursachsen und die Verhandlungen über den Augsburger Religionsfrieden », Neues Archiv für Sächsische Geschichte und Altertumskunde, 10,1889, ici p. 219-222. « La paix, toujours la paix |...| la confortable paix perpétuelle |...|. Ce n’était pas une fin très élevée que l’on s’était fixée, et c’est pourquoi les moyens auxquels on recourait n’avaient pas non plus à être des plus spectaculaires. Pour l’essentiel, ils se limitaient à des coups de tactique politique. » (Ibid., p. 225)
21 On se contentera d’un regard sur ce que l’auteur à succès de la corporation historienne des années d’après guerre, Gerhard Ritter, pensait des fondements juridico-religieux de l’Empire : voir Gerhard Ritter, Die Neugestaltung Europas im 16. Jahrhundert. Die kirchlichen und staatlichen Wandlungen im Zeitalter der Reformation und der Glaubenskämpfe, Berlin, Verlag des Druckhauses Tempelhof, 1950, p. 184 sq., qui parle d’effondrement de l’Empire et de désert spirituel.
22 Voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. it. (note 14), p. 645-646 et d’une manière générale, sur les célébrations du quadricentenaire, p. 641-649.
23 On pourra juger vain ce contraste entre Frédéric II, l’Alter Fritz, et le « père » de l’économie sociale de marché, Ludwig Erhard ; je le trouve néanmoins évocateur. L’incapacité du pays du miracle économique à trouver le mot juste sur la Prusse n’étonnera pas particulièrement. En revanche, on pourra se demander pourquoi la République fédérale a mis tellement de temps à redécouvrir une structure aussi clairement fédérative et aussi peu nationale que l’Empire d’avant 1806.J’avoue pour ma part buter devant l’énigme : ne mériterait-elle pas qu’on lui consacre un jour une étude approfondie ?
24 Dans quelle mesure un mythe de fondation crée-t-il du sens ? En dirigeant l’histoire vers la constitution d’un « nous », en ôtant toute contingence de son récit, le mythe suscite un passé commun. Pour savoir à quel point la nation est une « communauté de mémoire » (on n’ose pas parler de « communauté de destin », mais c’est bien de cela qu’il s’agit dans le sentiment subjectif des membres des communautés en question), nous n’avons pas eu besoin d’attendre l’Invention of Tradition d’Éric Hobsbawn, pas davantage que les Imagined Communities d’Anderson (N.d.T : Éric Hobsbawm et Terence O. Ranger (dir.), The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 ; Benedict Anderson, Imagined Communities. Reflections on the Origins and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 1983).
25 C’est ce terme de « guilde de protection juridique » que je privilégie depuis toujours dans mes travaux sur l’histoire de l’Empire. Pouvons-nous caractériser l’Empire, cette association vouée à l’équilibre et à la conservation, à la résolution des conflits par le droit, toujours prête à offrir ou imposer des tribunes pour le règlement juridique des antagonismes, bref, à placer le droit au-dessus de la puissance, comme un « État de droit » ? Cette question a donné lieu il y a peu à une discussion où beaucoup d’arguments ont été échangés de part et d’autre. Je ne mentionnerai que les prises de position qui m’ont paru les plus intéressantes : Johannes Burkhardt, « Über das Recht der Frühen Neuzeit, politisch interessant zu sein. Eine Antwort an Martin Tabaczek und Paul Münch », Geschichte in Wissenschaft und Unterricht, 50, 1999, p. 748-756 ; Martin Tabaczek, « Wieviel tragen Superlative zum historischen Erkenntnisfortschrift bei ? », ibid., p. 740-747 ; Eva Ortlieb, Im Auftrag des Kaisers. Die kaiserlichen Kommissionen des Reichshofrats und die Regelung von Konflikten im Alten Reich (1637-1657), Cologne, etc., Böhlau (Quellen und Forschungen zur höchsten Gerichtsbarkeit im Alten Reich, 38), 2001, p. 365-366. Bernhard Diestelkamp a proposé l’idée d’un État « suivant la voie du droit » : Bernhard Diestelkamp, Das Reichskammergericht im Rechtsleben des Heiligen Römischen Reiches Deutscher Nation, Wetzlar, Gesellschaft für Reichskammergerichtsforschung, 1985, p. 25. Sur la question d’un « État de droit » en Allemagne à l’époque pré-moderne, voir aussi ci-dessous, note 67.
26 L’écriture du présent article a correspondu au moment où fut célébrée la dissolution de l’Empire (1806). On s’abstint généralement de s’en moquer, et les visiteurs affluèrent dans les musées où seules les couronnes et parures pouvaient rivaliser d’éclat avec ceux qui les exposaient. Une autre question est de savoir où en sera l’image de l’Empire lorsque l’agitation commémorative se sera calmée dans les journaux et que l’invocation de la « mondialisation » de l’économie reprendra son cours. Pourra-t-on encore admettre qu’en laissant de côté les traditions qui nous sont les plus proches, c’est nous-mêmes que nous marginalisons dans le dialogue international des cultures, en nous rendant délibérément inintéressants ?
27 Voir Friedrich Hermann Schubert, Die deutschen Reichstage in der Staatslehre der Frühen Neuzeit, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (Schriftenreihe der Historischen Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 7), 1966.
28 Voir en particulier Friedrich Hermann Schubert, Ludwig Camerarius 1573-1651. Eine Biographie, Kallmünz, Lassleben (Münchener historische Studien, Abteilung Neuere Geschichte, 1), 1955 ; id., « Die pfälzische Exilregierung im Dreiβigjährigen Krieg », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 102,1954, p. 75-680.
29 Ni la Deutsche Biographische Enzyklopädie ni l’Historikerlexikon (Rüdiger vom Bruch et Rainer A. Müller [dir.], 2e édition, Munich, Beck, 2002) ne contiennent quoi que ce soit sur Fritz Dickmann, pas plus que Volker Reinhardt (dir.), Hauptwerke der Geschichtsschreibung, Stuttgart, Kröner, 1997. Sous la plume de Christoph Kampmann, un article de journal, paru dans le supplément littéraire de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, résume la vie et l’oeuvre de Dickmann (22 avril 2006, p. 40).
30 Fritz Dickmann, Der Westfälische Frieden, Münster, Aschendorff, 1959, p. 494.
31 Martin Heckel, « Autonomia und Pacis compositio. Der Augsburger Religionsfriede in der Deutung der Gegenreformation », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, 76, 1959, p. 141-248.
32 Puisqu’il est impossible de les nommer tous, je me contenterai, par patriotisme académique, de mentionner Hans Liermann et Christoph Link. Parmi bien d’autres, il faudrait parler notamment de Karl Rieker, Ulrich Stutz, Johannes Heckel, ou encore Ulrich Scheuner, Klaus Schaich ou Michael Stolleis, mais le cadre de cet article n’y suffirait pas – et cette liste reste de toute façon incomplète !
33 Même si les historiens du droit ecclésiastique ont déjà fort à faire avec le droit en vigueur (notamment le rapport entre État et religion, entre l’action publique et les communautés religieuses, depuis l’impôt ecclésiastique jusqu’à la sonnerie des cloches), nombre d’entre eux, par chance, ont montré pendant des générations une sensibilité historique. Il y a à cela des raisons objectives : l’actuel statut constitutionnel des religions plonge ses racines dans la Constitution de Weimar et il relève toujours, davantage que d’autres domaines du droit, d’une « histoire vivante ». Une tradition s’est formée, qui commence malheureusement à s’affaiblir.
34 J’utilise ici la dénomination courante depuis le milieu du xixe siècle. Actuellement, la discussion méthodologique dans la discipline tend à remplacer le terme traditionnel de Staatskirchenrecht, « droit des Églises d’État », par celui de Kirchenveifassungsrecht, « droit (constitutionnel) des religions ». Je remercie mon collègue juriste Heinrich de Wall, spécialiste de droit ecclésiastique, pour ses précieuses indications.
35 Pour une première série d’observations, voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. (note 14), chap. e. Il serait important de considérer la publicistique de combat de cette période comme un genre littéraire en soi, avec ses traditions d’écriture spécifiques, ses usages stylistiques, ses ruses rhétoriques, en l’analysant à partir de ses stratégies discursives (et non pas seulement, comme il m’a fallu le faire dans mon travail sur la paix de religion, sur quelques thèmes particuliers).
36 C’est encore le cas dans un travail par ailleurs excellent d’histoire du droit d’Église, où la connaissance admirable de la publicistique protestante ne trouve pas d’équivalent pour la partie adverse : Bernd Christian Schneider, Ius Reformandi. Die Entwicklung eines Staatskirchenrechts von seinen Anfängen bis zum Ende des Alten Reiches,Tübingen, Mohr Siebeck (Jus ecclesiasticum, 68), 2001. Pour l’époque moderne, ce sont en tout et pour tout deux ouvrages catholiques qu’on ne cesse, en toute occasion, d’opposer à la production protestante, à savoir précisément l’Autonomia d’Erstenberger et la Pacis compositio des jésuites de Dillingen.
37 A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. (note 14), chap. E, par exemple p. 611-613. Les auteurs protestants ont excellé dans deux domaines dont la production écrite s’est fondue à l’époque dans le flot de la littérature de polémique confessionnelle, mais qui aujourd’hui rencontrent tout particulièrement l’intérêt des chercheurs : en premier lieu le droit public, qui en se tournant vers la positivité du domaine public entrait dans sa phase d’émancipation vis-à-vis du droit privé et des principes du droit romain, et deuxièmement toute la littérature des Arcana et de la raison d’État, qui opposait ses froids calculs à l’embrasement des fanatismes religieux. Les pionniers du droit public, Arnisaeus, Arumaeus, Limnaeus, etc., étaient majoritairement protestants. Contzen et, au mieux encore, Efferen, ne pouvaient prétendre s’égaler aux initiateurs de la science politique, eux aussi protestants pour la plupart.
38 Christophe Duhamelle, « Das Alte Reich im toten Winkel der französischen Historiographie », in : Matthias Schnettger (dir.), Imperium Romanum – Irregulare Corpus – deutscher Reichs-Staat. Das Alte Reich im Verständnis der Zeitgenossen und der Historiographie, Mayence, von Zabern (Veröffentlichungen des Instituts für Europäische Geschichte Mainz, Beiheft 57 ; Abteilung für Universalgeschichte), 2002, p. 207-219, p. 213.
39 Voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. (note 14), Index rcrum, « Parität » et particulièrement p. 162-170.
40 Dans l’Empire, le droit d’Église constituait une composante du droit public. Le droit canon faisait partie du droit commun. Bien entendu, les protestants rejetèrent comme non contraignante une partie du droit canon.
41 Plus je réfléchis aux problèmes de l’Empire au cours de cette période qui, jusqu’en 1619, précède la guerre (et par là aux causes de la guerre de Trente Ans et au caractère même de cette guerre qui, dans un premier temps et pour une longue période, ne fut ni plus ni moins qu’une guerre confessionnelle), plus lourd m’apparaît le poids pris par l’image que chacun des deux camps se faisait de l’autre. C’est là quelque chose que j’ai pu mentionner en passant dans mes travaux (voir dernièrement A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. [note 14], Index rerum, « Vertrauen », « Eid » ou « fides haereticis servanda », et en particulier p. 495-496 et note 961), mais il faudrait recontextualiser l’ensemble au vu des sources toujours nouvelles qu’on découvre sur ce point. La question traitée ici de la dissociation du droit croise celle de la disparition de toute confiance en la fiabilité du partenaire, en ce sens que chacune des deux parties était profondément convaincue de ce que « le sens clair et lumineux » de la paix de religion était accessible à quiconque faisait montre d’un peu de bonne volonté. Dès lors que la partie adverse se répandait en interprétations différentes et manifestement absurdes, la démonstration était faite que cette bonne volonté lui faisait défaut et qu’elle ne tarderait pas, avec la même malignité, à détourner de son sens tout autre accord qu’on pourrait chercher à conclure avec elle – ce pour quoi il était préférable d’éviter de s’y risquer. Cette disposition d’esprit, très répandue de part et d’autre, rendit pour ainsi dire impossible toute gestion politique de la crise dans les années précédant la guerre.
42 Chacune eut pourtant son classique. Dans le cas du Reichskammergericht, ce fut Rudolf Smend, Das Reichskammergericht, vol. 1, Geschichte und Verfassung, Weimar, Böhlau, 1911, réimpression Aalen, Scientia, 1965 (l’annonce d’un second tome qui ne devait jamais paraître a peut-être agi négativement sur le développement de la recherche). Pour le Reichshofrat, voir Oswald von Gschliesser, Der Reichshofrat. Bedeutung und Verfassung, Schicksal und Besetzung einer obersten Reichsbehörde von 1559 bis 1806, Vienne, Holzhausen, 1942, réédition Nendeln, Kraus-Reprint, 1970.
43 Ici, un rôle important a été joué par la Société pour l’étude du Reichskammergericht, qui publie la série renommée des Quellen und Forschungen zur höchsten Gerichtsbarkeit des Alten Reiches, ainsi par que le musée du Reichskammergericht à Wetzlar.
44 Parmi eux Winfried Schulze, et bien entendu Sigrid Jahns, Siegrid Westphal, Monika Neugebauer-Wölk, Heinz Duchhardt... Il est impossible, dans l’espace ici imparti, de citer ne serait-ce que les noms les plus importants. On dispose d’une synthèse, certes schématique et réduite aux grandes lignes, par Volker Press, Das Reichskammergericht in der deutschen Geschichte, Wetzlar, Gesellschaft für Reichskammergerichtsforschung, 1987.
45 Quelques rares études de détails ne changeront rien au résultat global. La procédure du Reichshofrat a été étudiée par l’historien du droit Wolfgang Sellert à partir notamment de la littérature juridique des années 1700, qui dépassent le cadre chronologique de ce travail : Wolfgang Sellert, Über die Zuständigkeitsabgrenzung von Reichshofrat und Reichskammergericht, Aalen, Scientia, 1965 ; id., Prozessgrundsätze und Stilus Guriae am Reichshofrat, im Vergleich mit den gesetzlichen Grundlagen des reichskammergerichtlichen Verfahrens, Aalen, Scientia, 1973. Voir à présent aussi E. Ortlieb, Im Auftrag des Kaisers..., op. cit. (note 25) ; cette étude, qui contient beaucoup de remarques judicieuses, ne considère par ailleurs pas les procès de religion.
46 Peter Moraw, « Reichshofrat », in : Adalbert Erler et Ekkehard Kaufmann (dir.), Handwörterbuch zur Deutschen Rechtsgeschichte, Berlin, Schmidt, vol. 4,1990, col. 631.
47 L’intérêt pour le Reichskammergericht s’est d’abord manifesté à travers un certain nombre d’études sur les premiers procès liés à la Réforme : voir notamment Gerd Dommasch, Die Religionsprozesse der rekusierenden Fürsten und Städte und die Erneuerung des Schmalkaldischen Bundes, 1534-1536, Tübingen, Fabian (Schriften zur Kirchen- und Rechtsgeschichte, 28), 1961, ainsi que Robert Schelp, Die Reformationsprozesse der Stadt Strassburg am Reichskammergericht zur Zeit des Schmalkaldischen Bundes (1524)1531-1541(1555), thèse de droit, Tübingen, 1965. Par la suite, les « procès de religion » repassèrent à l’arrière-plan au profit d’autres sujets. Voir toutefois toujours Heinz Duchhardt, « Der Kampf um die Parität im Kammerrichteramt zwischen Augsburger Religionsfrieden und 30jährigem Krieg », Archiv für Reformationsgeschichte, 69, 1978, p. 201-218 ; Horst Rabe, « Der Augsburger Religionsfriede und das Reichskammergericht 1555-1600 », in : Horst Rabe, Hansgeorg Molitor et Hans Christoph Rublack (dir.), Festgabe für Ernst Walter Zeeden zum 60. Geburtstag am 14. Mai 1976, Münster, Aschendorff (Reformationsgeschichtliche Studien und Texte, Supplementband 2), 1976, p. 260-280 (sur ce travail de pionnier, ses mérites et ses limites, voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. [note 14], p. 407-412, passim) ; Martin Heckel, « Die Religionsprozesse des Reichskammergerichts im konfessionell gespaltenen Reichskirchenrecht », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung, 77,1991, p. 283-350.
48 Serge Dauchy, « Cours souveraines et genèse de l’État. Le parlement de Paris », in : Bernhard Diestelkamp (dir.), Oberste Gerichtsbarkeit und zentrale Gewalt im Europa der Frühen Neuzeit, Cologne, etc., Böhlau (Quellen und Forschungen zur höchsten Gerichtsbarkeit im Alten Reich, 29), 1996, p. 61. Selon le constat de l’auteur, « le parlement de Paris n’a été l’objet d’une analyse approfondie que pour la période médiévale » (ibid., p. 46). Un regard sur l’activité des « chambres mi-parties », des « chambres tri-parties » ainsi que de la « chambre de l’Édit » (juridiction d’exception relevant du parlement de Paris, compétente, bien que de façon très limitée, pour un certain nombre de procédures de nomination mettant aux prises les différents partis confessionnels) est donné par Eckart Birnstiel, « Justiz und Religion. Anmerkungen zur Kompetenz, Organisation und Funktion der konfessionellen Sondergerichtsbarkeit in Frankreich (1576-1679) », in : Ursula Fuhrich-Grubert et Angelus H. Johansen (dir.), Schlaglichter Preussen – Westeuropa. Festschrift für Ilja Mieck zum 65. Geburtstag, Berlin, Duncker & Humblot (Berliner historische Studien, 25), 1997, p. 215-234.
49 Bernhard Ruthmann, Die Religionsprozesse am Reichskammergericht (1555-1648). Eine Analyse anhand ausgewählter Prozesse, Cologne, etc., Böhlau (Quellen und Forschungen zur höchsten Gerichtsbarkeit im Alten Reich, 28), 1996. Le travail juridique de Dietrich Kratsch mérite bien entendu aussi d’être mentionné, même si son sujet est encore plus ciblé que ne le laisse supposer son titre : Justiz – Religion – Politik. Das Reichskammergericht und die Klosterprozesse im ausgehenden 16. Jahrhundert, Tübingen, Mohr Siebeck (Jus ecclesiasticum, 39), 1990. Il s’agit en fait d’une analyse, qu’on lira par ailleurs avec profit, du Vierklosterstreit (N.d.T. : conflit, en 1600, autour de la sécularisation de quatre couvents, dans le comté d’Oettingen, le margraviat de Bade-Durlach, la ville d’Empire de Strasbourg et dans les terres du chevalier d’Empire von Hirschhorn. Le litige alla jusqu’au Reichskammergericht).
50 Stefan Ehrenpreis, Kaiserliche Gerichtsbarkeit und Konfessionskonflikt. Der Reichshofrat unter Rudolf II., 1576-1612, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (Schriftenreihe der Historischen Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 72), 2006 ; je remercie l’auteur de m’avoir communiqué les épreuves de son ouvrage. Même si les « procès de religion » n’apparaissent pas dans le titre, c’est bien d’eux qu’il s’agit au premier chef. Le choix a porté sur des « procès ayant trait, pour la période considérée, à la problématique religieuse alors dominante dans l’Empire » (p. 19).
51 Jean Bodin, Les six livres de la République, réimpression de l’édition de Paris (1583), Aalen, Scientia, 1961, p. 142 et 145.
52 « Deutschland wird auf deutsch regiert » : Ludvig Holberg, « Bedenken über gewisse europäische Nationen », in : id., Nachricht von meinem Leben in drei Briefen an einen vornehmen Herrn, réimpression Munich, Beck, 1982 [1745], p. 261.
53 Pour les détails, voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. (note 14), Index rerum, « dubia ».
54 Exemple ibid., p. 417.
55 Niklas Luhmann, Legitimation durch Verfahren, 2e édition, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1989 [1969], p. 21 ; édition française La légitimation par la procédure, Paris, Cerf et Laval, Presses de l’université de Laval, 2001. Pour une réflexion sur l’apport et les limites de la théorie systémique de Luhmann pour la compréhension des systèmes politiques pré-modernes, voir Axel Gotthard, « Die Inszenierung der kurfürstlichen Präeminenz. Eine Analyse unter Erprobung systemtheoretischer Kategorien », in : Barbara Stollberg-Rilinger (dir.), Vormoderne politische Verfahren, Berlin, Duncker & Humblot (Zeitschrift für historische Forschung, Beiheft 25), 2001, p. 307-308 et passim. Plus récent et plus complet : Frank Becker (dir.), Geschichte und Systemtheorie. Exemplarische Fallstudien, Francfort-sur-le-Main etc., Campus, 2004.
56 Ce qu’Ehrenpreis montre des méthodes de travail du Reichshofrat et de sa situation dans le « système des autorités curiales » (S. Ehrenpreis, Kaiserliche Gerichtsbarkeit..., op. cit. [note 50], p. 29-122) sera de la plus haute utilité pour toutes les études à venir sur l’action de cette juridiction pendant l’époque confessionnelle, y compris si elles devaient considérer des motifs de conflit et par là même des « types de conflit » tout autres.
57 Pour citer le dernier paragraphe du bilan de ce travail : « La mobilisation de cette juridiction sous Rodolphe II s’intègre dans un programme de montée en puissance de l’Empereur [...|. La stabilisation du Reichshofrat comme institution et le renforcement de son rôle dans la politique d’Empire font partie des principales réalisations du règne de Rodolphe II. » (Ibid., p. 286)
58 « Plus le Reichskammergericht, dans un contexte de durcissement des fronts confessionnels à partir de 1580, se prenait dans les chausse-trappes de la paix d’Augsbourg et acquérait une compétence décisionnelle dans le combat qui se menait autour de son “exacte” interprétation, plus le Reichshofrat de l’Empereur, déjà consolidé depuis la fin des années 1550, gagnait en importance » : Sigrid Jahns, « Das Ringen um die Reichsjustiz im Konfessionellen Zeitalter – ein Kampf um die Forma Reipublicae (1555-1648) », in : Hartmut Boockmann (dir.), Recht- und Verfassung im Übergang vom Mittelalter zur Neuzeit, vol. 2, Bericht über Kolloquien der Kommission zur Erforschung der Kultur des Spätmittelalters 1996 bis 1997, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 424.
59 Comme l’a montré de façon très exacte V. Press, Das Reichskammergericht..., op. cit. (note 44), p. 28.
60 La stabilisation de la position de l’Empereur et de la forma Imperii traditionnelle d’une part (ce qui, à un niveau élémentaire, supposait le maintien de l’ordre et de la tranquillité), la pression sur les protestants de l’autre, n’avaient rien de contradictoire, dès lors que l’on voyait dans les protestants avant tout des fauteurs de trouble. C’est précisément cela que firent les catholiques à partir de 1600, y compris au Reichshofrat, ce qui n’a évidemment pas échappé à Ehrenpreis (il insiste ainsi sur le fait qu’à Prague « de nombreuses forces protestantes furent exposées à des intentions destructrices », S. Ehrenpreis, Kaiserliche Gerichtsbarkeit..., op. cit. [note 50], p. 285). D’une façon générale, Ehrenpreis ne conteste nullement que le Reichshofrat de Rodolphe ait soutenu d’une façon de plus en plus visible les positions juridiques des catholiques. Trois phases peuvent être distinguées : les premières années du règne de Rodolphe, qui font preuve d’une prudente retenue ; à partir de 1590, priorité donnée au maintien des possessions catholiques ; confrontation exacerbée après 1606.
61 S. Ehrenpreis, Kaiserliche Gerichtsbarkeit..., op. cit. (note 50), p. 286.
62 Christoph Lehmann (éd.), De pace religionis acta publica et originalia. Das ist : Reichs-Handlungen, Schrifften und Protocollen über die Reichs-Constitution des Religion-Friedens..., Francfort-sur-le-Main, Gensch, vol. 2,1707, no 74.
63 Non pas certes au titre d’une disposition fondamentale, mais comme loi d’urgence et d’exception, dont l’application était strictement restreinte à la théorie catholique du « moins favorisé » (voir A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. [note 14], Index rerum, « Mindestbegünstigungstheorie », p. 603). Et puisque ce volume travaille sur la comparaison franco-allemande, j’ajoute encore cette question : les théoriciens catholiques (car les décideurs de l’Empire ne firent jamais leurs les positions les plus radicales des publicistes) ne pouvaient-ils pas parvenir à des positions telles que celles que la couronne et l’Église de la France absolutiste soutinrent face aux huguenots ?
64 Autrement dit par le droit commun, qui incluait le droit canon.
65 Je ne peux ici entrer dans le détail des styles politiques et des conceptions du monde présupposés par ces diverses perceptions. J’ai proposé à ce sujet une réflexion sur les catégories « conservatisme de valeurs » versus « conservatisme de structure » : voir Axel Gotthard, « Strukturkonservativ oder aggressiv ? Die geistlichen Kurfürsten und der Ausbruch des teutschen Konfessionskriegs », in : Winfried Schulze (dir.), Friedliche Intentionen – kriegerische Effekte. War der Ausbruch des Dreissigjährigen Krieges unvermeidlich ?, St. Katharinen, Scripta Mercaturae, 2002, en particulier p. 167-168 et note 79.
66 Memoriale catholique pour les commissaires impériaux, 20 septembre 1613 : C. Lehmann (éd.), De pace religionis..., op. cit. (note 62), vol. 2, no 90.
67 Voir Axel Gotthard, Säulen des Reiches. Die Kurfürsten im frühneuzeitlichen Reichsverband, 2 volumes, Husum, Mathiesen (Historische Studien, 457), vol. 1, 1999, p. 273-275.
68 Si l’on ajoute à cela le rôle important pris par les conseillers secrets, voire par l’Empereur lui-même, dans de telles procédures, on retrouve l’une des nombreuses raisons qui font qu’il est impossible de parler de l’Empire comme d’un « État de droit ». Les sphères de la « politique » et de la « justice » n’étaient pas encore différenciées comme cela va de soi dans les sociétés modernes, il n’y avait pas de séparation des pouvoirs. Devant les étudiants ou le grand public cultivé (car ce n’est pas d’abord pour nous-mêmes que nous écrivons), il faudrait par conséquent recourir à beaucoup de précautions si l’on voulait présenter l’Empire comme « État de droit », et pas seulement à cause des difficultés qui s’attachent traditionnellement au terme d’« État » pour décrire les sociétés pré-modernes. Quant à savoir si la chose vaudrait malgré tout la peine (voir note 25), on s’abstiendra de se prononcer sur ce point.
69 On mentionnera toutefois la « guerre des procès » au Kammergericht, qui suscita à partir de 1530 des « récusations » répétées du côté protestant, signes avant-coureurs de ce qui allait devenir un problème durable dans l’Empire, une fois installée la polarisation confessionnelle. Voir dernièrement A. Gotthard, Der Augsburger Religionsfrieden, op. cit. (note 14), en particulier p. 367-369 (bibliographie).
70 N. Luhmann, Legitimation durch Verfahren, op. cit. (note 55), p. 117.
71 Ibid., p. 121.
Auteurs
[1959] est professeur extraordinaire et il exerce actuellement à l’université d’Erlangen-Nuremberg. Spécialiste des institutions du Saint-Empire moderne, il a également étudié la perception de l’espace de l’Empire et travaille actuellement à une histoire des mentalités de ceux qui décident de la paix et de la guerre dans l’Europe moderne. Parmi ses publications : Das Alte Reich 1495-1806, Darmstadt, 2006 (3e édition) ; Der Augsburger Religionsfrieden, Münster, 2004 ; In der Ferne. Die Wahrnehmung des Raums in der Vormoderne, Francfort-sur-le-Main – New York, 2007.
[1970], chercheur au Centre national de la recherche scientifique (Laboratoire d’études sur les monothéismes, CNRS/EPHE, Paris), travaille sur le corps pastoral protestant et la confessionnalisation des savoirs dans le monde germanique (xvie-xixe siècles). Parmi ses publications : « Théologie politique et pouvoir pastoral », Annales. Histoire, sciences sociales, 62-5,2007, p. 1129-1154 ; Lire Michel de Certeau. La formalité des pratiques (dir., avec Christian Jouhaud), Francfort-sur-le-Main, 2008 ; Théologies politiques du Vormärz. De la doctrine à l’action (1817-1850) (dir., avec Franck Fischbach), Paris, 2008.
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