Annexes
p. 279-294
Texte intégral
Annexe 1. Le métier du sel dans les marais salants
1Les marais salants de la presqu’île guérandaise sont parmi les derniers à être encore réellement exploités. Ils se répartissent en deux bassins sis de part et d’autre du coteau de Guérande, entre les estuaires de la Vilaine et de la Loire. Le procédé de fabrication du sel dans les marais remonte à l’époque moyenâgeuse de leur construction : l’eau de mer circule par gravité sous une très faible épaisseur et sur un très long parcours entre différents bassins séparés par des levées de terre de hauteur minimale. Sous l’action du soleil et du vent, l’eau se concentre ainsi par évaporation jusqu’aux cristallisoirs où le sel est récolté au fur et à mesure de sa cristallisation pendant la belle saison.
2Vus d'avion les marais forment un labyrinthe de digues et de canaux sinueux, de bassins et de talus aux formes et aux dimensions les plus diverses, où l’on peut toutefois distinguer à leur compition géométrique les salines proprement dites. Ils témoignent du lent et patient travail de façonnage d’un milieu naturel par une main humaine non encore dotée de machines. Il lui a fallu gagner obstinément sur la terre d’un côté, sur la mer de l’autre, pour parvenir à aménager cet outil de production ; s’acharner à lutter contre l’envasement ici, la sape des eaux ailleurs, et d’un point à l’autre du marais maintenir et rétablir les niveaux et les digues pour permettre à ce système « naturel » de production de continuer à fonctionner contre pluies et marées, saison après saison, au fil des siècles et des mutations sociales et économiques.
3Pour ce faire l’homme n’a eu à sa disposition et ne peut toujours utiliser que des moyens rudimentaires : pelles et râteaux pour les travaux de remise en état et de récolte ; vannes, planches à trous et ardoises pour régler le circuit de l’eau dans un dispositif où tout se joue sur des centimètres et parfois des millimètres.
4L’eau de mer emprunte depuis le traict, cette partie d’un golfe qui se confond avec le delta des rivières, le trajet tortueux des étiers et de ses ramifications, les bondres ; au flanc du talus un vannage, la prise d’eau, permet de l’introduire dans un premier bassin, la vasière, vaste réserve d’eau, la plupart du temps commune à plusieurs salines. Suivant la hauteur de la prise, l’emplacement de la vasière, le coefficient de la marée, il peut s’écouler de deux à quatre semaines avant de pouvoir « charger » la vasière. La superficie en varie de quelques dizaines d’ares à plusieurs hectares, selon le nombre de salines qu’elle dessert. L’eau ainsi stockée est ensuite admise dans un second bassin, le cobier, qui sert éventuellement de réserve d’eau supplémentaire, et où elle suit déjà un trajet en chicane. Un petit canal, le tour, plus ou moins long, l’achemine alors vers le terrain de chauffe, l’ensemble des bassins appelés fares, d'environ une centaine de mètres carrés chacun, séparés par des levées de terre, les ponts, disposés en chicane. La hauteur de l’eau dans les fares est d’une main ou de quatre doigts. Arrivée dans les fares de dernières eaux, l’eau pénètre enfin dans les adernes, derniers bassins de chauffe, de dimensions plus grandes ; elles servent de réserves quotidiennes pour l’alimentation des cristallisoirs pendant la récolte ; la hauteur d’eau admise peut donc y être légèrement supérieure à celle du terrain de chauffe. Pour régler ses niveaux du tour aux fares et aux adernes, le paludier dispose des planches ou des ardoises à trous qu’il obture plus ou moins afin de maintenir partout la « bonne hauteur » et un débit aussi continu que possible. La dernière aderne — une saline en comporte deux ou quatre — l'aderne maîtresse, est obturée par une petite trappe. Lorsqu’on l’ouvre, l’eau s’engage dans le délivre, rigole d'alimentation de la série des cristallisoirs que l'on appelle la lotie d’œillets, ou la lotie tout simplement. Les œillets ou marais comme on dit plus couramment encore, sont disposés symétriquement de part et d'autre du délivre ; une ardoise, fichée dans le pont de délivre de chaque œillet, et que l’on entrouvre plus ou moins, permet de contrôler l’arrivée d’eau dans les cristallisoirs : un doigt pendant la récolte de sel. Un cristallisoir mesure de 50 à 80 mètres carrés.
5Le fragile équilibre des niveaux et le bon acheminement de l’eau dans ce réseau à déclivité minimale dépend de l’état de la saline. Aussi est-elle chaque année soigneusement remise en état. Le paludier commence par restaurer les appartenances, les canaux, digues, talus et réserves d’eau qui desservent un ensemble de salines. Ce travail s’effectue en hiver autant que faire se peut, et aux marées de mortes-eaux. On répare les digues qui s’éboulent ou se démantèlent, les bondres et bondreaux qui s’envasent, on renforce ici ou là un talus. Il faut aussi « rayager » la vasière, la débarrasser de l’excédent de vase qui s’est accumulée dans la raie, ce petit fossé qui ceinture tout le bassin. La remise en état de la saline, noyée pendant l’hiver pour la préserver du gel, commence ensuite, « le plus tôt possible » au printemps. Le battage de l’eau a détérioré les ponts déjà abîmés par les passages répétés de la brouette lors de la dernière récolte ; les sédiments se sont accumulés sur le fond des bassins. On procède donc à l’habillage du terrain, après avoir rapidement restauré les cobiers et le tour. Cela consiste à nettoyer le fond des fares mis à sec en repoussant la vase excédentaire à une extrémité du bassin pour la jeter ensuite au talus ; on rehausse et regalbe les ponts en même temps. On habille ainsi une série de fares après l’autre. Toute l’organisation de l’habillage est faite au coup par coup, suivant l’état du temps qui « pousse » ou « ralentit » le travail, et celui du terrain plus ou moins bon, plus ou moins abîmé.
6Dès avril, ou en mai, le paludier est en principe à travailler dans les adernes et les œillets : refaire la ponture, pousser les adernes, nettoyer le délivre, commencer le boutage des œillets, c’est-à-dire retirer le plus gros de la vase. Ceci toujours « au prorata du temps » qu’il fait et du rythme qu’il impose. Pour le saliculteur l'essentiel est, durant toute cette période, de ne pas se laisser gagner de vitesse, faute de quoi il risque de louper le démarrage de la saison.
7Au gré des vents, des orages, de la pluie, le paludier doit être prêt à décharger à temps, en mai, juin, ou même avril ou juillet, aussitôt que le sel apparaît, que « ça déclare ». Au tout début de la cristallisation, une fine pellicule d’argile se détache du fond et se mêle à l’eau des œillets qui « tribouillent » ; le déchargeage consiste à repousser cette vase saumatée mélangée à l’eau et à l’envoyer par-dessus les ponts dans les fardillets ou fares de déchargeage conçus à cet effet. On remet en eau à partir des adernes aussitôt après, et normalement les premières prises de sel commencent le lendemain ou le surlendemain.
8La saison de récolte est enfin arrivée. Le sel est recueilli tous les jours ou tous les deux jours, tous les trois ou quatre jours si les conditions atmosphériques sont maussades ; lorsqu’elles sont défavorables, qu’une pluie ou un orage s’abat, la récolte est interrompue jusqu’à ce que l’eau retrouve « sa force ». Le sel est recueilli en général l’après-midi dans chaque cristallisoir. Il est ramené à l’aide du las « au nez de la ladure », cet arrondi aménagé au milieu de la levée d’argile qui sépare deux œillets, où il est ensuite hissé. Le lendemain matin chaque ladurée est transportée en brouette jusqu’au mulon d’amas sur le tormet, emplacement prévu sur les talus qui bordent une saline pour entasser le sel jusqu’à l’issue de la récolte.
9Le travail de récolte est fractionné par série de deux ou quatre œillets. En même temps qu’il « prend », le paludier « doreille » : il introduit depuis l’aderne le volume d’eau qu’il juge nécessaire pour « prendre », et qui doit correspondre à la quantité maximale d’eau susceptible de s’évaporer jusqu’à la prise de sel suivante, du lendemain ou surlendemain, où il doreille à nouveau renouvelant ainsi continuellement les eaux-mères. Pour ce faire, il ouvre, au moment voulu, la trappe qui commande le passage de l’eau de l’aderne au délivre en donnant un débit plus ou moins faible, selon qu’il faut « calmer » si le temps est maussade, ou « forcer » si le temps force et « sèche » vite les œillets. Il ouvre ensuite les ardoises des deux ou quatre œillets qu'il veut alimenter pour les prendre. Puis il « donne à boire » à la série suivante et ainsi de suite, lotie après lotie. Lorsque la lotie est complètement alimentée en eau, il ferme la trappe d’aderne et ouvre alors le passage des dernières eaux à l’aderne pour réapprovisionner cette dernière. Pour évaluer la hauteur d'eau à admettre dans les œillets, et, de proche en proche, celle à introduire dans l’aderne, puis celle à faire circuler sur le terrain de chauffe, et enfin celle à stocker dans la vasière entre deux prises d’eau à l’étier, le paludier s’efforce d’apprécier au mieux les conditions atmosphériques et le « travail » proprement dit du marais qu’il assiste ou renforce de son mieux. Pendant toute cette période l’eau « tourne » sous un débit régulier de la vasière à l’aderne, autant que faire se peut, pour qu’elle « s’échauffe » progressivement. Du début à la fin du circuit, le paludier doit procéder à un réglage continu de manière à maintenir toujours la « bonne hauteur », en fonction des conditions atmosphériques, et trouver cet équilibre précaire entre un « assez d’eau » pour que le marais « travaille », et un « pas trop » qui le « refroidit » et risque de noyer et le sel et le marais en cas d’orage inopiné.
10« C’est un travail délicat », le métier du sel, insiste un ancien... « Si seulement y avait pas le temps » reprend une paludière...
Annexe 2. Le métier de la petite pêche artisanale
11La « petite » pêche dont il est question dans cet ouvrage se pratique le long des côtes, souvent à quelques encablures du rivage, avec des équipages de trois ou quatre personnes au maximum, et retour quotidien au « port ». Activité d'impact régional jusque dans les années 1970, elle ne se conçoit plus aujourd'hui que dans un contexte national, et plus généralement européen. Jusque-là une population vivant chichement affrontait à l’aide de techniques de pêche peu efficaces un milieu naturel qui demeurait sous-exploité, et, pour cette raison même, écologiquement protégé. Mais à partir de la décennie soixante, les flottilles de pêche artisanale ont vu elles aussi changer leurs données économiques. Dans cette activité où le prix d’un bateau pour un équipage de trois est passé de 1 800 F en 1920 à 200 millions (anciens) en 1980, le rapport capital fixe/capital tournant a augmenté de manière tout à fait considérable. En conséquence, un pragmatisme nouveau s’est imposé à des populations qui, traditionnellement, affectaient l’indifférence vis-à-vis des questions de rentabilité. Le subventionnement des types d’unités à encourager, et les prêts hypothécaires importants à la construction d’embarcations (jusqu’à 80 % pour un patron membre d’un groupement professionnel) se sont vus complétés dans les années soixante-dix par un subventionnement massif du prix du carburant et l’instauration de prix planchers garantis (nationaux et « communautaires ») à la vente en criée. Du coup, la gestion économique d’un bateau à la pêche côtière a cessé d’être définie prioritairement par la performance économique des concurrents proches, pour être définie désormais en fonction des politiques administratives (ministères et organismes de crédit). Le rendement effectif de la pêche est désormais moins important que la capacité à négocier avec des organes administratifs, et la priorité des types de savoir s’est inversée en conséquence. La variété des « métiers » à la petite pêche oblige cependant à opérer de nombreuses distinctions.
12Le « métier », c’est une technique de pêche particulière associée à la capture d'un animal précis, et définie par référence implicite au nécessaire lien unissant les différents bateaux et leurs équipements aux engins de pêche, ces derniers au mode d’appâtage, les appâts aux différents animaux pêchés. C’est aussi plus largement l’ensemble des conditions de travail associées à tel ou tel type de pêche (plus ou moins dure, de bon ou de mauvais rapport).
13Le « métier du casier » (essentiellement homard, tourteau, araignée de mer et langouste, aujourd'hui éteinte ou simplement absente) se caractérisait dans les années soixante par une pêche intensive à l’aide d’un nombre limité de casiers souvent déposés un par un. La pêche visait essentiellement le homard en été et le crabe tourteau en hiver, et se pratiquait par des équipages de trois ou quatre hommes montés sur des pinasses, pontées ou non, et équipées de moteurs de faible puissance (moins de 50 CV). Dans ce type de pêche, la connaissance des fonds, c’est-à-dire du relief rocheux, était essentielle, et l’apprentissage consistait principalement dans la transmission des « alignements » définissant avec une très grande précision les « trous à homards » ; ceci s’appliquait moins à des animaux telles la langouste ou l’araignée qui sont, en fait, « interceptés » au cours de leurs migrations annuelles. La connaissance des « alignements » ou « marques », qui implique le repérage de particularités du paysage, tels phares, îlots, églises, etc., avait bien entendu pour seul domaine d’application le domaine côtier. Le passage progressif, au cours des années soixante, d'une pêche intensive au casier, à une pêche extensive visant essentiellement le tourteau (d’où la distinction entre casiers « mis au homard » et ceux « mis au crabe »), à l’aide de filières de trente casiers mesurant un kilomètre, et pratiquée plus au large, a conduit à remplacer la connaissance des marques ou alignements par la capacité pratique, et acquise une fois pour toutes, à lire les profils établis par les échosondeurs, qui autorisent l’interprétation d’un fond même inconnu, et à comprendre l’image formée sur l’écran-radar, condition d’une pêche efficace par temps brumeux. La maîtrise de nouveaux moteurs puissants (plus de 100 CV) introduit une autre capacité technique, celle qui permet le déplacement rapide entre fonds de pêche distants les uns des autres, et éloignés du port d’attache ; d’où résulte une extension de la surface exploitée de la zone Sud-Bretagne à la zone Nord-Gascogne.
14La pêche au poisson à la ligne (principalement le bar, et la daurade grise et rose) a connu une évolution due en partie à la simple augmentation du nombre d’embarcations pratiquant ce type de pêche. Favorisée par un certain individualisme — les équipages sont ici d’un ou quelquefois deux hommes —, cette pêche se pratiquait surtout « à la traîne », c’est-à-dire à l’aide d’une ligne tractée à la main, le bateau évoluant à petite vitesse, des hameçons étant cachés dans des leurres en plastique ; elle exigeait une connaissance approfondie du comportement et des habitudes du poisson, elle exigeait aussi, du fait qu’elle se pratique — surtout pour le bar — sur des hauts fonds, une très bonne connaissance des écueils.
15Les années soixante ont vu le développement de la pêche du bar au « bahot » (palangre) à l’aide de lignes lestées et appâtées, selon une technique déjà éprouvée pour le turbot et la raie, alors en voie d’extinction locale. Les années soixante-dix ont vu le développement de la pêche du bar « au vif », les leurres étant remplacés par le lançon vivant, pêché sur place à l’aide d’un petit chalut ou, le plus souvent, acheminé depuis la côte nord de la Bretagne. Au cours des mêmes années, la pêche à la daurade « en travers » (... du courant) avec appât à la « rogue » (œufs de morue mélangés à de la farine d’arachide) disparaissait de fait en raison de la pêche massive de ces espèces à l’aide du chalut pélagique utilisé par les plus grosses unités travaillant « en bœufs » (deux bateaux tractant le chalut entre eux).
16Mobilisant un grand savoir-faire et une interprétation complexe des « signes du poisson » allant du comportement des oiseaux de mer à l'apparence des remous de surface — ces types de pêches autorisaient toutefois une imitation servile du comportement des pêcheurs chevronnés par les novices, sur les lieux de pêche patrouillés par eux ; ceci explique le caractère secret de cette pêche où le bon pêcheur a tout intérêt à partir en mer à l’insu de ses concurrents potentiels, a intérêt à les semer s’ils le suivent, ou à les induire en erreur quant aux techniques utilisées ou au volume des prises. C’est cette possibilité de débuter dans ce type de pêche en exploitant les connaissances acquises par d’autres qui a facilité le développement rapide de la flottille de petite dimension au cours des années soixante-dix ; même si les nouveaux venus doivent se contenter longtemps — faute d’un capital-savoir — de rendements et de revenus inférieurs à ceux de leurs collègues chevronnés.
17L’introduction du chalut pélagique au Croisic en 1970, adopté ensuite à Lorient et à La Turballe, a permis à des embarcations pêchant « en bœufs » des prises se chiffrant en tonnes de bars et daurades que les petites embarcations capturaient jusque-là par dizaines de kilos. Dans ce cas-ci aussi, les connaissances acquises par un petit nombre ont pu être « détournées » dans l’exploitation systématique, et à l’aide d’une technique meurtrière, des coins explorés antérieurement par eux. La guerre navale et administrative entamée depuis 1976 par les « petits » contre les pélagiques, en invoquant à la fois une certaine éthique de la pêche — la « sélectivité » des petits engins — et le spectre de la reconversion de populations acculées à l’abandon du métier, a conduit à l’interdiction de nombreuses zones de pêche aux pélagiques ; interdictions d’ailleurs difficiles à faire observer.
18Persécutés en raison de la trop grande efficacité de leur pêche, mais talonnés par le remboursement des prêts hypothécaires, les patrons de pélagiques, ouverts à la modernité, se sont spécialisés dans l’exploitation des défauts de la nouvelle pêche subventionnée. En particulier, le détournement habile par eux de la politique « sociale » des prix planchers garantis leur permet de s’enrichir considérablement sans rencontrer d’opposition effective sur le plan local, dans la mesure où la ponction des fonds de soutien nationaux, mais surtout communautaires, est considérée localement comme ne lésant personne. Ceci a conduit à des pêches massives d’espèces de peu de valeur ou de commercialisation inélastique, dont la conséquence est la destruction partielle du capital-ressource ; mais aussi, et peut-être surtout, à des pêches et des ventes fictives qui, si elles sont sans conséquences pour l’environnement, détruisent lentement mais sûrement la notion même d’une éthique de la profession.
Annexe 3. Le métier de parqueur
19La conchyliculture sur le littoral atlantique concerne presque exclusivement l’élevage de l’huître (ostréiculture) et de la moule (mytiliculture). Depuis ces quatre dernières années on parle aussi de vénériculture (élevage de palourdes). Dans le traict du Croisic le rigadeau (la coque des Parisiens) fait aussi depuis quelque six années l’objet d’un véritable élevage.
20Les conchyliculteurs sont plus communément appelés « parqueurs ». Le parc est la concession obtenue par l’entremise de l’administration des Affaires maritimes sur le Domaine public maritime (DPM) afin d’y procéder à tel ou tel élevage. Ces concessions sont établies selon une réglementation très précise, qui fait l’objet de décrets, stipulant jusque dans leurs moindres détails les conditions d’attribution et d’utilisation de ces portions du littoral comprises entre les plus hautes et les plus basses mers des marées de vives eaux — ce sont les parcs découvrants établis sur l’estran — et de ces périmètres marins attribués en bordure des côtes — ce sont les parcs en eau profonde. Durée (en général 25 ans), superficie, espèce travaillée, technique utilisée, contraintes à respecter pour chaque technique, etc., sont strictement précisées. Toute modification dans la nature de la culture, le mode de culture, ou la tenure — passage en codétention avec un autre éleveur, cession partielle ou totale — doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Les concessions sont créées sur la demande de particuliers ou de groupements, ou sur décision administrative, après enquête et affichage dans les mairies concernées ; les concessions abandonnées, ou non renouvelées à l’expiration de la durée d’attribution, sont remises à l’« affichage ».
21A chaque parc correspondent donc une espèce, un stade d’élevage, et un mode de culture, et le travail du parqueur variera en conséquence. Moules, coques peuvent être élevées sur des parcs à plat où les tout jeunes animaux, le naissain, recueillis ou dragués sur les gisements naturels sont semés à même le sol. L’huître également mais le naissain doit être préalablement capté sur des parcs de captage, à l’aide de collecteur : ce sont des supports divers disposés dans les endroits propices à la reproduction du coquillage, et sur lesquels viennent se fixer les larves lorsqu’elles commencent à sécréter leur coquille. Les moules sont aussi élevées sur bouchots, des rangées de pieux disposés en lignes régulières et parallèles, plantés dans le sédiment, d’une hauteur de deux mètres environ, recouverts totalement par la marée haute ; depuis peu sur le littoral breton se mettent en place de nouvelles techniques d’élevage en eau profonde, sur longues lignes : ce sont des cordes ou câbles lestés, régulièrement espacés, reliés à une structure flottante, et qui pendent dans l’eau sans toucher le sol. Les huîtres font aussi l’objet d’un élevage en surélevé sur l’estran : elles sont disposées dans des casiers ou des poches reposant à quelque 30 ou 50 cm du sol sur des tables ou rampes disposées en longues rangées parallèles ; et d'un élevage en eau profonde : les animaux sont semés depuis une embarcation sur le fond et draguées ensuite à l’issue de leur pousse.
22Le travail du boucholeur est rythmé par les marées et le cycle de croissance de la moule tout au long de l’année. Sur les rangées plus courtes de bouchots situées le plus en aval, les larves de moules viennent se fixer directement sur le pieu où elles s’agglutinent en grappes les unes aux autres, à partir des mois d’avril-mai. Au début de l’été les grappes commencent à se défaire : le boucholeur prélève les paquets qui menacent de tomber pour les placer au fur et à mesure sur ses bouchots d’élevage. C’est ce qu’on appelle le remuage du naissain qui s’effectue aux grandes marées pendant toute la période de pousse du naissain, de juillet en décembre. A partir de ce dernier mois les bouchots de captage sont grattés du dernier naissain, nettoyés, les plus anciens remplacés, les rangées prolongées éventuellement, redressées, et remises en état pour le prochain captage. Depuis une quinzaine d’années on capte aussi les moules sur des cordes en coco, clouées d’un pieu à l’autre ou posées à plat sur des traverses fixées entre deux rangées de pieux. Les cordes sont retirées et remplacées par d’autres au fur et à mesure de la pousse du naissain ; elles vont garnir les bouchots d’élevage. Différentes techniques sont utilisées pour la phase de l’élevage qui dure entre quinze mois et deux ans, selon l’emplacement des bouchots, l’époque où le naissain a été recueilli et mis à grossir, les conditions climatiques, etc. Le clayonnage est la plus ancienne méthode ; elle est interdite en certaines régions mais encore fréquemment utilisée dans celle que nous avons étudiée. Entre les pieux d’une rangée on entrelace des branches souples de châtaigniers ou de chêne. Les grappes de moules prélevées pendant le remuage y sont coincées par chacune de leurs extrémités. Les moules s’accrochent au lacis d’elles-mêmes et les unes aux autres dans les journées qui suivent la pose. A chaque marée on garnit la portion de clayonnage préparée à la marée précédente et on prépare la suivante, et ceci pendant toute la période du remuage. Le dernier naissain récolté ne forme plus de grappes, aussi faut-il d'abord le mettre dans des sacs en filet pour le maintenir ; on procède de même lorsqu'il provient de la pêche de gisements naturels en cas de pénurie de captage sur bouchots. L'autre procédé s’appelle le boudinage : le naissain prélevé pendant le remuage est mis dans de longs boudins de filets que l’on enroule ensuite autour du bouchot d’élevage. On utilise un filet en coton qui pourrit très rapidement pour les moules de l’été : elles se fixent très rapidement au pieu qu’elles finissent par complètement envelopper. Les moules à partir de septembre s’accrochent moins bien et ne forment plus grappes, leur pousse est ralentie en hiver : pour les maintenir en place sur le bouchot on utilise un filet en plastique imputrescible. Enfin le catinage est surtout utilisé lorsque le naissain est capté sur cordes. Celles-ci sont directement enroulées autour du pieu de la fin du printemps à l’été. A la fin de l’été on entoure le bouchot d'un filet à large maille pour éviter que les paquets de moules trop lourdes ne se détachent, c’est le premier filet de catinage. Un deuxième filet est placé pour renforcer la protection une dizaine de mois plus tard. Pendant toute la période de pousse, le travail du boucholeur consiste surtout à surveiller ses lignes de bouchots mis en élevage, réparer les dégâts provoqués par un mauvais temps, restaurer les lignes qui recevront le prochain élevage (remplacer des pieux, en nettoyer d’autres, ou en redresser, etc.). La récolte se fait au bout d’un an ou deux ans, voire trois ans, à basse mer. Les moules sont arrachées par grappes entières, à la main ou au râteau, mises en mannes, et remontées dans les installations à terre, la « cabane », pour y être lavées, triées, et mises dans des sacs munis de leurs étiquettes sanitaires lorsque le boucholeur est agréé aussi comme « expéditeur » par l’administration de tutelle. Une partie de la récolte est placée dans des parcs de dépôt, en bordure des concessions, en attente de livraison.
23Le travail du naissain d’huîtres est sensiblement différent selon l’espèce cultivée, plate ou creuse. Dans le golfe du Morbihan et ses « rivières », centre le plus important de reproduction de l’huître plate aujourd’hui pratiquement décimée par la dernière épizootie dite du bonamia, on utilise des collecteurs d'un type particulier : les bouquets de tuiles chaulées. Les tuiles grattées de leur enduit de chaux précédent, bien nettoyées, sont enfilées par groupe d’une dizaine sur deux fils de fer recourbés en U : on enfile deux tuiles parallèlement, puis deux autres perpendiculairement aux premières et ainsi de suite. Les bouquets sont trempés dans un lait de chaux et mis à sécher. Les collecteurs sont ainsi préparés par centaines et même milliers. Au tout début de l’été ils sont amenés en pontons, ou chalands, sur des parcs de captage généralement situés dans les parties hautes des rivières. La pose commence lorsque la mer s’est suffisamment retirée et dure le temps de la marée. Les bouquets sont posés par paquets sur des rampes en bois ou enfilés sur des piquets et appuyés les uns contre les autres de part et d’autre d’une traverse clouée sur des pieux. Cela forme ce que l’on appelle les « tracats ». Dans le mois qui suit la fixation des huîtres on retire les bouquets pour les transporter sur d’autres parcs situés plus en aval où la croissance sera plus rapide. Six ou huit mois après, entre décembre et mi-avril, les bouquets sont ramenés dans les installations à terre : on détroque le naissain ; les jeunes huîtres sont décollées de leur support. Lavées et criblées, puis stockées au fur et à mesure dans des civières, casiers en bois recouverts d’un grillage, dans des bassins submersibles à proximité du chantier, elles sont ensuite semées sur des parcs de demi-élevage, qui découvrent facilement aux marées, à partir de la fin de l’hiver. Le naissain soigneusement surveillé pendant toute cette période y reste entre un et deux ans. A l’issue de sa pousse il est vendu comme naissain de 18 mois aux éleveurs ou semé sur d’autres parcs. Sur la rive sud de la Vilaine, et pour l’huître creuse, on utilise comme collecteurs des chapelets de coquilles Saint-Jacques enfilées sur un fil de fer et maintenues écartées les unes des autres par un bout de tuyau en caoutchouc. Ces chapelets sont déposés sur les tables, ou berceaux, des parcs de captage. Les collecteurs sont éventuellement déplacés sur d’autres parcs une dizaine de mois plus tard. Au bout de 18 mois on les ramène à terre, on détroque le naissain : les huîtres creuses ainsi récoltées sont semées dans des parcs ou élevées en surélevé.
24Les parcs d’élevage à plat de la moule et de l'huître, comme ceux de demi-élevage de l’huître plate (du naissain à la taille dite 18 mois), sont remis en état avant d’être « semés », aux basses mers de vives-eaux. Suivant l’espèce élevée à plat, la restauration des parcs a lieu tous les ans (pour le demi-élevage de la plate par exemple), ou tous les deux ou trois ans, à l’issue d’une « pousse » précédente déjà récoltée, ou après que le terrain a été laissé à « reposer » entre deux élevages. Il faut d’abord retirer les coquillages qui ont échappé à la « pêche » antérieure, enlever les coquilles vides ; le parc est ensuite hersé pour le débarrasser des vases excédentaires, des amoncellements de sable ou d’algues, et le réaplatir. On répare ou installe les défenses, clôtures, ou « barrages » qui délimitent le périmètre d’ensemencement, empêchent huîtres et moules d’être dispersés par les mouvements des marées ou de la houle, et les protègent de prédateurs comme les crabes. Les coquillages sont semés à mi-marée ou à l’étale de pleine mer une fois le parc prêt. A la basse mer suivante on égalise à la pelle ou fourche le semis. L'éparage dans les parcs, comme on appelle en certains endroits cette opération, commence dès la fin de l’hiver, aussitôt qu’on dispose du naissain de taille voulue, pour les huîtres, et se poursuit jusqu’en mai-juin ; pour les moules il a lieu d’avril-mai à la fin de l’été. En automne on épare aussi les « retours », les huîtres qui n’ont pas terminé leur croissance à l’issue de la « campagne » de récolte des derniers mois de l’année. Pendant toute la période de pousse il faut surveiller et entretenir les parcs : lutter contre les prédateurs et les concurrents vitaux — par exemple la moule qui vient se fixer sur les parcs à huîtres —, les proliférations d’algues, l’envasement ou l’ensablement, réégaliser l’élevage mis à mal par une tempête, remuer les huîtres en particulier afin de « travailler » la coquille, c’est ce qu’on appelle le grattage. Au bout de quinze mois à deux ans pour les moules, deux ou trois ans pour les huîtres creuses et les plates d’élevage, un an pour les plates de demi-élevage, on « pêche ». La récolte se fait à pied et à la fourche ou au râteau, lorsque le parc découvre. Les coquillages sont jetés en vrac sur le chaland ou mis en mannes. Ils peuvent être aussitôt livrés en gros, ou bien ils sont ramenés à l’atelier pour être lavés, triés, calibrés et ensuite expédiés. Une partie d’entre eux est stockée dans les parcs de dépôt ou des bassins submersibles à proximité des installations.
25Dans les élevages d’huîtres en surélevé, les animaux sont généralement répartis dans des poches en plastique au maillage plus ou moins gros, selon la taille du coquillage mis en pousse. Les poches sont déposées sur les tables métalliques préparées à les recevoir lorsque le parc découvre. A l’issue de la première pousse de printemps on remonte les poches à la cabane pour les trier, retirer les animaux morts, dessouder les coquilles collées entre elles, et répartir les plus grosses dans des poches aux mailles plus larges. Sur les parcs, les poches sont retournées plusieurs fois, aux marées basses, pour enlever les algues qui s’accrochent au maillage, et secouées pour éviter l’entassement des huîtres et casser la dentelle de la coquille. Périodiquement on retire les tables pour faciliter le nettoyage naturel du sol, en fin de campagne. A partir de septembre, comme pour les huîtres élevées à plat, les poches sont amenées dans les ateliers pour être détroquées, nettoyées, triées en grosses, petites, moyennes et « retours ». Les huîtres qui seront expédiées sont calibrées par numéros et stockées dans les dégorgeoirs ; elles sont ensuite lavées, emballées et étiquetées au fur et à mesure des expéditions.
26Les parcs en eau profonde pour l’élevage de l’huître sont apparus dans les années cinquante et se sont particulièrement développés dans la décennie suivante. Ils sont situés dans les grandes baies ou rades du littoral breton, sur les anciens gisements naturels d’huître plate. Le travail se fait uniquement en bateau et sur des concessions de 25 à 100 ou 200 hectares d’un seul tenant. Tout autour du parc on ménage un espace libre d’une dizaine de mètres ; à l’intérieur de ce périmètre on délimite par des bouées différentes parcelles. Les huîtres sont semées par lots de taille homogène sur chacune de ces parcelles au printemps, elles sont récoltées à l’automne de l’année suivante. Pendant toute leur pousse l’essentiel du travail consiste à lutter contre les prédateurs : raies et étoiles de mer qui sont régulièrement pêchées. On récupère aussi par dragage les coquillages qui se sont déplacés et ont glissé dans le couloir ceinturant la concession. Les huîtres sont pêchées à l’aide de bateaux munis de deux dragues au moins, en prenant des repères sur des alignements ou marques, et en ratissant ainsi soigneusement toute la parcelle. A chaque relevage la drague est plongée plusieurs fois dans l’eau pour éliminer grossièrement sable et gravier, avant d’être vidée de son contenu sur le pont. Les huîtres sont ensuite ramenées à terre, dans des mannes, ou des conteneurs d’un mètre cube, ou en vrac, et transportées jusqu’à l’établissement pour y être travaillées.
27Les parqueurs ne se spécialisent pas forcément dans un type d’élevage ou un autre, une espèce ou une autre. Entre Loire et Vilaine il est courant d’associer l’élevage de la moule et celui de l’huître creuse, même si pour certains cela se réduit à avoir quelques rangées de tables pour la creuse en sus de leurs élevages de moules à plat et sur bouchots. Tel parqueur cultive la coque ici, la moule à plat là, et en un autre point du littoral distant d’une vingtaine de kilomètres des huîtres en surélevé. Dans le golfe du Morbihan par contre on n’élève que l’huître, et jusqu’à ces dernières années que l’huître plate : le golfe s’était specialisé dans la production de naissain d’Ostrea. Mais tandis que la masse des « petits » éleveurs doit se contenter des parcs et des ressources des sites du littoral de la région où ils résident, les conchyliculteurs à la tête d’entreprises relativement importantes ont des concessions dispersées en différentes régions. Certains éleveurs du Morbihan ont des parcs sur la rive sud de l’estuaire de la Vilaine, ou vice versa. D'autres captent l'huître dans le Sud-Bretagne et l’élèvent dans le Nord-Bretagne. Des éleveurs de creuses résidant en presqu’île guérandaise ont des parcs de captage en Vendée ou dans le bassin de Marennes-Oléron. Tel ostréiculteur qui est aussi mytiliculteur, capte en partie ses huîtres en Charente-Maritime ; il élève les coquillages en surélevé en Loire-Atlantique et en eau profonde dans la baie de Quiberon ; une partie de sa production est finalement affinée en claires dans les marais guérandais en bordure desquels sont établis ses ateliers d’expédition.
28A l’intérieur de chacun des métiers de la moule ou de l’huître on a l’habitude de distinguer les fournisseurs de naissain qui se spécialisent dans le captage, des éleveurs proprements dits et des expéditeurs. La réalité est plus complexe : cela dépend à la fois des ressources naturelles des différents centres conchylicoles et de celles, économiques, des diverses entreprises qui y sont installées. Pour être expéditeur par exemple, il faut satisfaire à un certain nombre de réglementations dites sanitaires dans la construction et l’équipement des ateliers ; il faut aussi pouvoir disposer d’un volant de main-d’œuvre temporaire pendant les campagnes d’expédition et d’un minimum d’installations. Certains éleveurs qui n’ont pas les moyens matériels et financiers nécessaires ou réglementaires, vendent donc leur produit en gros à des confrères qui sont aussi expéditeurs ou à des mareyeurs-expéditeurs. Entre capteurs et éleveurs les différenciations se créent d’une autre façon. Sur la rive sud de la Vilaine les conditions favorables des sites permettent aux mytiliculteurs de capter et d’élever la moule sans avoir à dépendre de centres producteurs de naissain. En cas de mauvais captage, seules les grandes entreprises auront éventuellement recours aux cordes de naissain fournies par d’autres centres. Les autres collectent les jeunes moules sur les gisements naturels de la région aux grandes marées. Dans l’ostréiculture certains exploitants, les mieux placés, pratiquent tous les stades de la culture de l’huître du captage à l’affinage en claires ; les autres se spécialisent sur un ou plusieurs segments. Ainsi jusqu’à la grande crise du Bonamia qui a mis en faillite tout ce centre conchylicole dans le Morbihan, une multitude de petites entreprises familiales étaient spécialisées uniquement dans le captage et le demi-élevage de l’huître plate. Seules celles disposant de moyens financiers plus importants et de parcs en nombre suffisant, souvent en d’autres endroits du littoral, pouvaient effectuer toute la chaîne de l’élevage. En fait la majeure partie de la production de naissain de quelque 500 capteurs et demi-éleveurs morbihannais était vendue à cinq ostréiculteurs établis sur la côte bretonne de la Manche, à la tête de très grandes entreprises employant une main-d’œuvre permanente et temporaire nombreuse, et disposant de parcs d’élevage et d’affinage dans presque tous les centres ostréicoles de Bretagne.
29Les fortunes et infortunes de mer sont très diverses dans le métier de parqueur...
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