1 Cette section se fonde en grande partie sur la pensée théorique et systématique qui anime la recherche en neurosciences d’Antonio Damasio. J’invite les lecteurs qui souhaiteraient en savoir plus sur l’analyse que je propose ici à consulter Damasio (1994, 1999, 2003) ainsi que Damasio et Meyer (2008). Au fil des années, j’ai également acquis quelques notions de base dans le domaine des recherches sur l’émotion et la cognition au cours de conversations avec les professeurs Antonio Damasio et Hanna Damasio. Je suis extrêmement reconnaissant envers Antonio Damasio pour ses conseils sur l’analyse que je propose ici. Je suis également redevable à deux éminents chercheurs en sciences cognitives, qui sont mes collègues à l’université de Berkeley, George Lakoff et Jerry Feldman, leurs conversations et leurs textes ayant également influencé ce chapitre. Je renvoie en particulier les lecteurs à l’analyse que George Lakoff propose dans Lakoff (2008). Il est bien entendu que je ne prétends pas avoir de compétences particulières en neurosciences ou dans les sciences cognitives. Si j’évoque des questions relevant de ces disciplines dans mon analyse, c’est pour faire le lien entre mon savoir sur la communication politique et sur les réseaux de la communication et le savoir qui existe aujourd’hui sur les processus du cerveau humain. Une telle perspective interdisciplinaire est nécessaire si l’on veut comprendre le rôle que joue l’action humaine sur le cerveau humain dans la construction des rapports de pouvoir, au lieu de se borner à le décrire. Si cette analyse contenait des erreurs, j’en serais naturellement seul responsable.
2 Cette section développe et remet à jour l’analyse que j’ai publiée en 2006 en collaboration avec Amelia Arsenault (Arsenault et Castells, 2006).
3 http://oversight.house.gov/IraqOnTheRecord/
4 Un sondage de Zogby International mené en février 2006 auprès des troupes américaines en poste en Irak a montré que 85 % de ces soldats pensaient qu’ils étaient là à cause de la mission américaine de « représailles suite au rôle joué par Saddam Hussein dans les attentats du 11 septembre ». De plus, 77 % d’entre eux étaient également convaincus qu’« empêcher Saddam Hussein de protéger Al-Qaïda était la principale raison de la guerre, ou du moins une de ces principales justifications ».
5 Les journalistes se conformèrent également à ce cadre patriotique. En 2002, Dan Rather, qui était alors présentateur des actualités et qui avait une longue carrière de reporter derrière lui, déclara à la BBC que les médias américains (y compris lui-même) avaient compromis les principes du journalisme lors des reportages sur le gouvernement Bush qui suivirent le 11 septembre de peur de ne pas paraître patriotiques. De même, se lamenta-t-il ainsi au cours d’une interview dans l’émission « Newsnight » : « D’une certaine façon, on aura peur de se retrouver coincé avec le pneu enflammé du manque de patriotisme autour du cou. C’est cette crainte qui empêche si souvent les journalistes de poser des questions vraiment difficiles et de se concentrer dessus. Je dois encore une fois humblement reconnaître que cette critique s’applique également à moi. »
6 Il ne s’agit pas, dans ce chapitre, d’analyser les causes et les conséquences de la guerre en Irak d’un point de vue social et politique. J’ai déjà proposé ma propre interprétation de cette guerre dans son contexte géopolitique dans d’autres textes (Castells, 2004b, 2007). Dans cette analyse, j’utilise l’étude de cas de la guerre d’Irak pour illustrer les outils conceptuels que je propose dans ce chapitre afin de comprendre le rapport entre le cadrage cognitif et la constitution du pouvoir.
7 La politique d’intégration des journalistes au sein d’unités de combat déployées sur le terrain est un des exemples les plus criants de la tentative de contrôle du cadrage de l’information par le gouvernement Bush.
8 Sheehan quitta le Mouvement pour la paix et le Parti démocrate le 27 mai 2007 en protestation contre la décision de la majorité des démocrates de voter pour continuer le financement de la guerre, contrairement à ce qu’ils avaient promis aux électeurs lors des élections du Congrès de novembre 2006. Elle justifia sa décision dans une déclaration écrite : « La première conclusion que j’en tire est que je n’ai été la coqueluche de ce qu’on appelle “la gauche” que tant que mes critiques ne se sont portées que sur George Bush et sur le Parti républicain. Bien sûr, j’ai été vilipendée et diffamée par la droite comme un “outil” du Parti démocrate. Cette étiquette était utilisée pour me marginaliser et pour marginaliser mon message. Comment une femme pourrait-elle penser de façon originale ou se situer en dehors des deux partis qui caractérisent notre système politique ? Toutefois, une fois que je me suis mise à évaluer le Parti démocrate à l’aune du Parti républicain, le soutien qu’avait rencontré ma cause auprès des démocrates commença à faiblir et la “gauche” se mit à me vilipender de la même façon que la droite l’avait fait. J’en conclus que personne ne m’avait écoutée quand j’avais dit que la question de la paix et des gens qui mouraient sans raison n’était pas une question de “droite” ou de “gauche”, mais de “bien et de mal”. »
9 Selon un sondage mené en 2007 par la CBS et le New York Times, c’est dans l’armée que 68 % des personnages interrogés avaient le plus confiance pour résoudre le problème de la guerre, alors que 5 % seulement plaçaient avant tout leur confiance en Bush et 21 % dans le Congrès américain (n =1035, +/-3 %). Une enquête menée en août 2007 par le Centre de recherches Pew pour le peuple et la presse montre que plus de la moitié des personnes interrogées (52 %) pensaient pouvoir avoir confiance dans les informations données par l’armée sur la guerre en Irak, alors que 42 % d’entre elles seulement pensaient pouvoir avoir confiance dans la presse (Pew Research, 2007b). En outre, cette tendance était encore plus prononcée chez les républicains, 76 % d’entre eux se déclarant très convaincus, ou assez convaincus, qu’ils pouvaient compter sur les informations que leur donnait l’armée (Pew Research, 2007b). La confiance que les Américains témoignaient à ces deux institutions avait cependant connu un déclin important depuis le début de la guerre, quand 85 % d’entre eux disant avoir confiance en l’armée et 81 %, avoir confiance dans la couverture médiatique de la guerre.
10 En avril 2008, l’armée américaine changea de politique, ce qui entraîna une augmentation du nombre de morts et de blessés américains, remettant en question la justification de la stratégie de « montée en puissance » [de Bush] ainsi que sa viabilité à long terme.