1 Vercors, La bataille du silence. Souvenirs de minuit, Paris, Minuit, [1967] 1992 : 11, cité par Jean-Yves Mollier, « Les intellectuels et le système éditorial français pendant la Seconde Guerre mondiale », in Albrecht Betz et Stefan Martens dir., Les intellectuels et l’Occupation, 1940-1944. Collaborer, partir, résister, Paris, Autrement, coll. « Mémoires », n° 106, 2004 : 200-218, ici 202.
2 Pour une synthèse de cette problématique avec des exemples du milieu littéraire, voir P. Burrin, La France à l’heure allemande, op. cit., 1995 : 338-345 ; ainsi que la réflexion très différenciée de J. Jackson, France. The Dark Years, op. cit., 2001 : 313-316.
3 Arrêté du commandant militaire en France (Militärbefehlshaber in Frankreich) envoyé aux chefs des circonscriptions de l’administration militaire et aux commandants départementaux, Paris, 9 décembre 1940, D-PAAA, Paris 1.211. Cet ordre aux bibliothèques est réitéré en octobre 1942 dans une circulaire du Dr Fuchs, du Bibliotheksschutz, diffusée dans l’ensemble des services de la Bibliothèque nationale (F-AN, F17 13368) ; voir aussi Martine Poulain, Livres pillés, lectures surveillées. Les bibliothèques françaises sous l’Occupation, Paris, Gallimard, 2008 : 259-270.
4 Pascal Fouché (L’édition française sous l’Occupation, 1940-1944, 2 volumes, Paris, Bibliothèque de littérature française contemporaine de l’université Paris 7, 1987) se consacre tout au long de son ouvrage aux systèmes de censure et aux jeux de pouvoir et de pression qui entourent les éditeurs. Des fac-similés d’une partie des documents originaux sont représentés dans son livre. Voir aussi P. Burrin, La France à l’heure allemande, op. cit., 1995 : 330-334 ; J. Jackson, France. The Dark Years, op. cit., 2001 : 306 ; S. Corcy, La vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., 2005 : 66-80. Pour une vue d’ensemble de l’appareil de contrôle et de propagande allemand concernant l’édition française, voir P. Fouché, L’édition française, vol. 1 : 16-18 ; et M. Poulain, Livres pillés, lectures surveillées, op. cit., 2008 : 21-28.
5 Voir S. Corcy, La vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., 2005 : notamment 249-262 ; H. Rousso, « Vichy : politique, idéologie et culture », art. cité, 1990 : 20-21.
6 R. O. Paxton, La France de Vichy, op. cit., 1997 : 193 ; P. Ory, Les collaborateurs, op. cit., 1980 : 217. Pascal Ory indique que le contingent de papier utilisé dans l’édition passe de 38 000 tonnes en 1938 à 1 524 tonnes pour le premier semestre de 1944. En moyenne, 1 000 tonnes par an sont réservées aux services allemands et aux éditions les plus ouvertement collaborationnistes, et 87 % du contingent restant est attribué à l’édition scolaire.
7 O. Dumoulin, « L’histoire et les historiens, 1937-1947 », in J.-P. Rioux dir., La vie culturelle sous Vichy, op. cit., 1990 : 241-268, ici 255-256.
8 P. Fouché, L’édition française sous l’Occupation, op. cit., 1987, vol. 2 : 9-37 ; P. Burrin, La France à l’heure allemande, op. cit., 1995 : 337. Pour un résumé précis des buts politiques de ce mode de censure de la part des Allemands, voir un rapport du major Schmidtke, commandant de la Propaganda-Abteilung en France, 13 octobre 1942, D-PAAA, Paris 1.139 a.
9 Dossier d’épuration Jacques-Gabriel Prod’homme, F-AN, F21 8126.
10 M. Poulain, Livres pillés, lectures surveillées…, op. cit., 2008 : 260-262 ; pour les structures et le fonctionnement de la censure vichyssoise, voir Denis Peschanski, « Une politique de la censure ? », in J.-P. Rioux dir., La vie culturelle sous Vichy, op. cit., 1990 : 63-82, ici 69-76.
11 Voir les fac-similés de ces deux listes en annexe de l’ouvrage de Fouché (L’édition française…, op. cit., 1987, vol. 1).
12 P. Fouché, L’édition française sous l’Occupation, op. cit., 1987, vol. 1 : 154-159.
13 Voir Y. Simon, « Les écrits sur la musique publiés sous l’Occupation (1940-1944). Étude des ouvrages conservés à la bibliothèque municipale d’Angers dans le fonds Riobé », art. cité, 2003 : 93-128, ici 109-110.
14 Ibid. : 110.
15 P. Burrin, La France à l’heure allemande, op. cit., 1995 : 330.
16 Fac-similé in P. Fouché, L’édition française sous l’Occupation, op. cit., 1987, vol. 1, annexe.
17 On ne sait pas si l’ouvrage de Jacques Brindejont-Offenbach, Offenbach, mon grand-père, Paris, Plon, 1940, a été publié au premier ou au deuxième semestre de l’année 1940 (Y. Simon, « Les écrits sur la musique publiés sous l’Occupation… », art. cité, 2003, note 64). Néanmoins, il semble peu probable que les Éditions Plon, peu inclines à troubler leur collaboration étroite avec les autorités d’Occupation (voir P. Fouché, L’édition française…, op. cit., 1987, vol. 2 : 232-235 ; et P. Burrin, La France à l’heure allemande, op. cit., 1995 : 332), aient contribué à la promotion d’un compositeur tant méprisé par les national-socialistes en publiant après la prise de contrôle allemande un livre si luxueux.
18 Gerhard Heller, « Aufzeichnung für Herrn GK Knothe », 5 août 1943, D-PAAA, Paris 1.115 a Teil 2.
19 Je remercie Manuela Schwartz pour cette suggestion. Pour la nature nationaliste de cette francophilie des officiels allemands, voir E. Michels, Das Deutsche Institut in Paris 1940-1944, op. cit., 1993 : 256-257.
20 Voir S. Corcy, La vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., 2005 : 74-77 ; Barbara Lambauer, « Otto Abetz, inspirateur et catalyseur de la collaboration culturelle », in Albrecht Betz et Stefan Martens dir., Les intellectuels et l’Occupation, 1940-1944. Collaborer, partir, résister, Paris, Autrement, coll. « Mémoires », n° 106, 2004 : 64-89.
21 L’Information musicale, n° 12, 7 février 1941 ; Y. Simon, « Les écrits sur la musique publiés sous l’Occupation… », art. cité, 2003 : 112-113.
22 Cet espace de liberté relative, ainsi que sa restriction à partir de 1942, s’observent également dans d’autres secteurs de la vie culturelle comme le cinéma : voir par exemple Kathrin Engel, « Deutsche Film-und Theaterpolitik im besetzten Paris 1940-1944 », in Wolfgang Benz, Gerhard Otto, Anabella Weismann dir., Kultur Propaganda Öffentlichkeit. Intentionen deutscher Besatzungspolitik und Reaktionen auf die Okkupation, Berlin, Metropol, 1998 : 35-53 ; ainsi que S. Corcy, La vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., 2005.
23 Ces chiffres reposent sur une liste des publications établie par Yannick Simon (« Les écrits sur la musique publiés sous l’Occupation… », art. cité, 2003 : 123-128), que nous avons vérifiée et complétée d’une vingtaine de références (indicateurs : relevés bibliographiques à la BNF ; « Index Novorum Librorum » annuel des Acta Musicologica ; listes annuelles (« Quarterly Book-List ») du Musical Quarterly ; mentions d’impression, de publication et d’autorisation de censure à l’intérieur des ouvrages ; Bibliographie de la France, journal général et officiel de la Librairie française et de la Bibliothèque nationale, Paris, Bibliothèque nationale/Cercle de la librairie, 1940-1944 ; Catalogue des ouvrages parus en langue française dans le monde entier, années 1940-1944, tomes vii à xxi, Paris, Service bibliographique des Messageries Hachette, 1941-1946).
24 Auteur prolifique dans le domaine de la vulgarisation, Charles Hertrich produit de 1940 à 1944 pas moins d’une quarantaine de brochures de moins de 30 pages aux éditions Les Flambeaux, sur à peu près tous les sujets possibles entre L’âme sublime de Beethoven et Le Salut par l’énergie, en passant par La vocation héroïque de Charles Péguy, chevalier servant et chantre sublime de Jeanne d’Arc.
25 Yannick Simon a ainsi pu relever, rien qu’en étudiant le secteur des publications sur Debussy, un tel cas d’ouvrage remanié : « Claude de France, notre Wagner. Le culte de Debussy sous l’Occupation », Cahiers Debussy, n° 30, 2006 : 5-26, ici 19.
26 L. A. Sprout, « Les commandes de Vichy… », art. cité, 2001 : 106, 176-177 ; Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944 : l’utopie Pétain, Paris, PUF, 1991 : 87-89 ; P. Laborie, L’opinion française sous Vicy, op. cit., 2001 : 231-233, 240.
27 Selon Eckard Michels, environ 27 494 titres paraissent de 1941 à 1944, dont seulement 331 traductions de l’allemand (E. Michels, Das Deutsche Institut in Paris…, op. cit., 1993 : 231).
28 Ibid. : 223, 231.
29 À l’exception de l’Histoire de la musique de la fin du XIVe siècle à la fin du XVIe de Pirro (1940), Notre chanson folklorique de Coirault (1941) et la thèse de Marcel-Dubois, Les instruments de musique de l’Inde ancienne (1941).
30 Josef Müller-Blattau, Histoire de la musique allemande, Paris, Payot, 1943 : 7. Yannick Simon s’est livré à une analyse de l’approche national-socialiste de l’ouvrage : « Les écrits sur la musique publiés sous l’Occupation… », art. cité, 2003 : 101-103.
31 Les musicologues « prouvent » la nationalité allemande de compositeurs issus des territoires annexés. En France, c’est le cas notamment de César Franck, avec un numéro spécial de la Zeitschrift für Musik intitulé « Caesar Franck – ein Deutscher ! Zum 50. Todestag des Meisters am 9. November 1940 » (107e année, fasc. 9, septembre 1940), et deux ouvrages des musicologues Reinhold Zimmermann (Cäsar Franck. Ein deutscher Musiker in Paris, Aix-La-Chapelle, Heimat Verlag [Otto Braun], 1942) et Wilhelm Mohr (Cäsar Franck, ein deutscher Musiker, Stuttgart, Cotta, 1942). Je remercie Burkhard Meischein de m’avoir indiqué ces publications.
32 Voir le chapitre 6 de l’ouvrage de P. M. Potter, Die deutscheste der Künste, op. cit., 2000.
33 Là encore, nous renvoyons pour plus de détails à Yannick Simon et son étude d’ouvrages choisis à travers le prisme du traitement de compositeurs « juifs » (« Les écrits… », 2003 : 109-114).
34 C. Martinès, Histoire de la musique. Tome troisième : classe de 3e, EPS 3e année, Paris, Rouart Lerolle et Cie/Éditions Salabert, 1941 : 9 et 26.
35 Louis Laloy, Comment écouter la musique, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque du peuple », 1942 : 63.
36 Sur Gobineau et sa réception musicale, voir Philippe Gumplowicz, Les résonances de l’ombre. Musique et identités : de Wagner au jazz, Paris, Fayard, 2012 : 143-148 et 236-237.
37 La musique française, vol. 3, Après Debussy, Paris, Gallimard, 1943 : 35.
38 Dans le chapitre « Et si le jazz était français ? », in Histoire générale du jazz : strette, hot, swing, Paris, Denoël, 1942 : 25-27. Cet argument n’est pas nouveau : il est ainsi déjà développé avec une formulation identique par Arthur Hoérée en 1927 (« Le jazz », La Revue musicale, n° 12, octobre 1927 : 213-241).
39 Inutile de préciser que le mot n’a alors pas le même potentiel politique qu’aujourd’hui et qu’il s’agit de la terminologie en vigueur dans les discours politiques, scientifiques et quotidiens.
40 Histoire générale du jazz, op. cit., 1942 : 62-63.
41 Charles Braust, « L’Histoire générale du jazz par André Cœuroy », Pariser Zeitung, 8 août 1942 : 7.
42 Cœuroy cite d’ailleurs les compositeurs juifs Paul Dukas, Darius Milhaud, Jean Wiener, Erwin Schulhoff, Ernst Krenek et Kurt Weill, qu’il (ou l’éditeur) fait disparaître de l’index du livre. Les sympathies politiques de Cœuroy ne s’en situent pas moins à l’extrême droite de l’échiquier politique.
43 Figure marginale du milieu musicologique, Panassié produit, comme Charles Delaunay, des émissions de jazz à la Radiodiffusion nationale durant l’Occupation (Denis-Constant Martin, « Le jazz résiste », in Denis-Constant Martin et Olivier Roueff, La France du jazz. Musique, modernité et identité dans la première moitié du XXe siècle, Marseille, Éditions Parenthèses, 2002 : 69-76, ici 69).
44 Hugues Panassié, The Real Jazz, New York, Smith & Durrell, [1942] ; version française : La véritable musique de jazz, Paris, R. Laffont, 1946.
45 La musique de jazz…, op. cit., 1943 : 60.
46 Sur la figure du musicien de jazz noir dans le discours français notamment de l’après-guerre, voir Denis-Constant Martin, « La France, le “nègre” et la modernité », in D.-C. Martin et O. Roueff, La France du jazz, op. cit., 2002 : 9-21.
47 Lucien Rebatet, « La musique : jazz, hot, swing & co. », Je suis partout, 7 février 1942.
48 Paul Salleron, « Hugues Panassié, La musique de jazz et le swing », compte rendu, Chronique de Paris, n° 4 : 92. Ludovic Tournès soulève par ailleurs l’intéressant parallèle entre la recherche de Panassié de l’authenticité dans la musique « noire » et les discours d’authenticité et de décadence des folkloristes (même si nous ne pouvons souscrire entièrement à la conclusion que l’ouvrage s’inscrirait par conséquent dans le discours officiel pétainiste) : « Le jazz, un espace de liberté pour un phénomène culturel en voie d’identification », in M. Chimènes dir., La vie musicale sous Vichy, op. cit., 2001 : 313-332, ici 324-326. Voir aussi sur la pensée de Panassié : P. Gumplowicz, Les résonances de l’ombre …, op. cit., 2012 : 249-256 et 296-303.
49 Histoire générale du jazz, op. cit., 1942 : 213-214.
50 Claude Delvincourt à Adolphe Boschot, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, Institut de France, 26 juillet 1941, F-AN, AJ37 409.
51 Pour l’ensemble des citations : Bernard Champigneulle, Histoire de la musique, Paris, PUF, 1941 : 92-93, 101, 108, 117, 124.
52 Guy Ferchault, « Préface », in Henri Duparc, Une amitié mystique, révélée par ses lettres à Francis Jammes, à Charles de Bordeu et à sa filleule…, Paris, Mercure de France, 1944 : 26-27.
53 Edmond Buchet, Connaissance de la musique, nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Corrêa, 1942 [1940] : 11.
54 Comme me l’a fait remarquer Cécile Quesney, contrairement aux indications de catalogues de différentes bibliothèques il faut distinguer Landowski de la célèbre claveciniste juive Wanda Landowska, alors en exil aux États-Unis. W. L. Landowski, critique musicale et auteure d’ouvrages, s’appelait en réalité Alice-Wanda Landowski et aurait adopté les initiales de son père pour éviter la confusion avec la claveciniste (Baker’s Biographical Dictionary of Musicians, 5e édition, révisée par Nicolas Slonimsky, New York, G. Schirmer, 1958 : 905).
55 W. L. Landowski, Histoire de la musique moderne (1900-1940), Paris, Aubier, 1941 : 24. Cet ouvrage étonnant, qui se révèle aujourd’hui beaucoup plus perspicace sur les développements de la musique moderne que la plupart des autres études, transgresse de nombreuses normes : en organisant son propos par pays dans l’ordre alphabétique, Landowski pose un véritable défi à l’eurocentrisme et à la vision hégémonique de la musicologie établie contemporaine. L’ouvrage intègre par ailleurs les nouvelles technologies, la vie musicale, fait preuve d’une vision non téléologique de l’histoire, d’un intérêt pour les styles personnels plutôt que nationaux, et enfin il ne présente pas le nationalisme français habituel.
56 Louis Colonna-Cesari, « Histoire de la musique moderne », compte rendu, France, Revue littéraire et artistique, n° 8, février 1942 : 261-262.
57 Jean Boyer, Petite histoire de la musique allemande, Toulouse/Paris, Didier, 1943 : 94-95.
58 Y. Simon, « Les écrits sur la musique… », art. cité, 2003 : 108.
59 Les autres secteurs culturels, notamment le cinéma, observent également une certaine indépendance d’esprit vis-à-vis de la culture doctrinale allemande et de la censure. Voir H. Rousso, « Vichy… », art. cité, 1990 : 30 ; S. Corcy, La vie culturelle sous l’Occupation, op. cit., 2005 : 129.